Cass. com., 23 mars 1993, n° 91-20.702
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Entrepose Montalev (SA)
Défendeur :
DGCCRF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Geerssen
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Mes Cossa, Ricard.
LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 17 octobre 1991 le président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de vingt entreprises dont ceux de la société anonyme Entrepose à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles commises par des entreprises candidates aux appels d'offres relatifs aux travaux de percements de souterrains de gaz et d'électricité pour le compte d'EDF-GDF ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société anonyme Entrepose Montalev fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuse alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prévoit que, lorsque les lieux à visiter sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des présidents de tribunal de grande instance compétents qui délivre une commission rogatoire pour exercer le contrôle de la visite et de la saisie au président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles s'effectuent ; qu'il s'ensuit que le président du tribunal de grande instance n'est pas valablement saisi par l'Administration lorsque celle-ci lui dissimule que la requête qu'elle lui présente s'inscrit dans une opération d'ensemble dirigée contre une même personne morale et qu'une demande analogue est présentée concomitamment à un autre président de tribunal de grande instance, dans le cadre d'une même enquête et sur le fondement des mêmes présomptions ; qu'en l'espèce, le chef de la Direction nationale des enquêtes de Concurrence a saisi concomitamment le président du tribunal de grande instance de Nanterre et le président du tribunal de grande instance de Lille de requêtes analogues, dans le cadre de la même demande d'enquête du Directeur général de la Concurrence, en invoquant les mêmes pratiques à l'encontre de la société Entrepose ; que, faute de l'en avoir informé, l'Administration n'a pas valablement saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre ; que, dès lors, en accueillant sa requête, celui-ci a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors d'autre part, qu'à tout le moins, en se fondant sur une requête présentée par le chef de la Direction nationale des enquêtes de Concurrence, sans rechercher si la loyauté n'exigeait pas de ce fonctionnaire qu'il l'informât que la demande d'enquête du Directeur général de la Concurrence, dans le cadre de laquelle s'inscrivait cette requête, avait donné lieu, pour les mêmes pratiques invoquées à l'encontre des mêmes personnes morales, à une requête identique présentée concomitamment à un autre juge, le président du tribunal de grande instance de Nanterre n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la concurrence ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des justifications produites à l'appui du pourvoi que le président du tribunal de grande instance de Nanterre ait été saisi d'une demande d'autorisation d'une visite et saisie domiciliaires tendant à la recherche de la preuve des mêmes agissements que ceux invoqués à l'appui d'une demande distincte présentée à un autre magistrat ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société anonyme Entrepose Montalev fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuse, alors, selon le pourvoi, de première part, que l'obligation faite au juge de délimiter le champ d'action des agents de l'Administration lui impose également d'indiquer dans l'ordonnance par laquelle il autorise la visite, la nature des investigations que les agents pourront effectuer ; qu'en l'espèce, en autorisant le Chef de la Direction nationale des enquêtes de concurrence à faire procéder par des agents placés sous son autorité à l'ensemble des visites et saisies nécessaires, sans préciser en quoi que ce soit la nature des investigations susceptibles d'être effectuées, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a méconnu les exigences de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et violé ce texte ; alors de deuxième part, que la visite et la saisie s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a autorisées ; que les pouvoirs de ce magistrat s'étendent à la constatation de l'irrégularité des opérations lorsqu'elles sont achevées et, en ce cas, à leur annulation ; que les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite, auquel il appartient de contrôler la conformité des saisies opérées au but recherché ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la plupart de ces documents placés sous scellés étaient postérieurs à l'année où se seraient déroulés les faits invoqués par l'Administration requérante, le président du tribunal de grande instance de Nanterre qui avait autorisé la visite et la saisie devait en déduire que ces documents n'étaient d'aucune utilité pour apporter la preuve des prétendues pratiques anticoncurrentielles et, de ce chef, annuler les opérations ; qu'en s'abstenant d'exercer la mission de contrôle qui lui était confiée par la loi, le président du tribunal de grande instance a méconnu les exigences de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et les droits de la défense, violant ainsi ce texte et ce principe ; alors de troisième part, que les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite, auquel il appartient de contrôler la conformité des saisies opérées au but recherché ; qu'en l'espèce, en n'assortissant l'autorisation de visites et de saisies que de la fixation d'une date limite pour les effectuer, sans fixer également une date limite pour adresser le procès-verbal de saisie au président du tribunal de grande instance de Bobigny qui avait été commis, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a méconnu les exigences des articles 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et 730 et suivants du nouveau Code de procédure civile, qu'il a ainsi violés ;
Mais attendu, d'une part, qu'en autorisant les agents de l'Administration à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés, le président du tribunal de grande instance a conféré aux agents le pouvoir de visiter les lieux et de saisir des documents sans recourir à d'autres moyens particuliers d'investigation ; d'où il suit qu'il a satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Attendu, d'autre part, qu'il appartient à toute personne intéressée qui entend contester la régularité des opérations de visite et de saisie autorisées par le président du tribunal de saisir, en mettant en cause l'Administration concernée, d'une requête à cette fin ce magistrat dont les pouvoirs de contrôle s'étendent à la constatation de l'irrégularité des opérations lorsqu'elles sont achevées et en ce cas à leur annulation, sans toutefois qu'il puisse être fait grief au juge de ne pas avoir usé de la faculté qui lui est ouverte de se saisir d'office; que, faute d'avoir ainsi procédé, la demanderesse en cassation de l'ordonnance ayant autorisé la visite et saisie litigieuses n'est pas recevable à mettre en œuvre pour la première fois devant la Cour de Cassation des moyens critiquant l'exécution des opérations ;que le moyen est donc irrecevable en sa deuxième branche ;
Attendu, enfin, que l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose seulement que les originaux du procès-verbal de saisie et l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite et ne fait pas obligation au juge de rappeler ces dispositions légales ou de fixer un délai ;que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.