Livv
Décisions

Conseil Conc., 31 août 2001, n° 01-D-49

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine et demande de mesures conservatoires présentées par la société Concurrence concernant la société Sony

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Komiha, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, Mme Perrot, MM. Bidaud, Charrière-Bournazel, membres.

Conseil Conc. n° 01-D-49

31 août 2001

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 30 mai 2001 sous les n°s F 1313 et M 282, par laquelle la société Concurrence a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Sony France qu'elle estime anticoncurrentielles et a sollicité, en outre, le prononcé de mesures conservatoires ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par les sociétés Concurrence, Sony France et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Concurrence, Sony France entendus lors de la séance du 17 juillet 2001 ;

Rappel de la saisine

Considérant que, par lettre enregistrée le 30 mai 2001, la société Concurrence a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Sony France sur les marchés des produits audiovisuels, des ordinateurs et des vidéo-projecteurs ; qu'elle expose, en premier lieu, que la société Sony France a mis en place, de manière soudaine, de nouvelles conditions de vente à compter du 1er avril 2001, lesquelles auraient pour caractéristique principale d'accroître le montant global des ristournes différées et des services facturables par le distributeur ; qu'en opérant ainsi la société Sony France aurait pour objectif de rehausser le seuil de revente à perte, ainsi que de fixer un niveau minimal aux prix de revente et aux marges des distributeurs ; que la société Concurrence serait désormais empêchée de pratiquer sa politique traditionnelle de prix bas, provoquant ainsi une désaffection de la clientèle vis-à-vis de son enseigne et restreignant la concurrence sur le marché ; qu'en deuxième lieu, elle indique que la société Sony France aurait provoqué la chute des ventes de la société Concurrence aux entreprises de " son réseau ", d'abord en cessant de livrer en direct cette clientèle, ensuite en refusant de lui octroyer une remise logistique de 3 % ; qu'en troisième lieu, elle dénonce le caractère anticoncurrentiel d'une clause d'enseigne commune ouvrant droit à une remise en fonction du chiffre d'affaires réalisé ;

Considérant que la société Concurrence soutient qu'elle se trouve placée en situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Sony France, notamment en raison des parts de marché que cette société détient, de sa notoriété et de l'importance que représente la marque Sony dans son chiffre d'affaires, qu'elle évalue à 95 % de ses achats ; que la société Concurrence se prétend, en conséquence, contrainte d'accepter les nouvelles conditions de vente de la société Sony France, arrêtées par cette dernière de manière subite et sans négociations préalables ; qu'elle déclare que les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et immédiate, d'une part, aux intérêts de la société Concurrence, en raison de la détérioration des conditions de vente que lui consent la société Sony France et du fait qu'une part plus importante de ces conditions ne serait pas portée sur les factures, l'empêcherait de pratiquer, comme auparavant, des prix bas et risqueraient de provoquer une baisse sensible de ses ventes, d'autre part, au marché et à l'intérêt des consommateurs, lesquels ne disposeraient plus de la possibilité de bénéficier de prix compétitifs ; qu'en conséquence, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, elle demande au Conseil de la concurrence d'ordonner à la société Sony France de faire figurer sur les factures les ristournes différées et les services rendus par les distributeurs, d'octroyer à la société Concurrence la remise logistique, de reprendre les livraisons directes aux entreprises clientes de la société Concurrence et, pour les ordinateurs, de lui appliquer les conditions dont elle bénéficiait auparavant ;

Sur la procédure

En ce qui concerne le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire

Considérant qu'à la suite des interventions orales du rapporteur et de la rapporteure générale adjointe, qui tous deux ont conclu au rejet de la saisine faute d'éléments suffisamment probants, M. Chapelle, représentant la société Concurrence, a fait valoir qu'il avait été convoqué pour l'examen de la recevabilité de la saisine et de la demande de mesures conservatoires, mais non de l'existence dans le dossier de sa saisine d'éléments suffisamment probants ; qu'après avoir demandé à disposer d'un délai supplémentaire pour préparer sa défense à cet égard et que la séance du Conseil soit reportée, il a néanmoins présenté les moyens et les éléments sur lesquels s'appuient sa saisine et sa demande de mesures conservatoires ;

Considérant que l'article 12 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 précise que la demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond ; que, dès lors, le Conseil doit, avant de se prononcer sur la demande de mesures conservatoires, examiner si la saisine au fond est recevable et si elle s'appuie sur des éléments suffisamment probants pour justifier l'ouverture d'une procédure ;

Considérant que la loi du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, entrée en vigueur le 18 mai 2001, a modifié la rédaction de l'article L. 462-8 du Code de commerce, qui énonce désormais à son alinéa 2 que le Conseil " peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants", qu'avant cette réforme, ce texte prévoyait que l'absence de tels éléments conduisait à l'irrecevabilité de la demande; que la question qui se pose au Conseil est donc toujours celle de l'éventuelle absence d'éléments suffisamment probants produits par le saisissant, seule étant modifiée la sanction applicable en pareil cas, l'irrecevabilité de la saisine ayant laissé la place au rejet de cette dernière;

Considérant que la lettre de convocation adressée, le 20 juin 2001, au président de la société Concurrence précisait que : " Le Conseil de la concurrence examinera la recevabilité de votre saisine ainsi que votre demande de mesures conservatoires dans sa séance du mardi 17 juillet 2001 à 14 H 30. " ; que la société Concurrence a indiqué dans son mémoire d'observations, intitulé " Actualisation de la situation et des demandes " , déposé le 11 juillet 2001, que " Depuis la nouvelle loi sur les régulations économiques, la notion de recevabilité a été réduite ; elle ne comprend plus la question de savoir si la saisine comporte suffisamment d'éléments permettant de ne pas exclure l'existence de pratiques visées par les articles 7 et 8. En l'espèce, la convocation ne vise que la recevabilité. Néanmoins, nous argumentons sur l'existence d'éléments probants (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les droits de la défense et, notamment, le principe du contradictoire ont été respectés;

Sur la saisine au fond

En ce qui concerne la situation de dépendance économique de la société Concurrence

Considérant que l'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce prohibe " dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur " ;

Considérant que la dépendance économique, au sens de l'article L. 420-2 alinéa 2 précité, résulte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de la part de marché du fournisseur, de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur, à condition que cette part ne résulte pas d'un choix délibéré de politique commerciale de l'entreprise cliente, enfin, de la difficulté pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents; que ces conditions doivent être simultanément vérifiées pour entraîner cette qualification;

Considérant que, dans ses observations, la société Concurrence fait valoir que la nouvelle rédaction de l'article L. 420-2, telle qu'elle résulte de la loi du 15 mai 2001 précitée, dès lors qu'elle ne fait plus directement référence, comme auparavant, à l'absence de solution équivalente, a supprimé implicitement cette condition ; qu'elle fait valoir que la disparition de cette condition résulte de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort des débats parlementaires, de protéger les petites et moyennes entreprises ;

Considérant que la lecture de l'ensemble des travaux parlementaires relatifs à l'élaboration de la loi sur les nouvelles régulations économiques, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, permet de constater, en ce qui concerne la rédaction de l'article L. 420-2, que si, au cours des débats, s'est manifestée une volonté de permettre de sanctionner plus facilement l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique, la discussion sur la manière d'obtenir ce résultat et la solution adoptée pour y parvenir ont concerné l'atteinte à la concurrence sur le marché; qu'à aucun moment, les débats n'ont porté sur la condition tenant à l'absence de solution équivalente;

Considérant que, si la nouvelle rédaction de ce texte ne comporte plus de référence explicite à l'absence de solution équivalente, il n'en demeure pas moins que la dépendance économique, au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce, ne peut résulter que de l'impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées, soit en qualité de client, soit en qualité de fournisseur, avec une autre entreprise; que les conditions établies par la jurisprudence et rappelées ci-dessus n'énoncent que des critères qui permettent de déterminer l'existence ou l'absence de solution équivalente; que, dès lors, la disparition de la référence formelle à la notion de solution équivalente dans les dispositions du texte précité ne peut dispenser de l'examen du point de savoir si l'entreprise qui se prétend en situation de dépendance économique dispose d'une solution alternative;

Considérant que, sur le fondement de ces principes, la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt Sony du 5 juillet 1991, a jugé que : " Considérant que, quelle que soit la notoriété de la marque Sony, il ne résulte ni des études relatives à sa perception par les consommateurs (étude IPSOS), ni des spécificités techniques, dont le caractère novateur n'est pas démontré, des produits qui en sont le support, que la poursuite de l'activité de distributeur électronique " grand public " soit subordonnée à la possibilité de les offrir à la vente ; qu'il ne peut par conséquent être soutenu, pour aucune des catégories d'appareils en cause, qu'il existait pour les requérantes une dépendance absolue d'assortiment à l'égard du fournisseur concerné, qu'il ne peut davantage être affirmé que, dans les gammes d'articles offerts par les nombreux autres producteurs de matériels électroniques, ne se trouvaient pas de produits techniquement interchangeables ; que, pouvant intervenir sans délai, ni coûts ni aménagements particuliers, les mutations d'approvisionnement pour cette catégorie de marchandises ne sont pas susceptibles d'entraîner d'irrémédiables perturbations dans le fonctionnement des sociétés requérantes ;

" Que, quant aux parts de marché détenues durant la période considérée, pour aucune des familles desdits produits, même pour les camescopes, pour lesquels elle occupait le premier rang, la société Sony France ne se détachait, de manière significative et durable, d'autres producteurs occupant des positions voisines ; que, d'une année sur l'autre, la répartition du marché, où les types d'appareils de cette marque se classaient respectivement entre la première et la douzième place, a connu, en ses divers segments, des fluctuations importantes ; qu'en outre, si les chiffres d'affaires réalisés par les trois sociétés en cause en matériels de marque Sony sont importants, notamment en ce qui concerne la société Semavem et principalement pour les téléviseurs, une telle situation, hors de proportion avec les positions respectives des produits de cette marque sur le marché, ne peut résulter que d'une politique commerciale délibérée des trois distributeurs concernés qui pouvaient librement opter pour une diversification de leurs sources d'approvisionnement" ;

"Considérant en conséquence que, ni en raison de la notoriété de la marque ou des caractéristiques des produits en cause, ni du fait de leur position sur le marché ou de l'incidence qu'ils ont sur leurs chiffres d'affaires, les sociétés Concurrence, Jean Chapelle et Semavem n'ont été, durant la période de référence, en état de dépendance économique à l'égard de la société Sony France de sorte qu'aucun des faits dénoncés ne peut être sanctionné comme l'exploitation abusive d'un tel état" ;

Considérant qu'en ce qui concerne la notoriété des marques, il est constant qu'existent sur le marché des marques de notoriété équivalente à celle de Sony, telles que Canon et JVC pour les camescopes, Philips, Thomson, Brandt pour les téléviseurs et les magnétoscopes, Philips, Aïwa ou Pioneer pour la HiFi; qu'en ce qui concerne les ordinateurs et leurs périphériques, il existe des marques spécialisées de notoriété supérieure à Sony, telles que IBM, Compaq ou Apple; qu'il n'est pas démontré que, dans les gammes d'articles offerts par les nombreux autres producteurs de matériels électroniques, ne se trouvent pas des produits techniquement interchangeables; que les changements de fournisseurs pour cette catégorie de produits peuvent intervenir sans délai et sans coût significatif, comme le démontrent, d'une part, la rapidité avec laquelle, suite au protocole d'accord passé entre les sociétés Sony et Concurrence courant 1998, la part des produits Sony commercialisés par la société Concurrence est devenue largement prépondérante en moins de deux ans et, d'autre part, que de nombreux distributeurs de toutes tailles commercialisent tant des appareils Sony que des appareils d'autres marques;

Considérant qu'en ce qui concerne les parts de marché en volume détenues par la société Sony France pour les produits de la gamme audio-vidéo, sur la base de données de la société d'enquête GFK jointes aux observations de la société Sony France, il ressort, en premier lieu, que ces parts de marché sont différenciées selon les types de produits et que d'autres marques ont, sur la plupart de ces gammes de produits, des parts de marché voisines ou supérieures à celles de la marque Sony; qu'ainsi, à fin 2000/début 2001, sur l'ensemble du marché des produits audio-vidéo, la part de marché de Sony est de 18 % contre 15,5 % à Philips, et 9 % à Thomson ; en audio-portable, elle est de 24 % contre 18 % pour Philips et 9 % pour Aïwa ; en DVD, 13 % contre 21 % à Philips et 11 % à Pioneer ; en camescopes, 32 % contre 24 % à Philips et entre 9 et 10 % pour Canon, Samsung et Panasonic ; en HiFi, 16 %, à égalité avec Philips, contre 13 % pour Aïwa et 9 % pour JVC ; en télévision, 18 % contre 25 % à Philips, 15 % à Thomson et 5 % à Panasonic ; en photo numérique, 14 % contre 17 % pour Olympus et Fuji, 12 % pour Nikon et Canon ; qu'en deuxième lieu, pour les produits où la marque Sony est la mieux placée, sa part de marché a baissé sensiblement entre 1997 et 2000, cette érosion témoignant de la possibilité de substitution par des marques au départ moins bien placées et de l'impossibilité pour Sony de s'abstraire de la concurrence des autres marques; qu'ainsi, en camescopes analogiques, la part de Sony est passée, sur cette période, de 32 à 25 %, en camescopes numériques de 60 à 44 %, en baladeurs minidisques de 65 à 48 % ;

Considérant que la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 7 juillet 1995, a précisé que l'existence d'un état de dépendance économique ne pouvait résulter de la seule réalisation de la majeure partie du chiffre d'affaires de l'entreprise avec un même fournisseur ; qu'elle a estimé, au cas d'espèce, que la dépendance contractuelle de l'entreprise vis-à-vis de ce fournisseur procédait, non de circonstances objectives, mais d'une stratégie choisie par elle ; que les mêmes principes ont été appliqués par la Cour d'appel de Versailles, dans un arrêt GIE Elis du 8 octobre 1999, qui relève que la situation de la société sur le marché considéré résultait d'un choix stratégique de développement mûrement délibéré depuis de nombreuses années, dont elle ne rapportait nullement la preuve qu'il lui aurait été imposé et que c'est en toute liberté qu'elle avait choisi de privilégier à peu près, à parts égales, deux clients déterminant la plus grosse partie de son chiffre d'affaires, alors que le marché était très diversifié ; que la précarité propre au marché concurrentiel aurait dû la conduire, par prudence et pour assurer la pérennité de l'entreprise, à diversifier ses débouchés plutôt que de se caler sur le développement de deux prescripteurs importants ; qu'en raison de cette stratégie dont elle était seule responsable, la requérante ne pouvait imputer à l'un ou l'autre de ses clients les conséquences de ses choix, alors que le GIE Elis l'avait loyalement informée de la modification de sa politique d'achat et d'approvisionnement, que l'intéressée avait eu tout le loisir d'examiner, éventuellement de rejeter, sinon de dénoncer ;

Considérant, en ce qui concerne la part représentée par la marque Sony dans les ventes de la société Concurrence, soit 95 %, selon un tableau manuscrit communiqué par la société Concurrence, qu'un tel niveau est hors de proportion avec les positions respectives des produits de cette marque sur le marchéet qu'il ne peut résulter que d'une politique commerciale délibérée de la société Concurrence, qui pouvait librement opter pour une diversification de ses sources d'approvisionnement;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, tant en ce qui concerne la notoriété comparée des marques, que les parts de marché par catégorie de produits, leur évolution, et la stratégie commerciale délibérément adoptée par la société Concurrence, qu'il n'est pas démontré qu'il était difficile à cette dernière de s'approvisionner en produits d'autres marques; qu'ainsi, il n'est pas établi que la société Concurrence se trouve placée en situation de dépendance économique par rapport à la société Sony France, ni que celle-ci serait en situation de position dominante sur les différents marchés de produits considérés ;

Considérant, par ailleurs, que la société Concurrence n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, selon lesquelles la mise en place de nouvelles conditions de vente par la société Sony France et l'application qui lui en est faite résulteraient d'une entente ;

Sur les nouvelles conditions de vente des produits de la marque Sony

Considérant que les conditions de vente mises en place par la société Sony France à compter du 1er avril 2001 consistent, en premier lieu, en des remises quantitatives et qualitatives venant en déduction immédiate des prix facturés, en deuxième lieu, en des ristournes qualitatives et d'objectifs quantitatifs, réglées par avoirs différés, étant précisé qu'il est prévu que ces ristournes figureront sur les factures, dès lors que les seuils qui y donnent droit seront atteints, en troisième lieu, sous la forme d'accords de coopération, en des services spécifiques rendus par le distributeur, réglés après émission d'une facture par le distributeur ;

Considérant que, dans sa décision Sony n° 90-D-42 le Conseil a estimé : " que le fait pour un producteur de produits de marque d'accorder des ristournes qualitatives, en sus des remises quantitatives, à ceux de ses distributeurs qui offrent des services ne constitue pas en soi une pratique prohibée par 1'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors que les conditions d'obtention de ces ristournes qualitatives n'excluent pas des distributeurs qui seraient prêts à fournir les services considérés, qu'elles sont définies de façon objective et ne sont pas appliquées de façon discriminatoire et qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la liberté des commerçants de déterminer de façon autonome leur politique de prix de revente" ; que, dans cette décision, le Conseil a adopté la même analyse en ce qui concerne les accords de coopération, les engagements d'achats et les promotions programmées ; que cette analyse a été confirmée par la cour d'appel dans un arrêt du 5 juillet 1991, rendu sur le recours formé contre cette décision ;

Considérant que la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 octobre 2000, rendu sur le pourvoi formé par la société Concurrence contre un arrêt rendu le 10 mars 1998 par la Cour d'appel de Paris, a considéré, en premier lieu, que l'octroi de ristournes différées n'est pas restrictif de concurrence, lorsque le principe et le montant de ces avantages sont acquis, de manière certaine, dès le franchissement des seuils quantitatifs qui en déterminent l'attribution et lorsque tous les distributeurs peuvent, sans aléas, ni restrictions, en répercuter le montant sur leurs prix de vente, en deuxième lieu, que la description détaillée des prestations constituant les services prévus dans les accords de coopération avait permis à la cour d'appel de faire l'exacte appréciation du caractère spécifique de ces services, détachables des opérations de vente et qu'elle avait, à bon droit, exclu que la facturation autonome de ces services puisse être constitutive d'une pratique d'imposition de marge, dès lors qu'établissant eux-mêmes la facturation desdits services, les distributeurs en connaissent nécessairement les éléments et peuvent les prendre en compte pour déterminer leur prix plancher ;

Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les produits de la gamme audio-vidéo Sony, le taux maximum des remises sur factures est passé, à compter du 1er avril 2001, à 27 % contre 24 % auparavant ; que le taux maximum des ristournes différées est passé de 3 % à 4,5 % et que, comme avant le 1er avril 2001, il est expressément prévu qu'elles figureront sur la facture dès que les seuils qui y donnent droit seront atteints ; que le taux maximum des rémunérations de services au titre des accords de coopération est passé de 5 à 8 % ; qu'il ressort de l'examen des éléments communiqués aussi bien par la société Concurrence que par la société Sony France, que les conditions consenties à la société Concurrence sont plus favorables après le 1er avril 2001 qu'avant cette date ; qu'ainsi, elle obtient un total de 23,5 % de remises sur facture contre 21 % auparavant, 4,5 % de ristournes différées, soit le maximum accessible, contre 3 % auparavant, 8 % de rémunérations de services, soit le maximum accessible, contre 5 % auparavant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne les ordinateurs portables (gamme dite VAJO), la société Concurrence, qui auparavant ne commercialisait pas ces appareils, a bénéficié de la part de la société Sony France, en 1999 et jusqu'en avril 2000, d'une remise de base sur facture de 18,16 %, puis de 19 %, intitulée " remise exceptionnelle ", d'une remise dite " financière " de 1,5 %, et 4 % différés, au titre de ristournes de services, alors que le barème appliqué aux distributeurs prévoyait une remise quantitative de 14 % pour un montant d'achats réalisé l'année précédente d'au moins 10 MF, de remises qualitatives pour un total de 5 %, auxquelles pouvaient s'ajouter des ristournes de services pour un total de 6 % ; qu'entre les mois de mai 2000 et mars 2001, la société Concurrence, dont le montant des achats à Sony pour ces produits s'est élevé à 819 KF en 1999, s'est vue attribuer par la société Sony France une remise quantitative de 15 %, une remise de démonstration de 3 % et une remise de gamme de 2 %, soit un total de 20 %, alors que la première tranche du barème appliqué aux distributeurs prévoyait une remise quantitative de 13 % pour un montant d'achats réalisé l'année précédente d'au moins 15 MF, et des remises qualitatives pour un total de 6 %, auxquelles pouvaient s'ajouter des ristournes de services pour un total de 4 % ; qu'au surplus dans ses écrits, adressés à la société Sony, la société Concurrence reconnaît qu'elle n'assure pas de démonstration pour ces produits ; qu'il ressort de ce qui précède que la société Concurrence a bénéficié de conditions dérogatoires, alors même qu'elle ne remplissait pas les conditions d'accès aux réductions quantitatives prévus par les barèmes ;

Considérant qu'à compter du mois d'avril 2001, la société Sony France a mis en place un nouveau barème comprenant une remise quantitative en fonction du montant des achats de l'année précédente, soit 19 % pour des achats compris entre 9 et 34,9 MF, 20 % entre 35 et 99,9 MF, 21 % au-delà de 100 MF ; que, dans ses écritures, la société Sony fait valoir que le seuil de 9 MF avec une rémunération de 19 % aurait été défini, précisément, pour adapter le barème à la situation spécifique de la société Concurrence et lui permettre d'accéder à une rémunération proche de ce qu'elle obtenait auparavant (20 %), tout en évitant de pérenniser le régime discriminatoire dont elle bénéficiait jusqu'alors ; que cette présentation est corroborée par la comparaison avec le barème précédent ; qu'en effet, le nouveau barème est plus favorable que le précédent, dont le seuil d'accès était plus élevé (15 MF) pour une rémunération moindre (13 %) et dont les paliers supérieurs étaient moins rémunérateurs (en 2001, un chiffre d'achats de 35 MF permet d'obtenir une remise de 20 % contre 14 % en 2000) ; que la société Concurrence, dont les achats se sont élevés à 10 658 KF en 2000, a obtenu une remise de 19 % ; que le barème prévoit en outre une remise sur facture de 1 % pour des opérations commerciales exceptionnelles, une ristourne différée d'objectif de chiffre d'affaires de 1 %, qui peut figurer sur la facture dès que les objectifs sont atteints, une rémunération de services de 2 % pour remontée d'informations ; que la société Concurrence, dès lors qu'elle satisfait aux conditions requises, dispose, ainsi, de la possibilité d'obtenir entre 1 et 2 % de remises sur facture supplémentaires, portant ainsi à 20 ou 21 % son taux global de remises ; qu'en conséquence, il n'est pas démontré que la forte baisse des ventes d'ordinateurs Sony de la société Concurrence serait imputable à la modification de ses conditions d'achat ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne les moniteurs pour ordinateurs, la société Concurrence, dont le montant des achats pour ces produits a atteint 317 KF pour l'année 2000, a obtenu de la société Sony France, jusqu'en avril 2001, un prix net, hors barème, équivalant à une remise de base sur facture de 32,94 %, alors que la première tranche du barème appliqué aux distributeurs prévoyait, jusqu'en octobre 2000, une remise quantitative de 18 % pour un montant d'achats réalisé l'année précédente d'au moins 1,5 MF, puis, à compter d'octobre 2000, de 14 % pour 2 MF d'achats, de remises qualitatives pour un total de 6 %, puis, 4 % (3 % de démonstration et 1 % pour opérations commerciales exceptionnelles) ; que, dans diverses lettres adressées à la société Sony, la société Concurrence reconnaît qu'elle n'assure pas de démonstration pour ces produits ; qu'il ressort de ce qui précède que la société Concurrence a bénéficié de conditions dérogatoires privilégiées, alors qu'elle ne remplissait pas les conditions d'accès aux barèmes ;

Considérant qu'à compter du mois d'avril 2001, la société Sony France a mis en place un nouveau barème comprenant une remise quantitative en fonction du montant d'achats de l'année précédente, dont la première tranche est de 12 % pour un chiffre d'achats de 700 KF, puis 13 % pour 1 MF, 14 % pour 2 MF, 15 % pour 3 MF, 16 % pour 5 MF, 17 % pour 9 MF ; que le nouveau barème est plus favorable pour les petits distributeurs que le précédent, puisqu'il crée deux paliers supplémentaires inférieurs, avec un seuil d'accès de 700 KF, contre 2 MF auparavant, et seulement 2 % d'écart de rémunération entre ces deux niveaux ; que la société Concurrence, dont le chiffre d'achats s'est élevé à 317 KF en 2000, a bénéficié de la remise de 12 % ; que le barème prévoit, en outre, une remise sur facture de 1 % pour des opérations commerciales exceptionnelles, ainsi qu'une remise de démonstration de 3 % ; que la société Concurrence, dès lors qu'elle satisfait aux conditions requises, a ainsi la possibilité d'obtenir entre 1 et 4 % de remises sur facture supplémentaires, ce qui porte entre 13 et 16 % son taux global de remises ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en ce qui concerne les vidéo-projecteurs, la société Concurrence, dont les achats en 2000 ont porté sur quatre appareils représentant un montant d'achats de 55 000 F, a bénéficié, jusqu'en mars 2001, de la part de la société Sony France, d'une remise de base sur facture de 16 %, intitulée " remise exceptionnelle " et d'une remise dite financière de 1,5 % ; qu'à compter du mois d'avril 2001, la société Sony France a mis en place un barème comprenant une remise quantitative en fonction du montant des achats de l'année précédente comprise entre 1 et 5 %, l'accès à la première tranche du barème étant conditionné par un montant d'achats d'au moins 100 000 F, et des remises qualitatives sur facture pour un total de 17 % ; que, par une lettre du 21 juin 2001, la société Sony France a proposé de livrer des vidéo-projecteurs à la société Concurrence en lui octroyant un total de remises sur facture de 19,5 %, soit la totalité des remises qualitatives pour 17 %, auxquelles s'ajoute le premier taux de la remise quantitative, soit 1 %, alors même que la société Concurrence ne remplit pas les conditions d'accès pour en bénéficier, et une remise financière de 1,5 % ;

Considérant que la mise en place de ces nouveaux barèmes ne saurait constituer, en soi, une pratique prohibée par le Code de commerce, dès lors que les conditions d'obtention des remises et des ristournes qui y figurent n'excluent pas des distributeurs qui seraient prêts à fournir les services considérés, qu'elles sont définies de façon objective et ne sont pas appliquées de façon discriminatoire et qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet, de limiter la liberté des commerçants de déterminer, de façon autonome, leur politique de prix de revente ;

Considérant, en premier lieu, que les conditions générales de vente ou les accords de coopération de la société Sony France ne comportent pas de disposition ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de porter atteinte à la concurrence ; qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que ces conditions seraient appliquées de façon discriminatoire ; que le représentant de la société Concurrence a, d'ailleurs, exposé, lors de la séance, qu'il ne contestait pas les nouvelles conditions, en elles-mêmes, quant à leur nature et leur principe, mais le fait de ne pas pouvoir désormais répercuter dans ses prix de vente une partie de ces conditions, à savoir les ristournes différées et la contre-valeur des services facturés par le distributeur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'apparaît pas que les distributeurs de produits Sony soient empêchés ou limités dans leur droit de répercuter, pour établir leur prix de revente, les remises ou les primes auxquelles ils peuvent prétendre, c'est-à-dire celles dont le principe est acquis et le montant chiffrable ; qu'aucun élément du dossier n'indique que, dans la pratique, le bénéfice des remises est retiré si celles-ci sont répercutées au profit des consommateurs ; qu'en outre, rien ne s'oppose à ce que les ristournes différées soient accordées à des taux variant au fur et à mesure que les seuils correspondants sont atteints ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que la société Concurrence bénéficie, à des taux variables selon les gammes de produits, des remises sur facture prévues aux barèmes ; qu'elle dispose de la possibilité d'obtenir des rémunérations sur facture supplémentaires ainsi que la mention sur la facture des ristournes différées lorsque les seuils qui y donnent droit sont atteints ; qu'en conséquence, il n'est pas démontré que la société Sony France aurait réduit les rémunérations consenties à la société Concurrence de façon à lui imposer un niveau minimal de marge ou de prix de revente ; qu'au contraire, il apparaît que la situation de la société Concurrence est inchangée, voire améliorée, les nouveaux barèmes lui permettant d'avoir accès à des niveaux de rémunérations comparables ou égaux à ceux qu'elle obtenait auparavant ; qu'il n'est donc pas établi qu'elle subirait une réduction de ses marges, qui serait de nature à lui interdire de poursuivre, dans l'immédiat, une politique de prix inférieurs à ceux pratiqués par la plupart des autres offreurs ;

Considérant, enfin, que le dossier ne contient aucun élément permettant de présumer que la définition par Sony France de ses nouvelles conditions générales de vente a eu pour effet d'entraîner une hausse des prix de ses produits sur le marché et de restreindre la concurrence entre ses revendeurs, alors même que, sollicitée par un courrier du rapporteur de communiquer les prix effectivement pratiqués, avant et après le 1er avril, la société Concurrence a répondu, le 5 juillet 2001, qu'il ne lui était pas possible de satisfaire cette demande, compte tenu de l'ampleur des documents à réunir, alors qu'il lui était loisible de communiquer un échantillon représentatif de ces prix ;

Sur la revente aux entreprises et l'attribution de la remise logistique

Considérant qu'à l'occasion du lancement par la société Concurrence, en juillet 2000, d'une activité de vente sur Internet, la société Sony a accepté de livrer directement les clients de la société Concurrence ayant passé une commande sur Internet ; que la société Sony a mis fin à ces livraisons directes à compter du 1er mai 2001, après en avoir informé la société Concurrence par courrier du 14 avril 2001 en ces termes : " il est temps de mettre fin à ce régime d'exception que nous avons mis en place de manière provisoire pour vous permettre de développer un nouveau système de vente " ; que la société Concurrence expose que cette mesure a été prise par rétorsion en raison des prix bas qu'elle proposait sur Internet, sans que cette affirmation soit étayée d'aucun élément de preuve ;

Considérant que la société Concurrence ne peut prétendre au maintien d'un régime de livraison dérogatoire que la société Sony n'a accordé à aucun autre de ses clients ; qu'en tout état de cause, il lui est loisible de continuer de proposer des produits à prix bas sur Internet, soit en prenant en charge elle-même les livraisons, soit en les faisant réaliser par un transporteur choisi et rémunéré par elle, ou encore, en proposant au client, de venir retirer le produit à son magasin ; que, dans l'hypothèse où elle assurerait la livraison chez le client, elle aurait accès à la remise logistique de 3 % prévue dans les conditions générales de vente de la société Sony, la clause relative à cette remise prévoyant qu'elle est attribuée en cas de livraison effective au client ; que la société Concurrence ne saurait exiger le versement de cette rémunération, dès lors que, comme elle le reconnaît elle-même, elle n'assure pas les livraisons au client et qu'il n'est pas démontré que d'autres revendeurs bénéficieraient du versement de cette remise sans en assurer la contrepartie ;

Considérant, enfin et au surplus, que le chiffre d'affaires hors taxes de la société Concurrence généré par cette activité est faible par rapport à son chiffre d'affaires global, puisqu'il s'est élevé à 451 KF en janvier 2001, 345 KF en février, 421 KF en mars, 141 KF en avril, 185 KF en mai et 185 KF en juin, ce qui représente 4,1 % de son chiffre d'affaires du 1er semestre 2001 (41 735 KF HT) ; qu'en outre, la baisse des ventes par cette société aux entreprises s'observe dès le mois de février (- 23 % par rapport à janvier) et s'accentue en avril (- 66 % par rapport à mars), soit avant la cessation des livraisons directes par Sony, alors qu'à l'inverse, on constate une reprise de ces ventes après cette date (+ 31 % en mai et juin par rapport à avril) ; qu'il résulte de ces constatations que la baisse des ventes aux entreprises ne peut être imputée à l'arrêt des livraisons directes par la société Sony France à compter du 1er mai 2001 ;

Sur la clause d'enseigne commune

Considérant qu'en ce qui concerne les produits de la gamme audio-vidéo, le barème établi par Sony pour l'année 2000 prévoyait, pour l'application de la remise quantitative de chiffre d'affaires, la possibilité de consolider le chiffre d'affaires des distributeurs disposant d'une enseigne commune ; que cette clause était rédigée de la façon suivante : " Le chiffre d'affaires pris en compte est le chiffre d'affaires de chaque point de facturation, ou lorsque le distributeur appartient à un groupement mettant en œuvre une politique commune sous une enseigne commerciale unique, le chiffre d'affaires de l'ensemble du groupement. " ; que, dans le barème du 1er avril 2001, la rédaction de cette clause a été modifiée en ces termes : " Lorsque le distributeur dispose de plusieurs points de vente facturés séparément ou fait lui-même partie d'un groupement de revendeurs, le chiffre d'affaires à prendre en considération est le chiffre d'affaires de l'ensemble de ce groupement pour autant que : - les différents points de vente ou revendeurs de ce groupement respectent une politique commerciale commune. Pour apprécier l'existence d'une telle politique commune, Sony prendra notamment en considération l'exercice par ces points de vente/revendeurs de leurs activités sous une enseigne commune, le reférencement d'une gamme commune de produits Sony ainsi que la mise en œuvre de méthodes de vente et d'actions de communication communes de nature à valoriser leur réseau de distribution et les produits qui y sont revendus.- la mise en œuvre de cette politique est de nature à valoriser l'image de marque des produits Sony ainsi que leur revente auprès des consommateurs. " ;

Considérant que la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 avril 2000, rendu sur le pourvoi formé par la société Concurrence contre un arrêt rendu le 29 octobre 1997 par la Cour d'appel de Paris au profit de la société Aïwa France, a retenu qu'en rejetant la demande de la société Concurrence tendant à contester la licéité de la remise de centralisation prévue au barème de la société Aïwa, au motif que " cette remise est accordée à tout professionnel qui effectue une centralisation pour au moins trente points de vente regroupés sous une enseigne commune et que cette clause rémunère les services rendus au vendeur en lui évitant une trop grande dispersion de ses opérations administratives et de ses stocks ", la cour d'appel, qui n'avait pas recherché " en quoi cet avantage constituait une prestation spécifique offerte par les seuls distributeurs regroupés sous une enseigne commune, valorisant le réseau de distribution de la société Aïwa et par répercussion l'image de ses produits, (...) " n'avait pas légalement justifié sa décision ;

Considérant que la société Concurrence soutient que la clause du nouveau barème Sony crée une discrimination injustifiée au profit de revendeurs placés sous une enseigne commune et ne répond pas aux exigences de l'arrêt de la Cour de cassation qu'elle cite à l'appui de sa demande ;

Mais considérant qu'il ressort de la lecture de la clause susvisée que l'accès au barème quantitatif par consolidation du chiffre d'affaires n'est pas réservé aux seuls revendeurs placés sous une enseigne commune ; qu'en effet, d'une part, cette consolidation est offerte non seulement aux revendeurs appartenant à un groupement, mais aussi aux distributeurs disposant de plusieurs points de vente ; que, d'autre part, l'emploi de l'adverbe " notamment " et l'indication d'autres critères que celui de l'enseigne commune permettent de considérer que ce critère n'est ni exclusif, ni indispensable, pour obtenir les remises correspondantes ; que, d'ailleurs, la société Concurrence y a accès, puisqu'une remise de 5,5 % lui est accordée de ce chef sur un total possible de 6 % ;

Sur la situation économique de la société Concurrence

Considérant que le chiffre d'affaires de la société Concurrence s'est élevé pour l'année 2000 à 74 726 KF, en progression de 53 % par rapport à 1999 ; que son résultat courant a atteint 14 169 KF, soit 19 % du chiffre d'affaires contre 17,9 % en 1999 et 13,7 % en 1998 ; que ses ventes ont progressé de 69 % en avril 2001 par rapport à avril 2000, de 23 % en mai 2001 par rapport à mai 2000, de 49 % en juin 2001 par rapport à juin 2000 et de 33 % sur l'ensemble du 1er semestre 2001 par rapport au 1er semestre 2000 ; qu'elle annonce que ses achats à la société Sony devraient passer à environ 90 MF en 2001, contre 67 MF en 2000 ; qu'en conséquence, la société Concurrence ne peut valablement soutenir que les nouveaux barèmes mis en place par la société Sony France à compter du 1er avril 2001 auraient un impact négatif sur son activité, et notamment qu'ils aboutiraient à détourner les consommateurs de son enseigne, au motif qu'elle ne serait plus en mesure de leur proposer des prix compétitifs par rapport à ses concurrents ;

Sur les délais de mise en place des nouveaux barèmes

Considérant que la société Concurrence soutient qu'elle n'a été informée que tardivement et de manière soudaine de la mise en place des nouveaux barèmes pour le 1er avril 2001 ; que tant les pièces produites par la société Concurrence elle-même que celles présentées par la société Sony permettent de constater que l'information sur les nouvelles conditions et les négociations de ces conditions avec la société Concurrence, ont débuté dès le mois de janvier 2001 et se sont poursuivies jusqu'en mai et juin 2001 ; qu'en tout état de cause, au vu des données relatives à l'activité de la société Concurrence telles qu'elles sont exposées ci-dessus, il n'apparaît pas que l'application des nouveaux barèmes l'ait mise dans l'impossibilité de s'approvisionner en produits de la marque Sony ni de développer ses ventes de ces mêmes produits ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les éléments produits par la société Concurrence à l'appui de sa saisine démontrent que la société Sony France ne détient pas de position dominante sur les différents marchés de produits visés par la saisine, que la société Concurrence ne se trouve pas en situation de dépendance économique par rapport à la société Sony France et que les pratiques reprochées à cette dernière ne sont pas prohibées par le livre IV du Code de commerce ; qu'en l'absence d'éléments suffisamment probants, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 de ce Code et de rejeter la saisine ; que, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires doit être rejetée,

Décide :

Article 1er : La saisine au fond enregistrée sous le n° F 1313 est rejetée.

Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le n° M 282 est rejetée.