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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 20 octobre 1998, n° ECOC9810396X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Béton Travaux (SA), Redland Granulats Sud (SA), Unibéton (SA), Béton de France Sud-Est (SA), Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (SARL), Lafarge Béton Granulats (SA), Express Béton (SA), Béton Chantiers Pret (SA), Béton Chantiers Nice (SA), Béton Chantiers du Var (EURL), Béton de France (SA), RMC France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Thin, M. Boval

Avocat général :

M. Salvat

Conseillers :

Mmes Mandel, Guirimand

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Valdelievre-Garnier, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Rivalland, Voillemot, Blazy, Bazex, Donnedieu de Vabres, Maître-Devallon

CA Paris n° ECOC9810396X

20 octobre 1998

Par décision n° 97-D-39 du 17 juin 1997 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du béton prêt à l'emploi dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le Conseil de la concurrence (ci-après le Conseil) a infligé à treize entreprises des sanctions pécuniaires d'un montant compris entre 50 000 F et 40 millions de francs et a ordonné la publication de sa décision à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires dans les quotidiens Les Echos et La Tribune.

Dix des entreprises sanctionnées (Béton de France, Unibéton, Béton Chantiers du Var, Béton Chantiers Pret, Express béton, Béton Chantier Nice, Lafarge Béton Granulats, Béton Travaux, Société Brignolaise de béton et d'agglomérés, Redland Granulats Sud), auxquelles s'est jointe la société Béton de France Sud-Est (issue d'une scission par apport partiel d'actifs de Béton de France) ont formé des recours contre cette décision. Depuis la saisine de la Cour, Béton de France a été absorbée par la société RMC, qui est intervenue à la procédure en demandant qu'il soit pris acte de ce qu'elle vient aux droits de la précédente, et les actifs de Rediand Granulats Sud ont été transférés à Béton de la Méditerranée. Pour la commodité de l'exposé, il sera toutefois fait mention ci-après de la dénomination initiale de ces sociétés.

Référence étant faite à la décision du Conseil et aux écritures échangées devant la Cour pour un plus ample exposé des faits et de la procédure initiale ainsi que des prétentions et moyens développés dans le cadre du présent recours, seront seulement rappelés les éléments essentiels suivants :

Le 5 juillet 1993, MM. Mas et Engel, l'un et l'autre porteurs de parts de la Société nouvelle des bétons techniques (SNBT) ayant notamment une activité de fabrication de béton prêt à l'emploi, comme la société Uni-mix (devenue Unibéton) dont M. Mas avait été le salarié jusqu'au mois de mars 1993, se sont présentés à la brigade interrégionale d'enquête de Marseille où ont été recueillies leurs déclarations. M. Mas a dénoncé diverses pratiques anticoncurrentielles commises selon lui par son ancien employeur en concertation avec plusieurs autres entreprises, et il a ajouté, ainsi que M. Engel, que ces entreprises abusaient de leur position dominante pour éliminer du marché leur société SNBT. A l'issue de leurs déclarations, deux procès-verbaux ont été rédigés par les enquêteurs, l'un manuscrit, l'autre dactylographié.

Une enquête a été ouverte en septembre 1993 par les services de la DGCCRF. Cette enquête préliminaire menée sur le fondement de l'article 450-3 Code de commerce (ancien art. 47 Ord. 1986) a été suivie par une enquête effectuée suivant les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance, le 7 février 1994, avec visite simultanée de locaux commerciaux de différentes entreprises et saisies de documents, à la suite d'une ordonnance rendue le 28 janvier 1994 par le président du tribunal de grande instance de Marseille. Cette ordonnance a fait l'objet de pourvois en cassation qui ont été pour l'essentiel rejetés, l'ordonnance ayant été cassée partiellement et sans renvoi en ce qu'elle avait fixé un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation des opérations de visites et saisies domiciliaires.

Le Conseil de la concurrence a été saisi par lettre du ministre chargé de l'économie en date du 5 juillet 1994. Par sa décision du 17 juin 1997, il a prononcé les sanctions précédemment mentionnées en retenant que les entreprises concernées avaient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour avoir participé à la mise en œuvre d'une ou plusieurs des pratiques anticoncurrentielles suivantes :

- ententes de prix et de quotas sur six marchés géographiques dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, de Vaucluse et des Alpes-Maritimes ;

- concertations à l'occasion de consultations organisées par des entreprises de bâtiment et de travaux publics pour la fourniture de béton prêt à l'emploi destiné à la construction du tunnel de la traversée de Toulon ;

- concertation visant à se répartir les marchés sur le plan régional ;

- pratiques d'éviction à l'encontre de plusieurs sociétés indépendantes, dont la société SNBT.

Les sociétés requérantes poursuivent l'annulation ou la réformation de la décision en soutenant ensemble, pour partie d'entre elles, ou individuellement, divers moyens critiquant tant la procédure, au stade de l'enquête et devant le Conseil, que le fond.

Béton de France et Béton de France Sud-Est concluent à la nullité de la décision aux motifs que les conclusions de Béton de France Sud-Est ont été écartées et que l'entreprise concernée par les pratiques, selon elles prétendument relevées, ne serait pas Béton de France, comme retenu par le Conseil, mais Béton de France Sud-Est.

S'agissant plus particulièrement de la procédure, les diverses sociétés requérantes soutiennent les moyens suivants :

Béton de France et la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés font valoir que le principe du contradictoire n'a pas été pleinement respecté à leur égard lors de la procédure devant le Conseil ;

Redland Granulats Sud-Est, Béton Travaux soutiennent que l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a été violé parce que le Conseil a irrégulièrement appelé en cause la société SNBT ;

Béton de France soutient que le Conseil a examiné des pratiques qui étaient hors du champ de la saisine ;

Béton Chantiers du Var estime que le Conseil l'a sanctionnée pour deux griefs alors que la notification n'en retenait qu'un seul ;

Béton de France, Béton Chantiers Pret, Béton Chantiers Nice, Béton Chantiers du Var, la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés, Lafarge Béton Granulats, Unibéton, Express Béton et Béton Travaux soutiennent que les deux procès-verbaux de déclaration et d'inventaire de documents communiqués par MM. Mas et Engel, en date du 5 juillet 1993, sont irréguliers et entachent l'ensemble de la décision de nullité ;

Béton de France, Béton Chantiers Pret, Béton Chantiers Nice, Béton Chantiers du Var, Lafarge Béton Granulats et Express Béton font valoir que certains documents remis par M. Mas, le 5 juillet 1993, seraient d'origine " douteuse " ou frauduleuse et doivent être écartés ;

Béton de France fait valoir que la demande de mise en œuvre de l'article 48 était déloyale et demande à la Cour de dire que les mesures ainsi autorisées doivent être privées d'effet ;

Béton de France estime que le procès-verbal de déclaration de M. Deveme, en date du 20 septembre 1993, est irrégulier ;

Béton Chantiers Pret estime que le procès-verbal de déclaration de M. Ridolfi du 20 septembre 1993 est irrégulier ;

Express Béton estime que le procès-verbal de M. Tallon du 20 septembre 1993 est irrégulier ;

Unibéton estime que les procès-verbaux établis dans ses locaux entre le 20 septembre et le 17 novembre 1993 sont irréguliers.

Sur le fond, toutes les sociétés requérantes mettent en cause la force probante des éléments retenus par le Conseil de la concurrence pour qualifier les pratiques sur les six marchés locaux ainsi que l'entente régionale et la pratique d'éviction de la SNBT. Elles adressent diverses critiques, en fait et en droit, à la décision du Conseil. Plusieurs d'entre elles contestent l'imputabilité des pratiques au titre desquelles elles ont été sanctionnées. Béton Travaux et Lafarge Béton Granulats prétendent notamment que le Conseil a retenu à tort leur participation à une entente régionale, en se fondant sur de prétendues pratiques d'ententes locales imputées à certaines de leurs filiales, elles-mêmes également sanctionnées à cet égard. Béton de France, qui conteste avoir pratiqué des prix prédateurs prétend que la structure du marché du béton prêt à l'emploi n'aurait pas permis la mise en place d'une politique d'éviction.

S'agissant des sanctions :

Béton de France fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté au stade de la détermination des sanctions pécuniaires et de l'injonction de publication ;

La Société Brignolaise de béton et d'agglomérés estime aussi que le Conseil de la concurrence a excédé ses pouvoirs en prononçant l'injonction de publication ;

Béton de France, Unibéton, Redland Granulats Sud-Est et la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés remettent en cause l'assiette retenue par le Conseil de la concurrence ;

Béton de France et Unibéton font valoir que les sanctions sont disproportionnées eu égard à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie.

Le ministre de l'économie conclut au rejet des recours.

Sur les moyens de procédure, il fait essentiellement valoir que :

Béton de France Sud-Est n'était pas partie à la procédure devant le Conseil de la concurrence et que son recours doit être déclaré irrecevable, sauf à être qualifié d'intervention volontaire ;

Béton de France ne peut, après s'être délibérément effacée devant Béton de France Sud-Est, soutenir que le Conseil n'aurait pas respecté le principe du contradictoire à son égard ni qu'elle n'a pas été mise à même de se faire entendre ;

Les griefs de la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés et d'Unibéton tirés d'une prétendue violation du principe du contradictoire à leur encontre dans la procédure suivie devant le Conseil sont sans fondement ;

La notification du rapport à la SNBT n'a pas entraîné de violation du secret des affaires - alors qu'aucune des parties n'avait invoqué l'article 23 de l'ordonnance de 1986 - et n'a pu davantage compromettre les droits de la défense ;

Béton de France n'est pas fondée à soutenir que le Conseil aurait excédé sa saisine, le Conseil saisi in rem du fonctionnement du marché ayant pu à bon droit qualifier et sanctionner des pratiques relevées sur des marchés qui n'avaient pas à être délimités préalablement ;

Les deux procès-verbaux, respectivement manuscrit et dactylographié, établis le 5 juillet 1993, sont l'un et l'autre réguliers, n'affectent pas des droits de la défense et ne diffèrent que par des éléments mineurs qui n'introduisent pas de contradiction, de sorte que leur force probante ne peut être contestée ni leur validité et celle de la procédure subséquente ;

La contestation de la régularité de la demande d'autorisation de visites et de saisies de l'administration (à raison de la déloyauté que celle-ci aurait manifestée en s'abstenant de présenter au juge le procès-verbal manuscrit) est inopérante, l'autorisation ayant été accordée par le président du tribunal et validée par la Cour de cassation ;

Les contestations relatives à l'origine douteuse ou frauduleuse de certains documents remis aux enquêteurs par M. Mas, au motif qu'ils auraient appartenu à la société Unimix, devenue Unibéton, ne peuvent prospérer alors que ces documents ont été restitués à cette société, le maintien dans la procédure d'une photocopie d'une pièce n° 26, dont l'original avait également été restitué, étant sans conséquence dès lors que le Conseil a rectifié cette erreur matérielle en écartant ladite pièce du dossier ;

Le document dit " réunions de table PACA ", remis par M. Mas qui l'avait reconstitué à partir de son agenda, a été à bon droit retenu dans la procédure, la plainte pour vol déposée par Unibéton ayant donné lieu à une décision de non-lieu, frappée d'appel mais ayant en l'état autorité de chose jugée, et rien n'interdisant que M. Mas utilise des informations obtenues à raison de ses précédentes occupations professionnelles pour dénoncer des agissements anticoncurrentiels aux autorités ;

Les mêmes observations s'appliquent aux autres documents intitulés " suivi des affaires " ou " suivi des volumes " qui, selon Béton Chantiers Pret, Béton Chantiers Nice, Béton Chantiers du Var, Lafarge Béton Granulats et Express Béton, constitueraient des faux ou proviendraient de vols ou d'abus de confiance ;

Les contestations élevées notamment par Béton de France, Béton Chantiers Pret et Express Béton sur la régularité des procès-verbaux de déclarations de MM. Deverne, Ridolfi et Tallon sont sans fondement ;

Les affirmations de Béton Chantiers du Var selon lesquelles le Conseil aurait retenu à son encontre deux griefs sur le marché du béton prêt à l'emploi dans la région de Toulon alors que la notification des griefs ne retenait qu'un grief pour ce marché sont inexactes, le rapport ayant bien distingué (p. 80) entre deux griefs, sur lesquels les parties ont pu faire valoir leurs arguments.

Sur le fond, le ministre estime injustifiées, tant les critiques mettant en cause l'imputabilité des pratiques, que les contestations de toutes les sociétés requérantes visant la force probante des éléments retenus par le Conseil pour engager leurs responsabilités respectives et qualifier les pratiques relevées sur les six marchés locaux, ainsi que pour retenir l'existence d'une entente étendue à l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et d'une pratique d'éviction à l'encontre de la société SNBT.

S'agissant enfin des sanctions, le ministre de l'économie réfute :

Les critiques de Béton de France et de la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés sur une prétendue méconnaissance du principe du contradictoire dans la fixation des sanctions pécuniaires ;

Les contestations des mêmes sociétés concernant l'injonction de publication ;

La remise en cause par Béton de France, Unibéton, Rediand Granulats Sud-Est et la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés de l'assiette des sanctions ;

L'argumentation de Béton de France et d'Unibéton contestant l'appréciation du Conseil sur la gravité des pratiques et le dommage causé à l'économie.

Le Conseil de la concurrence, qui a présenté des observations écrites, réfute également les moyens critiquant le déroulement de la procédure, tant lors de l'enquête que devant lui, en exposant à cet égard que :

Béton de France Sud-Est a annoncé, au moment des observations sur le rapport, qu'elle se substituait à Béton de France au mépris des principes constants selon lesquels lorsque l'entreprise auteur des pratiques subsiste en dépit de la transmission des moyens matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction, c'est sur cette dernière que pèse la responsabilité des pratiques et donc leur sanction ;

C'est sans ajouter aux griefs qui avaient été notifiés qu'il a sanctionné Béton Chantiers du Var non seulement sur l'entente générale sur le marché de Toulon, mais aussi sur l'entente mise en œuvre à l'occasion de la construction du tunnel de Toulon ;

La présence au dossier de deux procès-verbaux du même jour, l'un manuscrit, l'autre dactylographié, totalement identiques quant à la teneur des déclarations consignées, sauf en ce que le document manuscrit comporte une liste d'entreprises au sein desquelles certains documents étaient susceptibles d'être trouvés, ne modifie pas la teneur des autres déclarations et ne saurait vicier le reste de la procédure ;

Il ne lui appartenait pas d'écarter des débats des pièces auxquelles les sociétés requérantes opposent des qualifications qui relèvent de l'appréciation de la juridiction pénale ;

La communication de la notification de griefs et du rapport à la société SNBT, alors que celle- ci n'a présenté aucune observation, n'a eu aucune conséquence et n'a pu causer de préjudice aux sociétés requérantes qui n'avaient formulé aucune demande relative à la protection du secret des affaires.

Sur le fond, le Conseil fait observer qu'il s'est appuyé sur un ensemble d'indices précis, graves et concordants pour caractériser chaque grief, que, contrairement à ce que soutient Lafarge Béton Granulats, il ne l'a pas sanctionnée pour une entente mise en œuvre par des sociétés filiales, mais pour une entente distincte à laquelle participait cette société holding, à l'échelon régional, et que la pratique de prix d'éviction n'émane pas nécessairement d'entreprises en position dominante et est constituée en l'espèce.

Enfin, en ce qui concerne les sanctions, le Conseil expose qu'aucune violation du principe du contradictoire n'a été commise, rien n'imposant que le rapport contienne des éléments d'appréciation au sujet des sanctions, et que lesdites sanctions ont été déterminées individuellement en considération de la gravité des pratiques ainsi que du dommage causé à l'économie et en tenant compte du nombre de pratiques auxquelles chaque entreprise avait participé ainsi que de leur situation économique.

Le ministère public, dans ses observations orales, a conclu au mal-fondé des moyens de procédure et au rejet des recours.

Sur ce, LA COUR,

I - Sur les moyens de procédure :

A - Sur les qualités respectives de Béton de France et Béton de France Sud-Est :

Considérant que la société Béton de France qui seule existait à l'époque des faits, en 1993, et de la notification des griefs (le 3 juin 1996) a fait apport partiel de ses actifs sous le régime des scissions à la société Béton de France Sud-Est le 31 décembre 1996 ; que, tandis que la société Béton de France à laquelle avait été notifié, le 7 février 1997, le rapport établi dans la procédure F 686 s'est abstenue de déposer son mémoire en réponse dans le délai de deux mois, prévu à l'article 21, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la société Béton de France Sud-Est a déposé des observations le 7 avril 1997 ; que, répondant à une lettre du 16 avril 1997 du vice-président du Conseil de la concurrence qui, tout en précisant que le délai de deux mois pour présenter des observations en réponse était écoulé, l'invitait à préciser si les observations ci-dessus mentionnées étaient déposées au nom de Béton de France ou de Béton de France Sud-Est, le conseil de Béton de France, le 22 avril 1997, a indiqué que la société Béton de France Sud-Est, eu égard à l'apport partiel intervenu, s'était substituée à Béton de France ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé :

- que la société Béton de France, mise en cause dans la procédure, n'avait, postérieurement aux faits incriminés, cédé qu'une partie de son activité à la société Béton de France Sud-Est et avait subsisté en tant que personne morale et en tant qu'entreprise ;

- que la société Béton de France Sud-Est qui n'était pas partie à la procédure F 686 ne pouvait se substituer à la société Béton de France et n'avait pas qualité pour intervenir dans la procédure de sorte que ses observations devaient être écartées des débats ;

Considérant que la décision du 17 juin 1997 ayant été notifiée tant à Béton de France qu'à Béton de France Sud-Est, les deux sociétés ont formé des recours ;

Considérant que Béton de France Sud-Est, qui prie la Cour " de la déclarer recevable en son recours principal ", indique poursuivre l'annulation de la décision du Conseil en ce qu'il a écarté ses observations au motif qu'elle n'avait pas qualité pour intervenir dans la procédure et demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle fait sienne l'argumentation de Béton de France ;

Considérant que Béton de France réclame l'annulation de la décision :

" à titre principal au motif que l'entreprise concernée par les pratiques n'est pas la société Béton de France mais la société Béton de France Sud-Est alors que :

- l'entreprise contrevenante était l'entité économique dont la société Béton de France n'était à l'époque que le support juridique exerçant une activité de production de béton prêt à l'emploi dans le Sud-Est ;

- cette entité subsistant aujourd'hui en tant qu'entreprise, c'est la personne juridique qui lui sert de support, c'est-à-dire la société Béton de France Sud-Est, qui doit répondre des pratiques illicites "

" Subsidiairement au motif que la procédure devant le Conseil n'a pas été pleinement contradictoire en ce qu'elle a été condamnée sans jamais avoir été entendue ou mise en mesure de se faire entendre " ;

Considérant que le ministre de l'économie et le ministère public concluent à l'irrecevabilité du recours de Béton de France Sud-Est, en estimant toutefois que ses observations devant la Cour pourraient être admises à titre d'intervention volontaire ; qu'ils concluent au rejet de l'argumentation de Béton de France; que le ministre relève que celle-ci, après s'être délibérément effacée devant la société Béton de France Sud-Est, ne peut pas valablement soutenir que le Conseil n'aurait pas respecté le principe du contradictoire à son égard ni qu'elle n'a pas été mise à même de se faire entendre; que le parquet fait valoir que la scission réalisée en l'espèce n'emportait pas transmission de plein droit de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, celle-ci n'étant pas une action de nature patrimoniale, et qu'au surplus il est de principe en droit de la concurrence que l'entité juridique existant lors de l'infraction reste responsable des pratiques poursuivies dès lors qu'elle subsiste à la date de la décision ;

Considérant en effet que c'est seulement dans le cas où la société auteur des pratiques donnant lieu aux poursuites a cessé d'exister que doit être envisagé un transfert à l'entreprise qui la continue, tant sur le plan juridique qu'économique, de la responsabilité d'infractions au droit de la concurrence ; qu'en l'espèce, en dépit de l'apport partiel d'actifs effectué au profit de Béton de France Sud-Est, Béton de France, l'entité juridique agissant lors de l'infraction a continué d'exister, de sorte que le Conseil a justement estimé qu'il n'y avait pas lieu d'admettre la substitution de Béton de France Sud-Est à Béton de France dans l'instance pendante devant lui ; que,sur le plan procédural, l'apport par voie de scission conclu entre les deux sociétés ne permettait pas non plus à Béton de France Sud-Est de prétendre venir aux droits de Béton de France dans la procédure diligentée par le Conseil de la concurrence, celle-ci n'étant pas une action de nature patrimoniale susceptible de faire l'objet d'une transmission de plein droit ; que Béton de France ne peut donc pas être suivie en ce qu'elle prétend que la décision devrait être annulée pour avoir retenu qu'elle devait répondre des pratiques illicites poursuivies ; qu'elle est pareillement mal fondée à se plaindre d'avoir été condamnée sans avoir été entendue ou mise à même de se faire entendre, alors qu'ayant été invitée à présenter des observations à la suite de la notification du rapport, elle s'est abstenue de le faire dans le délai de deux mois qui lui était imparti ;

Considérant que Béton de France Sud-Est ayant déposé devant le Conseil des conclusions par lesquelles elle entendait se substituer entièrement à Béton de France, il résulte des observations qui précèdent que celles-ci ont été à bon droit écartées des débats ; que le recours de cette société poursuivant l'annulation de la décision du Conseil en ce qu'elle a dit qu'elle n'avait pas qualité pour intervenir, comme elle prétendait le faire, à titre principal à la procédure, doit être rejeté ; qu'il y a lieu en revanche de retenir ses observations devant la Cour, en ce qu'elles tendent à ce qu'il lui soit donné acte de qu'elle fait sienne l'argumentation développée par Béton de France, c'est-à-dire à titre d'intervention accessoire, recevable eu égard à l'intérêt dont elle justifie compte tenu de l'apport par voie de scission précédemment mentionné ;

B - Sur les contestations relatives aux procès-verbaux du 5 juillet 1993 et du 8 novembre 1995 et aux documents qui leur sont rattachés :

Considérant que les déclarations de MM. Mas et Engel ayant donné lieu à l'établissement de deux procès-verbaux, l'un manuscrit, l'autre dactylographié, de même date et de même heure, les sociétés requérantes relèvent que ces documents présentent certaines différences qui auraient, selon elles, pour conséquence de priver chaque procès-verbal de toute valeur probante, et qui commanderaient que soit reconnue leur inexistence, ou à tout le moins leur nullité, entraînant par voie de conséquence la nullité de tous les actes d'enquête, d'instruction et de procédure subséquents, d'autant plus que ces documents auraient été utilisés de manière alternative et sélective dans la suite de la procédure ;

Considérant que, dans la décision déférée, le Conseil de la concurrence a rejeté ces griefs, estimant que les documents en cause, enregistrant des plaintes avant toute ouverture d'une enquête, ne constituaient pas des procès-verbaux, qu'ils ne présentaient que des différences minimes ne faisant apparaître aucune contradiction sur le fond, et qu'ils n'avaient donné lieu à aucune manœuvre déloyale destinée à faire échec aux droits de la défense, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de les écarter et de prononcer la nullité de l'ensemble de la procédure de ce chef ;

Considérant que les documents litigieux - dont le Conseil ne conteste pas dans ses observations devant la Cour qu'ils ont la nature de procès-verbaux - sont identiques quant à la teneur des déclarations qu'ils mentionnent, sauf en ce que le procès-verbal manuscrit comporte un paragraphe supplémentaire désignant des personnes susceptibles de détenir des documents corroborant les indications des plaignants, en ce qu'est annexé au procès-verbal dactylographié un inventaire des pièces qui ne figure pas dans la version manuscrite, et en ce que parmi les pièces annexées aux procès-verbaux certaines de celles jointes à la version manuscrite comportent des mentions manuscrites supplémentaires ;

Considérant que les sociétés Béton de France, Béton Chantiers Pret, Béton Chantiers Nice, Béton Chantiers du Var, Société Brignolaise de béton et d'agglomérés, Lafarge Béton Granulats, Unibéton, Express Béton et Béton Travaux estiment que les deux procès-verbaux de déclaration et d'inventaire de documents communiqués par MM. Mas et Engel en date du 5 juillet 1993 sont irréguliers ;

Que la Société Brignolaise de béton et d'agglomérés ajoute qu'en conséquence les documents remis à cette occasion (cahier Le Muy - Saint-Raphaël - Fréjus) sont également dénués de valeur, tandis que la société Béton Travaux explique que le procès-verbal du 8 novembre 1995, comportant en annexe les originaux des pièces remises préalablement en copie par M. Mas et jointes au procès-verbal du 5 juillet 1993, est entaché des mêmes irrégularités ;

Considérant que la société Béton Travaux soutient encore à l'appui de sa demande d'annulation du procès-verbal de M. Mas en date du 5 juillet 1993 et de la décision entreprise que ce procès-verbal serait irrégulier :

- du fait que 17 feuillets joints initialement en annexe ont été restitués à M. Mas, après avoir été conservés pendant un mois et demi par les enquêteurs, " en raison de leur appartenance à la société Unimix " ;

- du fait qu'il comporte trois feuillets (16, 17 et 25) manifestement non rédigés par M. Mas, alors que celui-ci a prétendu remettre des notes écrites de sa main ;

Considérant que, contrairement à ce qui est allégué, les deux procès-verbaux ne renferment pas de contradiction ; que chacun d'eux a été régulièrement établi, dans les formes prévues à l'article du décret du 29 décembre 1986 ; que ces documents ont été versés au dossier et, en l'état de leur composition et rédaction, soumis contradictoirement à la libre discussion des parties qui ont été en mesure de les critiquer ; que le fait que seul le procès-verbal dactylographié ait été soumis au président du tribunal lors de la demande de visites domiciliaires est sans incidence, l'administration n'étant pas tenue à cette occasion de présenter toutes les pièces du dossier ;

Considérant, de surcroît, que les sociétés requérantes n'invoquent aucun texte à l'appui de leur demande d'annulation, qu'elles ne justifient pas d'une disposition d'ordre public ou d'une atteinte aux droits de la défense, ni d'un quelconque préjudice ; que ces demandes doivent être rejetées en ce qui concerne les procès-verbaux du 5 juillet 1993 ;

Qu'il en sera de même, s'agissant de la demande d'annulation; par voie de conséquence, du procès-verbal du 8 novembre 1995, ou des pièces jointes à l'occasion de l'établissement de ces deux documents ;

C - Sur l'origine des documents remis à DGCCRF et ses conséquences sur la validité de la procédure :

Considérant que les sociétés Béton de France, Béton de France Sud-Est, Unibéton SA, Lafarge Bétons Granulats, Express Béton, Béton Chantiers Pret, Béton Chantiers Nice et Béton Chantiers du Var exposent :

1 - Que les documents remis par M. Mas le 5 juillet 1993, et qui lui ont été restitués le 16 août 1993, ont une origine frauduleuse comme provenant de vols ou d'abus de confiance au préjudice de son ancien employeur, la société Unimix; que l'appréhension de ces documents frauduleux a entaché d'irrégularité la procédure d'enquête initiée le 5 juillet 1993 ; qu'indépendamment de leur qualification pénale, et même si ... (voir arrêt rectificatif) ;

2 - Que quant aux autres documents conservés dans les pièces de la procédure (réunion de table PACA ; quatre cahiers à spirales remis en photocopie le 5 juillet 1993 et en original le 8 novembre 1995, agenda personnel remis par M. Mas Le 8 novembre 1995), ils constituent des faux ou usages de faux, procédant pour l'essentiel de reconstitutions effectuées par M. Mas lui-même, après son licenciement, d'après son agenda personnel (réunion de table PACA; cahier à spirales; agenda personnel) ; que si les documents ne constituent pas des faux au sens juridique de ce terme, ils ne peuvent résulter que de vols ou d'abus de confiance, s'agissant de notes élaborées avec des informations recueillies dans le cadre de l'exercice des fonctions du salarié ;

Mais considérant, s'agissant des documents restitués, que la détention de pièces présentées comme ayant une origine douteuse et qui ont été rendues sans avoir été exploitées procéduralement, n'est pas susceptible, à défaut d'incidence effective, de vicier l'ensemble de la procédure ainsi qu'il est vainement allégué ; que s'il est vrai que l'un des documents en cause est demeuré au dossier en photocopie alors que son original avait été restitué le 16 août 1993, cette pièce a été écartée par le Conseil et n'a été source d'aucun acte ;

Considérant, au surplus, que l'illicéité des preuves n'est nullement démontrée en la cause; qu'il n'est pas établi qu'il y a eu provocation à commettre une infraction, ni même provocation à la constitution de preuves; que les fonctionnaires ont été en l'espèce normalement destinataires d'informations et d'éléments apportés par des plaignants ;

Qu'au demeurant, les documents présentés comme constituant des faux ou des usages de faux ne sont pas susceptibles de revêtir cette qualification, dès lors qu'ils ne constituent pas des titres emportant conventions, dispositions, obligations ou décharges au sens des textes d'ordre pénal régissant les infractions de cette nature ; que les sociétés requérantes, par ailleurs, ne démontrent pas en quoi les notes remises le 5 juillet 1993 procéderaient obligatoirement de vols ou d'abus de confiance ;

Qu'en conséquence, l'argumentation proposée ne saurait être accueillie ;

D- Sur la participation à la procédure de la société SNBT :

Considérant que les sociétés Béton Travaux et Redland Granulats Sud indiquent que la procédure et la décision entreprise sont entachées de nullité du fait que la notification des griefs et le rapport ont été portés à la connaissance de la société SNBT, dont le gérant était M. Mas, alors que cette société n'était ni partie à la procédure ni " entreprise intéressée " au sens des articles 21 de l'ordonnance du 29 décembre 1986 et 18 du décret du 29 décembre 1986 ; que la société Redland Granulats Sud précise que le président du Conseil de la concurrence et le rapporteur ont excédé leurs pouvoirs ;

Considérant que s'il est exact que ces communications n'auraient pas dû intervenir, il convient de relever qu'aucune demande n'a été formulée auprès du Conseil sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que les communications opérées n'ont donné lieu à aucune observation de la part de la société SNBT et n'ont eu aucune conséquence sur la suite de la procédure ;

Que dès lors, en l'absence de toute atteinte aux conditions d'exercice des droits de la défense, les communications critiquées, contrairement à ce qui est allégué, ne sont susceptibles d'entraîner ni l'annulation de la procédure devant le Conseil, ni l'annulation de la décision entreprise ;

E- Sur le moyen tiré du manquement des enquêteurs à leur obligation de loyauté :

1- Considérant que la société Unibéton SA soutient que doivent être retirés des débats les procès-verbaux établis à son égard, sur le fondement de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, entre le 20 septembre 1993 et le 17 novembre 1993, dans la mesure où la société n'a pas été en mesure d'apprécier la portée réelle de l'enquête opérée ;

Considérant, cependant, que les procès-verbaux établis lors des visites effectuées au siège de la société Unibéton précisent que les personnes concernées ont été informées de l'objet de l'enquête effectuée; que la preuve contraire de ces énonciations n'a pas été rapportée ;

Qu'en cet état, le grief formulé n'est pas fondé ;

2- Considérant que les sociétés Béton de France, Béton de France Sud-Est, Express Béton et Béton Chantiers Pret font valoir que le Conseil n'a pas tiré les conséquences légales des irrégularités commises par les enquêteurs lors de l'établissement, le 20 septembre 1993, du procès-verbal concernant M. Deverne, chef du secteur commercial à la direction régionale Vaucluse-Gard, de la société Béton de France, ainsi que du procès-verbal concernant M. TalIon, agent commercial de la société Express Béton, et de celui concernant M. Ridolfi, agent commercial de la société Béton Chantiers Pret ;

Considérant que les sociétés requérantes produisent à l'appui de leur argumentation des attestations rédigées par les intéressés, affirmant que les enquêteurs ne leur ont pas fait part de l'objet de leur visite, qu'ils ont empêché leurs supérieurs hiérarchiques de les assister, qu'ils ont procédé à des fouilles irrégulières ou à des auditions d'une durée excessive ;

Considérant que les procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, portent notamment la mention de l'indication de l'objet de l'enquête effectuée en application de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'ils ne font référence à aucune fouille et attestent la remise et la communication par les personnes entendues, de divers documents ;

Considérant que les énonciations contenues dans ces documents ne peuvent être combattues par la seule attestation de la personne concernée ;

Que les griefs des sociétés requérantes doivent, dans ces conditions, être écartés.

F- Sur la régularité des opérations de visites et de saisies autorisées judiciairement :

Considérant que Béton de France, faisant valoir que la demande d'autorisation de visites et de saisies présentée au président du tribunal de grande instance de Marseille le 27 janvier 1994 était fondée sur un dossier incomplet (ne comportant que le procès-verbal dactylographié établi le 5 juillet 1993 et non accompagné des procès-verbaux des enquêtes effectuées le 20 septembre 1993) soutient que cette autorisation a été sollicitée dans des conditions déloyales ayant pour conséquence de vicier l'autorisation donnée ; qu'elle soutient que les mesures autorisées dans ces conditions, sur la base de pièces soit irrégulières, soit incomplètes, doivent être privées d'effet ;

Mais, considérant que cette demande ne peut qu'être rejetée ; qu'il résulte en effet de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que l'ordonnance d'autorisation de visites et de saisies fait l'objet d'un contrôle exclusif par la Cour de cassation et que le contrôle du déroulement des opérations de visite est réservé au juge qui les a autorisées, sous réserve également d'un recours devant la Cour de cassation ; que cette Cour, en conséquence, n'a pas compétence pour apprécier la validité de l'autorisation délivrée par le président du tribunal de grande instance, ou la régularité des visites et saisies effectuées à ce titre.

II- Sur les pratiques relevées sur les marchés locaux :

Considérant que des griefs ont été notifiés, sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, pour avoir mis en œuvre des ententes de prix et de quotas sur les marchés locaux suivants du béton prêt à l'emploi, à l'encontre des entreprises ci-après énumérées :

Cavaillon : SA Béton Chantiers Fret, SA Unibéton, SA Rediand Granulats Sud, Béton Granulats Sylvestre ;

Avignon : SA Béton Chantiers Fret, SA Unibéton, SA Béton de France, SA Redland Granulats Sud ;

Var Ouest, Toulon : EURL Béton Chantier du Var, SA Unibéton, Super Béton, SA Béton de France ;

Var Est, Fréjus : SA Express Béton, SA Unibéton, SARL Société Brignolaise de Béton et d'agglomérés, SA Rediand Granulats Sud ;

Aix-en-Provence : SA Unibéton, SA Béton de France, SA Rediand Granulats Sud ;

Nice : SA Béton Chantiers Nice, BCCA, SA Béton de France ;

Considérant qu'a été aussi notifié aux sociétés Béton Chantiers du Var, Unibéton, Super Béton et Béton de France, un grief spécifique pour s'être entendues à l'occasion de consultations organisées par les entreprises de bâtiments et de travaux publics pour la fourniture du béton destiné à la construction du tunnel de Toulon ;

Considérant que le Conseil a retenu et sanctionné l'ensemble de ces griefs ; que trois entreprises à savoir Superbéton, BCCA et Béton Granulats Sylvestre, n'ont pas exercé de recours ;

Considérant à titre liminaire, que doivent être examinés un premier moyen soulevé par la SA Béton de France, tiré de la violation du principe de la contradiction, puis un second développé par la SA Béton Chantiers du Var, fondé sur une contestation des griefs retenus à son encontre ;

Considérant qu'est inopérant le moyen invoqué par la SA Béton de France, dès lors qu'invitée par lettre du 22 avril 1997 par le président du conseil à présenter ses observations sur les marchés qui la concernaient (Avignon, Toulon, Aix-en-Provence et Nice), c'est délibérément qu'elle a refusé de le faire, prétextant que la société Béton de France Sud-Est se substituait à elle ; qu'il est opportun de relever que devant la Cour, elle développe une argumentation sur le fond en contestant la valeur et la portée des indices retenus par le Conseil à son encontre ;

Considérant que l'EURL Béton Chantiers du Var reproche au Conseil d'avoir distingué deux griefs à propos des ententes mises en œuvre sur le marché local de la région de Toulon, à savoir, d'une part, une concertation relative à une répartition du marché avec trois autres sociétés de janvier à mai 1993, et d'autre part, la poursuite au-delà de cette date, de telles pratiques, alors que la notification de griefs n'en vise qu'un seul ; que selon la requérante, en procédant ainsi, le Conseil a retenu un grief nouveau et qu'un tel dédoublement des pratiques incriminées, de même nature et commises pendant la même période, n'est pas justifié ;

Considérant toutefois, que ce moyen est fondé sur une analyse erronée des griefs qui ont été soumis à la discussion des parties et sur lesquels le Conseil s'est prononcé ; qu'il est clairement indiqué, page 80 du rapport, qu'un grief d'entente anticoncurrentielle spécifique a été notifié aux entreprises concernées pour s'être réparties les marchés du béton prêt à l'emploi à l'occasion de la construction du tunnel de Toulon, les pratiques recensées étant postérieures à l'apparition de la SNBT sur le marché local de cette ville ; que ce grief se distingue du premier notifié et retenu, qui est relatif à la répartition du marché du béton prêt à l'emploi, toujours entre les mêmes sociétés, mais au sujet des travaux de la station d'épuration du cap Sicié, de la déviation du Las et du chantier de La Coudoulière, jusqu'au départ de M. Mas de la société Unimix en mai 1993 ; que cette distinction est aussi justifiée par la nature même des pratiques relevées, puisque dans un cas, il s'agit d'une simple concertation, alors que dans le second, cette concertation est intervenue à l'occasion de consultations organisées par des entreprises du bâtiment et à propos d'autres chantiers locaux ;

Considérant que de même doit être examiné le moyen tiré par la société Unibéton du fait que trois griefs, relatifs aux pratiques de la société SMB ont été retenus à sa charge, alors que cette société, filiale à parts égales de la société Unibéton et du groupe Garassin disposerait d'une autonomie la rendant seule responsable de ses agissements sur le marché ; que cette société était dirigée du temps de son activité par deux cogérants désignés par les associés, et disposant de pouvoirs équivalents, et que la preuve ne serait pas apportée de ce que la politique commerciale de SMB aurait été définie par Unibéton ;

Mais considérant qu'il résulte de la lettre d'un représentant du groupe Garassin que " la société Unibéton assurait l'intégralité des fonctions de gestion tant commerciales, administratives, techniques que comptables et juridiques.

Le groupe Garassin n'intervenait pas bien entendu dans la formation et la fixation des prix.

Unibéton perçoit une rémunération mensuelle pour l'ensemble des prestations administratives qui n'ont pas fait l'objet d'une convention ou d'un contrat entre SMB SARL et Unibéton. "

Que par ailleurs, un des cogérants de la société SMB issu de Unimix a indiqué lors de son audition que les services commerciaux et administratifs de SMB se trouvaient dans les locaux appartenant à Unimix, où est effectuée la facturation ; que la société SMB ne disposant pas de personnel propre possédait des centrales de production, dont était dépourvue la société Unimix dans les secteurs où était implantée SMB ; qu'enfin, une convention d'assistance technique portant notamment sur l'émission des factures avait été conclue entre les deux sociétés ;

Que le rapport du commissaire aux comptes de SMB pour l'exercice 1994 révèle que Unimix facturait à sa filiale, outre les frais de personnel, et l'assistance générale, une redevance pour fabrication dans la centrale de Sanary, et que divers documents saisis dans les bureaux communs des deux sociétés à Lambesc démontrent l'unité de gestion de celles-ci ; que le Conseil a dès lors retenu à bon droit que la société SMB ne déterminait pas de façon autonome sa politique commerciale, laquelle était arrêtée par la seule société Unimix (devenue Unibéton) ;

Considérant qu'il est constant que ne peut être opposé le fait que le Conseil ait ordonné à l'encontre de la seule société SMB les mesures conservatoires prononcées au début de la procédure; qu'en effet, cette mesure prise avant enquête approfondie sur le fond, pour faire cesser une pratique gravement préjudiciable à l'ordre public économique, ne saurait être considérée comme un pré-jugement sur l'imputabilité de ces pratiques ;

Que ce moyen sera en conséquence rejeté ;

Considérant que le reproche de partialité articulé à l'encontre du Conseil par la même société sera également rejeté, la démonstration de la gestion par Unimix de la société SMB résultant de la référence faite aux déclarations ci-dessus rappelées, et le Conseil ayant cité et réfuté les arguments se référant aux reproches évoqués par la société requérante relativement à l'illégalité des conditions d'exercice de l'activité de la SNBT à Ollioules, à l'origine frauduleuse des documents remis par M. Mas ou encore à l'irrégularité de la procédure d'autorisation de visite ;

A - Sur le marché de Toulon, de janvier à mai 1993 :

Considérant que l'EURL Béton Chantiers du Var prétend que le Conseil a démontré sa participation à la concertation sur la base de documents communiqués par M. Mas, qui ne sont ni significatifs ni cohérents avec la réalité de sa situation ; que la SA Béton de France soutient, quant à elle, qu'aucun des indices retenus n'emporte la conviction ;

Considérant que le Conseil a fondé sa décision sur les éléments suivants :

- un document manuscrit relatif à l'attribution du marché de la station d'épuration du Cap Sicie, rédigé par M. Arrieta, directeur de la société Super Béton, qui fait apparaître des chiffres au regard des sigles des entreprises concernées (BF, BCV, B 83, SMB), ces chiffres donnant des pourcentages quasiment identiques à ceux figurant sur le document qui suit :

- une pièce manuscrite versée au dossier par M. Mas, le 5 juillet 1993 ;

- les déclarations de M. Mas ;

- deux réunions tenues les 2 et 5 février 1993 à l'auberge de l'Orée du bois au Muy et à l'hôtel Climat de France à La Farlède ;

Considérant certes, que les vérifications effectuées auprès des entreprises SPIE-Citra et Queyras, pour les chantiers de la déviation du Las et de La Coudoulière, ont révélé que les indications données par M. Mas ne traduisent pas le résultat de la consultation des fournisseurs, puisque celui qui a été retenu, après négociation, est celui qui avait fait l'offre la plus élevée et que, dans le second cas, seule la société Béton de France s'est manifestée ;

Considérant cependant, que tant l'EURL Béton Chantiers du Vas que la SA Béton de France et la société SMB sont citées nominativement sur le document manuscrit rédigé par M. Arrieta ; qu'au regard du sigle " BCV " est inscrit le pourcentage 26,4 % et au regard du sigle " BF " le pourcentage 29,2 % ; que ces chiffres ainsi que les autres figurant sur ce document sont les mêmes (après rectification d'une erreur d'addition) que ceux mentionnés sur la pièce remise le 5 juillet 1993 par M. Mas, qui a confirmé, le 8 novembre 1995, l'existence d'une entente de répartition du marché du béton prêt à l'emploi sur la région de Toulon ; que le document " Arrieta " n'est pas une estimation des prévisions des ventes des entreprises concurrentes de la société Super Béton ou un suivi de chantiers, mais qu'il dresse un état du cumul négatif ou positif, selon les sigles des fournisseurs révélant un système " d'avances- retards ", qui est la manifestation du respect par ceux-ci des quotas de répartition ;

Considérant que M. Mas a déclaré aux enquêteurs, le 5 juillet 1993, que les représentants des entreprises concernées avaient tenu plusieurs réunions pour mettre au point cette politique de répartition ; que la participation de la SA Béton de France à celle tenue le 5 février 1993 est établie par le témoignage de Mme Gaillard, assistante de direction à l'hôtel Climat de France ; qu'aucun élément objectif ne permet de mettre en doute la sincérité de ce témoignage d'où il résulte que c'est la SA Béton de France qui avait effectué la réservation ;

Considérant que c'est donc à bon droit que le Conseil a déduit de ces éléments, qui constituent un ensemble d'indices précis, graves et concordants, l'existence d'une concertation relative à une répartition du marché du béton prêt à l'emploi entre les sociétés requérantes, la SMB et l'entreprise Super Béton, qui a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence.

B - Sur le marché de Toulon à partir du mois de mai 1993 :

Considérant que du mois de décembre 1992 jusqu'au début de l'année 1994 les entreprises de travaux publics chargées de la réalisation de la traversée souterraine de Toulon ont procédé auprès des fournisseurs de béton à des consultations ; que ces dernières ont été organisées par les sociétés GTM et Bachy pour les tranches " génie civil " et " parois moulées " de la partie ouest de l'accès de cet ouvrage, et par la société Nicoletti pour la trémie de l'accès est ;

Considérant qu'en réponse à l'argumentation de l'EURL Béton Chantiers du Var qui, à cet égard, est dénuée de portée pratique, il est nécessaire de rappeler qu'il n'est pas discuté que la constitution de groupements, notamment pour tenir compte de contraintes techniques, est licite, que le recours à la sous-traitance sans que le client en ait été informé n'est pas en soi une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que les dispositions du Code des marchés publics n'étaient pas applicables à ce type de consultations ;

Considérant, en revanche, qu'il est établi par la déclaration claire et circonstanciée de M. Ferrier, représentant de l'entreprise GTM, que celle-ci ne souhaitait traiter qu'avec un seul fournisseur ; qu'elle avait, en effet, refusé l'offre conjointe de l'EURL et de la SA Super Béton (Béton 83) que, de même, il résulte des déclarations au rapporteur de M. Arrieta, président-directeur général de la SA Super Béton, que la SA Bachy avait refusé l'offre individuelle de son entreprise pour la tranche " parois moulées " ; que malgré cela, comme elles le reconnaissent d'ailleurs, les quatre entreprises visées par le grief ont fourni du béton ;

Considérant qu'elles l'ont fait en fonction de la pré-répartition dont elles étaient convenues et dont l'existence est démontrée, d'une part, aux termes d'un tableau intitulé " prévisions- volumes trimestrielles " dressé par la société SMB et envoyé le 22 décembre 1993 à la SA Unimix (Unibéton) et, d'autre part, par la tenue de réunions les 16 et 19 mars, puis le 9 avril 1993, date à laquelle, suivant un document manuscrit versé au dossier par M. Mas, même si les marchés n'étaient pas encore attribués et bien qu'elles aient présenté des offres, elles ont envisagé de confier aux sociétés SMB et Super Béton, non retenues par le maître d'œuvre, la fourniture d'une partie du béton nécessaire à la réalisation du chantier, ainsi que le pilotage des opérations des tranches " génie civil " et " parois moulées " à l'EURL Chantiers du Var ; que les critiques formulées à l'encontre de la décision déférée sont infondées.

C - Sur le marché de Nice :

Considérant que le Conseil a sanctionné une pratique concertée de fixation de quotas avec système d'avances-retards destinée à se répartir le marché du béton prêt à l'emploi dans la zone de Nice entre l'entreprise BCCA, qui n'exerce pas de recours, et les sociétés Béton Chantiers Nice et Béton de France ;

Considérant que la première société requérante soutient que les documents qui lui sont opposés, sont insuffisants pour démontrer sa participation à une entente, parce qu'ils proviennent d'une entreprise tierce (BCCA), qu'ils ne sont que le relevé de l'évolution de marché et des prévisions de cette dernière, et qu'ils contiennent par ailleurs à son sujet des informations inexactes ; que la SA Béton de France conclut également à l'inopposabilité à son égard des documents saisis dans les locaux de la SA Superbéton et à leur absence de caractère probant ;

Considérant toutefois, en premier lieu, que les documents critiqués, saisis dans des conditions régulières, versés au dossier dans le respect de la procédure, et dont les requérantes ont pu débattre contradictoirement, leur sont opposables, la circonstance qu'ils émanent de tiers étant indifférente ;

Considérant, en deuxième lieu, que les tableaux dactylographiés, datés des 7 septembre, 16 octobre, 22 novembre, 8 décembre 1993 et 29 janvier 1994, ne constituent pas des " suivis de chantiers " comme le soutient la SA BCN, puisque, comme elle le fait remarquer, cinq chantiers qui lui sont attribués n'ont pas été effectués par elle, et que douze autres ont été livrés à des dates antérieures à celles figurant sur ces documents ; qu'en revanche, comme le relève à bon escient le ministre de l'économie, et sans contradiction avec les déclarations de M. Boisselon, directeur général de la SA BCCA, au rapporteur, le rapport du total attribué à chacun des trois sigles des entreprises concernées " BCCA ", " BCN " et " BF " à la somme des trois chiffres totaux demeure constant sur chacun des tableaux alors que la liste des chantiers est différente et que ces chantiers portent sur des volumes différents ;

Considérant, en troisième lieu, que le Conseil a fait une exacte analyse des documents intitulés " suivis de production mensuelle des centrales à béton ", dont il a déduit avec justesse qu'ils n'avaient pu être établis qu'à la suite d'échanges d'informations entre sociétés concurrentes, les écarts entre les quantités réelles produites par la SA BCN et les chiffres mentionnés sur ces documents n'ayant pas de portée significative quant à la qualification de la pratique retenue ; qu'il s'ensuit que la décision du Conseil sera également confirmée de ce chef.

D- Sur les marchés d'Avignon et de Cavaillon :

Considérant que le Conseil a estimé que l'enquête avait mis en évidence des indices graves, précis et concordants de concertation visant à une répartition des quotas de béton et à la fixation de prix en commun, mises en œuvre dans le courant du premier semestre 1993 ;

Considérant que le Conseil a fondé sa décision :

- sur un tableau manuscrit, daté du 5 février 1993, rédigé par M. Fernandez à la demande de M. Mas, dont il était le collaborateur au sein de la SA Unimix, faisant apparaître, pour les entreprises concernées, et pour les deux marchés précités, les volumes totaux des centrales à béton, puis les quotas résultant des parts qui leur ont été attribuées, ainsi que les écarts entre la réalisation et le quota théorique ;

- un tableau interne à la SA Unimix, intitulé " rapport concurrence Vaucluse ", daté du 21 décembre 1993, comportant en particulier des données relatives à l'activité de production des sociétés Unimix, Redlan, et Bétons Granulats Sylvestre, et la part de marché de cette dernière de janvier à septembre 1993 ;

- la tenue de réunions par les responsables des entreprises concernées les 3 février et 22 mars 1993 ;

- les déclarations de M. Mas aux enquêteurs le 5 juillet 1993 et lors de son audition par le Conseil, le 8 novembre 1995.

Considérant que les sociétés requérantes, reprenant pour l'essentiel l'argumentation développée devant le Conseil, font valoir que la preuve de leur participation à l'entente incriminée n'est pas apportée ; qu'en résumé, elles soutiennent que les déclarations de M. Mas sont à replacer dans le contexte de son licenciement, que le tableau qu'il a remis aux enquêteurs est un faux document, au surplus volé à son employeur, la SA Unimix, que l'authenticité du tableau attribué à M. Fernandez est douteuse, que les autres témoignages sont imprécis et contradictoires, que les documents versés à la procédure, de manière générale, leur sont inopposables, que les chiffres qui y figurent ne correspondent pas aux volumes de production de leurs centrales de béton ;

Considérant que la SA Unibéton prétend encore que la notification de griefs comporte une erreur de fait, puisqu'elle ne développe que les pratiques d'éviction de la société GM Béton et que les " tableaux de répartition de marché " ne sont que des comptes-rendus de l'activité passée ; que la SA Redland, la SA Béton de France et la SA Béton Chantiers Pret soulignent que leurs noms ne sont pas cités dans le tableau Unimix, ni pour la première entreprise dans les déclarations de M. Mas ; qu'elles ajoutent que leurs responsables, M. Deverne pour la SA Redland, M. Ridolfi pour la SA BCP, n'ont jamais reconnu l'existence des pratiques reprochées ; que les réunions des 3 février et 22 mars 1993 n'avaient pas d'autre objet que l'évocation de difficultés de paiement rencontrées dans ce secteur par les fournisseurs ;

Mais considérant qu'il a déjà été répondu à l'essentiel des critiques concernant le respect du principe de la contradiction, l'opposabilité des documents sur lesquels le Conseil a fondé sa décision et la validité des preuves ; que l'attestation de M. Deverne, établie postérieurement à sa déclaration recueillie par procès-verbal avec toutes les garanties de droit, n'est pas susceptible de remettre en cause le contenu de celui-ci qui fait foi jusqu'à preuve du contraire ;

Considérant, ensuite, que la SA Unibéton procède à une analyse erronée de la notification de griefs, qui distingue expressément les pratiques concernant les marchés de Cavaillon et d'Avignon, de celles relatives à l'éviction de la société GM Béton ;

Considérant que pour le reste, comme le relève le ministre de l'économie, l'oubli par M. Mas, dans un premier temps de la SA Redland dans la liste des participants à l'entente, est sans incidence, puisque celle-ci est mentionnée dans les notes qu'il a prises ; que la SA BCP figure sur le tableau dressé par M. Fernandez le 5 février 1993 ; que la communication par cette requérante de l'attestation de son commissaire aux comptes sur le volume de production de ses centrales du plan d'Orgon et du Ponet ne remet pas en cause l'existence de la pré-répartition du marché du béton prêt à l'emploi sur les zones concernées ; que l'argument suivant lequel les réunions auraient eu pour objet les difficultés de paiement des entreprises n'est pas crédible, celles-ci ne pouvant être résolues que par chacune d'entre elles en fonction de sa propre clientèle ; que sur les autres points, les critiques formulées par les requérantes sont dépourvues de portée pratique ; que l'existence du système d'avances-retards destiné à se répartir le marché, mis en œuvre par les requérantes, est corroborée par le tableau " rapport concurrence Vaucluse " émanant de la SA Unimix ; que le Conseil a procédé à une exacte analyse des pratiques et que sa décision n'encourt pas les griefs allégués ;

E - Sur la zone d'Aix-en-Provence :

Considérant que le Conseil a retenu et sanctionné le même type de pratique que précédemment dans la zone d'Aix-en-Provence, au cours du premier semestre 1993, mettant en cause notamment la société Midimix, reprise par la SA Redland, le GTE BGP qui a été dissous et la société SMB pour laquelle la SA Unibéton ne présente pas d'observation ;

Considérant que le Conseil a fondé sa décision, d'une part, sur des listes de chantiers communiquées par M. Mas, concernant le centre des impôts Bruno Rostand et le pôle d'échange parking de la Rotonde, d'autre part, sur la tenue de deux réunions les 7 et 18 janvier 1993 à l'hôtel Les Relais Bleus à Aix-en-Provence et Campanile à La Penne-sur- Huveaune ;

Considérant que la SA Redland ne peut nier sa participation à la réunion du 18 janvier 1993, alors qu'elle est l'auteur de la réservation d'une salle à l'hôtel Les Relais Bleus ; que les déclarations de M. Mas et les listes qu'il a communiquées sont des indications suffisamment précises de la concertation de la société Midimix avec d'autres entreprises en vue de se répartir le marché ; que ces dernières n'ont jamais prétendu ou confirmé que les réunions n'avaient pour but que " d'évoquer des questions relatives aux BPE ", dont au demeurant la requérante ne précise même pas la nature ; que, contrairement encore à ce qu'elle prétend, le Conseil ne s'est pas référé uniquement au chantier " Bruno Rostand ", mais également aux listes établies par M. Mas, donnant des indications chiffrées à son sujet pour le chantier " Quillery, pôle d'échange parking de la Rotonde " ; que l'omission de son nom parmi les membres de l'entente est encore une fois sans incidence, puisque les sigles la concernant (MID, RD) ou son nom Redland sont cités à plusieurs reprises dans les pièces remises aux enquêteurs ; qu'enfin son argumentation sur le manque de cohérence entre les volumes figurant sur les listes de M. Mas et sa production réelle est inopérante puisqu'elle ne remet pas en cause la pré-répartition convenue ;

Considérant que, pour ce qui concerne la SA Béton de France, et malgré ses dénégations, il est établi aux termes des listes dressées par M. Mas et du témoignage de ce dernier, notamment concernant la présence du représentant de cette entreprise, M. Bichi, à la réunion du 7 janvier 1993, qu'elle a participé, avec les autres entreprises concernées, à la gestion d'un système d'avances-retards dans le cadre d'une entente.

F - Sur le marché de l'est du département du Var :

Considérant que la zone concernée est celle du Muy, Saint-Raphaël, Fréjus ; que la pratique retenue et sanctionnée est celle d'une entente de prix et de quotas entre quatre fournisseurs de béton, dont la SA Redland qui a installé une centrale de production en mars 1992, dans la ville de Fréjus, et la SA Unibéton qui en a fermé une au même endroit au mois de janvier 1993 ;

Considérant que les requérantes contestent l'interprétation faite par le Conseil des documents réunis par le rapporteur ; qu'elles font valoir que ceux saisis dans les locaux de la SA Unimix, le 7 février 1994, ont un caractère interne à cette entreprise, qu'ils ont été élaborés dans le cadre de la préparation de ses objectifs budgétaires et de ses prévisions en parts de marchés ; que la preuve de la participation des sociétés SBBA et Express Béton à des réunions de concertation ne résulte pas des extraits de l'agenda de M. Tallon, agent commercial de cette dernière entreprise ; que le cahier de M. Mas, intitulé " Le Muy, Saint-Raphaël, Fréjus ", comporte de multiples inexactitudes, notamment en ce qui concerne la SA Express Béton, qui n'a réalisé que six marchés sur les douze qui lui sont attribués, dont trois avant la date indiquée ; que, de manière générale, les requérantes sont en désaccord avec l'analyse du Conseil à propos de l'entrée de la SA Redland sur le marché, faisant valoir que cette société a été à l'origine d'une guerre des prix suivie d'une accalmie, et qu'elle a dû affronter une véritable concurrence ;

Considérant cependant et d'abord que les dates des réunions, notamment celles des 2 mars et 15 avril 1993, mentionnées par M. Tallon sur son agenda et indiquées par M. Mas, concordent entre elles ; qu'y ont participé les entreprises Express Béton, Béton de France et Unimix ; que la présence de la société SBBA à la seconde entrevue est confirmée par M. Crohem, qui l'a notée sur son agenda ;

Considérant ensuite que si, comme l'a constaté le Conseil, l'arrivée de la SA Redland a provoqué une baisse des prix de janvier à décembre 1992, ces derniers ont augmenté dès janvier 1993, date à laquelle elle est entrée dans l'entente ainsi que le démontrent, premièrement, les notes manuscrites prises par M. Mas, où figure notamment la mention : " place faite à Redland sur Fréjus partie à récupérer ailleurs ", deuxièmement, le document faisant état " d'un point de perte sur Var Red., il faut récupérer 6 000 mètres cubes sur Saint- Raphaël ", troisièmement, les annotations de M. Mas sur son cahier au sujet de la société SBBA, précisant sa part en pourcentage, enfin le tableau " chantiers en cours ", qui n'est pas une estimation prévisionnelle du marché " Dumez Bleu Marine " ; que c'est donc à bon droit que le Conseil a déduit de ces éléments, qualifiés justement de graves, précis et concordants, l'existence d'une concertation relative à une répartition du marché qui a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;

III - Sur l'existence d'une entente à l'échelon régional :

Considérant que la société Unibéton conteste l'existence d'un marché régional du béton prêt à l'emploi, en faisant remarquer que tout le monde s'accordant à reconnaître un caractère strictement local à la zone géographique concernée, et nul ne démontrant que des conditions homogènes de concurrence se trouveraient réunies au plan régional, le Conseil aurait retenu une notion purement administrative de région, et n'aurait donc pas procédé à la qualification du marché de référence ;

Mais considérant qu'il est constant que de même que peuvent être retenues des pratiques anticoncurrentielles constatées sur un marché, et développant leurs effets sur un autre marché, de même peut être incriminée une entente organisée à un échelon plus vaste que chacun des marchés pertinents, mais amenant les entreprises présentes sur ces marchés à se répartir les parts de ceux-ci ;

Considérant par ailleurs que la société Lafarge Bétons Granulats développe des arguments tendant à faire écarter l'imputabilité des pratiques à son égard, en relevant qu'elle avait été retenue en tant que holding intermédiaire du groupe Lafarge, pour des actions reprochées sur les marchés locaux à ses filiales, et que faute de démontrer l'état de dépendance de ces filiales, et leur absence totale d'autonomie de décision, le Conseil n'aurait pas justifié sa décision ;

Mais considérant que le Conseil a en réalité retenu la responsabilité de la société Lafarge Béton Granulats, de même que celle de la société Béton Travaux, autre holding intermédiaire, non pas à raison des agissements de leurs filiales, mais au titre de leur propre participation à l'entente reprochée ; qu'il a déduit des liens existant entre les holdings intermédiaires et leurs filiales, d'une part, des relations nouées entre ces holdings elles-mêmes, d'autre part, ainsi que des fonctions exercées par les principaux responsables des sociétés, l'existence d'une situation de fait rendant possible le développement d'une concertation ;

Considérant que les éléments du dossier démontrant que des réunions de concertation ont eu lieu entre les représentants de sociétés présentes sur des marchés géographiques distincts, et qui sont corroborés par les déclarations des intéressés, fournissent des preuves de cette concertation ;

Considérant qu'ainsi il résulte des documents saisis le 7 février 1994 dans les locaux de la société Unimix (Unibéton) qu'à la suite de l'introduction de la société Redland sur le marché, et de la perte en termes de part de marché en résultant, il convenait de récupérer cette part sur un autre marché, en excluant de le faire au travers de la centrale de Venelle, détenue à 50 % par le groupe Garassin et la société Unimix ; qu'en outre, un autre document saisi dans les locaux de la même société indiquait " place faite à Redland sur Fréjus. Partie à récupérer ailleurs " ;

Considérant que ces documents confirment les déclarations de M. Mas selon lesquelles les parts de marchés attribuées aux entreprises étaient fixes, mais pouvaient varier en fonction de l'ouverture ou de la fermeture des centrales; que, vainement, la société Redland prétend que ce document lui serait inopposable, comme ayant été saisi au sein de la société Unimix et constituant une pièce interne à cette société ; qu'en effet un document découvert dans une entreprise peut être retenu comme moyen de preuve de pratiques imputées à une autre entreprise ;

Considérant que les déclarations de M. Mas se trouvent à nouveau confirmées relativement à l'existence de zones privilégiées d'intervention des sociétés par la carte remise aux enquêteurs par MM. Gaillot et Giraudo, en ce qui concerne la société Béton Chantiers du Var ;

Considérant que la note de M. De Philipp du 17 septembre 1992 retrace les négociations intervenues entre M. Lucas de la société Redland Granulats Sud et M. Pancin de la société Bétons de France relativement à la répartition des parts de marché dans la région de Fréjus ; que ce document établit clairement, M. De Philipp ne dirigeant directement aucune des sociétés membres de l'entente locale, que l'arbitrage des relations entre les sociétés présentes sur les marchés de la région était réalisé au niveau régional ; que, contrairement à l'argumentation développée par la société Bétons de France selon laquelle elle ne serait pas concernée par ces pratiques, l'intervention de son représentant à la réunion de concertation relative à un marché sur lequel intervenait sa filiale SBBA établit également sa participation à cette entente ; qu'en outre, il est constant que M. Deverne, chef de secteur commercial pour la région de Vaucluse de cette société, a participé à plusieurs réunions avec des représentants de sociétés membres des ententes des différents secteurs ;

Qu'ainsi est démontré le caractère inopérant du moyen selon lequel seules les ententes locales étant caractérisées, les mêmes agissements se trouveraient sanctionnés deux fois ;

Considérant que la société Bétons Travaux soutient qu'aucun des indices matériels retenus ne la concerne ; mais considérant que les auditions de membres de sociétés filiales communes des groupes Lafarge et Vicat établissent l'existence de compensations entre groupes ; que, par ailleurs, les liens financiers et d'assistance tissés entre les sociétés Lafarge Béton Granulat et Bétons Travaux, au travers de leurs filiales communes, Epress Béton et Super Béton tels que décrits et analysés par la décision frappée de recours, établissent la réalité de la concertation mise en œuvre à l'échelon régional entre les entreprises sanctionnées ;

Que leurs moyens seront en conséquence rejetés.

IV - Sur la pratique de prix d'éviction :

Considérant que le Conseil a retenu à la charge des sociétés Béton de France, Unibéton et Béton Chantiers du Var le fait de s'être entendues pour pratiquer, postérieurement à l'ouverture, par la société SNBT d'une centrale de production à Ollioules, des prix inférieurs à leurs coûts moyens variables de production pour les deux premières, et à ses coûts totaux au cours des exercices 1993 et 1994 pour la dernière ;

Considérant que la société Unibéton ne développe aucun moyen particulier sur ce grief, mais conteste que puissent lui être imputées des pratiques relevées à l'encontre de la société SMB, seule présente sur le marché de Toulon, et selon elle, dotée d'une parfaite autonomie de décision ;

Considérant que la société Béton de France fait valoir que la seule constatation d'un parallélisme des comportements des entreprises présentes sur le marché est insuffisante à caractériser l'existence d'une entente sur la pratique de prix prédateurs, que la baisse des prix relevée par le Conseil n'aurait constitué qu'une réponse de sa part à la politique de prix bas suivie par la société SNBT, et que la mise en place de manœuvres d'éviction par un cartel d'entreprises sur le marché du béton prêt à l'emploi dans la région de Toulon serait hautement improbable, car trop onéreuse pour ses auteurs, et contraire aux données du marché concerné ; qu'enfin, aucune preuve de cette concertation n'aurait été établie, les faits, et plus particulièrement la progression du chiffre d'affaires de la société prétendument victime démontrant le contraire ;

Considérant que la société Béton Chantiers du Var souligne qu'il n'existe aucune barrière à l'entrée sur le marché, et que la société SNBT, qui aurait implanté sa centrale d'Ollioules dans des conditions illégales, serait à l'origine de la baisse des prix constatée à la fin de l'année 1993 ; qu'elle fait également valoir que le Conseil n'a pas caractérisé à son encontre de ventes à des prix inférieurs à ses coûts moyens variables de production, mais a retenu l'insuffisance de sa marge, en se fondant sur des prix fixés au cours de l'année 1994 ; qu'enfin, le Conseil n'aurait caractérisé aucune volonté d'éviction ;

Considérant que l'examen des prix pratiqués par les entreprises concernées au cours de la période qui a précédé immédiatement l'ouverture de la centrale d'Ollioules a révélé que ces sociétés avaient appliqué dans la zone de Toulon des prix compris au mois de septembre 1993, entre 360 et 555 F, et au mois d'octobre, entre 295 et 345 F le mètre cube de béton courant livré sur chantiers ; que ces prix ont brutalement chuté au cours du mois de novembre 1993, pour s'établir entre 240 et 300 F le mètre cube, la même pratique se poursuivant au cours du mois de décembre ;

Considérant que dans le même temps, la société SNBT a facturé ses livraisons de béton de qualité équivalente au moins à 365 F, puis courant novembre à 340 F ; que la société Béton Chantiers du Var fait état, pour soutenir que SNBT se serait trouvée à l'origine de la baisse des prix, de l'existence d'une facturation intervenue le 15 novembre sur la base de 300 F, ainsi que sur des prix proposés par SNBT au cours d'une période postérieure à la période de référence ; que ces éléments sont impropres à faire échec aux constatations sur lesquelles s'est fondé le Conseil, et à démontrer l'antériorité de la baisse des prix qu'aurait pratiquée la société SNBT ;

Considérant que la société Béton Chantiers du Var fait remarquer que contrairement aux autres sociétés sanctionnées, elle n'a pas pratiqué de prix inférieurs à ses coûts moyens variables de production, et soutient que le Conseil aurait arbitrairement affirmé que les marges dégagées au cours des mois de novembre et décembre 1993 se seraient avérées insuffisantes à couvrir l'ensemble de ses charges d'exploitation; mais considérant que le Conseil s'est fondé sur des éléments tirés de la comptabilité de l'entreprise, et certifiés par son commissaire aux comptes pour constater que la marge dégagée au cours des mois de novembre et décembre 1993 était insuffisante pour couvrir les charges d'exploitation, hors coût d'achat ; que le Conseil a notamment relevé que des offres de prix effectuées pendant les deux mois de référence comportaient des prix dégageant des marges négatives ; qu'ainsi, il a caractérisé les ventes pratiquées à des prix inférieurs aux coûts totaux de l'entreprise, lesquels sont susceptibles d'être retenus dans le cadre d'une entente en vue de l'éviction d'une entreprise concurrente ;

Considérant que les sociétés requérantes mettent également en avant les caractéristiques du marché du béton prêt à l'emploi, et en particulier la concurrence sévère qui y règne, du fait de la faiblesse des investissements nécessaires, et de la possibilité offerte aux clients de produire eux-mêmes leur propre béton dans des centrales de chantiers ; que, toutefois, elles n'invoquent aucun élément susceptible d'expliquer comment ces données auraient joué pour entraîner précisément au moment de l'entrée sur le marché d'une société concurrente, la baisse significative qui a été constatée, alors même que leurs coûts variables de production n'ont à la même époque pas varié de façon notable, et qu'aucun lien n'a pu être établi entre les prix offerts par le nouvel entrant, et les baisses pratiquées ;

Considérant que pour contester l'existence de l'entente sur la pratique de prix d'éviction retenue par le Conseil, les sociétés requérantes font valoir qu'une telle politique serait hautement improbable, de la part d'un cartel d'entreprises, comme supposant une capacité de décision stratégique unifiée ;

Considérant toutefois que le Conseil a justement noté que les sociétés se trouvant préalablement dans une situation de concertation aux fins de répartition systématique des marchés, et cette situation s'étant prolongée pendant qu'était mise en œuvre la politique de baisse des prix, le fait de pratiquer des prix inférieurs à leurs coûts moyens de production était révélateur d'une entente et ne relevait pas d'un simple parallélisme des comportements, dans la mesure où il était démontré que cette stratégie avait un objet ou un effet anticoncurrentiel, consistant à interdire ou limiter l'accès du marché à un nouvel entrant ;

Qu'en l'espèce, et alors que selon les écritures des requérantes, la transparence du marché et ses dimensions limitées permettraient aux opérateurs d'être informés rapidement de l'intervention de la SNBT et de ses conditions favorables d'approvisionnement en ciment auprès d'un producteur grec, le Conseil a justifié, en s'appuyant sur les déclarations significatives recueillies au cours de l'enquête, de l'existence d'une volonté d'éviction de la part des sociétés requérantes ;

Considérant qu'il résulte en outre des constatations opérées par le rapporteur que les sociétés requérantes ont enregistré une baisse de leurs résultats au cours des exercices 1993 et 1994, non justifiée par l'évolution de leur chiffre d'affaires ; que ces pertes consenties par des sociétés filiales de groupes industriels importants et disposant d'un appui financier sans commune mesure avec celui dont disposent des entreprises indépendantes contribuent à démontrer l'existence de la concertation ;

Que le moyen tiré des résultats de la société SNBT pour exclure l'idée d'un effet sur le marché de ces agissements ne peut davantage être retenu ; qu'en effet, l'objet anticoncurrentiel de pratiques accomplies dans le cadre d'une entente tendant à l'élimination de la société du marché est caractérisé indépendamment des conséquences immédiates de ces pratiques pour l'entreprise ; qu'en outre, il a été constaté que la société SNBT avait connu à partir du mois d'avril 1994 une baisse de son chiffre d'affaires dans ce domaine d'activité, et a depuis lors dû cesser son activité ;

Considérant qu'enfin l'argument tiré par la société Béton de France de l'absence de lien établi dans le rapport entre l'entente en vue de la répartition des parts de marché dans la région de Toulon et celle mise en œuvre en vue de l'éviction de la SNBT, d'où la société requérante croit pouvoir déduire qu'une violation du principe du contradictoire aurait été commise, ne saurait prospérer, le Conseil disposant de la liberté de raisonner à partir des éléments de fait retenus, et régulièrement notifiés aux sociétés mises en cause, afin d'en apprécier la valeur probante au regard des pratiques reprochées ;

Qu'en conséquence, les moyens des sociétés requérantes seront rejetés.

V- Sur les sanctions :

A- Sur le respect du contradictoire, lors de la détermination des sanctions :

Considérant que les sociétés Béton de France et Brignolaise de béton soutiennent que le principe du contradictoire aurait été violé, le rapport ne contenant selon elles aucun élément devant servir éventuellement à la fixation du montant des sanctions ; mais considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le rapport doive contenir tous les éléments d'appréciation au sujet des sanctions; qu'il est de plus constant, et non contesté par la société Béton de France que les observations écrites du commissaire du Gouvernement contenaient les éléments afférents au chiffre d'affaires et aux éléments individuels à retenir ; que, dès lors, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;

B- Sur le caractère disproportionné de l'injonction de publication :

Considérant que les sociétés Béton de France et Brignolaise de béton et d'agglomérés prétendent qu'elles ne se sont pas trouvées en mesure de débattre contradictoirement de cette mesure, le commissaire du Gouvernement ayant conclu dans ses observations à une publication dans la presse régionale ; considérant que le Conseil ne saurait être tenu par les conclusions du commissaire du Gouvernement, et qu'il apprécie les sanctions à prononcer, dans les limites imparties par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Que la société SBBA prétend également que cette publication revêt un caractère disproportionné par rapport aux pratiques, dont le caractère local est par ailleurs établi ; mais considérant que le Conseil a pu, en vertu de son pouvoir d'appréciation, estimer que la gravité des pratiques, l'étendue nationale de l'activité de certaines des sociétés et les nécessités de l'information des entreprises oeuvrant dans ce domaine d'activité justifiaient le choix de publications à caractère national ; que ce moyen doit en conséquence être rejeté.

C- Sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires :

A- Sur le dommage causé à l'économie :

Considérant que plusieurs des sociétés requérantes soutiennent que le dommage causé à l'économie aurait été mal défini par le Conseil, qui aurait omis de décrire les conséquences sur les marchés locaux des pratiques qu'il a sanctionnées et que, partant, les sanctions prononcées seraient disproportionnées par rapport à la réalité de ce dommage ;

Considérant que le Conseil a relevé à l'appui de son appréciation du dommage causé à l'économie et de la gravité des pratiques y ayant concouru que les sociétés s'étaient concertées pour se répartir les marchés dans une aire géographique étendue et y maintenir des prix artificiellement élevés, et que le béton prêt à l'emploi constitue un matériau indispensable dans le secteur du bâtiment, pour lequel il n'existe aucun substitut ni possibilité pour les entreprises hors d'état, de disposer de leurs propres centrales de chantier, de s'approvisionner en dehors de ces fournisseurs ; qu'il a ainsi caractérisé la nature et la mesure du dommage causé à l'économie sur chacun des marchés concernés ; que, relativement au marché de Toulon, il a en outre rappelé que le maintien du niveau élevé des prix par les entreprises membres de l'entente avait cessé pour faire place à la mise en œuvre d'une politique de prix de prédation, dans le but d'éliminer une entreprise concurrente ; que sur ce point également le reproche formulé est infondé.

B- Sur les éléments relatifs aux entreprises qui contestent le montant des sanctions :

1- Considérant que la société Béton de France soutient qu'elle aurait été traitée plus sévèrement que les autres sociétés, en dépit de l'apparence d'égalité de traitement, ces autres sociétés étant des filiales de grands groupes, alors qu'elle-même était sanctionnée par référence à son chiffre d'affaires global, les pratiques retenues n'étant relatives qu'à son activité de production de béton, dans la zone géographique de 25 kilomètres autour de la ville de Toulon ; considérant toutefois que cet argument est dénué de pertinence, le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos étant seul à prendre en considération, au terme de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sauf à démontrer l'autonomie du département concerné par les pratiques au sein de l'entreprise, ce qui n'est, en l'espèce, ni démontré ni même allégué ;

Qu'elle conteste également l'appréciation portée par le Conseil sur la gravité des faits retenus à sa charge, en faisant remarquer qu'il aurait dû être tenu compte de sa position d'acheteur, et non de producteur de ciment ; mais considérant que le marché concerné est celui du béton prêt à l'emploi et non celui du ciment, et que les pratiques retenues à sa charge ont tendu à une répartition des marchés entre les entreprises membres des ententes ainsi qu'à l'élimination d'un concurrent, susceptible de remettre en cause les effets de cette entente ; que, dès lors, le Conseil a exactement retenu que cette société, dont l'activité se déroule sur l'ensemble du territoire national avait participé aux ententes relevées sur quatre des six marchés géographiques concernés ainsi qu'à l'entente régionale ;

Qu'enfin elle conteste la gravité des conséquences de la concertation visant à exclure la société SNBT du marché de Toulon, en invoquant la progression du chiffre d'affaires de cette société, au cours des exercices suivant l'année de référence ; mais considérant que ces pratiques ont causé à la SNBT un préjudice d'autant plus important qu'elle s'introduisait sur ce marché ; qu'en outre elles ont fait encourir à d'autres entreprises les mêmes risques d'éviction ;

Que le Conseil a justement apprécié et caractérisé la gravité des pratiques reprochées à la société Béton de France ;

2- Considérant que la société Unibéton sollicite l'annulation de la décision au motif que le Conseil n'aurait pas, en ce qui la concerne, satisfait à l'exigence de motivation individuelle de la sanction, au regard des critères de détermination imposés par l'ordonnance de 1986 ; qu'il suffit de lire la décision attaquée pour constater que le Conseil, après avoir caractérisé la gravité des pratiques, eu égard à leur nature, aux données propres aux entreprises concernées, ainsi qu'aux conséquences de ces agissements, et après avoir décrit le dommage causé à l'économie, a rappelé l'étendue de l'activité de la société Unibéton, sa participation aux faits, et s'est référé à son chiffre d'affaires au cours du dernier exercice clos ; que, dès lors, il a satisfait aux exigences de motivation individuelle de la sanction ;

Que la société Unibéton reproche également au Conseil de ne pas avoir tenu compte de la nature locale des marchés, qui, selon elle, impliquerait qu'il ne soit retenu que le chiffre d'affaires réalisé dans la zone de chalandise concernée ; que cette argumentation non fondée au regard des dispositions de l'ordonnance de 1986 ne peut être accueillie ; qu'il en est de même pour le caractère discriminatoire de la sanction invoqué par la société Unibéton, au vu de la comparaison qu'elle opère entre, d'une part, la proportion du total des sanctions prononcées, représentée par la sanction qui lui est propre, et d'autre part, le pourcentage des marchés concernés qu'elle détenait ; qu'en effet les sanctions étant déterminées en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise, une telle comparaison est sans fondement ;

Que, pour la même raison, la situation déficitaire de la société SMB n'a pas à être prise en considération, dès lors que l'autonomie de gestion de cette société a été exclue ;

3- Considérant que la société Brignolaise de béton et d'agglomérés fait valoir que le Conseil a commis une erreur de fait en affirmant qu'elle serait une filiale du groupe Lafarge, alors que son capital est détenu à parts égales par le groupe Garassin et la société Béton de France ; elle fait également remarquer qu'elle n'a participé qu'à une seule entente locale, et que le montant de la sanction devrait être sensiblement réduit en ce qui la concerne ; que cependant le Conseil s'est fondé sur le seul chiffre d'affaires de la société elle-même, et a tenu compte, dans l'appréciation du montant de la sanction de la participation de cette société à une seule entente ;

4- Considérant que la société Redland Granulats Sud fait remarquer que les pratiques incriminées ont été limitées dans le temps, et qu'a été mis en place, au sein du groupe, dès la fin de l'année 1994, un code éthique ; que le Conseil n'aurait pas pris ces circonstances en considération ;

Considérant toutefois qu'il a été tenu compte par le Conseil de l'ensemble des éléments dont il a eu connaissance, y compris la situation déficitaire de la société ; qu'en se référant pour déterminer le montant de la sanction au chiffre d'affaires atteint au cours du dernier exercice clos, et non à celui qui était réalisé par l'entreprise au cours de la période incriminée, il n'a fait qu'appliquer les textes ; que ces moyens doivent être rejetés.

Par ces motifs, Rejette les recours ; Laisse les dépens à la charge des sociétés requérantes.