CCE, 5 décembre 2001, n° 2002-742
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Acide citrique
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 81 et 82 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2), et notamment ses articles 3 et 15, vu la décision de la Commission du 28 mars 2000 d'ouvrir une procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées la possibilité de communiquer leurs observations à propos des objections soulevées par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 81 et 82 du traité CE (3), vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
PARTIE I - FAITS
A. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION
(1) La présente décision est adressée aux entreprises suivantes :
- Archer Daniels Midland Company Inc.,
- Cerestar Bioproducts BV,
- F. Hoffmann-La Roche AG,
- Haarmann & Reimer Corporation,
- Jungbunzlauer AG.
(2) L'infraction porte sur la participation des producteurs d'acide citrique précités à un accord continu et/ou à une action concertée contraires à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53 de l'accord EEE (à partir du 1er janvier 1994), qui se sont étendus à l'ensemble du territoire de l'EEE et qui ont porté sur les éléments suivants : fixation de parts de marché pour l'acide citrique, accord sur des prix cibles pour le produit en cause, accord sur les barèmes pour le produit en cause, accord destiné à éliminer les remises pour l'ensemble des clients, à l'exception des cinq plus importants d'entre eux, mise en place d'un mécanisme de contrôle et de mise en œuvre des accords en cause.
(3) Les entreprises ont participé à l'infraction de mars 1991 à mai 1995 en ce qui concerne Archer Daniels Midland Company Inc., Haarmann & Reimer Corporation, F. Hoffmann-La Roche AG et Jungbunzlauer AG, et de mai 1992 à mai 1995 en ce qui concerne Cerestar Bioproducts BV.
B. SECTEUR DE L'ACIDE CITRIQUE
1. PRODUIT EN CAUSE
(4) L'acide citrique est largement présent dans la nature, puisqu'on le trouve à la fois dans les végétaux et chez les animaux. Il est principalement utilisé dans le secteur des produits alimentaires et des boissons, et sa solubilité élevée, son goût acidulé, son acidité et son pouvoir tampon en font l'acidifiant/conservateur le plus utilisé dans le monde.
(5) À l'origine, l'acide citrique était obtenu par extraction physique de l'acide à partir de jus de citron. Actuellement, la production commerciale de l'acide citrique se fait essentiellement par fermentation, avec de la dextrose ou de la mélasse comme matière première et de la moisissure Aspergillus niger comme organisme de fermentation. La fermentation peut se faire dans des cuves profondes (fermentation submergée, la plus couramment utilisée) ou dans des récipients peu profonds (fermentation de surface). La fermentation produit de l'acide citrique liquide, qui est ensuite purifié, concentré et cristallisé.
(6) Il existe différents types d'acide citrique, avec différentes teneurs en humidité : l'acide citrique monohydrate (CAH), qui possède une teneur en humidité d'environ 8 %, et l'acide cytrique anhydre (CAA), qui possède une teneur en humidité d'environ 0,5 %, sont essentiellement utilisés pour les produits alimentaires et les boissons. Une solution d'acide citrique d'une teneur en humidité d'environ 50 % ainsi que le citrate de trisodium (sel d'acide citrique obtenu par neutralisation d'acide citrique avec de la soude caustique) sont utilisés dans les détergents et d'autres secteurs industriels.
(7) Les applications de l'acide citrique sont diverses et peuvent être subdivisées en deux grands groupes.
(8) Produits alimentaires et boissons. Ce segment représente la plus grande partie de la consommation d'acide citrique, avec près de 60 % de l'ensemble du marché de la Communauté en 1994. En ce qui concerne les boissons, l'acide citrique est essentiellement utilisé dans les boissons non alcoolisées. Il représente près des trois quarts de la consommation totale d'acidifiants (mesurée en volume) dans la Communauté. Les autres acidifiants sont l'acide malique et l'acide fumarique, mais l'acide citrique demeure le produit de loin le plus apprécié, essentiellement en raison de son taux de solubilité élevé.
(9) Au cours des années 90, la forte croissance du marché des boissons non alcoolisées en Europe occidentale a entraîné une augmentation de la consommation d'acide citrique. Dans le secteur de l'alimentation, l'acide citrique est utilisé dans les confitures, les gelées, les desserts à base de gélatine, ainsi que les fruits et légumes en conserve. Il est utilisé pour améliorer le goût de la glace, des produits pour fourrer les gâteaux et des crèmes aux fruits. Il est également parfois utilisé dans la viande et la pâtisserie (pour le traitement de la farine et comme additif pour la pâtisserie).
(10) Détergents et nettoyants ménagers. L'acide citrique et les citrates ont été introduits à grande échelle dans les détergents au début des années 90, afin de remplacer les phosphates qui étaient réputés nuisibles pour l'environnement. Ils sont utilisés comme coadjuvants non phosphatés, en général avec un adjuvant tel que la zéolite, dans les lessives en poudre dures. Dans les lessives en poudre douces, les concentrations en adjuvants sont généralement faibles et il n'est pas nécessaire d'ajouter un coadjuvant comme le citrate. L'acide citrique et les citrates sont également utilisés dans les nettoyants de surface.
(11) Les principaux avantages des citrates dans la formulation des détergents sont leur biodégradabilité et leur facilité de traitement, notamment dans les formulations qui contiennent de la zéolite. Afin de réduire les coûts, les grandes sociétés de détergents achètent généralement de l'acide citrique et le transforment sur place pour obtenir les types de citrates désirés.
(12) En 1994, l'utilisation de l'acide citrique dans les détergents a représenté plus de 23 % de la consommation totale d'acide citrique en Europe occidentale. Le secteur est caractérisé par une importante élasticité-prix et l'utilisation de l'acide citrique dépend donc beaucoup de la compétitivité de ses prix.
(13) Produits pharmaceutiques et cosmétiques. Le marché ouest-européen de l'acide citrique dans ce secteur a représenté plus de 8 % de la consommation totale d'acide citrique en 1994. Les applications pharmaceutiques comprennent des préparations médicales et vétérinaires. Dans le domaine des préparations médicales, ce sont les comprimés effervescents et les poudres qui sont les segments les plus importants, suivis par les sirops et les anticoagulants.
(14) Usages industriels et autres. En 1994, ce secteur a représenté plus de 9 % de la consommation totale d'acide citrique en Europe occidentale. Dans l'industrie, l'acide citrique est essentiellement utilisé dans les centrales électriques au charbon, pour le nettoyage et la désédimentation des parois des fours. Parmi les autres applications techniques de l'acide citrique, on peut citer le prétraitement des surfaces métalliques avant enduction, le nettoyage industriel, etc. Pour toutes ces applications, l'acide citrique peut être remplacé par d'autres acides organiques ou minéraux.
2. PRODUCTEURS
a) Archer Daniels Midland Company Inc.
(15) Archer Daniels Midland Company Inc. (ADM) est la société de tête d'un groupe d'entreprises opérant dans le secteur de la transformation du maïs, du soja et du blé. Les sous-produits du maïs fabriqués par ADM comprennent des sirops, des édulcorants, des acides citriques et lactiques ainsi que de l'éthanol. La société transforme du soja et d'autres oléagineux en huiles végétales et en sous-produits allant des huiles pour salades et de la margarine à des produits chimiques industriels et des pulpes. ADM produit également du blé et du blé dur pour les secteurs de la pâtisserie et des pâtes alimentaires.
(16) La société possède ou loue plus de 350 installations de production dans le monde, y compris la plus importante usine de transformation du soja à Europoort, aux Pays-Bas, le deuxième complexe multi-graines du monde à Hambourg, en Allemagne, et la plus importante usine de broyage de graines au monde à Erith, au Royaume-Uni. ADM emploie environ 23 000 personnes dans le monde et a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 13 935,95 millions d'euros [12 876,82 millions de dollars des États-Unis (USD) en 2000].
(17) ADM a pénétré sur le marché de l'acide citrique en 1991, à la suite de l'acquisition des installations de production de Pfizer Chemical Corporation dans ce domaine, et de la reprise de son usine de Ringaskiddy, en Irlande.
b) Cerestar Bioproducts BV
(18) Cerestar Bioproducts BV (Cerestar Bioproducts) est une filiale à 100 % de Cerestar SA, le leader européen des produits à base d'amidon. Cette dernière est cotée à la bourse de Paris depuis le 2 juillet 2001, à la suite de la scission en quatre entités indépendantes du groupe Eridania Béghin-Say (EBS) et de la dissolution de ce dernier qui a suivi. Cerestar SA, qui possède 17 sites de production et emploie environ 3 900 personnes dans le monde, a réalisé en 2000 des ventes pro forma évaluées à 1 693,20 millions d'euros. Le groupe italien Montedison détient actuellement environ 54 % de ses parts.
(19) Jusqu'à sa scission, EBS était l'un des plus grands groupes agroindustriels au monde. Il opérait dans les secteurs suivants : sucre et produits dérivés, amidons et produits dérivés, transformation et commercialisation d'oléagineux, nutrition animale, huile d'olive, herbes et épices. En 2000, EBS a réalisé un chiffre d'affaires de 9 805,3 millions d'euros et employé environ 21 700 personnes dans 165 sites de production situés dans plus de 30 pays.
(20) Avant la scission, Cerestar Bioproducts était une filiale à 100 % de Cerestar Holding BV, elle-même filiale d'Eridania Béghin-Say SA, la société de tête d'EBS.
(21) Cerestar Bioproducts BV a été chargée de la production, de la vente et de la commercialisation d'acide citrique à la suite de l'acquisition par EBS du site de production d'acide citrique de Biacor en Italie, le 31 décembre 1991. En 2000, Cerestar Bioproducts BV a enregistré des ventes de 17,51 millions d'euros.
c) Haarmann & Reimer Corporation
(22) Haarmann & Reimer Corporation (Haarmann & Reimer) est une filiale à 100 % de Bayer Corporation (États-Unis), qui est elle-même une filiale à 100 % du groupe allemand Bayer AG.
(23) Bayer AG est la société de tête d'un groupe spécialisé dans la chimie et les soins de santé, qui comprend environ 350 sociétés dans 150 pays. Le groupe Bayer emploie plus de 120 000 personnes dans le monde et a réalisé un chiffre d'affaires de 30 791 millions d'euros en 2000.
(24) Entre 1991 et 1995, les installations de production d'acide citrique du groupe Bayer dans le monde étaient gérées par le groupe Haarmann & Reimer par l'intermédiaire de sa division "Ingrédients pour produits alimentaires" (Haarmann & Reimer FID), dont le siège social se trouvait dans l'Indiana, aux États-Unis, jusqu'en 1996. Haarmann & Reimer dirigeait les ventes d'acide citrique dans le monde et était responsable de la fixation des prix mondiaux tout au long de cette période. En 1996, Haarmann & Reimer FID a enregistré des ventes mondiales de 293 millions d'USD et employait environ 1 300 personnes.
(25) En avril 1996, les activités de Haarmann & Reimer FID ont été transférées à Bayer Plc, une filiale britannique de Bayer AG, puis vendues au groupe Tate & Lyle en juin 1998.
(26) Haarmann & Reimer est aujourd'hui un holding financier contrôlant 51 % de l'entreprise commune (partnership) Haarmann & Reimer qui a elle même réalisé un chiffre d'affaires de 187,73 millions d'USD (203,17 millions d'euros) en 2000.
d) F. Hoffmann-La Roche AG
(27) F. Hoffmann-La Roche AG (Hoffmann-La Roche) est l'un des leaders internationaux dans ces trois grands secteurs d'activités : les produits pharmaceutiques, les produits de diagnostic ainsi que les vitamines et les produits de chimie fine.
(28) Le groupe Hoffmann-La Roche emploie près de 65 000 personnes dans le monde. En 2000, il a réalisé un chiffre d'affaires total de 18 403 millions d'euros, ventilé comme suit : 38 % en Europe, 37 % en Amérique du Nord, 10 % en Amérique latine, 12 % en Asie et 3 % en Afrique, Australie et Océanie.
(29) L'acide citrique fait partie de la division "Vitamines et produits de chimie fine" du groupe, qui a réalisé des ventes d'un montant de 2 314 millions d'euros en 2000, ce qui représente 13 % de ses ventes totales. Les installations de production d'acide citrique de Hoffmann-La Roche sont situées à Tirlemont, en Belgique, et sont gérées par sa filiale SA Citrique Belge NV (Citrique Belge).
e) Jungbunzlauer AG
(30) Jungbunzlauer AG (Jungbunzlauer) est un groupe de sociétés basé en Suisse dont le siège social se trouve actuelle à Bâle. La holding de tête du groupe est Jungbunzlauer Holding AG, dont l'intégralité des parts est détenue par une famille, par l'intermédiaire de la holding Montana AG. Le siège social du groupe se trouve dans les locaux de Jungbunzlauer AG, la société de gestion qui dirige, depuis 1993, les activités détenues par Jungbunzlauer Holding AG. Avant 1993, l'intégralité du groupe était dirigé par Jungbunzlauer GesmbH, Vienne, Autriche.
(31) Le groupe Jungbunzlauer produit et commercialise des ingrédients utilisés dans le secteur des produits alimentaires et des boissons, des produits pharmaceutiques et des cosmétiques, ainsi que pour différentes autres applications industrielles. Il est l'un des premiers producteurs d'acide citrique, de gomme de xanthane, de citrates, de gluconates et de glucose.
(32) Le groupe emploie environ 500 personnes et possède des filiales dans cinq pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas, Autriche et Hongrie) ainsi qu'aux États-Unis, à Singapour et en Indonésie. En 2000, il a réalisé un chiffre d'affaires total d'environ 314 millions d'euros. Les installations de production d'acide citrique de Jungbunzlauer sont actuellement situées en Autriche, en Allemagne, en France et en Indonésie. Une nouvelle installation est en cours de construction au Canada.
(33) Au cours de la période considérée dans le cadre de la présente décision, l'ensemble de la production d'acide citrique était gérée par Jungbunzlauer GesmbH, qui s'occupait également de la distribution de ce produit jusqu'en 1993, date à laquelle cette responsabilité a été transférée à une autre entité juridique, Jungbunzlauer International AG.
(34) Les cadres du groupe Jungbunzlauer concernés par les faits faisant l'objet de la présente décision étaient employés soit par Jungbunzlauer GesmbH ou par Jungbunzlauer AG. Dans un but de simplification, et compte tenu du fait que Jungbunzlauer GesmbH et Jungbunzlauer AG ont dirigé successivement les activités de l'ensemble du groupe, ces deux entités seront mentionnées sous le nom de "Jungbunzlauer", sauf indication contraire.
f) Autres producteurs
i) Chinois
(35) L'industrie chinoise de l'acide citrique a connu une croissance très sensible à la fin des années 80, ses niveaux de production annuelle triplant entre 1990 et 1994, pour culminer à plus de 200 000 mt (4)/an. Cette industrie est fortement axée sur les marchés à l'exportation, la consommation intérieure représentant environ 20 à 25 % de la production totale. L'ensemble de la production chinoise est commercialisée par l'intermédiaire de sociétés de distribution et d'agents. Il y a très peu de gros producteurs d'acide citrique dans le pays. Leur nombre total a été estimé à 120 en 1994. Les producteurs utilisent des pommes de terre de fermes voisines comme matière première et la plus grande partie des processus de fermentation sont réalisés dans de petites installations, qui peuvent fonctionner avec des investissements réduits. L'industrie chinoise de l'acide citrique est très sensible aux prix à l'exportation et à la demande extérieure.
ii) Autres
(36) Le marché européen est également approvisionné par des producteurs moins importants, tels que la société israélienne Gadot Biochemical Industries, la multinationale américaine Cargill Inc. et un ensemble de petites sociétés implantées en Europe de l'Est et en Russie.
3. ASSOCIATION PROFESSIONNELLE - ECAMA
(37) L'association européenne des producteurs d'acide citrique (ECAMA) est un "groupe sectoriel" du CEFIC, le Conseil européen de l'industrie chimique, dont le siège se trouve à Bruxelles, en Belgique. Elle représente les intérêts du secteur européen de l'acide citrique et organise une assemblée générale deux fois par an. Des groupes de travail examinent des questions techniques, réglementaires et commerciales. L'ECAMA surveille également l'évolution du marché mondial en recueillant des données mensuelles sur les ventes. Ces données sont anonymisées et ne peuvent plus ensuite être rapportées à des entreprises individuelles. Les chiffres sur les ventes qui ont été transmis font l'objet d'un audit anonyme réalisé par la société fiduciaire suisse Coopers & Lybrand, qui publie un rapport régulier sur les résultats de cet audit.
4. MARCHÉ DE L'ACIDE CITRIQUE
a) Offre
(38) Le secteur de l'acide citrique est pour l'essentiel de dimension mondiale. Il est caractérisé par une structure oligopolistique et des coûts de transport relativement faibles, qui représentent en moyenne de 5 à 7 % du prix d'achat final pour la plupart des grands producteurs. Les droits de douane courants pour l'acide citrique non produit dans l'EEE étaient de 11,1 % dans la Communauté en 1996, et ils ont baissé depuis lors. Les différentes applications de l'acide citrique ne requièrent dans la plupart des cas qu'un savoir-faire courant, ce qui fait des barrières technologiques un critère peu important.
(39) Les grands producteurs d'acide citrique sont pour l'essentiel des sociétés multinationales, l'exception étant Jungbunzlauer, une entreprise familiale de taille moyenne qui était néanmoins, en 1996, le plus gros producteur d'acide citrique de la Communauté.
(40) Si les ventes et la production ont tendance à être compartimentées dans les trois grandes zones géographiques que sont l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie, des quantités importantes de produit s'échangent entre ces zones. En ce qui concerne la Communauté, les importations en provenance de la seule Chine s'élèvent à près de 20 % de la consommation communautaire totale, bien qu'elles émanent de douzaines de petites sociétés.
(41) Afin d'évaluer la taille du marché de l'acide citrique au cours de la période considérée, la Commission s'appuie sur plusieurs évaluations, notamment celles fournies par les principaux producteurs d'acide citrique dans leurs réponses respectives aux demandes de renseignements envoyées en août 1997. En 1996, d'après les estimations de l'ECAMA, le marché mondial de l'acide citrique s'élevait à 785 000 mt et le marché européen à 303 000 mt (5). D'après les meilleures estimations de la Commission, au cours de la période 1994-1997, la capacité de production mondiale était au moins de l'ordre de 900 000 mt (6), et la demande mondiale effective d'au moins 750 000 mt.
(42) Dans sa réponse à la communication des griefs, Haarmann & Reimer déclare que d'après les informations dont elle dispose, le volume annuel du marché communautaire a été d'environ 200 000 mt au cours de la période concernée. Si l'on prend comme base un prix de vente moyen de 1,25 écu/mt, les ventes réalisées sur le marché communautaire au cours de cette période se seraient élevées à 250 millions d'euros, et non à 350 millions d'euros ainsi qu'il est dit dans la communication des griefs.
(43) L'application du prix moyen facturé pour l'acide citrique par Haarmann & Reimer en 1995 (7) au chiffre minimal de 750 000 mt retenu par la Commission aboutit à un résultat pour les ventes sur le marchés mondial supérieur à 1 milliard d'écus. De même, l'application du prix moyen de 1,25 écu/mt (proposé par Haarmann & Reimer dans sa réponse à la communication des griefs) au volume estimé de 303 000 mt fourni par l'ECAMA, aboutit à une estimation de la valeur du marché européen de 375 millions d'écus.
(44) Le 27 juillet 2001, la Commission a envoyé aux destinataires de la présente décision une demande de renseignements dans laquelle elle leur demandait de communiquer leurs ventes d'acide citrique dans le monde et dans l'EEE pour 1995. Les chiffres communiqués par les entreprises sont les suivants :
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(45) Les parts de marché estimées des opérateurs en 1996 étaient les suivantes (8) :
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(46) En 1996, conformément aux chiffres visés ci-dessus, les parts de marché totales des destinataires de la présente décision représentaient environ 60 % du marché mondial de l'acide citrique et 67 % du marché EEE (9). Si l'on combine ces chiffres et les chiffres sur les ventes figurant dans le tableau 1 au considérant 44, on obtient pour le marché mondial de l'acide citrique en 1995 une estimation de 894,72 millions d'euros, et une estimation de 323,69 millions d'euros pour l'ensemble du marché de l'acide citrique dans l'EEE au cours de la même année (10).
(47) À cet égard, la Commission estime qu'au cours de la période considérée dans la présente décision, la valeur du marché mondial de l'acide citrique était en tout cas proche de 900 millions d'euros et celle du marché de l'EEE était au moins de l'ordre de 320 millions d'euros.
(48) Dans sa réponse à la communication des griefs, Haarmann & Reimer déclare que l'importance de sa part de marché dans le monde est essentiellement due à sa forte position en tant que producteur local sur les marchés d'Amérique du Sud, protégés par des droits. En ce qui concerne le marché européen, Haarmann & Reimer souligne également qu'avant qu'elle ne reprenne les activités de Rhône-Poulenc à Selby, elle ne possédait qu'une capacité de 10 000 tonnes et que la nouvelle usine qu'elle y a implanté fonctionnait initialement bien en dessous de sa capacité prévue de 20 000 tonnes.
(49) En ce qui concerne Hoffmann-La Roche, elle déclare dans sa réponse à la communication des griefs que l'utilisation par la Commission de sa part de marché en Europe en 1996, surestime sa part de marché moyenne pendant la durée de l'entente. En effet, Hoffmann-La Roche affirme qu'en raison du système de quotas mis en place (voir ci-dessous), elle n'a pas été en mesure de profiter de la croissance du marché communautaire, et sa part de marché a alors baissé. Hoffmann-La Roche déclare qu'elle a commencé à reconstituer sa part de marché communautaire en 1995.
(50) Le tableau suivant donne un aperçu de la taille des entreprises qui étaient les principaux producteurs d'acide citrique au cours de la période 1991-1995, ainsi que de la taille du groupe auquel elles appartiennent.
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b) Demande
(51) Les clients qui achètent de l'acide citrique vont des grandes multinationales agroalimentaires, qui traitent directement avec les producteurs, à des PME approvisionnées par des distributeurs. C'est le secteur des produits alimentaires et des boissons qui est le plus gros consommateur d'acide citrique, suivi par les producteurs de détergents et de produits de nettoyage.
c) Échanges intracommunautaires
(52) L'acide citrique est produit dans cinq États membres de la Communauté (Autriche, Belgique, Irlande, Italie et Royaume-Uni) et commercialisé sur l'ensemble du territoire communautaire. Les cinq destinataires de la présente décision possèdent des installations de production dans la Communauté (dans certains cas par l'intermédiaire de filiales). Le tableau visé ci-dessous indique les ventes annuelles dans la Communauté des sociétés ayant des installations de production dans la Communauté, ainsi que la part représentée chaque année par les ventes en dehors de l'État membre. Les autres ventes d'acide citrique dans la Communauté proviennent de pays tiers.
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(53) Il existe donc des échanges très importants entre les États membres dans le secteur de l'acide citrique.
C. PROCÉDURE
(54) En août 1995, le ministère américain de la justice a fait part à la Commission d'une enquête judiciaire en cours dans le domaine de l'acide citrique. En avril 1997, la Communauté a été informée d'accords conclus par Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer aux États-Unis dans le cadre de négociations entre l'accusation et la défense (considérant 64).
(55) En août 1997, la Commission a envoyé des demandes de renseignements en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 (11) aux quatre plus importants producteurs d'acide citrique de la Communauté. En janvier 1998, des demandes de renseignements ont été envoyées aux principaux consommateurs d'acide citrique dans la CE. En juin et en juillet 1998, des demandes de renseignements complémentaires ont été envoyées aux principaux producteurs d'acide citrique de la Communauté européenne.
(56) Après réception de la première demande de renseignements au titre de l'article 11 adressée à Cerestar en juillet 1998, les avocats de la société ont demandé à rencontrer les services de la Commission le 29 octobre 1998. Au cours de cette réunion, la société a déclaré vouloir coopérer avec la Commission conformément à la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (12) ("la communication sur les mesures de clémence") et a donné une description orale des activités de l'entente auxquelles elle avait participé. Le 25 mars 1999, elle a envoyé à la Commission une déclaration écrite confirmant ce qu'elle avait dit lors de cette réunion.
(57) Après un contact préliminaire en septembre 1998, les représentants d'ADM ont rencontré les services de la Commission le 11 décembre 1998, après avoir expressément déclaré qu'ils étaient disposés à coopérer avec celle-ci en vertu des dispositions de la communication sur les mesures de clémence. Au cours de cette réunion, ils ont exposé oralement les activités anticoncurrentielles auxquelles ils avaient participé. Une déclaration écrite confirmant ce compte rendu a été fournie le 15 janvier 1999.
(58) Le 3 mars 1999, des demandes de renseignements complémentaires ont été adressées à Bayer Plc, Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer et Cerestar Bioproducts.
(59) Le 28 avril 1999, Bayer Plc a introduit, au nom de Haarmann & Reimer, une demande en vertu de la communication sur les mesures de clémence et a fourni une déclaration complétant sa réponse à la demande de renseignements.
(60) Dans une lettre du 21 mai 1999 ainsi qu'après une réunion avec les services de la Commission le 23 avril, Jungbunzlauer a confirmé son intention de coopérer pleinement en vertu des dispositions de la communication sur les mesures de clémence, et elle a fourni une communication écrite complétant sa réponse à la demande de renseignements au titre de l'article 11.
(61) Par lettre du 28 juillet 1999, Hoffmann-La Roche a confirmé sa participation à l'entente ainsi que l'objectif des réunions qui y étaient liées.
(62) Le 28 mars 2000, la Commission a engagé une procédure dans la présente affaire et adopté une communication des griefs à l'encontre des sociétés destinataires de la présente décision. Toutes les parties ont soumis des observations écrites en réponse aux objections de la Commission. Aucune d'entre elles n'a réclamé d'audition et n'a substantiellement contesté les faits exposés dans la communication des griefs.
(63) Le 27 juillet 2001, des demandes de renseignements complémentaires ont été adressées à ADM, Cerestar, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer, afin de réunir des données supplémentaires sur les chiffres d'affaires.
D. PROCÉDURES ENGAGÉES AUX ETATS-UNIS ET AU CANADA
(64) Aux États-Unis, à la suite d'une enquête menée par le ministère de la justice et le FBI, cinq producteurs ont été inculpés pour collusion sur les prix contraire à la section 1 du "Sherman Act", à savoir : ADM, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer International AG et Cerestar Bioproducts. En outre, un cadre supérieur de Haarmann & Reimer, un ancien directeur général de la Citrique belge, une filiale de Hoffmann-La Roche, le PDG de Jungbunzlauer International AG et le directeur général de Cerestar Bioproducts ont également été inculpés de collusion à titre personnel.
(65) Entre octobre 1996 et juin 1998, tous les accusés ont plaidé coupables et accepté de payer des amendes qui ont été fixées à 30 millions d'USD pour ADM, 50 millions d'USD pour Haarmann & Reimer, 14 millions d'USD pour Hoffmann-La Roche, 11 millions d'USD pour Jungbunzlauer et 400 000 USD pour Cerestar Bioproducts.
(66) Outre les amendes infligées aux sociétés, les personnes inculpées se sont vu infliger des amendes à titre personnel de 150 000 USD chacune, à l'exception du directeur général de Cerestar Bioproducts, qui a payé une amende pénale de 40 000 USD.
(67) Plusieurs acheteurs ont également intenté une action en dommages-intérêts au civil, devant un tribunal d'instance, contre ADM, Haarmann & Reimer, Jungbunzlauer, Hoffmann-La Roche et Cerestar Bioproducts.
(68) Au Canada, à la suite d'une enquête pénale menée par le Bureau de la concurrence, ADM, Haarmann & Reimer, Jungbunzlauer International AG et Hoffmann-La Roche ont plaidé coupables, entre mai 1998 et septembre 1999, de participation à une collusion sur les prix et le partage de marchés dans le secteur de l'acide citrique. Elles se sont vu infliger des amendes de 2 millions de CAD, 4,7 millions de CAD, 1,9 million de CAD et 2,9 millions de CAD, respectivement.
E. DESCRIPTION DES FAITS
1. PARTICIPANTS ET ORGANISATION
(69) La structure, l'organisation et le fonctionnement de l'entente étaient fondés sur une appréciation commune du marché. ADM et Haarmann & Reimer ont eu des contacts plus fréquents parce qu'elles estimaient être des producteurs nord-américains plutôt qu'européens, bien qu'elles possèdent toutes deux des installations de production dans la Communauté, et parce qu'en termes de logistique et de coordination, il était plus simple pour elles d'organiser des réunions bilatérales plus fréquentes.
(70) Les représentants habituels des sociétés lors de ces réunions étaient :
- pour ADM : le direteur de la division "Transformation du maïs" et le directeur adjoint des ventes et du marketing,
- pour Haarmann & Reimer : un directeur général de la société, un membre du conseil d'administration de Haarmann & Reimer USA, le directeur adjoint des ventes et du marketing ainsi qu'un cadre du service des ventes et du marketing,
- pour Hoffmann-La Roche : le directeur mondial du marketing, des vitamines et de la chimie fine, le chef de la division US agroalimentaire et vitamines, deux directeurs généraux successifs de la Citrique Belge et un chef de produits de la Citrique Belge,
- pour Jungbunzlauer : le président-directeur général, le directeur de Jungbunzlauer Autriche et un chef de produits,
- pour Cerestar Bioproducts : le directeur général et un commercial.
(71) Les réunions entre les membres de l'entente ont été organisées à différents niveaux :
- des réunions périodiques au plus haut niveau (dites aussi réunions des "masters") des présidents de conseil d'administration, présidents-directeurs généraux, directeurs généraux, etc., étaient organisées en moyenne deux fois par an,
- par la suite, à partir de 1993, des réunions plus techniques entre directeurs des ventes ont été organisées, appelées réunions des "sherpas",
- des contacts bilatéraux entre sociétés ont aussi eu lieu.
2. HISTORIQUE ET CONTACTS INITIAUX
(72) Le prix moyen de l'acide citrique en Europe a connu une baisse continue entre 1985 et 1990, d'environ 45 % (13). À la fin de cette période, les prix étaient anormalement bas, ce que d'aucuns ont attribué à une guerre des prix en Allemagne et au Royaume-Uni (dont Jungbunzlauer était tenue pour la principale responsable), dont l'objectif était de récupérer des parts de marché supplémentaires. Le comportement de Jungbunzlauer sur le marché a été perçu comme l'une des raisons à l'origine de cette baisse des prix. Au cours de cette même période, Jungbunzlauer a pratiquement triplé sa capacité de production d'acide citrique (de [.] mt à [.] mt), essentiellement grâce à l'acquisition des activités de production d'acide citrique de Boehringer Ingelheim en 1985 et de la division "Acide organique" de Benckiser en 1988 (14).
(73) Une certaine rationalisation du secteur de l'acide citrique a eu lieu à la fin de cette période. En 1990, Cargill a pénétré sur le marché avec une nouvelle installation aux États-Unis qui a eu un impact négatif sur les prix mondiaux. En décembre de la même année, le secteur "Acide citrique" de Pfizer a été racheté par ADM, qui a ainsi pénétré sur ce marché. Un producteur européen plus petit, Ebro Spain, a arrêté sa production et fermé en 1991, et l'usine italienne Biacor a été rachetée par Cerestar Bioproducts à la fin de cette même année (15).
(74) Quelques semaines après son rachat du secteur "Acide citrique" de Pfizer, ADM a organisé plusieurs réunions bilatérales avec d'autres producteurs d'acide citrique, en apparence dans le but de se présenter à ses concurrents.
(75) Le 14 janvier 1991, le directeur de la division "Transformation du maïs" et le directeur adjoint des ventes et du marketing d'ADM ont rencontré le directeur général adjoint et le directeur adjoint des ventes et du marketing de Haarmann & Reimer à Chicago, aux États-Unis. Le 23 janvier 1991, ils ont rencontré le chef de la division "Vitamines et chimie fine" de Hoffmann-La Roche, qui était à l'époque également le président de l'ECAMA, à Bâle, en Suisse. Le lendemain, ces mêmes représentants d'ADM ont rencontré deux hauts représentants de Jungbunzlauer dans ses bureaux de Vienne. Enfin, le 25 janvier 1991, ils ont rencontré un membre du conseil d'administration de Haarmann & Reimer USA, à Hanovre, en Allemagne (16).
(76) ADM a décrit toutes ces réunions comme étant de simples réunions de "présentation", bien que, quelle que soit la description utilisée, il n'en demeure pas moins qu'ADM a entamé des démarches peu après son entrée sur le marché pour contacter ses plus importants concurrents.
(77) Il y avait déjà eu, dans ce secteur, certaines démarches en vue d'une entente sur les prix avant cette date. Jungbunzlauer déclare qu'en 1990, elle avait été approchée par un membre de la direction de Haarmann & Reimer en vue d'une coordination des prix par les producteurs d'acide citrique (17).
3. FONDEMENTS DE L'ENTENTE
(78) La première réunion au cours de laquelle tous les participants initiaux à l'entente se sont rencontrés a été organisée par le directeur mondial de la division "Marketing, vitamines et chimie fine" de Hoffmann-La Roche. Elle a eu lieu le 6 mars 1991 (18), à l'hôtel Plaza de Bâle, en Suisse. La réunion avait été organisée et était présidée par un représentant de Hoffmann-La Roche (19). Deux représentants de haut niveau respectivement d'ADM, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer y assistaient.
(79) C'est lors de cette réunion que les sociétés ont convenu des fondements de l'entente qui ont constitué le canevas de leurs actions ultérieures. Les éléments suivants de l'accord ont été définis et acceptés. On les retrouve tout au long de la durée de l'entente et ils donnent une image précise de la façon dont elle a fonctionné.
a) Objectifs
(80) L'entente avait quatre grands objectifs : l'attribution de quotas de vente précis à chaque membre et le respect de ces quotas, la fixation de prix cibles et/ou "plancher", la suppression des remises et l'échange d'informations spécifiques sur les clients.
1. Quotas de ventes
(81) Des quotas de ventes ont été attribués à chaque société. Ils étaient fixés sur une base mondiale, tous les producteurs estimant que le marché était de dimension mondiale. À la suite d'une suggestion d'ADM, il a été décidé que les quotas seraient déterminés en fonction des ventes moyennes de chaque société au cours des trois dernières années (c'est-à-dire 1988-1990). Haarmann & Reimer a, dans un premier temps, exprimé des réserves sur le chiffre qui lui avait été attribué (le problème a été résolu peu après), mais elle a accepté le principe d'un système de quotas. Dès la réunion de mars 1991, un quota de ventes, sous forme de tonnage fixe, a été attribué à chaque société. Deux mois plus tard, lors d'une réunion des membres de l'entente qui a eu lieu à Vienne, en mai 1991, le tonnage a été transformé en parts de marché.
2. Prix "cibles" et "plancher"
(82) Les membres de l'entente se sont mis d'accord sur des prix "plancher" et "cibles" à appliquer. Ces prix ont été fixés à la fois en dollars américains et en deutsche marks. Sur le marché européen, le deutsche mark était utilisé comme monnaie de référence, puis converti dans la monnaie nationale concernée pour l'indication et la facturation des prix aux clients nationaux.
3. Suppression des remises
(83) Les sociétés ont également convenu qu'aucun client ne se verrait accorder de remise et que tous devraient payer les prix catalogue, et ce afin d'éviter que des participants ne vendent à des prix inférieurs aux prix convenus. Une exception a été faite pour les cinq plus grands consommateurs d'acide citrique, dans la mesure où il était irréaliste de s'attendre à ce qu'ils paient le prix catalogue officiel. Il a été convenu que ces clients se verraient proposer une remise de 3 % aux maximum par rapport au prix catalogue (20).
4. Échange d'informations sur les clients
(84) Des informations détaillées sur des clients particuliers ont été échangées au cours des réunions, notamment les réunions de nature plus technique, appelées réunions des "sherpas". Le ciblage coordonné de certains clients des producteurs chinois a été évoqué et mis en pratique, de même que la soumission concertée à certains très gros marchés individuels.
b) Mise en œuvre
1. Système de contrôle
(85) Un système de contrôle a été mis en place afin de vérifier que les sociétés respectaient rigoureusement le quota attribué à chacune d'entre elles. Sur proposition du directeur mondial de la division "Marketing, vitamines et chimie fine" de Hoffmann-La Roche, le groupe a accepté, lors de la réunion du 6 mars 1991, de mettre en place un système de contrôle dans le cadre duquel chaque société transmettrait ses chiffres de ventes à sa secrétaire, à Bâle, qui contacterait ensuite les sociétés et fournirait les chiffres de ventes de chaque société pour le mois correspondant. Bien que les quotas de ventes aient été fixés à un niveau mondial, le contrôle des ventes s'effectuait à un niveau régional (Europe, Amérique du Nord et reste du monde). Ces chiffres n'ont jamais fait l'objet d'un audit indépendant, mais dans la mesure où les ventes des quatre sociétés représentaient une partie importante des ventes totales de l'ECAMA, dont le rapport régulier contenait des chiffres agrégés sur les ventes, ce rapport pouvait être utilisé pour identifier toute société remettant des données incorrectes.
2. Réunions multilatérales régulières
(86) L'organisation de réunions régulières et fréquentes entre les participants a été l'une des caractéristiques de l'organisation de l'entente. Entre mars 1991 et mai 1995, environ 20 réunions multilatérales ont été organisées entre les sociétés, sur des questions directement liées à l'entente. En outre, des personnes de chez ADM et Haarmann & Reimer se sont réunies à au moins dix occasions différentes au cours de cette période, afin de préparer les positions respectives des sociétés avant les réunions multilatérales, d'examiner la situation de l'entente ou de traiter des problèmes de compensation. Après 1993, les membres de l'entente ont décidé d'organiser des réunions plus techniques, dites aussi réunions des "sherpas", afin de d'apporter une réponse à certaines doléances et à certaines "difficultés" sur le marché.
(87) Les dates des réunions ont généralement été fixées de façon à coïncider avec celles de l'assemblée générale de l'association professionnelle ECAMA, tous les membres de l'entente étant également membres de cette association. Les sociétés se réunissaient habituellement au cours de la soirée précédant la réunion ECAMA "officielle" (21).
3. Mécanisme de compensation
(88) Les membres de l'entente ont décidé d'accompagner l'accord sur les quotas d'un mécanisme de compensation, afin de sanctionner les sociétés qui vendraient des tonnages supérieurs à ceux qui leur avaient été attribués dans le cadre des quotas et d'offrir une compensation à celles qui ne les atteindraient pas. Si une société dépassait son quota au cours d'une année donnée, elle serait obligée, au cours de l'année suivante, d'acheter des produits à la ou aux sociétés qui n'auraient pas atteint leurs quotas.
4. MISE EN OEUVRE DE L'ENTENTE
(89) La réunion du 6 mars 1991 "a abouti à un accord sans équivoque visant à mettre en œuvre un mécanisme de quotas (en tonnage), de communication de données chiffrées et de compensation, et d'augmenter le prix de l'acide citrique" (22). Certains participants ont été surpris par le formalisme et l'organisation déployés pour parvenir à cet accord. Dès ce stade initial de l'entente, le principal représentant de Hoffmann-La Roche a sans doute averti les participants de ne pas conserver de traces écrites des réunions et d'être aussi discrets que possible en ce qui concerne leur existence et leur contenu (23).
(90) L'entente s'est poursuivie au cours de deux périodes distinctes. Au cours de la première, qui s'est étendue de mars 1991 à mi-1993, l'accord global a bien fonctionné, les prix suivant une tendance fortement à la hausse et un nouveau membre rejoignant l'entente, bien que la question de la compensation entre sociétés ait commencé à poser des problèmes.
(91) De mi-1993 à la fin de l'entente, en mai 1995, les membres ont eu de plus en plus de mal à respecter les prix convenus, en particulier à la suite d'une augmentation très importante des importations d'acide citrique en provenance de Chine, notamment sur le marché européen. Des accusations de non-respect de l'accord, particulièrement contre Jungbunzlauer, ont commencé à s'exprimer et la confiance entre les membres de l'entente s'est détériorée.
a) Augmentations de prix
(92) Après une période de baisse des prix de cinq ans (24), il était évident que l'un des principaux objectifs de l'entente était d'inverser cette tendance et d'augmenter les prix de l'acide citrique. La demande d'acide citrique a connu une augmentation sensible en 1991 et 1992 (9 % ou plus au cours de chacune de ces deux années) (25). En 1991, de nouvelles sources de demande d'acide citrique étaient en train d'apparaître. L'utilisation de ce produit, considéré comme plus écologique, en tant que substitut des polyphosphates dans l'industrie des détergents, a contribué à stimuler la demande. Les membres de l'entente ont évoqué cette source de demande croissante lors de la réunion suivante (26) des membres de l'entente dans les bureaux de Jungbunzlauer, à Vienne, Autriche, le 16 mai 1991 (27). Globalement, ils ont estimé "que l'on était en présence d'une situation susceptible d'être exploitée en vue d'une augmentation coordonnée des prix" (28). Les producteurs avaient pour objectif d'augmenter les prix dans une mesure beaucoup plus importante que celle qui aurait été acceptable pour les consommateurs dans des conditions de marché normales. Les prix ainsi fixés ont ensuite été annoncés aux clients et largement appliqués, notamment dans les premières années d'existence de l'entente (considérants 82 à 84; 95 à 96; 116 à 118).
(93) Compte tenu de la dimension mondiale du marché de l'acide citrique et de l'utilisation du deutsche mark et du dollar des États-Unis comme monnaies de référence, la valeur des taux de change entre ces deux monnaies était d'une importance cruciale pour la fixation de prix stables et compétitifs, notamment afin d'éviter des transferts entre les deux zones. C'est en tenant compte de cet important facteur que les membres de l'entente ont pris les décisions sur les prix. En raison de la puissance relative du mark par rapport au dollar entre mi-1991 et mi-1992 (il s'est apprécié de près de 20 %) (29), les augmentations des prix de l'acide citrique dans les zones où ces prix étaient exprimés en dollars étaient plus fréquentes, et d'un montant agrégé plus élevé, que sur les marchés où les prix étaient libellés en deutsche mark, et ce en premier lieu afin de compenser la réévaluation du mark.
(94) Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'acide citrique est produit sous différentes formes, dont chacune fait l'objet de prix spécifiques. L'acide citrique monohydrate (CAH) et l'acide citrique anhydride (CAA) sont les deux formes les plus courantes, le CAA étant le produit le plus utilisé sur le marché nord-américain, alors que le CAH est plus vendu sur le marché européen. Lors des discussions sur les prix, les membres de l'entente se référaient presque exclusivement aux prix du CAA, qui est vendu un peu plus cher que le CAH (environ 4 à 5 %), pour des raisons pratiques. Les prix des différentes formes de ce produit étant liés entre eux, la fixation des prix de l'une d'entre elles se répercuterait immédiatement sur les autres. D'ailleurs, les prix d'autres formes que le CAA ont également été évoqués à certaines occasions.
(95) L'un des premiers résultats de la réunion de mars 1991 a été l'application concertée d'une augmentation du prix de l'acide citrique de 2,25 DEM/kg (CAA) en avril 1991. L'application de cette augmentation a causé peu de problèmes, en partie à cause des conditions du marché, qui étaient favorables. Au même moment, les membres sont également parvenus à un accord sur des augmentations de prix pour le marché nord-américain. En juillet 1991, le prix européen était inférieur au prix en dollars et les membres de l'entente ont convenu, uniquement par téléphone, d'augmenter une fois encore le prix sur le marché européen en le portant à 2,70 DEM/kg (CAA), avec effet à compter d'août 1991. Cette augmentation a, elle aussi, été mise en œuvre avec succès. Lors de la réunion suivante des membres de l'entente, en novembre 1991, les participants se sont explicitement engagés à ne pas laisser les prix nord-américains et européens diverger de façon sensible (30). À cette époque, une augmentation du prix en dollars n'avait pas été suivie d'une augmentation sur le marché européen, en raison de la faiblesse croissante du dollar par rapport au mark. Une dernière augmentation, à 2,80 DEM/kg (CAA), a été convenue lors de la réunion de mai 1992 et mise en œuvre en juin 1992 (31). Après cette date, plus aucune augmentation de prix n'a été décidée, les discussions sur les prix lors des réunions étant plutôt axées sur la nécessité d'un maintien des prix en question face aux pressions de la concurrence qui subsistaient.
(96) En l'espace de quatorze mois, le prix européen de l'acide citrique avait augmenté de 40 %. Les membres de l'entente atteignaient ainsi l'un des principaux objectifs qu'ils s'étaient fixé lors de leur première réunion de mars 1991.
b) Système de partage du marché et de contrôle
(97) Les quotas de vente fixés lors de la réunion du 6 mars 1991 étaient d'une importance cruciale pour la pression continue à la hausse sur les prix de l'acide citrique qui a suivi. Chaque producteur s'est vu attribuer une part de marché mondiale exprimée en pourcentage des ventes totales des membres de l'ECAMA (en 1991), et non par rapport au volume total du marché mondial (32). Les quotas avaient été initialement fixés en tonnage total. Toutefois, Haarmann & Reimer n'était pas satisfaite du chiffre qui lui avait été attribué et il y a également eu un différend à propos de la part de Jungbunzlauer (33). Ces questions ont été éclaircies lors de la réunion suivante, à Vienne, le 16 mai 1991. Au cours de cette réunion, il a été décidé d'exprimer les quotas en termes de parts de marché, plutôt que de tonnage total. Les quotas définitifs, en parts de marché, pour chaque société, étaient les suivants : Haarmann & Reimer 32 %; ADM 26,3 %; Jungbunzlauer 23 %; Hoffmann-La Roche 13,7 % et Cerestar Bioproducts 5 % (34).
(98) ADM, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer ont fourni des chiffres légèrement différents pour le pourcentage exact de chaque quota. Toutefois, la répartition précise peut être calculée à partir des tableaux fournis par Jungbunzlauer, qui indiquent les mêmes chiffres pour les quotas attribués, pour chaque année de la période 1991-1994.
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(99) Cerestar Bioproducts n'a pas participé à la réunion de Bâle, mais en tant que membre de l'ECAMA, elle était incluse dans les données agrégées fournies par l'association professionnelle. Compte tenu du fait que les quatre membres de l'entente ont utilisé les données ECAMA pour vérifier celles transmises dans le cadre de l'entente, ils ont apparemment attribué une part de 5 % (35) à Cerestar Bioproducts, selon toute apparence sans que celle-ci n'en ait eu connaissance. Cela apparaît dans les tableaux fournis par Jungbunzlauer (36). (100) Afin de contrôler la bonne mise en œuvre de ces quotas et d'éviter autant que possible toute compensation en fin d'année, un échange régulier de données sur les ventes mensuelles a été mis en place à partir de mars 1991 (37). Comme le dit Jungbunzlauer : "chacune des entreprises concernées communiquait le tonnage qu'elle avait vendu dans chaque région (Europe, Amérique du Nord, reste du monde) au secrétariat du président de l'ECAMA, le septième [jour] de chaque mois. Le secrétariat rassemblait ces chiffres sur les ventes et les transmettait ensuite aux membres par téléphone, ventilés par société et par région. Cela permettait de contrôler en permanence les parts de marché relatives. Ces informations constituaient également la base de l'analyse du marché réalisée lors des réunions" (38). Bien que les sociétés aient effectivement communiqué leurs ventes pour les différentes régions, seuls les chiffres mondiaux devaient être respectés.
(101) Les tableaux communiqués par Jungbunzlauer (39) étaient établis à partir des données fournies lors de ces appels téléphoniques mensuels et ils contiennent des chiffres et des calculs détaillés sur les ventes mensuelles de chacun des membres de l'entente. Ils indiquent un contrôle constant du niveau de respect, par chacune des entreprises, des quotas qui lui avaient été attribués. En ce qui concerne l'interprétation des tableaux eux-mêmes, Jungbunzlauer a expliqué ce qui suit : "Les cinq entreprises Haarmann & Reimer, ADM, Jungbunzlauer, Hoffmann-La Roche et Cerestar sont répertoriées aux lignes 1 à 5 du tableau. Les ventes mensuelles communiquées chaque mois par ces sociétés figurent dans les 12 colonnes consécutives. Pour chaque entreprise, le volume d'acide citrique vendu en Europe, en Amérique du Nord et dans le reste du monde, ainsi que le total pour ces trois régions, sont indiqués sur quatre lignes distinctes. La ligne portant la mention "total" indique également la différence en pourcentage par rapport aux volumes convenus. La dernière ligne indique la différence pour l'Europe dans son ensemble" (40). Il existe deux tableaux distincts pour chaque année de la période 1991-1994. L'un fournit des informations sur une base mensuelle cumulative et l'autre sur une base mensuelle simple.
c) Système de compensation
(102) Lors de la réunion du 14 novembre 1991 à Bruxelles (41), la première pour laquelle des données suffisantes sur l'évolution des ventes avaient été recueillies, il est apparu qu'ADM n'atteignait pas, tant s'en faut, son quota, alors que Haarmann & Reimer dépassait le sien d'une quantité équivalente. "Fin 1991, Haarmann & Reimer a dû acheter 7 000 tonnes d'acide citrique à ADM" (42). Les deux autres producteurs respectaient plus ou moins leurs quotas. Des préoccupations ont été exprimées au cours de cette réunion à propos de cette divergence, dans la mesure où les membres s'étaient mis d'accord sur le fait que l'un des principaux objectifs du contrôle méticuleux des ventes était précisément d'éviter toute compensation en fin d'année. Il y avait eu précédemment un accord en vue de ne pas permettre l'apparition de déséquilibres de cette sorte. Lors d'une réunion qui s'est tenue par la suite en Allemagne, le 2 janvier 1992 (43), la question de la compensation, ainsi que les prix et l'état du marché, ont été discutés plus en détail.
(103) Le problème de la compensation s'est posé très tôt dans l'existence de l'entente, notamment à la suite de ces divergences importantes, et plus ou moins équivalente, entre Haarmann & Reimer et ADM (tableau 6). Un système de compensation renforcé a peut-être été évoqué lors de la réunion de Jérusalem du 19 mai 1992 (44), mais il a finalement été décidé "que les sociétés qui s'écartaient le plus des volumes fixés devaient tenter de trouver individuellement des mesures de compensation" (45). Lors de la réunion de Jérusalem, c'est la compensation en faveur de ADM qui a été le principal sujet de discussion. Haarmann & Reimer ne souhaitait pas offrir de compensation à ADM. Le directeur mondial de la division "marketing, vitamines et chimie fine" d'Hoffmann-La Roche, qui présidait la réunion, est intervenu dans le débat en faisant clairement comprendre qu'il s'agissait d'un élément essentiel de l'accord et que son non-respect saperait la confiance nécessaire au maintien de l'entente et nuirait donc à l'ensemble des participants. Il a vivement incité Haarmann & Reimer à respecter l'accord. Les représentants d'ADM et de Haarmann & Reimer ont été chargés de trouver une solution à ce litige et ils en ont discuté au cours d'une réunion bilatérale ultérieure.
(104) Il s'agissait seulement de l'une des réunions d'une série qui devait se poursuivre jusqu'en avril 1995. ADM confirme "qu'il n'était pas inhabituel pour [un représentant d'ADM] et [un représentant de Haarmann & Reimer] de se réunir pour discuter de la situation en Amérique du Nord avant les réunions ECAMA" (46). De fait, d'autres membres de Haarmann & Reimer assistaient à certaines de ces réunions, dont 13 ont été identifiés. Le litige sur la compensation était l'un des thèmes dominants de ces discussions, du moins jusqu'à ce que la plus grande partie de l'opération ait été menée à bien au cours du second semestre de 1992.
(105) Le tableau 6 montre l'écart de chaque société par rapport au quota qui lui a été attribué pour chaque année de la période 1991-1994. ADM était la société qui a enregistré le plus important déficit en termes de volume au cours de cette période, et Haarmann & Reimer le plus important excédent.
(106) Les ventes réelles d'acide citrique entre les sociétés ne correspondent pas précisément aux chiffres cités ci-dessous, pour deux raisons. Premièrement, des ventes d'acide citrique ont eu lieu entre des sociétés pour des raisons légitimes sans lien avec les mesures de compensation (dans le cadre d'accords d'échange ou sur une base ad hoc). Deuxièmement, en raison du fait qu'une certaine souplesse apparaissait dans le niveau réel de compensation entre les sociétés, les litiges et les négociations sur les volumes de compensation réels étaient intenses et chaque tonne excédentaire d'acide citrique vendue n'a pas fait l'objet d'une compensation.
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(107) Néanmoins, les volumes achetés dans le cadre du système de compensation étaient importants. Les ventes d'ADM à Haarmann & Reimer ont représenté la plus grande partie de la compensation et ont atteint, d'après les propres calculs d'ADM, près de 7 200 mt entre 1992 et 1995 (47). Cerestar Bioproducts admet avoir vendu 702 mt de CAA plus 126 mt de citrate de trisodium à Haarmann & Reimer en 1994-1995, plus 96 mt à Jungbunzlauer en 1994 (il s'agissait du solde d'un envoi de 900 mt, dont Jungbunzlauer a refusé la plus grande partie en invoquant la qualité insuffisante du produit) (48).
(108) Dans sa réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer déclare que la Commission a donné l'impression générale fausse qu'il existait un système détaillé de pénalités afin de faire respecter les accords sur les quotas. Jungbunzlauer ajoute que la déclaration d'ADM citée par la Commission (49) n'est pas tout à fait correcte, dans la mesure où aucun système de compensation n'a jamais été introduit, bien que certains membres de l'entente aient probablement eu l'intention de le faire (50). D'après Jungbunzlauer, l'accord conclu le 6 mars 1991 ne portait que sur la communication des chiffres relatifs aux ventes et non sur les mécanismes de compensation. S'il est vrai que l'éventualité d'un mécanisme de compensation a été évoqué lors de la réunion de Jérusalem de mai 1992, les membres se sont bornés à convenir que les sociétés qui s'étaient le plus écartées des volumes qui leur avaient été attribués devaient prendre des mesures de compensation individuelles.
(109) Si la Commission confirme que la réunion de Jérusalem de mai 1992 a amené les participants à conclure que les entreprises concernées devaient tenter de rechercher des mesures de compensation individuelles, ainsi qu'elle l'avait déjà dit dans la communication des griefs, elle ne peut que rejeter l'affirmation de Jungbunzlauer selon laquelle aucun accord de compensation n'a jamais été conclu durant la période de l'infraction.
(110) Depuis le début, en mars 1991, le principe selon lequel les membres ayant vendu des tonnages excédentaires devraient offrir une compensation à ceux qui avaient vendu des quantités inférieures à leur quota, a joué un rôle central dans l'entente. Quelle que soit la forme - multilatérale ou bilatérale - que le mécanisme de compensation ait prise, il avait pour objet et pour effet d'introduire une discipline en matière de respect des quotas, dans la mesure où tous les participants savaient qu'ils perdraient tout avantage acquis en ne respectant pas l'accord de partage du marché. Cela est confirmé par la déclaration de Haarman & Reimer mentionnée ci-dessus selon laquelle, pas plus tard qu'en novembre 1991, elle savait qu'elle devrait acheter 7 000 tonnes de produit à ADM. Ainsi qu'il a été dit au considérant 107, pendant toute la période de l'infraction, il y a eu achat d'acide citrique entre les participants à l'entente dans le cadre des accords relatifs aux quotas.
(111) Tout en admettant qu'elle a acheté 7 200 mt à ADM entre 1992 et 1994, Haarmann & Reimer affirme qu'il est excessif de dire que les volumes achetés dans le cadre du mécanisme de compensation étaient importants, dans la mesure où ils représentaient moins de 2 % de la moyenne de ses ventes annuelles mondiales. Or, c'est un point de vue auquel la Commission ne peut se ranger. Considérés globalement, les achats n'étaient en rien négligeables et, en tout état de cause, même si l'on devait considérer qu'ils étaient limités, ils étaient néanmoins suffisamment importants pour justifier les efforts déployés par les membres de l'entente pour maintenir les quotas fixés.
5. CERESTAR BIOPRODUCTS S'ASSOCIE À L'ENTENTE
(112) Cerestar Bioproducts a eu ses premiers contacts avec les membres de l'entente lors de la réunion générale de l'ECAMA du 15 novembre 1991, à laquelle elle avait été invitée en tant que nouveau membre de cette association professionnelle. À cette occasion, le directeur mondial de la division "marketing, vitamines et chimie fine" de Hoffmann-La Roche a pris contact avec le directeur général de Cerestar Bioproducts. Il l'a ensuite revu à Bâle, le 12 février 1992, pour lui "expliquer les mécanismes de base de l'entente" (51), à laquelle Cerestar Bioproducts a fini par s'associer.
(113) Il existe certaines divergences dans les déclarations des participants quant à la date réelle à laquelle Cerestar Bioproducts a assisté pour la première fois à une réunion de l'entente. Hoffmann-La Roche a déclaré qu'"aucun représentant de Cerestar n'a assisté à des réunions avant 1992" (52). ADM pense que Cerestar Bioproducts n'a rejoint l'entente que lors de sa réunion du 18 novembre 1992, à Bruxelles (53), alors que Jungbunzlauer pense que cela s'est produit le 1er juin 1993 (54), bien qu'elle admette ne pas en être certaine. Cerestar Bioproducts, pour sa part, est absolument certaine qu'elle a assisté à la réunion de Jérusalem de mai 1992 (55) et c'est cette date que l'on estime être la plus précise, essentiellement parce que Cerestar Bioproducts était le membre de l'entente le moins important et que sa participation aux réunions n'a pas systématiquement été enregistrée par les autres participants.
(114) Lors de la réunion de novembre 1992, qui a eu lieu dans l'après-midi précédant la réunion ECAMA officielle, les membres de l'entente ont décidé de fixer officiellement le quota de Cerestar Bioproducts à 5 % de l'ensemble des ventes mondiales des membres de l'entente (56), comme les autres membres l'avaient convenu de façon informelle précédemment. Dans le même temps, il a été décidé qu'aucune compensation entre les sociétés n'était nécessaire pour les ventes de 1992, dans la mesure où les différences entre les ventes réelles et les quotas attribués étaient suffisamment faibles pour être acceptables par tous (57).
6. PRATIQUE CONCERTÉE CONTRE LES PRODUCTEURS CHINOIS
(115) À partir de la fin des années 80, les producteurs chinois d'acide citrique avaient commencé à affirmer leur présence sur le marché mondial, et particulièrement en Europe. Les produits chinois étaient généralement jugés de qualité inférieure à celle des produits de la plupart des fournisseurs en place, la quasi-totalité des produits vendus étant du CAH, dans la mesure où les producteurs chinois ne disposaient généralement pas des ressources et de la technologie nécessaires pour produire du CAA. Ils devaient donc concourir presque exclusivement sur la base des prix et vendaient systématiquement à des prix inférieurs à ceux des producteurs en place (58).
(116) L'importante augmentation des prix au début des années 90 a été en partie à l'origine d'un nouvel afflux d'importations d'acide citrique en provenance de Chine, ces importations ayant plus que doublé entre 1991 et 1992, pour atteindre 32 500 mt en 1992, soit 14,2 % du marché de la Communauté. En 1994, elles devaient atteindre 59 448 mt, soit 23,6 % du volume du marché communautaire pour cette année-là (59). Ces importations ont eu un impact sensible sur la capacité de l'entente à maintenir les niveaux de prix convenus, et elles ont posé des problèmes de plus en plus grands, bien que différentes façons de contrer leurs effets néfastes sur les prix aient été conçues et mises en œuvre. Sous le couvert de leur appartenance à l'ECAMA, les sociétés membres de l'entente ont étudié la possibilité d'engager une procédure antidumping contre les importateurs chinois devant la Commission européenne. Elles ont continué à exercer ce type de pressions en envoyant des représentants de Jungbunzlauer et d'ADM en Chine, au nom de l'ECAMA, afin d'informer les producteurs locaux qu'une procédure antidumping serait engagée s'ils ne mettaient pas fin à leurs pratiques de prix cassés. Cela n'a eu aucun effet perceptible sur les prix. Entre-temps, les membres de l'entente avaient ciblé des clients individuels des producteurs chinois afin de saper leur position sur le marché. Le mécanisme de cette pratique est expliqué ci-dessous.
(117) Cette situation a eu pour effet qu'à partir de 1993 des difficultés ont commencé à se faire jour entre certains membres de l'entente. Au cours du premier trimestre de 1993, on estimait que Jungbunzlauer "causait des problèmes" dans le groupe, parce qu'elle ne respectait pas toujours rigoureusement l'accord et était perçue par les autres participants comme "indisciplinée" (60). Lors de la réunion suivante des membres de l'entente, le 1er juin 1993, au Kildare Country Club, en Irlande (61), le principal thème de discussion a été l'absence de discipline de certains membres, qui ne respectaient pas l'accord selon lequel tous les clients devaient payer le prix catalogue (à l'exception des cinq plus gros clients). ADM et Haarman & Reimer, notamment, ont expressément accusé Jungbunzlauer de cette absence de discipline. Afin de remédier à cette carence, il a été décidé que des membres d'un échelon moins élevé de la hiérarchie se réuniraient séparément afin d'identifier les différentes "exceptions" faites, en vue de clarifier la situation. Ces réunions très techniques devaient par la suite être appelées réunions des "sherpas", par opposition aux grandes réunions des "masters".
(118) Lors de la réunion du 27 octobre 1993 à Bruges, en Belgique (62), les difficultés consécutives à une absence de discipline en matière de prix se sont poursuivies. "L'accord de base était toujours en place, mais il y avait un nombre croissant d'exceptions dont le groupe attribuait la responsabilité en premier lieu à Jungbunzlauer" (63). La chute des parts de marché des membres de l'entente constituait également un sujet de préoccupation. Entre 1991 et 1993, la part de marché mondiale des membres de l'entente en termes de ventes totales était tombée d'environ 70 % à moins de 60 %, pour ne plus être que de 52 % en 1994 (64). Cette baisse continue signifiait que la taille du "gâteau" que les membres de l'entente se partageait se réduisait continuellement, ce qui a entraîné des tensions croissantes entre eux (65).
(119) Une réunion de "sherpas" a eu lieu à Londres, le 14 janvier 1994 (66). Elle avait pour mission d'examiner la situation sur le marché de l'acide citrique et de trouver le moyen de favoriser une augmentation des ventes des membres de l'entente. La présence de plus en plus grande de produits chinois sur le marché européen et la nécessité d'une action de plus en plus forte des membres de l'entente pour maintenir le niveau de leurs ventes compte tenu de cette situation ont été évoquées lors de la réunion. Les participants "ont admis qu'il devrait y avoir une guerre des prix contre la concurrence chinoise" (67) et qu'ils devaient "tenter de récupérer des clients particuliers [perdus au bénéfice des producteurs chinois] à n'importe quel prix, avec la bénédiction des autres" (68). "Ces clients étaient cités nommément et ont été attribués à des membres individuels, qui devaient leur faire les offres nécessaires" (69). Cette liste de sociétés a fini par être appelée la "liste serbe" et a fait l'objet de contrôles et de discussions réguliers lors des réunions de "sherpas" ultérieures, dont la première a eu lieu à Londres, du 23 au 25 mars 1994 (70).
(120) La réunion des "masters" suivante a eu lieu le 18 mai 1994, à l'hôtel Savoy, à Londres (71). La question des producteurs chinois a été soulevée. Il y a également eu une discussion initiale sur la possibilité d'introduire une plainte pour pratiques antidumping devant la Commission des Communautés européennes. D'autres accusations ont été lancées contre Jungbunzlauer, dont on considérait qu'elle ne respectait pas l'accord pour ce qui était des prix. C'est à ce moment-là que le PDG de Jungbunzlauer a pris la présidence des réunions de l'entente, à la suite de son élection à la présidence de l'ECAMA et du départ en retraite du directeur mondial de la division "Vitamines et chimie fine" de Hoffmann-La Roche. En tant que président, c'est à sa secrétaire que toutes les données mensuelles sur les prix ont alors été communiquées.
(121) Une autre réunion de "routine" des "sherpas" a eu lieu le 7 juillet 1994, à Zurich (72). Elle a été suivie par une réunion des "masters", le 31 août 1994 (73), dans la même ville. Au cours de cette réunion, Jungbunzlauer a à nouveau été critiquée parce qu'elle sapait l'accord sur les prix. La possibilité d'une action antidumping contre les producteurs chinois a à nouveau été évoquée. Du fait qu'elle présidait le groupe, Jungbunzlauer était désormais responsable de l'organisation logistique des réunions.
(122) Lors de la réunion qui s'est tenue le 2 novembre 1994 (74) à l'hôtel Amigo Bruxelles, la "liste serbe" a été réexaminée et discutée plus en détail. Les participants ont convenu qu'à l'occasion de leurs prochains voyages en Chine les représentants de Jungbunzlauer et d'ADM devaient menacer les producteurs locaux d'une plainte antidumping. En outre, de gros clients individuels ont été répartis entre les sociétés, les "masters" chargeant les "sherpas" "de parvenir à des prix plus ou moins communs entre les soumissionnaires au marché [.] [1995] (...) Après la réunion des membres de l'entente, les sherpas ont continué à siéger pour se mettre d'accord sur des prix plus ou moins communs pour le marché [.]." (75)
(123) D'autres accords sur les prix à facturer à des clients individuels ont été évoqués lors de réunions des "sherpas", le 16 novembre 1994 (76) à l'hôtel Mariott de Slough, Royaume-Uni, et le 18 novembre 1994 (77) à l'hôtel Concorde Lafayette, à Paris. Lors de la première de ces réunions, l'un des principaux (sinon le seul) sujet évoqué a été le marché [.]. Les notes prises par le représentant montrent que chaque société s'est vu attribuer un prix de soumission pour les commandes dans les différents pays (78). Les discussions sur [.] et d'autres multinationales ont eu lieu au cours des deux réunions. Le suivi de la mise en œuvre de la "liste serbe" a été le principal sujet de discussion lors de la réunion de Paris.
(124) Début 1995, l'impact des importations chinoises, notamment sur le marché européen, ainsi que le sentiment que Jungbunzlauer ne respectait pas l'accord sur les prix et proposait des prix inférieurs à ceux des autres membres de l'entente, commençaient à avoir un effet manifeste sur la cohésion et l'efficacité de l'entente. Les prix en Europe commençaient à baisser par rapport au dernier prix convenu, qui était de 2,80 DEM/kg (CAA).
7. FIN DE L'ENTENTE
(125) Les trois réunions suivantes du 6 janvier 1995 (79) à l'hôtel Hilton O'Hare, à Chicago, du 2 février 1995 (80) à l'hôtel Hilton de Heathrow, Londres, et du 21 février 1995 (81) à l'hôtel Sheraton de Toronto, Canada, n'ont pas fondamentalement modifié les comportements antérieurs. Les sociétés ont attaqué Jungbunzlauer pour son "absence presque totale de respect des prix convenus, que Jungbunzlauer avait baissés, notamment, mais pas exclusivement, en Europe" (82). Le contrôle de la mise en œuvre de la "liste serbe" se poursuivait et, bien que l'atmosphère ait été "beaucoup moins amicale" et que le groupe ait commencé à se désintégrer, les données sur les ventes mensuelles continuaient à être échangées régulièrement et toutes les parties étaient encore beaucoup en contact les unes avec les autres. Étant donné l'état des relations entre les sociétés, notamment des relations avec Jungbunzlauer, trois sociétés (Hoffmann-La Roche, ADM et Haarmann & Reimer) ont évoqué "la possibilité de conclure d'autres accords sur le marché de l'acide citrique, sans Jungbunzlauer" (83), bien que cela n'ait finalement débouché sur aucune action concrète.
(126) La réunion qui a eu lieu le 1er mai 1995 (84), à l'hôtel Hilton Airport de Zurich, a été la dernière réunion des membres de l'entente qui ait été organisée à l'avance. Comme le dit ADM, "l'entente touchait à sa fin", mais pas encore tout à fait. Des accusations continuaient à être lancées contre Jungbunzlauer, et les autres sociétés organisaient des discussions bilatérales et des discussions en marge des réunions en vue de parvenir éventuellement à d'autres accords. Ce n'est pas avant la dernière réunion, non planifiée, qui a eu lieu le 22 mai 1995 (85) à l'hôtel Schweiz Park de Vitznau, en Suisse, qu'il est apparu clairement que "l'entente était en plein désarroi et ne fonctionnait pas. [le président-directeur général de Jungbunzlauer] s'est vu dire que si JBL ne faisait pas quelque chose pour réparer le tort qu'elle avait causé, l'accord était rompu" (86).
(127) Malgré le tour qu'avaient ainsi pris les événements, les parties ont continué à se communiquer les données mensuelles sur les ventes jusqu'en mai 1995. Après cette date, ADM, Hoffmann-La Roche et Haarmann & Reimer ont continué à s'entretenir d'une possible poursuite de l'accord sous une forme modifiée. La société américaine Cargill était considérée comme un nouveau membre possible du groupe, bien qu'il ne semble pas que des mesures concrètes aient été prises à cet effet.
(128) De toute façon, la perquisition effectuée par le FBI dans les locaux d'ADM, aux États-Unis, en juin 1995, a mis fin à la participation de cette société à l'entente et, selon les informations dont dispose la Commission, tous les autres contacts entre les parties à propos des pratiques anticoncurrentielles ont pris fin.
PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. COMPÉTENCE
(129) Les accords mentionnés ci-dessus s'appliquaient à tous les pays consommateurs d'acide citrique dans l'accord EEE.
(130) L'accord EEE, qui contient des dispositions sur la concurrence analogues à celles du traité CE, est entré en vigueur le 1er janvier 1994. La présente décision implique donc l'application, à compter de cette date, des règles sur la concurrence de l'accord EEE (notamment de son article 53, paragraphe 1) aux accords faisant l'objet de la décision (87).
(131) Dans la mesure où les accords ont affecté la concurrence dans le marché commun et les échanges entre États membres, l'article 81 du traité CE est applicable. Dans la mesure où les activités des membres de l'entente ont eu un effet sur les échanges entre les pays de la Communauté et de l'AELE ou entre les pays de l'AELE membres de l'EEE, l'article 53 de l'accord EEE est applicable.
(132) Si un accord ou une pratique n'affecte que les échanges entre États membres de la Communauté, c'est la Commission qui est compétente et qui applique l'article 81 du traité CE. En revanche, si un accord n'affecte que les échanges entre des États membres de l'AELE, c'est l'autorité de surveillance de l'AELE qui est seule compétente et applique les règles de concurrence EEE figurant à l'article 53 de l'accord EEE (88).
(133) Dans la présente affaire, c'est la Commission qui est l'autorité compétente pour appliquer à la fois l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE sur la base de l'article 56 de l'accord EEE, dans la mesure où l'entente a eu un effet sensible sur les échanges entre les États membres de la Communauté (89).
B. APPLICATION DE L'ARTICLE 81 DU TRAITÉ CE ET DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE
1. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ CE ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, DE L'ACCORD EEE
(134) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE dispose que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, limiter ou contrôler la production et les débouchés, ou répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
(135) L'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (qui s'inspire de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE) contient une interdiction similaire. Toutefois, la référence de l'article 81, paragraphe 1, au commerce "entre États membres" est remplacée par la référence au commerce "entre les parties contractantes", et la référence à la concurrence "à l'intérieur du marché commun" est remplacée par une référence à la concurrence "à l'intérieur du territoire couvert par l'accord (EEE)".
2. ACCORDS ET PRATIQUES CONCERTÉES
(136) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53 de l'accord EEE interdisent les accords, les décisions d'associations et les pratiques concertées.
(137) On peut dire qu'il y a accord si les parties parviennent à un concours de volontés qui limite ou est de nature à limiter leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action mutuelle sur le marché ou de leur abstention d'action. Il n'est pas nécessaire que cet accord soit écrit. De même, ni formalités, ni sanctions contractuelles ni procédures d'exécution ne sont requises. Le fait de l'accord peut être manifeste ou ressortir implicitement du comportement des parties.
(138) Dans l'arrêt qu'il a rendu dans les affaires jointes T-305-94, Limburgse Vinyl Maatschappij NV et autres contre Commission (PVC II) (90), le Tribunal de première instance déclarait que "selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article [81, paragraphe 1,] du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée".
(139) L'article 81 du traité CE (91) opère une distinction entre le concept de "pratiques concertées" et celui d'"accords entre entreprises" ou de "décisions d'associations d'entreprises", dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation de conventions proprement dites, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (92).
(140) Les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant vigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (93).
(141) Un comportement peut ainsi relever d'une "pratique concertée" au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE même lorsque les parties ne se sont pas entendues explicitement sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient sciemment à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leurs politiques commerciales (94).
(142) Bien que, comme cela résulte des termes mêmes de l'article 81, paragraphe 1, du traité, la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché, d'autant plus lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (95).
(143) Il n'est pas nécessaire, particulièrement dans le cas d'une infraction complexe de longue durée, que la Commission soit tenue de qualifier cette infraction comme relevant exclusivement de l'une ou de l'autre de ces deux formes de comportement illicite. Les notions d'accord et de pratique concertée sont fluides et peuvent se chevaucher. De fait, il peut même apparaître impossible d'opérer une telle distinction, dans la mesure où l'infraction peut comporter à la fois des éléments de chacune de ses formes de comportements interdits, alors que, considérées isolément, certaines de ses manifestations pourraient être décrites avec précision comme relevant de l'une plutôt que de l'autre forme. Il serait toutefois artificiel de subdiviser ce qui est manifestement un comportement commun continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. Une entente peut donc constituer à la fois un accord et une pratique concertée. L'article 81 ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe (96).
(144) Dans l'arrêt PVC II, le Tribunal de première instance a déclaré que "dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'elle qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article [81] du traité" (97).
(145) Aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, un "accord" ne nécessite pas le même degré de certitude que celui requis pour la mise en œuvre d'un contrat commercial de droit civil. En outre, dans le cas d'une entente complexe de longue durée, le terme "accord" peut être appliqué de façon adéquate non seulement à n'importe quel plan global ou aux conditions expressément convenues, mais également à la mise en œuvre de ce qui a été convenu sur la base des mêmes mécanismes et en vue d'atteindre le même objectif commun.
(146) Bien qu'une entente constitue une entreprise commune, chaque participant à l'accord peut jouer un rôle spécifique. L'un ou plusieurs d'entre eux peuvent exercer un rôle dominant de meneur(s). Des conflits internes et des rivalités, voire des tricheries, peuvent se produire, mais cela n'empêchera toutefois pas les comportements en cause de constituer un accord ou une pratique concertée aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, dès lors qu'il y a un objectif unique commun et continu. Une entente complexe peut à bon droit être considérée comme une infraction unique et continue pendant toute sa durée. La nature de l'accord peut de temps en temps avoir varié, ou ses mécanismes avoir été adaptés ou renforcés pour tenir compte de nouveaux éléments.
(147) En effet, une entente complexe de longue durée, où les différentes pratiques concertées suivies et accords conclus s'inscrivent dans le cadre d'une série d'efforts faits par les entreprises pour poursuivre l'objectif commun destiné à empêcher ou à fausser la concurrence, la Commission est en droit de considérer qu'ils constituent une infraction unique et continue.Ainsi que le Tribunal de première instance l'a observé à cet égard dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission (98), il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes : "en effet, [les entreprises ont] pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites".
(148)La simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d'autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel. Une entreprise ayant participé à une telle infraction par des comportements qui visaient à contribuer à la réalisation de l'objectif commun, est également responsable, pour toute la période de sa participation à cette infraction, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est en effet le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnaires des autres participants, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter les risques (99).
3. UNE INFRACTION UNIQUE ET CONTINUE
(149) Lors de leur première réunion du 6 mars 1991, à Bâle, en Suisse, les grands producteurs - Haarmann & Reimer, ADM, Jungbunzlauer et Hoffmann-La Roche - ont déterminé les principes fondamentaux qui leur permettraient de s'entendre sur le marché mondial de l'acide citrique (100).
(150) Ce plan, auquel ils ont tous adhéré, de même que Cerestar Bioproducts par la suite, a été mis en œuvre pendant une période de quatre ans, à l'aide des mêmes mécanismes et avec le même objectif commun d'élimination de la concurrence.
(151) L'élaboration du plan au cours de réunions régulières n'a pas débouché sur des "accords" discontinus, mais a constitué la mise en œuvre du même projet global illicite.
(152) Compte tenu du projet commun et de l'objectif commun d'élimination de la concurrence dans le secteur de l'acide citrique que les producteurs ont constamment poursuivis, la Commission considère que le comportement en cause constitue une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(153) Bien que les arrangements entre producteurs puissent à juste titre être considérés comme présentant toutes les caractéristiques d'un "accord" en bonne et due forme, certains éléments du comportement illicite pourraient fort bien être qualifiés de pratique concertée, le cas échéant.
(154) Dans sa réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer affirme que la Commission est dans l'erreur lorsqu'elle déclare qu'un accord a été conclu le 6 mars 1991 et qu'un plan commun de restriction de la concurrence a été mis en œuvre sur une longue période, au moyen des mêmes mécanismes.
(155) D'après Jungbunzlauer, non seulement les parties ne sont parvenues à aucun accord en mars 1991, mais à partir de 1993 Jungbunzlauer n'a participé que de façon limitée à la mise en œuvre des principes en question, et à partir du second semestre de 1994 elle n'a plus joué aucun rôle.
(156) Si l'on considère les considérants 136 à 148, l'argument selon lequel il n'y aurait pas eu d'accord au cours de la période en cause dans la présente décision doit être repoussé. La question de savoir si les accords et-ou les pratiques concertées ont effectivement été mis en œuvre est abordée aux considérants 212 à 218.
4. RESTRICTION DE LA CONCURRENCE
(157) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE disposent expressément que les accords qui
- fixent de façon directe et indirecte les prix ou d'autres conditions de transaction,
- limitent ou contrôlent la production,
- répartissent les marchés ou les sources d'approvisionnement,
- restreignent la concurrence.
(158) Parmi l'ensemble des accords et des arrangements en cause dans la présente affaire, les éléments suivants peuvent être considérés comme pertinents aux fins de l'établissement d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE :
- attribution de marchés et de quotas de parts de marché,
- gel/restriction/fermeture de capacités de production,
- accord concerté sur des augmentations de prix,
- désignation du producteur qui devrait conduire les augmentations de prix dans chaque marché national,
- distribution de listes de prix cibles actuels et futurs, afin de coordonner les augmentations de prix,
- élaboration et mise en œuvre d'un système de communication de données et de contrôle, afin de garantir l'application des accords restrictifs,
- partage ou attribution de clients,
- participation à des réunions régulières ou autres prises de contacts afin de convenir des restrictions ci- dessus et de les mettre en œuvre et/ou de les modifier en fonction de la situation.
(159) Ce type d'accords a pour objet la restriction de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Le prix étant le principal instrument de la concurrence, les différents accords ou mécanismes collusoires adoptés par les producteurs étaient, tous en dernier ressort, destinés à augmenter les prix à leur profit, et ce au-delà du niveau qui aurait été déterminé par le libre jeu des conditions de la concurrence.
(160) Afin de déterminer si les articles 81, paragraphe 1, du traité CE et 53, paragraphe 1, de l'accord EEE sont d'application, il n'est pas nécessaire d'examiner les effets réels d'un accord sur la concurrence, dès lors qu'il est établi que cet accord avait pour objet de restreindre la concurrence.
(161) Toutefois, l'entente a également eu un effet restrictif sur la concurrence. En effet, les augmentations de prix qui constituaient l'objectif essentiel de l'entente ont été convenues, annoncées aux clients et largement mises en œuvre, notamment au cours des premières années de fonctionnement de l'entente, dans l'ensemble de l'EEE. En outre, le maintien de la part de marché de chaque société, dont elles avaient convenu afin que l'accord sur les prix puisse donner des résultats positifs, a en grande partie été atteint. En effet, l'écart entre les ventes réelles globales et les ventes attribuées n'a été supérieur à 3 % que pour quelques sociétés au cours de la première année de fonctionnement de l'entente et il est resté inférieur à ce chiffre pour le reste de la période en cause (tableau 6). Les effets restrictifs des accords en question sont établis plus en détail aux considérants 205 à 218.
(162) Dans sa réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer affirme que la Commission a donné, à tort, l'impression que des pressions inopportunes avaient été exercées sur les producteurs chinois. Elle déclare également que les importations bon marché en provenance de Chine faussaient considérablement la concurrence et qu'il n'y avait rien de répréhensible à menacer les producteurs chinois d'engager une action légitime. Selon elle, la plainte antidumping envisagée par l'ECAMA ne peut en aucun cas être considérée comme un abus. Le fait que la Turquie ait imposé des droits antidumping aux importations chinoises d'acide citrique entre mai 1995 et mai 2000 en constitue d'ailleurs une preuve.
(163) La Commission n'a jamais considéré qu'introduire, envisager d'introduire ou même informer des tiers de l'intention d'introduire une plainte antidumping puisse constituer, en soi, une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE.
(164) Toutefois, il est clairement établi dans la présente affaire que les augmentations du prix de l'acide citrique qui ont été mises en œuvre avec succès par les membres de l'entente, grâce à leurs accords restrictifs de la concurrence, ont eu pour effet de renforcer fortement les exportations chinoises d'acide citrique vers l'Europe.
(165) Dans ce contexte, les différents efforts communs faits par les membres de l'entente pour convaincre les producteurs chinois de limiter leurs exportations à prix cassés vers l'Europe peuvent à juste titre être considérés comme une stratégie visant à protéger l'entente d'une menace concurrentielle inattendue, indépendamment de la question de la légalité, au regard du droit antidumping de la Communauté, des prix facturés par les producteurs chinois.
(166) S'il est tout à fait légitime qu'un secteur industriel discute de l'opportunité d'introduire une plainte antidumping auprès de la Commission, il n'appartient certainement pas aux principaux opérateurs d'un segment de marché donné d'entreprendre des actions concertées relatives aux prix qu'ils facturent à leurs clients respectifs, afin d'évincer des tiers de ce marché. Les faits décrits aux considérants 115 à 124 illustrent très bien le caractère illicite des pratiques auxquelles les membres de l'entente ont eu recours pour faire plier les producteurs chinois. Les contre-offres visant des sociétés bien précises, identifiées dans un catalogue connu sous le terme de "liste serbe" et attribuées individuellement à chaque membre de l'entente, constituaient manifestement un élément d'une stratégie globale destinée à éliminer la concurrence sur le marché de l'acide citrique dans l'EEE.
(167) À cet égard, la Commission est fondée à considérer que le comportement des membres de l'entente vis-à-vis des producteurs chinois constitue une pratique concertée tombant sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
5. EFFETS SUR LES ÉCHANGES ENTRE LES ÉTATS MEMBRES ET LES PARTIES CONTRACTANTES À L'ACCORD EEE
(168) L'accord continu entre les producteurs a eu un effet sensible sur les échanges entre les États membres de la Communauté et entre les parties contractantes à l'accord EEE.
(169) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE vise des accords susceptibles de nuire à l'objectif de réalisation d'un marché unique entre les États membres de la Communauté, soit en cloisonnant des marchés nationaux ou en affectant la structure de la concurrence dans le marché commun. De même, l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE vise les accords susceptibles de porter atteinte à la réalisation d'un espace économique européen homogène.
(170) Ainsi que le montre la section "Échanges entre États membres" ci-dessus (considérants 52 à 53), le marché de l'acide citrique est caractérisé par un volume substantiel d'échanges entre les États membres de la Communauté. Les échanges entre la Communauté et les pays AELE membres de l'EEE ont également été considérables. Tous les pays AELE membres de l'EEE importent 100 % de leurs besoins et, avant l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, l'Autriche exportait des quantités substantielles d'acide citrique, alors que les deux autres pays importaient la totalité de leurs besoins en acide citrique.
(171) Toutefois, l'application des articles 81, paragraphe 1, du traité CE, et 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à une entente n'est pas limitée à la partie des ventes des membres ayant effectivement impliqué un transfert de marchandises d'un État à l'autre. Il n'est pas non plus nécessaire, pour que ces dispositions soient d'application, de démontrer que la participation individuelle de chaque membre, par opposition à l'entente dans son ensemble, a affecté les échanges entre États membres (101).
(172) Dans la présente affaire, les accords conclus entre les membres de l'entente ont couvert pratiquement la totalité des échanges dans cet important secteur industriel, dans l'ensemble de la Communauté et de l'EEE. L'existence d'un mécanisme de fixation de prix et de quotas a eu pour effet, ou était susceptible d'avoir pour effet, de détourner automatiquement les courants commerciaux de leur orientation naturelle (102).
6. RÈGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES À L'AUTRICHE, À LA FINLANDE, À L'ISLANDE, AU LIECHTENSTEIN, À LA NORVÈGE ET À LA SUÈDE
(173) L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Pendant la période antérieure à cette date au cours de laquelle l'entente a fonctionné, la seule disposition applicable à la présente procédure est l'article 81 du traité CE. Cette disposition ne s'applique pas aux restrictions de concurrence provoquées, pendant cette période, par les accords conclus entre les membres de l'entente en Autriche, en Finlande, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège et en Suède (qui étaient alors membres de l'AELE).
(174) Du 1er janvier au 31 décembre 1994, les dispositions de l'accord EEE étaient applicables aux six États membres de l'AELE. L'entente constituait dès lors une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE tout autant qu'à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, et c'est la Commission qui est compétente pour appliquer les deux dispositions. Les restrictions de concurrence dans ces six États AELE au cours de cette période d'un an tombent sous le coup de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(175) Après l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la Communauté au 1er janvier 1995, l'article 81, paragraphe 1, du traité CE est devenu applicable à l'entente dans la mesure où il affectait la concurrence sur ces marchés. En Norvège, en Islande et au Liechtenstein, l'entente constituait toujours une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(176) En pratique, il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où l'entente a mise en œuvre en Autriche, en Finlande, en Norvège, en Suède, en Islande et au Liechtenstein, elle a constitué une infraction aux règles de concurrence de l'EEE et/ou de la Communauté à compter du 1er janvier 1994.
C. DESTINATAIRES DE LA DÉCISION
1. PRINCIPES APPLICABLES
(177) Pour identifier les destinataires de la présente décision, il est nécessaire de définir quelles sont les entités juridiques responsables de l'infraction.
(178) À cet égard, pour déterminer si une société mère doit être considérée comme responsable du comportement illicite de sa filiale, il est nécessaire d'établir que la filiale "ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère" (103).
(179) Lorsque la Commission constate qu'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, a été commise pendant une période donnée, elle doit identifier la personne morale ou physique qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment de l'infraction.
(180) Lorsqu'une entreprise commet une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, et cède ultérieurement les actifs qui ont servi de véhicule pour l'infraction et se retire de cette façon du marché en cause, l'entreprise en question continuera à être tenue pour responsable de l'infraction pour la période considérée si elle subsiste en tant qu'entreprise (104).
2. DESTINATAIRES DE LA DÉCISION
(181) ADM a participé d'une manière directe et autonome à l'entente. Par conséquent, c'est le groupe dans son ensemble qui porte la responsabilité de l'infraction et est donc destinataire de la présente décision.
(182) Hoffmann-La Roche, avec sa filiale Citrique belge, a également pris une part directe à l'entente. Par conséquent, Hoffmann-La Roche porte la responsabilité directe de l'infraction et est destinataire de la présente décision.
(183) En avril 1996, la responsabilité des activités de Haarmann & Reimer FID a été transférée à Bayer Plc, puis cédée en juin 1998 au groupe Tate & Lyle. La cession de Haarmann & Reimer FID à Tate & Lyle s'est produite après la fin de l'infraction examinée dans la présente décision. Étant donné que Haarmann & Reimer existe toujours, elle porte la responsabilité de l'infraction. Haarmann & Reimer est donc destinataire de la présente décision.
(184) Cerestar Bioproducts est une filiale à 100 % de Cerestar Holding BV. Pendant la durée de l'infraction, cette dernière était contrôlée par Eridania Béghin-Say SA, société sous le contrôle ultime du groupe Montedison. Cerestar Bioproducts a participé directement à l'entente et est par conséquent destinataire de la présente décision.
(185) Jungbunzlauer GesmbH est maintenant une filiale à 100 % de Jungbunzlauer Holding AG, et la direction effective de l'activité contrôlée par cette dernière est exercée par Jungbunzlauer AG, où se situe également le siège de l'ensemble du groupe. Ce fait est confirmé dans la réponse à la communication des griefs, dans laquelle Jungbunzlauer déclare que, depuis 1993, la responsabilité de la gestion du groupe appartient à Jungbunzlauer AG. Avant cela, l'ensemble du groupe était dirigé par Jungbunzlauer GesmbH (105).
(186) Dans la réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer AG et Jungbunzlauer GesmbH ont déclaré ensemble que c'était Jungbunzlauer GesmbH qui devait être destinataire de toute décision se rapportant aux faits en cause. À l'appui de cette affirmation, elles font valoir que ceux qui ont pris part au comportement décrit dans la communication des griefs étaient pour l'essentiel des représentants de Jungbunzlauer GesmbH, que la Commission a d'abord envoyé une demande de renseignements à la même entreprise et que tous les arguments présentés au nom du groupe Jungbunzlauer dans le cas d'espèce l'ont été pour le compte de Jungbunzlauer GesmbH.
(187) La Commission rejette ces arguments. D'abord, jusqu'au deuxième semestre de 1993, Jungbunzlauer GesmbH était non seulement une filiale responsable de la production et de la distribution de l'acide citrique, mais également l'entité juridique chargée de diriger l'ensemble du groupe Jungbunzlauer. En 1993, la responsabilité de la direction du groupe a été transférée à Jungbunzlauer AG, qui peut être considérée comme le successeur de Jungbunzlauer GesmbH pour la direction du groupe Jungbunzlauer. Depuis cette date, Jungbunzlauer GesmbH est une filiale à 100 % du groupe, qui ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par Jungbunzlauer AG, société chargée de la gestion du groupe.
(188) Pour une partie de la période examinée dans la présente décision, Jungbunzlauer AG a pris part directement à des réunions de l'entente, à savoir dans la personne de son président directeur général. Il convient donc de conclure qu'à tout moment pris en considération dans la présente décision l'entité juridique chargée de la gestion de l'ensemble du groupe Jungbunzlauer participait activement et directement à l'entente. L'entité juridique en cause étant actuellement Jungbunzlauer AG, c'est cette dernière qui doit être destinataire de la présente décision.
D. DURÉE DE L'INFRACTION
(189) Bien que des contacts bilatéraux aient eu lieu entre certains producteurs d'acide citrique avant la première réunion multilatérale et qu'ADM ait fait état d'accords antérieurs (106) à ceux qui sont visés dans la présente procédure, la Commission limitera dans l'espèce son examen au regard de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE, ainsi que l'imposition d'amendes éventuelles, à la période débutant le 6 mars 1991.
(190) C'est en effet la date de la première réunion multilatérale de l'entente à Bâle, en Suisse, où les principes de base de l'entente portant sur le marché ont été arrêtés. (Il convient de noter bien entendu que, dans la mesure où l'entente intéressait l'Autriche, la Finlande, la Norvège, la Suède, l'Islande et le Liechtenstein, il n'y a pas d'infraction aux règles de concurrence avant le 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE.)
(191) La participation à l'infraction des sociétés Haarmann & Reimer, ADM, Jungbunzlauer et Hoffmann-La Roche à partir de la date susmentionnée est établie par la participation à cette réunion de leurs présidents ou de leurs directeurs généraux respectifs.
(192) Cerestar Bioproducts n'est entrée sur le marché de l'acide citrique qu'en 1992 et a admis avoir pris part aux réunions à compter du 19 mai 1992.
(193) L'entente s'est poursuivie jusqu'à mai 1995. Deux réunions se sont tenues ce mois-là, la première étant une réunion régulière et prévue le 1er mai et la deuxième, une réunion improvisée, le 22 mai. C'est lors de cette dernière réunion que Jungbunzlauer s'est vu adresser un ultimatum pour faire la preuve de ce qu'elle était toujours disposée à se tenir à l'accord, à la lumière de sa pratique antérieure. Comme elle ne s'est pas exécutée, Jungbunzlauer a été considérée comme ayant quitté le groupe et ADM, Hoffmann-La Roche et Haarmann & Reimer ont examiné la possibilité de poursuivre l'accord sous une forme modifiée (considérants 102 à 104). Selon les renseignements dont la Commission dispose, la descente du FBI américain dans les locaux d'ADM aux États-Unis en juin 1995 a mis fin à tous les contacts qui subsistaient entre les parties qui se livraient à ces pratiques anticoncurrentielles.
E. MESURES CORRECTIVES
1. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT n° 17
(194) Aux termes de l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, elle peut obliger les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée (107).
(195) Dans le cas d'espèce, les participants à l'entente ont tout mis en œuvre pour dissimuler leur comportement illicite. Dans ces circonstances, la Commission a indiqué dans la communication des griefs qu'il était impossible d'affirmer avec une certitude absolue que l'infraction avait pris fin.
(196) Dans sa réponse à la communication des griefs, Cerestar Bioproducts a déclaré qu'elle avait mis fin à sa participation en mai 1995. Haarmann & Reimer a fait remarquer pour sa part qu'elle avait cédé les activités en question en 1998 et qu'"en ce qui concerne Haarmann & Reimer/Bayer plc, il serait inutile d'inclure cette exigence dans le dispositif de la décision" (108).
(197) Nonobstant ces observations et pour dissiper les doutes, il est nécessaire d'obliger les entreprises qui restent actives sur le marché de l'acide citrique et qui sont destinataires de la présente décision à mettre fin à l'infraction, si elles ne l'ont déjà fait, et de s'abstenir dorénavant de tout accord, de toute décision d'association d'entreprises ou de toute pratique concertée susceptibles d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire.
2. ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT N° 17
a) Considérations générales
(198) Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille euros au moins et d'un million d'euros au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(199) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce et notamment la gravité et la durée de l'infraction, qui sont les deux critères expressément visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
(200) Le rôle joué par chaque entreprise partie à l'infraction sera évalué individuellement. C'est ainsi que la Commission tiendra compte, pour fixer l'amende, des circonstances aggravantes ou atténuantes et appliquera le cas échéant la communication sur les mesures de clémence(109).
(201) En évaluant la gravité de l'infraction, la Commission tiendra compte de sa nature, de ses effets réels sur le marché lorsqu'il est possible de les mesurer et de la taille du marché géographique en cause. Elle examinera individuellement le rôle joué par chaque entreprise partie à l'infraction.
b) Le montant de l'amende
(202) L'entente a constitué une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. En la commettant de propos délibéré, en pleine connaissance du caractère restrictif de leurs actions et, qui plus est, de leur caractère illicite, les producteurs les plus importants se sont entendus pour mettre en place un système secret et institutionnalisé destiné à restreindre la concurrence dans un secteur industriel important.
1. Montant de base
(203) Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.
Gravité
(204) En évaluant la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de sa nature, de ses effets réels sur le marché lorsqu'il est possible de les mesurer et de la taille du marché géographique en cause.
Nature de l'infraction
(205) Il ressort des faits décrits ci-dessus que l'infraction en cause a consisté à répartir les marchés et à fixer les prix, pratiques qui constituent par leur nature même les violations les plus graves de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(206) Tous les grands opérateurs de l'EEE ont participé à l'entente, qui a été conçue, dirigée et encouragée à un niveau élevé dans chaque entreprise participante (110). Naturellement, la mise en œuvre d'une entente du type décrit plus haut entraîne automatiquement une distorsion importante de la concurrence, qui est à l'avantage exclusif des producteurs qui y participent et est hautement préjudiciable pour les consommateurs, et, en dernière analyse, le grand public.
(207) C'est la raison pour laquelle la Commission considère que l'infraction en cause constitue une violation très grave de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(208) ADM fait valoir qu'en l'espèce l'infraction doit être considérée, eu égard à sa nature, comme "grave" et non "très grave". D'après cette société, l'infraction n'a pas compromis le bon fonctionnement du marché parce qu'il n'y a pas eu de cloisonnement des marchés nationaux. Selon elle, les documents de la Commission montrent que les quotas étaient fixés à l'échelle mondiale et que les prix cibles européens étaient d'abord fixés en DEM pour être ensuite convertis en monnaie locale.
(209) La Commission rejette ce point de vue. Il est évident que les ententes portant sur les prix et le partage des marchés compromettent naturellement le bon fonctionnement du marché unique. Il serait erroné de conclure du simple fait que les quotas et les prix ne faisaient pas de distinction entre les différents États membres que cette infraction est grave plutôt que très grave. Ce qui importe, c'est que le jeu normal de la concurrence sur le marché unique de l'acide citrique a été remplacé par un régime collusoire portant sur les quantités et les prix, qui sont les composantes essentielles de la concurrence.
Effets réels de l'infraction sur le marché de l'acide citrique dans l'EEE
(210) L'infraction a été commise par des entreprises qui, pendant la période considérée, représentaient plus de 60 % du marché mondial et 70 % du marché européen de l'acide citrique. De surcroît, les arrangements visaient spécifiquement à restreindre les quantités vendues, à porter les prix à un niveau supérieur à ce qu'il aurait été sinon et à restreindre les ventes à certains clients. Comme ces accords ont effectivement été mis en œuvre, ils ont eu des effets réels sur le marché.
(211) Point n'est besoin de quantifier précisément l'écart de ces prix par rapport à ceux qui auraient pu être appliqués en l'absence de ces accords. En effet, cet écart ne peut toujours être mesuré d'une manière fiable : un certain nombre de facteurs extérieurs peuvent simultanément avoir affecté l'évolution des prix du produit, ce qui rend extrêmement périlleuse toute conclusion sur l'importance relative de toutes les causes possibles.
(212) Les accords constituant l'entente ont été minutieusement mis en œuvre. Comme on l'a vu plus haut, un des participants a déclaré "être surpris par le niveau de formalisme et d'organisation atteint par les participants pour parvenir à cet accord" (111).
(213) De mars 1991 au milieu de 1993, les prix convenus entre les membres de l'entente ont été annoncés aux clients et très largement mis en œuvre, en particulier pendant les premières années de l'entente. La hausse de prix à 2,25 DEM le kilo (CAA) en avril 1991, décidée lors de la réunion de l'entente de mars 1991, a été facilement appliquée. Elle a été suivie par la décision, prise par téléphone en juillet, de porter le prix à 2,70 DEM par kilo (CAA) pour le mois d'août. Cette hausse de prix a également pu être appliquée avec succès. La décision finale de porter le prix à 2,80 DEM par kilo (CAA) a été prise à la réunion de mai 1991 et appliquée en juin 1992 (112). Après cette date, les prix n'ont plus été majorés et l'entente s'est concentrée sur la nécessité de maintenir ces prix.
(214) Les quotas de vente fixés à la réunion de mars 1991 ont contribué à maintenir la pression à la hausse sur les prix et ont donc constitué un élément crucial de l'entente. Les parties ont conçu et appliqué un système détaillé d'information et de surveillance pour assurer l'application des quotas. Le respect des instructions par chaque entreprise était constamment surveillé. Ces aspects ont été décrits en détail aux considérants 81, 85 et 97 à 101.
(215) Comme on l'a vu aux considérants 88 et 102 à 111, le système de compensation convenu en mars 1991 a lui aussi été minutieusement mis en œuvre, et des achats de produits résultant directement de l'accord anticoncurrentiel ont effectivement eu lieu.
(216) Eu égard aux considérations qui précèdent et aux efforts déployés par chaque participant pour l'organisation complexe de l'entente, l'efficacité de sa mise en œuvre ne peut être mise en doute.
(217) Cerestar Bioproducts affirme également qu'elle a "refusé d'adhérer au modèle et [que] ses prix se sont toujours situés, à partir de janvier 1992, au-dessous de ceux d'autres producteurs" (113). Quant à Jungbunzlauer, elle déclare dans sa réponse qu'au plus tard au milieu de 1994 elle s'est distanciée ouvertement des tentatives de relever les prix et a pratiqué sur le marché des prix nettement inférieurs aux prix cibles. Elle va jusqu'à déclarer qu'elle ne s'est jamais souciée en pratique des parts de marché initialement convenues (114) et qu'elle est même intervenue pour mettre fin à l'entente.
(218) Il convient de rejeter l'argument avancé par Cerestar Bioproducts et Jungbunzlauer selon lequel elles se sont conduites d'une manière indépendante et se sont jouées des autres participants à l'entente. Ces deux entreprises ont participé aux réunions de l'entente jusqu'à la fin. En ce qui concerne Jungbunzlauer et ses allégations selon lesquelles elle a joué un rôle actif dans la fin de l'entente, il convient de rappeler qu'au moins lors de la dernière réunion de l'entente à Vitznau en mai 1995 Jungbunzlauer aurait joué un rôle actif. D'après les déclarations d'ADM (115), le représentant de Jungbunzlauer a pris l'initiative de la réunion de l'entente par l'envoi de messages aux autres. D'après la déclaration d'ADM, "Jungbunzlauer souhaitait obtenir une certaine stabilité sur le marché, mais aucun accord n'a été atteint" (116).
(219) Le fait que Cerestar Bioproducts et Jungbunzlauer peuvent avoir dans une certaine mesure fait abstraction des engagements pris envers les autres participants à l'entente n'implique pas qu'elles ne l'aient pas mise en œuvre. Comme le Tribunal de première instance l'a établi dans son arrêt Cascades, "une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit" (117).
(220) ADM, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer ne sont pas d'accord sur la conclusion que la Commission a tirée des effets de l'entente sur le marché de l'acide citrique dans l'EEE. Si Haarmann & Reimer "ne nie pas que l'entente ait un certain effet sur le marché (...), elle fait observer que cet effet ne peut être traduit en chiffres concrets et ne doit pas être exagéré" (118). Quant à ADM et à Jungbunzlauer, elles font valoir que l'entente n'a eu qu'un effet mineur sur le marché.
(221) ADM et Jungbunzlauer déclarent qu'à partir de 1993 les hausses de prix n'ont plus été appliquées en raison de l'arrivée de produits chinois bon marché. Haarmann & Reimer fait également observer que les effets sur le marché ont été limités en raison de l'augmentation de la demande dans les années 1991-1992, sous l'effet du développement des ventes des producteurs chinois, de même que de la "tricherie" des membres de l'entente. Haarmann & Reimer affirme également que le caractère limité des effets sur le marché est confirmé par les réponses des clients aux demandes de renseignements de la Commission du 20 janvier 1998. L'entreprise conclut que l'affirmation de la Commission selon laquelle le prix de l'acide citrique a augmenté de 40 % pendant les quatorze premiers mois doit être replacée dans le contexte économique plus général du marché.
(222) À l'appui de ses arguments, ADM a soumis à la Commission un rapport d'expert consistant en une analyse économique du secteur de l'acide citrique pendant la période considérée dans la communication des griefs. Le rapport conclut que ce marché est un oligopole dans lequel la situation de capacité par rapport à la demande totale est l'élément principal qui détermine les prix, qui pourraient par conséquent subir des variations cycliques. Le rapport affirme qu'une forte hausse des prix se serait produite de toute façon au début de l'entente. Comme ils étaient anormalement bas en 1990 et 1991, les prix ont en toute logique été relevés en 1991 et 1992. D'après le rapport, l'hypothèse d'un effet de l'entente est infirmée par le fait que pendant la période de l'infraction les prix n'ont pas atteint les niveaux observés au milieu des années 1980.
(223) Le rapport fait observer aussi qu'une large majorité des ventes d'ADM à des clients de pays de l'EEE se sont faites à des prix inférieurs aux prix planchers. Ce fait semble confirmer la conclusion selon laquelle la fixation des prix au cours de la période considérée résulte davantage d'une concurrence oligopolistique que d'une coordination. De surcroît, la partie considérée fait valoir que "les exportations chinoises étaient suffisantes pour exercer une pression sur les prix à un niveau oligopolistique (concurrentiel) plutôt que collusoire (...)" (119).
(224) Dans sa réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer tire les mêmes conclusions, soulignant que la raison essentielle de la hausse des prix en 1991 et en 1992 était l'expansion sans précédent de la demande résultant du développement de l'acide citrique en tant qu'agent séquestrant dans l'industrie des détergents. Jungbunzlauer souligne également que la hausse des prix en 1991-1992 doit être vue dans la perspective de leur baisse pendant la période 1986-1990 et qu'elle a donc simplement représenté un retour à une situation plus normale.
(225) Jungbunzlauer affirme qu'en dépit de l'entente une concurrence intense s'exerçait toujours sur le marché de l'acide citrique entre 1991 et 1995, ainsi que l'illustrent les réponses des clients aux demandes de renseignements de la Commission de janvier 1998. De surcroît, le fait que la part totale du marché mondial détenue par les parties soit tombée de 70 % à l'origine à 52 % en 1994 tendrait à démontrer que l'entente n'était plus en mesure d'influencer la formation des prix.
(226) Aucun des arguments ci-dessus utilisés par les parties pour minimiser la constatation de la Commission selon lequel l'entente a eu un effet réel sur le marché n'est déterminant. Les explications des hausses de prix de 1991-1992 fournies par ADM, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer peuvent avoir une certaine validité, mais elles ne démontrent pas d'une manière convaincante que la mise en œuvre de l'entente n'aurait pu jouer aucun rôle dans les fluctuations de prix. Si les phénomènes décrits peuvent se produire en l'absence d'une entente, ils cadrent aussi parfaitement avec son existence. La hausse des prix de l'acide citrique de 40 % en quatorze mois ne peut s'expliquer exclusivement par une réaction purement concurrentielle, mais doit être interprétée à la lumière des accords conclus entre les participants pour coordonner les hausses de prix et s'attribuer des parts de marché, ainsi que pour mettre en place un système d'information et de surveillance. Tous ces éléments auront contribué au succès des hausses de prix.
(227) L'argument de Jungbunzlauer selon lequel les réponses des divers acheteurs d'acide citrique aux demandes de renseignements que la Commission leur a adressées en janvier 1998 n'est pas non plus concluant. La question posée par la Commission sur l'intensité de la concurrence sur le marché doit être vue dans le contexte d'une enquête préliminaire sur les caractéristiques essentielles du marché de l'acide citrique et c'est la raison pour laquelle elle était formulée en termes généraux. Un grand nombre de répondants font simplement observer que ce marché est mondial, que plusieurs acteurs importants se font concurrence par les prix dans les procédures d'appel d'offres et que le prix du produit a fortement varié au cours des années. Les réponses données à la Commission ne peuvent en aucune façon être considérées comme une démonstration de l'inexistence des effets de l'entente. Eu égard au caractère extrêmement complexe des arrangements illégaux, on ne peut certainement pas s'attendre à ce que les clients soient capables de confirmer l'inexistence de la concurrence sur le marché en question. Il convient d'observer aussi que certains répondants soulignent la grande similitude entre les prix donnés par les principaux producteurs.
(228) La réduction graduelle, soulignée par Jungbunzlauer, de la "part de marché" globale de l'entente d'environ 70 % au début à 52 % en 1994 illustre très certainement les difficultés rencontrées par les participants à l'entente pour maintenir les prix au-dessus de leur niveau concurrentiel. Il ne démontre toutefois pas que la pratique illégale n'ait pas eu d'effet sur le marché. Au contraire, la forte augmentation des importations de Chine à partir de 1992 indique que les membres de l'entente ne s'adaptaient pas comme ils l'auraient fait normalement aux pressions sur les prix exercées par ces importations.
Taille du marché géographique en cause
(229) L'entente visait l'ensemble du marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE. La totalité du marché commun et de l'EEE était sous l'influence de la collusion. Pour déterminer la gravité de l'infraction, la Commission considère par conséquent que l'ensemble de la Communauté et, après sa création, de l'EEE a été affecté par l'entente.
Conclusion de la Commission sur la gravité de l'infraction
(230) Eu égard à la nature du comportement examiné, à son effet réel sur le marché de l'acide citrique et au fait qu'il s'est étendu à l'ensemble du marché commun et, après sa création, de l'EEE, la Commission considère que les entreprises visées par la présente décision ont commis une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(231) Haarmann & Reimer a fait valoir dans sa réponse à la communication des griefs que, d'après ses propres calculs, la valeur annuelle totale du marché de l'acide citrique dans la Communauté n'était que d'environ 250 millions d'euros en 1996, et que la Commission devait revoir sa conclusion selon laquelle il s'agissait d'un secteur industriel majeur.
(232) Il y a lieu de rejeter cette demande. Même si la valeur d'un marché affecté par une entente consistant à fixer les prix ou à répartir les marchés (au niveau de la Communauté ou de l'EEE) n'est pas très élevée, la Commission n'est pas obligée de classer l'infraction comme grave plutôt que très grave.
Classification des participants à l'entente
(233) Dans la catégorie des infractions très graves, l'échelle proposée des sanctions retenues permet de différencier le traitement appliqué aux entreprises pour tenir compte de la capacité économique réelle des auteurs de l'infraction de causer un dommage important à la concurrence, et de fixer l'amende à un niveau qui lui assure un effet suffisamment dissuasif. La Commission observe que cela paraît particulièrement nécessaire lorsque, comme dans le cas d'espèce, il existe une disparité considérable dans la taille des entreprises parties à l'infraction.
(234) Dans les circonstances de l'espèce, qui intéresse plusieurs entreprises, il faudra, en fixant le montant de base des amendes, tenir compte du poids spécifique et donc de l'effet réel du comportement illégal de chaque entreprise sur la concurrence.
(235) À cet effet, les entreprises en cause peuvent être classées en différentes catégories selon leur importance relative sur le marché en cause, avec des ajustements le cas échéant pour tenir compte d'autres facteurs et en particulier de la nécessité d'assurer une dissuasion effective.
(236) La Commission considère qu'il convient de fonder la comparaison de l'importance relative des entreprises sur le marché en cause sur le chiffre d'affaires mondial réalisé pour le produit considéré. Vu le caractère mondial du marché, ce sont ces chiffres qui donnent l'image la plus fidèle de la capacité des entreprises participantes de causer un préjudice important aux autres opérateurs dans le marché commun et/ou l'EEE. Il s'agissait en effet d'une entente mondiale qui avait notamment pour objet de répartir les marchés au niveau mondial et donc de retirer des réserves concurrentielles du marché de l'EEE. De surcroît, le chiffre d'affaires réalisé sur le plan mondial par chaque partie à l'entente fournit également une indication de sa contribution à l'effectivité de l'entente dans son ensemble ou, inversement, de l'instabilité qui aurait frappé l'entente si elle n'y avait pas participé. La comparaison est faite sur la base du chiffre d'affaires mondial réalisé pour le produit en cause la dernière année de l'infraction (c'est-à-dire 1995). Le tableau présenté au considérant 44 fournit les chiffres correspondants.
(237) En 1995, Haarmann & Reimer, avec une part de marché mondial de 22 %, était le producteur le plus important sur le marché. ADM et Jungbunzlauer suivaient, avec des parts de marché similaires de [.] %. Hoffmann-La Roche avait une part de marché de 9 %. Cerestar Bioproducts le plus petit producteur du marché : en 1995, sa part de marché estimée était de 2,5 %.
(238) Haarmann & Reimer, compte tenu de sa part de marché importante, sera placé dans le premier groupe. ADM, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer seront placés dans un second groupe. Cerestar Bioproducts, qui était de loin le plus petit compétiteur, sera placé dans un troisième groupe.
(239) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié des amendes tel qu'il résulte du critère de l'importance relative sur le marché en cause est fixé comme suit pour chacun des groupes :
- Haarmann & Reimer : 35 millions d'euros,
- ADM, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer : 21 millions d'euros,
- Cerestar Bioproducts : 3,5 millions d'euros.
Montant suffisamment dissuasif
(240) Afin de faire en sorte que l'amende soit suffisamment dissuasive, la Commission déterminera en outre si un autre ajustement du montant de base est nécessaire pour l'une quelconque des entreprises.
(241) Le tableau présenté au considérant 50 donne une indication de la taille relative des destinataires de la présente décision, ainsi que de la société faîtière qui les contrôle à 100 %.
(242) Avec un chiffre d'affaires réalisé sur le plan mondial de 18,403 millions d'euros et de 13,936 millions d'euros respectivement en 2000, les sociétés Hoffmann-La Roche et ADM sont beaucoup plus importantes que les autres destinataires de la présente décision. La Commission considère donc que le montant de départ de l'amende à retenir selon le critère de l'importance relative sur le marché en cause nécessite un nouvel ajustement en hausse pour tenir compte précisément de la taille et des ressources globales de ces deux entreprises.
(243) Une analyse comparative de la taille respective de la société faîtière qui contrôle les destinataires de la présente décision à 100 % révèle que Haarmann & Reimer fait partie intégrante d'une entité économique très importante. La société Haarmann & Reimer avait et a toujours pour société mère ultime Bayer AG, qui a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires mondial de 30 791 millions d'euros.
(244) La Commission pense qu'il serait injuste de n'appliquer de majoration qu'à ADM et à Hoffmann-La Roche, et non à Haarmann & Reimer. Cette approche signifierait que la possibilité pour la Commission de tenir compte de la grande taille des entités économiques mentionnées au considérant 50, dépendrait de la structure d'organisation de l'entité économique considérée. Celle qui constituerait une entité juridique unique comprenant plusieurs divisions industrielles serait injustement pénalisée par rapport à une autre qui serait organisée sous la forme d'un groupe de filiales successives qu'elle contrôle à 100 %.
(245) Par conséquent, la Commission considère que, pour tenir compte de la taille et des ressources globales de l'entité économique à laquelle elles appartiennent, il est nécessaire de relever le montant de départ de l'amende résultant de l'application du critère de l'importance relative sur le marché en cause, fixé pour Cerestar Bioproducts.
(246) Eu égard à ce qui précède, la Commission considère que, pour être dissuasive, l'amende de base fixée au considérant 239 doit être majorée de 100 % pour être portée à 42 millions d'euros pour ADM et Hoffmann-La Roche, et de 150 % pour être portée à 87,5 millions d'euros pour Haarmann & Reimer.
Durée de l'infraction
(247) La Commission estime que ADM, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE entre mars 1991 et mai 1995.
(248) Cerestar Bioproducts a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE entre mai 1992 et mai 1995.
(249) ADM, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer ont commis l'infraction pendant quatre ans, soit une durée moyenne. Les montants de départ des amendes fixés selon la gravité (considérants 239 et 246) sont donc majorés de 40 %.
(250) Cerestar Bioproducts a commis l'infraction pendant trois ans, soit également une durée moyenne. Le montant de départ de l'amende fixé en fonction de la gravité (considérant 239) est donc majoré de 30 %.
Conclusion sur les montants de base
(251) ADM fait valoir que, dans le cas d'espèce, il ne conviendrait pas que la Commission, en fixant le montant des amendes, suive la méthode expliquée dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle maintient que la Commission n'a pas le droit de modifier radicalement la méthode de fixation des amendes en faisant abstraction du chiffre d'affaires réalisé pour le produit en cause dans l'EEE. D'après ADM, ces lignes directrices ne devraient s'appliquer qu'aux infractions commises après leur publication au Journal officiel du 14 janvier 1998.
(252) ADM invoque l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance dans l'affaire T-77-92, Parker Pen (120), dans lequel celui-ci a déclaré que la Commission n'avait pas tenu compte du fait que le chiffre d'affaires réalisé pour le produit sur lequel portait l'infraction était relativement faible par rapport à celui qui résultait des ventes totales de Parker, et a réduit en conséquence l'amende fixée par la Commission. ADM estime que le Tribunal a bien précisé qu'une amende fixée sans tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise dans la Communauté pour les produits sur lesquels l'infraction porte serait considérée pour cette raison comme disproportionnée.
(253) La Commission reconnaît que, dans le passé, elle a souvent fixé l'amende selon un taux de base représentant un pourcentage déterminé des ventes sur le marché en cause de la Communauté. Or, les seules exigences entourant l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en matière de fixation des amendes en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 sont qu'elle doit tenir compte de la gravité et de la durée de l'infraction et observer un plafond fixé par référence au chiffre d'affaires total des entreprises considérées. Or, ces facteurs sont pleinement et équitablement pris en considération dans la présente décision.
(254) Par conséquent, la Commission fixe les montants de base des amendes comme suit :
- Archer Daniels Midland Company Inc : 58,8 millions d'euros,
- Cerestar Bioproducts BV : 4,55 millions d'euros,
- F. Hoffmann-La Roche AG : 58,8 millions d'euros,
- Haarmann & Reimer Corporation : 122,5 millions d'euros,
- Jungbunzlauer AG : 29,4 millions d'euros.
2. Circonstances aggravantes
Rôle du meneur dans l'infraction
(255) La Commission considère qu'ADM et Hoffmann-La Roche ont été les deux meneurs de l'infraction.
(256) Dans sa réponse à la communication des griefs, ADM fait valoir qu'elle n'a pas joué de rôle d'instigateur ni de meneur et qu'elle s'est bornée au contraire à suivre les autres participants à l'entente.
(257) À l'appui de cette affirmation, ADM déclare que la communication des griefs fait allusion au fait "que le secteur avait déjà pris des mesures pour fixer les prix avant [mars 1991]" et que "Jungbunzlauer déclare qu'en 1990, elle avait été pressentie par un membre du conseil d'administration de Haarmann & Reimer (...) pour coordonner une approche sur les prix des fabricants d'acide citrique" (121). ADM fait également allusion à "l'impression du témoin d'ADM qui, bien que n'ayant pas de preuve directe, a été amené à comprendre à certaines réunions qu'il y avait eu un arrangement concernant l'acide citrique antérieur à la participation d'ADM" (122). ADM fait également allusion à d'autres dossiers examinés par la Commission qui, selon elle, indiqueraient implicitement que l'entente sur l'acide citrique était antérieure à son entrée sur le marché. ADM fait valoir que, étant donné que ces arrangements existaient avant sa participation, elle ne saurait en être l'instigateur.
(258) ADM fait également observer que la première réunion du 6 mars 1991 était dirigée par Hoffmann-La Roche. Elle déclare que Haarmann & Reimer a tort de déduire des déclarations d'un salarié d'ADM au FBI qu'ADM était le meneur de l'entente. ADM souligne également qu'elle n'a jamais fait office de président de l'entente et qu'elle n'avait pas invité ni forcé d'autres participants à adhérer à l'entente.
(259) Pour sa part, Hoffmann-La Roche déclare qu'elle n'était ni l'instigateur ni le meneur de l'entente sur l'acide citrique et qu'elle n'a pas pressé d'autres entreprises à prendre part à l'infraction. Hoffmann-La Roche précise que l'élément moteur de l'entente était essentiellement la direction d'ADM. Selon Hoffmann-La Roche, ADM a décidé de sa propre initiative de développer des contacts bilatéraux avec les autres producteurs d'acide citrique. Elle a généralement joué le rôle de meneur pour les prix, comme le confirmerait la déposition de l'un de ses employés (123). Hoffmann-La Roche indique aussi que les déclarations de Cerestar Bioproducts confirment le rôle directeur joué par ADM (124).
(260) Hoffmann-La Roche fait observer en outre que la première réunion de l'entente a eu lieu à l'occasion d'une réunion de l'ECAMA, dont la présidence lui avait été transférée conformément à des accords de rotation. Les participants à l'entente sont convenus avec la présidence qu'il fallait une organisation au sein de l'entente et c'est ce qui expliquerait pourquoi Hoffmann-La Roche a alors été chargée de conduire les discussions de l'entente et de faire gérer par son secrétariat le point de contact établi par les parties. Hoffmann-La Roche précise néanmoins qu'elle ne s'est pas vu confier de rôle précis outre cette fonction administrative. Dans la mesure où elle n'avait pas de position particulière au sein de l'entente, Hoffmann-La Roche a peut-être fait office de médiateur dans le cas de différends internes entre les participants à l'entente.
(261) Hoffmann-La Roche ajoute que, après le transfert de la présidence de l'ECAMA à Jungbunzlauer en 1994, cette dernière a également repris le rôle d'organisateur de l'entente. Elle précise que, après la retraite de son premier représentant (président de l'ECAMA), son successeur n'a joué qu'un rôle très subordonné au sein de l'entente.
(262) En dépit des arguments développés plus haut, la Commission maintient qu'ADM et Hoffmann-La Roche doivent être considérées comme les deux meneurs de l'entente sur l'acide citrique.
(263) Bien que les réunions successives qui ont eu lieu entre ADM et, respectivement, Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer en janvier 1991 aient été qualifiées par ADM de "présentation ", la Commission juge très probable qu'elles ont joué un rôle déterminant dans l'établissement (ou le rétablissement) de l'entente sur l'acide citrique en mars 1991. Vu le délai très bref qui s'est écoulé entre cette série de réunions et la première réunion multilatérale de l'entente du 6 mars 1991, il est très probable que la possibilité ou l'intention d'établir une entente formalisée a été discutée, comme l'indique en particulier le contenu des discussions selon le compte rendu qu'en a fait un employé d'ADM : bien que la description des discussions reste vague, cet employé indique qu'à deux occasions au moins, un concurrent a été "dénigré" (disparaged) pour la manière dont il menait ses activités dans le secteur de l'acide citrique. Cette expression de ressentiment à l'égard d'un concurrent accusé de ne pas se comporter convenablement sur le marché traduit de toute évidence un objectif anticoncurrentiel d'apporter plus de discipline sur le marché.
(264) La Commission estime néanmoins que l'existence d'un cycle de réunions bilatérales entre ADM et ses concurrents peu avant la première réunion multilatérale de l'entente ne suffit pas pour conclure qu'ADM était l'instigateur de l'entente, mais en constitue une forte indication. Elle possède toutefois suffisamment d'éléments supplémentaires pour conclure qu'ADM était un meneur de l'entente.
(265) Pendant son interrogatoire par le FBI en 1996, un ancien représentant d'ADM aux réunions de l'entente a déclaré, faisant allusion à un autre représentant d'ADM aux mêmes réunions, que "la mécanique de l'arrangement G-4/5 semblait être l'idée de [nom de ce représentant d'ADM] et qu'à la réunion du 6 mars 1991 à Bâle, où l'arrangement à CA a été formulé, [nom du représentant d'ADM] a joué un rôle assez actif". Toujours à propos du même collègue, il a ajouté que [nom du représentant d'ADM] était considéré comme "Le Sage", et était même surnommé "le prédicateur" (125) [nom d'un représentant de Jungbunzlauer]. (Traduction d'un document original en anglais).
(266) Dans sa déclaration du 25 mars 1999, Cerestar Bioproducts affirme également que "bien que [noms des représentants de Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer] présidaient normalement la réunion Masters, Bioproducts avait la nette impression que [nom d'un représentant d'ADM] jouait un rôle moteur. [Nom d'un représentant d'ADM] présidait les réunions Sherpa et préparait généralement les dossiers et les propositions pour les barèmes à convenir" (126).
(267) La Commission conclut par conséquent qu'ADM était un meneur de l'entente sur l'acide citrique.
(268) En dépit de ses dénégations, il est également manifeste qu'Hoffmann-La Roche a joué un rôle déterminant dans l'entente. La première réunion multilatérale de l'entente, le 6 mars 1991, a été organisée et présidée par un représentant d'Hoffmann-La Roche, qui a assuré la présidence de toutes les réunions "Masters" jusqu'à 1994, lorsqu'il a pris sa retraite.
(269) Le rôle de meneur d'Hoffmann-La Roche est également mis en lumière dans la déclaration au FBI de l'ancien représentant d'ADM au sein de l'entente. D'après la transcription de l'interrogatoire, le représentant d'ADM à la réunion du 6 mars 1991 a déclaré que le représentant d'Hoffmann-La Roche "pouvait avoir fait allusion à la nécessité d'être prudent dans la rédaction de notes concernant Hoffmann-La Roche et de ne pas parler des réunions, et avait fait allusion à une autre question de fixation des prix dans laquelle Laroche était impliquée. [Nom du représentant de Hoffmann-La Roche] a bien fait comprendre au groupe que rien ne devait être conservé par écrit" (127).
(270) Le fait, comme elle le reconnaît elle-même dans sa réponse à la communication des griefs, que Hoffmann-La Roche ait joué un rôle de médiateur en cas de différend entre participants illustre son engagement d'assurer un fonctionnement sans heurts de l'entente. Les efforts qu'elle a déployés pour résoudre les querelles internes, loin de la disculper, montrent au contraire qu'Hoffmann-La Roche exerçait une certaine domination sur le groupe.
(271) D'après la Commission, les circonstances qui entourent l'entrée de Cerestar Bioproducts dans l'entente témoignent également du rôle de meneur de Hoffmann-La Roche. Cerestar Bioproducts décrit comme suit le premier contact établi en novembre 1991 dans le contexte de l'ECAMA : "À l'occasion d'une réunion de l'assemblée générale de l'ECAMA à Bruxelles, [nom d'un représentant d'Hoffmann-La Roche] a invité [nom du directeur général de Cerestar Bioproducts] à lui rendre visite à Bâle pour discuter de la possibilité d'adhérer à un "club". Une "réunion de club" (c'est-à-dire d'une entente) avait apparemment eu lieu l'après-midi précédent" (128). C'est par conséquent le représentant de Hoffmann-La Roche qui a pressenti le directeur général de Cerestar Bioproducts et lui a expliqué, le 12 février 1992, les mécanismes fondamentaux de l'entente (129).
(272) L'argument avancé par Hoffmann-La Roche selon lequel elle a présidé les réunions parce qu'elle présidait les réunions de l'ECAMA ne peut l'exonérer de la responsabilité de ses actions puisqu'elle n'y était en aucune façon contrainte par les autres participants et aurait pu refuser d'assumer la présidence de l'entente et la collecte des données sur les ventes. Cet argument doit donc être rejeté. De la même façon, le profil bas qu'Hoffmann-La Roche aurait adopté dans l'entente après le transfert de la présidence des réunions de l'entente à Jungbunzlauer ne modifie en rien la constatation de la Commission selon laquelle Hoffmann-La Roche a joué globalement un rôle de meneur dans l'entente.
(273) Pour conclure, la Commission considère qu'ADM et Hoffmann-La Roche ont été les deux meneurs de l'entente. Ce fait est donc retenu comme circonstance aggravante à prendre en considération dans la fixation du montant des amendes infligées à ADM et à Hoffmann-La Roche, et justifie une majoration de leur montant de base respectif de 35 %. Cette majoration tient compte du fait que quoique ces deux entreprises aient clairement joué un rôle particulièrement important dans l'infraction, d'autres membres du cartel assumaient également la charge d'activités habituellement liées à l'exercice du rôle de meneur, comme par exemple les présidence de réunions, ou la centralisation de la collecte et de la distribution des données.
3. Circonstances atténuantes
Un rôle exclusivement passif dans l'infraction
(274) Cerestar Bioproducts déclare dans sa réponse qu'elle n'a ni lancé ni mené l'entente, mais y a au contraire joué un rôle mineur. Elle fait valoir en outre que sa petite part de marché dans l'EEE et le fait qu'elle n'a pas participé à toutes les réunions et qu'elle n'a jamais organisé ni accueilli aucune des réunions de l'entente doivent être pris en considération pour réduire le montant de toute amende qui lui serait infligée. Cette société affirme en outre qu'elle était préoccupée par les conséquences d'une non-adhésion à l'entente. Elle déclare que l'achat de l'usine de Biacor a attiré l'hostilité ouverte des principaux producteurs d'acide citrique et qu'elle craignait des mesures de représailles qui auraient mis fin à ses activités si elle n'y avait pas adhéré.
(275) Jungbunzlauer fait également valoir dans sa réponse à la communication des griefs que sa participation à l'entente s'est limitée à un rôle exclusivement passif consistant à "suivre le chef". À titre d'argument préliminaire, Jungbunzlauer fait observer que l'établissement de l'entente a été déclenché par son comportement de "nouveau venu" sur le marché de l'acide citrique. Eu égard à la politique de prix agressive pratiquée par Jungbunzlauer pour prendre pied sur le marché, les accords collusoires visaient initialement à lier le "trouble-fête" à une discipline convenue d'un commun accord. Jungbunzlauer ajoute qu'elle ne pouvait éviter ces accords au début parce qu'elle redoutait d'être évincée du marché par des concurrents qui, selon elle, étaient beaucoup plus importants et financièrement beaucoup plus puissants.
(276) Étant essentiellement un producteur d'acide citrique, Jungbunzlauer déclare qu'elle courait un risque commercial beaucoup plus grave que les autres entreprises et que sa survie aurait pu être mise en péril si elle avait perdu un volume important de vente. Elle ajoute qu'elle dépendait, en tant qu'acheteur de glucose, du bon vouloir des autres participants à l'entente, qui auraient pu agir sur les autres fabricants de glucose en dehors de leur propre groupe de façon à porter atteinte aux sources d'approvisionnement de Jungbunzlauer.
(277) Jungbunzlauer affirme aussi que Haarmann & Reimer exerçaient sur elle des "pressions considérables" pour la contraindre à prendre part à l'accord. En 1990, Jungbunzlauer aurait reçu à Vienne la visite d'un représentant de Haarmann & Reimer, qui lui aurait déclaré que les producteurs devaient coordonner leur action. D'après Jungbunzlauer, ce n'est que lorsqu'elle a eu des raisons de craindre qu'un comportement coordonné de la part de ses concurrents puisse également être dirigé contre elle qu'elle s'est déclarée disposée à assister à une réunion (130).
(278) Enfin, Jungbunzlauer allègue qu'elle n'a pas joué de rôle actif dans la mise en œuvre des accords et que le fait que son président-directeur général ait repris le rôle de centre d'information, par l'intermédiaire de son secrétariat, ne démontre pas qu'elle ait joué ce rôle.
(279) Dans sa réponse à la communication des griefs, Haarmann & Reimer conteste avec force l'affirmation de Jungbunzlauer selon lequel elle était soumise à des pressions de la part de Haarmann & Reimer et qu'elle n'était qu'un nouveau venu ou un "élément extérieur". Haarmann & Reimer conteste aussi avec force les descriptions faites par Jungbunzlauer des autres fournisseurs comme "fournisseurs établis", tout en maintenant que Jungbunzlauer n'appartenait pas à cette catégorie.
(280) Haarmann & Reimer fait observer que, selon ses propres déclarations, Jungbunzlauer est fournisseur d'acide citrique depuis 1967, dont elle a été pendant de nombreuses années le premier fabricant européen, avec la plus grosse part de marché en Europe. Haarmann & Reimer déclare aussi que le fait que le président-directeur général de Jungbunzlauer ait assumé la responsabilité de l'organisation logistique des réunions à partir de 1994 et ait ultérieurement présidé certaines réunions de l'entente démontre le rôle décisif joué par cette société.
(281) Dans sa réponse, Hoffmann-La Roche conteste également les assertions de Jungbunzlauer concernant les pressions auxquelles elle aurait été soumise. Hoffmann-La Roche fait observer que Jungbunzlauer ne décrit en aucune façon de quelle façon et à quel moment elle aurait subi ces pressions et conteste son argument selon lequel elle n'aurait joué qu'un mineur, en faisant valoir qu'elle détenait déjà 16 % du marché mondial en 1990 et possédait des usines dans quatre pays. Hoffmann-La Roche relève également le rôle de premier plan joué par Jungbunzlauer dans la préparation de procédures antidumping contre les producteurs chinois, ainsi que sa participation à toutes les réunions multilatérales de l'entente pendant la période correspondant à l'infraction.
(282) La Commission ne peut que rejeter tous les arguments avancés par Cerestar Bioproducts et Jungbunzlauer.
(283) Le fait que Cerestar Bioproducts ait été un acteur de second rang sur le marché de l'acide citrique et qu'elle puisse avoir été préoccupée par les conséquences de sa non-adhésion à l'entente ne l'exonère pas de sa propre responsabilité en tant que société. Ainsi, elle aurait pu notifier l'entente à la Commission.
(284) La Commission ne peut retenir les arguments de Jungbunzlauer. Le simple fait que, à compter de 1994, cette société ait repris la responsabilité de la collecte des données sur les ventes et que son PDG ait présidé les réunions de l'entente suffit à démontrer qu'elle a y joué un rôle actif allant bien au delà de ce qu'elle reconnaît.
Absence de mise en œuvre des accords litigieux
(285) Comme on l'a vu aux considérants 212 et 218, la Commission considère que les accords anticoncurrentiels ont été minutieusement mis en œuvre. Cette circonstance atténuante ne s'applique donc à aucun des destinataires de la présente décision.
Autres circonstances atténuantes
(286) Cerestar Bioproducts déclare que l'usine de production d'acide citrique qu'elle avait rachetée à Biacor n'a jamais produit de bénéfices et n'a pas profité de l'entente. Elle déclare que, vers la fin des années 1990, cette situation était devenue intenable et fait observer qu'elle a ensuite vendu l'usine et abandonné la production d'acide citrique en juin 1999.
(287) La Commission ne considère pas d'une manière générale que le fait de ne pas tirer profit d'une entente, ou bien un préjudice économique subi du fait de la participation à une entente, constitue une circonstance atténuante à prendre en considération pour fixer l'amende. C'est la raison pour laquelle elle rejette l'argument de Cerestar Bioproducts.
(288) ADM indique qu'il convient de retenir comme circonstance atténuante son premier plan intitulé "Corporate Code of Conduct and Compliance Policy", approuvé par son conseil d'administration en juillet 1996. De la même façon, Haarmann & Reimer souligne qu'elle a mis en vigueur un programme de respect de la réglementation "il y a plusieurs années" (sans toutefois en indiquer la date ou le contenu) et que, en décembre 1996 et en janvier 1997, le président de Bayer Corporation a écrit à tous les salariés de la société pour leur rappeler les obligations qui leur incombaient en vertu du droit de la concurrence. Enfin, Jungbunzlauer fait également valoir que, à l'automne de 1995, elle a lancé une politique de respect du droit relatif aux ententes.
(289) La Commission se réjouit que ces entreprises aient développé des politiques de respect de la législation sur les ententes, mais considère que ces initiatives sont venues trop tard et ne sauraient, comme instruments de prévention, la dispenser de son devoir de sanctionner la violation des règles de concurrence commise dans le passé par ADM, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer.
(290) Jungbunzlauer estime que le fait que les accords "constituaient également une mesure de défense contre les importations bon marché de Chine, qui provoquaient de graves distorsions de la concurrence " (131) devrait permettre de réduire le montant de l'amende. Elle affirme que les exportations des producteurs chinois bénéficiaient d'une aide de l'État et que leurs produits étaient offerts en Europe à des prix très bas, manifestement inférieurs aux coûts.
(291) La Commission rejette totalement cet argument. Comme elle l'a déclaré au considérant 166, il n'appartient certainement pas aux principaux opérateurs d'un segment de marché donné d'entreprendre des actions privées concertées quant aux prix qu'ils facturent à leurs clients, afin de compenser, de quelque manière que ce soit, les stratégies de dumping des entreprises de pays tiers.
4. Conclusion sur les montants d'amendes avant toute application de la communication de la Commission sur la clémence
(292) La Commission fixe en conséquence, préalablement à toute application de la communication sur la clémence, le montant des amendes comme suit :
- pour Archer Daniels Midland Company Inc : 79,38 millions d'euros,
- pour Cerestar Bioproducts BV : 4,55 millions d'euros,
- pour F. Hoffmann-La Roche AG : 79,38 millions d'euros,
- pour Haarmann & Reimer Corporation : 122,5 millions d'euros,
- pour Jungbunzlauer AG : 29,4 millions d'euros.
(293) Toutefois, compte tenu du fait que les montants calculés selon la méthode décrite ci-dessus ne peuvent, en tout état de cause, excéder 10 % du chiffre d'affaires total des destinataires (conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17), les amendes sont fixées comme suit, afin de ne pas dépasser la limite applicable :
- pour Archer Daniels Midland Company Inc : 79,38 millions d'euros,
- pour Cerestar Bioproducts BV : 1,75 million d'euros,
- pour F. Hoffmann-La Roche AG : 79,38 millions d'euros,
- pour Haarmann & Reimer Corporation : 20,31 millions d'euros (1),
- pour Jungbunzlauer AG : 29,4 millions d'euros.
(1) Pour calculer la limite supérieure applicable à l'amende imposée à Haarmann & Reimer Corporation, qui n'était qu'une holding financière en 2000, la Commission prend en compte le chiffre d'affaires total de l'entreprise commune Haarmann & Reimer pour la même année. Haarmann & Reimer Corporation contrôle à 51 % l'entreprise commune Haarmann & Reimer.
5. Application de la communication de la Commission sur la clémence
(294) Les destinataires de la présente décision ont coopéré avec la Commission, dans différentes phases de l'enquête sur l'infraction, afin de bénéficier du traitement favorable décrit dans la communication sur les mesures de clémence. Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises en cause quant à la non-imposition d'amendes ou à la réduction de leur montant du fait de leur coopération, la Commission examine dans la section qui suit si les parties en cause ont rempli les conditions définies dans cette communication.
Non-imposition d'une amende ou réduction très importante de son montant
(295) ADM déclare qu'elle remplit chacune des exigences énoncées à la section B de la communication sur la clémence.
(296) ADM fait observer qu'elle pris contact pour la première fois avec la Commission le 9 septembre 1998 et lui a exprimé, lors de la réunion qui a suivi, le 29 septembre 1998, son intention de coopérer dans le cadre de la communication sur la clémence, en offrant des documents et des témoignages attestant l'existence de l'accord sur l'acide citrique. ADM fait valoir que, après avoir demandé à la Commission des précisions sur le type et la nature des preuves qui seraient les plus utiles pour elle lors d'une réunion du 10 novembre 1998, elle a procédé à une enquête interne et a pu lui fournir des témoignages de première main à la réunion du 11 décembre 1998, des preuves documentaires contemporaines ainsi que des documents faisant apparaître le contexte et la mise en œuvre de l'entente.
(297) ADM souligne que, par conséquent, elle a été la première à produire des preuves documentaires sur l'entente, le 11 décembre 1998, et "la première à fournir une déclaration décrite détaillant sa participation, les réunions, les participants, les prix et quotas convenus et les mécanismes de surveillance et de compensation de l'entente" (132).
(298) ADM déclare également qu'elle a été la première à produire des preuves déterminantes de l'existence de l'entente, et notamment "des informations complètes sur les réunions, les participants, les mécanismes de compensation et de surveillance, les prix et quotas applicables dans l'Union européenne " (133). ADM affirme que les preuves qu'elle a fournies ont constitué la base de nouvelles demandes de renseignements à d'autres producteurs d'acide citrique, qui les ont amenés ultérieurement à admettre leur participation à l'entente et à coopérer à l'enquête de la Commission.
(299) ADM déclare que, avant d'avoir reçu les preuves qu'elle a fournies, la Commission n'avait pas de preuve matérielle de l'existence de l'entente, notamment en ce qui concerne la Communauté.
(300) ADM relève que Cerestar Bioproducts a également coopéré avec la Commission et que, d'après les dossiers de la Commission, la première offre de coopération de cette dernière société a été faite le 7 octobre 1998, c'est-à-dire après les premiers aveux d'ADM et son offre de coopération. ADM fait observer que Cerestar Bioproducts a fourni la confirmation écrite de sa participation le 25 mars 1999, donc après la première déclaration écrite d'ADM, le 15 janvier 1999, et uniquement après l'envoi par la Commission d'une nouvelle demande de renseignements à Cerestar Bioproducts le 3 mars 1999, fondée sur les renseignements fournis par ADM.
(301) ADM affirme que les preuves finalement apportées par Cerestar Bioproducts étaient limitées et qu'il n'est pas clair que des témoignages directs aient été offerts. Elle déclare que cette entreprise n'a pas fourni le détail des prix ou quotas convenus (outre les quotas établis par Cerestar Bioproducts elle-même), que l'identité des autres participants n'a été donnée que pour trois des 17 réunions identifiées comme réunions "possibles" de l'entente et que six de ces réunions n'ont en fait pas eu lieu du tout d'après les preuves fournies par les autres parties et les constatations de la Commission. ADM relève notamment que, après son admission, Cerestar Bioproducts elle-même a fait l'objet d'une nouvelle demande de renseignements plus détaillée fondée sur les données fournies par ADM.
(302) Pour sa part, Cerestar Bioproducts admet que si elle n'a pas été la première partie à fournir une déclaration écrite, elle a été "la première à coopérer et à donner des renseignements détaillés sur l'entente, sa structure, ses règles de base et la réunion entre concurrents" (134).
(303) Cerestar Bioproducts fait valoir que la communication des griefs ne décrit pas fidèlement le niveau de coopération qu'elle a eu avec la Commission et l'importance de cette coopération substantielle pour les progrès de son enquête. Elle déclare que les dates à prendre en considération sont le 29 octobre 1998, lorsqu'elle a fourni une première description détaillée de l'entente, le 17 décembre 1998, lorsqu'elle a donné d'autres informations et documents de base, ainsi que le 23 février 1999, lorsqu'elle a remis à la Commission un document complétant le compte rendu de la Commission de la réunion du 29 octobre 1999, qui a finalement formé la base de la déclaration de Cerestar Bioproducts du 25 mars 1999.
(304) Cerestar Bioproducts fait observer que, lors d'une réunion qui a eu lieu à sa demande le 29 octobre 1998, elle a expliqué oralement le contexte, l'origine et l'historique de l'entente. Elle fait observer que, à ce moment-là, la Commission n'avait pas de preuves directes d'une entente ou de pratiques illicites autres que les informations qu'elle avait reçues du ministère de la justice, et qu'il s'agissait des premières preuves réelles qu'elle eût reçues d'une entente possible entre producteurs d'acide citrique dans l'Union européenne.
(305) La Commission admet que Cerestar Bioproducts a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants sur l'existence d'une entente internationale affectant l'EEE dans le secteur de l'acide citrique. Ces éléments lui ont été donnés lors de la réunion du 29 octobre 1998, bien qu'ils n'aient pas été immédiatement produits sous forme écrite.
(306) Les renseignements fournis par Cerestar Bioproducts à la réunion du 29 octobre 1998, qui correspondent à ceux qui ont figuré ultérieurement dans sa déclaration écrite du 25 mars 1999, ont suffi pour établir l'existence de l'entente et ont été communiqués à la Commission avant qu'ADM ne les lui fournisse. Les données apportées par ADM à la réunion du 29 septembre ne constituaient pas des preuves déterminantes puisqu'elles ne suffisaient pas pour établir l'existence de l'entente.
(307) Cerestar Bioproducts a été la première entreprise à fournir des informations déterminantes à la Commission avant que celle-ci n'ait procédé à une vérification sur décision. Elle remplit par conséquent les conditions fixées à la section B de la communication sur la clémence.
(308) À l'inverse, ADM ne remplit pas la condition b) de la section B de la communication sur la clémence et ne peut par conséquent bénéficier d'une réduction de l'amende comme prévu dans cette section. De surcroît, la Commission a constaté qu'ADM était l'un des meneurs de l'entente et cette société ne remplit donc pas non plus la condition énoncée au point e) de la section B de la communication sur la clémence.
(309) La Commission note que Cerestar Bioproducts n'a pris contact avec la Commission qu'une fois informée de l'ouverture d'une enquête dans la présente affaire. La demande de clémence présentée par cette société n'était donc pas tout à fait spontanée et la Commission en tiendra compte en fixant la réduction de l'amende.
(310) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission accorde à Cerestar Bioproducts une réduction de 90 % de l'amende qui lui aurait été infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
Réduction importante du montant de l'amende
(311) Ni ADM, Haarmann & Reimer et Hoffmann-La Roche, ni Jungbunzlauer n'ont été les premières à fournir à la Commission des éléments déterminants sur l'entente sur l'acide citrique, comme le prévoit le point b) de la section B de la communication sur la clémence. Par conséquent, aucune des entreprises susmentionnées ne remplit les conditions prévues à la section C de la communication sur la clémence.
Réduction significative du montant de l'amende
(312) Lors d'une réunion tenue le 11 décembre 1998, ADM a fait à la Commission un compte rendu oral de l'entente sur l'acide citrique. Le 15 janvier 1999, elle lui a communiqué une déclaration écrite confirmant cet exposé.
(313) La Commission reconnaît que les renseignements fournis par ADM étaient détaillés et qu'elle les a par conséquent très largement utilisés pour poursuivre son enquête. Avec les informations obtenues de Cerestar Bioproducts, ces renseignements ont servi à rédiger les demandes de renseignements qui ont fortement contribué à amener Haarmann & Reimer, Hoffmann-La Roche et Jungbunzlauer à admettre leur participation à l'entente sur l'acide citrique.
(314) La Commission relève en outre qu'ADM a pu fournir à la Commission des documents contemporains de l'infraction, et notamment des notes manuscrites prises lors de réunions de l'entente et des instructions en matière de prix liées aux décisions prises par les membres de l'entente.
(315) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut qu'ADM remplit la condition prévue à la section D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
(316) Dans sa réponse à la communication des griefs, Jungbunzlauer précise qu'elle a soumis une demande en application de la communication de la clémence lors d'une réunion avec la Commission le 23 avril 1999 et qu'elle a apporté une contribution constructive à l'établissement des faits dans sa déclaration et sa réponse à la demande de renseignements du 29 avril 1999. Elle demande donc à bénéficier de la disposition de la section D, (à un taux proche de 50 %) (135), parce que les informations qu'elle a fournies ont joué un rôle crucial parmi les preuves à la disposition de la Commission.
(317) La Commission admet que Jungbunzlauer a soumis une demande en application de la communication sur la clémence et a commencé à coopérer avant d'avoir reçu la communication des griefs. Il est vrai également que la Commission se fonde dans une large mesure sur les renseignements fournis par Jungbunzlauer. Cette dernière a confirmé la très grande majorité des réunions, l'identité des participants, ainsi que les faits en cause. Elle a également remis à la Commission notamment un certain nombre de tableaux établis pendant l'infraction. Ces tableaux, qui indiquent les quotas alloués à chacun des participants à l'entente, ainsi que les divergences entre les quotas de vente et les ventes réelles, ont servi d'éléments de preuve dans la présente décision.
(318) La Commission observe toutefois qu'une bonne part des renseignements fournis l'ont été en réponse à sa demande de renseignements du 3 mars 1999 et entrent par conséquent dans le cadre de l'obligation de l'entreprise d'y répondre complètement, conformément à l'article 11 du règlement n° 17.
(319) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Jungbunzlauer remplit la condition visée à la section D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 40 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
(320) Haarmann & Reimer souligne dans sa réponse à la communication des griefs qu'elle a coopéré avec la Commission et lui a fourni une description complète de l'infraction. Ainsi, le 28 avril 1999, Bayer plc a fait une demande en application de la communication sur la clémence et fourni une déclaration écrite complétant sa réponse à la demande de renseignements du 3 mars 1999.
(321) La Commission reconnaît qu'une demande en application de la communication sur la clémence a été déposée au nom de Haarmann & Reimer et que la coopération a commencé avant l'émission d'une communication des griefs. Cette entreprise confirme dans sa déclaration la grande majorité des réunions, l'identité des participants, ainsi que le nombre de faits en cause.
(322) La Commission observe néanmoins qu'une bonne part des renseignements fournis l'ont été en réponse à sa demande du 3 mars 1999 et entrent par conséquent dans le cadre de l'obligation de l'entreprise d'y répondre complètement, conformément à l'article 11 du règlement n° 17.
(323) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Haarmann & Reimer remplit la condition visée à la section D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 30 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
(324) Hoffmann-La Roche n'a pas déposé de demande formelle en application de la communication sur la clémence, mais, par lettre du 28 juillet 1999, elle a confirmé sa participation à l'entente ainsi que l'objet des réunions correspondantes.
(325) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Hoffmann-La Roche remplit la condition prévue à la section D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 20 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
Conclusion sur l'application de la communication sur la clémence
(326) Pour conclure, eu égard à la nature de la coopération et à la lumière des conditions fixées dans la communication sur la clémence, la Commission accorde aux destinataires de la présente décision les réductions suivantes du montant de leur amende respective :
- à Cerestar Bioproducts : une réduction de 90 %,
- à ADM : une réduction de 50 %,
- à Jungbunzlauer : une réduction de 40 %,
- à Haarmann & Reimer : une réduction de 30 %,
- à Hoffmann-La Roche : une réduction de 20 %.
6. Ne bis in idem
(327) En évaluant l'amende à infliger à chaque entreprise, la Commission a tenu compte (notamment) de la gravité de l'infraction et de la durée respective de sa participation, selon la description qui en est faite plus haut, ainsi que du rôle joué par chacune d'entre elles dans les accords collusoires. Elle a pris en considération les circonstances aggravantes et/ou atténuantes selon le cas. L'importance de chaque entreprise dans le secteur de l'acide citrique et les effets de son comportement sur la concurrence ont également été retenus.
(328) ADM, Cerestar Bioproducts, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer font valoir que la Commission devrait tenir compte des sanctions qui leur ont été infligées pour les mêmes actes aux États-Unis, et dans certains cas également au Canada, et les porter en déduction de toute amende.
(329) Selon ADM, il n'est pas nécessaire d'ajouter d'élément de dissuasion en application des règles de concurrence communautaires dans son cas puisqu'elle a déjà payé des amendes et des dommages et intérêts dans les affaires relatives à la lysine et à l'acide citrique aux États-Unis. En octobre 1996, elle a plaidé coupable devant une Cour fédérale américaine sur le chef de collusion visant à limiter le commerce de la lysine et les ventes d'acide citrique aux États-Unis et ailleurs. ADM souligne que la transaction judiciaire a clos l'enquête menée par les autorités américaines sur l'acide citrique en ce qui concerne ADM.
(330) Outre ces amendes pénales, ADM déclare qu'elle a versé une amende transactionnelle en règlement d'une action collective intentée aux États-Unis et portant spécifiquement sur l'acide citrique. Elle indique également que la Commission devrait tenir compte des montants qu'elle a versés à titre de règlement à l'issue d'une action corollaire intentée contre elle par les actionnaires, fondée en partie sur le comportement en cause dans la présente affaire.
(331) Jungbunzlauer AG allègue également que, en l'espèce, la Commission devrait tenir compte des pénalités infligées par les autorités américaines et canadiennes parce que les actes contestés par la Commission et les autorités en question sont les mêmes. Jungbunzlauer fait allusion aux amendes pénales qui lui ont été infligées aux États-Unis et au Canada à la suite des transactions judiciaires de 1997 et de 1998 respectivement pour "des accords inadmissibles portant sur la vente d'acide citrique et des faits similaires touchant au gluconate de sodium". Elle fait valoir que, dans le cadre de la procédure américaine, des amendes lui ont déjà été infligées pour les effets de ces accords sur le marché européen.
(332) La Commission rejette totalement les arguments développés par ADM, Cerestar Bioproduct, Haarmann & Reimer et Jungbunzlauer. L'exercice par les États-Unis et le Canada de leur compétence en matière pénale à l'égard d'ententes ne saurait limiter ou exclure la compétence de la Commission en vertu du droit de la concurrence communautaire.
(333) Selon le principe de territorialité, le champ d'application de l'article 81 CE est limité aux actes qui risquent de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. De la même façon, la portée de la législation réprimant les ententes illicites aux États-Unis et au Canada se limite à leur compétence territoriale respective. Ces autorités ne sont compétentes que dans la mesure où le comportement considéré a un effet direct et délibéré sur le commerce américain et canadien respectivement. En fait, les transactions judiciaires conclues avec les autorités américaines le confirment pour la procédure américaine, lorsqu'elles précisent que "le volume des ventes de la partie défenderesse aux États-Unis ne reflète pas d'une manière adéquate les effets sur le commerce des États-Unis de sa participation à la collusion mondiale". (Traduction d'un document original en anglais).
(334) De surcroît, les amendes pénales infligées à des individus ne sauraient en aucune façon être prises en considération parce que la procédure du cas d'espèce ne vise pas des personnes physiques.
(335) Au reste, le fait que des entreprises aient eu à verser des dommages-intérêts dans des actions civiles n'a aucune influence sur les amendes à infliger pour violation des règles de concurrence européennes. Le versement de dommages-intérêts dans des actions de droit civil qui ont pour objet de compenser le préjudice causé par des ententes à des entreprises ou à des consommateurs bien précis ne peut se comparer à des sanctions de droit public infligées pour des actes illégaux.
7. Montant final des amendes infligées dans la présente procédure
(336) En conclusion, les amendes à infliger, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17, sont les suivantes :
- pour Archer Daniels Midland Company Inc. : 39,69 millions d'euros,
- pour Cerestar Bioproducts BV : 170 000 euros,
- pour F. Hoffmann-La Roche AG : 63,5 millions d'euros,
- pour Haarmann & Reimer Corporation : 14,22 millions d'euros,
- pour Jungbunzlauer AG : 17,64 millions d'euros,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Archer Daniels Midland Company Inc., Cerestar Bioproducts BV, Haarmann & Reimer Corporation, F. Hoffmann-La Roche AG et Jungbunzlauer AG ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant à un accord et/ou une pratique concertée continus dans le secteur de l'acide citrique.
L'infraction a duré :
- dans le cas de Archer Daniels Midland Company Inc., de Haarmann & Reimer Corporation, de F. Hoffmann-La Roche AG et de Jungbunzlauer AG : de mars 1991 à mai 1995,
- dans le cas de Cerestar Bioproducts BV : de mai 1992 à mai 1995.
Article 2
Les entreprises visées à l'article 1er mettent fin immédiatement à l'infraction précitée, si elles ne l'ont déjà fait, et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur de l'acide citrique, de tout accord et de toute pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées à l'article 1er en raison de l'infraction constatée audit article :
a) Archer Daniels Midland Company Inc : une amende de 39,69 millions d'euros,
b) Cerestar Bioproducts BV : une amende de 170 000 euros,
c) F. Hoffmann-La Roche AG : une amende de 63,5 millions d'euros,
d) Haarmann & Reimer Corporation : une amende de 14,22 millions d'euros,
e) Jungbunzlauer AG : une amende de 17,64 millions d'euros.
Article 4
Les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant : 642-0029000-95 de la Commission européenne, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA, Avenue des Arts 43, B-1040 Bruxelles (Code SWIFT : BBVABEBB - Code IBAN BE 766420 0290 0095).
À l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
a) Archer Daniels Midland Company Inc. 4666 Faries Pkwy Decatur USA - IL 62525
b) Cerestar Bioproducts BV Nijverheidstraat, 1 4550 LA Sas van Gent Nederland
c) F. Hoffmann-La Roche AG Grenzacherstrasse 124 CH-4070 Basel
d) Haarmann & Reimer Corporation 300 North Street Terterboro USA - NJ 07608 - 1204
e) Jungbunzlauer AG St. Alban - Vorstadt 90, Postfach CH-4002 Basel.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 256 du traité.
(1) JO L 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO L 148 du 15.6.1999, p. 5.
(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.
(4) mt=tonnes métriques.
(5) [374].
(6) Toutes les quantités indiquées ici sont exprimées en unités équivalant à de l'acide citrique monohydraté.
(7) [49]. Un prix mondial moyen (non pondéré) en dollars des États-Unis a été calculé pour 1995, sur la base des quatre prix régionaux moyens fournis par Haarman & Reimer. Il convient de noter que ce prix moyen "mondial" pour 1995 est certainement sous-estimé par rapport au prix réel pondéré, compte tenu du poids relatif des ventes américaines et européennes.
(8) Source : Réponses aux demandes de renseignements des 6 et 12 août 1997 par ADM [81-82], Haarmann & Reimer (Bayer AG) [51-52], Citrique Belge (Hoffmann-La Roche) [63-64] et Jungbunzlauer [29-30].
(9) On part de l'hypothèse que les parts de marché dans l'EEE sont similaires aux parts de marché dans l'UE.
(10) L'hypothèse est faite que les parts de marché des destinataires de la présente décision en 1995 étaient similaires à celles de 1996.
(11) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(12) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.
(13) Voir document ADM [3321].
(14) SRI International - Chemicals Economics Handbook : Market Research Report on Citric Acid, Janvier 1996 [833]; déclaration de Jungbunzlauer [6471].
(15) Bayer, réponse article 11 du 14 septembre 1998 [426-427]; déclaration de Cerestar Bioproducts [3979- 3980]; déclaration d'ADM [3841-3842].
(16) Déclaration d'ADM [3840-3841]; Annexe 3 à la déclaration de Bayer : transcription du Federal Bureau of Investigation
(17) Déclaration de Jungbunzlauer [6474].
(18) Déclaration d'ADM [3842-3843]; annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4099- 4101]; déclaration de Jungbunzlauer [6474-6475]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5610- 5611]; déclaration de Bayer [4042]; Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4795].
(19) Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5610]; déclaration d'ADM [3842]; déclaration de Bayer [4838].
(20) Déclaration de Bayer [4040]; annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4100]; déclaration d'ADM [3843]; déclaration de Jungbunzlauer [6482].
(21) Déclaration de Jungbunzlauer [6476]; annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4096]; déclaration de Cerestar Bioproducts [3980].
(22) Déclaration d'ADM [3843]; voir également déclaration de Bayer [4038].
(23) Annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4101].
(24) Voir document ADM [3321].
(25) Déclaration de Jungbunzlauer [6490].
(26) Déclaration d'ADM [3845].
(27) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM et Haarman & Reimer - voir déclaration d'ADM [3844]; annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4101]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5611]; déclaration de Bayer [4040]; Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4795].
(28) Déclaration de Jungbunzlauer [6474]. Texte original en allemand.
(29) Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4795].
(30) Déclaration d'ADM [3847].
(31) Déclaration d'ADM [3844-3849]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5610-5611, 5613]; instructions ADM sur les prix, doc. 2352-54, 2280-82, 2300-01.
(32) Déclaration de Jungbunzlauer [6475].
(33) Déclaration de Jungbunzlauer [6475]; déclaration de Bayer [4041].
(34) Déclaration d'ADM [3845,3851]; déclaration de Jungbunzlauer [6475]; déclaration de Bayer [4040].
(35) Déclaration de Jungbunzlauer [6475].
(36) Tableaux communiqués dans le cadre de la réponse de Jungbunzlauer à la lettre article 11 du 29 avril 1999, annexe 3.1 (contiennent des données à partir de 1991) [5637-5644].
(37) Déclaration d'ADM [3843]; déclaration de Bayer [4039,4045]; tableaux de la réponse article 11 de Jungbunzlauer du 29 avril 1999, annexe 3.1 [5637-5644].
(38) Déclaration de Jungbunzlauer [6477]. Texte original en allemand.
(39) Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999, annexe 3.1 [5637-5644].
(40) Déclaration de Jungbunzlauer [6477-6478]. Texte original en allemand.
(41) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM et Haarman & Reimer - Voir déclaration d'ADM [3846- 3847]; annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4102]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5611]; déclaration de Bayer [4040-4041, 4043]; Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4795].
(42) Annexe 3 de la déclaration de Bayer, transcription du FBI [4103] - On notera que ce chiffre correspond à celui indiqué au tableau 5 ci-dessous.
(43) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM et Haarman & Reimer - Voir déclaration d'ADM [3848]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5611].
(44) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3849], p. 10; transcription FBI [4104], p. 12; JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5612], p. 6; déclaration Bayer [4043], p. 8; HLR, réponse article 11 du 28 avril 1999, annexe 1 [4795]; déclaration Cerestar [3979, 3983], p. 1 et 5.
(45) Déclaration de Jungbunzlauer [6478]. Texte original en allemand.
(46) Déclaration ADM [3847]; voir également déclaration Bayer [4043].
(47) Déclaration ADM [3850-3851, 3854, 3859].
(48) Déclaration Cerestar [3982]; déclaration JBL [6478].
(49) Au point 70 de la communication des griefs.
(50) Réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7669].
(51) Déclaration Cerestar [3980].
(52) Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4792].
(53) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3851]; transcription FBI [4104]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5612]; déclaration Bayer [4043]; Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999, annexe 1 [4795]; déclaration Cerestar [3983].
(54) JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5613]; déclaration ADM [3851].
(55) Déclaration Cerestar [3979, 3983].
(56) Déclaration Cerestar [3982].
(57) Déclaration ADM [3851].
(58) Voir déclaration de Cerestar [3986] et déclaration de Jungbunzlauer [6480-6481].
(59) HLR, réponse article 11 du 28 avril 1999 [4793].
(60) Transcription FBI [4104]; déclaration JBL [6474].
(61) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3849]; transcription FBI [4105]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5613]; déclaration Bayer [4043]; Hoffmann-La Roche, réponse article 11 du 28 avril 1999, annexe 1 [4795]; déclaration Cerestar [3984].
(62) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3853]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5613]; déclaration Bayer [4043]; déclaration Cerestar [3984].
(63) Déclaration ADM [3853].
(64) Voir tableau 6 ci-dessus.
(65) Voir déclaration ADM [3854-3855].
(66) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3854-3855]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5614].
(67) JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5614]. Texte original en allemand.
(68) Déclaration ADM [3858].
(69) JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5614]. Texte original en allemand.
(70) Participants : ADM a rencontré Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts à Londres les 23 et 24 mars 1994 et Hoffmann-La Roche le 25 mars 1994, toujours à Londres - déclaration ADM [3855].
(71) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3856]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5614]; déclaration Bayer [4043]; déclaration Cerestar [3985]; HLR, réponse article 11 du 28 avril 1999, annexe 1 [4795].
(72) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3856-3857].
(73) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3857]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5615]; déclaration Cerestar [3985].
(74) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3858]; transcription FBI [4106]; JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5615]; déclaration Bayer [4043]; déclaration Cerestar [3985].
(75) Déclaration ADM [3858].
(76) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM et Haarman & Reimer - Voir déclaration ADM [3858- 3859]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5615].
(77) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar - Voir déclaration ADM [3859]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5616]; déclaration Cerestar [3985]. d'ADM à la réunion
(78) Document ADM 1965 et déclaration ADM [3859].
(79) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM et Haarman & Reimer - Voir déclaration ADM [3860]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5616]; déclaration Cerestar [3985].
(80) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer, Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3860]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5616]; déclaration Cerestar [3985].
(81) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3860-3861]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5617].
(82) Déclaration ADM [3860].
(83) Déclaration ADM [3861].
(84) Participants : Hoffmann-La Roche; Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3861]; JBL, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5617].
(85) Participants : Hoffmann-La Roche, Jungbunzlauer, ADM, Haarman & Reimer et Cerestar Bioproducts - Voir déclaration ADM [3861]; Jungbunzlauer, réponse article 11 du 29 avril 1999 [5617]; déclaration Bayer [4043]; déclaration Cerestar [3985].
(86) Déclaration ADM [3861].
(87) Voir l'acte final de l'accord sur l'Espace économique européen, JO L 1 du 3.1.1994, p. 3.
(88) Conformément à l'article 56, paragraphe 1, point b), de l'accord EEE, sans préjudice de la compétence de la Commission lorsque le commerce entre États membres de la CE est affecté, l'autorité de surveillance AELE est aussi compétente au cas où le chiffre d'affaires des entreprises concernées sur le territoire des États de l'AELE est égal ou supérieur à 33 % de leur chiffre d'affaires sur le territoire de l'EEE.
(89) Voir ci-dessous, à la section 5 "Effets sur les échanges les États membres de l'UE et les parties contractantes à l'accord EEE".
(90) Affaires jointes T-305-94, etc., Limburgse Vinyl Maatschappij NV et autres contre Commission (PVC II), Rec. 1999, p. II-931, point 715.
(91) La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance analysée ci-dessous en ce qui concerne l'interprétation des termes "accords" et "pratiques concertées" dans l'article 81 expriment des principes bien établis avant la signature de l'accord EEE. Elle s'applique donc également à ces termes tels qu'ils sont uilisés à l'article 53 de l'accord EEE. Toute référence à l'article 81 vaut donc également pour l'article 53.
(92) Affaire 48-69 : Imperial Chemical Industries contre Commission, Rec. 1972, p. 619, point 64.
(93) Affaires jointes 40-48-73, etc., Suiker Unie et autres/Commission, Rec. 1975, p. 1663.
(94) Voir également l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, Rec. 1991, p. II-1711, point 256.
(95) Voir arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999 dans l'affaire C-199-92 P : Hüls contre Commission, Rec. 1991, p. I-4287, points 158-166.
(96) Arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89 : Hercules contre Commission, point 264.
(97) Au point 696.
(98) Arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89 : Hercules contre Commission, points 262- 263.
(99) Arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Commission contre Anic, point 83.
(100) Voir considérants 78 à 84.
(101) Arrêt du TPI dans l'affaire T-13-89 : Imperial Chemical Industries contre Commission, Rec. 1992, p. II-1021, point 304).
(102) Arrêt de la CJCE dans les affaires jointes 209-78 à 215-78 et 218-78 : Van Landewyck et autres contre Commission, Rec. 1980, p. 3125, point 170).
(103) Affaire 48-69 : Imperial Chemical Industries, Rec. 1972, p. 619, points 132-133.
(104) Décisions de la Commission dans l'affaire Polypropylène (JO L 230 du 18.8.1986, p. 1), point 96; dans l'affaire PVC, JO L 74 du 17.3.1989, p. 1), point 43 et dans l'affaire Carton, JO L 243 du 19.9.1994, p. 1), point 156. Voir également l'affaire T-6-89 Enichem Anic SpA contre Commission (Polypropylène) Rec. 1991, p. II- 1623. Décision confirmée par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-49-92 P : Commission contre Anic Partecipazioni SpA, Rec. 1999, p. I-4125. De même, affaire T-327-94 : SCA Holdings Ltd. contre Commission, Rec. 1998, p. II-1373. Décision confirmée par la Cour de justice dans l'affaire C-297-98 P. : SCA Holdings Ltd (non enconre publiée).
(105) Réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7669].
(106) Déclaration d'ADM [3847], p. 8; transcription FBI [4101-4102].
(107) Aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 2894-94 du Conseil du 28 novembre 1994 relatif à certaines modalités d'application de l'accord sur l'Espace économique européen, "les règles communautaires donnant effet aux principes énoncés aux articles 85 et 86 (maintenant articles 81 et 82) du traité CE [...] s'appliquent mutatis mutandis". (JO L 305-6 du 30.11.1994, p. 6).
(108) Réponse de Haarman & Reimer à la communication des griefs [7585]. Traduction d'un document original en anglais.
(109) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.
(110) Voir considérant 70.
(111) Transcription du FBI (traduction d'un document original en anglais). [4100]
(112) Déclaration d'ADM [3844-3849], réponse de Jungbunzlauer à la demande adressée en vertu de l'article 11, le 29 avril 1999 [5610-5611, 5613], instructions en matière de prix d'ADM [3578-3580, 3740-3742, 3760- 3761].
(113) Réponse de Cerestar Bioproducts à la communication des griefs [7557]. Traduction d'un document original en anglais.
(114) Réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7675].
(115) Déclaration d'ADM [3861]. Traduction d'un document original en anglais.
(116) Idem.
(117) T-308-94, point 230.
(118) Réponse de Haarman & Reimer à la communication des griefs [7585]. Traduction d'un document original en anglais.
(119) Réponse d'ADM à la communication des griefs (rapport de l'économiste) [7867]. Traduction d'un document original en anglais.
(120) Affaire T-77-92 Parker Pen, Rec. 1994, p. II-289.
(121) Point 59 de la communication des griefs.
(122) Réponse d'ADM à la communication des griefs [7622]. Traduction d'un document original en anglais.
(123) Entretien avec un représentant d'ADM au FBI, annexe 4 [4103].
(124) Annexe 8 [3980].
(125) Transcription du FBI [4113-4114]. Texte original en anglais.
(126) Déclaration de Cerestar Bioproducts [3980].
(127) Transcription du FBI [4101]. Traduction d'un document original en anglais.
(128) Déclaration de Cerestar Bioproducts [3980]. Traduction d'un document original en anglais.
(129) Voir point 112 et déclaration de Cerestar [3980].
(130) Déclaration de Jungbunzlauer [6474] et réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7704].
(131) Réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7705]. Traduction de l'original allemand.
(132) Réponse d'ADM à la communication des griefs [7614]. Traduction d'un document original en anglais.
(133) Idem.
(134) Réponse de Cerestar à la communication des griefs [7551]. Texte original en anglais.
(135) Réponse de Jungbunzlauer à la communication des griefs [7706]. Texte original en anglais.