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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 10 mars 1998, n° ECOC9810073X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Concurrence (SA), Chapelle

Défendeur :

Philips électronique grand public (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Conseillers :

Mme Guirimand, M. Le Dauphin

Avoué :

SCP Dauthy-Naboudet

Avocat :

Me Saint-Esteben.

CA Paris n° ECOC9810073X

10 mars 1998

LA COUR statue sur le recours en annulation et réformation formé le 28 avril 1997 par la société Concurrence et M. Jean Chapelle contre la décision du Conseil de la concurrence n° 97-D-15 en date du 4 mars 1997 et sur la déclaration d'intervention volontaire déposée au greffe le 7 mai 1997 par M. Jean Chapelle.

Il est fait référence à la décision du conseil pour l'exposé des faits, dont il suffit ici de rappeler les éléments essentiels.

Les faits couvrent la période 1988-1992.

La société Philips Électronique Domestique, aujourd'hui dissoute et dont les activités ont été reprises à compter du 31 décembre 1993 par la société Philips Électronique Grand Public (société Philips), commercialise du matériel électronique de loisir : télévision, audio, hi-fi, vidéo et autoradio.

La société Philips, qui, selon une enquête réalisée entre décembre 1989 et janvier 1990 par une société spécialisée, détenait alors 17,4 % du marché des téléviseurs, 10,9 % de celui des magnétoscopes et 2,7 % de celui des caméscopes, distribue ses produits par l'intermédiaire d'un large réseau de revendeurs parmi les 15.000 points de vente assurant la distribution de ces produits. Elle détient 4.000 " comptes clients " (points de facturation), représentant environ 1.500 " comptes consolidés " (points de vente sous enseigne).

La société anonyme Jean Chapelle, cessionnaire du fonds de commerce de M. Jean Chapelle, radié du registre du commerce et des sociétés depuis le 9 mai 1989, exploitait deux magasins à Paris, l'un situé rue de Rennes, l'autre avenue de Wagram. Elle a fait l'objet, le 30 décembre 1995, d'une opération de fusion-absorption par la société Concurrence et a été radiée à son tour du registre du commerce et des sociétés le 20 février 1996. Son chiffre d'affaires au titre de l'exercice 1991 s'est élevé à 33.873.383 F ; elle ne s'est approvisionnée auprès de la société Philips que pendant l'année 1988 pour un total hors taxe de 771.878 F, dont 518.827 F pour les téléviseurs, 109.330 F pour les magnétoscopes et 112.782 F pour les caméscopes. Aucune commande de matériels de la marque Philips n'a été faite par la société Jean Chapelle de 1989 à 1992.

M. Jean Chapelle, par lettre du 27 juin 1988, et la société Jean Chapelle, par lettres des 26 mars 1992 et 10 avril 1992, ont saisi le conseil de pratiques anticoncurrentielles imputées à la société Philips.

Il était notamment reproché à cette dernière d'appliquer une politique commerciale défavorable aux discompteurs et d'imposer une marge aux distributeurs en :

- subordonnant l'acquisition définitive des ristournes quantitatives à la réalisation d'engagements commerciaux souscrits pour un exercice de sorte que le distributeur, qui se voyait imposer un volume d'achat minimum à la seule discrétion de la société Philips, était dans l'impossibilité, en raison de l'incertitude affectant la réalisation de cette condition, de répercuter par anticipation ces remises sur son prix de revente ;

- mettant en œuvre des contrats de coopération au moyen desquels les distributeurs facturaient au fournisseur des services non spécifiques puisque naturellement liés aux actes d'achat et de revente, cette rémunération ne pouvant dès lors être prise en compte par le revendeur pour le calcul de son prix d'achat effectif ;

- procédant à une discrimination entre les centrales d'achat des groupements et les indépendants, les premières bénéficiant de remises refusées aux seconds.

Après jonction de ces trois saisines, les stipulations des conditions de vente de la société Philips, prévoyant l'attribution à ses distributeurs d'une remise ou ristourne dont le bénéfice est subordonné à l'achat par ceux-ci au fournisseur de quantités déterminées de produits destinés à la revente, ont donné lieu, le 10 octobre 1994, à une notification de grief, les autres pratiques dénoncées n'étant pas retenues par le rapporteur.

Par la décision déférée, le conseil a estimé qu'il n'était pas établi que la société Philips avait enfreint les dispositions des articles 7 ou 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

C'est dans ces circonstances que la société Concurrence et M. Chapelle ont saisi la cour d'un recours en annulation et en réformation.

Après avoir fait observer que l'enquête administrative ordonnée par le président du Conseil de la concurrence n'avait porté que sur les faits visés par la plainte du 27 juin 1988, les requérants critiquent la décision de jonction de cette saisine avec celles des 26 mars et 10 avril 1992.

Ils demandent, par ailleurs, l'annulation de la décision n° 93-DSA-01 en date du 18 janvier 1993 par laquelle le président du Conseil de la concurrence, en application de l'article 23 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a retiré du dossier de la procédure un certain nombre de pièces et occulté certaines informations relevant du secret des affaires.

Sur le fond, la société Concurrence et M. Chapelle font essentiellement valoir, en ce qui concerne les remises quantitatives liées à la réalisation d'un certain chiffre d'affaires, que l'objectif à atteindre, établi par catégorie de produits et en fonction de la part de marché de Philips au niveau national, quel que soit le lieu d'établissement du revendeur, est imposé par le fournisseur ; que les critères de fixation des engagements ne sont ni définis ni objectifs et connaissent des fluctuations injustifiables comme le montrent les objectifs respectivement retenus pour la société Chapelle au titre de l'exercice 1990 et le groupe Intermarché au titre de l'exercice 1991 ; que ces procédés renforcent le caractère aléatoire desdites remises, lequel tient, en toute hypothèse, au fait que le fournisseur comme le distributeur peuvent ne pas remplir leurs engagements en raison de difficultés ou de circonstances non maîtrisées (pénurie affectant la fabrication, arrivée d'un nouveau fournisseur sur le marché...) ; qu'ainsi la déduction anticipée de ces remises conditionnelles, qui ne sont chiffrables et acquises qu'à partir du moment où les objectifs sont effectivement réalisés, est rendue impossible par l'incrimination de la revente à perte ; qu'il y a donc bien, de ce fait, imposition d'une marge.

Les accords de coopération mis en œuvre par la société Philips sont aussi, selon les requérants, l'instrument d'un mécanisme d'imposition de marges.

En effet, la rémunération de ces services, qui ont, pour la plupart, un caractère usuel et non spécifique (exposition en magasin et en vitrine, démonstration, informations aux consommateurs, référencement, promotion des produits...), n'est pas déductible du prix d'achat puisque la valeur de ces services est attachée au revendeur et non au produit.

La société Concurrence et M. Chapelle soutiennent encore que les remises de coopération sont attribuées de façon discriminatoire par la société Philips : celle-ci s'arroge le droit de ne pas rémunérer tel service, même si le revendeur en remplit les conditions, d'attribuer des rémunérations différentes selon les revendeurs, même si la prestation est identique, et se refuse à communiquer le barème des taux de rémunérations, ce qui démontre que ces dernières ne résultent pas de critères objectifs dont les revendeurs pourraient se prévaloir.

Les requérants affirment que cette discrimination est particulièrement nette en ce qui concerne les " avoirs sur transaction " ou primes de référencement, qui s'ajoutent aux remises de coopération, et dont bénéficient (au taux de 7 %), sans aucun critère ni barème et sans qu'aucun document écrit n'en justifie l'octroi, comme l'a révélé l'enquête administrative, certains distributeurs - les " gros revendeurs ", à l'exclusion des discompteurs - discrétionnairement choisis par la société Philips.

Ils ajoutent que l'enquête administrative a démontré l'existence d'une entente sur les prix, à un niveau de marges élevé, entre Philips et quelques distributeurs importants, ladite entente étant la seule explication possible de l'identité de prix constatée dans des régions différentes.

Les requérants demandent en conséquence à la Cour, en réformant la décision du Conseil de la concurrence, de condamner les pratiques dénoncées ou de renvoyer au conseil celles n'ayant pas fait l'objet de notifications de griefs.

Aux termes du mémoire déposé à l'appui de son intervention, M. Jean Chapelle prie la Cour de le déclarer recevable en cette intervention et d'annuler la décision du conseil au motif que, n'ayant pas été considéré comme partie, il n'a pu participer aux débats concernant sa propre saisine, de sorte que les droits de la défense ont été méconnus.

II reprend, sur le fond, les moyens développés par la société Concurrence.

La société Philips demande, de son côté, à la Cour :

- de déclarer M. Chapelle irrecevable en son recours en annulation et en réformation, ainsi qu'en son intervention ;

- de déclarer la société Concurrence irrecevable en son recours en annulation contre la décision du conseil n° 97-D-15 et " les décisions de retraits de pièces " ;

- à titre subsidiaire, de déclarer mal fondés les recours en annulation et en réformation de ladite décision.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 80.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur le fond, la société Philips fait valoir que les remises quantitatives sont accordées selon un barème précis, annexé à chaque contrat, et en fonction d'un objectif non pas imposé par le fournisseur, mais fixé en accord avec le distributeur sur la base du potentiel de vente de ce dernier ; elle ajoute que par un arrêt du 9 juillet 1990, irrévocable et donc revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée au criminel, la Cour d'appel de Versailles a relaxé M. Brossard, son directeur général, poursuivi, sur citation directe de la société Jean Chapelle, du chef d'imposition de marge.

Après avoir souligné qu'aucune discrimination dans le traitement de situations analogues n'avait été établie au cours de l'enquête et de l'instruction, elle affirme qu'aucune des pratiques anticoncurrentielles dénoncées n'est établie.

Le Conseil de la concurrence fait observer, sur les remises octroyées en rémunération de prestations spécifiques, que, contrairement à ce que prétendent les requérants, la nature et le contenu des prestations des contrats de coopération étaient précisés dans des fiches techniques figurant au dossier, qu'il n'est pas établi que la société Philips ait entendu mettre en œuvre des discriminations dans l'attribution de ces remises, et qu'aucun élément de l'enquête administrative ni de ceux émanant de la société Concurrence n'ont établi le caractère discriminatoire des avoirs sur transaction ou de leur attribution.

Il rappelle, en outre, que les éléments recueillis sur l'allégation d'entente tarifaire sont insuffisants pour constituer un faisceau d'indices propres à établir la pratique alléguée.

Le ministre chargé de l'économie relève, s'agissant des remises quantitatives calculées en fonction des engagements d'achat des distributeurs, qu'en l'espèce ces clauses n'avaient pas pour objet et n'ont pas eu pour effet d'imposer une marge minimale, pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et, s'agissant des accords de coopération commerciale, que le caractère anticoncurrentiel de ces remises qualitatives n'est pas davantage démontré dès lors qu'elles rémunèrent des services effectifs et qu'il ne ressort pas de l'enquête que le fournisseur ait opéré des discriminations entre distributeurs en refusant à certains d'entre eux de les fournir ;

Il conclut au rejet du recours.

La société Concurrence et M. Chapelle ont répliqué, en développant les moyens précédemment exposés, à l'argumentation de la société Philips, aux observations du Conseil et à celles du ministre.

Le ministère public a développé des conclusions orales tendant :

- à la recevabilité du recours de la société Concurrence, qui s'analyse exclusivement en un recours en réformation ;

- à l'irrecevabilité du recours de M. Chapelle, qui n'était pas partie en cause devant le conseil et qui ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens de l'article 330 du nouveau Code de procédure civile ;

- au rejet des prétentions de la requérante.

Cela étant exposé, LA COUR,

Sur la procédure :

a) Sur la recevabilité du recours en annulation et réformation formé par la société Concurrence et par M. Jean Chapelle :

Considérant que M. Jean Chapelle a été radié du registre du commerce et des sociétés à la suite de la cession de son fonds de commerce à la société Jean Chapelle, par actes des 19 avril et 13 juillet 1989; qu'il n'était donc pas partie devant le Conseil de concurrence et n'avait pas, de ce fait, qualité pour former, à titre personnel, un recours en annulation ou en réformation de la décision intervenue sur les saisines des 27 juin 1988, 26 mars et 10 avril 1992 ;

Que ce recours est donc irrecevable en tant que formé par M. Chapelle à titre personnel ;

Qu'il est en revanche recevable en tant que formé par la société Concurrence, laquelle vient aux droits de la société Jean Chapelle, peu important que ce recours ait été qualifié de " recours en annulation et en réformation ", bien qu'il ne tende qu'à la réformation de la décision n° 97-D-15 du Conseil de la concurrence ;

b) Sur la déclaration d'intervention de M. Jean Chapelle :

Considérant que M. Jean Chapelle n'étant pas partie en cause devant le Conseil de la concurrence, il n'est pas recevable à se joindre à l'instance devant la Cour autrement qu'à titre accessoire, conformément aux dispositions de l'article 330 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant queM. Chapelle justifie avoir intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions de la société Concurrence ; qu'en effet, il a expressément exclu du champ de la cession objet des actes précités conclus avec la société Jean Chapelle les créances indemnitaires auxquelles il pourrait prétendre en raison des manquements contractuels ou quasi délictuels de ses fournisseurs et/ou concurrents antérieurs au 20 mars 1989;

Considérant queM. Chapelle ne peut, en cette qualité, qu'appuyer les prétentions de la société Concurrence sans pouvoir former de demande qui lui soit propre ; qu'est, en conséquence, irrecevable la demande d'annulation de la décision déférée contenue dans le mémoire déposé par la partie intervenante ;

c) Sur la demande d'annulation de la décision prise par le président du Conseil de la concurrence en application de l'article 23 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Considérant qu' il résulte de la déclaration de recours déposée au greffe par la société Concurrence que la décision n° 97-D-15 prise par le Conseil de la concurrence sur le fond de la saisine est seule déférée à la censure de la Cour ; qu'il s'ensuit que la demande d'annulation dirigée contre la décision susvisée du président du Conseil de la concurrence est irrecevable ;

d) Sur la jonction des saisines :

Considérant que les moyens visant à contester la mesure de jonction des saisines des 27 juin 1988, 26 mars et 10 avril 1992 ne sont pas recevables dès lors qu'ils ne se rapportent pas à une décision susceptible de recours par application des articles 12, alinéa 4, et 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur le fond :

a) Sur le grief notifié mais non sanctionné par le conseil :

Considérant qu'il ressort des conditions générales de vente de la société Philips applicables pendant la période couverte par les saisines qu'en contrepartie de la réalisation de prévisions d'achats fixées, aux termes de documents intitulés " engagements ", par exercice et pour les familles de produits suivantes : vidéo, audio, hi-fi-laser, le revendeur bénéficie de remises et ristournes précisées dans un barème ;

Que les barèmes en vigueur de 1988 à 1992 définissent, au-delà d'un seuil, des remises de base sur facture et des " ristournes éventuelles " variant selon les années et les catégories de produits : que, pour l'exercice 1992, les remises sur factures sont fixées à 11 % pour une commande de produits vidéo d'un montant supérieur à 75.000 F tandis que le taux des ristournes éventuelles varie, pour la même famille de produits, de 10 %, pour la tranche comprise entre 75.000 F et 300.000 F, à 14,5 % pour la tranche supérieure à 120.000.000 F ; qu'il est stipulé, sous la rubrique " facturation ", que : " le paiement des ristournes éventuelles s'effectue sous forme d'avoir ; il est subordonné au règlement de toutes les factures à échéance et au respect des engagements commerciaux " ; que le versement d'avances mensuelles sur les prévisions d'achat est également prévu, sous réserve de restitution en cas de défaillance dans la réalisation de ces objectifs ou de défaut de paiement des factures ; que, depuis 1990, celles-ci mentionnent les ristournes rémunérant ces engagements commerciaux, leur caractère acquis ou conditionnel étant précisé ;

Considérant que la partie saisissante soutient que ces conditions générales de vente portent atteinte à l'autonomie du revendeur dans la détermination des prix dès lors que ce dernier ne peut, aussi longtemps que les objectifs commerciaux ne sont pas effectivement atteints, répercuter sur son prix de revente les réductions de prix conditionnelles, sauf à s'exposer à des poursuites pénales pour revente à perte ;

Mais considérant que l'octroi de remises différées n'est pas restrictif de concurrence lorsque le principe et le montant de ces avantages sont acquis de manière certaine dès le franchissement des seuils quantitatifs qui en déterminent l'attribution, et lorsque tous les distributeurs peuvent, sans aléas, ni restrictions, en répercuter le montant sur leurs prix de vente ;

Considérant, en l'espèce, que l'affirmation de la société Concurrence selon laquelle le montant des prévisions d'achats, loin d'être négocié entre fournisseur et revendeur, est en réalité unilatéralement déterminé par le premier, sans égard aux capacités commerciales réelles du second, n'est corroborée par aucune des pièces du dossier ; que la preuve de variations anormales d'un exercice sur l'autre ou de disparités de traitement entre revendeurs n'est pas davantage rapportée ;

Qu'il résulte au contraire de l'instruction que les engagements sont arrêtés selon des seuils raisonnables, conformes au potentiel de vente du distributeur en cause ; que, s'agissant de la partie saisissante, les courriers échangés avec la société Philips montrent qu'après avoir obtenu, pour l'année 1991, des engagements de prévision de 2.500.000 F pour la vidéo et de 1.500.000 F pour la hi-fi-laser, la société Concurrence a proposé à la société Philips un engagement de 1.000.001 F pour la vidéo et de 300.001 F pour la hi-fi-laser afin de pouvoir réaliser ces objectifs en une seule commande ; que le fournisseur a légitimement refusé d'accéder à ces demandes tout en proposant à ce distributeur, en 1992, un contrat d'engagement sur un montant correspondant à une part de marché de 10 % en télévision et hi-fi ;

Considérant qu'il ne résulte pas du dossier que des distributeurs se soient trouvés dans l'impossibilité de remplir leurs engagements ; qu'il n'est pas davantage établi que le fournisseur n'a pu satisfaire à une commande, circonstance dont il ne saurait d'ailleurs se prévaloir pour se soustraire à son propre engagement ;

Qu'il s'en déduit que ni dans leur conception, ni dans leur application les remises quantitatives différées allouées par la société Philips ne conduisent à avantager ou à pénaliser un mode particulier de distribution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les stipulations des conditions de vente de la société Philips, lesquelles définissent de manière objective les conditions d'attribution desdites remises et sont appliquées sans discrimination entre les revendeurs, n'altèrent pas la liberté de ces derniers de fixer de façon autonome le prix de revente des produits en cause ; qu'elles ne sauraient dès lors constituer une pratique tendant à conférer un caractère minimal aux prix de revente ;

Qu'il y a lieu, au demeurant, de relever que par arrêt, devenu irrévocable, du 9 octobre 1990, la Cour d'appel de Versailles a relaxé M. Brossard, directeur de la société Philips, poursuivi du chef de délit d'imposition d'un caractère minimal à une marge commerciale sur citation directe de la société Jean Chapelle qui soutenait que la mise en œuvre des conditions générales de vente ci-dessus analysées caractérisait un tel délit ;

b) Sur les griefs non retenus par le rapporteur

Sur les remises qualitatives :

Considérant que le fait pour un fournisseur de produits de marque d'accorder des ristournes qualitatives, s'ajoutant aux remises quantitatives à ceux de ses distributeurs qui offrent des services, n'est pas en soi une pratique prohibée par l'ordonnance du 1er décembre 1986 si les conditions d'obtention de ces ristournes n'excluent pas des entreprises qui seraient disposées à fournir les services requis, si elles sont définies de façon objective, sont appliquées sans discrimination et n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la détermination par les commerçants de leur politique de prix de revente ;

Considérant que les faits dénoncés par les saisines se rapportent à la conclusion de contrats de coopération commerciale et à l'octroi de primes de référencement ;

Considérant, sur le premier point, que la société Philips offre à ses distributeurs de signer des " contrats de coopération " aux termes desquels ces derniers s'engagent à lui fournir un ou plusieurs services décrits dans des fiches techniques annexées aux contrats ; que les revendeurs peuvent assurer 12 prestations de services différentes, ayant notamment pour objet des actions à caractère publicitaire et la démonstration des produits ; que ces contrats prévoient que les prestations en cause sont facturées à Philips par le revendeur, la rémunération étant calculée en pourcentage du chiffre d'affaires hors taxe réalisé sur la catégorie d'appareils spécifiée par le contrat ; que les trente premiers clients de la Société Philips ont perçu, en 1992, des remises de coopération de 2 à 7 % pour les produits " vidéo " et de 3 à 7 % pour les produits " audio et hi-fi-laser " ; que le tiers, environ, des clients de ce fournisseur ont conclu de tels accords de coopération ;

Considérant, en premier lieu, que l'enquête administrative a établi que la société Philips exerçait un contrôle sur la réalité des prestations de coopération commerciale que ses distributeurs s'étaient engagés à assurer, ces contrôles étant suivis, le cas échéant, de la restitution des avantages indûment accordés ;

Considérant, en deuxième lieu, que la preuve d'une application discriminatoire des accords de coopération commerciale n'est nullement rapportée ;

Que rien n'établit que des agents économiques aptes à fournir de tels services aient été exclus du bénéfice des remises qualitatives, y compris celle correspondant à la souscription, non imposée, de la " Charte Qualité Service " relative à l'organisation du service après-vente et à la garantie ;

Qu'il résulte, à cet égard, des pièces versées au dossier que la société Philips a formulé des offres réitérées de coopération à la société Jean Chapelle qui n'y a pas donné suite ;

Que l'examen des documents contractuels ne révèle pas que les remises aient été fixées à un taux et selon des modalités conduisant à limiter ou à interdire l'accès au marché de distributeurs ayant choisi de ne pas fournir tout ou partie desdites remises ou qu'elles aient pu produire un tel effet ;

Que l'absence de barème écrit des taux de ces remises, loin d'être révélatrice, comme l'affirme la société Concurrence, de la volonté, non démontrée, du fournisseur de traiter différemment des situations analogues, est la conséquence de leur nécessaire adaptation à la situation particulière de chacun des distributeurs et notamment du contexte (emplacement, notoriété, aménagement du magasin...) dans lequel le service est rendu, ce contexte influençant la valeur qu'il représente pour le fournisseur ;

Considérant, en troisième lieu, que la rémunération du revendeur étant versée en contrepartie d'obligations détachables de celles inhérentes à la conclusion de contrats de vente, et faisant l'objet d'une facturation autonome, le moyen de la société Concurrence tiré d'une prétendue imposition de marge consécutive aux conditions d'octroi des remises dont il s'agit manque en fait ;

Considérant que la société Concurrence soutient encore que d'importantes remises dites primes de référencement sont attribuées sans aucun critère ni contrepartie autre que celle déjà rémunérée au titre des contrats de coopération, et à la seule discrétion du fournisseur, au profit de la grande distribution;

Mais considérant que ces allégations, dont la partie saisissante ne rapporte pas la preuve, sont démenties par les constatations du Conseil ; que celui-ci relève que les " primes de référencement " rémunèrent l'assurance pour la société Philips que les produits de sa marque seront offerts à la vente, pendant de très larges périodes, et pour des assortiments importants, par les revendeurs concernés ; qu'il ajoute que le référencement peut s'accompagner, ou non, selon les enseignes, de la centralisation des livraisons et de la facturation ; qu'en considération de l'importance de l'assortiment des produits référencés, des quantités de matériels et de la centralisation des livraisons et de la facturation, les primes octroyées par Philips peuvent varier de 1 à 7 % ;

Qu'il en ressort que les remises susvisées ne présentent pas de caractère anticoncurrentiel dès lors qu'elles sont assorties, pour le fournisseur, d'une contrepartie réelle et objectivement définie qui se distingue de celle rémunérée au titre des accords de coopération précédemment analysés ;

Considérant, en définitive, qu'il n'est pas établi que les pratiques ainsi mises en œuvre par la société Philips soient prohibées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur l'allégation d'entente tarifaire :

Considérant que, si l'enquête administrative effectuée dans dix départements auprès de distributeurs de toutes catégories a révélé, dans neuf de ces départements, de larges similitudes de prix pour un certain nombre de produits de la marque Philips, seuls quatre revendeurs implantés dans des zones de chalandise différentes ont affirmé que la société Philips intervenait dans leur politique de prix : que le rapport d'enquête relève que la plupart des responsables interrogés indiquent être tenus, par leur centrale d'achats, de pratiquer une politique d'alignement sur les prix les plus bas observés sur le marché local ; que le rapport ajoute que le secteur de l'électronique est un marché sur lequel les acteurs principaux pratiquent une politique systématique ou quasi systématique d'alignement qui tend à tirer les prix d'un certain nombre de produits à la baisse ; qu'il conclut à l'absence de preuve d'ententes verticales dans la fixation des prix publics ;

Considérant que cette preuve ne résulte pas davantage des éléments avancés par la partie saisissante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours de la société Concurrence visant des griefs écartés ou non notifiés n'est pas fondé, qu'il doit en conséquence être rejeté ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions du texte susvisé.

Par ces motifs, Déclare M. Jean Chapelle irrecevable en son recours principal et recevable en son intervention accessoire mais seulement en ce qu'elle tend à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence ; Déclare irrecevable la demande d'annulation de la décision n° 93-DSA-01 du 18 janvier 1993 du président du Conseil de la concurrence ; Déclare la société Concurrence recevable en son recours visant la décision n° 97-D-15 du 4 mars 1997 du Conseil de la concurrence ; Rejette ledit recours ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.