Livv
Décisions

Conseil Conc., 19 octobre 2001, n° 01-D-67

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées à l'occasion de la passation de marchés publics de travaux routiers dans le département des Bouches-du-Rhône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Beaufaÿs, par Mme Hagelsteen, présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Bidaud, Robin, Rippotot, Maître Charrière-Bournazel, membres.

Conseil Conc. n° 01-D-67

19 octobre 2001

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 18 décembre 1997 sous le numéro F 1003, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques d'entente relevées à l'occasion de la passation de marchés publics de travaux routiers dans le département des Bouches-du-Rhône ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par la société Colas Midi-Méditerranée, la société Jean-François et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François, entendus au cours de la séance du 18 juillet 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

La Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Bouches-du-Rhône a engagé une enquête administrative à la suite du constat d'une hausse généralisée et importante des prix proposés par les entreprises, en réponse aux appels d'offres pour des travaux routiers lancés en 1994 et 1995 par le département des Bouches-du-Rhône, la Communauté de communes Marseille Provence Métropole et la société anonyme d'économie mixte locale Marseille Aménagement. Pour les besoins de cette enquête, le directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Provence - Alpes-Côte-d'Azur a demandé au Président du Tribunal de grande instance de Marseille, sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1234 du 1er décembre 1986 alors en vigueur, d'autoriser la visite et la saisie, auprès des entreprises soumissionnaires aux six marchés concernés, de tous documents permettant d'apporter la preuve d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles. Des interventions simultanées aux fins de visites et de saisies furent réalisées, le 6 février 1997, auprès de neuf entreprises.

Ces investigations ont permis la saisie de dossiers d'études de marchés dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée comportant des documents susceptibles de constituer des indices matériels d'ententes entre cette entreprise et sa filiale, la société Jean-François :

- Lors de l'appel d'offres pour l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne, lancé en janvier 1995 par le Conseil général des Bouches-du-Rhône ;

- Lors de l'appel d'offres pour les travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert, lancé en octobre 1994 par la Communauté des communes Marseille Provence Métropole.

L'enquête s'est ensuite poursuivie dans le cadre de l'article 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 alors en vigueur, afin, notamment, de recueillir les déclarations des responsables de ces deux entreprises.

A. - En ce qui concerne l'appel d'offres relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne

Le marché

Ce marché a fait l'objet d'un appel d'offres lancé en janvier 1995 par le Conseil général des Bouches-du-Rhône. La maîtrise d'œuvre était assurée par la Direction des Routes, des Transports et de l'Equipement (DRTE). La date limite de réception des offres était fixée au 16 mars 1995 à 15 H. Les travaux étaient estimés à 3 273 656 F TTC. La commission chargée de l'ouverture des plis s'est réunie le 23 mars 1995. Les offres présentées étaient les suivantes :

Au vu de ces écarts, l'appel d'offres a été déclaré infructueux. Un marché négocié a été relancé en avril 1995. L'ouverture des plis a eu lieu le 11 mai 1995. Les travaux ont été attribués au groupement d'entreprises Marion/Mino/Jean-François, déjà le moins-disant lors de la procédure initiale, pour un montant TTC de 3 551 826 F.

Indice matériel

Le 6 février 1997, les enquêteurs ont saisi, dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée à Marseille, une télécopie figurant dans le dossier du marché relatif à l'aménagement de la D 43 A.

Ce document dactylographié comporte 3 pages. Son en-tête a été découpé empêchant de déterminer sa date de réception et l'identification de son émetteur.

Il s'agit d'un devis estimatif comportant quelques annotations manuscrites. En pages 2 et 3, est mentionnée sa date d'élaboration, le 15 mars 1995. Les prix unitaires et les montants globaux figurant sur ce document correspondent exactement à la proposition faite par la société Colas Midi-Méditerranée en réponse à l'appel d'offres, transmise le 16 mars 1995, soit 4 027 395,08 F TTC.

Le 6 février 1997, lors de la visite effectuée dans les locaux de la société Mino, 36 bd de la Cartonnerie à Marseille, les enquêteurs ont saisi un bordereau de prix, daté du 26 septembre 1995, adressé par la SNC Mino à la DRTE, 2 rue Antoine-Zattara à Marseille.

La page 1 de ce document comporte la référence : " D 43 A Aubagne chaussée 03/95 ". La présentation et les caractères dactylographiques de ce document sont identiques à ceux figurant sur la télécopie saisie dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée à Marseille.

B. - En ce qui concerne l'appel d'offres relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert à Marseille

Le marché

En octobre 1994, la Communauté de communes Marseille Provence Métropole a lancé un appel d'offres ouvert sur prix unitaires pour des travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein. La SAEML Marseille Aménagement était mandataire du maître d'ouvrage pour ce marché. La date limite de réception des offres était fixée au 14 novembre 1994 avant 12 heures. Le montant de l'opération séparée en trois lots était estimé à 1 239 000 F HT.

La commission chargée de l'ouverture des plis s'est réunie le 15 novembre 1994 et a recensé les offres suivantes :

La comparaison, effectuée par le maître d'œuvre entre la moyenne des prix unitaires proposés par les entreprises soumissionnaires et ceux retenus par l'administration, fait apparaître des écarts particulièrement élevés, notamment sur les enrobés : + 77 % pour le poste couche d'accrochage et + 20 % pour le poste béton bitumeux. Le marché a été attribué au moins-disant, le groupement Gerland/Electricité moderne.

L'indice matériel

Lors de la visite qu'ils ont effectuée, le 6 février 1997, dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée à Marseille, les enquêteurs ont procédé à la saisie d'une télécopie figurant dans le dossier d'étude relatif à l'appel d'offres susvisé. Ce document, qui porte le numéro d'émetteur 91-75-26-41 correspondant au numéro de télécopie de la société Entreprise Jean-François à Marseille, est daté du 8 novembre 1994 à 19 H 05, soit une date antérieure à la date limite de présentation des offres. Il s'agit d'un devis estimatif dactylographié d'une page. Les prix unitaires et les montants globaux y figurant correspondent exactement à l'offre de prix faite par la société Colas Midi-Méditerranée à cet appel d'offres le 14 novembre 1994, soit 1 580 030 F HT.

C. - Le comportement de la société Colas Midi-Méditerranée et de sa filiale, la société Jean-François, à l'occasion des deux marchés analysés ci-dessus

À la date des faits, le capital de la société Entreprise Jean-François était détenu à 99 % par la société Colas Midi-Méditerranée.

Les activités des deux entreprises sont de même nature et elles disposaient à la date des faits d'un bureau d'études commun à l'adresse de l'établissement secondaire de Colas Midi-Méditerranée situé à Marseille.

A ce sujet, M. Bres Daniel, chef de secteur jusqu'au 31/12/1996 a déclaré, le 11 mars 1997 : " La SA Jean-François est filiale à 99 % de la société Colas Midi-Méditerranée. Les études, lors des soumissions aux marchés publics ou privés, sont réalisées par un bureau d'études commun à Colas Midi-Méditerranée et Jean-François aux Aygalades, 2 rue René d'Anjou ".

M. Bres Daniel, a, en outre, déclaré, le 11 mars 1997 : " La répartition des marchés entre la société Colas Midi-Méditerranée et Jean-François est décidée en commun selon le critère géographique et le carnet de commandes :

- à l'ouest de Château Gombert : la société Colas Midi-Méditerranée ;

- à l'est : Jean-François ".

1. En ce qui concerne la présentation d'offres distinctes et concurrentes lors de l'appel d'offres pour l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne

M. Durante Michel, chef de centre de Colas Midi-Méditerranée à Marseille, de mars 1992 à février 1997, a déclaré, le 28 mars 1997 : " Colas et Jean-François ont retiré deux dossiers pour répondre à ce marché qui était dans la zone de Jean-François. Jean-François, n'ayant pas éventuellement de références suffisantes et de moyens pour répondre seul, se devait de rechercher des partenaires. Au cas où l'entreprise Jean-François n'aurait pas réussi à constituer son groupement, Colas aurait répondu seul (...). Je pense que finalement les deux entreprises ont soumissionné à cet appel d'offres : Jean-François en groupement et Colas seul, pour éviter tout problème administratif qui aurait eu pour conséquence d'évincer Jean-François. J'entends, par problème administratif, l'instauration de la procédure de double enveloppe qui avait évincé de certains marchés l'entreprise Jean-François ".

M. Spagnulo, chef de la division des routes du Conseil général, a déclaré le 3 mars 1997 : " En ce qui concerne les marchés relatifs à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne du 4/8/1995... je n'ai pas été informé des liens juridiques et financiers existant entre les entreprises Jean-François et Colas Midi-Méditerranée, ni entre autres sociétés ".

2. En ce qui concerne la présentation d'offres distinctes et concurrentes lors de l'appel d'offres relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert à Marseille

M. Durante Michel, a déclaré le 28 mars 1997 : " Nous n'avions pas l'habitude de soumissionner en concurrence avec l'entreprise Jean-François. Les deux sociétés ayant un secteur géographique défini au sein du groupe : le technopôle de Château Gombert se situait dans la zone d'action de Colas. Je suppose que si Jean-François et Colas ont soumissionné " en concurrence ", c'est parce que l'entreprise Jean-François souhaitait déposer une offre auprès de Marseille Aménagement. En effet, celui-ci était également présent dans le secteur géographique de Jean-François. Son attitude a donc été purement commerciale ".

En outre, M. Dupouts, directeur administratif et financier de la SAEML Marseille Aménagement, a déclaré le 7 mars 1997 : " En ce qui concerne le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein sur le site du technopôle de Château Gombert, je ne connaissais pas les liens juridiques et financiers existant entre l'entreprise Colas Midi-Méditerranée et l'entreprise Jean-François. Ces informations peuvent figurer dans les offres de ces sociétés (...). Par ailleurs, je tiens à vous préciser que je ne participe pas aux commissions d'appels d'offres ".

D. - Rappel des griefs notifiés

Au vu des documents saisis par les enquêteurs, ainsi que des déclarations qui leur ont été faites par certains responsables des entreprises concernées et qui seront rappelées ci-après, les griefs suivants ont été notifiés.

En ce qui concerne le marché sur appel d'offres relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne, il a été fait grief à la société Colas Midi-Méditerranée et à la société Entreprise Jean-François d'avoir, d'une part, pratiqué un échange d'informations sur les prix, préalablement au dépôt de leurs offres respectives dans le présent marché et, d'autre part, d'avoir dissimulé au maître de l'ouvrage, tant les liens juridiques et économiques qui les unissaient que cet échange d'informations.

En ce qui concerne le marché sur appel d'offres relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert à Marseille :

- il a été fait grief à la société Colas Midi-Méditerranée et à la société Entreprise Jean-François d'avoir, d'une part, élaboré en commun deux offres de prix présentées comme apparemment concurrentes et, d'autre part, d'avoir dissimulé au maître de l'ouvrage, tant les liens juridiques et économiques qui les unissaient que cette concertation sur les prix ;

- il a été fait grief à la société Jean-François, qui avait renoncé à obtenir ce marché, d'avoir présenté une offre de principe en concertation avec la société Colas Midi-Méditerranée.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

A. - Sur le fond

1. En ce qui concerne le marché relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne

Considérant que la société Colas Midi-Méditerranée et la société Jean-François, filiale à 99 % de la précédente jouissant d'une complète autonomie commerciale, financière et administrative, ont présenté des offres distinctes pour le marché relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne ;

Considérant qu'il est loisible, au regard des règles de la concurrence, à plusieurs entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers, de renoncer à leur autonomie commerciale et de se concerter pour établir une proposition commune en réponse à un appel d'offres ; qu'en revanche, lorsque de telles entreprises, disposant de leur autonomie commerciale, ont choisi de présenter des offres distinctes et, en principe, concurrentes mais qu'elles se concertent néanmoins pour coordonner leurs offres ou les élaborer en commun, à l'insu du maître d'ouvrage, elles faussent le jeu de la concurrence et trompent le maître d'ouvrage sur l'étendue de celle-ci entre les soumissionnaires ;

Considérant que les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François soutiennent, en premier lieu, que la preuve de ce que les offres qu'elles ont présentées dans ce marché auraient été élaborées en commun n'est pas rapportée ; qu'elles font valoir que la télécopie, saisie par les enquêteurs le 6 février 1997 dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée, est dépourvue de valeur probante dès lors, d'une part, qu'elle ne comporte aucune indication sur la date de son émission ni sur l'identité de son émetteur et, d'autre part, que les caractères dactylographiques du document télécopié correspondent à un logiciel informatique qu'elle détenait au même titre que la société Mino ; qu'elles avancent que les déclarations des intéressés relatives à cette télécopie se bornent à de pures suppositions ;

Considérant qu'en matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée soit qu'elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations avant la date limite de remise des prix, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité en personnel et en matériel, de leur intérêt ou de leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou des prix qu'ils envisageaient de proposer ; que la preuve de telles pratiques peut résulter soit de preuves suffisantes en elles-mêmes soit d'un faisceau d'indices constitué par un rapprochement de divers éléments recueillis au cours de l'instruction, même si chacun de ces éléments pris isolément n'a pas de caractère suffisamment probant ;

Considérant que la télécopie saisie dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée reproduit un devis estimatif dactylographié de trois pages relatif au marché de l'aménagement de la route D 43 A entre la D 2 et la D 43 B à Aubagne dont l'en-tête a été découpé, empêchant de déterminer sa date de réception et l'identité de son émetteur ; que les pages 2 et 3 comportent la mention de la date d'élaboration de ce devis estimatif, soit le 15 mars 1995, date antérieure à la clôture du dépôt des offres du marché concerné ; qu'enfin, les prix unitaires et les montants globaux retracés dans ce devis correspondent exactement à l'offre déposée par la société Colas Midi-Méditerranée dans ce marché, soit 4 027 395,08 F TTC ;

Considérant que la présentation et les caractères dactylographiques de la télécopie litigieuse sont identiques à ceux figurant sur des documents dactylographiques émanant de la société Mino, entreprise mandataire du groupement d'entreprises ayant remporté le marché et auquel appartenait la société Jean-François ;

Considérant qu'interrogés sur la présence de cette télécopie dans un dossier de soumission de l'entreprise Colas Midi-Méditerranée, M. Willocq, alors chef de l'agence de la SNC Mino, a déclaré, le 17 mars 1997, au sujet d'un bordereau de prix de la société daté du 26 septembre 1995 : " Le document que vous me présentez et qui est joint en annexe n° 1 au présent procès-verbal a été extrait d'un logiciel d'études de la société DLS qu'utilisait à l'époque mon collaborateur, M. Millo. C'est en effet lui qui a étudié cette affaire. " ; que M. Millo, alors responsable de qualité de la SNC Mino, a déclaré, le 17 mars 1997, au sujet de la télécopie dont il s'agit : " Le document que vous me présentez et qui est joint en annexe n° 2, par sa présentation semble émaner du logiciel précité. Nous étions conjoints avec l'entreprise Jean-François pour cet appel d'offres, et il est possible que j'aie communiqué à Jean-François ce document comme estimation de premier jet. Vous me précisez que ce document a été saisi chez Colas. Jean-François et Colas appartenant au même groupe, il est possible que Jean-François ait communiqué ce document à Colas " ; que M. Durante, chef de centre de Colas Midi-Méditerranée à Marseille de mars 1992 à février 1997, a déclaré, le 28 mars 1997 : " Je pense que ce fax a été établi par un des membres du groupement auquel appartenait Jean-François et a priori qu'un des membres du groupement l'a fait parvenir à Colas (...) " ; que M. Bres, chef de secteur de la société Entreprise Jean-François jusqu'au 31 décembre 1996 et conducteur de travaux à la date de son audition, a déclaré, le 4 avril 1997 : " Le document que vous me présentez joint en annexe n° 1 au présent procès-verbal, a peut-être été communiqué par moi à Colas, afin qu'il réponde à ce marché. Il est probable que Mino m'ait communiqué ce devis dans le cadre du groupement que nous avions constitué. Nous l'avons, après, communiqué à Colas afin qu'il réponde et que notre groupe ait plus de chances d'être retenu, face aux difficultés de procédures créées par l'instauration de la double enveloppe lors des appels d'offres " ; que l'intéressé précise : " A l'époque des faits, de nombreuses sociétés ont été éliminées des appels d'offres en raison de dossiers incomplets. Craignant de ne pas être retenu par suite d'un manque de justificatifs nécessaires à la qualification de l'entreprise (documents figurant dans la première enveloppe), j'ai pu communiquer des informations à Colas Midi Méditerranée aux Aygalades " ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'à défaut de pouvoir déterminer la date certaine de réception et l'identité de l'émetteur de la télécopie saisie dans les locaux de la société Colas Midi-Méditerranée, la preuve de son antériorité par rapport au dépôt de l'offre et du fait qu'elle émane d'une entreprise avec laquelle ladite société était supposée être en concurrence résulte de la date d'élaboration du document reproduit, soit le 15 mars 1995, de l'analyse de son contenu, ainsi que du rapprochement de celui-ci avec le résultat de l'appel d'offres et les déclarations des intéressés ; qu'en effet, il est constant que l'offre présentée par la société Colas Midi-Méditerranée correspond, au franc près, aux montants des prix unitaires et du devis global retracés dans la télécopie ; qu'il n'est pas soutenu, ni allégué par ladite société que la télécopie en cause pourrait émaner de ses propres services, même si elle a fait valoir, en présentant tardivement, lors de la séance, une pièce, dont la force probatoire n'a pu être vérifiée, qu'elle disposait d'un logiciel d'études de la société DSL similaire à celui utilisé par la société Mino, sans qu'à aucun moment elle n'ait invoqué cet élément au cours de l'instruction ; qu'en revanche, elle n'apporte aucune explication sérieuse quant à la présence de ce document dans ses dossiers et notamment sur les conditions dans lesquelles ses services auraient travaillé et élaboré l'étude de prix ; qu'au contraire, les déclarations spontanées de l'ensemble des intéressés, bien que n'exprimant pour la plupart que des suppositions, convergent toutes vers une seule et même explication selon laquelle ce document télécopié constitue une étude de prix élaborée par la société Mino, qui a été transmise à la société Colas Midi-Méditerranée, avant le dépôt des offres, par sa filiale, la société Jean-François ; que cette dernière a soumissionné en groupement dans ce marché, au motif qu'elle redoutait de ne pas être retenue au stade de la sélection de candidature, faute de présenter des garanties professionnelles ou financières suffisantes ; que la société Colas Midi-Méditerranée a néanmoins soumissionné dans ce marché, contrairement à la répartition territoriale arrêtée avec sa filiale, pour augmenter les chances du groupe d'obtenir ce marché en cas d'échec de sa filiale ; que d'ailleurs, M. Bres a déclaré le 4 avril 1997 à propos de la télécopie : " Nous l'avons, après, communiqué à Colas afin qu'il réponde et que notre groupe ait plus de chance d'être retenu " ; que cette seule déclaration confirme que la télécopie a bien été transmise par l'entreprise Jean-François à sa société mère avant le dépôt de l'offre de cette dernière ;

Considérant, ainsi, que des indices graves, précis et concordants établissent l'existence d'une entente entre la société Colas Midi-Méditerranée et sa filiale, la société Jean-François pour l'attribution du marché relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne; que les représentants des deux entreprises ont d'ailleurs reconnu, en séance, l'échange d'informations préalable au dépôt des offres ;

Considérant, que la société Colas Midi-Méditerranée et la société Jean-François soutiennent, en second lieu, qu'aucun objet ni effet anticoncurrentiel ne sont en l'espèce établis ; qu'elles font valoir, à l'appui de ce moyen, qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer l'existence d'une intention anticoncurrentielle de leur part, dès lors que la coordination des offres entre qu'entreprises appartenant au même groupe n'est pas anticoncurrentielle en soi ; que la concertation sur les prix qui leur est reprochée porte sur l'appel d'offres initial qui a été déclaré infructueux, alors qu'aucune pratique d'échange d'informations, concernant le marché négocié qui s'est ensuivi, n'est alléguée ; qu'enfin, le groupement formé par la société Jean-François avec les sociétés Marion et Mino, a présenté, tant au stade de l'appel d'offres initial que du marché négocié, les offres les moins-disantes ;

Mais considérant, que, si l'échange d'informations incriminé a eu lieu au moment de l'appel d'offres et non au stade du marché négocié et si l'offre du groupement auquel appartenait la société Jean-François a toujours été la moins-disante, ces circonstances sont sans incidence sur le fait qu'en échangeant des informations sur les prix de nature à influencer leurs stratégies commerciales sur le marché pertinent, les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François ont limité l'intensité de la pression concurrentielle à laquelle elles auraient été soumises si elles s'étaient déterminées de manière indépendante ; que, d'ailleurs, cet échange d'informations a directement contribué à ce que l'appel d'offres soit déclaré infructueux, dès lors que les offres des entreprises intéressées, qui étaient justement les moins-disantes, présentaient des écarts de prix avec l'estimation du maître de l'ouvrage, respectivement de + 13,95 % pour le groupement Marion, Mino, Jean-François et de + 23 % pour la société Colas Midi-Méditerranée, qui ont été jugés inacceptables par la commission d'ouverture des plis ; qu'enfin, bien que moins-disante à l'issue de la procédure de marché négocié, l'offre du groupement Marion, Mino, Jean-François est restée supérieure de plus de 8 % à l'estimation du maître de l'ouvrage ; que, dans ces conditions, les sociétés défenderesses ne sont pas fondées à soutenir que la pratique d'échange d'informations sur les prix qui leur est reprochée n'aurait pas eu d'effet anticoncurrentiel ; que par suite, le moyen tiré de l'absence d'intention anticoncurrentielle des entreprises est sans portée ;

2. En ce qui concerne le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert

Sur l'offre de principe

Considérant que la société Jean-François soutient que le grief d'offre de principe qui lui a été notifié n'est pas établi ; qu'elle fait valoir que les déclarations, sur lesquelles se fonde le rapport sur ce point, émanent d'une entreprise tierce et que rien n'établit que l'offre qu'elle a présentée dans le marché en cause n'aurait pas de caractère sérieux, alors que cette offre se situait dans un ensemble de propositions de prix reconnu comme homogène par le rapport d'analyse des offres ;

Mais considérant que, si les offres de principe ne constituent pas en elles-mêmes une pratique anticoncurrentielle, il n'en va pas de même lorsque ces offres sont établies en concertation avec d'autres entreprises ; que M. Durante, chef de centre de Colas Midi-Méditerranée à Marseille de mars 1992 à février 1997, a déclaré, le 28 mars 1997 : " Nous n'avions pas l'habitude de soumissionner en concurrence avec l'entreprise Jean-François. Les deux sociétés ayant un secteur géographique défini au sein du groupe : le technopôle de Château Gombert se situait dans la zone d'action de Colas. Je suppose que si Jean-François et Colas ont soumissionné " en concurrence ", c'est parce que l'entreprise Jean-François souhaitait déposer une offre auprès de Marseille Aménagement. En effet, celui-ci était également présent dans le secteur géographique de Jean-François. Son attitude a donc été purement commerciale " ; que, si ces déclarations n'émanent pas de la société Jean-François mais de sa société mère, elles constituent, néanmoins, un élément de preuve susceptible d'être pris en considération dès lors qu'elles ont été régulièrement recueillies ; que l'absence de sérieux de l'offre de la société Jean-François est d'ailleurs attestée par les déclarations de M. Bres, chef de secteur de la société Entreprise Jean-François jusqu'au 31 décembre 1996, recueillies le 11 mars 1997 et aux termes desquelles : " La photocopie du fax émis le " 8/11/94 à 19H05 - 91-75-26-41 Colas Aygalades " dont vous me dites avoir été saisi chez Colas rue René d'Anjou à Marseille, porte bien le numéro de fax de l'entreprise Jean-François. Pour ce marché de la rue Albert Einstein dans le site du technopôle de Château Gombert, j'ai calculé les prix pour la société Colas et j'ai donc envoyé ce fax " ; que ces propos établissent, non seulement que la société Jean-François n'a pas soumissionné à hauteur du prix qu'elle avait elle-même calculé, mais qu'elle a transmis ce prix à sa société mère afin que cette dernière présente une offre plus compétitive que la sienne ; que, dans ces conditions, il est établi que la société Jean-François a présenté une offre concertée dans le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert ; que, contrairement à ce que soutient cette société, son offre a eu pour effet de tromper le maître de l'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence entre les soumissionnaires audit marché ;

Sur l'information du maître d'ouvrage

Considérant que la société Colas Midi-Méditerranée et sa filiale, la société Jean-François, ont présenté des offres distinctes dans le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert ; qu'elles soutiennent que, si elles ont effectivement élaboré leurs offres en commun, il n'est nullement établi que le maître de l'ouvrage avait été tenu dans l'ignorance des liens qui unissaient les deux sociétés ; qu'à l'appui de ce moyen, elles font valoir que leurs déclarations de candidature faisaient apparaître, d'une part, que la société Jean-François recourait aux services du " laboratoire Colas Vitrolles " au titre de son contrôle externe de qualité et, d'autre part, que les deux sociétés avaient un président directeur général commun, en la personne de M. Georges Mora ; qu'elles prétendent qu'un complément d'instruction permettrait de démontrer que le maître de l'ouvrage avait bien connaissance de ce que leurs offres avaient été élaborées en commun ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, lorsque des entreprises qui ont entre elles des liens juridiques ou financiers choisissent de présenter des offres distinctes et concurrentes, elles ne peuvent le faire qu'à la condition de respecter les règles de concurrence ; que, lorsque ayant fait le choix de présenter des offres séparées, elles se concertent néanmoins pour les élaborer en commun, elles faussent le jeu de la concurrence et trompent le maître de l'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence entre les soumissionnaires au marché considéré ; que la circonstance que le maître de l'ouvrage ait connu les liens juridiques qui unissaient les sociétés concernées est sans incidence sur les qualifications des faits, dès lors qu'il ignorait que leurs offres procédaient d'une connivence ;

Considérant que, si les déclarations de candidature des entreprises Colas Midi-Méditerranée et Jean-François font état, d'une part, de ce que la société Jean-François recourait aux services du " laboratoire Colas Vitrolles " au titre de son contrôle externe de qualité et, d'autre part, de ce que les deux sociétés avaient le même président directeur général en la personne de M. Georges Mora, ces éléments, à supposer qu'ils puissent être éventuellement regardés comme constitutifs d'un lien juridique entre les deux sociétés, sont sans incidence sur le fait, expressément admis par les intéressées, que les offres de prix, qu'elles ont présentées lors du marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert, procédaient d'une concertation antérieure à la clôture des offres et qui a eu lieu à l'insu du maître de l'ouvrage ; qu'en effet, aucune pièce du dossier, et en particulier, le rapport d'analyse des offres, ne permet d'établir l'existence d'une information émanant de la société Colas Midi-Méditerranée ou de la société Jean-François, portant à la connaissance du maître de l'ouvrage, avant la clôture des offres, le fait qu'elles avaient élaboré leurs offres de prix en concertation ; qu'ainsi et sans qu'il soit nécessaire d'effectuer une enquête plus approfondie auprès du maître de l'ouvrage, l'existence d'une concertation sur les prix, à l'insu du maître de l'ouvrage, entre la société Colas Midi-Méditerranée et sa filiale, la société Jean-François, pour l'attribution du marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert, est établie ; que,contrairement à ce que soutiennent les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François, cette concertation a eu pour effet de restreindre la concurrence et de tromper le maître de l'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence entre les soumissionnaires au marché considéré ;

Sur le moyen de procédure avancé par les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François

Considérant que les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François font valoir que la notification de griefs qui leur a été adressée précise que les pratiques qui leur sont reprochées ont eu un effet anticoncurrentiel alors que le rapport énonce que ces mêmes pratiques ont eu un objet et un effet anticoncurrentiel ; qu'elles estiment que le rapport procède ainsi à une extension irrégulière des griefs initialement notifiés et qu'elles demandent, par voie de conséquence, au conseil, qu'il abandonne l'ensemble des griefs notifiés dans ces conditions ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que les pratiques relevées contre les deux sociétés requérantes sont analysées et retenues aux termes de la présente décision en tant qu'elles ont eu des effets anticoncurrentiels, conformément au libellé de la notification de griefs ; qu'ainsi le moyen de procédure tiré d'une extension irrégulière par le rapport de la portée des griefs initialement notifiés est inopérant ;

C. - Sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la présente saisine : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 10 millions de francs ".

Considérant que, pour dénier la gravité des pratiques retenues à leur encontre, les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François exposent qu'elles n'ont eu aucune intention anticoncurrentielle et que les conditions normales de formation des prix dans les marchés concernés n'ont pas été affectées ;

Mais considérant que les pratiques dont il s'agit sont regardées par les autorités de concurrence comme des pratiques graves par nature; qu'un arrêt de la Cour de cassation, en date du 24 mars 1998, énonce que " la tromperie de l'acheteur public érigée en système perturbe le secteur où elle est pratiquée et porte une atteinte grave à l'ordre public économique "; que la société Colas Midi-Méditerranée est une société connue, qui appartient à un groupe d'envergure nationale ; que la société Jean-François est une filiale de ce groupe ; que leurs pratiques sont d'autant plus graves qu'elles peuvent avoir un effet d'entraînement sur des sociétés de taille plus modeste ; que la société Colas Midi-Méditerranée a déjà été condamnée par une décision n° 89-D-34 du 25 octobre 1989 à une amende de 8 millions de francs, réduite par un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 4 juillet 1994, à 2 millions de francs, pour des concertations entre entreprises à l'occasion de marchés de travaux routiers ; qu'elle a également été condamnée par une décision n° 98-D-33 du 3 juin 1998, confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 15 juin 1999 à une amende de 100 000 francs pour des pratiques mises en œuvre à l'occasion de la passation de marchés publics de voirie et réseaux divers dans le département de l'Hérault et que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation, le 13 mars 2001 ; que la société Jean-François a déjà été condamnée par une décision n° 89-D-34 du 25 octobre 1989 à une amende de 1 million de francs, réduite par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 4 juillet 1994, à 300 000 francs, pour des concertations entre entreprises à l'occasion de marchés de travaux routiers ;

Considérant, par ailleurs, que les sociétés Colas Midi-Méditerranée et Jean-François contestent l'existence d'un dommage causé à l'économie ; que concernant le marché relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne, elles font valoir que les pratiques constatées concernent la seule procédure d'appel d'offres et non le marché négocié ; que rien ne permet de leur attribuer la responsabilité du surcoût de gestion supporté par le maître de l'ouvrage du fait de la procédure d'appel d'offres infructueux, alors qu'elles sont constamment restées les deux entreprises moins-disantes dans ce marché et que l'écart entre le prix final d'attribution et l'évaluation du maître de l'ouvrage n'est que de 8.38 % ; que concernant le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert, elles prétendent qu'il est démontré par les pièces du dossier que toutes les offres étaient supérieures à l'estimation du maître de l'ouvrage et que cet écart général s'explique par la hausse des prix de certains matériaux ou travaux ;

Mais considérant, qu'un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 13 janvier 1998, énonce que " le dommage à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence " ; que, selon un autre arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 12 décembre 2000, " ces pratiques anticoncurrentielles, qui caractérisent un dommage à l'économie, sont répréhensibles du seul fait de leur existence, en ce qu'elles constituent une tromperie sur la réalité de la concurrence dont elles faussent le libre jeu, nonobstant la circonstance que l'échange d'information entre entreprises sur les prix a été suivi d'une adjudication inférieure aux estimations du maître d'œuvre (...) et que le marché a été, en définitive, attribué à une entreprise ne participant pas à la concertation " ; qu'ainsi, les moyens invoqués par les intéressées doivent être écartés ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Colas Midi-Méditerranée, lors du dernier exercice clos, s'élève à 1,012 milliards de francs ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de dix millions de francs ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Jean-François lors du dernier exercice clos, s'élève à 82 millions de francs ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus et, eu égard au fait que la société a présenté un résultat déficitaire de 511 000 francs à la clôture dudit exercice, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 750 000 francs.

Décide :

Article 1 - Il est établi que la société Colas Midi-Méditerranée et la société Jean-François ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à un échange d'informations, préalablement au dépôt de leurs offres, dans le marché relatif à l'aménagement de la D 43 A entre la D 2 et la D 43 B sur la commune d'Aubagne.

Article 2 - Il est établi que la société Colas Midi-Méditerranée et la société Jean-François ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à un échange d'informations, préalablement au dépôt de leurs offres, dans le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert à Marseille.

Article 3 - Il est établi que la société Jean-François et la société Colas Midi-Méditerranée ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans le marché relatif aux travaux de parachèvement de la rue Albert Einstein dans la ZAC du technopôle de Château Gombert à Marseille en se concertant pour que la société Jean-François dépose une offre de principe.

Article 4 - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Colas Midi-Méditerranée : dix millions de francs,

- à la société Jean-François : sept cent cinquante mille francs.