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Décisions

Cass. com., 26 janvier 1993, n° 91-22.250

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Compagnie de services et d'environnement

Défendeur :

Directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Mes Choucroy, Ricard.

TGI Lorient, prés., du 27 nov. 1991

27 novembre 1991

LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 27 novembre 1991, le président du tribunal de grande instance de Lorient a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de six entreprises, dont ceux de la SNC CISE à Crach (Morbihan), en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles des entreprises candidates aux appels d'offres relatifs aux travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable, pour le compte du SIVOM d'Auray-Belz-Quiberon et du Syndicat intercommunal d'assainissement de Carnac-La Trinité-sur-Mer ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la SNC CISE fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuse, alors, selon le moyen, que l'ordonnance doit faire preuve par elle-même de sa régularité ; que le juge qui autorise des visites et saisies doit constater que la demande d'autorisation qui lui est présentée émane d'une autorité compétente à cet effet ; qu'en ne constatant pas la régularité du mandat en vertu duquel l'auteur de la demande l'a saisi, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'en constatant que la requête de M. Le Teno, chef du service régional de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes à Nantes, lui était présentée par M. Eugène Jouan, directeur départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes du Morbihan, en vertu d'un mandat produit par ce dernier et à lui donné par le signataire de la requête, le président du Tribunal a procédé à la vérification lui incombant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le deuxième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que le juge, qui autorise en vertu de ce texte une visite et une saisie à la requête de l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information, que cette Administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ;

Attendu que, pour autoriser les visites et saisies litigieuses, l'ordonnance se borne à énoncer que " vu la requête et ses annexes jointes, attendu qu'il ressort des documents en annexe à la requête que les marchés sont généralement attribués à quatre entreprises par répartition géographique (cf les tableaux ci-dessus mentionnés réalisés à partir de consultations auprès de la sous-préfecture de Lorient les 28 septembre et 3 et 4 octobre 1990) ; que, sur 49 marchés examinés passés sur appels d'offres restreints durant la période allant de 1985 à 1990, 47 ont été attribués aux quatre entreprises CISE, SGCO, Devin-Lemarchand et Coca, alors qu'en moyenne, une douzaine d'entreprises se sont présentées à chaque appel d'offres (cf le tableau récapitulatif des 75 marchés passés de 1985 à 1990 à l'annexe IV à la requête et le tableau d'analyse des offres des 49 marchés du SIVOM d'Auray-Belz-Quiberon et du syndicat intercommunal d'assainissement de Carnac-La Trinité-sur-Mer à l'annexe V) ; que l'examen des 26 marchés restant conclus entre 1985 et 1990, après reconduction, négociation ou concours, confirme les observations précédentes pour les marchés conclus après appels d'offres restreints avec la seule nuance que la spécificité technique de certains marchés a conduit dans deux cas les entreprises CISE et SGCO à se grouper avec des entreprises tierces Degremont et STPM possédant la qualification requise (cf annexe V à la requête) " ;

Attendu que le juge, qui ainsi n'a pas décrit les pièces soumises à son appréciation par l'Administration requérante et ne s'est donc pas référé avec précision, en les analysant, fût-ce succinctement, aux éléments d'information fournis par l'Administration dont il tirait les faits fondant son appréciation, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

Et, sur le troisième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que le juge doit caractériser les pratiques anticoncurrentielles présumées;

Attendu que le juge a retenu qu'il résultait des faits de pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la portée de ces présomptions au regard des qualifications alternatives prévues à cet article, le président du Tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 novembre 1991, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Lorient ; dit n'y avoir lieu à renvoi.