Conseil Conc., 13 juin 1989, n° 89-D-21
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Situation de la concurrence dans le secteur de la robinetterie pour gaz domestique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section sur le rapport de Mme D. Lamarque, dans sa séance du 13 juin 1989, où siégeaient : M. Pineau, président ; MM. Azema, Cortesse, Sargos, Urbain.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre, enregistrée le 15 octobre 1986, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, a saisi le Conseil de la concurrence d'un dossier relatif à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la robinetterie pour gaz domestique ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ; Vu la décision du président du Conseil de la concurrence n° 88-DSA-04 en date du 14 avril 1988 ; Vu les observations des parties ; Vu les observations du commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des parties entendus ; Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :
I. - Constatations
Le marché
Le marché de la robinetterie pour gaz domestique comporte deux catégories de produits :
- les produits pour gaz de pétrole liquéfié (GPL) butane et propane, qui permettent de relier le réservoir de gaz (cuve, citerne, bouteille) à l'appareil applicateur (cuisinière, radiateur, chauffe-eau) et d'assurer l'utilisation du gaz stocké ; on regroupe sous cette rubrique des appareils de conception relativement simple comprenant un détendeur, régulateur de pression, destiné à abaisser la pression du gaz à une valeur constante, un tuyau de raccord (lyre) et divers accessoires de sécurité ;
- les produits pour gaz naturel qui ont pour fonction de maîtriser non la pression mais la régulation ; deux grands types de produits sont distingués : ceux qui sont situés avant compteur, dont l'installation est du ressort exclusif de Gaz de France ou d'installateurs agréés, et ceux qui sont situés après compteur (robinets, lyre) installés par l'usager.
Ces différents produits font l'objet d'une réglementation rigoureuse. Ils sont soumis à l'estampille NF Gaz, label de conformité aux normes définies par l'Association française de normalisation (AFNOR) et vérifiées par une commission d'estampillage où, en particulier, Gaz de France est représenté. Dès lors, les matériels commercialisés par les fabricants sont, pour chacune des utilisations, techniquement identiques et substituables.
Au cours de la période des faits soumis à l'examen du Conseil, l'offre de matériel de robinetterie pour GPL était principalement assurée par trois fabricants Clesse-Mandet, Gurtner et Briffault ainsi que par un importateur de matériels italiens (Favex). Le chiffre d'affaires annuel réalisé en France par Clesse-Mandet sur ce marché pendant les années 1983 à 1985 était compris entre 45 et 48,5 millions de francs ; celui de Gurtner compris entre 19,6 et 21,8 millions de francs ; celui de Briffault, enfin, compris entre 16,7 et 17,8 millions de francs.
Sur le marché de la robinetterie pour gaz naturel, la fabrication des régulateurs est pour l'essentiel assurée par trois sociétés Clesse-Mandet, Mesura, Briffault, dont les chiffres d'affaires annuels sur le marché s'élèvent entre 1983 et 1985 respectivement de 26,8 millions de francs à 31,7 millions de francs, de 33,6 millions de francs à 42,3 millions de francs et de 2 millions de francs à 8,5 millions de francs. D'autres entreprises de dimensions modestes interviennent également sur le marché des robinets et raccords : Clesse-Pingeot (filiale de Clesse-Mandet), Doyer, Clere, Chuchu-Decayeux et Banides Debeaurin.
Les pratiques relevées
a) Les accords d'approvisionnement et de fabrication concernant les produits pour GPL.
Les sociétés Briffault, Gurtner et Clesse-Mandet ont conclu des accords d'approvisionnement afin de proposer à leur clientèle des gammes complètes de produits.
En 1983, la société Gurtner a abandonné la production du détendeur butane AS 5 et s'est approvisionnée, sans contrepartie industrielle, auprès de la société Briffault qui offrait le produit à meilleur prix.
La société Briffault a également fabriqué deux modèles de détendeurs pour le compte de la société Clesse-Mandet dont les prix de revient n'étaient plus compétitifs. Faute d'avoir obtenu une quelconque contrepartie de la société Briffault et parce que les prix des produits italiens étaient inférieurs à ceux de son fournisseur, la société Clesse-Mandet a, en 1985, rompu le contrat d'approvisionnement. Elle s'est engagée dans un programme d'investissement destiné à offrir un nouveau modèle de détendeur devant concurrencer la production italienne. La société Gurtner s'est alors approvisionnée par accord conclu en 1986, de manière non exclusive, auprès de ce nouveau producteur, ses achats étant répartis entre Clesse-Mandet et Briffault.
La société Gurtner a passé en 1983 avec la société Pingeot-Bardin (achetée en 1985 par Clesse-Mandet) un accord aux termes duquel Gurtner devait fournir à Pingeot-Bardin un modèle de détendeur haute pression pour citerne propane petit vrac et Pingeot-Bardin livrer à Gurtner des soupapes de sûreté pour citerne petit vrac. Par ces achats croisés les deux entreprises ont été en mesure de proposer des équipements complets de citernes.
Tous les accords, qui portaient sur des produits précisément définis, avaient pour but de s'approvisionner auprès du producteur dont le prix de revient était le plus faible.
b) Les ententes sur les prix et les marges des produits de robinetterie pour GPL.
L'un des représentants de la société Gurtner a déclaré lors de l'enquête administrative que des concertations, remontant à une vingtaine d'années, portaient " sur l'évolution des coûts de revient et par conséquent sur l'évolution des tarifs de vente.., on prend quelques produits types qui permettent de voir comment évoluent les coûts de revient ; il en ressort une hausse moyenne que nous répercutons sur nos tarifs de vente. Il en est de même pour la date d'application des tarifs " (pièce n° 19).
Le directeur général de la société Clesse-Mandet reconnaît que " l'évolution des coûts de construction est évoquée au cours de réunions syndicales (...). Il est possible qu'à l'occasion d'autres contacts (...) des informations sur l'évolution des tarifs de vente dans leurs niveaux de prix ou dans leur date d'application soient échangées... " (pièce n° 20).
Confirmant ces déclarations, diverses notes saisies (pièces n° 22 à 31) notamment chez les sociétés Briffault et Gurtner permettent d'établir que ces sociétés et la société Clesse-Mandet se sont régulièrement concertées, pendant les années 1983, 1984 et 1985, sur les hausses des tarifs à intervenir et sur leurs dates d'application.
Dans les faits, ces concertations se sont traduites par des augmentations de tarifs souvent identiques et à des dates très voisines.
Ainsi, en 1983, les sociétés Clesse-Mandet, Gurtner et Briffault ont, à deux reprises, appliqué simultanément des hausses identiques (3,7 p. 100 le 1er février et 3,2 p. 100 le 1er juillet 1983). A la suite de la libération des prix, ces trois entreprises ont pratiqué une hausse identique de 4 p. 100 entre le 25 juillet et le 1er septembre de cette même année. Enfin, entre le 1er et le 15 décembre elles ont augmenté leurs tarifs de 2 p. 100.
Elles ont mis en application d'une part, pour l'année 1984, une hausse de 4 p. 100 (4,5 p. 100 pour Clesse-Mandet) entre le 2 mai et le 1er juillet, puis une hausse identique de 3 p. 100 entre le 10 et le 15 décembre, d'autre part, pour l'année 1985, entre le 1er et le 3 juillet une hausse identique de 3 p. 100.
Ces entreprises se sont également concertées afin d'uniformiser le plafond des taux de remises accordées à la clientèle.
Ces concertations ont été reconnues lors de l'enquête administrative par le directeur de la société Gurtner qui a déclaré " Face aux pressions des groupements de grossistes, nous nous concertons avec Briffault et Clesse-Mandet pour limiter les remises maximales à 48,5 p. 100 en général et 50 p. 100 pour les très gros clients ainsi que pour les bonifications de fin d'année (maximum 3 p. 100) " (pièce n° 19). Le directeur général de la société Clesse-Mandet a reconnu la concertation sur les remises (pièce n° 75). En revanche, le président-directeur général de la société Briffault a nié y avoir participé.
Les concertations sur les taux de remises ont été partiellement suivies d'effet. Durant la période examinée, les taux de remises moyens de Clesse-Mandet étaient selon elle de 48,5 p. 100 mais n'étaient pas uniformes pour tous les clients et les bonifications de fin d'année allaient de 1 à 3 p. 100 pour les groupements. Quant à Gurtner, de 1984 à 1987, les taux de remises, hors promotion, étaient plafonnés à 48,5 p. 100 pour 93 p. 100 des clients ; 7 p. 100 de clients privilégiés se voyaient consentir un taux de remise de 50 p. 100 ; les bonifications de fin d'année accordées allaient de 1 à 4 p. 100. Les taux de remise de la société Briffault, promotion incluse, auraient été de 52 à 53 p. 100, sans qu'il y ait de bonification de fin d'année.
Enfin, à l'occasion d'une réunion tenue au siège de l'Association française des industries de la robinetterie le 5 avril 1984, les sociétés Clesse-Mandet, Gurtner et Briffault ont invité la société Favex, importateur de matériels italiens concurrents, à limiter ses remises à 48,5 p. 100 (pièces n° 39).
c) Les ententes sur les prix et les marges des produits de robinetterie pour gaz naturel
Des concertations ont également eu cours entre les sociétés Clesse-Mandet, Mesura et Briffault afin de déterminer des taux de hausse de tarifs communs à appliquer à des dates données. Le représentant de la société Mesura a ainsi déclaré que les professionnels concernés se rencontraient à l'issue des réunions syndicales pour " se concerter sur l'opportunité des hausses de tarifs... Il y a donc concertation sur le choix de la date de hausse des tarifs. Le taux de hausse est déterminé par les formules de révision " (pièce n° 74). L'instruction a révélé que les trois fabricants se sont occasionnellement communiqué les tarifs qu'ils se proposaient d'adopter ou les hausses qu'ils entendraient appliquer.
Ces ententes, qui ont porté sur les tarifs applicables jusqu'en 1985, n'ont été que partiellement suivies d'effets. En 1983, à deux mois d'intervalle, les entreprises ont relevé leurs prix d'un même taux de 4 p. 100. Ultérieurement, les entreprises ont augmenté leurs tarifs à des dates et à des taux différents.
A la suite d'une modification de la politique commerciale de Gaz de France, les sociétés Clesse-Mandet et Mesura se sont également concertées pour restructurer leurs tarifs et leurs marges et ne pas consentir de remises aux installateurs. Par ailleurs, les entreprises ont entendu ménager la clientèle des grossistes, grâce à un accroissement de leurs remises, avantage destiné à compenser une hausse des tarifs appliqués à l'ensemble de la clientèle. Deux entretiens téléphoniques attestés par des notes saisies au cours de l'enquête administrative (pièces n° 45 et 46) ont eu lieu le 2 et le 18 juillet 1984 afin d'harmoniser les pratiques commerciales et de tenter d'y associer Briffault, nouveau venu sur le marché.
d) Les concertations sur des marchés passés avec Gaz de France :
Gaz de France s'approvisionne en régulateurs avant compteur auprès des entreprises que l'établissement a agréées et dont il a homologué les produits. Jusqu'en 1986, les consultations étaient annuelles. Elles sont lancées actuellement tous les deux ans.
Le directeur général de la société Clesse-Mandet a reconnu au cours de l'enquête l'existence de concertations à l'occasion des marchés passés avec Gaz de France en déclarant " qu'il est arrivé qu'à la suite de réunions professionnelles certaines informations sur les prix soient échangées avec nos confrères " (annexe n° 41). Le directeur administratif de la société Mesura a, pour sa part, déclaré " ... tant au niveau de la négociation avec GDF qu'auparavant lors de la remise des prix, nous échangeons avec nos confrères des informations sur la situation du marché, des taux de hausses résultant de la formule de révision et des prix qui en découlent..." (annexe n° 60).
Pour le marché 1983-1984, les sociétés Clesse-Mandet et Briffault ont, avant la remise des offres, échangé des informations tendant à harmoniser leurs propositions vis-à-vis du client (pièces n° 50 et 51). Pour le marché 1984-1985, un document saisi dans les locaux de la société Briffault (pièce n° 52) montre que celle-ci connaissait, avant la remise des offres, les prix exacts de ses concurrents. Pour le marché 1985-1986, les éléments versés au dossier (pièce n° 57) rendent compte d'échanges d'informations analogues.
Occasionnellement, ces échanges se sont poursuivis après la remise des offres en portant sur les exigences de l'acheteur et l'importance des rabais à lui consentir.
e) Le rôle de l'Association française des industries de la robinetterie
Les concertations entre Clesse-Mandet, Gurtner, Briffault et Mesura ont fréquemment été fondées sur des éléments d'information fournis par l'organisation professionnelle se rapportant en particulier à l'évolution des coûts de production des fournisseurs. Ces concertations se sont déroulées à la suite de réunions syndicales.
II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence
Sur les textes applicables
Considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'absence de vide juridique résulte de l'application des règles de fond contenues dans l'ordonnance du 30 juin 1945 dans la mesure où les qualifications énoncées par celle-ci sont reprises par le nouveau texte ; que l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l'Economie, sont exercés par le Conseil de la concurrence ; qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 59 de cette ordonnance, demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; qu'enfin les pratiques, qui étaient visées par les dispositions du premier alinéa de l'article 50 de cette dernière ordonnance et auxquelles les dispositions de son article 51 n'étaient pas applicables, sont identiques à celles qui sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne les accords d'approvisionnement et de fabrication concernant les produits pour GPL :
Considérant qu'il n'est pas établi que ces différents accords aient eu un autre objet que de permettre aux entreprises en cause de rationaliser leurs productions ou de leur éviter d'entreprendre des fabrications pour lesquelles elles n'étaient pas compétitives tout en permettant à chacune d'entre elles d'offrir à sa clientèle une gamme complète de produits ; qu'il n'est pas non plus établi dans les circonstances de l'espèce que ces accords impliquaient ou pouvaient entraîner une limitation de la liberté industrielle ou commerciale des entreprises en ce qui concerne les produits qu'elles acquéraient auprès de leur cocontractant; que dès lors ces accords ne sont pas visés par les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
En ce qui concerne les pratiques relatives aux produits pour GPL :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les sociétés Clesse-Mandet, Gurtner et Briffault se sont concertées en diverses occasions sur les hausses de tarifs à intervenir et sur les dates d'application de ces hausses pendant les années 1983, 1984 et 1985 ; que de telles concertations, qui se sont traduites par des hausses fréquemment identiques et aux mêmes dates ou à des dates rapprochées, avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence par les prix ;
Considérant que la circonstance que les prix réellement pratiqués par Clesse-Mandet étaient différents de ceux des autres sociétés est sans portée, les concertations incitant chacune des trois sociétés à aligner ses hausses sur celles de ses concurrents ;
Considérant que les entreprises en cause ne sont pas fondées à soutenir que leurs concertations n'auraient porté que sur l'évolution de leurs coûts de revient ; que les déclarations des responsables des sociétés Gurtner et Clesse-Mandet ainsi que les notes saisies au sein de la société Briffault établissent clairement que ces sociétés se concertaient également sur les augmentations de leurs tarifs ;
Considérant que les sociétés ne sont pas fondées à invoquer l'identité des hausses de leurs coûts pour expliquer celle des hausses de leurs tarifs dès lors qu'il est établi que ces hausses de tarifs ne résultaient pas de décisions indépendantes et autonomes prises par chacune d'elles mais d'une concertation entre elles ;
Considérant, en second lieu, que les sociétés Clesse-Mandet, Briffault et Gurtner se sont mises d'accord pour plafonner à 48,5 p. 100 les taux de remise consentis à leur clientèle ; que les sociétés Clesse-Mandet et Gurtner ont fait de même pour plafonner à 3 p. 100 leurs bonifications de fin d'année ; que ces concertations avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence ; qu'en outre, elles ont été largement suivies d'effets ;
Considérant que les ententes sur les hausses de tarifs et leurs dates d'application, ainsi que celles relatives à l'harmonisation des remises et des bonifications de fin d'année, ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de limiter l'exercice de la concurrence ;
En ce qui concerne les pratiques relatives aux produits de robinetterie pour gaz naturel :
Considérant en premier lieu que les sociétés Mesura, Briffault et Clesse-Mandet se sont concertées pour harmoniser les taux de hausse de leurs tarifs ainsi que leurs dates d'application ; que ces concertations pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence entre elles ; que les parties ne sauraient utilement soutenir que les concertations en cause n'ont pas eu la portée escomptée dès lors que l'article 50 de l'ordonnance prohibe les ententes ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;
Considérant en second lieu qu'à la suite d'une modification de la politique commerciale de Gaz de France en 1984, les sociétés Clesse-Mandet et Mesura se sont concertées pour restructurer leurs tarifs et leurs marges ; que cette concertation pouvait avoir pour effet de limiter la concurrence entre elles ;
Considérant que ces deux sociétés ont tenté simultanément d'associer à leur entente la société Briffault, nouvelle venue sur le marché des matériels pour gaz naturel ; que rien n'établit néanmoins qu'elles y soient parvenues ;
En ce qui concerne les marchés passés avec Gaz de France ;
Considérant qu'il résulte tant des déclarations des responsables de Clesse-Mandet et de Mesura que de diverses correspondances et notes prises au cours de conversations téléphoniques saisies au sein de la société Briffault, que ces sociétés se sont entendues avant la remise des offres et pendant les négociations de prix concernant les marchés 83/84, 84/85 et 85/86 de Gaz de France ; que ces concertations portant sur la situation des négociants, l'importance des rabais à consentir ou les exigences de l'acheteur avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence sur ces marchés ;
Considérant que les sociétés en cause ne sont pas fondées, pour justifier leurs pratiques, à faire valoir que Gaz de France bénéficie d'une position dominante pour l'achat des matériels concernés ; qu'en effet, quelle que soit la puissance de l'acheteur, il appartenait à chaque entreprise de déterminer par elle-même, en fonction de ses objectifs commerciaux propres, les conditions dans lesquelles elle estimait devoir répondre aux appels d'offres de Gaz de France ;
Considérant, en outre, que les parties ne sont pas non plus fondées à soutenir que leurs pratiques de concertations sur les prix n'étaient pas de nature à limiter la concurrence sur le marché des matériels en cause, lequel aurait été " administré " par Gaz de France, dès lors qu'il est établi, d'une part, que Gaz de France a souhaité augmenter le nombre de ses fournisseurs afin de faire jouer plus largement la concurrence et, d'autre part, que les prix proposés par chaque fournisseur restaient l'élément dominant dans l'allocation des quotas attribués à chacun d'eux par Gaz de France ;
En ce qui concerne le rôle de l'Association française des industries de la robinetterie ;
Considérant qu'il n'est pas établi que l'organisation professionnelle ait participé activement à la concertation ; qu'en fournissant des informations sur l'évolution des indices et du coût des matières premières, l'Association n'a pas outrepassé la vocation naturelle des syndicats professionnels, laquelle consiste, dans la défense des intérêts collectifs de leurs ressortissants, à les informer des questions générales susceptibles d'affecter leur activité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les pratiques sus-analysées des sociétés Clesse-Mandet, Briffault, Mesura et Gurtner tombent sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; que, si les parties invoquent les difficultés économiques, la concurrence étrangère et l'érosion de leurs prix, il ne peut être soutenu en l'espèce que les pratiques reprochées étaient de nature à contribuer au progrès économique au sens de l'article 51-2 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
Considérant que les pratiques constatées sont également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il y a lieu, par application de l'article 13 de ladite ordonnance, et en tenant compte des circonstances propres à l'espèce, de prononcer des sanctions pécuniaires,
Décide :
Art. 1er. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
1° 300 000 F à la société Briffault
2° 1 600 000 F à la société Clesse-Mandet
3° 200 000 F à la société Gurtner ;
4° 250 000 F à la société Mesura.
Art. 2. - Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, les sociétés Briffault, Clesse-Mandet, Gurtner et Mesura en feront publier à leurs frais le texte intégral dans la partie rédactionnelle du Moniteur des travaux publics ; les frais de cette publication seront partagés entre ces sociétés à proportion du montant des amendes.