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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 16 novembre 1989, n° ECOC8910147X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupement des cartes bancaires (GIE)

Défendeur :

Conseil national du commerce

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

Madame Ezratty

Présidents :

M. Gelineau-Larrivet, Mme Montanier

Conseillers :

Mme Hannoun, M. Canivet

Avoués :

SCP Gauzere, Lagourgue

Avocats :

Mes Lussan, Martin, Amadio.

CA Paris n° ECOC8910147X

16 novembre 1989

LA COUR est saisie des recours, principal, du Groupement des Cartes Bancaires CB (le groupement) et incident du Conseil National du Commerce (CNC), contre une décision n° 89-D-15 du Conseil de la concurrence, du 3 mai 1989, relative à l'exécution de sa précédente décision 88-D-37, du 11 octobre 1988 et qui a prescrit : " que pour se conformer à l'article 2 de la (dite décision), le groupement des cartes bancaires "CB" devra modifier, avant le 30 septembre 1989, la formule de la commission interbancaire de paiement pour faire apparaître, de façon individualisée, les critères objectifs de calcul des rémunérations respectivement dues aux titres des charges de traitement des banques émettrices, des mesures collectives de sécurité et du risque attaché à la garantie de paiement ", et ce, dans les conditions énoncées dans les motifs de sa décision.

Par ordonnance du Premier Président de la présente Cour, du 20 septembre 1989, il a été satisfait à la demande de sursis à exécution présentée par le groupement.

Il est référé aux décisions précitées pour un exposé complet des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions et observations présentées devant la Cour pour l'énoncé détaillé des prétentions et moyens des parties, étant toutefois rappelées les circonstances essentielles suivantes.

Selon un protocole signé le 31 juillet 1984, s'est constitué, entre les trois réseaux préexistants de cartes bancaires : du crédit Agricole, du Crédit Mutuel et celui dit "Carte Bleue" crée par les banques membres de l'Association Française des Banques, auxquels se sont jointes, les Banques Populaires, les Caisses d'Epargne et de Prévoyance et le Service des Chèques Postaux, un groupement d'intérêt économique destiné à permettre à tout porteur d'une carte bancaire d'accéder, quel que soit l'établissement émetteur, à toutes les billetteries automatiques dépendant des réseaux adhérents au groupement et de payer ses achats dans tous les commerces jusqu'alors affiliés à l'un d'eux.

Le traitement d'une opération de paiement effectuée par ce moyen entraîne généralement l'intervention de deux membres du groupement : d'une part, l'établissement du titulaire de la carte utilisée, appelée "banque du porteur", d'autre part, celui, dit "banque de commerçant", auquel la facture "carte Bancaire" est remise pour encaissement ; elle donne lieu à la perception, entre elles, d'une commission, initialement appelée "d'interchange", destinée à rémunérer, selon une directive interne du 25 octobre 1985, la charge de traitement de la banque du porteur et la garantie, assurée par celle-ci, de payer le commerçant, même lorsqu'elle ne peut, pour cause de fraude ou d'utilisation abusive, imputer le montant du paiement au débit du compte de son client.

Initialement comprise dans la commission acquittée par le commerçant à sa banque, la commission d'interchange s'en est séparée et a été fixée, par le Comité Exécutif du groupement, à 0,8 % du montant de la transaction un taux plus favorable, de 0,4 %, étant prévu lorsque le paiement était effectué chez certains grands distributeurs ou prestataires, tels que les hypermarchés, les grands magasins, les grandes surfaces spécialisées, les sociétés de vente par correspondance, les sociétés pétrolières et les entreprises et établissements publics du domaine des transports.

Saisi par le CNC de pratiques anticoncurrentielles portant notamment sur les modalités de fixation de la commission d'interchange, le Conseil de la concurrence a, par décision du 11 octobre 1989, outre le prononcé d'injonctions qui ne sont pas discutées dans la présente instance, constaté que l'instauration d'une commission unique, supposée couvrir notamment le coût de la garantie de paiement à la charge des banques de porteurs dont le montant, déterminé par le groupement, est applicable uniformément à toutes les banques, limitait la capacité de négociation de celles-ci vis à vis de leur clientèle de commerçants, en les incitant à pratiquer, à leur égard, un taux de commission établi en fonction des montants qu'elles devaient elles-mêmes verser aux banques de porteurs ; qu'en outre l'aménagement d'un taux préférentiel, applicable à certaines grandes entreprises, constituait, de la part du groupement, une pratique discriminatoire qui était également de nature à fausser le jeu de la concurrence entre commerçants et qu'en conséquence, les conditions de détermination de la commission d'interchange étaient contraires aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945.

Le Conseil a toutefois estimé, qu'en son principe, la définition par le groupement de conditions tarifaires applicables à tous ses membres, plutôt qu'une multiplicité de taux négociés entre chacun d'eux, pouvait bénéficier des exonérations prévues par l'article 51 de la dite ordonnance, dans la mesure où elle était nécessaire à l'efficacité et à la rentabilité du système inter-bancaire de paiement dont la mise en œuvre avait pour effet d'assurer le développement du progrès économique ; il a cependant considéré que les modalités de fixation retenues ne correspondaient pas à cet objectif parce qu'elles ne permettaient pas aux membres du groupement de consentir à leur clientèle de commerçants des taux de commission reposant sur des critères objectifs, en rapport avec les efforts accomplis par ceux-ci en vue de réduire le risque de fraude ou d'abus.

En conséquences, par l'article 2 du dispositif de sa décision du 11 octobre 1988, le Conseil a enjoint au groupement de mettre en application, au plus tard le 1er mai 1989, des modalités d'interchange fondées sur des critères objectifs, tenant compte, en particulier, du degré de sécurité du paiement par cartes bancaires dans le commerce et de lui faire connaître, sous peine de se voir infliger une sanction pécuniaire, les mesures qu'il aura adoptées en ce sens.

Par lettre du 29 mars 1989, le groupement a rendu compte au Conseil qu'à compter de la date prescrite la commission d'interchange était remplacée une autre commission dite "inter-bancaire de paiement", destinée à rémunérer le risque attaché à la garantie et à contribuer aux mesures de sécurité ainsi qu'aux charges de traitement des banques émettrices et calculée à partir d'un taux de fraude constaté, en fonction des résultats effectifs obtenus, en matière de lutte contre la fraude, par l'ensemble des commerçants domiciliés dans une même banque.

Selon ce nouveau système, la banque du commerçant verse à la banque du porteur une commission minorée, à partir d'un taux pivot de 0,60 %, qui tient compte de divers éléments de coût (sécuritaires et opérationnels), si la fraude enregistrée pour les transactions des porteurs de cette banque est inférieure à un taux prédéfini, ou une commission majorée, si elle lui est supérieure.

Il en résulte que la commission inter-bancaire de paiement est exprimée, pour chaque relation bilatérale entre banques de commerçants et banques de porteurs, en pourcentage du montant de la transaction, conformément au barème ci-dessous, avec un minimum en francs, actuellement de un franc, pour tenir compte des coûts fixes ;

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Ce taux de fraude est mesuré trimestriellement sur les transactions réalisées avec les cartes bancaires françaises, inscrites au fichier de contrôle des oppositions au moment de la compensation et quel qu'en soit le motif ; il ne porte que sur les transactions effectuées avec les autres banques et après opposition du porteur.

Examinant les conditions d'exécution de sa décision, le Conseil de la concurrence a estimé que cette nouvelle commission est, mieux que le système précédent, de nature à inciter les banques de commerçants à proposer à leurs clients des tarifs de commission différenciés selon la contribution de ces derniers à la sécurité des transactions et qu'elle n'est donc pas, dans son principe, contraire à son injonction ;

que la méthode d'évaluation du risque afférent au paiement par carte bancaire, prenant en compte essentiellement les incidents engageant la responsabilité du commerçant, est admissible mais que le montant de la commission, exprimé en pourcentage de la transaction, n'assure ni proportionnalité ni progressivité avec la contribution des commerçants à la sécurité du système et qu'en outre, s'il est loisible au groupement de ne prévoir qu'une seule commission rémunérant tout à la fois les charges fixes de traitement des banques émettrices, la contribution aux mesures collectives de sécurité et la garantie de paiement, le respect de l'injonction exige que les critères objectifs de calcul des rémunérations dues au titre de ces trois éléments, soient individualisés dans la formule permettant de déterminer le montant global de la commission ; qu'en particulier, la rémunération des charges fixes ne peut être proportionnelle au montant des transactions et que ce qui est dû au titre de la garantie de paiement doit être une fonction continue du taux de fraude observé à partir d'une valeur 0 pour un risque nul.

En conséquence de cette appréciation, le Conseil a par la décision déférée, prononcé la nouvelle injonction ci-dessus reproduite.

Par son recours, le groupement prie la Cour de déclarer nulle la décision critiquée, en soutenant :

- qu'elle a été rendue en violation des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- qu'elle n'a pas été prononcée par la Commission Permanente du Conseil, seule compétente, aux termes de l'article 13 du décret du 29 décembre 1986, pour constater l'inexécution des injonctions mais, en une formation dite plénière, non habilitée à le faire,

- qu'en prescrivant de nouvelles injonctions, la décision du 3 mai 1989 ajoute à celle du 11 octobre 1988 qui a épuisé la saisine du Conseil et la contredit, en compromettant l'autorité de la chose décidée.

En cas d'annulation, le requérant demande à la Cour d'évoquer le fond du litige et de dire que la Commission inter-bancaire de paiement, par lui mise en place, est une exacte et correcte application de la décision initiale.

À titre subsidiaire, le groupement conclut à la réformation de la décision déférée, en soutenant que les griefs formulés par le conseil à l'égard des modalités de la nouvelle commission, sont dépourvus de fondement, en fait comme en droit, et en contradiction avec le principe cependant admis de l'unicité de celle-ci.

Le recours incident du CNC tend à la confirmation de l'injonction émise par la décision critiquée mais à la réformation des motifs dits décisoires de celle-ci, en priant la Cour de constater que le minimum de perception dont la commission inter-bancaire de paiement est assortie, le mode utilisé d'évaluation de la fraude, ainsi que la définition des transactions impayées prises en compte pour la quantifier, sont contraires aux prescriptions du conseil et qu'il doit, en conséquence, être statué ce que de droit sur les sanctions pécuniaires applicables.

Aux termes de ses observations, le Ministre d'Etat, Ministre de 1'Economie, des Finances et du Budget conclut à l'annulation de la décision entreprise, d'une part parce que, selon lui, le Conseil était incompétent pour prononcer de nouvelles injonctions et d'autre part, parce qu'il n'a respecté dans sa procédure, ni le principe du contradictoire, ni les garanties de la défense.

Il prie la Cour, si elle estimait devoir évoquer, de dire :

- qu'il n'est contraire ni à la décision du 11 octobre 1988, ni aux articles 7, 8, et 10 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de prévoir une commission unique calculée en pourcentage du montant des transactions,

- que le groupement n'est pas pour autant fondé à demander que lui soit donné acte du respect des injonctions et qu'il devra lui être enjoint :

- de prendre en compte, de manière plus exhaustive, les cas de fraude et d'utilisation abusive considérés comme imputables aux commerçants,

- d'élargir la marge d'évolution de la commission de manière à établir une meilleure relation avec le coût de la garantie supportée par la banque émettrice,

- d'assurer une variation continue de son montant, en fonction du taux de fraude, à partir d'une valeur nulle et sans palier.

Le Ministre estime, en outre, que doivent être rejetées les demandes du CNC tendant à contester l'instauration d'un minimum de perception, ce grief n'étant pas compris dans la saisine initiale du Conseil. Il conclut aussi au rejet de la demande portant sur l'établissement d'un taux de fraude individualisé par commerçant, mais estime que doit être admise celle relative aux incidents de paiement à prendre en compte pour la détermination de ce taux.

Le Ministre propose enfin qu'il soit sursis à statuer sur le prononcé d'éventuelles sanctions pécuniaires afin qu'un nouveau délai soit donné au groupement pour se conformer aux nouvelles prescriptions.

Le Conseil de la concurrence fait observer que lorsqu'il y a lieu pour lui de vérifier le respect d'une injonction supposant l'examen de dispositions nouvelles, la procédure applicable ne peut être, ni celle de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni celle de l'article 21 de ce texte, relative à l'instruction d'une affaire au fond mais que ce cas particulier appelle une solution prétorienne qu'il s'est efforcé de mettre en œuvre, en conciliant les préoccupations d'intérêt général en présence.

Les Conclusions écrites du Ministère Public visent aux mêmes fins que celles du Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget.

Sur quoi, LA COUR

I - SUR LA NULLITE DE LA DECISION

Considérant que lorsqu'il vérifie le respect de ses injonctions, le Conseil n'est pas tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il doit néanmoins se conformer aux principes directeurs résultant de l'application de l'article 18 de ce texte, selon lequel la procédure devant lui est pleinement contradictoire;

Considérant que l'audience ayant été fixée le 3 mai 1989 à 9 heures, le Commissaire du gouvernement n'a déposé ses observations et son rapport sur l'exécution de la précédente décision du 11 octobre 1988, que le 2 mai 1989 ; que même si, par lettre du 26 avril précédent, les parties avaient été informées que toutes les observations reçues seraient mises à leurs disposition, le 2 mai à partir de 12 heures, un tel délai était trop bref pour permettre au groupement de prendre connaissance de ces pièces essentielles et d'y répondre utilement ; que dès lors, la procédure et la décision qui en résulte doivent être annulées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens exposés aux mêmes fins ;

II - SUR L'EXAMEN DES CONDITIONS D'EXECUTION PAR LE GROUPEMENT DES INJONCTIONS PRONONCEES PAR LE CONSEIL

Considérant qu'en l'état du dossier et des explications fournies par les parties, la Cour faisant application des dispositions de l'article 568 du NCPC, estime de bonne justice de vérifier l'exécution par le groupement des injonctions prescrites par la décision du Conseil du 11 octobre 1988 ;

Considérant qu'il est acquis que le groupement, qui n'a exercé aucun recours contre la décision susvisée, s'est conformé aux injonctions prévues par les articles 1 et 3 du dispositif de celle-ci et que seule reste en discussion celle contenue en son article 2 qui lui prescrit de mettre en application des modalités d'interchange fondées sur des critères objectifs tenant compte, en particulier, du degré de sécurité du paiement par carte bancaire dans le commerce ;

que l'exécution de cette injonction est contestée en ce que la commission inter-bancaire de paiement :

- prend en compte un taux de fraude consolidé par banque plutôt qu'individualisé par commerçant adhérant au réseau,

- ne fait reposer l'assiette de calcul du taux de fraude que sur les transactions inter-bancaires compensées après opposition,

- prévoit un minimum de perception de un franc,

- est calculée selon une formule qui n'individualise pas chacun des éléments qu'elle est destinée à rétribuer,

- rémunère des charges fixes en proportion du montant des transactions,

- n'assure ni proportionnalité ni progressivité du taux de la commission avec la contribution des commerçants à la sécurité du système de paiement par carte bancaire

1) Sur la prise en compte d'un taux consolidé par banque :

Considérant que le CNC soutient que la variation du taux de la commission inter-bancaire de paiement, en fonction d'un indice de fraude identique pour l'ensemble des commerçants d'une même banque, sans que chacun de ceux-ci connaisse le niveau de sécurité qu'il atteint personnellement, n'est pas conforme à l'injonction en cause, dès lors qu'est méconnue la nécessité d'inciter les commerçants à contribuer individuellement à la sécurité des transactions effectuées par carte bancaire ;

Considérant que, s'agissant de rémunérations inter-bancaires, la prise en compte pour le calcul de celles-ci d'un taux consolidé pour chacune des banques adhérentes au groupement est admissible dans la mesure où il sanctionne les résultats de la politique de sécurité suivie par chacune d'elles et des exigences qu'elles ont en cette matière à l'égard de leurs clientèles de commerçants ;

Qu'en outre l'établissement, la révélation et la prise en compte d'un taux de fraude individualisé par- commerçant relève spécifiquement des relations de celui-ci avec sa propre banque ;

Qu'en conséquence le mode de détermination de l'indice de fraude retenu par le groupement est conforme à la finalité de progrès économique recherché dans la mesure où les établissements bancaires seront incités à différencier le montant des commissions qu'ils perçoivent des commerçants, à l'occasion des paiements par carte bancaire, en considération de la contribution individuelle et effective de ces derniers à la sécurité des transactions

2) Sur l'assiette du taux de fraude

Considérant que le taux de fraude entrant dans le calcul de la commission inter-bancaire de paiement est mesuré trimestriellement sur l'ensemble des transactions réalisées, entre banques, avec les cartes françaises inscrites au fichier national des oppositions, au moment de la compensation ; que le CNC prétend que cette définition de la fraude n'est pas conforme à l'injonction du Conseil dans la mesure où l'objectif assigné par celle-ci, de contribuer à une meilleure sécurité des paiements, ne peut être atteint qu'à la condition de porter sur la totalité des transactions, alors que l'assiette retenue ignore la fraude avant opposition, les transactions dites intrabancaires où la banque du commerçant est la même que celle du porteur et les utilisations abusives faites par le titulaire de la carte ;

Qu'il est encore soutenu que cette base de calcul est injuste puisqu'elle comprend les cas de fraude imputés à la négligence du commerçant déjà sanctionnée par le rejet de la facture payée au moyen de la carte ;

Considérant cependant que c'est à juste titre que le groupement a exclu des transactions à partir desquelles est évalué l'indice de fraude celles qui ne mettent en cause qu'une seule banque et qui de ce fait ne donnent pas lieu à perception de la commission litigieuse ;

Qu'il n'est contraire ni à l'équité, ni à la logique que la mesure d'un indice de sécurité des paiements par carte bancaire comprenne les cas d'usage frauduleux qui emportent par ailleurs des sanctions contractuelles ;

Considérant que la détection des autres cas de fraude, notamment avant opposition, suppose la mise à disposition des commerçants d'appareils permettant de vérifier l'exactitude du numéro de code fourni par le porteur de la carte ; qu'en l'état des techniques qu'ils mettent en œuvre, la généralisation de ces équipements n'est pas sans danger pour la protection d'ensemble du système reposant essentiellement sur l'inviolabilité de code confidentiel ; que le coût d'acquisition de fonctionnement et d'entretien d'un tel dispositif risque d'accroître sensiblement la charge financière des transactions et que les investissements qui en résulteront sont de nature à gêner temporairement 1'introduction, prévue à brève échéance, de nouvelles technologies capables d'améliorer dans de larges proportions la fiabilité de ce moyen de paiement ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'état des techniques permettant de déjouer la fraude et de l'équilibre économique et financier du paiement par carte bancaire, la méthode retenue qui prend en compte essentiellement des incidents mettant en cause la vigilance des commerçants à l'occasion d'utilisation frauduleuse ou, dans certains cas, abusive de la carte, peut être admise comme critère d'évaluation du risque afférent au paiement par carte bancaire dans le commerce ;

3) Sur la fixation d'un montant minimum de la commission interbancaire de paiement

Considérant que le CNC estime que l'introduction, dans la commission litigieuse, d'un minimum forfaitaire, actuellement fixé à un franc, contrevient à l'injonction susvisée puisqu'elle introduit un critère de calcul différent de ceux qui ont été admis par le Conseil dans sa décision du 11 octobre 1988 ; que le système de tarification minimale mobile qu'il instaure et qui a pour finalité d'évincer des paiements par carte plusieurs catégories de commerçants qui ont déjà procédé à des investissements importants pour les recevoir, permet au groupement d'augmenter à sa discrétion le coût des transactions ; qu'elle marque en outre une régression économique et technique et porte atteinte à l'universalité de la carte bancaire comme moyen de paiement ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la fixation par le groupement d'un montant minimum de la commission a pour objet de rémunérer les charges fixes tout en dissuadant l'usage de la carte bancaire pour des débits minimes entraînant un coût de traitement hors de proportion avec le montant du paiement et qui, selon ce qu'il affirme, compromet l'équilibre économique du système ;

Considérant que l'instauration à cette fin d'un montant minimum forfaitaire, pouvant varier dans le temps, qui n'entre pas dans les prévisions de la décision du Conseil du 11 octobre 1988 est une mesure nouvelle indépendante de l'exécution de l'injonction qu'elle prononce ; que la dénonciation par le CNC de la pratique anticoncurrentielle qu'à ses dires elle constitue et la contestation relative à son utilité économique ne relève pas de la présente procédure mais, éventuellement, d'une nouvelle saisine du Conseil ;

Considérant que pour trancher les autres points de contestation, qui portent essentiellement sur l'individualisation et l'appréciation objective des éléments pris en compte pour le calcul de la commission inter-bancaire de paiement, la Cour doit examiner si, comme le soutient le groupement, la répartition des banques de commerçants dans les cinq tranches du taux de la commission, en fonction des divers seuils de taux de fraude, permet d'opérer entre elles une différenciation effective et suffisante selon la contribution de leur clientèle de commerçants à la sécurité des transactions.

Considérant que les taux de fraude constatés pour la période comprise entre le 1er mai et le 31 juillet 1989 sont désormais connus et, ainsi qu'il est attesté par l'administrateur du groupement, qu'ils seront appliqués à compter du 15 novembre rétroactivement à toutes les transactions traitées depuis le 1er mai dernier ;

Considérant qu'il échet en conséquence, avant dire droit sur les points restant à trancher quant au respect de l'injonction en cause, d'ordonner, dans 1es conditions précisées au dispositif du présent arrêt, une mesure de constat portant sur les taux de fraude calculés par le groupement pour les mois de mai, juin et juillet 1989 et la répartition des banques dans les cinq tranches de taux de la commission ;

Par ces motifs : LA COUR : Annule la décision n° 89-D-15 prononcée le mai 1989 par le Conseil de la concurrence ; Evoque l'examen des conditions d'exécution par le groupement des Cartes Bancaires "CB" des injonctions prononcées par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 88-D-37 du 11 octobre 1988, Constate que le Groupement des Cartes Bancaires " CB " s'est conformé aux injonctions prononcées par les articles 1 et 3 de la dite décision ; Constate que ne sont pas contraires à l'injonction prononcée par son article 2 - la prise en compte, pour le calcul de la commission inter-bancaire de paiement d'un taux de fraude consolidé pour l'ensemble des commerçants domiciliés dans une même banque, - les définitions des transactions à partir desquelles est mesuré ce taux de fraude, - la perception, au titre de la dite commission d'un montant fixe minimum. Avant dire droit sur les autres points litigieux concernant l'exécution de l'injonction susvisée, dit que le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se fera remettre, par le Groupement des Cartes Bancaires, tous documents et procédera à toutes constatations nécessaires aux fins de faire rapport à la Cour sur les taux de fraude calculés pour les mois de mai, juin et juillet 1989 ainsi que pour les taux de commission qui en résultent, entre chaque banque ou groupe de banques des titulaires de cartes et chaque banque ou groupes de banques de commerçants. Désigne M. le Conseiller Canivet pour connaître de toutes difficultés relatives à l'exécution de cette mesure d'instruction. Dit que le rapport relatif à ces constatations sera déposé au greffe de la concurrence pour être mis à la disposition des parties avant le 26 janvier 1990. Dit que les débats seront repris à l'audience du jeudi 8 mars 1990. Dit que les délais dans lesquels les parties, le Conseil de la concurrence et le Ministre chargé de l'Economie se communiqueront leurs observations écrites sur ce rapport et en déposeront copie au greffe seront fixés conformément aux dispositions des articles 8 et 9 du décret du 19 octobre 1987. Réserve les dépens.