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Décisions

Conseil Conc., 19 avril 2001, n° 01-D-13

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs dans le département du Pas-de-Calais

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Bresse, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Flüry-Herard, MM. Nasse, Robin, membres.

Conseil Conc. n° 01-D-13

19 avril 2001

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 9 décembre 1997 sous le numéro F 998, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs dans le département du Pas-de-Calais ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 1er décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Autocars Finand Parmentier, Bajus Transports, ID Voyages, Lebas et Laridant, les Autobus Artésiens, les Cars Express, les Courriers Automobiles Picards (CAP), des transports Gilles Delambre, ST 2L Westeel Voyages, Transports J. Benoît, Voyages Baudart et Voyages Rose ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Autocars Finand Parmentier, Bajus Transports, ID Voyages, Lebas et Laridant, les Autobus Artésiens, les Cars Express, les Courriers Automobiles Picards (CAP), des transports Gilles Delambre, ST 2L Westeel Voyages, Transports J. Benoît, Voyages Baudart et Voyages Rose entendus au cours de la séance du 31 janvier 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Les marchés passés en 1994 et 1995 par le conseil général du Pas-de-Calais et la commune d'Hénin Beaumont, ainsi que les entreprises candidates

Les règles régissant le secteur du transport routier de voyageurs ont été considérablement modifiées par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs dite loi " Loti " et par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dite loi " Sapin ".

La loi du 30 décembre 1982 a notamment mis fin au caractère " patrimonial " des lignes régulières de transport de voyageurs, lesquelles, lorsqu'elles ne sont pas gérées en régie par les collectivités publiques, doivent faire l'objet de conventions à durée déterminée signées avec l'autorité compétente.

L'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 a modifié les règles d'attribution des lignes de transport routier, en précisant les conditions de mise en concurrence des candidats aux délégations de service public.

Les marchés en cause s'inscrivent dans ce nouveau contexte.

1. Le marché passé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation de lignes régulières de transport de personnes

a) Principales caractéristiques et procédure de passation

Le marché avait pour objet d'assurer pour une durée de deux ans et demi certaines lignes régulières et le doublage de lignes régulières. Il était découpé en dix lots, à savoir :

- lot 1 : Hebuterne/Arras (ligne 22) ;

- lot 2 : Puisieux/Arras (ligne 23) ;

- lot 3 : Souastre/Arras (ligne 24) ;

- lot 4 : Fontaine-Lès-Croissilles/Arras (ligne 25) ;

- lot 5 : Quiery La Motte/Arras (ligne 28) ;

- lot 6 : Bertincourt/Arras (ligne 29) ;

- lot 7 : Gomiecourt/Arras (ligne 30) ;

- lot 8 : Arras/Marquion/Cambrai (ligne 51) ;

- lot 9 : Marquion/Epinoy/Cambrai (ligne 81) ;

- lot 10 : Boulogne/Hesdigneul-Lès-Boulogne/Desvres (ligne 66).

Chaque entreprise avait la faculté de soumissionner pour un ou plusieurs lots. Il était également précisé dans l'avis d'appel à candidature : " Pour les lots 1 à 9 : garantie de recettes durant 2 ans et 8 mois à compter du 1er janvier 1995. Concernant le lot 10 : risques et périls assortis d'une contribution financière fixée par l'État pour une durée de 10 ans à compter du 1er janvier 1995 ".

Pour les lots n° 1 à 9, les entreprises candidates devaient soumissionner en proposant un tarif du kilomètre en charge (lequel incluait nécessairement le coût des kilomètres à vide communément appelés " haut le pied ") permettant de calculer, en l'appliquant au kilométrage à réaliser, la somme totale que la collectivité locale aurait à garantir. Dans ce système, l'entreprise moins-disante est celle qui propose le tarif kilométrique le plus faible.

La décision de recourir à une délégation de service public pour l'exploitation de dix lignes régulières de transport interurbain de personnes a été prise par une délibération du Conseil général du Pas-de-Calais du 11 avril 1994.

La commission de délégation de service public réunie une première fois, le 12 septembre 1994, a constaté qu'à l'exception du lot 5 (circuit Quiery-La-Motte-Arras), il n'existait, pour chaque circuit, qu'une réponse émanant de l'entreprise précédemment titulaire du contrat et que, dans ces conditions, la concurrence ne paraissait pas avoir joué.

Le conseil général décida, en conséquence, de procéder à un second appel à candidatures, le 3 octobre 1994, en informant directement deux organisations professionnelles et quarante et une entreprises de transport. Les entreprises devaient déposer leur offre avant le 10 novembre 1994.

La commission de délégation de service public, réunie le 14 novembre 1994, constata pour tous les lots, à l'exception du lot 10 (circuit Boulogne-Hesquigneul-Desvres), plusieurs réponses.

Les attributions faites par le conseil général au vu des propositions de la commission d'ouverture des plis ont été les suivantes :

- lot 1 : Société des transports Gilles Delambre ;

- lot 2 : Société des transports Gilles Delambre ;

- lot 3 : Société Laridant et Cie ;

- lot 4 : Société Laridant et Cie ;

lot 5 : Fouache ;

- lot 6 : Société Voyages Lebas ;

- lot 7 : Société Voyages Lebas ;

- lot 8 : Société Laridant et Cie ;

- lot 9 : Autocars Finand Parmentier ;

lot 10 : Société Sceta Voyages associée à la société Les Cars Moleux Lemaire.

b) Les entreprises candidates

Les entreprises candidates ont été : la Société des transports Gilles Delambre ayant son siège social à Bucquoy (Pas-de-Calais), la société Autocars Finand Parmentier ayant son siège social à Marquion (Pas-de- Calais), la société Voyages Fouache ayant son siège à Brebières (Pas-de-Calais), la société Goddyn Voyages ayant son siège social à Cambrai (Nord), la société Laridant et Cie ayant son siège social à Arras (Pas-de-Calais), la société Voyages Lebas ayant son siège social à Saint Laurent Blangy (Pas-de-Calais), la société les Cars Moleux Lemaire ayant son siège à Boulogne sur Mer (Pas-de-Calais), devenue par fusion la SARL les Voyages Moleux et Roussel, la société Voyages Rose ayant son siège social à Henin Beaumont (Pas-de-Calais), la société Sceta Voyageurs, dénommée depuis le 5 février 1999 SNCF Participations, filiale de la SNCF, ayant son siège social à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), la société ST 2L Westeel Voyages ayant son siège à Sallaumines (Pas-de-Calais). Cette dernière société appartient au groupe Via-GTI, un des leaders dans le secteur des transports de voyageurs par car.

Il s'agit d'entreprises de taille locale ou régionale ; seules les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Sceta Voyages sont des sociétés plus importantes, étant elles-mêmes filiales de grands groupes.

2. Le marché passé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation de lignes de transport scolaire

a) Principales caractéristiques et procédure de passation

Le marché concernait l'ensemble des transports scolaires effectués dans le département du Pas-de-Calais à compter de la rentrée scolaire 1996/1997. La durée prévue de la convention était de huit années correspondant aux années scolaires 1996/1997 à 2003/2004. Le marché était divisé en 595 lots, correspondant à environ 700 services réguliers.

La rémunération était fixée selon un prix forfaitaire déterminé à partir d'un terme kilométrique de base ; les entreprises devaient proposer un prix au kilomètre le plus bas possible pour avoir une chance d'être retenues.

Dans sa séance du 12 juin 1995, le conseil général a décidé de procéder par voie de délégation de service public et a lancé un appel à candidature conformément à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993.

La commission départementale de délégation de service public a arrêté, le 6 novembre 1995, la liste des transporteurs admis à soumissionner et a procédé, les 20 et 21 décembre 1995, à l'ouverture des plis. Après négociation, la commission s'est à nouveau réunie le 15 mars 1996. Le 1er avril 1996, la commission permanente du conseil général a approuvé le choix des candidats.

b) Les entreprises candidates

Eu égard à la quantité de lots proposés par le département, les entreprises candidates furent nombreuses : 43 sociétés ont obtenu au moins un lot. Les entreprises directement concernées par les pratiques sont la société les Autobus Artésiens ayant son siège à Rivery (Somme), la société Établissements Bajus ayant son siège à Avesnes le Comte (Pas-de-Calais), la société Voyages Baudart ayant son siège à Billy Montigny (Pas-de-Calais), la société les Cars Express ayant son siège à Rivery (Somme), la société les Courriers Automobiles Picards (CAP) ayant son siège à Rivery (Somme), la Société des transports Gilles Delambre ayant son siège à Bucquoy (Pas-de-Calais), la société ID Voyages ayant son siège à Wingles (Pas-de-Calais), la société ST 2L Westeel Voyages ayant son siège à Sallaumines (Pas-de-Calais), la société Transports J. Benoît ayant son siège à Lens (Pas-de- Calais), la société Voyages Lebas ayant son siège à Saint Laurent Blangy (Pas-de-Calais) et la société Voyages Rose ayant son siège social à Hénin Beaumont (Pas-de-Calais).

Les autres entreprises candidates étaient également, pour l'essentiel, des entreprises locales ou d'importance régionale.

3. Le marché passé par la commune d'Hénin Beaumont pour le transport scolaire

a) Principales caractéristiques et procédure de passation

Par une délibération du 28 mars 1995, le conseil municipal d'Hénin Beaumont a décidé de lancer un appel d'offres ouvert (articles 295 à 298 du Code des marchés publics) pour un marché de transports scolaires, pour la période du 1er septembre 1995 au 31 décembre 1996.

Le marché, dénommé " transports scolaires organisés par la ville ou la caisse des écoles de Hénin Beaumont ", avait pour objet d'assurer les transports scolaires des centres de loisirs et des classes de neige (financés par la caisse des écoles), ainsi que les transports scolaires ordinaires (financés environ à égalité par la commune et par la caisse des écoles).

Ce marché était un marché à commandes tel que prévu par l'article 273 du Code des marchés publics, lequel permet de ne fixer que le minimum et le maximum des prestations en valeur ou en quantité susceptibles d'être commandées au cours d'une période déterminée n'excédant pas celle d'utilisation des crédits budgétaires, les quantités des prestations à exécuter étant précisées, pour chaque commande, par la collectivité ou l'établissement contractant en fonction des besoins à satisfaire.

Les prestations étaient découpées en quatre lots distincts. Pour chacun de ces lots étaient précisés les montants minimum et maximum des prestations.

Lors du dépouillement des offres, le 28 juillet 1995, une seule offre est constatée pour chacun des lots, offre émanant de la société Voyages Rose. La commission d'appel d'offres décide de retenir les offres de cette entreprise, qui travaillait depuis de nombreuses années pour la commune d'Hénin Beaumont.

b) Entreprises candidates

La société Voyages Rose, seule entreprise à avoir présenté des offres, est une entreprise familiale ayant son siège à Hénin Beaumont.

Les autres entreprises auxquelles la commune s'est adressée en vain sont la société Carvin Voyages ayant son siège à Carvin (Pas-de-Calais), la société Transports Jules Benoit ayant son siège à Lens (Pas-de-Calais), l'entreprise César ayant son siège à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais), la société Transports Delannoy ayant son siège à Noeud-lès-Mines (Pas-de-Calais), la société Voyages Dourlens ayant son siège à Bruay-la-Bussière (Pas-de-Calais), la société Voyages Mullie ayant son siège à Bully-làs-Mines (Pas-de-Calais) et la société ST 2L Westeel Voyages ayant son siège à Sallaumines (Pas-de-Calais).

Il s'agit, là encore, d'entreprises locales, à l'exception de la dernière qui, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, est une filiale de Via-GTI.

B. - les pratiques constatées

1. Le marché des lignes régulières du département du Pas-de-Calais

a) Analyse des offres

Le tableau ci-après récapitule les offres formulées lors du second appel à candidatures et les attributaires de chacun des lots :

Ce tableau fait que ressortir, malgré un second appel à candidatures :

- les offres demeurent limitées à deux ou trois pour chacun des lots ;

- ces offres incluent systématiquement la proposition de l'entreprise " sortante " et une proposition de la société ST 2L Westeel Voyages, à l'exception du lot n° 10 répondant à des règles différentes ;

- l'écart existant entre l'offre moins-disante et l'offre arrivant en seconde position est significatif ;

- les différentes offres remises par l'entreprise ST 2L Westeel Voyages sont systématiquement supérieures de 10 à 30 % à l'offre la moins disante ;

- l'apparition de nouveaux compétiteurs lors du second appel à candidatures n'a pas eu d'effet notable sur les offres proposées par les sociétés finalement retenues.

b) Les déclarations et documents recueillis auprès des entreprises :

* Les éléments recueillis auprès de l'entreprise ST 2L Westeel Voyages :

Les éléments les plus significatifs sont :

- une copie d'un fax adressé le 9 novembre 1994 à 11 h 11 par M. Hervé Lefevre, de la société ST 2L Westeel Voyages, à M. Delambre, de la Société des transports Gilles Delambre, portant les indications suivantes : " Appel d'offres. Département Pas-de-Calais.

1) Hébertune-Arras :

Recette kilométrique (HT) hors matériel = 15,33

Matériel = 6,32

Total = 21,32

Résultat d'exploitation (charges -recettes) = -291 KF

2) Puisieux-Arras :

Recette kilométrique (HT) hors matériel = 16,00

Matériel = 7,18

Total = 23,18

Résultat d'exploitation (charges -recettes) = - 136 KF ".

Il y a lieu de remarquer que les prix au kilomètre figurant sur ces documents pour les lots n° 1 et 2, soit respectivement 21,32 F et 23,18 F, correspondent à peu de choses près aux offres faites par la société ST 2L Westeel Voyages pour ces lots lors du second appel à candidatures, soit 21,65 F et 23,17 F.

- un second document porte les mentions manuscrites suivantes :

1° ST 2L Westeel Voyages répond lot par lot avec un prix [mot illisible]

2° ST 2L Westeel Voyages répond sur les 9 lots mais en commun (ou non) de la ST

3° ST 2L Westeel Voyages appartient au GIE qui gère le réseau " Colvert Sud " "

* Les éléments recueillis auprès de l'entreprise Laridant et Cie :

Ces éléments sont constitués par :

- une fiche de calcul établie par l'entreprise Laridant et Cie concernant le lot n° 6 (Bertincourt) et comportant, outre le détail du calcul de l'offre de la société Laridant, la mention : " 18,50 Westeel ".

Il importe de remarquer que ce chiffre correspond à peu de chose près à l'offre déposée par la société ST 2L Westeel Voyages pour le lot n° 6, soit 18,52.

- une fiche manuscrite comportant les mentions " Quiery 19,08 / Cambrai 14,48 / Souastre 29,03/ Fontaine 26,95 ".

Les offres effectivement déposées par la société ST 2L Westeel Voyages pour ces lignes lors du second appel à candidatures ont été les suivantes :

- lot 3 Souastre/Arras (ligne 24) : 29,03,

- lot 4 Fontaine Les Croissilles/Arras (ligne 25) : 26,95,

- lot 5 Quiery La Motte/Arras (ligne 28) : 19,08,

- lot 8 Arras/Marquion/Cambrai (ligne 51) : 14,48.

On relève donc une identité parfaite entre les indications figurant sur le document communiqué aux enquêteurs par la société Laridant et Cie et les offres de la société ST 2L Westeel Voyages.

- une feuille dactylographiée portant un timbre " L'esprit libre " et intitulée " CALCUL DE COÛT, Ligne MARQUION-CAMBRAI " correspondant au lot n° 9 et faisant apparaître un coût/km total de 11,49 F et un coût/km rapporté au kilomètre en ligne de 12,77 F.

Il s'avère que le timbre " L'esprit libre " constitue le logo de la société Finand-Parmentier, ainsi qu'il ressort de la plaquette de présentation de cette société, et que la présentation matérielle de ce document dactylographié est identique à celle des fiches similaires communiquées aux enquêteurs par la société Finand-Parmentier concernant le calcul de coût de la même ligne Marquion-Cambrai.

- des extraits de deux agendas pour le second semestre 1994 lesquels comportent les mentions suivantes :

* Agenda n° 1:

le jeudi 25 août 1994 à 10 h 30 : " ST 2L Westeel Voyages "

le mardi 30 août 1994 à 15 h 30 : " ST 2L Westeel Voyages "

le mercredi 31 août 1994 à 15 h 00 : " ST 2L Westeel Voyages "

le mardi 18 octobre 1994 à 14 h 00 : " LEBAS Léon "

* Agenda n° 2 :

le mardi 18 octobre 1994 à 14 h 00 : " Lebas "

le lundi 7 novembre 1994 à 10 h 00 : " Parsy "

le lundi 7 novembre 1994 à 14 h 00 : " Delambre ".

* Les éléments recueillis auprès de l'entreprise Finand-Parmentier :

. deux fiches de calcul concernant la ligne Marquion-Cambrai (lot n° 9) portant le logo " L'esprit libre ", logo de la société Finand-Parmentier.

La présentation matérielle de ces documents dactylographiés est, comme il a été indiqué précédemment, identique à celle de la fiche communiquée aux enquêteurs par la société Laridant et Cie.

2. Le marché passé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation des lignes de transports scolaires

a) Les résultats de l'appel à candidatures

Le tableau ci-après récapitule les attributions de lots auxquelles a procédé le Conseil général du Pas-de-Calais.

Ces tableaux font apparaître que la reconduction de l'ancien titulaire des lots est très fréquente, sans être systématique.

b) Les éléments recueillis auprès des entreprises

* Les éléments recueillis auprès de l'entreprise ST 2L Westeel Voyages :

Il s'agit essentiellement de trois tableaux informatisés.

- un premier tableau au format A3 accompagné de mentions manuscrites.

Ce tableau, qui porte en entête les mentions " ST 2L Westeel Voyages le 15.06.94 ", " TRANSPORTS SCOLAIRES 1996 " et " TABLEAU de PRIX JOURNALIERS ", semble constituer une base de calcul des prix unitaires pour 54 des 595 lots de transports scolaires mis en compétition.

Ce tableau comporte sur la marge de gauche les annotations manuscrites " AWAAA " en face des lots n° 500 à 504.

- un second tableau au format A3 portant en entête les mentions " Transports scolaires du Pas-de-Calais. Appel d'offres 1996 ".

Ce tableau concerne les mêmes lots. Outre les renseignements figurant dans le tableau précédent, ce tableau fait apparaître dans sa partie droite trois colonnes regroupées sous une rubrique " Réponse ", à savoir une première colonne intitulée " Qui ", laquelle mentionne des noms de sociétés (Artésiens, Baudart, Transports J. Benoît, ID, Lebas et Rose), une seconde colonne intitulée " prix " et une troisième colonne intitulée " notre prix ".

Ce tableau fait apparaître des prix qui sont attribués à d'autres sociétés soumissionnaires et qui ne correspondent pas nécessairement aux résultats de l'appel d'offres.

- un troisième tableau au format A4 intitulé " Transports scolaires du Pas-de-Calais. Appel d'offres 1996 ". ce tableau comporte les mêmes colonnes, mais les chiffres diffèrent souvent. Les chiffres de ce troisième tableau correspondent aux résultats de l'appel d'offres.

M. Mauclaire a déclaré, à propos de ces trois tableaux, le 10 juillet 1996 : " Concernant l'appel d'offres passé par le Conseil général du Pas-de-Calais en 1996 (et 1995 : durée de la procédure) ayant pour objet les circuits scolaires au 1er septembre 1997. Le dossier de cet appel d'offres dans mon entreprise comprend trois tableaux informatiques, un tableau de prix journaliers daté du 15.06.94, un tableau " transports scolaires du Pas-de-Calais Appel d'offres 1996 " format A 3 et un tableau portant le même titre au format A 4. Sur le premier des trois tableaux, les lignes correspondant aux mentions portées en gras peuvent correspondre aux circuits scolaires proches des lignes régulières ST 2L Westeel Voyages et sur lesquels il pouvait apparaître souhaitable de soumissionner dans le cadre d'une politique de bassin de déplacement, ainsi qu'aux circuits que nous exploitions déjà. Les mentions manuscrites " W AAA " à gauche sont de ma main et les autres sont de la main de Jean-Yves Durand. Sur le deuxième tableau (format A3) la colonne " réponse " comportant les éléments " qui ", " prix " et " notre prix " me paraît correspondre à la fois à l'identité et au prix du délégataire de l'ancien marché (au moment du marché précédent) ainsi qu'à notre prix de soumission. Les mentions manuscrites sont de la main de Jean-Yves Durand. Vous me faites remarquer que par exemple, sur les lots 16, 33, 34, 35, la colonne prix correspond aux prix remis par les Artésiens à cet appel d'offre de 1995/1996 et que sur les lots 524, 527, 528, 529, 530, 531, 532 la colonne prix correspond au prix remis par Rose à cet appel d'offres de 1995-1996. Je n'ai pas d'explication quant à cet état de fait. Les personnes qui ont travaillé sur cet appel d'offre sont moi-même et Jean-Yves Durand. Sur le troisième tableau : ce tableau a été réalisé à ma demande pour connaître les résultats définitifs de l'appel d'offres. Il a la même structure que le précédent tableau ".

* Les éléments recueillis auprès de l'entreprise Benoît :

Il s'agit principalement d'une télécopie, en date du 15 décembre 1995, laquelle comporte dans sa partie haute les identifiant " DE 09 " et " 95-12-15 11 : 56 G3 ST P1 ".

Cette télécopie comporte deux colonnes, l'une qui paraît correspondre à des lots et l'autre à des prix.

Il convient de relever que le numéro d'origine et de destination de cette télécopie ont été occultés, que, cependant, il apparaît que, pour chacun des lots concernés, les prix correspondent à quelques décimales près aux prix de soumission de ST 2L Westeel Voyages pour ces lots, que le premier prix de la colonne est précédé de la mention " xx " et que les offres qui ont été déposées pour ces lots par la société Transports J. Benoît sont supérieures aux prix mentionnés sur cette télécopie, à l'exception des lots 585 et 586.

* Les éléments recueillis auprès des sociétés les Courriers Automobiles Picards, les Cars Express et les Autobus Artésiens :

Éléments concernant la société Courriers Automobiles Picards :

. un tableau manuscrit de préparation des offres à l'entête " CAP ". ce tableau mentionne les lots concernés, le kilométrage et les prix.

Il inclut, en outre, une colonne " observations " en haut de laquelle est portée la mention " ne pas frapper ". Cette colonne comporte, en regard des lots 61, 63, 64, 66 et 67, la mention " Pour couvrir Bajus, non remisable " et, en regard des lots 105 et 106, la mention " ex CAP Bajus, non remisable ".

Les Courriers Automobiles Picards n'ont pas soumissionné pour les lots 61, 63, 64, 66 et 67, lesquels ont été attribués à la société Bajus, seule soumissionnaire. S'agissant des lots n° 105 et 106, on constate que les Courriers Automobiles Picards n'ont pas soumissionné pour le lot n° 105 et ont déposé une offre bien supérieure à celle de la société Bajus pour le lot n° 106.

En regard des lots 243 et 244, on trouve dans la même colonne la mention " non remisable, pour couvrir Delambre ". Ces deux lots ont été attribués à la société des Transports Gilles Delambre en présence d'une offre bien supérieure présentée par la société les Courriers Automobiles Picards.

Éléments concernant la société Cars Express :

. un tableau manuscrit de préparation des offres à l'entête " Cars express ", recueilli auprès de la société les Courriers Automobiles Picards, d'une présentation semblable à celui portant l'entête " CAP " analysé ci-dessus ;

Ce tableau comporte en regard des lots n° 62,65, 68, 69, 71, 72, 74 et 76 la mention " Pour couvrir Bajus, non remisable ". Les lots 62, 68, 72, 74 et 76 sont rayés.

En face des lots n° 37, 38 et 39, on trouve la mention " anciens contrats sous-traités à CE ".

Éléments concernant la société les Autobus Artésiens :

L'organigramme de la société holding Cotrap fait apparaître les liens existants entre la société les Courriers Automobiles Picards et ses deux filiales, à savoir les Autobus Artésiens (filiale à 96,64 %) et les Cars Express (filiale à 99,48 %).

M. J-F Liget joue un rôle dirigeant dans les sociétés les Courriers Automobiles Picards, les Autobus Artésiens et les Cars Express, lesquelles avaient alors leur siège au même endroit, à Rivery (Somme).

3. Le marché du transport scolaire de la commune d'Hénin Beaumont

L'enquête administrative a permis de recueillir :

- une télécopie, en date du 1er juillet 1995, recueillie auprès de l'entreprise Voyages Rose. Ce document se compose :

- d'un accusé de réception portant les mentions " POSTE APPELE : 21.42.98.49 - 1995-07-01 ".

- d'une page de transmission à l'entête de la Société des Voyages Rose portant les mentions " From Christian to Benoît - date : 1.7.95 - Fax 21.42.98.49 " et " Salut Patrick-Pierre. Voici les prix de l'appel d'offres d'Hénin. Bon week-end. Christian ".

- de quatre pages pré-imprimées correspondant aux lots n° 1 à 4, dont la colonne intitulée " prix unitaires hors taxes " est renseignée à la main.

Ces documents, datés du 1er juillet 1995, soit deux jours avant la date limite de dépôt des offres, fixée au 3 juillet 1995 à 16 heures, ont été expédiés par l'entreprise Rose au responsable de l'entreprise Transports J. Benoit. Les cinq pages transmises correspondent à des évaluations du prix unitaire de chacun des lots, reportées sur un document dactylographié issu du dossier de consultation remis aux entreprises.

C. - Les griefs notifiés

Sur la base des pratiques décrites ci-dessus, les griefs suivants ont été définitivement retenus dans le rapport notifié aux parties :

1) Concernant l'appel à candidatures pour l'exploitation des lignes régulières de transport de voyageurs du département du Pas-de-Calais :

a) Le fait, pour la société ST 2L Westeel Voyages et la société des Transports Gilles Delambre d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en un échange d'informations sur les prix concernant les lots n° 1 et 2, en vue de la coordination de leurs offres ;

b) Le fait, pour la société ST 2L Westeel Voyages et la société Laridant et Cie, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en un échange d'informations sur les prix concernant les lots n° 3, 4, 5, 6 et 8, en vue de la coordination de leurs offres ;

c) Le fait, pour les sociétés Laridant et Cie et Finand-Parmentier, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation ayant abouti à des échanges d'informations sur les prix concernant le lot n° 9, en vue de la coordination de leurs offres.

2) Concernant l'appel à candidatures pour l'exploitation des lignes de transports scolaires du département du Pas-de-Calais :

a) Le fait, pour les sociétés ST 2L Westeel Voyages, Voyages Rose, Transports J. Benoît, Voyages Baudart, les Autobus Artésiens, ID Voyages et Voyages Lebas, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant 54 lots, en vue de la coordination de leurs offres ; les lots concernés sont les lots n° 2, 4, 7, 8, 13, 16, 33, 34, 35, 45, 48, 77, 92, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 258, 259, 374, 381, 382, 388, 393, 396, 397, 500, 501, 502, 503, 504, 524, 525, 526, 527, 528, 529, 530, 531, 532, 565, 566, 567, 568, 581, 582, 583, 584, 585, 586, 587 et 588 ;

b) Le fait, pour les sociétés les Cars Express et les Autobus Artésiens, d'avoir déposé des offres séparées sans avertir le département du Pas-de-Calais qu'elles appartenaient au même groupe d'entreprises ;

c) Le fait, pour la société les Courriers Automobiles Picards et la société Entreprise Bajus, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 61, 63, 64, 66 et 67 et 105/106, en vue de la coordination de leurs offres ;

d) Le fait, pour la société les Courriers Automobiles Picards et la société des Transports Gilles Delambre, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 243 et 244, en vue de la coordination de leurs offres ;

e) Le fait, pour la société les Cars Express et la société Entreprise Bajus, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 62, 65, 68, 69, 71, 72, 74 et 76, en vue de la coordination de leurs offres.

3) Concernant l'appel à candidatures pour l'exploitation des lignes de transports scolaires de la commune d'Hénin Beaumont :

- Le fait, pour les sociétés Voyages Rose et Transports J. Benoît, d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix, en vue de la coordination de leurs offres.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure

Considérant que la société ID Voyages fait remarquer que, compte tenu de l'envoi de la notification de griefs durant les vacances d'été, elle n'a pu consulter l'entier dossier se trouvant au Conseil de la concurrence ;

Mais considérant que, conformément à l'article L. 463-2 du Code de commerce, la notification de griefs a été adressée aux parties par courrier le 10 juin 1999 et que la société ID Voyages, qui en a accusé réception le 14 juin 1999, a disposé, comme le prévoit le même texte, d'un délai de deux mois pour consulter le dossier d'instruction et présenter ses observations ; que cette société ne soutient pas qu'un dysfonctionnement des services du Conseil de la concurrence durant la période estivale l'aurait empêchée de consulter le dossier et de présenter utilement ses observations ; que le moyen doit donc être écarté ;

Sur la preuve

Considérant que la preuve des pratiques anticoncurrentielles peut résulter, soit de preuves se suffisant à elles- mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d'instruction qui peuvent être tirés d'un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant ;

Sur les pratiques relevées

Considérant qu'aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce : " Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

1. Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

2. Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3. Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4. Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".

Considérant qu'en matière de marchés publics ou privés sur appels d'offres, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée, soit qu'elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité en personnel et en matériel, de leur intérêt ou de leur absence d'intérêt pour le marché considéré ou des prix qu'ils envisagent de proposer ;que de telles pratiques sont de nature à limiter l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence ;

En ce qui concerne le marché passé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation de lignes régulières de transport de personnes

Sur la concertation entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Transports Gilles Delambre pour les lots n° 1 et 2

Considérant que les dirigeants de la société Transports Gilles Delambre ont communiqué aux enquêteurs une télécopie adressée par M. Hervé Lefevre, de la société ST 2L Westeel Voyages, à " Monsieur Delambre Transports Delambre ", le 9 novembre 1994 à 11 h 11, soit la veille de la date limite de remise des offres pour la seconde procédure ; que cette télécopie, intitulée " Appel d'offres - département du Pas-de-Calais ", comporte un détail des soumissions de la société ST 2L Westeel Voyages pour les lots n° 1 (ligne Hébuterne/Arras) et n° 2 (Puisieux/Arras) et est accompagnée de l'accusé de réception émis par le télécopieur ; que les soumissions effectivement déposées par la société ST 2L Westeel Voyages correspondent, pour les lots n° 1 et 2, à quelques décimales près, aux prix mentionnés sur la télécopie du 9 novembre 1994 ; qu'il s'agit de deux lots précédemment exploités par la société des Transports Gilles Delambre et que celle-ci souhaitait conserver, M. Gilles Delambre ayant, en effet, déclaré le 14 mai 1996 : " ... après examen du détail de ces lots nous avons décidé de ne remettre des offres que pour les deux lots dont nous connaissions bien l'exploitation, dont le départ est situé près de notre siège social " ; qu'elle a effectivement obtenu ces lots à l'issue de l'appel d'offres ;

Considérant que, contrairement aux allégations de la société Transports Gilles Delambre selon lesquelles son offre aurait été déposée dès le 8 novembre 1994, soit la veille de la télécopie litigieuse, qui n'aurait donc pu exercer aucune incidence sur le prix proposé, il résulte de l'instruction et notamment des pièces transmises au Conseil de la concurrence le 24 janvier 2000 par le Conseil général du Pas-de-Calais, que la lettre par laquelle cette société a adressé ses soumissions au Président du conseil général est datée du 9 novembre 1994 ;

Considérant que la preuve de l'existence d'une concertation entre les deux entreprises, qui infirme l'allégation d'une simple pratique unilatérale de l'entreprise ST 2L Westeel Voyages, résulte de l'ensemble des éléments rappelés ci-dessus, rendant invraisemblable l'hypothèse d'une pratique unilatérale, ainsi que du fait que la société Transports Gilles Delambre a effectivement déposé des offres inférieures aux prix transmis par la société ST 2L Westeel Voyages ;

Considérant que l'offre remise par la société ST 2L Westeel Voyages ne peut être qualifiée d'offre " carte de visite ", dès lors que cette offre a été transmise à un concurrent la veille de la date limite de remise des offres ;

Considérant que l'absence de transmission d'informations sur les prix pour les lots 3 et 7 de la part de la société ST 2L Westeel Voyages peut s'expliquer par le fait que la société Transports Gilles Delambre était intéressée en priorité par les lots 1 et 2, ainsi que l'a indiqué son dirigeant ;

Considérant que les différences minimes entre les prix transmis à la société Transports Gilles Delambre et les offres de la société ST 2L Westeel Voyages, compte tenu des autres éléments du dossier, ne sont pas de nature à modifier l'analyse qui doit être faite de la télécopie ;

Considérant que la transmission de celle-ci par la société ST 2L Westeel Voyages à la société Transports Gilles Delambre, au moment où cette dernière déposait son offre, conforte la thèse d'une offre de couverture ;

Considérant que l'existence d'une troisième offre déposée par la société Laridant et Cie, dont le prix était supérieur à l'offre remise par la société Transports Gilles Delambre, mais inférieur à l'offre remise par la société ST 2L Westeel Voyages, n'est pas de nature à contredire les éléments attestant d'une concertation entre les deux dernières entreprises citées ;

Considérant que, si M. Gilles Delambre a effectivement indiqué, lors de son audition, qu'il n'aurait jamais eu connaissance de la télécopie litigieuse, il y a lieu de relever que celle-ci était néanmoins adressée à " Monsieur Delambre " et que le fait qu'elle ait été réceptionnée par la mère de l'intéressé, en charge du secteur du transport régulier de voyageurs de l'entreprise Delambre jusqu'à son décès, n'est pas de nature à remettre en cause la constatation selon laquelle la société ST 2L Westeel Voyages a fourni des informations sur les prix qu'elle allait déposer à l'entreprise Delambre, ancien titulaire du lot ;

Considérant que le projet de GIE, associant notamment les sociétés Transports Gilles Delambre et ST 2L Westeel Voyages, ne saurait expliquer une transmission de prix la veille de la date limite de remise des offres; que les indications sur les marges figurant sur la télécopie peuvent trouver d'autres explications que ce projet ; qu'en tout état de cause, les entreprises ont remis des offres distinctes ; que le Conseil général du Pas-de-Calais n'a jamais été tenu informé de l'existence d'un tel projet de groupement ;

Considérant, enfin, que la circonstance que l'offre déposée par la société Transports Gilles Delambre pour les lots n° 1 et n° 2 serait proche des estimations faites par le conseil général n'est pas de nature à justifier l'échange d'informations litigieux ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il est établi que la télécopie expédiée, le 9 novembre 1994, par la société ST 2L Westeel Voyages à la société Transports Gilles Delambre avait pour objet et pour effet d'informer cette dernière du niveau de l'offre que la première société citée s'apprêtait à déposer et de lui permettre de présenter une offre lui assurant d'emporter le marché ; que ce fait doit être rapproché des autres indices de concertation concernant la structure des offres remises par les sociétés et, notamment, de l'absence de combativité des entreprises résultant en particulier du faible nombre d'offres remises pour chacun des lots ;

Considérant que la concertation constatée a nécessairement eu un effet sensible sur le fonctionnement de la concurrence sur le marché considéré, en limitant l'indépendance des offres de deux des trois sociétés ayant soumissionné pour les lots 1 et 2 ;

Considérant, par suite, que l'échange d'informations entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Transports Gilles Delambre constitue une pratique anticoncurrentielle ayant eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur les deux lots considérés ; que cette pratique est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur la concertation entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Laridant et Cie pour les lots n° 3, 4, 5, 6 et 8

Considérant que le grief d'entente sur les lots n° 3, 4, 5 ,6 et 8 notifié aux sociétés ST 2L Westeel Voyages et Laridant et Cie repose sur deux documents précis communiqués aux enquêteurs par la société Laridant et Cie, à savoir une fiche de calcul manuscrite établie par les dirigeants de la société Laridant et Cie pour le lot n° 6 (ligne Bertincourt) portant également la mention " 18,50 ST 2L Westeel Voyages ", chiffre correspondant, à la deuxième décimale près, à l'offre remise par la société ST 2L Westeel Voyages pour ce même lot, à savoir 18,52, et un second document constitué par une fiche manuscrite portant les mentions : " Quiery 19,08/ Cambrai 14,48/ Souastre 29,03/ Fontaine 26,95 ", les quatre prix mentionnés sur ce document correspondant aux offres remises par la société ST 2L Westeel Voyages lors de l'appel à concurrence lancé en 1994 par le département du Pas-de-Calais pour des lots que la société Laridant et Cie détenait précédemment et qu'elle entendait conserver, comme l'a confirmé M. Debailleul lors de son audition le 14 mai 1996 ; qu'elle a conservé les lots 3, 4 et 8, le lot n° 5 ayant été attribué à la société Fouache et le lot n° 6 ayant été attribué à la société Voyages Lebas ;

Considérant que l'allégation selon laquelle les mentions concernant la société ST 2L Westeel Voyages auraient été ajoutées après les appels d'offres de l'automne 1994, dans le souci de préparer les consultations ultérieures, n'est pas vraisemblable dans la mesure où les documents en cause ont été remis aux enquêteurs lors de l'audition de M. Debailleul, de la société Laridant et Cie, le 14 mai 1996, soit plus de six mois avant que le département du Pas-de-Calais ne lance, courant 1997, de nouvelles procédures d'appel d'offres, les conventions conclues fin 1994 pour deux ans et huit mois ne venant à échéance que le 31 août 1997 ; qu'en outre, le prix mentionné pour le lot n° 6 ne correspond pas exactement au prix remis en définitive par la société ST 2L Westeel Voyages ; que les documents ne retracent que les seules soumissions de la société ST 2L Westeel Voyages et non la totalité des offres effectivement remises en 1994 pour chacun des lots concernés, à savoir trois offres pour le lot n° 3, trois offres pour le lot n° 4, quatre offres pour le lot n° 5, trois offres pour le lot n° 6 et quatre offres pour le lot n° 8, ce qui contredit la thèse de l'existence d'études de l'intensité concurrentielle constatée lors des appels d'offres précédents ;

Considérant que l'existence de contacts réguliers entre la société Laridant et Cie et la société ST 2L Westeel Voyages durant le printemps et l'été 1994, dans le but de mettre au point une navette Cambrai Arras en correspondance avec la gare TGV pour le compte du conseil régional, n'est pas davantage de nature à expliquer la présence, dans les locaux de la société Laridant et Cie, de documents sur lesquels figuraient les prix remis par les sociétés ST 2L Westeel Voyages pour les lots n° 3, 4, 5, 6 et 8 du marché des lignes régulières de transport du département du Pas-de-Calais ; qu'en effet, ces contacts sont antérieurs au lancement de la seconde procédure d'appel d'offres et sont de nature différente ; qu'il en va de même des contacts noués à partir du début de l'année 1995, dans le cadre de la mise au point de la ligne Arras-Lens par Thélus, qui ne peuvent davantage expliquer un échange d'informations sur un nombre de lots aussi important ;

Considérant, enfin, que les observations d'ordre général concernant les différents paramètres susceptibles d'expliquer le niveau des soumissions ou encore le faible nombre de candidatures pour chacun des lots ne sauraient justifier l'échange d'informations révélé par les documents précités ;

Considérant que l'échange d'informations entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Laridant et Cie constitue une pratique anticoncurrentielle ayant eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur les quatre lots considérés : que cette pratique est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur la concertation entre les sociétés Laridant et Cie et Finand Parmentier pour le lot n° 9

Considérant qu'un document à l'en-tête " L'esprit Libre ", devise de la société Finand-Parmentier, a été communiqué aux enquêteurs par les responsables de la société Laridant et Cie ; qu'il n'est pas contesté que ce document retrace les prix proposés par la société Finand-Parmentier pour le lot n° 9 ; qu'il n'est pas davantage contesté que ce lot est précisément celui pour lequel la société Finand-Parmentier bénéficiait de la meilleure implantation géographique et qu'elle entendait conserver de façon prioritaire ; qu'elle a conservé ce lot à l'issue de l'appel d'offres ;

Considérant que, si les deux sociétés tentent de justifier la détention de ce document par la société Laridant et Cie par l'existence des réunions qui auraient été tenues durant l'année 1995 en vue de la refonte de la ligne Arras Cambrai, réunions ayant abouti à la présentation d'une offre commune en 1997 et à l'occasion desquelles de nombreux documents auraient été échangés, il y a lieu de relever que cette explication, au demeurant imprécise, n'avait pas été spontanément donnée lors des auditions par les enquêteurs de la DGCCRF de M. Debailleul, de la société Laridant et Cie, le 21 juin 1996, et de M. Parsy, dirigeant de la société Finand-Parmentier, le 2 juillet 1996 ; qu'en outre, un seul document émanant de la société Finand-Parmentier a été retrouvé dans les locaux de la société Laridant et Cie, ce qui contredit la thèse d'échanges multiples de documents ; que, si la société Finand- Parmentier croit pouvoir soutenir qu'elle a été conduite à donner ce document à des fins pédagogiques, en vue d'illustrer la manière de présenter une offre, le contenu du document ne permet pas de le considérer comme autre chose que le résumé d'une offre réelle ;

Considérant, enfin, que les différents arguments avancés par la société Finand-Parmentier pour démontrer la compétitivité de l'offre qu'elle a remise pour le lot 9 n'expliquent pas la présence de son offre dans les locaux de la société Laridant et Cie ;

Considérant que ce document apporte, à lui seul, la preuve qu'un échange d'informations a eu lieu entre les deux sociétés avant le dépôt des offres ;

Considérant que la circonstance que le rendez-vous figurant sur l'agenda de M. Housset à la date du 7 novembre 1994 concernait M. Bruno Parsy, l'un des chauffeurs de la société en poste à Bapaume, et non M. Daniel Parsy, dirigeant de la société Finand-Parmentier, est sans portée sur la qualification, dès lors qu'est rapportée par ailleurs la preuve de l'échange d'informations entre la société Finand-Parmentier et la société Laridant et Cie ;

Considérant que l'échange d'informations entre les sociétés Finand-Parmentier et Laridant et Cie constitue une pratique anticoncurrentielle ayant eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le lot n° 9, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

En ce qui concerne le marché passé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation de lignes régulières de transport scolaire

Sur la concertation entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages, Voyages Rose, Transports J. Benoît, Voyages Baudart, les Autobus Artésiens, ID Voyages et Voyages Lebas consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant 54 lots en vue de la coordination de leurs offres

Considérant que le grief d'entente notifié est fondé sur un tableau informatisé au format A3 portant en entête les mentions " Transports scolaires du Pas-de-Calais. Appel d'offres 1996 " mentionnant 54 des 595 lots de transport scolaire mis en compétition et qui a été remis aux enquêteurs par les dirigeants de la société ST 2L Westeel Voyages ; que ce tableau fait apparaître, dans sa partie droite, trois colonnes regroupées sous une rubrique " Réponse ", à savoir une première colonne intitulée " qui ", laquelle mentionne des noms de sociétés, à savoir " Artésiens, Baudart, Transports J. Benoît, ID, Lebas et Rose ", une seconde colonne intitulée " prix " comportant une indication de prix pour 51 des 54 lots au regard de noms des entreprises, et une troisième colonne intitulée " notre prix ", mentionne des prix concernant d'autres sociétés soumissionnaires ;

Considérant que, contrairement à ce que font valoir plusieurs des sociétés mises en cause, les chiffres figurant dans la colonne " prix " ne correspondent ni aux prix des marchés antérieurs, ni au résultat de la mise en concurrence de 1995, des différences significatives de prix existant pour plusieurs sociétés, notamment les sociétés Autobus Artésiens et Voyages Lebas, ce que M. Mauclaire, dirigeant de la société ST 2L Westeel Voyages, a concédé, lors de son audition le 10 juillet 1996, sans pouvoir donner d'explication plausible : " Vous me faites remarquer que par exemple, sur les lots 16, 33, 34, 35, la colonne prix correspond aux prix remis par les Artésiens à cet appel d'offre de 1995/1996 et que sur les lots 524, 527, 528, 529, 530, 531, 532 la colonne prix correspond aux prix remis par Rose à cet appel d'offres de 1995-1996. Je n'ai pas d'explication quant à cet état de fait " ;

Considérant que, si le tableau litigieux n'est pas daté, comme le fait remarquer la société ID Voyages, M. Mauclaire, responsable de la société ST 2L Westeel Voyages, n'a soutenu à aucun moment qu'il serait postérieur à l'appel d'offres de l'automne 1995 ; que, d'ailleurs, selon les propres indications de M. Mauclaire, un autre tableau a été réalisé à sa demande postérieurement à cet appel d'offres pour synthétiser les résultats, ce que confirment les chiffres figurant sur ce dernier tableau ; qu'en outre, les autres sociétés, telle la société Voyages Rose, font état d'échanges informels d'informations ;

Considérant qu'un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable à l'entreprise qui l'a rédigé et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve ou, par le rapprochement avec d'autres indices graves, précis et concordants, comme élément de preuve d'une concertation ou d'un échange d'informations entre entreprises ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent plusieurs sociétés, le tableau communiqué par les responsables de la société ST 2L Westeel Voyages est opposable aux autres sociétés qui y sont mentionnées ;

Considérant que les sociétés Voyages Rose et Voyages Baudart émettent l'hypothèse selon laquelle les chiffres figurant sur ce tableau ne seraient que le résultat d'une pratique unilatérale de la société ST 2L Westeel Voyages ayant consisté à noter les informations glanées lors " d'échanges informels " avec les autres sociétés, peu habituées à la discrétion ; qu'à supposer une telle pratique établie, elle impliquerait bien, en tout état de cause, des échanges illicites d'informations sur les prix, condamnables quelles qu'en soient les modalités ;

Considérant que le tableau en cause ne saurait constituer une étude interne et unilatérale de l'intensité concurrentielle des lots en cause, dès lors qu'il ne comporte, pour chaque lot, que les prix de l'entreprise Westeel et d'une seule autre entreprise ;

Considérant que, si la société Voyages Rose évoque un projet de groupement entre entreprises de taille moyenne afin d'améliorer les enchaînements de circuits, cette explication n'est reprise par aucune autre société et n'est corroborée par aucune pièce du dossier ; que, notamment, le projet de GIE précédemment évoqué lors de l'examen des griefs relatifs aux marchés des lignes régulières de transports de voyageurs et révélé par les documents communiqués par la société ST 2L Westeel Voyages, se limitait à ces seules lignes ;

Considérant, enfin, que, si la société ID Voyages fait valoir que son implication dans la pratique dénoncée est peu vraisemblable, compte tenu de l'image négative qui était la sienne auprès des autres entreprises, il n'en demeure pas moins que figure sur le tableau recueilli auprès de la société ST 2L Westeel Voyages, pour le lot 195, le montant de la soumission effectivement remise par la société ID Voyages lors de l'appel d'offres de l'automne 1995 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'est établi un échange d'informations entre les sociétés pour lesquelles figurent des prix de soumissions ;

Considérant que le grief repose également, en ce qui concerne les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Transport Benoît, sur une télécopie en date du 15 décembre 1995 recueillie auprès de l'entreprise Transports Benoît, laquelle mentionne dans sa partie haute les identifiants " DE 09 " et " 95-12-15 11 : 56 G3 ST P1 " ; que cette télécopie comporte deux colonnes, l'une correspondant à des numéros de lots et l'autre à des prix ;

Considérant que la société Transports Benoît fait valoir que rien ne permet d'établir que ce document lui aurait été envoyé par la société ST 2L Westeel Voyages, les chiffres figurant en haut du document ne correspondant pas aux numéros de télécopieur des deux sociétés ; que, toutefois, il y a lieu de relever que ce document mentionne, à quelques décimales près, les prix de soumission de la société ST 2L Westeel Voyages, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que le premier prix de la colonne est précédé de la mention " xx " et que les offres qui ont été effectivement déposées pour ces lots par la société Transports J. Benoît sont précisément supérieures aux prix mentionnés sur cette télécopie, à l'exception des lots 585 et 586, que la télécopie en cause est datée du 15 décembre 1995, soit quelques jours seulement avant la date limite de remise des offres fixée au 18 décembre 1995, que son numéro d'origine a été volontairement masqué, pratique inhabituelle, et qu'il n'est, par suite, pas possible de conclure, contrairement à ce que soutient la société Transports Benoît, qu'elle n'émane pas d'un télécopieur d'une des deux sociétés concernées ;

Considérant que ce document constitue, en lui-même, la preuve d'un échange d'informations sur les prix entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages et Transports J. Benoît et, plus généralement, vient conforter le document analysé précédemment quant à l'existence d'une concertation plus globale ;

Considérant que, si les sociétés mises en cause évoquent la cohérence globale de leurs offres, les efforts consentis à l'occasion de l'appel d'offres de 1995 et les documents d'études produits lors de l'enquête, l'existence d'échanges d'information entre elles n'en demeure pas moins établie par les documents précédemment évoqués ;

Considérant que le contexte général, caractérisé, notamment, par une culture du travail en commun et par le fait que les nombreuses lignes de transport scolaire ouvertes à la compétition constituaient un enjeu fort pour les entreprises concernées, ne saurait justifier la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles ;

Considérant qu'est tout aussi inopérant le fait que le projet de répartition figurant sur le second tableau communiqué par la société ST 2L Westeel Voyages n'ait été que partiellement couronné de succès, soit du fait de la concurrence d'autres entreprises, soit même d'un changement de stratégie de la part d'entreprises ayant initialement participé aux échanges d'informations ;

Considérant que les sociétés destinataires du grief font vainement valoir que le fonctionnement du marché n'a pas été perturbé, dès lors que d'autres entreprises ont pu soumissionner, que le Conseil général du Pas-de-Calais a réalisé une économie globale d'environ un million de francs, que les échanges informels de prix n'avaient pas pour objet de perturber le jeu de la concurrence et que, d'ailleurs, plusieurs sociétés ont perdu des lots qu'elles détenaient auparavant ; que des échanges d'informations entre sociétés soumissionnaires, à plus forte raison s'ils portent sur le montant des soumissions, perturbent nécessairement le jeu normal de la concurrence, en l'éliminant ou en le limitant comme au cas d'espèce ;

Considérant que le contexte invoqué, à savoir une première mise en concurrence dans le cadre d'une délégation de service public, et les liens unissant certains dirigeants de sociétés qui expliqueraient des échanges informels d'informations dans une profession peu habituée au secret, ne sont pas de nature à influer sur la qualification des pratiques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les échanges d'informations, qui sont démontrés par les documents précédemment analysés, entre les sociétés ST 2L Westeel Voyages, Voyages Rose, Transports J. Benoît, Voyages Baudart, les Autobus Artésiens, ID Voyages et Voyages Lebas, en vue de la coordination de leurs offres pour 54 lots des marchés de transport scolaires du Pas-de-Calais, à savoir les lots n° 2, 4, 7, 8, 13, 16, 33, 34, 35, 45, 48, 77, 92, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 258, 259, 374, 381, 382, 388, 393, 396, 397, 500, 501, 502, 503, 504, 524, 525, 526, 527, 528, 529, 530, 531, 532, 565, 566, 567, 568, 581, 582, 583, 584, 585, 586, 587 et 588, constituent une pratique anticoncurrentielle ayant pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant que les sociétés Transports Benoît et Voyages Baudart soutiennent que le 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, codifié à l'article L. 420-4 du Code de commerce, peut être utilement invoqué dans la mesure où la concurrence n'a pas été atteinte puisque d'autres entreprises que celles mentionnées sur les documents retenus par le rapporteur ont déposé des offres et, qu'en conséquence, il n'y a pas eu de dommage pour l'économie, le meilleur prix ayant été proposé à chaque fois et le département ayant réalisé une économie globale de un million de francs ;

Mais considérant, d'une part, que l'échange d'informations a concerné pour chacun des lots un nombre substantiel de soumissionnaires et pouvait, dès lors, avoir un effet anticoncurrentiel ; que, d'autre part, les entreprises n'apportent aucun élément permettant d'établir une quelconque contribution au progrès économique ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 420-4 du Code de commerce ne sont pas applicables.

Sur la concertation entre les sociétés les Cars Express et les Autobus Artésiens ayant consisté à déposer des offres séparées pour les lots n° 37 à 39 sans avertir le département du Pas-de-Calais qu'elles appartenaient au même groupe d'entreprises

Considérant qu'il est loisible à plusieurs entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers, comme une société mère et ses filiales ou les filiales d'une même société mère entre elles, ou comme les sociétés mères d'une filiale commune, de renoncer à leur autonomie commerciale et de se concerter pour établir des propositions en réponse à un appel d'offres, à la condition de faire connaître au maître d'ouvrage, lors du dépôt de leurs offres, la nature des liens qui les unissent, d'une part, le fait que leurs offres ont été établies en commun ou qu'elles ont communiqué entre elles pour les établir, d'autre part ;

Considérant, à l'inverse, que des entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers peuvent choisir de présenter des offres distinctes et concurrentes, dès lors qu'elles disposent de leur autonomie commerciale et ne procèdent à aucun échange d'information ;

Maisconsidérant que, lorsqu'ayant fait ce dernier choix, elles se concertent néanmoins pour coordonner leurs offres ou pour les élaborer ou les réaliser en commun, elles faussent le jeu de la concurrence et trompent le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence entre les soumissionnaires aux marchés considérés ;

Considérant, au cas d'espèce, que les sociétés les Cars Express et les Autobus Artésiens soutiennent que le département du Pas-de-Calais n'ignorait pas, à la date des appels d'offres, qu'elles appartenaient au même groupe, situation fort ancienne et de notoriété publique ; qu'au surplus, divers documents remis lors de l'appel d'offres permettaient de mettre en évidence cette situation ;

Considérant, cependant, que la connaissance que pouvait avoir le département des liens les unissant, à la supposer établie, n'impliquait nullement qu'il soit au courant de la concertation à laquelle elles avaient procédé et ne dispensait donc pas les sociétés en cause de respecter les règles de la concurrence ; qu'il ressort des pièces du dossier que les sociétés les Cars Express et les Autobus Artésiens ont présenté des offres apparemment indépendantes pour les lots n° 37 à 39, alors même qu'elles avaient été coordonnées ; que la preuve de cette coordination résulte de la part active prise, dans la rédaction de chacune des offres, par M. J-F. Liget, lequel exerce des fonctions de direction dans ces trois sociétés et a écrit, à ce propos, le 21 août 1996, à l'enquêteur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : " Pour les trois sociétés précitées dans lesquelles j'ai des responsabilités, c'est moi qui ai supervisé les offres de prix " ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que la politique de remises pratiquée par les sociétés du groupe Cotrap, en cas d'attribution de lots multiples aux sociétés du groupe, permettait à elle seule de rendre totalement transparente leur stratégie concurrentielle et, donc, au département du Pas-de-Calais d'être informé d'une coordination des offres ;

Considérant que les sociétés ne sauraient s'exonérer en invoquant un oubli lors de la rédaction des offres, cette thèse ne pouvant au surplus être admise eu égard à la mention " anciens contrats sous-traités à CE " figurant sur le tableau préparatoire des soumissions à l'entête " Les cars express " communiqué à l'enquêteur par la société les Courriers Automobiles Picards ; que cette mention établit formellement le lien délibéré entre les deux offres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la coordination des offres des sociétés Autobus Artésiens et les Cars Express pour les lots n° 37 à 39 a eu pour objet et pour effet de fausser et de limiter le jeu de la concurrence pour ces deux lots, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur la concertation entre la société les Courriers Automobiles Picards et la société Bajus Transports consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 61, 63, 64, 66 et 67 et 105, sur la concertation entre la société les Courriers Automobiles Picards et la société des Transports Gilles Delambre consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 243 et 244 et sur la concertation entre la société les Cars Express et la société Bajus Transports consistant en des échanges d'informations sur les prix concernant les lots n° 62, 65, 68, 69, 71, 72, 74 et 76 ;

Considérant que l'existence de concertations entre la société les Courriers Automobiles Picards, d'une part, et les sociétés Bajus Transports et Transports Gilles Delambre, d'autre part, est établie par le tableau manuscrit de préparation des offres à l'en-tête " CAP ", qui mentionne les lots concernés, le kilométrage et les prix ; que ce tableau comporte, en effet, une colonne " observations " en haut de laquelle est portée l'annotation " ne pas frapper " et dans laquelle figurent les mentions " Pour couvrir Bajus, non remisable " en regard des lots 61, 63, 64, 66 et 67 et " ex CAP Bajus, non remisable " en regard des lots 105 et 106 ; qu'en regard des lots 243 et 244, on trouve dans la même colonne la mention " non remisable, pour couvrir Delambre " ;

Considérant que les annotations portées sur ce document sont à rapprocher des résultats de l'appel d'offres ; qu'en effet, la société les Courriers Automobiles Picards n'a pas soumissionné pour les lots 61, 63, 64, 66 et 67, lesquels ont été attribués à la société Bajus Transports, seule soumissionnaire ; que la société les Courriers Automobiles Picards n'a pas déposé d'offre pour le lot n° 105 et a déposé une offre bien supérieure à celle de la société Bajus Transports pour le lot n° 106 ; que ces deux lots ont été attribués à la société Bajus Transports ; que les lots n° 243 et 244 ont été attribués à la société des Transports Gilles Delambre en présence d'une offre bien supérieure présentée par la société les Courriers Automobiles Picards ;

Considérant que, de la même façon, l'existence d'une concertation entre la société les Cars Express et la société Bajus Transports est établie par le tableau manuscrit de préparation des offres à l'en-tête " Cars express " recueilli auprès de la société les Courriers Automobiles Picards, qui comporte, en regard des lots n° 62, 65, 68, 69, 71, 72, 74 et 76, la mention " Pour couvrir Bajus, non remisable ", les lots 62, 68, 72, 74 et 76 étant rayés ; que l'ensemble de ces lots a également été attribué à la société Bajus Transports en l'absence d'offres compétitives de la part de la société les Cars Express ;

Considérant que les mentions figurant sur ces tableaux et en particulier la mention " pour couvrir " sont dépourvues de toute ambiguïté ; que les explications proposées a posteriori par les sociétés les Courriers Automobiles Picards et les Cars Express, selon lesquelles ces tableaux constitueraient de simples études préparatoires aux offres sont peu vraisemblables ; qu'en outre, ces explications ne rendent pas compte de l'ensemble des indices, en particulier l'absence de réponse sur certains lots ;

Considérant, en revanche, que l'explication consistant dans l'existence d'une entente anticoncurrentielle est confortée par le fait que les sociétés du groupe Cotrap craignaient des représailles de la part des petits transporteurs du Pas-de-Calais, telles les sociétés Transports Gilles Delambre ou Bajus Transports, en cas d'offres trop agressives, ainsi que l'a expressément indiqué M. Liget dans une lettre adressée à l'enquêteur, le 21 août 1996 : " Par ailleurs, nous avons été amenés stratégiquement à penser que la perte d'un ou plusieurs services aurait pu mettre ces entreprises en difficulté et leur proximité immédiate de la Somme aurait pu les amener à pratiquer, en guise de représailles, des prix anormalement bas, sans fondement économique pour la consultation de la Somme " ;

Considérant qu'un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable à l'entreprise qui l'a rédigé et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve ou, par le rapprochement avec d'autres indices graves, précis et concordants, comme élément de preuve d'une concertation ou d'un échange d'informations entre entreprises ; que le niveau des soumissions déposées et le fait que certains lots de transport scolaire aient changé de titulaires ne sont pas de nature à contredire ces éléments matériels ;

Considérant, enfin, que, contrairement à ce qu'affirment les sociétés les Cars Express et les Courriers Automobiles Picards, la remise d'offres de couverture conserve son intérêt en cas de délégation de service public ; qu'en effet, si la loi du 29 janvier 1993, dite " loi Sapin ", régissant les délégations de service public, prévoit une phase de négociation des offres, entre le déléguant et la délégation pressenti, celle-ci fait suite à une première phase au cours de laquelle chacun des candidats présente son offre ; que, dans la pratique, le prix initialement proposé joue un rôle essentiel pour déterminer avec quel candidat la collectivité va engager ultérieurement les négociations, ainsi que l'illustrent d'ailleurs les résultats des procédures lancées par le département du Pas-de-Calais pour les transports scolaires ; que, dans ces conditions, la préparation d'offres de couverture en réponse à l'appel d'offres est de nature, d'une part, à inciter le maître d'ouvrage à retenir l'entreprise prédésignée, d'autre part, à limiter les concessions tarifaires initiales à consentir pour pouvoir être choisi comme attributaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les documents précités constituent la preuve d'ententes entre les sociétés en cause ; que ces pratiques, qui ont eu un objet et un effet sur le jeu de la concurrence, sont prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

En ce qui concerne le marché passé par la commune d'Hénin-Beaumont pour le transport scolaire

Considérant que ni la société Voyages Rose, ni la société Transports J. Benoît ne contestent que la télécopie adressée le 1er juillet 1995, soit deux jours seulement avant la date limite de remise des offres, par la société Voyages Rose à la société Transports J. Benoît et communiquée aux enquêteurs par le dirigeant de la société Transports J. Benoît, comportait des propositions de prix de soumission pour le marché du transport scolaire de la commune d'Hénin-Beaumont ;

Considérant que l'argument selon lequel cette transmission de prix n'aurait pas eu pour objet de fausser la concurrence est sans fondement, dès lors que les prix figurant sur ce document sont systématiquement plus élevés que les tarifs de l'offre remise par la société Voyages Rose ; que, si, en définitive, la société Transports J. Benoît n'a pas déposé de soumission, la télécopie avait pour objet de permettre à cette dernière société, peu motivée par ce marché pour des raisons techniques, de fournir une offre de couverture en recopiant les tarifs qui y figuraient, et ce au profit de la société Voyages Rose qui souhaitait conserver le marché de la commune d'Hénin-Beaumont ; que, d'ailleurs, aucune explication convaincante concernant cet échange d'informations n'a pu être fournie par les dirigeants des sociétés lors de leur audition par les enquêteurs ;

Considérant que les relations amicales qui paraissent unir les dirigeants de ces deux sociétés sont sans incidence sur la qualification des pratiques ;

Considérant, enfin, que l'objet anticoncurrentiel et la potentialité d'effet anticoncurrentiel de la transmission d'informations demeurent, alors même que d'autres candidats que ceux ayant participé à la concertation n'auraient pas été empêchés de déposer une offre ; qu'est également sans portée le fait que la société Voyages Rose ait, en définitive, été la seule à déposer une offre ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il est démontré que les sociétés Voyages Rose et Transports J. Benoît ont, antérieurement à la remise des offres, participé à une concertation consistant en des échanges d'informations sur les prix, en vue de la coordination de leurs offres, pratique ayant eu pour objet et pour effet, au moins potentiel, de limiter la concurrence sur le marché concerné au sens des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur l'imputabilité des pratiques

Considérant que la société Laridant et Cie a absorbé la SARL Voyages Lebas en application d'un traité de fusion du 16 novembre 1999 avec effet rétroactif au 1er janvier 1999; que la société issue de cette fusion, actuellement dénommée SA Lebas et Laridant, dont la société DL Entreprises est devenue l'actionnaire principal et qui a repris l'ensemble des éléments constitutifs de la société absorbée, doit être regardée comme assurant la continuité économique et fonctionnelle de l'entreprise absorbée; qu'en conséquence, la société SA Lebas et Laridant doit répondre des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société Laridant et Cie et par la SARL Voyages Lebas;

Sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce : " Le Conseil de la concurrence ... peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;

Considérant que les ententes horizontales entre soumissionnaires concurrents à des marchés publics ayant pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence par les prix et d'aboutir à une répartition des marchés sont d'une particulière gravité ; qu'il s'agissait, en outre, de la première application de la nouvelle procédure d'attribution des délégations de service public prévues par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

Considérant que le dommage à l'économie, résultant des ententes constatées lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'exploitation de dix lignes régulières de transport de voyageurs par car, est d'autant plus important que les concertations ont concerné la presque totalité des lots et qu'il s'agissait de la première véritable mise en concurrence desdits lots ;

Considérant, par ailleurs, que, pour apprécier le dommage à l'économie résultant des ententes constatées lors de l'appel à candidatures pour l'exploitation de lignes de transport scolaires lancé par le département du Pas-de-Calais, il y lieu de tenir compte du fait que sur les 595 lots proposés aux entreprises, 74 ont été affectés par des pratiques de concertation ;

Considérant, enfin, que, pour apprécier le dommage à l'économie résultant de l'entente constatée lors de l'appel à candidature pour l'exploitation de lignes de transports scolaires lancé par la commune d'Hénin- Beaumont, il y lieu de tenir compte du fait que les quatre lots ont été concernés et que la concertation impliquait l'entreprise précédemment titulaire du lot, susceptible, de par son implantation, de présenter une offre compétitive ;

En ce qui concerne la société les Autobus Artésiens

Considérant que la société les Autobus Artésiens a participé à deux ententes, en vue de fausser ou limiter la concurrence sur les marchés du transport scolaires du département du Pas-de-Calais , l'une concernant trois lots attribués pour un montant total de 2 293 451 F et l'autre concernant au total 54 lots ; que les pratiques de cette société, contraires aux dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ont concerné dix de ces 54 lots attribués pour un montant de 12 791 178 F ;

Considérant que la société les Autobus Artésiens a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 59 027 952 F au cours de l'exercice clos le 31 août 2000, dernier exercice clos disponible ; que les deux derniers exercices ont généré un déficit significatif ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société les Autobus Artésiens une sanction pécuniaire de 280 000 F ;

En ce qui concerne la société les Courriers Automobiles Picards (CAP)

Considérant que la société les Courriers Automobiles Picards (CAP) a participé à deux ententes concernant respectivement deux lots attribués pour un montant total de 2 354 911 F et sept lots attribués pour un montant de 7 832 934 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transport scolaires ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 116 002 943 F au cours de l'exercice clos le 31 août 2000, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 601 000 F ;

En ce qui concerne la société les Cars Express

Considérant que la société les Cars Express a participé à deux ententes concernant respectivement trois lots attribués pour un montant total de 2 293 451 F et huit lots attribués pour un montant total de 11 309 612 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transports scolaires ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 16 319 126 F au cours de l'exercice clos le 31 août 2000, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 168 000 F ;

En ce qui concerne la société des Transports Gilles Delambre

Considérant que la société des Transports Gilles Delambre a participé à une entente concernant deux lots attribués pour un montant total de 3 547 446 F lors de l'appel à candidature lancé par le département du Pas-de- Calais pour l'attribution des lignes régulières et à une entente concernant deux lots attribués pour un montant de 2 354 911 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transport scolaires ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 9 439 813 F au cours de l'exercice clos le 30 juin 2000, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 83 000 F ;

En ce qui concerne la société Bajus Transports

Considérant que la société Bajus Transports a participé à deux ententes concernant respectivement sept lots attribués pour un montant total de 7 832 934 F et huit lots attribués pour un montant total de 11 309 676 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transport scolaires ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 7 336 290 F au cours de l'exercice clos le 31 août 2000, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 165 000 F ;

En ce qui concerne la société Autocars Finand-Parmentier

Considérant que la société Autocars Finand-Parmentier a participé à une entente concernant un lot attribué pour un montant de 813 676 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes régulières de transport de voyageurs ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 14 525 139 F au cours de l'exercice clos le 31 août 2000, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 38 000 F ;

En ce qui concerne la société ID Voyages

Considérant que la société ID Voyages a participé à une entente concernant au total 54 lots lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transport scolaires ; que les pratiques de la société ID Voyages, contraires aux dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ont concerné un seul des 54 lots d'une valeur de 957 630 F ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 22 688 895 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 46 000 F ;

En ce qui concerne la société Lebas et Laridan

Considérant que la société Lebas et Laridant doit, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, se voir imputer les pratiques mises en œuvre par les sociétés Laridant et Cie et Voyages Lebas ;

Considérant que la société Laridant et Cie a participé à deux ententes concernant respectivement un lot attribué pour 813 676 F et cinq lots attribués pour un montant total de 11 623 718 F lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes régulières de transport de voyageurs ;

Considérant que la société Voyages Lebas a participé à une entente concernant au total 54 lots lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transports scolaires ; que les pratiques de la société Voyages Lebas, contraires aux dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ont concerné sept des 54 lots attribués pour un montant total de 11 241 837 F, la société Voyages Lebas étant directement concernée pour sept lots attribués pour un montant total de 11 241 837 F ;

Considérant que la société Lebas Laridant a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 25 521 059 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; que les deux derniers exercices clos ont généré un déficit significatif ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Lebas et Laridant une sanction pécuniaire de 253 000 F ;

En ce qui concerne la société ST 2L Westeel Voyages

Considérant que la société ST 2L Westeel Voyages a participé à deux ententes concernant respectivement deux lots attribués pour 3 547 446 F et cinq lots attribués pour 11 623 718 F lors de l'appel à candidature lancé par le département du Pas-de-Calais pour les lignes régulières de transport de voyageurs et 54 lots attribués pour un montant total de 48 961 200 F lors de l'appel à candidature lancé par le département du Pas-de-Calais pour les lignes de transports scolaires ; que cette société a joué un rôle déterminant dans ces ententes ;

Considérant que la ST 2L Westeel Voyages a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 52 009 162 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 040 000 F ;

En ce qui concerne la société Transports J. Benoît

Considérant que la société Transports J. Benoît a participé à deux ententes concernant l'une 54 lots lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes régulières de transport de voyageurs, les pratiques de la société ayant concerné 18 des 54 lots attribués pour un montant de 18 846 892 F et l'autre pour le transport scolaire lancé par la commune d'Hénin-Beaumont, dont les quatre lots ont été estimés à 740 000 F ;

Considérant que la société Transports J. Benoît a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 14 679 063 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 201 000 F ;

En ce qui concerne la société Voyages Baudart

Considérant que la société Voyages Baudart a participé à une entente concernant au total 54 lots lors de l'appel à candidatures lancé par le département du Pas-de-Calais pour l'attribution des lignes de transports scolaires ; que les pratiques de cette société, contraires à l'article L. 462-2 du Code de commerce, ont concerné trois des 54 lots attribués pour 3 449 787 F ;

Considérant que la société Voyages Baudart a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 14 794 898 F au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 57 000 F ;

En ce qui concerne la société Voyages Rose

Considérant que la société Voyages Rose a participé à deux ententes ; que l'une de ces ententes concerne au total 54 lots lors de l'appel à candidature lancé par le département du Pas-de-Calais pour les lignes de transports scolaires, les pratiques de la société Voyages Rose, contraires à l'article L. 462-4 du Code de commerce, ayant concerné neuf de ces 54 lots, attribués pour 8 595 049 F ; que l'autre entente concerne l'appel d'offres lancé par la commune d'Hénin-Beaumont pour les transports scolaires dont les quatre lots ont été estimés à 740 000 F ; que, pour ce dernier appel d'offres, la société Voyages Rose a joué un rôle déterminant dans l'entente ;

Considérant que cette société a réalisé, en France, un chiffre d'affaires hors taxes de 1 137 767 F au cours de l'exercice clos le 31 mars 2000, dernier exercice clos disponible, chiffre d'affaires en chute brutale par rapport à l'exercice précédent ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Voyages Rose, une sanction pécuniaire de 35 000 F,

Décide :

Article 1er : - Il est établi que les sociétés les Autobus Artésiens, les Courriers Automobiles Picards (CAP), les Cars Express, des Transports Gilles Delambre, Bajus Transports, Autocars Finand-Parmentier, ID Voyages, Laridant et Cie et Voyages Lebas venant aux droits des sociétés Voyages Lebas et Laridant et Cie, ST 2L Westeel Voyages, Transports J. Benoît, Voyages Baudart et Voyages Rose ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

280 000 F à la société les Autobus Artésiens ;

601 000 F à la société les Courriers Automobiles Picards (CAP) ;

168 000 F à la société les Cars Express ;

83 000 F à la société des Transports Gilles Delambre ;

165 000 F à la société Bajus Transports ;

38 000 F à la société Autocars Finand-Parmentier ;

46 000 F à la société ID Voyages ;

253 000 F à la société Lebas et Laridant ;

1 040 000 F à la société ST 2L Westeel Voyages ;

201 000 F à la société Transports J. Benoît ;

57 000 F à la société Voyages Baudart ;

35 000 F à la société Voyages Rose.