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Décisions

TPICE, 4e ch., 20 mars 2002, n° T-17/99

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

KE KELIT Kunststoffwerk (GmbH)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mengozzi

Juges :

Mme Tiili, M. Moura Ramos

Avocats :

Mes Grassner, Löbl

TPICE n° T-17/99

20 mars 2002

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

Faits à l'origine du litige

1. La requérante est une société autrichienne opérant dans le secteur du chauffage urbain et commercialisant des conduites précalorifugées achetées à la société danoise Lögstör Ror A-S (ci-après "Lögstör").

2. Dans les systèmes de chauffage urbain, l'eau chauffée dans un site central est acheminée, par des conduites souterraines, vers les locaux à chauffer. Étant donné que la température de l'eau (ou de la vapeur) transportée est très élevée, les conduites doivent être calorifugées pour assurer une distribution économique et sans risque. Les conduites utilisées sont précalorifugées et, à cette fin, sont généralement constituées d'un tube d'acier enveloppé d'un tube de plastique, avec une couche de mousse isolante entre les deux.

3. Les conduites de chauffage urbain font l'objet d'un commerce important entre les États membres. Les plus grands marchés nationaux de l'Union européenne sont l'Allemagne, avec 40 % de la consommation communautaire, et le Danemark, avec 20 %. Avec 50 % de la capacité de fabrication de l'Union européenne, le Danemark est le principal centre de production de l'Union qui approvisionne tous les États membres où est utilisé le chauffage urbain.

4. Par une plainte datée du 18 janvier 1995, l'entreprise suédoise Powerpipe AB a signalé à la Commission que les autres fabricants et fournisseurs de conduites de chauffage urbain s'étaient réparti le marché européen dans le cadre d'une entente et qu'ils avaient pris des mesures concertées pour nuire à son activité, ou confiner cette activité au marché suédois, ou encore l'évincer purement et simplement du secteur.

5. Le 28 juin 1995, agissant en vertu d'une décision de la Commission du 12 juin 1995, des fonctionnaires de cette dernière et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés ont procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans dix entreprises ou associations présentes dans le secteur du chauffage urbain. Une telle vérification n'a pas été effectuée chez la requérante.

6. Ensuite, la Commission a adressé des demandes de renseignements à la requérante et à la plupart des entreprises concernées par les faits litigieux, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

7. Le 20 mars 1997, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées. Ensuite, une audition des entreprises concernées a eu lieu les 24 et 25 novembre 1997, à laquelle la requérante n'a pas assisté.

8. Le 21 octobre 1998, la Commission a adopté la décision 1999-60-CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-35.691-E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision du 6 novembre 1998 [C(1998) 3415 final] (ci-après la "décision" ou la "décision attaquée") constatant la participation de diverses entreprises, et, notamment, de la requérante, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) (ci-après l'"entente").

9. Selon la décision, un accord a été conclu, à la fin de l'année 1990, entre les quatre producteurs danois des conduites de chauffage urbain sur le principe d'une coopération générale sur leur marché national. Cet accord aurait réuni ABB IC Moller A-S, la filiale danoise du groupe helvético-suédois ABB Asea Brown Boveri Ltd (ci-après "ABB"), Dansk Rorindustri A-S, aussi connue sous le nom de Starpipe (ci-après "Dansk Rorindustri"), Lögstör et Tarco Energi A-S (ci-après "Tarco") (ci-après, les quatre pris ensemble, les "producteurs danois"). L'une des premières mesures aurait consisté à coordonner une augmentation des prix tant pour le marché danois que pour les marchés à l'exportation. Aux fins de partager le marché danois, des quotas auraient été fixés puis appliqués et contrôlés par un "groupe de contact" réunissant les responsables des ventes des entreprises concernées. Pour chaque projet commercial (ci-après un "projet"), l'entreprise à laquelle le groupe de contact avait attribué le projet aurait informé les autres participants du prix qu'elle avait l'intention de proposer et ces derniers auraient alors fait une offre plus élevée de façon à protéger le fournisseur désigné par l'entente.

10. Selon la décision, deux producteurs allemands, le groupe Henss-Isoplus (ci-après "Henss-Isoplus") et Pan- Isovit GmbH (ci-après "Pan-Isovit"), se sont joints aux réunions régulières des producteurs danois à partir de l'automne de 1991. Dans le cadre de ces réunions se seraient tenues des négociations en vue de la répartition du marché allemand. Celles-ci auraient abouti, en août 1993, à des accords fixant des quotas de vente pour chaque entreprise participante.

11. Toujours selon la décision, il a été convenu d'un accord entre tous ces producteurs, en 1994, afin de fixer des quotas pour l'ensemble du marché européen. Cette entente européenne aurait comporté une structure à deux niveaux. Le "club des directeurs", réunissant les présidents ou les directeurs généraux des entreprises participant à l'entente, aurait attribué des quotas à chacune de ces entreprises tant sur l'ensemble du marché que sur chacun des marchés nationaux, notamment l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède. Pour certains marchés nationaux, un "groupe de contact" aurait été institué, composé de responsables locaux des ventes, qui se seraient vu confier la tâche de gérer les accords en attribuant les projets et en coordonnant les soumissions aux appels d'offres.

12. En ce qui concerne le marché autrichien, la décision mentionne qu'un groupe de contact s'est réuni toutes les trois ou quatre semaines, la première réunion prise en compte par la décision ayant eu lieu en décembre 1994 et ayant été organisée par la requérante. La dernière réunion aurait eu lieu en avril 1996.

13. Comme élément de l'entente, la décision cite, notamment, l'adoption et la mise en œuvre de mesures concertées visant à éliminer la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe. La Commission précise que certains participants à l'entente ont recruté des "salariés-clés" de Powerpipe et ont fait comprendre à cette dernière qu'elle devait se retirer du marché allemand. À la suite de l'attribution à Powerpipe d'un important projet allemand, en mars 1995, une réunion se serait tenue à Düsseldorf, à laquelle auraient participé les six principaux producteurs européens (ABB, Dansk Rorindustri, Henss-Isoplus, Lögstör, Tarco et Pan-Isovit) et Brugg Rohrsysteme GmbH (ci-après "Brugg"). Selon la Commission, il a été décidé, lors de cette réunion, d'instituer un boycottage collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe. Ce boycottage aurait ensuite été mis en œuvre.

14. Dans sa décision, la Commission expose les motifs pour lesquels non seulement l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les producteurs danois à la fin de 1990, mais également les arrangements conclus à compter d'octobre 1991, visés ensemble, peuvent être considérés comme formant un "accord" prohibé par l'article 85, paragraphe 1, du traité. De plus, la Commission souligne que les ententes "danoise" et "européenne" ne constituaient que l'expression d'une seule entente qui a débuté au Danemark, mais qui avait, dès le départ, pour objectif, à plus long terme, d'étendre le contrôle des participants à tout le marché. Selon la Commission, l'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.

15. Pour ces motifs, la décision a pour dispositif:

"Article premier

ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rorindustri A-S, le groupe Henss-Isoplus, KE KELIT Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Lögstör Ror A-S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento SrL et Tarco Energi A-S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres marchés nationaux, auquel se sont ralliées Pan-Isovit et Henss-Isoplus, et qui a fini par constituer, fin 1994, une entente générale couvrant l'ensemble du Marché commun.

La durée de l'infraction était la suivante:

[...]

- dans le cas de KE KELIT: plus ou moins à partir de janvier 1995, jusqu'[en mars ou avril 1996],

[...]

Les principales caractéristiques de l'entente étaient:

- la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas,

- l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs,

- la fixation des prix du produit et de chaque projet,

- l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs,

- pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, l'adoption et la mise en œuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:

[...].

e) KE KELIT Kunststoffwerk GmbH, une amende de 360 000 écus;

[...]"

16. La décision a été notifiée à la requérante par lettre du 12 novembre 1998, reçue par celle-ci le lendemain.

Procédure et conclusions des parties

17. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 1999, la requérante a introduit le présent recours.

18. Sept des neuf autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-9-99, T-15-99, T-16-99, T-21-99, T-23-99, T-28-99 et T-31-99).

19. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé à la partie défenderesse de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. La partie défenderesse a déféré à ces demandes.

20. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 24 octobre 2000.

21. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

- subsidiairement, réduire le montant de son amende;

- condamner la défenderesse aux dépens.

22. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

23. La requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier moyen est tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement dans l'imposition de l'amende. Le quatrième moyen est tiré de la violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende. Le cinquième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation.

I - Sur le moyen tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité

A - Sur les aspects de l'infraction reprochés à la requérante

1. Arguments des parties

24. La requérante conteste avoir participé aux différentes infractions énumérées dans l'article 1er de la décision. À tort, la Commission aurait reconnu uniquement que la requérante n'a pas pris part aux mesures concertées contre Powerpipe.

25. Premièrement, la requérante n'aurait pas participé à la répartition des marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas. La requérante n'aurait jamais assisté aux réunions du club des directeurs et n'aurait pas non plus été membre de l'association de producteurs "European District Heating Pipe Manufacturers Association". La Commission elle-même admettrait, au considérant 124 de la décision, que les quotas pour le marché autrichien étaient fixés lors des réunions du club des directeurs et que la requérante était donc placée devant un fait accompli. De plus, les ventes de la requérante en Autriche auraient été imputées à Lögstör en tant que partie du quota européen de cette dernière. Contrairement à ce que prétend la Commission, la requérante n'aurait pas pu exiger d'autres entreprises concernées le respect de leur quota. Étant donné que la requérante agissait comme revendeur, on ne pourrait d'ailleurs parler d'une implication de sa part comme "producteur local", comme le fait la décision dans son considérant 153.

26. Deuxièmement, l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs ne sauraient non plus lui être imputées. Étant donné qu'elle n'opérait que sur le marché autrichien et n'était pas producteur elle-même, elle n'aurait eu aucun pouvoir lui permettant d'attribuer des marchés nationaux ou d'organiser le retrait d'autres producteurs.

27. Troisièmement, elle ne saurait être impliquée dans des accords sur la fixation des prix, un fait que la Commission n'aurait d'ailleurs explicité ni dans la communication des griefs ni dans la décision. En tant que revendeur de conduites précalorifugées, la requérante n'aurait pas eu la possibilité de conclure des accords sur les prix.

28. Quatrièmement, ni la communication des griefs ni la décision n'auraient reproché à la requérante l'attribution des projets à des producteurs et la manipulation des procédures de soumission. Il ne serait pas établi que l'attribution des projets faisait l'objet de discussions au cours des réunions du groupe de contact ni que, dans ce cadre, des projets étaient attribués. En effet, la Commission n'aurait pas démontré que des prix étaient fixés et que les prix des différentes offres étaient déterminés en sa faveur. Dans le considérant 84 de la décision, la Commission aurait seulement indiqué que des prix étaient discutés et non pas qu'ils étaient fixés.

29. Selon la requérante, une manipulation des soumissions ne saurait être déduite du document constituant l'annexe 110 de la communication des griefs, indiquant les projets et les différents soumissionnaires ainsi que des chiffres représentant les chances de chacun des soumissionnaires. En dehors du fait que ce document a été établi par Pan-Isovit, il ne démontrerait ni une manipulation des soumissions ni une participation de la requérante. En fait, s'il y avait eu une manipulation des soumissions, il aurait été inutile de mentionner une appréciation des chances de remporter un projet.

30. La défenderesse soutient que la requérante a participé à une entente au niveau européen, bien que sous la forme d'actions concernant seulement le marché autrichien. Il serait incontesté que la requérante avait conscience de ce que ses activités faisaient partie d'un système plus vaste. En dehors des mesures concertées à l'encontre de Powerpipe, la requérante pourrait être associée à toutes les caractéristiques principales de l'infraction exposées à l'article 1er de la décision.

2. Appréciation du Tribunal

31. Il est constant que la décision reproche à la requérante d'avoir participé à l'entente générale couvrant l'ensemble du Marché commun, telle que décrite dans l'article 1er, premier alinéa, de la décision.

32. Il est également constant que la Commission ne reproche pas à la requérante d'avoir participé aux mesures concertées à l'encontre de Powerpipe, telles que citées, parmi les caractéristiques principales de l'entente, dans le cinquième tiret de l'article 1er, troisième alinéa, de la décision.

33. En ce qui concerne les autres caractéristiques principales de l'entente, citées au premier, au deuxième, au troisième et au quatrième tiret de l'article 1er, troisième alinéa, de la décision, il convient d'estimer que c'est à bon droit que la Commission les a reprochées à la requérante.

34. D'abord, en ce qui concerne "l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs", il y a lieu d'observer que les déclarations d'ABB et de Pan-Isovit, selon lesquelles la requérante a assisté aux réunions du groupe de contact autrichien au sein duquel les entreprises se divisaient les projets [réponse complémentaire d'ABB du 13 août 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996 (ci-après la "réponse complémentaire d'ABB") et réponse de Pan-Isovit du 17 juin 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996 (ci-après la "réponse de Pan-Isovit")] sont corroborées par l'ensemble des documents figurant en annexes 109 et 110 de la communication des griefs. D'une part, l'attribution des projets pour le marché autrichien est confirmée par la lettre du 3 mai 1995 d'Isoplus Hohenberg, faisant partie du groupe de fait Henss-Isoplus, à M. Henss, figurant en annexe 109 de la communication des griefs, qui mentionne, au sujet de la requérante, après avoir exposée l'attitude d'ABB, de Dansk Rorindustri et de Pan-Isovit vis-à-vis des quotas et/ou de l'attribution de projets, que "Logstör-KELIT" "[tenait] également ses promesses" et qui expose, de plus, parmi certaines "perturbations isolées", le fait qu'un projet qui "devait revenir à KELIT" a été obtenu par Tarco. D'autre part, en ce qui concerne le tableau contenant la liste des projets sur le marché autrichien, trouvée chez Pan-Isovit, figurant en annexe 110 de la communication des griefs, les indications précises sur les offres d'autres entreprises ainsi que sur les chances de chacune des entreprises mentionnées d'obtenir un projet ne peuvent être comprises autrement que comme le résultat d'un échange d'informations entre les entreprises. Le fait que cet échange est le résultat d'arrangements sur l'attribution des projets est confirmé par la mention, dans ce tableau, comme soumissionnaires pour le projet de "Berceliusplatz", de la requérante et, avec une offre plus élevée, de Pan-Isovit, étant donné que ce même projet est cité, dans le document figurant en annexe 109 de la communication des griefs, comme étant un projet qui "devait revenir à KELIT" et qui a finalement été obtenu par Tarco. Par ailleurs, il ressort de l'annexe 72 de la communication des griefs, citée au considérant 72 de la décision, qu'Henss-Isoplus, au moins, utilisait, en ce qui concerne la répartition des projets sur le marché allemand, un tableau mentionnant également les "chances" des soumissionnaires avec d'autres tableaux rédigés par les participants à l'entente qui indiquaient l'entreprise désignée comme "favorite" à laquelle l'entente avait attribué un projet.

35. Ensuite, pour ce qui est de "la fixation des prix du produit et de chaque projet", il y a lieu de remarquer que, en tout état de cause, l'attribution de projets au sein du marché autrichien a nécessité une manipulation des soumissions sur la base d'arrangements concernant les prix à offrir par chacune des entreprises ayant l'intention de soumissionner. Par ailleurs, le fait que les prix faisaient l'objet de discussions entre les entreprises opérant sur le marché autrichien est démontré par l'affirmation contenue dans le document figurant en annexe 109 de la communication des griefs, selon laquelle toutes les entreprises se plaignaient du fait que le barème des prix "Eu-Liste" ne soit pas applicable.

36. Dans ce contexte, la requérante ne saurait échapper à sa responsabilité pour l'accord de fixation des prix en alléguant qu'elle ne pouvait influencer les prix facturés par Lögstör que dans une certaine mesure. En effet, une telle situation n'a pas privé la requérante de toute autonomie en ce qui concerne sa politique de prix et a, en tout état de cause, renforcé son intérêt à modérer la concurrence sur les prix.

37. Enfin, en ce qui concerne "la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas" ainsi que "l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait d'autres producteurs", il convient d'observer que la requérante reconnaît qu'elle a été informée par ABB, en janvier 1995, de ce que les producteurs s'étaient réparti le marché autrichien par le biais de quotas et qu'elle s'est rendu compte, à cette époque, que les réunions du groupe de contact autrichien faisaient partie d'un plan plus vaste. Il en découle que la requérante a dû avoir connaissance du fait que d'autres marchés nationaux faisaient l'objet d'une répartition entre producteurs, ce qui pouvait entraîner le retrait de certains producteurs de marchés attribués à d'autres producteurs.

38. Il s'ensuit que, dès lors que la requérante a participé à l'attribution de projets au sein du marché autrichien, la Commission était en droit de lui imputer également son implication dans la répartition des marchés nationaux au niveau européen. En effet, selon la jurisprudence, une entreprise ayant participé à une infraction multiforme aux règles de la concurrence par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d'accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qui visent à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle peut raisonnablement les prévoir et qu'elle est prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission-Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 203).

39. À cet égard, il n'est pas pertinent d'avancer que la requérante n'a pas participé elle-même à l'attribution des marchés nationaux aux producteurs ni à la fixation des quotas individuels de chaque producteur dans les marchés ayant fait l'objet d'une répartition. En effet, il ressort clairement de la décision que la Commission ne lui reproche pas d'avoir participé elle-même aux discussions ayant abouti à la fixation de quotas et à l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs. Il y a lieu de rappeler, à ce propos, que la Commission a affirmé, lors de sa description de la structure de l'entente européenne, que les groupes de contact n'arrêtaient pas les quotas, mais s'occupaient de l'attribution des projets individuels et de la coordination de la procédure de soumissions concertées (considérant 68 de la décision). De plus, la Commission a précisé, en ce qui concerne la requérante, que celle-ci a uniquement pris part aux arrangements concernant le marché autrichien, où elle s'est vu attribuer un quota de 23 %, et qu'il se peut tout à fait qu'elle ait été placée devant un fait accompli, les quotas étant décidés par le club des directeurs aux réunions duquel elle n'assistait pas (considérant 124, deuxième alinéa, de la décision).

40. En tout état de cause, l'existence d'une attitude passive de la requérante est contredite par sa lettre du 12 janvier 1995 à Lögstör, figurant en annexe 106 de la communication des griefs, dans laquelle elle a insisté auprès de celle-ci pour que son quota pour le marché autrichien soit augmenté.

41. Enfin, la requérante ne saurait invoquer le fait qu'elle n'est pas elle-même producteur de conduites précalorifugées concernées par la présente procédure. En effet, bien que la Commission ait décrit les caractéristiques principales de l'entente en désignant les participants à celle-ci comme des "producteurs" et même si elle a, dans certains considérants de la décision, erronément qualifié la requérante de "producteur", il ressort clairement de la décision, notamment des considérants 17 et 82, que la Commission lui a reproché sa participation à l'entente en tant qu'entreprise commercialisant, pour son propre compte, des conduites de chauffage urbain achetées à Lögstör. Dès lors, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de n'avoir pas pris en considération sa qualité de revendeur.

42. Il résulte de tout ce qui précède que les arguments portant sur les aspects de l'infraction reprochés à la requérante doivent être rejetés.

B - Sur l'existence d'une restriction de la concurrence

1. Arguments des parties

43. La requérante expose que, en tant qu'entreprise dépendante de son fournisseur Lögstör, elle ne pouvait se voir imputer l'infraction que la Commission lui a reprochée. Même si le lien de dépendance économique pouvant exister entre partenaires contractuels n'empêchait pas de constater l'existence d'un accord, la pratique décisionnelle de la Commission démontrerait que celle-ci peut renoncer à infliger une amende à l'entreprise qui est dépendante ou a été forcée de conclure le contrat restrictif de concurrence.

44. Les quotas et les prix élevés que la requérante s'était vu imposer auraient restreint son autonomie sur le plan commercial. La requérante ne se serait pas seulement vu imposer par Lögstör une augmentation de prix, mais également une réduction des rabais qui lui étaient accordés. En tant que fournisseur, Lögstör aurait eu la possibilité de déterminer le chiffre d'affaires de la requérante sans la moindre intervention de cette dernière, simplement par l'acceptation ou le refus de fourniture. Comme elle l'a déjà indiqué dans ses observations sur la communication des griefs, la requérante aurait subi des restrictions de livraisons de la part de Lögstör.

45. Étant donné que les quotas et les prix auraient été imposés unilatéralement par Lögstör et les autres producteurs, il ne serait pas non plus question d'un accord vertical.

46. La défenderesse fait observer que, bien qu'elle puisse tenir compte de la dépendance économique d'un membre d'une entente pour ne pas lui infliger une amende, elle n'y est pas obligée. En l'espèce, la décision d'infliger une amende ne serait pas critiquable, étant donné que, d'une part, la requérante a participé à un arrangement horizontal particulièrement grave, notamment relatif à l'attribution de différents projets et à la manipulation des procédures de soumission, en pleine connaissance du caractère paneuropéen de la répartition des marchés et, d'autre part, la Commission a, de plus, tenu compte de la situation particulière de la requérante en modulant de façon appropriée le montant de son amende.

2. Appréciation du Tribunal

47. Tout d'abord, il y a lieu d'observer que, en reprochant à la requérante sa participation à un accord sur la répartition des marchés nationaux et de projets individuels entre producteurs, grâce à un système de fixation de quotas et de manipulation des procédures de soumissions ainsi qu'à un accord de fixation des prix, la Commission a retenu la participation de la requérante à un accord horizontal entre les opérateurs sur le marché du chauffage urbain.

48. Dans ce cadre, la requérante ne saurait prétendre que, de par sa dépendance envers Lögstör pour ses livraisons, elle ne disposait plus de l'autonomie requise pour participer, en son propre nom, à un accord. En effet, même si la marge de manœuvre de la requérante était limitée en raison de sa dépendance envers les livraisons de Lögstör, cela ne modifie pas la conclusion selon laquelle la requérante, en participant, pour son propre compte, à un accord sur le marché autrichien, a restreint la concurrence qui existait sur ce marché. Même s'il est vrai que les liens de dépendance économique existant entre les participants à une entente peuvent conditionner leur liberté d'initiative et de décision, il n'en reste pas moins que l'existence de ces liens n'exclut pas la possibilité de refuser de consentir à l'accord qui leur est proposé (arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, BMW ea-Commission, 32-78 et 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435, point 36).

49. Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait subi une pression exercée par des restrictions dans les livraisons de la part de Lögstör, il convient d'observer que la requérante n'en a apporté aucune preuve, étant donné que les éléments de preuve indiqués dans sa réplique portent uniquement sur l'attitude de Lögstör vis-à-vis d'activités menées par la requérante en dehors du marché autrichien.

50. En tout état de cause, à supposer même que la requérante ait souffert des pressions exercées par Lögstör, elle ne pourrait se prévaloir du fait qu'elle ait participé à l'entente sous la contrainte des autres participants, étant donné qu'elle aurait pu dénoncer les pressions dont elle faisait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux activités en question (voir arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls-Commission, T-9-89, Rec. p. II-499, points 123 et 128, et du 6 avril 1995, Tréfileurope-Commission, T-141-89, Rec. p. II-791, point 58).

51. Par conséquent, le moyen doit être rejeté pour autant que la requérante conteste l'existence d'une restriction de la concurrence.

C - Sur l'affectation du commerce entre États membres

1. Arguments des parties

52. La requérante fait remarquer que sa participation aux réunions d'un groupe de contact national n'a pas été à même d'affecter les échanges entre États membres, ce qui est pourtant un élément constitutif de l'infraction inscrite dans l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le fait que la requérante eût été consciente ou non de faire partie d'un plan plus vaste n'y aurait rien changé. En effet, afin de déterminer la responsabilité de la requérante à l'égard de l'entente, il ne serait pas pertinent d'examiner si les accords conclus au sein du club des directeurs, dont Lögstör faisait partie, ont affecté les échanges entre États membres. En tout état de cause, même s'il fallait imputer un accord à la requérante, elle n'aurait jamais agi avec la conscience de pouvoir exercer par son action une quelconque influence sur le Marché commun.

53. Par ailleurs, même si elle n'avait pas participé aux réunions des fournisseurs locaux, elle n'aurait pas pu accroître ses activités économiques sur le marché autrichien, étant donné que son quota était entre les mains de Lögstör qui dirigeait son comportement économique.

54. La défenderesse fait remarquer qu'elle a expliqué, aux considérants 149 et 150 de la décision, que l'infraction a produit un effet sensible sur le commerce entre États membres. Cet impact sur les échanges proviendrait de l'entente dans son ensemble et il importerait peu de savoir si l'infraction commise par chacun de ses membres a produit un tel effet. De fait, la requérante aurait su que les arrangements relatifs à son propre marché s'inséraient dans un plan plus vaste. En outre, les produits qu'elle vendait auraient tous été importés du Danemark.

2. Appréciation du Tribunal

55. Il y a lieu de rappeler, d'abord, comme cela a été constaté aux points 37 à 40 ci-dessus, que la Commission a reproché à juste titre à la requérante une violation de l'article 85 du traité en raison de sa participation, sur le marché autrichien, à une infraction qui dépassait le cadre du seul marché autrichien.

56. En outre, la requérante ne conteste pas l'affirmation de la Commission, au point 149 de la décision, selon laquelle l'entente globale dans laquelle s'intégrait la coopération sur le marché autrichien a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres et selon laquelle cette entente globale a couvert, vers la fin de 1994, l'ensemble du Marché commun et la quasi-totalité des échanges réalisés dans l'ensemble de la Communauté dans le secteur du chauffage urbain.

57. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait nier que l'infraction qui lui est reprochée est susceptible d'affecter le commerce entre États membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

58. En effet, il résulte du libellé de l'article 85, paragraphe 1, du traité que les seules questions pertinentes sont celles de savoir si la requérante a participé à un accord avec d'autres entreprises ayant eu pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence et si cet accord était susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Par conséquent, les questions de savoir si la participation individuelle de l'entreprise en cause à l'accord pouvait, malgré la petite taille de celle-ci, restreindre la concurrence ou affecter le commerce entre États membres ou si la requérante a eu l'intention de cloisonner les marchés et, de ce fait, de violer l'article 85 du traité sont dénuées de pertinence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Boël-Commission, T-142-89, Rec. p. 867, point 88 et 99, et Tréfileurope-Commission, précité, point 122). Étant donné que la Commission a établi à suffisance de droit que l'infraction à laquelle la requérante a participé était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, il n'est pas nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges entre États membres (voir arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI-Commission, T-13-89, Rec. p. II-1021, point 305).

59. Il y a lieu d'ajouter que, en tout état de cause, la limitation de la part de marché de la requérante à un quota déterminé du marché autrichien était susceptible d'affecter ses importations de conduites auprès de son fournisseur danois, Lögstör, et, par conséquent, d'affecter le commerce entre États membres.

60. Pour toutes ces raisons, le moyen avancé par la requérante doit être rejeté également en ce qui concerne l'affectation du commerce entre États membres.

II - Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

A - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne les aspects de l'infraction reprochés à la requérante

1. Arguments des parties

61. La requérante reproche à la Commission d'avoir violé ses droits de la défense en omettant de lui indiquer dans la communication des griefs toutes les infractions citées à l'article 1er de la décision. La seule chose que la Commission semble reprocher à la requérante aurait été sa participation à des réunions entre fournisseurs locaux ainsi que sa connaissance d'un plan plus vaste. Or, de tels reproches ne figureraient pas parmi les éléments de l'infraction retenus dans la décision, tandis que les éléments que cette dernière contiendrait n'auraient jamais été reprochés auparavant à la requérante. La Commission ne lui aurait donc pas concrètement reproché les infractions énumérées à l'article 1er de la décision avant l'adoption de cette dernière. Néanmoins, la communication des griefs devrait être rédigée en termes suffisamment clairs pour que les intéressés puissent prendre connaissance du comportement que la Commission leur reproche.

62. La défenderesse fait observer que, s'il est vrai que les caractéristiques énumérées à l'article 1er de la décision ne s'appliquent pas toutes à la requérante, il est aussi vrai que les actions qui lui sont reprochées sont exposées de façon claire et compréhensible à différents endroits de la décision. Or, l'exposé des motifs de la décision correspondrait à celui de la communication des griefs.

2. Appréciation du Tribunal

63. Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, même s'il s'agit d'une procédure administrative, exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche-Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 11; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell-Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 39).

64. Selon la jurisprudence, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d'entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö ea-Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 42; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö-Commission, T- 352-94, Rec. p. II-1989, point 63).

65. En l'espèce, il y a lieu de préciser dans quelle mesure la Commission a, dans sa décision, reproché à la requérante, d'abord, d'avoir participé directement à l'infraction telle que décrite à l'article 1er, premier et troisième alinéas, de la décision et, ensuite, d'avoir eu connaissance des autres aspects de l'infraction.

66. À cet égard, il convient d'observer que, en ce qui concerne le marché autrichien, la décision évoque dans ses considérants 66 à 68 la structure de l'entente européenne en vigueur à partir de 1994, comportant un niveau supérieur, le club des directeurs, ainsi qu'un niveau subordonné, les différents groupes de contact institués pour chaque grand marché national, dont, notamment l'Autriche. Dans son exposé sur la mise en œuvre de l'entente sur le marché autrichien, aux considérants 82 à 84, la décision expose, notamment, que la première réunion du groupe de contact autrichien a été organisée par la requérante et que les quotas proposés par le club des directeurs lui ont été communiqués par ABB. Selon le considérant 84 de la décision, le groupe de contact autrichien s'est réuni régulièrement afin de mettre en œuvre la répartition convenue, de discuter des prix et des parts de marché et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pour les projets individuels, dans le but de maintenir les parts de marché conformes aux quotas. Au même considérant, la décision mentionne que la requérante a participé à ces réunions, qui se sont tenues pour la dernière fois en avril 1996.

67. Ensuite, au considérant 124 de la décision, il est expliqué que la requérante n'ignorait pas que les arrangements en Autriche s'inscrivaient dans le cadre d'un dessein plus vaste et qu'elle a uniquement pris part aux arrangements concernant le marché autrichien, qu'elle n'a pas assisté aux réunions du club des directeurs ni à celles du groupe de contact pour l'Allemagne et n'a pas eu connaissance des mesures prises contre Powerpipe et n'y a été aucunement associée.

68. Or, il convient d'observer que ces reproches figurent, dans des termes tout à fait semblables, dans la communication des griefs. En effet, une description de l'entente analogue à celle figurant dans l'article 1er de la décision se retrouve aux pages 1 et 2 de la communication des griefs envoyée à la requérante. La structure à deux niveaux de l'entente européenne est exposée en des termes identiques à ceux de la décision aux pages 27 et 28 de la communication des griefs, de même que la description de la mise en œuvre de l'entente sur le marché autrichien figurant aux pages 35 et 36 de ladite communication correspond à celle faite dans la décision. La Commission a mentionné également dans la communication des griefs que la première réunion du groupe de contact autrichien était organisée par la requérante et a cité les quotas proposés par le club des directeurs et communiqués par ABB. Au même endroit, la communication des griefs mentionne que le groupe de contact autrichien s'est réuni régulièrement afin de mettre en œuvre la répartition convenue, de discuter des prix et des parts de marché et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pour les projets individuels, dans le but de maintenir les parts de marchés conformes aux quotas. La communication des griefs a ajouté également que la requérante comptait parmi les participants à ces réunions et que le groupe de contact autrichien s'est réuni jusqu'en avril 1996.

69. Ensuite, la Commission a expliqué, à la page 56 de la communication des griefs, que les deux fournisseurs locaux - KE KELIT et Sigma Tecnologie di rivestimento SrL (ci-après "Sigma") - ont uniquement participé aux activités de l'entente sur leur marché intérieur, bien qu'ils fussent conscients du fait que les réunions au sein du groupe de contact pour leur marché faisaient partie d'un plan plus vaste, étant donné qu'ils savaient que les quotas qui leur étaient attribués avaient été décidés par le club des directeurs. À la page 66 de la communication des griefs, la Commission a mentionné encore que la requérante n'a pas pris part aux mesures concertées contre Powerpipe.

70. Vu la concordance entre les reproches figurant dans la décision attaquée et les griefs communiqués à la requérante lors de la procédure administrative, celle-ci ne saurait soutenir que la Commission ne lui a pas reproché, dans sa communication des griefs, les infractions énumérées à l'article 1er de la décision.

71. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté en ce qui concerne les aspects de l'infraction reprochés à la requérante.

B - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende

1. Arguments des parties

72. La requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense dans la mesure où elle a appliqué les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) (ci-après les "nouvelles lignes directrices" ou les "lignes directrices"), bien que celles-ci eussent été publiées et fussent entrées en vigueur au cours de la procédure qui a conduit à l'adoption de la décision. Ainsi, la requérante n'aurait jamais eu la possibilité d'exprimer son point de vue au sujet de l'application des lignes directrices à son cas.

73. De même, la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la "communication sur la coopération") aurait donné lieu à une violation des droits de la défense dans la mesure où il n'aurait jamais été précisé à la requérante si cette communication allait être appliquée à son cas. En outre, cette communication aurait été publiée elle aussi au cours de la procédure qui a abouti à l'adoption de la décision.

74. Selon la défenderesse, le respect des droits de la défense n'implique pas, lorsqu'il s'agit d'infliger éventuellement une amende, que la Commission indique dès le stade de la procédure administrative les critères et les considérations qu'elle fera intervenir dans son calcul. Il suffirait qu'elle indique au cours de la procédure administrative qu'elle envisage d'infliger une amende en raison de la gravité et de la durée de l'infraction, ce qui se serait produit en l'espèce.

2. Appréciation du Tribunal

75. Il convient d'observer, au préalable, qu'il n'est pas contesté que la Commission a déterminé le montant de l'amende imposée à la requérante conformément à la méthode générale pour le calcul du montant des amendes annoncée dans les lignes directrices et en faisant application de la communication sur la coopération.

76. Selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu'elle va examiner s'il convient d'infliger des amendes aux entreprises concernées et qu'elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée et le fait d'avoir commis celle-ci "de propos délibéré ou par négligence", elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d'être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l'infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française ea-Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 21).

77. Il s'ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire des observations sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits reprochés. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d'une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, dans la mesure où le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l'amende, en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak-Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 235).

78. À cet égard, il convient de constater que la Commission a expliqué, à la page 61 de la communication des griefs envoyée à la requérante, la durée de l'infraction qu'elle envisageait de retenir à son égard.

79. Ensuite, la Commission a exposé, aux pages 64 et 65 de la communication des griefs, les raisons pour lesquelles elle estimait que la présente infraction était une infraction très grave ainsi que les éléments constituant des circonstances aggravantes, à savoir la manipulation des procédures de soumissions, la mise en œuvre agressive de l'entente afin d'assurer l'obéissance de tous les participants aux accords et d'exclure le seul concurrent important qui n'y participait pas et la poursuite de l'infraction après les vérifications.

80. Au même endroit, la Commission a précisé que, dans la détermination du montant de l'amende à imposer à chaque entreprise individuelle, elle tiendrait compte, notamment, du rôle joué par chacune d'elles dans les pratiques anticoncurrentielles, de toutes les différences substantielles en ce qui concerne la durée de leur participation, de leur importance dans l'industrie du chauffage urbain, de leur chiffre d'affaires dans le secteur du chauffage urbain, de leur chiffre d'affaires global, le cas échéant, pour tenir compte de la taille et du pouvoir économique de l'entreprise en question et afin d'assurer un effet suffisamment dissuasif et, enfin, de toutes les circonstances atténuantes (communication des griefs, p. 65).

81. Puis, à la page 66 de la communication des griefs, la Commission a remarqué, en ce qui concerne Brugg, Sigma et la requérante, qu'elle veillerait à que les éventuelles amendes tiennent suffisamment compte de leur situation en tant que "producteurs locaux" qui n'ont adhéré aux arrangements qu'à un stade avancé et n'ont pas participé aux mesures prises à l'encontre de Powerpipe. La Commission a également fait remarquer qu'elle allait prendre en considération la poursuite délibérée de l'infraction par la requérante après les vérifications.

82. Ce faisant, la Commission a indiqué, dans sa communication des griefs, les éléments de fait et de droit sur lesquels elle allait se baser dans le calcul du montant de l'amende à infliger à la requérante, de sorte que, à cet égard, le droit d'être entendue de cette dernière a été dûment respecté.

83. Il convient d'observer que la Commission n'était pas obligée, dès lors qu'elle avait indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle baserait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l'amende. En effet, donner des indications concernant le niveau des amendes envisagées, aussi longtemps que les entreprises n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission (arrêts de la Cour Musique diffusion française ea-Commission, précité, point 21, et du 9 novembre 1983, Michelin-Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 19).

84. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de n'avoir pas précisé, au cours de la procédure administrative, la manière dont chacune des entreprises concernées pouvait se voir accorder une réduction du montant de son amende en raison de sa coopération suivant les critères énoncés dans la communication sur la coopération.

85. Pour la même raison, la Commission n'était pas non plus tenue, au cours de la procédure administrative, de communiquer aux entreprises concernées son intention d'appliquer une nouvelle méthode de calcul pour le montant des amendes.

86. En particulier, la Commission n'était pas tenue d'indiquer, dans la communication des griefs, la possibilité d'un changement éventuel de sa politique en ce qui concerne le niveau des amendes, possibilité qui dépend de considérations générales de politique de concurrence sans rapport direct avec les circonstances particulières des affaires en cause (arrêt Musique diffusion française ea-Commission, précité, point 22). En effet, la Commission n'a pas l'obligation de mettre des entreprises en garde en les prévenant de son intention d'augmenter le niveau général du montant des amendes (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay-Commission, T-12-89, Rec. p. II- 907, point 311).

87. Il s'ensuit que le droit d'être entendue de la requérante n'obligeait pas la Commission à lui annoncer son intention d'appliquer, au cas de celle-ci, la communication sur la coopération ou les nouvelles lignes directrices.

88. En outre, en ce qui concerne la communication sur la coopération, force est de constater que la requérante a, dans sa lettre du 6 mai 1998, communiqué à la Commission sa conviction d'avoir droit à une réduction du montant de son amende en vertu de ladite communication, de sorte qu'elle ne saurait prétendre ne pas avoir eu l'occasion de s'exprimer sur l'application éventuelle, à son cas, de cette communication.

89. Pour toutes ces raisons, le moyen relatif à la violation du droit d'être entendu doit également être rejeté en ce qui concerne le calcul du montant des amendes.

III - Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement dans l'imposition de l'amende

A - Arguments des parties

90. La requérante reproche à la Commission d'avoir violé le principe d'égalité de traitement dans la mesure où elle n'a pas infligé une amende à d'autres entreprises qui ont également agi en tant que revendeurs liés à des producteurs de conduites précalorifugées ou même en tant que producteurs. À cet égard, la requérante mentionne d'autres entreprises qui auraient joué un rôle semblable au sien.

91. En ce qui concerne le marché autrichien, il y aurait eu, premièrement, l'entreprise Infratec Gruner & Partner GmbH, anciennement Krobath & Gruner Infratec GmbH (ci-après "Infratec"). À l'annexe 109 de la communication des griefs, Infratec aurait été mentionnée en tant que revendeur de Dansk Rorindustri. En second lieu, il y aurait eu l'entreprise Steinbacher qui aurait été représentée lors des réunions du groupe de contact autrichien, comme le montre l'annexe 109 susvisée. Cette dernière entreprise n'aurait pas été le revendeur d'un producteur déterminé, mais aurait vendu des conduites précalorifugées qu'elle produisait elle-même.

92. Selon la requérante, il s'agirait d'entreprises dans une situation comparable à la sienne auxquelles la Commission a appliqué un traitement différent. En effet, tout comme la requérante, Infratec aurait été représentée aux réunions du groupe de contact et aurait disposé d'un quota qui était attribué au producteur. Si ces éléments conduisaient toutefois à la conclusion que les entreprises concernées n'auraient pas été membres de l'entente, comme le conclut la Commission, ce raisonnement aurait dû également être appliqué à la requérante. Quant à l'argument selon lequel, contrairement à la requérante, Infratec n'aurait pas disposé d'un quota propre, ce dernier ayant été attribué à Dansk Rorindustri, la requérante fait remarquer que l'annexe 109 de la communication des griefs montre que cela a été aussi son cas, son quota ayant été attribué à Lögstör.

93. En ce qui concerne d'autres marchés nationaux, la requérante mentionne d'autres entreprises ayant participé, en tant que représentants de producteurs de conduites, à des réunions de groupes de contact. En ce qui concerne le marché italien, la décision confirmerait que l'entreprise SocoLögstör, dont les ventes étaient comprises dans le quota attribué à Lögstör pour l'ensemble de l'Europe, comme c'était le cas pour la requérante, a pris part à des réunions de groupes de contact. En ce qui concerne le marché britannique, il ressortirait de la réponse de Pan-Isovit que cette dernière agissait sur ce marché par sa représentation anglaise, qui aurait pris part à des réunions. En ce qui concerne le marché allemand, une entreprise qui a été mentionnée à plusieurs reprises dans les annexes de la communication des griefs aurait représenté Dansk Rorindustri au moins dans le cadre d'un projet de chauffage urbain, comme cela ressortirait de l'annexe 135 de la communication des griefs, et aurait pris part à la réunion de Francfort du 10 janvier 1995. Quant au marché des Pays-Bas, la réponse complémentaire d'ABB mentionnerait les noms de directeurs de deux entreprises. La première de ces deux entreprises aurait vendu des conduites précalorifugées achetées à Lögstör et aurait pris part, selon ABB, à des réunions en 1995. La seconde aurait, elle aussi, été fournisseur de conduites précalorifugées, achetant celles-ci à Henss-Isoplus.

94. Si l'on observe ces situations comparables du point de vue du droit de la concurrence, il s'avérerait qu'il n'y a pas de différences justifiant une disparité de traitement de la part de la Commission. Au contraire, en n'infligeant aucune amende aux entreprises mentionnées, la décision irait en réalité à l'encontre du but qu'elle poursuit. La Commission aurait en effet provoqué par sa décision une distorsion du jeu de la concurrence, étant donné que la requérante aurait été le seul fournisseur à encourir une amende et, par conséquent, à subir une atteinte à sa réputation due à la publication de la décision, alors que d'autres fournisseurs et même des producteurs de conduites n'ont pas eu la charge financière que représente une amende.

95. La défenderesse fait observer que l'argument de la requérante est voué à l'échec, étant donné que la Commission a établi que la requérante a participé à l'infraction et qu'elle portait donc une part de la responsabilité. Même si la Commission s'était abstenue à tort de sanctionner d'autres entreprises se trouvant dans la même situation, la requérante ne pourrait s'en prévaloir pour contester une sanction qui lui aurait été infligée à bon droit.

96. En tout état de cause, du moins en ce qui concerne les entreprises autrichiennes, le raisonnement de la requérante ne serait pas conforme aux faits. La situation d'Infratec n'aurait pas été comparable à celle de la requérante dans la mesure où Dansk Rorindustri possédait aussi bien un quota pour le marché européen que pour le marché autrichien, alors que Lögstör possédait un quota européen, mais pas de quota sur le marché autrichien. Les ventes de produits de Lögstör effectuées par la requérante auraient été imputées à Lögstör au titre de son quota européen. Quant à Steinbacher, celle-ci n'aurait pas non plus été membre de l'entente ou, de toute façon, sa participation à l'entente n'aurait pas été suffisamment prouvée, de sorte que la Commission n'aurait pas été en droit de prendre des mesures contre elle.

B - Appréciation du Tribunal

97. Il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement n'est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente, ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106-83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174-89, Rec. p. I-2681, point 25; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht-Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 309).

98. Il convient d'observer que la requérante n'a pas établi, à l'égard de l'une ou l'autre des entreprises qu'elle a citées, qu'existe une preuve de leur participation active aux réunions de groupes de contact et de l'attribution à celles-ci d'un quota propre sur leur marché national comparable à celle établie par la Commission à son égard, telle que décrite aux points 34 à 41 ci-dessus.

99. À cet égard, il y a lieu de remarquer que, en ce qui concerne l'entreprise Steinbacher, citée dans le document se trouvant en annexe 64 de la communication des griefs comme ayant un quota propre sur le marché autrichien et dont le nom apparaît dans la liste de projets figurant en annexe 110 de la communication des griefs, il y a, parmi les documents assemblés par la Commission, des informations qui mettent en doute, au moins, le fait que la participation de Steinbacher ait approché le degré de participation de la requérante. D'une part, le fait que cette autre entreprise n'était pas perçue comme participant à l'entente est confirmé par la réponse de Lögstör du 17 janvier 1995 à la lettre de la requérante du 12 janvier 1995, figurant en annexe 107 de la communication des griefs, selon laquelle Lögstör estimait qu'il ne faudrait pas se préoccuper de l'attribution d'un quota à cette entreprise, étant donné qu'il fallait s'attendre à une fermeture de la division du chauffage urbain de cette dernière. D'autre part, cette entreprise est citée, dans la lettre du 3 mai 1995 d'Isoplus Hohenberg à M. Henss, figurant en annexe 109 de la communication des griefs, comme ayant offert des prix de dumping. Par ailleurs, il ne ressort pas de ce dernier document, ni des déclarations d'autres participants à l'entente, que cette entreprise aurait participé à une réunion du groupe de contact.

100. Quant à Infratec, il y a lieu de constater que, même si elle a été citée dans la même lettre du 3 mai 1995 d'Isoplus Hohenberg à M. Henss comme une entreprise qui, à ce moment-là, "respect[ait] encore les accords" et dans la réponse complémentaire d'ABB comme ayant participé aux réunions du groupe de contact, il convient de constater également que, contrairement au cas de la requérante, son nom ne figure pas parmi les participants au groupe de contact autrichien cités dans l'annexe 67 de la communication des griefs, ni parmi ceux mentionnés par Pan-Isovit, dans sa réponse, et ne figure pas non plus dans la liste de projets reprise à l'annexe 110 de la communication des griefs.

101. En outre, même à supposer que la situation de quelques entreprises non destinataires de la décision ait été analogue à celle de la requérante, une telle constatation ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de celle-ci, dès lors que l'infraction a été correctement établie sur le fondement de preuves documentaires (arrêt Ahlström Osakeyhtiö ea-Commission, précité, point 146). Il ressort d'une jurisprudence constante qu'une entreprise, dès lors qu'elle a, par son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne saurait échapper à toute sanction au motif que d'autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger une amende, alors même que, comme en l'espèce, le juge communautaire n'est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt Ahlström Osakeyhtiö ea-Commission, précité, point 197; arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger-Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 176, et du11 décembre 1996, Van Megen Sports-Commission, T-49-95, Rec. II-1799, point 56).

102. Par conséquent, il convient de rejeter le moyen.

IV - Sur le moyen tiré de la violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende

A - Sur la violation du principe de non-rétroactivité

1. Arguments des parties

103. La requérante expose que l'application par la Commission des nouvelles lignes directrices à la procédure administrative déjà pendante contre elle viole le principe de non-rétroactivité. Elle rappelle que l'interdiction de la rétroactivité des lois pénales est un principe commun à l'ordre juridique de tous les États membres, ancré en tant que droit fondamental dans l'article 7 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CEDH), et qui fait donc partie des principes généraux du droit dont le juge communautaire doit assurer le respect.

104. L'application des lignes directrices entraînerait une modification fondamentale de la pratique suivie par la Commission dans la détermination des amendes dans le cadre de l'article 15 du règlement n° 17. Alors qu'auparavant la Commission se serait basée sur le chiffre d'affaires relatif au produit concerné pour fixer le montant de l'amende, le calcul des amendes suivant les lignes directrices partirait d'une classification des infractions et des montants minimaux qui ne tiendrait plus compte des particularités individuelles de l'entreprise concernée. En effet, les lignes directrices ne tiendraient plus compte du chiffre d'affaires concerné tant que la limite de 10 % du chiffre d'affaires global ne serait pas atteinte.

105. Selon la requérante, l'application rétroactive des lignes directrices serait contraire aux principes généraux du droit étant donné que celles-ci entraîneraient une augmentation du montant des amendes et, en particulier, une aggravation de la situation des entreprises réalisant un chiffre d'affaires peu élevé. Ainsi, l'amende qui a été infligée aux chefs de file de l'entente ayant fait l'objet de la décision 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-C-33.833 - Carton) (JO L. 243, p. 1, ci-après la "décision Carton"), n'aurait correspondu qu'à 9 % du chiffre d'affaires réalisé dans le domaine concerné. Or, la requérante, qui ne pourrait même pas être désignée comme un véritable participant à l'entente, se serait vu infliger la sanction maximale de 10 % du chiffre d'affaires concerné. Il ne serait pas pertinent de prétendre, comme le fait la Commission, qu'une comparaison entre la présente affaire et l'affaire ayant donné lieu à la décision Carton serait exclue pour la raison que les faits dans ces deux affaires divergeaient en plusieurs de leurs éléments. En effet, pour juger si les règles en matière de sanctions sont devenues plus sévères, il faudrait comparer les résultats auxquels conduisent les différentes méthodes appliquées.

106. La défenderesse rétorque, en premier lieu, que les lignes directrices ne tombent pas, en raison de leur nature juridique, sous le principe de non-rétroactivité, étant donné qu'elles ne forment pas une base juridique ni pour les sanctions ni pour leur aggravation. En effet, la seule base juridique pour infliger des amendes serait l'article 15 du règlement n° 17. Les lignes directrices ne feraient qu'indiquer les principes selon lesquels la Commission a l'intention d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui ménage ledit article. Sans les lignes directrices, les amendes infligées dans la présente affaire auraient pu être fixées aux mêmes montants et en vertu des mêmes considérations, uniquement sur la base du règlement n° 17. La pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne servirait, en tant que telle, pas non plus de base juridique à des sanctions et ne limiterait en aucune manière les pouvoirs de la Commission.

107. En deuxième lieu, les lignes directrices, en tant que telles, n'emporteraient aucune aggravation de la pratique existante en matière de sanctions. L'objet des lignes directrices serait d'exposer la méthode de détermination des amendes et non pas leur niveau général, voire leur montant dans un cas particulier. En outre, les lignes directrices n'auraient aucunement remplacé la référence au chiffre d'affaires réalisé avec le produit concerné par la référence au chiffre d'affaires global. Une hausse du niveau des amendes ne saurait être déduite en comparant la présente affaire à l'affaire ayant donné lieu à la décision Carton, étant donné qu'il s'agirait dans cette dernière décision d'une autre méthode de calcul utilisant le chiffre d'affaires comme chiffre de référence déterminant. En plus, les faits dans ces deux affaires divergeraient en plusieurs de leurs éléments.

2. Appréciation du Tribunal

108. Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir, notamment, avis de la Cour 2-94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299-95, Rec. p. I-2629, point 14). À cet effet, le juge communautaire s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme, auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêt Kremzow, précité, point 14; arrêt du Tribunal du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke-Commission, T-112-98, Rec. p. II-729, point 60). Par ailleurs, aux termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), "l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".

109. Selon l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH, "[n]ul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international" et "il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise".

110. Il convient d'observer que le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales, consacré par l'article 7 de la CEDH comme un droit fondamental, est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres et qui fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (arrêt de la Cour du 10 juillet 1984, Kirk, 63-83, Rec. p. 2689, point 22).

111. Même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement n° 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal (arrêt Tetra Pak-Commission, précité, point 235), il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité (voir, par analogie, arrêt Michelin-Commission, précité, point 7).

112. Ce respect exige que les sanctions infligées à une entreprise pour une infraction aux règles de la concurrence correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

113. À cet égard, il y a lieu de préciser que les sanctions pouvant être imposées par la Commission pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence sont définies par l'article 15 du règlement n° 17, adopté antérieurement à la date à laquelle l'infraction a été commise. Or, d'une part, il convient de rappeler que la Commission n'a pas le pouvoir de modifier le règlement n° 17 ou de s'en écarter, fût-ce par des règles de nature générale qu'elle s'impose à elle-même. D'autre part, s'il est constant que la Commission a déterminé le montant de l'amende imposée à la requérante conformément à la méthode générale pour le calcul du montant des amendes annoncée dans les lignes directrices, il y a lieu de constater que, ce faisant, elle est restée dans le cadre des sanctions définies par l'article 15 du règlement n° 17.

114. En effet, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, "[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de mille écus au moins et de un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, [...] du traité". Il est prévu, dans la même disposition, que "[p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci".

115. Or, les lignes directrices disposent, au point 1, premier alinéa, que, pour le calcul des amendes, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, seuls critères retenus à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

116. Selon les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ, dans le calcul du montant des amendes, un montant déterminé en fonction de la gravité de l'infraction (ci-après le "point de départ général"). L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les "infractions peu graves", pour lesquelles le montant des amendes envisageable est compris entre 1 000 et 1 million d'écus, les "infractions graves", pour lesquelles le montant des amendes envisageable peut varier entre 1 million et 20 millions d'écus et les "infractions très graves" pour lesquelles le montant des amendes envisageable va au-delà de 20 millions d'écus (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tirets). À l'intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites "graves" et "très graves", l'échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est, en outre, nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

117. Ensuite, il peut être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps d'infrastructures suffisantes pour posséder des connaissances "juridico-économiques" qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (point 1 A, cinquième alinéa).

118. À l'intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus, il peut convenir de pondérer, dans certains cas, le point de départ général, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature et d'adapter en conséquence le point de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa).

119. Quant au facteur relatif à la durée de l'infraction, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieures à un an), pour lesquelles le montant retenu pour la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré jusqu'à 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tirets).

120. Ensuite, les lignes directrices citent, à titre d'exemple, une liste de circonstances aggravantes et atténuantes qui peuvent être prises en considération pour augmenter ou diminuer le montant de base puis se réfèrent à la communication sur la coopération.

121. En tant que remarque générale, il est précisé que le résultat final du calcul de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté des pourcentages d'aggravation et d'atténuation) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [point 5, sous a)]. De plus, les lignes directrices prévoient qu'il convient, selon les circonstances, après avoir effectué les calculs décrits ci-dessus, de prendre en considération certaines données objectives telles que le contexte économique spécifique, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction, les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier pour adapter, in fine, le montant des amendes envisagé [point 5, sous b)].

122. Il s'ensuit que, suivant la méthode énoncée dans les lignes directrices, le calcul du montant des amendes continue d'être effectué en fonction des deux critères mentionnés dans l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci, tout en respectant la limite maximale par rapport au chiffre d'affaires de chaque entreprise, établie par la même disposition.

123. Par conséquent, les lignes directrices ne peuvent être considérées comme allant au-delà du cadre juridique des sanctions tel que défini par cette disposition.

124. Contrairement à ce que prétend la requérante, le changement qu'entraîneraient les lignes directrices par rapport à la pratique administrative existante de la Commission ne constitue pas non plus une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligées et n'est donc pas contraire aux principes contenus dans l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH.

125. En effet, d'une part, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est, uniquement, défini dans le règlement n° 17.

126. D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement n° 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner, dans certains cas, une augmentation du montant des amendes, sans pour autant excéder la limite maximale fixée par le même règlement, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont juridiquement prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 contraire aux principes de légalité et de sécurité juridique.

127. Il est sans pertinence, à cet égard, d'avancer que le calcul du montant des amendes suivant la méthode exposée dans les lignes directrices, notamment à partir d'un montant déterminé, en principe, en fonction de la gravité de l'infraction, peut amener la Commission à infliger des amendes plus élevées que dans sa pratique antérieure. En effet, selon une jurisprudence bien établie, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO ea-Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 54; arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord-Commission, C-219-95 P, Rec. p. I- 4411, point 33; voir également arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann-Commission, T-295-94, Rec. p. II- 813, point 163). En outre, il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission dispose, dans le cadre du règlement n° 17, d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli-Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59, Van Megen Sports-Commission, précité, point 53, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn-Commission, T-229-94, Rec. p. II-1689, point 127).

128. De plus, il ressort de la jurisprudence que le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence (arrêt Musique diffusion française ea-Commission, précité, point 109; arrêt Solvay-Commission, précité, point 309; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Europa Carton-Commission, T- 304-94, Rec. p. II-869, point 89). L'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige, au contraire, que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt Musique diffusion française ea-Commission, précité, point 109).

129. Dans la mesure où la requérante s'appuie sur le niveau des amendes imposées par la Commission dans la décision Carton, il y a lieu de souligner que, au moment même de l'adoption de cette décision, l'entente qui fait objet de la décision attaquée a continué ses activités, et cela bien que la décision Carton ait infligé des amendes dont le niveau avait subi une hausse sensible par rapport à plusieurs décisions antérieures. Il s'ensuit que la Commission, afin d'assurer l'effet dissuasif des amendes, a effectivement été en droit, lors de l'adoption de la décision attaquée, d'infliger des amendes d'un niveau encore plus élevé que le niveau choisi dans la décision Carton.

130. Pour toutes ces raisons, le grief tiré d'une violation du principe de non-rétroactivité doit être rejeté.

B - Sur la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

1. Arguments des parties

131. La requérante reproche à la Commission d'avoir violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité en lui infligeant une amende d'un montant correspondant à 10 % du chiffre d'affaires concerné, hors de proportion avec l'infraction reprochée et les amendes infligées à d'autres entreprises.

132. D'abord, il serait contraire aux principes d'égalité de traitement et de proportionnalité que la requérante se soit vu imposer le même point de départ spécifique de 1 million d'écus et la même majoration de 20 % au titre des circonstances aggravantes que Brugg et Oy KWH Tech AB (ci-après "KWH"), alors que le seul reproche qui lui est fait est qu'elle a eu connaissance de la répartition du marché effectuée entre les producteurs européens. Il en résulterait que la requérante, pour sa simple connaissance du partage du marché européen, a été sanctionnée dans la même mesure que des entreprises ayant pris une part active dans la répartition des marchés, la concertation sur des projets, les actions de boycottage contre Powerpipe et dans d'autres actions semblables. En effet, il aurait été reproché à Brugg d'avoir participé à des actions contre Powerpipe, tandis que l'ignorance à ce sujet de la requérante serait reconnue. Quant à KWH, contrairement à la requérante, elle aurait été membre du club des directeurs.

133. Lors de la fixation du point de départ spécifique, la Commission aurait dû tenir compte du fait que la gravité de l'infraction reprochée à la requérante ne pourrait être assimilée à celle de l'infraction reprochée à Brugg et à KWH. Eu égard au principe d'égalité de traitement, la Commission aurait donc dû fixer, en ce qui concerne la requérante, un point de départ spécifique inférieur à celui de ces deux entreprises. Contrairement à ce que prétend la défenderesse, la réduction de deux tiers de l'amende de la requérante n'y changerait rien. En effet, une telle réduction ne serait pas fonction de la gravité de l'infraction qui aurait dû être prise en considération en faisant une distinction entre les points de départ spécifiques fixés par la Commission.

134. Dans la fixation du montant de l'amende, la Commission n'aurait, en outre, pas tenu compte de la dépendance économique dans laquelle se trouvait la requérante par rapport à Lögstör. Malgré cela, la requérante se serait vu infliger la sanction maximale, proportionnellement à son chiffre d'affaires, prévue par l'article 15 du règlement n° 17. Il y aurait lieu de relever que son amende, par rapport à son chiffre d'affaires global, est plus de cinq fois plus élevée que l'amende imposée à ABB, qui correspond à 0,25 % du chiffre d'affaires global de cette dernière. Au regard des reproches faits à ABB et de ceux faits à la requérante, il y aurait disproportion flagrante.

135. En ce qui concerne la pondération de l'amende en fonction de la durée de l'infraction, l'augmentation de son amende pour la période dépassant la période de référence d'une année serait proportionnellement plus forte que l'augmentation imposée à KWH et à Henss-Isoplus. Suivant le point 1 B, des lignes directrices, les amendes à infliger aux infractions d'une durée comprise entre un et cinq ans pourraient atteindre 50 % du montant retenu pour la gravité de l'infraction. Or, les quinze mois de durée de son infraction, c'est-à-dire les trois mois de plus que ladite période de référence, lui auraient valu une amende supérieure de 10 % à celle infligée à KWH pour une durée d'infraction de douze mois. En comparaison, il n'aurait été infligé à Henss-Isoplus, pour un dépassement de 55 mois de ladite période de référence, qu'un supplément de 25 %. Il en résulterait que l'augmentation de 10 % du montant de l'amende pour une durée supplémentaire de trois mois est excessive.

136. S'agissant de la majoration de 20 % de l'amende au titre des circonstances aggravantes, il serait erroné de parler d'une poursuite de l'infraction "en commun avec les autres participants", comme le mentionne le considérant 182 de la décision, étant donné que la requérante s'est vu imposer son quota par Lögstör et que, par conséquent, il n'est pas possible de lui reprocher une quelconque participation à cette infraction.

137. Quant à la réduction de deux tiers du montant de l'amende accordée par la Commission au titre des circonstances atténuantes, celle-ci se rapporterait exclusivement à la taille du marché en cause et ne serait donc pas due à des circonstances atténuantes. Le fait que la requérante n'a pas participé aux actions contre Powerpipe n'aurait pas été pris en considération dans la fixation du montant de l'amende. Cependant, en ce qui concerne KWH, la Commission aurait tenu compte du fait que cette entreprise n'a pas pris part à un boycottage dirigé contre Powerpipe en tant que circonstance atténuante conduisant à une réduction de 20 % de son amende. Or, la requérante ne se serait jamais vu reprocher d'avoir participé à des actions contre Powerpipe et, malgré cela, la Commission lui aurait attribué des circonstances aggravantes ayant conduit à une augmentation de son amende de 20 %.

138. Étant donné que la requérante a opéré exclusivement sur le marché autrichien, on ne saurait lui reprocher, au cas où on admettrait l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité, que de la négligence. Cela aurait également dû être pris en considération dans le calcul du montant de l'amende comme circonstance atténuante.

139. Enfin, en ce qui concerne le fait que l'amende de la requérante a été minorée de 20 % parce que cette dernière n'avait pas contesté l'essentiel de la communication des griefs, la requérante précise qu'elle a uniquement reconnu avoir eu connaissance de la répartition du marché autrichien entre les producteurs européens et avoir pris part à des réunions de fournisseurs locaux. En tout état de cause, il y aurait lieu de relever que, dans la décision Carton, la Commission a accordé aux entreprises n'ayant pas contesté l'essentiel des faits une réduction de 30 % de l'amende, en application du point D de sa communication sur la coopération. Néanmoins, dans le cas présent, seule une réduction de 20 % aurait été accordée. Cela aussi serait contraire aux principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

140. La défenderesse conteste que l'amende infligée à la requérante est trop élevée, en particulier par rapport aux amendes des autres destinataires de la décision.

141. Il faudrait préciser, tout d'abord, que la requérante suppose à tort, en premier lieu, qu'on lui reproche uniquement d'avoir eu connaissance de la répartition du marché effectuée entre les producteurs européens. En effet, en réalité, la requérante aurait adhéré au régime illégal de répartition des marchés et de concertation sur les prix et y aurait joué son propre rôle. En second lieu, il ne serait pas correct d'avancer que la réduction de deux tiers de l'amende ne ferait que refléter l'importance mineure du marché autrichien, étant donné que cette réduction tient compte également du rôle mineur joué par la requérante dans l'entente ainsi que de la nature de sa relation avec Lögstör. Dans la mesure où le rôle de la requérante dans l'entente a été pris en considération lors de la réduction de deux tiers de l'amende, il ne pourrait être pris en compte également dans la fixation des points de départ spécifiques pour l'amende. D'ailleurs, il ne serait pas pertinent pour le résultat du calcul de savoir si ce facteur doit être pris en compte immédiatement après la fixation du point de départ ou seulement après l'intervention des facteurs de calcul relatifs à la durée et aux circonstances aggravantes.

142. Dans ce contexte, la Commission conteste que l'amende infligée à la requérante soit exagérée ou que cette dernière ait fait l'objet d'une discrimination par rapport à d'autres entreprises qui, membres du club des directeurs pour certaines, ont pris une part active dans la répartition des marchés et dans les concertations sur les différents projets. En effet, la gravité de l'infraction dans son ensemble aurait justifié le fait de considérer le point de départ spécifique de 1 million d'écus comme un minimum, au-dessous duquel il ne fallait en principe pas descendre. Quant à KWH, il aurait fallu tenir compte spécialement de sa non-participation aux actions contre Powerpipe parce qu'il ne lui aurait été accordé aucun allégement comparable à la réduction de deux tiers accordée à la requérante.

143. Quant à la prétendue discrimination de la requérante par rapport à ABB, il faudrait préciser que la Commission, en infligeant une amende sur la base des lignes directrices et en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, a appliqué les mêmes critères pour la fixation du montant de l'amende d'ABB et dela requérante, mis à part des facteurs supplémentaires basés sur la situation particulière d'ABB, qui ont en effet conduit à une augmentation du montant de l'amende de cette dernière. En outre, ce serait la requérante et non pas ABB qui a bénéficié d'une réduction de deux tiers de l'amende. Il serait donc impossible de conclure à une discrimination sur la seule base d'une comparaison du pourcentage que représente l'amende par rapport au chiffre d'affaires global de chaque entreprise.

144. En ce qui concerne la majoration de l'amende en fonction de la durée, la Commission ne devrait pas nécessairement procéder de façon linéaire lorsqu'elle augmente le montant d'une amende en fonction de la durée. Conformément au large pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission dans la détermination du montant des amendes, le point 1 B des lignes directrices ne ferait que tracer un cadre pour les majorations qui sont éventuellement nécessaires, par exemple, pour la durée, une majoration maximale de 50 % pour les infractions ayant duré entre un et cinq ans. Dans ces circonstances, il ne serait pas disproportionné d'appliquer une augmentation de 10 % dans le cas où la période de référence d'une année a été dépassée dans une mesure non négligeable. À ce propos, il faudrait préciser, en ce qui concerne Henss-Isoplus, que celle-ci a dépassé de 42 mois environ la période de référence et que la plus grande partie de ce dépassement se situe dans la phase antérieure à l'entente paneuropéenne pendant laquelle l'entente a présenté une intensité sensiblement moindre et pendant laquelle les accords ont été suspendus pendant six mois.

145. S'agissant de la majoration de 20 % en raison de la circonstance aggravante constituée par la poursuite de l'infraction, il faudrait préciser que la requérante ne conteste pas qu'elle a poursuivi ses activités anticoncurrentielles après le début des vérifications. Quant à sa dépendance économique vis-à-vis de Lögstör, cette circonstance ne pourrait rien changer à l'appréciation selon laquelle elle a restreint elle-même, en participant à un arrangement horizontal, son indépendance économique sur le marché autrichien. De plus, la Commission rejette l'argument selon lequel la requérante n'aurait agi que par négligence.

146. En ce qui concerne la réduction accordée en raison de la coopération, la requérante ne pourrait soutenir qu'une réduction de 20 %, accordée en application du point D de la communication sur la coopération, n'était pas appropriée pour son cas, dans lequel la coopération s'est limitée au fait qu'elle n'a pas contesté, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés.

2. Appréciation du Tribunal

147. Il y a lieu d'observer que les arguments de la requérante doivent être compris en ce sens qu'elle reproche à la Commission d'avoir violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité lors de l'appréciation de la gravité et, ensuite, de la durée de son infraction et d'avoir erronément apprécié, à son égard, les circonstances aggravantes et atténuantes ainsi que sa coopération au cours de la procédure administrative.

- Sur l'appréciation de la gravité de l'infraction reprochée à la requérante

148. Il convient d'observer, comme cela a été constaté aux points 31 à 42 ci-dessus, que la Commission a correctement établi, outre la participation de la requérante à l'entente sur le marché autrichien, sa participation à l'entente générale couvrant l'ensemble du Marché commun telle que décrite à l'article 1er, premier et troisième alinéas, de la décision, tout en excluant sa participation aux mesures concertées prises à l'encontre de Powerpipe. En effet, même si la requérante n'a opéré que sur le marché autrichien, la Commission a pu la rendre responsable également des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de l'entente européenne, étant donné que la requérante connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (voir point 38 ci-dessus).

149. Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher à la Commission, en s'appuyant sur son degré de participation à l'entente, d'avoir calculé le montant de son amende sur la base d'un point de départ spécifique, correspondant à la gravité de l'infraction, identique à celui retenu pour Brugg et KWH.

150. Quant aux circonstances selon lesquelles la requérante a uniquement été active sur le marché autrichien, n'a pas participé aux réunions du club des directeurs ni à celles du groupe de contact allemand et n'a pas été associée aux actions concertées contre Powerpipe, il suffit d'observer que la Commission en a suffisamment tenu compte, lors de la prise en compte, en tant que circonstances atténuantes, du rôle mineur de la requérante dans l'infraction et de la limitation de sa participation à l'entente à l'Autriche, ces circonstances conduisant à une réduction du montant de son amende de deux tiers (considérant 182, sixième alinéa, de la décision).

151. Étant donné qu'il ressort de la décision qu'une telle réduction se base, partiellement, sur son "rôle mineur dans l'infraction", la requérante ne saurait prétendre que cette réduction a uniquement pris en considération la taille réduite du marché autrichien. Le fait que KWH ait vu le montant de son amende réduit de 20 % au titre des circonstances atténuantes, en raison de son refus de se joindre au boycottage de Powerpipe, n'est pas pertinent pour démontrer une discrimination à l'encontre de la requérante. En effet, eu égard au fait que KWH ne s'est pas vu accorder une réduction générale telle que celle accordée, pour son "rôle mineur", à la requérante, il a fallu expressément mentionner, pour cette autre entreprise, sa distanciation vis-à-vis des mesures prises à l'encontre de Powerpipe afin d'en tenir compte lors du calcul du montant de l'amende. Sur ce point, la requérante ne pourrait donc pas non plus invoquer une discrimination par rapport à KWH.

152. Quant au pourcentage que représente le montant de l'amende par rapport au chiffre d'affaires de la requérante en comparaison avec celui des autres entreprises concernées, il convient de préciser que la Commission n'est pas tenue d'effectuer le calcul du montant de l'amende à partir de montants basés sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées, ni d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou leur chiffre d'affaires sur le marché du produit en cause.

153. À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence bien établie selon laquelle la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir la jurisprudence citée au point 127 ci-dessus).

154. Parmi les éléments d'appréciation de la gravité d'une infraction peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des produits faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché. Il s'ensuit, d'une part, qu'il est loisible, en vue de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise, qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. Il en résulte, d'autre part, qu'il ne faut attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation et que la fixation du montant des amendes ne peut être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global (arrêt Musique diffusion française ea-Commission, précité, points 120 et 121; arrêts du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen-Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, point 94, et du 14 mai 1998, SCA Holding-Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 176).

155. En effet, il ressort de la jurisprudence que la Commission est en droit de calculer le montant d'une amende en fonction de la gravité de l'infraction et sans tenir compte des divers chiffres d'affaires des entreprises concernées. Ainsi, le juge communautaire a constaté la licéité d'une méthode de calcul selon laquelle la Commission détermine d'abord le montant global des amendes à imposer, pour répartir ensuite ce total entre les entreprises concernées, selon leurs activités dans le secteur concerné (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ ea-Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, points 48 à 53) ou selon leur niveau de participation, leur rôle dans l'entente et leur importance respective sur le marché, calculée sur la base de la part de marché moyenne au cours d'une période de référence.

156. Il convient d'observer, à cet égard, que, bien que les lignes directrices ne prévoient pas que les amendes soient calculées en fonction du chiffre d'affaires global ou du chiffre d'affaires sur le marché du produit en cause des entreprises concernées, elles ne s'opposent pas à ce que de tels chiffres d'affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l'amende afin de respecter les principes généraux de droit communautaire et lorsque les circonstances l'exigent.

157. Il s'avère, en effet, que, dans l'application des lignes directrices, le chiffre d'affaires des entreprises concernées peut entrer en ligne de compte lors de la prise en considération de la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs et de la nécessité d'assurer à l'amende un caractère suffisamment dissuasif ou lors de la prise en considération du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps d'infrastructures "juridico-économiques" suffisantes pour posséder des connaissances qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (voir point 117 ci-dessus). Le chiffre d'affaires des entreprises concernées peut également entrer en ligne de compte lors de la détermination du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature (voir point 118 ci-dessus). De même, le chiffre d'affaires des entreprises peut donner une indication de l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction ou d'autres caractéristiques propres à ceux-ci qu'il convient, selon les circonstances, de prendre en considération (voir point 121 ci-dessus).

158. Dans ce contexte, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d'avoir violé le principe d'égalité de traitement dans la mesure où elle lui a imposé une amende supérieure, en pourcentage du chiffre d'affaires global, à l'amende imposée à ABB.

159. En effet, il y a lieu d'observer, d'abord, que la Commission a estimé qu'il s'agissait, en l'espèce, d'une infraction très grave, pour laquelle l'amende normalement imposable est de 20 millions d'écus (considérant 165 de la décision).

160. Ensuite, la Commission, afin de tenir compte de la disparité dans la taille des entreprises ayant pris part à l'infraction, a fixé les points de départ pour le calcul du montant des amendes, dans un premier temps, selon leur importance dans le marché concerné, sous réserve d'ajustements destinés à tenir compte de la nécessité d'assurer une dissuasion effective (considérant 166, deuxième à quatrième alinéa, de la décision). Il ressort des considérants 168 à 183 de la décision que les quatre catégories se sont vu imposer, dans l'ordre d'importance, pour le calcul des amendes, des points de départ spécifiques de 20, 10, 5 et 1 millions d'écus. Il ressort de l'explication donnée par la Commission, à la suite d'une question posée par le Tribunal, qu'elle a, à cette fin, tenu compte non seulement de leur chiffre d'affaires sur le marché concerné, mais également de l'importance relative que les membres de l'entente attribuaient à chacun d'eux, comme cela ressort des quotas convenus au sein de l'entente, figurant en annexe 60 de la communication des griefs, et des résultats obtenus et envisagés en 1995, figurant en annexes 169 à 171 de la communication des griefs.

161. De plus, la Commission a encore augmenté le point de départ pour le calcul du montant de l'amende à imposer à ABB, pour atteindre 50 millions d'écus, afin de tenir compte de sa position en tant qu'un des principaux groupes européens (considérant 168 de la décision). Ainsi, pour l'amende à infliger à ABB, la Commission est partie d'un point de départ cinquante fois plus élevé que le point de départ de 1 million d'écus imposé à la requérante.

162. Eu égard à l'ensemble des facteurs pertinents pris en considération dans la fixation des points de départ spécifiques, la requérante ne saurait prétendre que la différence entre le point de départ retenu à son égard, d'une part, et le point de départ retenu pour ABB, d'autre part, n'est pas justifiée. Étant donné que la Commission n'est pas tenue d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différence entre celles-ci quant à leurs chiffres d'affaires, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de s'être vu imposer un point de départ qui a conduit à une amende finale supérieure, en pourcentage de son chiffre d'affaires, à l'amende imposée à ABB.

163. Par ailleurs, la requérante ne saurait prétendre qu'une amende représentant 10 % de son chiffre d'affaires sur le marché pertinent constitue l'amende maximale pouvant être imposée en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le chiffre d'affaires visé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 s'entend comme étant relatif au chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée, qui donne seul une indication approximative de l'importance et de l'influence de celle-ci sur le marché (arrêt Musique diffusion française ea-Commission, précité, point 119; arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Cockerill-Sambre-Commission, T-144-89, Rec. p. II-947, point 98, et Dunlop Slazenger-Commission, précité, point 160). Dans le respect de la limite fixée par la disposition susvisée du règlement n° 17, la Commission peut fixer le montant de l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés.

164. Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante portant sur l'appréciation de la gravité de l'infraction.

- Sur l'appréciation de la durée de l'infraction reprochée à la requérante

165. Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas avoir participé à l'infraction plus ou moins à partir de janvier 1995 jusqu'en mars ou avril 1996, c'est-à-dire durant une période d'environ quinze mois.

166. Il n'est pas non plus contesté entre les parties que, pour l'appréciation de la durée lors du calcul du montant de l'amende, la Commission a dû suivre ses lignes directrices, selon lesquelles, pour une infraction de moyenne durée telle qu'une infraction durant de un à cinq ans, le point de départ retenu selon la gravité de l'infraction devrait être majoré d'un montant pouvant aller jusqu'à 50 % (point 1 B, premier alinéa).

167. Or, même si les lignes directrices prévoient que, pour les infractions de longue durée, à savoir les infractions durant plus de cinq ans, le point de départ retenu selon la gravité de l'infraction doit être majoré d'un montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du point de départ, cela ne signifie pas que la Commission est tenue d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que la majoration en fonction de la durée traduise toute différenciation entre les entreprises quant à leur période de participation à l'infraction.

168. En l'espèce, il convient d'estimer que la Commission a été en droit d'appliquer, à l'égard de la requérante, un facteur de majoration de x 1,1 pour une période de participation à l'infraction ayant dépassé de quelques mois la période de référence d'une année.

169. En effet, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir retenu, à l'égard de la requérante, une majoration de x 1,1 pour une période de participation d'environ quinze mois, tout en ne retenant, dans le cas de KWH, aucune majoration pour une période allant, pour cette dernière, plus ou moins de mars 1995 jusqu'en mars ou avril 1996, c'est-à-dire environ douze mois, étant donné qu'une telle différenciation reflète, de façon proportionnée, le fait qu'il s'agissait, pour cette dernière entreprise, d'une infraction d'une durée plus courte que celle de la requérante et qui n'a pas dépassé la période de référence d'une année.

170. De même, la requérante ne saurait tirer argument du fait que, dans le cas de Henss-Isoplus, la Commission a retenu une majoration de x 1,25 pour une période allant plus ou moins d'octobre 1991 jusqu'en mars ou avril 1996, c'est-à-dire d'environ 55 mois. À cet égard, il convient de préciser, d'abord, qu'il ressort de la décision que, en ce qui concerne cette dernière entreprise, la Commission a tenu compte d'une période d'au moins six mois durant laquelle les arrangements ont été suspendus. En outre, il ressort des considérants 170 et 178 de la décision que, en tout état de cause, pour toutes les entreprises pour lesquelles la Commission a dû tenir compte d'une telle suspension de l'entente, cette suspension n'a été qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer la durée à retenir lors du calcul du montant de l'amende, de sorte que la majoration du point de départ en fonction de la durée ne s'est pas basée sur le nombre précis des mois pendant lesquels l'entente s'est poursuivie. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la différenciation effectuée par la Commission reflète, de façon proportionnée, la durée plus longue de la participation de Henss-Isoplus par rapport à celle reprochée à la requérante.

171. Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter les arguments de la requérante en ce qui concerne l'appréciation de la durée de l'infraction.

- Sur l'appréciation des circonstances aggravantes et atténuantes

172. En ce qui concerne la majoration du montant de l'amende imposée à la requérante en raison du caractère délibéré, en commun avec les autres participants, de la poursuite de l'infraction après les vérifications, il suffit d'observer que la requérante n'a pas contesté, ni dans sa requête, ni dans sa réplique, le fait d'avoir poursuivi l'infraction après les vérifications par la Commission, ni le caractère délibéré de cette poursuite. Dans ces circonstances, il n'est pas pertinent d'avancer qu'aucune vérification n'a été effectuée dans les locaux de la requérante.

173. En ce qui concerne l'argument tiré de la dépendance économique de la requérante envers Lögstör, il convient de rappeler, comme cela est constaté au point 48 ci-dessus, que la requérante, même si sa marge de manœuvre a été limitée du fait qu'elle dépendait des livraisons de Lögstör, a tout de même participé, pour son propre compte, à la répartition des projets sur le marché autrichien. En tout état de cause, la requérante ne saurait prétendre qu'elle était économiquement dépendante de Lögstör dans la mesure où, selon ses propres chiffres, le chiffre d'affaires provenant des conduites précalorifugées représentait moins de 15 % de son chiffre d'affaires global.

174. De plus, la requérante ne saurait prétendre que, étant donné qu'elle opérait uniquement sur le marché autrichien, la Commission aurait dû tenir compte, en tant que circonstance atténuante, du fait qu'elle a participé à l'entente par négligence.

175. En effet, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré et non pas par simple négligence, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller-Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 18; arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord-Commission, T-143-89, Rec. p. II-917, point 41).

176. En l'espèce, la requérante reconnaît qu'elle a su que les producteurs européens s'étaient réparti le marché autrichien par le biais de quotas et que les réunions du groupe de contact autrichien faisaient partie d'un plan plus vaste. Or, eu égard au caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, sous a) et c), du traité, la requérante, même si elle n'a agi que sur le marché autrichien, n'a pas pu ignorer que sa participation à l'entente tendait à fausser ou à restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur de la Communauté. Dès lors, elle ne saurait prétendre avoir agi par simple négligence.

177. Il convient donc de rejeter les arguments de la requérante en ce qui concerne l'appréciation des circonstances aggravantes et atténuantes.

- Sur l'application de la communication sur la coopération

178. Il convient d'observer, au préalable, que la Commission, dans sa communication sur la coopération, a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (voir point A 3 de la communication sur la coopération).

179. Il y a lieu d'observer que le cas de la requérante tombe dans le champ d'application du point D de la communication sur la coopération, aux termes duquel "[l]orsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération". Cette communication précise :

"Tel peut notamment être le cas si:

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations."

180. Force est de constater que la requérante n'a pas démontré que la Commission, ayant reconnu qu'elle n'a pas contesté, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés, (considérant 183, deuxième alinéa, de la décision), aurait dû lui accorder une réduction supérieure à celle de 20 % dont elle a bénéficié.

181. Il convient d'indiquer que, dans la partie de la décision concernant les amendes infligées à chaque entreprise, la Commission a noté, en ce qui concerne la coopération offerte par ABB, qu'il a fallu attendre, pour que cette dernière coopère, l'envoi des demandes de renseignements détaillées, et que, par conséquent, cette entreprise ne saurait bénéficier d'un taux de réduction de 50 %, admissible en vertu du point D (considérant 174, troisième et quatrième alinéas). Cette précision, quoique non répétée au sujet de la requérante dans la décision, démontre que la Commission n'était pas prête à accorder une réduction du montant de l'amende de 50 % à une entreprise qui ne lui avait pas communiqué des informations avant la réception d'une demande de renseignements. Or, il est constant que la requérante n'a communiqué des documents à la Commission qu'après avoir reçu de celle-ci une telle demande de renseignements.

182. À cet égard, la requérante ne saurait prétendre avoir droit à une réduction de 30 % de son amende. En effet, il ressort du dossier que toutes les entreprises qui se sont vu accorder, par la décision, une réduction de 30 % de leur amende ont fourni à la Commission des informations importantes complétant les preuves que celle-ci avait pu obtenir lors des vérifications. Or, il y a lieu de constater, tout comme cela est confirmé par les preuves écrites mentionnées dans la décision et dans le présent arrêt, que les aspects essentiels de l'entente, en particulier en ce qui concerne la participation de la requérante, n'ont pas été révélés par des informations ou documents produits par la requérante après les vérifications, mais par d'autres éléments de preuve, dont notamment des documents fournis par ces autres entreprises.

183. Quant à la comparaison du cas d'espèce avec la pratique antérieure de la Commission, il convient d'observer que le seul fait que la Commission ait accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n'implique pas qu'elle est tenue d'accorder la même réduction proportionnelle lors de l'appréciation d'un comportement similaire dans le cadre d'une procédure administrative ultérieure (voir, en ce qui concerne une circonstance atténuante, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof-Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, point 368).

184. Il convient donc de rejeter les arguments de la requérante également en ce qui concerne l'application de la communication sur la coopération.

185. Par conséquent, le grief tiré d'une violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité doit être rejeté.

C - Sur la double sanction

1. Arguments des parties

186. La requérante soutient que, bien que ses actes soient imputables à Lögstör, cette dernière et elle-même se sont vu infliger toutes les deux une amende. Or, pour des comportements distincts, mais liés entre eux, il ne serait permis d'infliger qu'une seule amende. Cette solution aurait dû être appliquée à la requérante au vu de ses relations avec Lögstör.

187. La défenderesse estime qu'il n'y a pas eu double sanction étant donné que la participation de la requérante à l'entente dans le cadre du groupe de contact autrichien a constitué une infraction autonome à l'article 85 du traité.

2. Appréciation du Tribunal

188. Il convient d'observer que la requérante ne saurait invoquer le fait que son quota était fixé par le club des directeurs auquel assistait Lögstör et qu'elle dépendait des livraisons de cette dernière pour échapper à sa propre responsabilité dans l'infraction en cause.

189. En effet, comme cela a été constaté au point 48 ci-dessus, la Commission a correctement établi que la requérante, même si sa marge de manœuvre a été limitée du fait qu'elle dépendait des livraisons de Lögstör, a tout de même participé, pour son propre compte, à un accord sur le marché autrichien. À cet égard, il y a lieu de rappeler que c'est la requérante, et non pas Lögstör, qui s'est réunie avec ses concurrents sur le marché autrichien afin de discuter des prix et d'attribuer les projets individuels conformément aux quotas attribués à chacun d'eux. Dès lors, la Commission a été en droit d'imputer la coopération sur le marché autrichien à la requérante et non pas à Lögstör, même si elle a reproché à cette dernière sa participation à l'entente couvrant l'ensemble du Marché commun.

190. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen pour autant qu'il est tiré d'une prétendue double sanction.

V - Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation

A - Arguments des parties

191. La requérante reproche à la Commission d'avoir violé son obligation de motivation, premièrement, pour ne pas avoir précisé dans la décision les infractions qui lui sont reprochées. La Commission aurait dû désigner, parmi les infractions énumérées à l'article 1er de la décision, comprenant l'ensemble des accusations retenues contre tous les destinataires, celles qui concernaient la requérante. La Commission n'aurait pas non plus indiqué les faits sur lesquels elle appuie toutes ces accusations en ce qui concerne la requérante.

192. Deuxièmement, la Commission n'aurait pas expliqué dans la décision les raisons pour lesquelles elle a appliqué, à son cas, les lignes directrices ainsi que la communication sur la coopération. À ce propos, la requérante rappelle qu'il s'agit d'une considération de droit substantielle et que le fondement de l'obligation de motivation est de donner au juge la possibilité de contrôler la légalité de l'acte en cause et d'indiquer au destinataire le fondement de cet acte. En ce qui concerne la communication sur la coopération, il faudrait spécialement observer que la Commission avait l'obligation d'indiquer pourquoi, à ce titre, elle n'avait accordé qu'une réduction de 20 % à la requérante au lieu de la réduction de 30 % accordée à certains destinataires de la décision Carton pour une attitude identique à la sienne.

193. Troisièmement, la Commission n'aurait pas indiqué dans la décision les motifs pour lesquels d'autres entreprises se trouvant dans une situation identique à celle de la requérante n'avaient pas été inquiétées.

194. La défenderesse fait remarquer que la décision est suffisamment motivée sur tous les points évoqués par la requérante.

B - Appréciation du Tribunal

195. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

196. Il convient de relever, d'abord, que la Commission a clairement indiqué, dans la décision attaquée, les motifs pour lesquels elle a estimé que la requérante a enfreint l'article 85 du traité en participant, plus ou moins à partir de janvier 1995 jusqu'en mars ou avril 1996, à l'infraction décrite dans l'article 1er du dispositif de la décision.

197. Il y a lieu d'observer, à cet égard, que, selon une jurisprudence bien établie, le dispositif de la décision doit être compris à la lumière de l'exposé de ses motifs (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie ea-Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 122 à 124). Par ailleurs, l'article 1er, premier alinéa, du dispositif de la décision reproche à la requérante sa participation à l'infraction en cause "de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation".

198. Or, force est de constater que les actions reprochées à la requérante sont exposées de façon claire dans les considérants de la décision, notamment, en ce qui concerne la structure à deux niveaux de l'entente européenne, aux considérants 66 à 68, et, en ce qui concerne la mise en œuvre de l'entente européenne à travers la coopération des opérateurs sur le marché autrichien, aux considérants 82 à 84. Étant donné qu'il est expressément mentionné, aux considérants 124 et 143 de la décision, que la requérante n'avait pas connaissance du plan destiné à éliminer Powerpipe, il ressort clairement de la décision que, en ce qui concerne les caractéristiques principales de l'entente, énumérées à l'article 1er, troisième alinéa, de la décision, toutes s'appliquent à la requérante à l'exception des mesures concertées prises à l'encontre de Powerpipe.

199. S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis d'indiquer les motifs pour lesquels elle n'a pas infligé une amende à d'autres entreprises se trouvant dans une situation identique, il suffit d'observer que l'absence d'explications sur ce point n'est pas à même de nuire à la motivation de la décision, dans la mesure où celle-ci a suffisamment exposé les motifs pour lesquels une amende a pu être infligée à la requérante.

200. Ensuite, en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende, il convient de rappeler qu'il y a lieu de déterminer la portée de l'obligation de motivation notamment à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO ea-Commission, précitée, point 54).

201. En l'espèce, la Commission, dans sa décision, expose d'abord ses constatations générales concernant la gravité de l'infraction (considérants 164 à 166). En ce qui concerne l'amende à infliger à la requérante, la Commission explique que, tant pour la requérante que pour Brugg, KWH et Sigma, le montant des amendes doit être modulé en fonction des effets produits par leur comportement et en fonction de leur taille par rapport à ABB (considérant 181, premier alinéa, de la décision). Selon la Commission, la gravité de l'infraction justifie que le point de départ spécifique pour le calcul du montant des amendes ne soit pas inférieur à un million d'écus (considérant 181, deuxième alinéa, de la décision). Ensuite, la Commission expose la pondération des amendes à infliger à chacune des quatre entreprises mentionnées, en fonction de la durée de l'infraction (considérant 181, troisième et quatrième alinéas, de la décision).

202. Puis, la Commission indique, en ce qui concerne les circonstances aggravantes et atténuantes, qu'elle a tenu compte du caractère délibéré de la poursuite de l'infraction pour majorer le montant des amendes de 20 % et que, pour la requérante et pour Sigma, leur rôle mineur dans l'infraction et la limitation de leur participation à l'Autriche et à l'Italie, deux marchés relativement restreints dans le secteur du chauffage urbain, justifient une réduction du montant de leur amende, à ce stade du calcul, de deux tiers (considérant 182, premier et sixième alinéas, de la décision). Enfin, la Commission expose que, en vertu de la communication sur la coopération, elle consent à une minoration de 20 % du montant de l'amende, étant donné que la requérante ne conteste pas, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés (considérant 183, deuxième alinéa, de la décision).

203. Il y a lieu de considérer que, interprétés à la lumière des éléments factuels exposés dans la décision à l'égard de chaque destinataire de celle-ci, les considérants 164 à 167 et 181 à 183 contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par la requérante (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Koninklijke KNP-Commission, C-248-98 P, Rec. p. I-9641, point 42).

204. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission de n'avoir pas explicité le cadre juridique s'appliquant au cas d'espèce, en particulier l'application des nouvelles lignes directrices ou, encore, de la communication sur la coopération. En effet, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Commission-Sytraval et Brink's France, précité, point 63).

205. À cet égard, il convient d'observer que la Commission, en disposant, dans l'introduction de ses lignes directrices, que "la nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l'amende obéira[it] dorénavant au schéma suivant", s'est engagée à appliquer ses lignes directrices lors de la détermination du montant des amendes pour violation des règles de la concurrence. De même, conformément au point E 3 de la communication sur la coopération, selon lequel celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant l'informer de l'existence d'une entente, la Commission était obligée d'apprécier la coopération de chaque entreprise en faisant application des critères énoncés par cette communication. Or, eu égard à l'engagement contracté par la Commission, lors de la publication tant des lignes directrices que de la communication sur la coopération, de s'y tenir lors du calcul du montant d'une amende, elle n'était pas tenue d'expliciter si et pour quels motifs elle en faisait application dans le cas de la requérante.

206. Quant à la réduction du montant de l'amende en raison de la coopération de la requérante, il suffit d'observer que la décision a défini, dans ses considérants 174, 177, 180 et 183, l'importance respective de la coopération fournie par toutes les entreprises concernées, en précisant tant les raisons pour lesquelles la requérante s'est vu accorder une réduction de 20 % du montant de son amende que la mesure dans laquelle chacune des entreprises qui se sont vu accorder une réduction de 30 % a fourni des informations utiles à l'établissement des faits sur lesquels se fonde la décision. Une telle motivation a également permis de vérifier s'il y avait lieu d'appliquer une réduction pareille à celle accordée dans la décision Carton.

207. Il découle de ce qui précède que le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation doit également être rejeté.

208. Le recours doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

209. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.