Conseil Conc., 24 avril 2001, n° 01-D-16
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées à l'occasion de la construction du tramway de Grenoble
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Biolley-Coornaert, par Mme Hagelsteen, présidente, MM Cortesse, Jenny, vice-présidents, Mmes Flüry-Herard, Mouillard, MM. Robin, Ripotot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre en date du 26 août 1996 enregistrée sous le n° F 898, par laquelle le Ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre à l'occasion des travaux de construction du tramway de Grenoble ; vu le livre IV du Code du commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; vu les observations présentées par les sociétés Saturg, Saturg 2000, Campenon-Bernard, (Entreprise Pascal), Entreprise Jean Lefèbvre, Semaly SA, Screg Sud-Est, Sogea, Alstom Entreprise, Cogifer, Cogifer TF, L'Entreprise Industrielle, Ingerop, Schneider Electric Industries SA, Schneider Electric SA ; vu les autres pièces du dossier ; le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Saturg, Saturg 2000, Campenon-Bernard, (Entreprise Pascal), Entreprise Jean Lefèbvre, Semaly SA, Screg Sud-est, Sogea, Alstom Entreprise, Cogifer, Cogifer TF, L'Entreprise Industrielle, Ingerop, Schneider Electric Industries SA, Schneider Electric SA entendus lors de la séance du 23 janvier 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I- CONSTATATIONS
A- Les différentes étapes de la construction du tramway de Grenoble et le marché concerné
Le réseau des transports en commun de l'agglomération de Grenoble couvre 23 communes, réunissant 366 000 habitants sur 213 kilomètres carrés. A la fin des années soixante-dix, le Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC) engage les premières études pour le développement d'un réseau de transport en site propre. En 1981, le principe de la construction d'un réseau de tramway est arrêté.
Sa construction a fait l'objet de trois phases :
1984-1987, ligne A (neuf kilomètres) : d'un montant de 1 282 millions de francs dont 250 millions de francs de matériel roulant, elle a été financée essentiellement par le SMTC, à hauteur de 69 %, et par l'État, pour 27 %. La construction de cette première ligne a fait l'objet de marchés de travaux publics, passés sous forme d'appels d'offres restreints au cours de la période 1984-1987 par le SMTC, chaque marché constituant un lot. Sur 45 marchés examinés (soit environ la moitié) lors de l'enquête administrative, il est apparu que 117 entreprises ont été retenues, pour la plupart en groupement (66 %) ;
1988-1990, ligne B (six kilomètres) : ce chantier a été réalisé dans le cadre d'une concession de travaux publics confiée par le SMTC à la société Saturg. Les travaux de construction se sont élevés au total à 780 millions de francs dont 160 millions de francs HT de matériel roulant. Ils ont été financés par le SMTC à hauteur de 47 %, par l'État pour 18 % et par le concessionnaire pour 29 % (cf. infra) ;
à partir de 1994, extension des lignes A vers la mairie d'Echirolles (3,4 km) et B en direction de ST Egrève (1,7 km) : Les travaux d'extension de la ligne A, d'un montant de 581,7 MF (valeur octobre 1993), ont été confiés à Saturg par un avenant n° 4, au contrat de concession signé le 1er juin 1992. D'abord concédés dans les mêmes conditions, les travaux d'extension de la ligne B ont été différés par les autorités locales issues du scrutin de 1995 ; en 2000, le contrat de concession de la ligne B a été dénoncé par le SMTC.
En l'espèce, le marché concerné est celui de la conception et de la construction de l'extension des lignes A et B du tramway de Grenoble, comprenant à la fois les études, le pilotage et la coordination des travaux, la construction des plates-formes, voiries et ouvrages d'art et leurs équipements (fourniture et pose de voies ferrées, feux de signalisation) et, enfin, le service d'aide à l'exploitation du service des transports et d'information des usagers.
B- Les intervenants
1. Le SMTC
Le SMTC est l'autorité organisatrice et décisionnelle de la politique des transports de l'agglomération de Grenoble. Créé en 1973, il regroupe 23 communes réunies au sein d'un SIVOM, dénommé Syndicat intercommunal d'études et de programmation pour l'aménagement de la région grenobloise (SIEPARG), et le département de l'Isère.
2. Saturg et Saturg 2000
La société Saturg (Société d'aménagement des transports urbains de la région grenobloise), au capital de 250 000 F, a été constituée par des apports issus de quatorze sociétés de dimension nationale et internationale qui relèvent de trois catégories :
- la première réunit cinq entreprises du secteur des bâtiments et travaux publics réalisant généralement des travaux de gros œuvre : il s'agit des sociétés Campenon-Bernard, Pascal, Sogea, Entreprise Jean Lefèbvre, Screg Sud-est ;
- la deuxième rassemble sept entreprises plus particulièrement spécialisées dans les travaux d'équipements industriels : CGEE Alsthom, Merlin Gérin, CGA-HBS, Cogifer, Cogifer-Siferdec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles ;
- enfin, la troisième, est composée de deux entreprises qui sont des bureaux d'études et d'ingénierie : les sociétés Metram et OCCR-Inter G.
Ces entreprises ont été les mandataires des groupements ayant obtenu des lots les plus importants lors de la construction de la ligne A.
Selon l'article 2 de ses statuts, la société Saturg a pour objet principal :
" La construction, l'entretien et l'exploitation des ouvrages de la deuxième ligne du tramway de Grenoble y compris les installations annexes utilisées pour le service des usagers.
Toutes extensions et opérations de même nature que la société se verra confier par voie de concession ou de contrat ".
Saturg ne dispose pas de moyens matériels et humains propres. Elle bénéficie à titre gratuit d'un local et de travaux de secrétariat et de comptabilité de la société Studelec.
L'existence de la société Saturg trouve sa justification, selon son président, M. Yves Périllat, dans " la nécessité de l'existence d'une personne morale spécifique ayant la capacité de contracter " intuitu personae " dans le cadre d'un traité de concession et qui permet d'isoler comptablement les opérations de concession ".
La société Saturg 2000, créée en septembre 1992, est une société anonyme au capital de 10 millions de francs. Cette société s'est substituée à Saturg en novembre 1992 pour réaliser la construction de l'extension du réseau de tramways. Son objet, comme son mode de fonctionnement, sont identiques à ceux de Saturg.
La société Saturg 2000 est composée de treize des quatorze actionnaires de Saturg. La société Merlin Gérin a en effet quitté le groupement avant la constitution de cette société.
3. La Société d'économie mixte des transports de l'agglomération grenobloise (SEMITAG)
La SEMITAG, dont le capital est détenu à 65 % par le SMTC, exploite depuis le 1er janvier 1975, dans le cadre d'une convention d'affermage signée avec ce syndicat, l'ensemble du réseau des transports publics de voyageurs de l'agglomération grenobloise. Elle est également chargée d'exploiter les infrastructures du réseau de tramways mis en place par la société concessionnaire Saturg. La SEMITAG a signé le 23 septembre 1988 avec cette dernière une convention qui lui confère l'utilisation des terrains, ouvrages, installations et matériels en contrepartie du paiement d'une redevance annuelle. Ce dispositif a été modifié à la suite des observations formulées par la chambre régionale des comptes en septembre 1993.
C.- L'exemple de la construction du métro bus de Rouen et du tramway de Strasbourg
L'enquête a relevé que la construction de ces deux ouvrages a été confiée à des groupements qui ont pour caractéristique de réunir, s'agissant des travaux de génie civil, à la fois des entreprises nationales et locales et, s'agissant des travaux de voies, signalisation, système d'exploitation, les mêmes entreprises de dimension nationales et internationales que celles retenues pour la construction du tramway de Grenoble. En outre, ces travaux ont fait l'objet, à Rouen, d'une concession, mais après mise en concurrence et, à Strasbourg, ils ont été confiés à la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS), qui exploite les transports en commun de cette agglomération. Cependant, la CTS a passé des appels d'offres pour la réalisation des travaux.
D.- Les pratiques relevées
1. La constitution d'un groupement de sociétés en vue de l'obtention de la construction de la ligne B et des travaux d'extension des lignes A et B du tramway de Grenoble
1.1. La constitution du groupement d'entreprises et l'obtention des travaux de la ligne B par celui-ci
Par délibération du 22 septembre 1986, le comité syndical du SMTC a approuvé le principe de la construction de la deuxième ligne du tramway.
Dès la fin de l'année 1986, la construction de la première ligne (ligne A) étant encore en cours, une dizaine d'entreprises participant à ces travaux, réalisés dans le cadre de marchés publics passés sous forme d'appels d'offres restreints, entreprennent une réflexion en vue de réaliser les travaux de la deuxième ligne du tramway.
Onze entreprises regroupées en trois cellules spécialisées, intitulées groupements, constituent un groupe de réflexion, dont l'objet et les modalités de fonctionnement sont établis dans une convention datée du 29 janvier 1987.
En introduction, celle-ci précise : " Les entreprises signataires (ci-après les Parties) réalisent, par lots séparés, la première tranche de la ligne de tramway de l'agglomération grenobloise pour le compte du syndicat mixte des Transports en commun de l'Agglomération Grenobloise (ci-après SMTC).
SMTC envisage à l'heure actuelle une extension (ci-après le " Projet ") de ladite ligne dont les conditions de réalisations seront différentes (...) ".
Son objet est défini dans un article 1 qui dispose : " les Parties décidées à réaliser ensemble le Projet, créent par les présentes un groupe de réflexion pour étudier les conditions auxquelles elles pourraient proposer ensemble, et chacune pour le type de prestations fournies lors de la première tranche, le Projet (l'extension de la ligne) et, spécialement, le montage financier qu'elles pourraient proposer à SMTC ou tout autre donneur d'ordre (ci-après l'Autorité Compétente) " .
Les trois groupements sont :
- le groupement " Infrastructures ", composé des sociétés Campenon-Bernard (direction régionale Rhône- Alpes), Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre (centre de Grenoble), Sogea (Rhône-Alpes), Screg Sud-est (agence de Grenoble) ;
- le groupement " Équipements ", qui rassemble les entreprises CGEE-Alsthom-direction régionale Lyon, Merlin Gérin, CGA-HBS, Cogifer, De Dietrich et Cie ;
- le groupement " Matériel roulant ", représenté par Alsthom (division matériel roulant).
Une clause d'exclusivité est prévue (article 5), selon laquelle : " les Parties s'engagent à ne participer à aucun autre groupe ou cellule de réflexion quelle qu'en soit la forme, ayant pour objet le Projet, et à répondre ensemble à la consultation lancée pour la réalisation dudit Projet, sans pouvoir s'intéresser ni directement ni indirectement, notamment par le biais d'une filiale, à aucune autre structure, de quelque nature qu'elle soit, concernant le Projet (...) ".
Le 8 décembre 1987, un " protocole d'accord préliminaire " annule et remplace la convention du 29 janvier 1987, à laquelle ont adhéré quatre nouvelles sociétés le 1er décembre 1987, ainsi que le précise son préambule. Ce nouveau protocole est signé par quinze sociétés regroupées en quatre groupements. Aux entreprises signataires du précédent protocole, se sont jointes :
- les sociétés Spie Batignolles, L'Entreprise Industrielle, en tant que membres du groupement " Équipements " ;
- les sociétés Studelec Ingénierie (agence OCCR Inter G de Grenoble) et Metram, qui créent un quatrième groupement intitulé " Ingénierie ".
L'objet de ce protocole est identique à celui de la convention du 29 janvier 1987 (article 1er) ; la clause d'exclusivité réciproque est également reprise de la précédente convention (article 3).
Un " schéma général d'organisation et de déroulement de l'affaire " (article 4) est introduit. Il prévoit :
- la constitution d'une société recevant du SMTC la concession de la construction, de l'entretien et de l'extension de la ligne de tramway, confiant aux groupements des sociétés soussignées, chacun dans sa spécialité, l'exécution des travaux et prestations nécessaires à la réalisation de la ligne de tramway ;
- le maintien de la société concessionnaire en vue de l'attribution éventuelle d'autres lignes de tramway ;
- la répartition du capital de la société concessionnaire égale au pourcentage du montant des travaux et prestations que chaque groupement réalisera au titre de l'extension de la ligne de tramway. Cette répartition est provisoirement arrêtée de la façon suivante :
" - sociétés du groupement Infrastructures : 41 %
sociétés du groupement Équipement : 19 %
sociétés du groupement Matériel : 32 %
sociétés du groupement Ingénierie : 8 % ".
En outre, du 16 décembre 1987 au 9 septembre 1988, des réunions ont lieu où sont associés les chefs de file du " groupe de réflexion " mis en place le 8 décembre 1987, des membres du SMTC et de la SEMITAG. Au début de l'année 1988, la construction de la ligne B du tramway est examinée par les participants, exclusivement dans le cadre d'un contrat de concession. Certaines difficultés sont identifiées mais l'objectif est de " les régler et, dans ce cas, de persévérer en montrant que le système Concession est le meilleur, en particulier au niveau des délais et des prix ".
Le 31 mai 1988, M. Névache, secrétaire général du SMTC, informe les participants que le principe de la concession de travaux publics a été arrêté par le SMTC.
Un protocole d'accord est signé le 16 juin 1988 entre le SMTC et les membres du groupe de réflexion qui ont constitué la société Saturg. Ce document, rappelle en introduction qu'" A la suite de la concertation engagée avec les entreprises précitées, le SMTC envisage de confier à la société Saturg une mission de construction de cette deuxième ligne sous forme de concession de Travaux Publics ". Par délibération du 11 juillet 1988, le comité syndical du SMTC adopte la formule du " marché de travaux publics en forme concessive " pour la construction de la deuxième ligne de tramway. Par une convention de concession du 23 septembre 1988, le SMTC confie à la société Saturg (article 1er) " la réalisation, l'entretien, et l'exploitation des ouvrages infrastructures et installations nécessités par la création d'une deuxième ligne de tramway (ligne B) ".
Il est entendu par " exploitation " le renouvellement et l'entretien des équipements construits par la Saturg et non l'exploitation du service de transports des voyageurs, qui est confié à la SEMITAG.
1.2. L'obtention des travaux d'extension des ligne A et B par Saturg puis Saturg 2000
Lors de la réunion du 12 juillet 1990 du comité syndical du SMTC, son président, M. Descours, a déclaré : " le SMTC envisage de procéder à l'extension du réseau tramway, dans le cadre de sa politique de développement et d'amélioration de la qualité de l'ensemble du réseau de transport en commun. A cet effet, il a demandé à l'Agence d'urbanisme d'affiner l'étude réalisée en 1986. Cette nouvelle étude a fait l'objet d'un dossier de synthèse relatif aux projets d'extension du réseau Tramway, examiné dans le cadre de la commission perspective du SMTC le 15 mars 1990. Compte tenu de la compétence acquise par Saturg à l'occasion de la réalisation de la deuxième ligne, du respect des objectifs qui lui ont été confiés, et de la qualité de ses prestations, j'invite votre assemblée à lui proposer de lui attribuer, par voie de concession, l'extension du réseau. A cette fin, il conviendrait de demander à Saturg de remettre au SMTC une proposition d'avenant à la convention de concession. Cette proposition devra être établie sur la base du dossier de synthèse ci-dessus ... (elle) devra être déposée au plus tard le 1er janvier 1991 ... " ; après en avoir délibéré, le comité syndical a décidé de " demander à Saturg une proposition de concession portant sur l'extension du réseau du tramway dans les conditions définies ci-dessus ".
Un protocole d'accord préliminaire est signé par l'ensemble des membres de Saturg le 16 juillet 1990. Il reprend le même dispositif que le protocole signé entre les mêmes entreprises le 8 décembre 1987.
En effet :
- son objet (article 1er) est de " définir les conditions d'étude, d'obtention et d'exécution éventuelle en commun, chaque société pour le type de prestations fournies lors de la deuxième ligne, des travaux d'extension de réseau de tramway de l'agglomération grenobloise pour le compte du SMTC. " ;
- la clause d'exclusivité réciproque est reconduite (article 2) . Les sociétés " s'engagent en effet à ne poursuivre (...), directement ou indirectement, notamment par le biais d'une filiale, l'étude et l'obtention de l'affaire " ;
- il prévoit que la part de chaque groupement dans le capital de la société concessionnaire sera égale au pourcentage du montant des travaux et prestations que chaque groupement réalisera ; elle est fixée provisoirement de la manière suivante : " Infrastructure " 56 %, " Équipement " 34 % et " Ingénierie " 10 % ;
- la durée de la validité du protocole est fixée par l'article 8 qui prévoit qu'il prendra fin :
* " en cas d'attribution de la concession lors de la signature de la totalité des accords définitifs prévus à l'article 3.3 ci-dessus ". Ce dernier dispose : " les accords définitifs tels que protocoles, conventions, actes de société, marchés ... nécessaires à la réalisation du schéma arrêté au 3.1 ci-dessus devront être établis et signés au plus tard à la date de signature de la concession (...).
* " en cas d'insuccès, si la concession n'était pas attribuée aux entreprises soussignées, lorsque les obligations du présent protocole qui les tient auraient été intégralement exécutées ;
* Au plus tard, le 30 juin 1991, si à cette date, le SMTC n'a pas encore pris position, sauf accord unanime des entreprises soussignées pour le reconduire ".
Le 23 janvier 1991, le comité de direction de Saturg (Codir n° 10) constate que les instances du SMTC ne se sont pas prononcées sur les orientations des extensions du tramway.
Toutefois, les discussions entre le SMTC et la Saturg se prolongent, notamment en ce qui concerne les éléments financiers du projet.
La réunion du Codir n° 16 du 24 juin 1991 met en évidence qu'en vue du dépôt de la proposition définitive de Saturg le 28 juin 1991 au SMTC, le coût des travaux est arrêté à 570 MF. Toutefois, ce montant est assorti d'une marge d'incertitudes de 30 MF pour les études.
Par ailleurs, Saturg doit résoudre, pour l'élaboration du nouvel avenant au contrat de concession, certaines difficultés juridiques mises en évidence par le Service de la législation fiscale qui a considéré que la construction de la ligne B n'était pas une concession mais un marché de travaux.
Le 14 octobre 1991, le bureau du SMTC se réunit spécialement pour se prononcer sur le cadrage juridique de l'extension du réseau de tramway en présence de membres de la société Saturg. A l'issue de cette réunion, le bureau du SMTC a conclu qu'il " n'est pas opposé au montage proposé sous réserve que le montage reçoive un avis favorable après consultation préalable : de la Préfecture (contrôle de légalité), du service de la législation fiscale (SLF) (fiscalité) ", ainsi que cela ressort du compte rendu du Codir n° 20 de Saturg.
Le projet d'avenant au contrat de concession est finalement soumis au bureau du SMTC le 6 janvier 1992. Le montant des travaux proposé, 584,2 MF, a été ramené, après rabais de 2,5 %, à 570 MF. Par ailleurs, M. Bonneau présente le projet de Saturg et précise que l'estimation des coûts d'investissements a été faite à partir des bordereaux de prix des marchés 1ère et 2ème ligne actualisés. D'une manière générale les coûts et quantités pris en compte ont été évalués par analogie avec ceux des deux premières lignes.
Ce projet reçoit l'accord du bureau du SMTC qui, tout en sollicitant un engagement financier plus important de Saturg, le soumet le jour même au comité syndical. Celui-ci retient l'offre de Saturg.
Dès le 21 février 1992 le conseil de direction de la société Saturg fixe le capital de la future société concessionnaire des travaux d'extension des lignes A et B à 10 MF. " Saturg 2000 " est ainsi créée.
Les entreprises membres de la société Saturg 2000 sont, à l'exception de l'entreprise Merlin Gérin qui s'est retirée du groupement, les mêmes que celles de la société Saturg, certaines entreprises étant remplacées par leurs filiales ou des filiales de groupes d'entreprises par d'autres filiales. Ainsi, la société CGEE-Alsthom, qui a changé de dénomination, devient Cegelec ; aux sociétés Compagnie générale d'installations ferroviaires-Cogifer et Signalisation ferroviaire De Dietrich-Cogifer-Siferdec, sont substituées les sociétés Dehe Cogifer TP et Siferdec, du même groupe Cogifer. Leur part dans le capital est identique.
Seule s'est retirée l'entreprise Merlin Gérin.
Le 1er juin 1992, le SMTC signe l'avenant n° 4 au contrat de concession qui confie à Saturg la construction des extensions des lignes de tramway A et B. Le coût des travaux retenu est de 570 MF (valeur mai 1991).
Dès le 2 juillet 1992, le président de Saturg 2000 adresse au SMTC une demande d'autorisation de cession à titre gratuit de la concession des extensions à la société Saturg 2000. L'avenant de transfert à Saturg 2000 est signé le 13 novembre 1992, les statuts de la société Saturg 2000 ayant été déposés au tribunal de commerce le 1er septembre 1992.
Par ailleurs, en septembre 1993, la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, après examen des conditions juridiques et financières de la réalisation des deuxième et troisième lignes de tramway de Grenoble, sollicite du SMTC plusieurs modifications du montage financier des travaux : elle estime que le montage juridique et financier retenu entraîne des surcoûts pour la collectivité. En effet, la société Saturg, puis la société Saturg 2000, n'assument ni les charges, ni les risques du financement et de l'exploitation, ainsi que cela ressort du rapport de la Cour des comptes 1994.
Par délibération du 28 février 1994, le comité syndical adopte l'avenant n° 1 au contrat de concession avec la société Saturg 2000. Il porte :
- d'une part, sur le programme de base de réalisation des extensions des lignes A et B de tramway : ce marché, d'un montant de 547 MF valeur mai 1991 (après un nouveau rabais de 4 %), a été actualisé à 581,7 MF (+ 6,3 % sur deux ans et cinq mois) à la suite de la présentation par Saturg 2000 au début du mois de février de l'avant- projet détaillé des travaux d'extension (valeur octobre 1993) ;
- d'autre part, sur la prise en compte des améliorations juridiques et financières sollicitées par la chambre régionale des comptes.
2. La construction de la ligne B et de l'extension des lignes A et B par Saturg, puis Saturg 2000
La construction de la ligne B de tramway par Saturg, puis des extensions des lignes A et B par Saturg 2000, est fondée sur un double niveau de répartition des travaux :
- en premier lieu, Saturg et Saturg 2000 confient l'exécution des travaux à des groupements momentanés d'entreprises conjointes (GMEC 14 ligne B, GMEC 13 extension des lignes A et B), répartissant entre trois sous-groupements l'ensemble des travaux ;
- en second lieu, ces trois sous-groupements, qui correspondent aux trois catégories d'entreprises représentés dans Saturg, puis Saturg 2000, répartissent entre leurs membres la part de travaux qui leur est dévolue.
Ces répartitions sont conformes aux dispositions prévues par les protocoles qu'ils ont signés : protocole du 29 janvier 1987 pour la ligne B et du 16 juillet 1990 pour l'extension des lignes A et B.
Avant d'engager les travaux d'extension des lignes A et B, Saturg 2000 doit préalablement réaliser l'avant- projet détaillé des travaux. Elle signe alors, le 3 mars 1993, un marché de travaux avec ses membres pour un prix global de 570 millions de francs HT, valeur mai 1991. Ce marché est divisé en trois lots, chaque lot correspondant à chaque groupement précité.
L'avant-projet détaillé est approuvé par le SMTC en février 1994. Saturg démarre la construction de l'extension des lignes A et B de tramway dès le mois de mars.
Le 17 mars 1994, Saturg 2000 confie à un groupement momentané de sous-groupements conjoints, chacun constitué d'entreprises solidaires, la construction et l'équipement des ouvrages et installations de l'extension du réseau de tramway de Grenoble. Ce groupement regroupe les treize entreprises constituant Saturg 2000. Comme pour la construction de la deuxième ligne, cette convention a pour objet de définir les conditions dans lesquelles les membres collaborent pour l'exécution du marché. Les dispositions retenues sont identiques à celles de la 2ème ligne.
Le jour même, le président de Saturg 2000 invite les membres du groupement à démarrer la réalisation des travaux d'extension du réseau de tramway, selon le montant et la répartition des travaux par groupement suivants :
- le groupement " Infrastructures " obtient 56,5 % des travaux, soit 328,7 MF HT ;
- le groupement " Équipements " obtient 30,2 % des travaux, soit 175,8 MF HT ;
- le groupement " Ingénierie " obtient 13,2 % des travaux, soit 77,2 MF HT.
Le montant de travaux affecté à chaque groupement est très proche de leur part de capital dans Saturg 2000, qui s'établit à :
- groupement " Infrastructures " : 56 % ;
- groupement " Équipements " : 34 % ;
- groupement " Ingénierie " : 10 %.
Il apparaît ainsi que le groupement " Équipements " est légèrement désavantagé puisque, pour une part de capital de 33,5 % il obtient 30,2 % des travaux, alors que le groupement " Ingénierie " est bénéficiaire, sa part de travaux étant de 13,2 % pour un capital détenu de 10,5 %.
La date d'achèvement des travaux est fixée au 15 avril 1997.
Par ailleurs, par des protocoles séparés, passés en 1993 et 1994, les membres de chacun des trois groupements, " Infrastructures ", " Équipement " et " Ingénierie ", fixent les bases de leur collaboration pour la réalisation des travaux d'extension des deux premières lignes de tramway, en précisant notamment la répartition des travaux entre eux.
Enfin, un document intitulé " convention de coopération " entre Saturg 2000 et les entreprises locales, portant la mention " première mouture " a été communiqué par l'Entreprise Jean Lefèbvre aux enquêteurs : il prévoit notamment que Saturg 2000 s'engage (article 1er) à imposer aux entreprises membres des groupements qui la composent, de sous-traiter 30 % des travaux de la troisième ligne aux entreprises locales, " retenues d'office " dans la mesure où elles ont toutes déjà participé à la construction des deux premières lignes de tramway en qualité d'entreprises co-traitantes pour la 1ère tranche et en qualité d'entreprises sous-traitantes pour la 2ème tranche. Une liste de 21 entreprises réparties en trois groupes figure sur le document.
Ce document n'est cependant pas signé. Aucun autre document de même nature n'a été recueilli par les enquêteurs.
B- Les griefs retenus
Sur la base des constatations rapportées ci-dessus, et en application des dispositions de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors en vigueur, les griefs suivants ont été notifiés sur le fondement de l'article 7 de ladite ordonnance :
Grief n° 1 : il a été fait grief aux sociétés, Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, membres du groupement " Infrastructures ", Cegelec, Merlin Gérin, CGA-HBS, Cogifer, Siferdec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, membres du groupement " Équipements ", Metram, OCCR Inter G, membres du groupement " Ingénierie ", signataires du protocole du 16 juillet 1990 qui n'a pas pris fin avant l'élaboration des accords et conventions nécessaires à la réalisation des travaux d'extension des lignes A et B, c'est-à-dire postérieurement à la date de signature de l'avenant au contrat de concession du 1er juin 1992, d'avoir faussé le jeu de la concurrence sur le marché de la construction de l'extension des lignes A et B du tramway de Grenoble en se répartissant, par le biais de ce protocole, préalablement à toute estimation des travaux :
- d'une part, les mêmes prestations que celles réalisées lors de la construction de la ligne B (article 1) ;
- d'autre part, entre chaque groupement, un volume de travaux fondé sur la part de capital détenue par ceux-ci dans la société Saturg (article 3.2).
De telles clauses sont contraires à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
Grief n° 2 - Il a été fait grief aux sociétés Campenom-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, constituant le groupement " Infrastructures ", d'avoir mis en œuvre l'article 1er du protocole du 16 juillet 1990, par le biais de la " convention de groupement momentané d'entreprises solidaires ", signée le 28 janvier 1993 et complétée le 17 mars 1994. Cette convention a attribué pour les travaux d'extension des lignes A et B, à chacun des membres du groupement, les mêmes prestations que celles qu'ils avaient réalisées lors de la construction de la ligne B. Elle a donc eu pour objet et a eu pour effet de répartir artificiellement le lot " infrastructures " entre les membres du groupement. Elle est par suite contraire à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
Grief n° 3 - Il a été fait grief aux sociétés Cegelec, CGA-HBS, Dehe-Cogifer TP, Cogifer-Sicatelec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, constituant le groupement " Équipements ", d'avoir mis en œuvre l'article 1er du protocole du 16 juillet 1990, par le biais du protocole du 17 février 1993, qui définit dans son annexe 1 la répartition des travaux d'extension des lignes A et B entre les membres du groupement. Ce protocole a eu pour objet et a eu pour effet d'attribuer artificiellement aux membres du groupement, pour les travaux d'extension des lignes A et B, les mêmes prestations que celles qu'ils avaient réalisées lors de la construction de la ligne B. Il est donc contraire à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
Grief n° 4 - Il a été fait grief aux sociétés Saturg 2000, Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, Cegelec, CGA-HBS, Dehe-Cogifer TP, Cogifer-Sicatelec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, Metram, OCCR-Inter G, d'avoir mis en œuvre les dispositions de l'article 3.2 du protocole du 16 juillet 1990, par le biais du marché de travaux signé le 3 mars 1993 et de l'avenant n° 1 à ce marché du 17 mars 1994. Cette convention est donc contraire à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
Grief n° 5 : Il a été fait grief à la société Saturg et à ses membres NC Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, CGE Alsthom, Merlin Gérin, CGA-HBS, Compagnie générale d'installations ferroviaires-Cogifer, Signalisation ferroviaire De Dietrich-Cogifer-Siferdec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, Metram, OCCR Inter G) et à la société Saturg 2000 et ses membres (SNC Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, Cegelec, CGA-HBS, Dehe-Cogifer TP, Siferdec, Metram, OCCR Inter G) d'avoir constitué une entente de nature à empêcher l'accès au marché de la construction de l'extension des lignes A et B du tramway de Grenoble à tout groupement pouvant offrir toutes les prestations requises pour la réalisation de ce type d'ouvrage, en regroupant un nombre important de sociétés de dimension nationale, alors que la réalisation des travaux d'extension des lignes A et B ne comportait pas d'exigences techniques nécessitant un tel regroupement d'entreprises, et en regroupant toutes les entreprises susceptibles de réaliser les prestations d'équipements nécessaires à la réalisation de ce type d'ouvrage.
Une telle pratique est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
Grief n° 6 : Il a été fait grief, à la société Saturg et aux sociétés qui la composent (SNC Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, CGE Alsthom, Merlin Gérin, CGA-HBS, Compagnie générale d'installations ferroviaires-Cogifer, Signalisation ferroviaire De Dietrich-Cogifer-Siferdec, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, Metram, OCCR Inter G) et, à la société Saturg 2000 et aux sociétés qui la composent (SNC Campenon-Bernard, Pascal, Entreprise Jean Lefèbvre, Sogea, Screg Sud-est, L'Entreprise Industrielle, Spie Batignolles, Cegelec, CGA-HBS, Dehe-Cogifer TP, Siferdec, Metram, OCCR Inter G) de s'être concertées pour établir le chiffrage des travaux d'extension des lignes A et B sur la base des prix du marché du BTP de l'année 1988, année où ces derniers étaient plus élevés qu'en 1991, période à laquelle le chiffrage a été réalisé. Une telle pratique a eu pour objet et a pu avoir pour effet d'augmenter artificiellement le prix des travaux en cause. Elle est donc contraire à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable.
II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle une collectivité publique, d'une part, décide de recourir à une concession pour la réalisation d'un équipement collectif et, d'autre part, choisit les entreprises auxquelles elle confie cette concession, n'est pas un acte de production, de distribution ou de services relevant de la compétence du Conseil de la concurrence; qu'en revanche, des concertations entre entreprises en vue de répondre à une demande d'un maître d'ouvrage relative à la réalisation de travaux peuvent constituer des pratiques détachables de la décision administrative d'attribution et sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions du livre IV du Code de commerce;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 462-7 du Code de commerce : " Le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction " ; qu'en l'espèce, le premier acte interruptif de prescription est constitué par un procès-verbal en date du 7 mars 1995 ; que, sauf à démontrer l'existence d'une pratique continue, démonstration qui n'a pas été faite, les faits antérieurs au 7 mars 1992 sont prescrits ;
Considérant, en troisième lieu, que le contrat de concession, qui se définit comme le contrat par lequel une personne physique ou morale s'engage à construire et à exploiter un ouvrage en contrepartie d'une rémunération substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service, est, à la différence du marché de travaux publics, un contrat conclu de gré à gré, librement négocié par la collectivité publique avec la personne physique ou morale de son choix ; qu'avant l'intervention de la loi du 29 janvier 1993, la procédure d'attribution d'un tel contrat n'était soumise à aucune publicité préalable ; que, si, depuis cette loi, elle y est soumise, les offres demeurent néanmoins librement négociées de gré à gré avec les entreprises ;
Considérant que, par une délibération du 11 juillet 1988, le comité syndical du SMTC a adopté la procédure de la concession pour la construction de la deuxième ligne de tramway, dite ligne B, et en a confié, par une convention signée le 23 septembre 1988, la réalisation, l'entretien et l'exploitation, à la société Saturg, qui regroupait quatorze entreprises ;
Considérant que, lors de la réunion du 12 juillet 1990 du comité syndical du SMTC, son président, M. Descours, a déclaré " le SMTC envisage de procéder à l'extension du réseau tramway, dans le cadre de sa politique de développement et d'amélioration de la qualité de l'ensemble du réseau de transport en commun. A cet effet, il a demandé à l'Agence d'Urbanisme d'affiner l'étude réalisée en 1986 ; que cette nouvelle étude a fait l'objet d'un dossier de synthèse relatif aux projets d'extension du réseau Tramway, examiné dans le cadre de la commission perspective du SMTC le 15 mars 1990 ; que compte tenu de la compétence acquise par Saturg à l'occasion de la réalisation de la deuxième ligne, du respect des objectifs qui lui ont été confiés et de la qualité de ses prestations, j'invite votre assemblée à lui proposer de lui attribuer, par voie de concession, l'extension du réseau. A cette fin, il conviendrait de demander à Saturg de remettre au SMTC une proposition d'avenant à la convention de concession. Cette proposition devra être établie sur la base du dossier de synthèse ci-dessus ... (elle) devra être déposée au plus tard le 1er janvier 1991 ... " ; qu'après en avoir délibéré, le comité syndical a décidé de " demander à Saturg une proposition de concession portant sur l'extension du réseau de tramway dans les conditions définies ci-dessus " ; que c'est en vue de répondre à cette demande du syndicat qui lui était spécialement adressée que les associés de la société Saturg ont signé le protocole en date du 16 juillet 1990, dont l'objet est de " définir les conditions d'étude, d'obtention et d'exécution éventuelle en commun, chaque société pour le type de prestations fournies lors de la deuxième ligne, des travaux d'extension du réseau tramway de l'agglomération grenobloise pour le compte du SMTC " ; qu'à l'issue des négociations financières, techniques et administratives entre la SMTC et la société Saturg, le comité syndical du SMTC a adopté, le 6 janvier 1992, une délibération retenant l'offre présentée par la Saturg pour un prix global fixé à 570 MF HT (valeur 05/91) ; qu'enfin, le 1er juin 1992, a été signé l'avenant n° 4 au contrat de concession, par lequel le SMTC confie à la société Saturg la construction des extensions des lignes de tramway A et B ;
Considérant ainsi, d'une part, que les concertations intervenues entre les associés de la société Saturg, après le 12 juillet 1990, et qui avaient pour objet de répondre à la demande précise du SMTC qui lui avait été adressée en vue d'élaborer une proposition de concession de travaux pour l'extension du réseau du tramway, ne sauraient être qualifiées de pratiques anticoncurrentielles ; qu'il en est ainsi notamment du protocole d'accord signé le 16 juillet 1990 qui se borne à définir les conditions de coopération des entreprises membres du groupement ; que d'autre part, à la date du 6 janvier 1992, le SMTC a choisi de retenir la société Saturg comme concessionnaire des travaux d'extension du réseau de tramway de l'agglomération grenobloise ; que ce choix a été délibérément exercé par la collectivité en considération de la qualité des associés de cette société, de la garantie que présentait l'expérience qu'ils avaient acquise en construisant les lignes A et B et de la capacité qu'ils avaient démontrée de mener à bien et dans les délais requis les différents travaux permettant la réalisation de l'équipement projeté ; qu'à la même date, le prix global de l'opération a été fixé à 570 MF HT (valeur 05/91) et accepté par le SMTC ; qu'ainsi, ni le protocole du 16 juillet 1990, à supposer qu'il ait continué à être mis en œuvre après le 7 mars 1992, c'est-à-dire en période non prescrite, ni les différents accords et protocoles conclus, en 1993 et 1994 après la signature de la convention, par les entreprises associées de la société Saturg, pour fixer les bases de leur collaboration et répartir entre elles les différents travaux à réaliser, ne peuvent justifier qu'un grief d'entente prohibée, en vue de se répartir des marchés ou de fixer artificiellement des prix, soit retenu à l'encontre des entreprises mises en cause ;
Considérant en dernier lieu, que le fait de constituer, en vue d'élaborer une offre avant toute sollicitation de la part de l'autorité concédante, un groupement réunissant la totalité ou la très grande majorité des offreurs potentiellement actifs sur le marché, pourrait être constitutif d'une entente anticoncurrentielle, s'il était établi que la constitution de ce groupement avait mis l'autorité concédante dans l'impossibilité de solliciter des propositions alternatives; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué que le SMTC aurait souhaité s'adresser à un ou plusieurs autres groupements d'entreprises et qu'il en aurait été empêché par la concentration des entreprises compétentes au sein de la société Saturg ; qu'il aurait été d'ailleurs loisible au SMTC de renoncer à recourir au procédé de la concession et de lancer des appels d'offres portant sur les travaux et les équipements nécessaires à la réalisation de ses projets ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucune pratique anticoncurrentielle commise en période non prescrite et ayant fait l'objet d'un grief notifié n'ayant été établie, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce,
Décide
Article unique : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.