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Décisions

CCE, 3 juillet 2001, n° 2002-165

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

NDC Health / IMS HEALTH

CCE n° 2002-165

3 juillet 2001

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2), et notamment ses articles 3 et 16, vu la décision de la Commission, du 8 mars 2001, d'engager une procédure dans cette affaire, après avoir donné à l'entreprise intéressée la possibilité de présenter ses observations sur les griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 du règlement n° 1 et à l'article 2 du règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après avoir donné au comité consultatif en matière d'ententes et positions dominantes l'opportunité de faire connaître son point de vue le 19 juin 2001, considérant ce qui suit:

I. FAITS

1. NATURE DE LA PRÉSENTE DÉCISION

(1) La présente décision prévoit des mesures provisoires dans l'attente de la décision finale de la Commission à l'égard de la demande présentée, en vertu de l'article 3 du règlement n° 17, par National Data Corporation Health Information Services (Atlanta, États-Unis d'Amérique, ci-après dénommée "NDC"), au motif que IMS HEALTH Incorporated (Wesport, États-Unis d'Amérique, ci-après dénommée "IMS") aurait commis une infraction à l'article 82 du traité CE.

2. ENTREPRISES

(2) Toutes les entreprises auxquelles il est fait référence ci-après ont pour activité le suivi des ventes dans les secteurs des produits pharmaceutiques et des soins de santé. Elles fournissent aux laboratoires pharmaceutiques des données sur les ventes de produits pharmaceutiques en officines et sur les prescriptions médicales.

IMS

(3) Intercontinental Marketing Services Health Inc (IMS), société de droit américain, est le numéro un mondial sur le marché de la fourniture d'informations aux secteurs des produits pharmaceutiques et des soins de santé. La société IMS HEALTH se décrit elle-même comme "le premier fournisseur mondial de données destinées aux secteurs des produits pharmaceutiques et des soins de santé".

IMS est présente dans cent pays. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1,4 milliard de dollars des États-Unis (USD) en 2000, enregistrant ainsi une hausse de 1,9 % par rapport à 1999. Son chiffre d'affaires dans le secteur des soins de santé a augmenté de 9,1 %, passant de 1 milliard d'USD en 1999 à 1,1 milliard d'USD en 2000. Son bénéfice d'exploitation dans ce secteur a augmenté de 3,7 % en 2000 (344315 USD).

Son siège européen se trouve à Londres. Sa filiale allemande, IMS GmbH & Co OHG, est située à Francfort-sur-le-Main.

NDC

(4) National Data Corporation Health Information Services (NDC), également une société de droit américain, fournit des services de bases de données destinés au secteur des produits pharmaceutiques, principalement aux États-Unis. Comme IMS, NDC offre dans différents pays des services d'information destinés aux secteurs des produits pharmaceutiques et des soins de santé. En 1998, NDC est entrée sur le marché communautaire en prenant le contrôle de deux entreprises britanniques, à savoir Hadley Hutt et John Richardson Computers. En juin 2000, NDC a conclu un accord aux fins du rachat de PI Pharmaintranet (ci-après dénommée "PI"), ce qui lui a permis de s'établir sur le marché allemand sous la raison sociale "NDC Health GmbH". PI avait été créée en février 1999 par un ancien salarié d'IMS, M. Roland Lederer. À la suite d'une restructuration interne en janvier 2001, les services médicaux et bancaires de National Data Corporation ont été subdivisés en NDC Health et Global Payment Systems. NDC Health a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 289,3 millions d'USD en 2000.

3. PLAINTE ET DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES

(5) Le 19 décembre 2000, NDC a introduit une plainte auprès de la Commission, lui demandant:

- d'ouvrir une procédure en vue de constater l'existence d'une infraction à l'article 82, et

- d'ordonner des mesures provisoires.

(6) NDC considère qu'IMS abuse de sa position dominante en refusant de lui concéder une licence d'utilisation de sa "structure à 1 860 modules", un découpage du territoire allemand en 1 860 zones géographiques servant à l'établissement de données sur les ventes. NDC prétend que, sans cette licence, elle ne peut fournir à l'Allemagne - le plus grand marché pharmaceutique de l'Union européenne - de rapports sur les ventes régionales fondés sur cette structure ni ne peut conclure de contrats portant sur plusieurs pays, car elle est incapable de faire un rapport sur l'Allemagne. En outre, elle avance que le tribunal allemand a renforcé la position dominante d'IMS par ses ordonnnances interdisant à PI d'utiliser les structures à 2 847 ou à 3 000 modules ou toute autre structure de ce type dérivée de la structure à 1 860 modules sur le fondement qu'elle constitue une création intellectuelle personnelle appartenant à IMS. En cas de violation de cette décision, une amende d'un montant maximal de 500 000 marks allemands (DEM) pourrait être imposée à NDC, mais la procédure engagée par IMS est abusive. N'ayant pas de rapport avec la présente décision, ces deux derniers points ne seront pas examinés d'une manière plus approfondie.

(7) À titre de mesures provisoires, NDC demande à la Commission d'"enjoindre à IMS de [lui] concéder une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules et de tous ses dérivés, dans des conditions commerciales raisonnables et non discriminatoires, ladite licence expirant (et les redevances devant [lui] être remboursées) dès qu'[elle] sera en mesure de prouver qu'IMS ne détient de droit d'auteur sur aucune de ces structures".

4. ENQUÊTE

(8) La plainte a été adressée à IMS le 20 décembre 2000. Le 20 décembre 2000 et le 19 janvier 2001, la Commission a envoyé à IMS une demande de renseignements en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Par lettre du 12 janvier 2001, IMS a présenté ses observations au sujet de la plainte et, par lettres des 15 et 26 janvier 2001 et du 7 mars 2001, a répondu aux demandes de renseignements.

(9) Les demandes de renseignements, adressées aux laboratoires pharmaceutiques en vertu de l'article 11, avaient initialement concerné un échantillon de 20 laboratoires, parmi lesquels se trouvaient 17 des 20 plus grands laboratoires pharmaceutiques d'Allemagne et 9 membres du groupe de travail (considérants 76 et suivants). Des réunions ont eu lieu avec 8 laboratoires pharmaceutiques. Des demandes de renseignements ont été également envoyées en vertu de l'article 11 à d'autres fournisseurs de données, tels que NDC, AzyX, Cégédim et Suomen LääkeData Oy (ci-après dénommée "SLD").

(10) Le 9 mars 2001, la Commission a adressé une communication des griefs à IMS HEALTH. Cette dernière y a répondu par lettre du 2 avril 2001 et a sollicité une audition, qui a eu lieu le 6 avril 2001. La Commission lui a envoyé une nouvelle demande de renseignements le 3 mai, à laquelle elle a répondu le 14 mai. IMS a également adressé à la Commission quatre communications supplémentaires, datées respectivement du 18 avril, du 15 mai, du 16 mai et du 5 juin. Par lettre du 2 avril 2001, lors de l'audition et dans ses communications suivantes, IMS a répondu à la communication des griefs et invoqué un certain nombre de moyens de défense, qui sont examinés dans la section correspondante de l'appréciation juridique.

(11) Afin d'éclaircir certaines allégations avancées par IMS dans ses réponses écrites et orales à la communication des griefs, la Commission a adressé des demandes de renseignements aux 20 laboratoires pharmaceutiques initialement sélectionnés ainsi qu'à 90 autres (soit 110 au total); 85 laboratoires - dont 11 n'avaient pas acheté de rapports sur les ventes régionales - y ont répondu. La Commission a également pris d'autres contacts avec des fournisseurs de données, tels que NDC, AzyX, Cégédim, Farmastat, SLD et GESDAT, le distributeur de trois grossistes allemands. Ces nouveaux renseignements ont été communiqués à IMS les 22 mai et 7 juin 2001 afin qu'elle puisse présenter ses observations à leur sujet. IMS a répondu par lettre du 14 juin. Une réunion entre IMS et les services de la Commission s'est tenue le 18 juin 2001.

5. FAITS

5.1. SERVICES DE FOURNITURE DE DONNÉES SUR LES VENTES RÉGIONALES

(12) Les laboratoires pharmaceutiques recourent aux services de fourniture de données régionales pour définir leurs différents secteurs de vente, concevoir et mettre en place des systèmes d'incitation à l'intention de leurs visiteurs médicaux et s'informer sur l'évolution du marché (parts de marché de leurs produits, comparaison avec les périodes antérieures, etc.).

(13) Les rapports sur les ventes régionales reposent sur les données fournies par les grossistes en produits pharmaceutiques aux fournisseurs de données, tels qu'IMS, NDC et AzyX (4). Ces données concernent les achats des différentes officines aux grossistes (5). On considère ces achats comme représentatifs (6) des ventes des officines et, partant, des prescriptions médicales. Les grossistes concluent généralement des accords de fourniture de données avec les fournisseurs de rapports sur les ventes régionales, par lesquels ils leur communiquent des données par segment géographique, c'est-à-dire concernant l'ensemble des officines d'un segment donné. Les fournisseurs de rapports sur les ventes régionales exigent des grossistes qu'ils leur communiquent des données ventilées selon une structure prédéfinie (structure d'entrée). IMS concède aux grossistes des licences d'utilisation de cette structure uniquement pour qu'ils la respectent lorsqu'ils lui communiquent leurs données. Ils ne sont pas autorisés à l'utiliser à d'autres fins. Cette structure d'entrée varie d'un fournisseur à l'autre: la structure d'IMS se compose de 2 847 modules, celle de NDC - qui contenait initialement 3 000 modules - en compte désormais 3 942 (antérieurement 3 944) et celle d'AzyX 2 881.

(14) La structure d'entrée en question consiste dans une grille superposée sur une carte de l'Allemagne regroupant les praticiens, les officines et les patients et contenant, entre autres, les données suivantes: les codes postaux allemands, des informations de l'Office fédéral des statistiques (circonscriptions administratives, nombre d'habitants, etc.), la répartition des médecins et des officines, des documents cartographiques (cartes topographiques et plans de ville), ainsi que des informations sur l'organisation régionale des caisses de maladie. Ce découpage a pour objet de permettre la ventilation des données relatives aux ventes par petite unité géographique pertinente, dénommée "module", tout en rendant impossible une ventilation des ventes par officines. Cette dernière condition est nécessaire aux fins de la protection des données (7). En Allemagne, la législation relative à la protection des données exige, en effet, le regroupement d'au moins trois pharmacies. Pour maintenir un certain équilibre, chaque module doit compter au moins quatre ou cinq pharmacies. En Allemagne, il existe environ 21 500 pharmacies et 287 000 praticiens.

(15) L'offre de services de fourniture de données régionales est un processus qui commence par l'envoi au fournisseur de ces services des données recueillies et ventilées selon sa structure d'entrée par les grossistes. Les données sont alors vérifiées et formatées selon la structure modulaire, à partir de laquelle de nombreuses analyses sont réalisées. Cette structure modulaire, qui est utilisée pour fournir aux laboratoires pharmaceutiques des services d'information sur les ventes régionales, peut être différente de la structure d'entrée. Les produits finis, c'est-à-dire les rapports sur les ventes régionales offerts par les trois fournisseurs du marché allemand, présentent des différences notables. Par exemple, les rapports "RPM" d'IMS et le produit "RPI" de NDC sont différents, bien que les données utilisées soient les mêmes. Selon les clients, le RPI fournit des données plus complètes pour certaines parties de l'Allemagne et plus de précisions, telles que les produits réimportés et les produits retournés aux grossistes.

(16) Dans le cadre de l'enquête de la Commission, AzyX a expliqué en quoi ses services de fourniture de données régionales différaient de ceux de ses concurrents. Premièrement, différents critères sont utilisés pour classer les produits pharmaceutiques selon l'ATC (système de classification anatomique thérapeutique chimique). La classification de l'Organisation mondiale de la santé et celle de l'European Pharmaceutical Market Research Association (EphMRA) sont utilisées, les critères de la première ayant un caractère plus scientifique et ceux de la seconde un caractère plus commercial. Les clients peuvent définir différents marchés concurrentiels à partir de différentes classifications. AzyX peut définir des marchés concurrentiels en fonction des molécules qui sont actives dans un produit donné, ce qui peut aboutir à des représentations différentes du marché: par exemple, étant donné que les molécules actives dans l'aspirine peuvent également être utilisées à des dosages différents pour prévenir les infarctus du myocarde, les fabricants souhaitent connaître les autres antidouleurs qui pourraient également, en raison de leurs molécules actives, être commercialisés sur le marché des médicaments utilisés en cardiologie après une simple modification de leur dosage. En outre, certains fournisseurs de données indiquent les "retours" relatifs aux différents produits, c'est-à-dire les quantités qui ont été vendues, mais ensuite retournées au laboratoire pharmaceutique. Ces données permettent de mesurer les résultats réels des visiteurs médicaux. Il existe aussi toute une série d'instruments d'analyse liés à différents fournisseurs de données.

5.2. STRUCTURES MODULAIRES

(17) Dans bon nombre de pays, les données sur les ventes régionales sont fournies selon un découpage prédéfini, dénommé "structure modulaire", en vue essentiellement de définir des modules présentant un potentiel de vente équivalent et de se conformer à la législation relative à la protection des données [qui résulte de la directive 95-46-CE (8)]. Pour les laboratoires pharmaceutiques, cette structure modulaire, sur laquelle sont fondés les rapports sur les ventes régionales, est très importante, car c'est en fonction de cette structure qu'ils organisent leur force de vente et qu'ils accordent des primes à leurs visiteurs médicaux. Le secteur d'un vendeur se compose de plusieurs modules de la structure en question. Un certain nombre de laboratoires définissent le secteur de vente d'un visiteur médical à partir de plusieurs modules de la structure à 1 860 modules dans son contrat de travail. La rémunération des visiteurs médicaux est basée sur les variations des parts de marché sur le marché des médicaments ainsi que sur les taux de croissance par module.

(18) Les données formatées selon la structure modulaire constituent la base des rapports sur les marchés régionaux, qui sont livrés sous forme de copies sur papier, de CD-ROM ou en ligne. Ensuite, les laboratoires pharmaceutiques traitent ces données pour leurs besoins ou les transmettent à d'autres prestataires de services pour qu'ils les analysent.

(19) La structure à 1 860 modules, qui, en l'espèce, fait l'objet de la licence refusée, regroupe un certain nombre de codes postaux par module. Un numéro à sept chiffres est ensuite attribué à chaque module. Les cinq premiers chiffres sont des codes relatifs aux circonscriptions administratives: les deux premiers chiffres désignent le Land, le troisième désigne le Regierungsbezirk et les deux autres le Landkreis ou le Stadtkreis. Les deux derniers chiffres consistent dans un numéro séquentiel qui permet de différencier les modules d'un même Landkreis ou Stadtkreis. Si IMS et NDC utilisent toutes deux ces numéros à sept chiffres pour différencier les modules ou les segments de leurs structures respectives, leurs numéros séquentiels (les deux derniers chiffres) sont différents.

(20) En février 1999, PI (avant de passer sous le contrôle de NDC en 2000) a débuté ses activités en Allemagne, en concurrence avec IMS. PI est entrée sur ce marché avec une structure à 2 201 modules, mais les clients potentiels l'ont refusée au motif que les données étaient inutilisables parce qu'elles n'étaient pas formatées selon la structure à 1 860 modules utilisée par l'ensemble du secteur pharmaceutique allemand. C'est pourquoi, quelques mois plus tard, PI a lancé RPI 3 000 (Regional PharmaInformation), c'est-à-dire des rapports sur les ventes régionales fondés sur une structure à 3 000 modules pouvant être ramenés à 2 847 et à 1 860 modules. Grâce à cette structure, PI a pu offrir un produit utile aux laboratoires pharmaceutiques et ainsi conclure rapidement des contrats avec un certain nombre clients. À la suite de l'ordonnance qui lui a interdit d'utiliser la structure à 1 860 modules et ses dérivés, NDC (anciennement PI) a mis un nouveau produit sur le marché: des rapports sur les ventes régionales fondés sur une structure à 3 942 modules.

(21) En octobre 1999, AzyX est entré sur le marché de la fourniture de données sur les ventes régionales avec son produit ARD (AzyX Regionale Daten), qui permettait de s'écarter de la structure modulaire en fournissant les données selon une structure personnalisée. Néanmoins, les clients potentiels réclamaient toujours la structure à 1 860 modules. À la suite de l'ordonnance qui lui a interdit d'utiliser la structure à 1 860 modules et ses dérivés, AzyX a mis un nouveau produit sur le marché: des rapports sur les ventes régionales fondés sur une structure à 2 881 modules.

5.3. ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE À 1 860 MODULES

(22) La première structure modulaire jamais utilisée en Allemagne a été conçue en 1969 et comptait 329 modules correspondant aux districts communaux et aux villes hors district communal de l'ancienne Allemagne de l'ouest. Elle a été ensuite subdivisée en structures contenant d'abord 418, puis 922 modules. En 1991, certaines villes ont été subdivisées en zones, donnant une structure à 1 086 modules. En 1992, à la suite de la réunification allemande, 244 modules correspondant exactement aux circonscriptions administratives de l'ancienne Allemagne de l'est ont été ajoutés. En 1993, à la suite de la mise en place en Allemagne du système de codes postaux à 5 chiffres, 119 villes ont été redécoupées pour créer la structure à 1 845 modules. Cette dernière a été légèrement modifiée en 1995 et en 1998 pour aboutir à la structure actuelle à 1 860 modules. Un service de fourniture de données sur les ventes régionales formatées selon cette structure, le RPM 1 860 ("Regional Pharmaceutical Market", rapports donnant des informations sur les ventes pour les 1 860 modules allemands), est apparu en janvier 2000.

(23) Les structures qui se sont succédées ont résulté de la subdivision des modules originaux en plusieurs unités, de la prise en compte des modifications apportées au système administratif allemand et de la réunification. Chaque structure est devenue la nouvelle norme du secteur et a été adoptée par l'ensemble des laboratoires pharmaceutiques, à quelques exceptions près, bien que ces derniers n'y étaient nullement obligés.

5.4. AUTRES UTILISATEURS DE LA STRUCTURE À 1 860 MODULES

(24) Aujourd'hui, en Allemagne, la structure à 1 860 modules est également utilisée par les entreprises d'autres marchés, soit directement pour fournir d'autres types de données sous ce format, soit indirectement pour analyser les données sur les ventes régionales pour le compte des laboratoires pharmaceutiques.

(25) Un certain nombre de fournisseurs de données géographiques et d'autres types de données, tels que Globalmaps, Bacher, Macon, Easycom et Lutum Tappert, fournissent des cartes ou des données (population, ménages, revenus, pouvoir d'achat et tranches d'âges) respectant la structure à 1 860 modules. D'autres entreprises commerciales et de publipostage ont également repris la structure à 1 860 modules.

(26) Les fournisseurs de logiciels et les entreprises réalisant des études de marché, tels que GfK, DHM (9), GFD (10), IDV (11), ISS ais, Regware, IfAp et P & P (12), reçoivent des informations d'entreprises comme IMS, puis les analysent en vue de déterminer les parts de marché, l'évolution et les tendances du marché, etc., ainsi que pour offrir d'autres services à valeur ajoutée. Certains d'entre eux se servent également de la structure à 1 860 modules dans les logiciels spécialement conçus pour les vendeurs (système de gestion électronique des secteurs).

5.5. QUESTION DU DROIT D'AUTEUR

(27) [supprimé - secret d'affaires]

(28) Le 26 mai 2000, IMS a intenté des poursuites contre PI devant le Tribunal de grande instance (Landgericht) de Francfort invoquant une violation de son droit d'auteur sur la structure à 1 860 modules et une concurrence déloyale. Le 12 octobre 2000, le tribunal a rendu une ordonnance interdisant à PI et à son fondateur, M. Roland Lederer, d'utiliser la structure à 1 860 modules et prévoyant, en cas de violation de cette décision, une amende d'un montant maximal de 500 000 DEM. Le 27 octobre 2000, une ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Francfort, confirmée par décision du 16 novembre, a effectivement interdit à PI d'utiliser les structures à 2 847 ou à 3 000 modules ou toute autre structure de ce type dérivée de la structure à 1 860 modules et prévu, en cas de violation de cette décision, une amende d'un montant maximal de 500 000 DEM. Le 19 juin 2001, l'appel de PI contre les deux ordonnances du 27 octobre et du 16 novembre 2000 a été rejeté par le Tribunal de grande instance de Francfort.

(29) Le 22 décembre 2000, IMS a intenté des poursuites pour violation du droit d'auteur, d'une part contre AzyX, et, d'autre part contre NDC, devant le Tribunal de grande instance de Francfort. Le 28 décembre 2000, le Tribunal a rendu une ordonnance de référé interdisant à AzyX et à NDC d'utiliser les structures à 1 860 et à 2 847 modules ainsi que leurs dérivés. [supprimé - secret d'affaires] Dans son ordonnance, le Tribunal a limité l'interdiction aux 2 847 et 1 860 segments ainsi qu'à tout autre nombre de segments dérivé du RPM 1 860.

(30) Le 20 novembre 2000, NDC a interjeté appel des deux ordonnances rendues en octobre par le Tribunal de grande instance de Francfort. AzyX a également fait appel de l'ordonnance du 28 décembre.

(31) Le 15 février 2001, le Tribunal de grande instance de Francfort a confirmé l'ordonnance de référé du 28 décembre concernant AzyX. Cette dernière a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour d'appel.

5.6. DEMANDE DE LICENCE ET REFUS

(32) Le 26 octobre 2000, le vice-président de NDC chargé du développement des activités internationales a envoyé une lettre par télécopieur à M. Wolfgang Hartmann, le président-directeur général d'IMS Allemagne, en vue d'obtenir une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules en attendant l'issue du recours formé par IMS pour violation du droit d'auteur. La date d'ouverture des négociations avait été arrêtée au 1er novembre 2000 afin de permettre à NDC d'exécuter des contrats imminents qu'elle n'aurait pu honorer faute d'accès à la structure à 1 860 modules. À la suite de cette lettre, le vice-président de NDC a essayé à maintes reprises de joindre M. Hartmann par téléphone et par courrier électronique. [supprimé - secret d'affaires] ce qui pourrait prendre environ trois ans.

(33) Le 12 décembre 2000, le vice-président de NDC a adressé une autre lettre au président-directeur général d'IMS HEALTH, sollicitant cette dernière d'entamer les négociations relatives à l'octroi d'une licence le 15 décembre au plus tard. [supprimé - secret d'affaires]

(34) NDC avance qu'IMS prend actuellement des mesures en vue de dissuader les grossistes de fournir à ses concurrents des données présentées selon la structure à 1 860 modules ou toute structure dérivée de celle-ci, en les menaçant effectivement d'intenter des poursuites contre eux pour violation de son droit d'auteur s'ils n'obtempèrent pas. De même, IMS met actuellement en garde les laboratoires pharmaceutiques contre le fait qu'ils risquent de violer son droit d'auteur en acceptant d'un tiers des rapports sur les ventes régionales fondés sur une structure à 1 860 modules ou sur toute autre structure dérivée de celle-ci.

(35) Le 23 avril 2001, AzyX a demandé à IMS de lui accorder une licence d'utilisation de sa structure à 1 860 modules. [supprimé - secret d'affaires]

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

(36) La Commission suppose, aux fins de la présente procédure et conformément à la législation allemande, que la structure à 1 860 modules est protégée par un droit d'auteur. La présente appréciation juridique ne portera pas sur les questions relatives au droit d'auteur, soit en ce qui concerne l'objet spécifique du droit, ou soit en ce qui concerne les mesures nationales que les tribunaux allemands ont utilisées pour faire respecter la législation en matière de droit d'auteur. La Commission note que le Tribunal de grande instance de Francfort a considéré que la structure à 1 860 modules est une base de données et que la protection juridique des bases de données est harmonisée par la directive 96-9-CE (13).

6. CONDITIONS NÉCESSAIRES À L'ADOPTION DE MESURES PROVISOIRES

(37) La Cour de justice a conclu dans l'affaire Camera Care (14) (point 18 des motifs) que la Commission doit pouvoir "prendre des dispositions conservatoires, dans la mesure où celles-ci pourraient paraître indispensables en vue d'éviter que l'exercice du droit de décision prévu par l'article 3 ne finisse par devenir inefficace, ou même illusoire, en raison de l'action de certaines entreprises".

(38) En ce qui concerne les conditions nécessaires à l'adoption de mesures provisoires, la Cour de justice a indiqué dans l'arrêt Ford (15) (point 19 des motifs), confirmé par l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance (ci-après dénommé "le TPI") dans l'affaire Peugeot (16), que "les mesures conservatoires que la Commission peut arrêter à titre provisoire doivent entrer dans le cadre de la décision susceptible d'être prise à titre définitif". Le TPI a ajouté dans son arrêt La Cinq (point 28 des motifs) ce qui suit:

"Des mesures conservatoires ne sauraient être octroyées que lorsque les pratiques de certaines entreprises sont, à première vue, de nature à constituer une violation des règles communautaires de concurrence susceptible d'être sanctionnée par une décision de la Commission. Il faut, en outre, que de telles mesures ne soient prises qu'en cas d'urgence établie, en vue de parer à une situation de nature à causer un préjudice grave et irréparable à la partie qui les sollicite, ou intolérable pour l'intérêt général" (17).

(39) Pour ce qui est de l'infraction prima facie, le TPI a conclu dans l'affaire Peugeot précitée que la constatation d'une infraction prima facie exigeait la preuve de l'"existence probable" d'une infraction. Le TPI a également précisé dans le même arrêt (point 61 des motifs) que l'"on ne saurait assimiler l'exigence de la constatation d'une infraction prima facie avec l'exigence de certitude à laquelle doit satisfaire une décision finale".

(40) S'agissant du risque de préjudice grave et irréparable justifiant l'urgence de prendre des mesures provisoires, le TPI a conclu dans l'arrêt Peugeot (point 80 des motifs) qu'il était nécessaire de prouver l'existence d'un "préjudice auquel la décision que la Commission doit prendre à l'issue de la procédure administrative ne pourrait plus remédier".

(41) Par conséquent, il n'est pas nécessaire pour la Commission de constater de manière définitive qu'une infraction a été commise. Toutefois, avant d'accorder des mesures provisoires dans un cas similaire au cas d'espèce, la Commission, conformément à la jurisprudence, doit être convaincue:

- de l'existence d'une présomption d'infraction raisonnablement forte,

- du risque de préjudice grave et irréparable qui pourrait être causé aux requérants si de telles mesures n'étaient pas ordonnées,

- de l'urgence de prendre des mesures conservatoires.

(42) Toute mesure prise par la Commission doit revêtir un caractère provisoire et conservatoire et être limitée à ce qui est nécessaire dans la situation donnée. La Commission doit également tenir compte des intérêts légitimes de l'entreprise faisant l'objet des mesures provisoires. Ces dernières ne doivent pas aller au-delà du pouvoir qu'a la Commission d'ordonner, dans la décision finale, qu'il soit mis fin à une infraction.

APPLICATION DE CES PRINCIPES AU CAS D'ESPÈCE

7. PRÉSOMPTION D'UN COMPORTEMENT CONSTITUTIF D'UNE INFRACTION À L'ARTICLE 82

(43) Au stade actuel et pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission n'a pas à se prononcer de manière définitive sur tous les points soulevés dans la présente affaire. La question qui se pose en l'espèce consiste à savoir s'il existe des éléments de droit et de fait établissant une présomption raisonnablement forte.

(44) Aux termes de l'article 82, "est incompatible avec le Marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante". En l'espèce, il importe de savoir si le refus d'IMS d'accorder une licence d'utilisation de sa structure à 1 860 modules revient à exploiter de façon abusive une position dominante.

7.1. MARCHÉ EN CAUSE

(45) Pour déterminer si une entreprise occupe une position dominante, il faut commencer par définir le marché en cause, c'est-à-dire la zone géographique dans laquelle le pouvoir de marché de l'entreprise concernée (et celui de tous ses concurrents réels ou potentiels) doit être apprécié.

(46) En principe, le marché de produits comprend tous les produits que les consommateurs considèrent comme substituables les uns aux autres en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage auquel ils sont destinés (18).

(47) Les informations en question sont très particulières et ne sont utiles qu'aux laboratoires pharmaceutiques, car elles portent sur l'évolution des ventes de médicaments. Dans une communication du 7 mars, IMS a défini deux sources principales de données et quatre types de services:

Les données recueillies auprès des officines:

a) les services de fourniture de données nationales sur les prescriptions médicales, c'est-à-dire la fourniture d'informations sur les ordonnances préparées au niveau national qui permettent de quantifier le volume global des produits pharmaceutiques vendus par les officines aux patients. Ces données sont recueillies auprès de plusieurs échantillons d'officines. Elles sont d'abord analysées au niveau régional, puis projetées au niveau national;

b) les services de fourniture de données régionales sur les prescriptions médicales permettent d'estimer le nombre d'ordonnances préparées par les officines d'une région donnée. Ils sont utilisés par les services commerciaux des laboratoires pharmaceutiques pour déterminer les produits pour lesquels des actions promotionnelles sont nécessaires ou pour lesquels ces actions doivent être améliorées.

Les données recueillies auprès des grossistes en produits pharmaceutiques:

c) les services de fourniture de données nationales sur la distribution procurent une analyse des ventes de produits pharmaceutiques aux officines par les grossistes et par les laboratoires au niveau national. Ces données sont utilisées par les services chargés des études de marché pour définir les stratégies commerciales nationales, déterminer les médicaments devant faire l'objet de travaux de recherche et de développement, fixer les prix, les positionner sur le marché et comparer les résultats du laboratoire à ceux des autres laboratoires pharmaceutiques;

d) les services de fourniture de données régionales sur la distribution procurent une analyse des ventes de produits pharmaceutiques aux officines par les grossistes et par les laboratoires plus précise du point de vue géographique que les services précédents. Ces données régionales sont essentiellement utilisées par les laboratoires pharmaceutiques pour contrôler les résultats de leurs visiteurs médicaux et calculer leur rémunération.

(48) Ces quatre types de services diffèrent tant en ce qui concerne le mode de collecte des données qu'en ce qui concerne leur utilisation. Dans sa communication du 7 mars précitée, IMS déclare que "les données recueillies auprès d'une source ne peuvent être utilisées pour répondre à une autre demande des clients".

(49) Pour chacun des quatre types de services susmentionnés, les données relatives à l'Allemagne constituent un produit distinct qui ne peut se substituer aux données relatives à un autre pays, car ces données concernent les ventes ou les prescriptions de médicaments au niveau national ou régional ou bien portent sur des secteurs de vente se limitant au territoire d'un seul État membre.

(50) En outre, dans le cas des services de fourniture de données sur les ventes régionales, il ressort des réponses des laboratoires pharmaceutiques que ce sont les filiales qui décident de souscrire à ce type de services sans en référer à la société mère. Cela tient au fait que les laboratoires pharmaceutiques utilisent essentiellement ces données pour apprécier les résultats de leurs visiteurs médicaux, qui sont tous responsables d'un petit secteur géographique dans un pays donné.

(51) Pour toutes ces raisons, le marché de produits en cause en l'espèce est le marché des services de fourniture de données sur les ventes régionales en Allemagne.

(52) Pour ce qui est du marché géographique, le TPI a rappelé dans l'arrêt rendu dans l'affaire Ladbroke (19) (point 102 des motifs) que "le marché géographique peut être défini comme le territoire sur lequel tous les opérateurs économiques concernés se trouvent exposés à des conditions objectives de concurrence qui sont similaires ou suffisamment homogènes".

(53) Il ressort des réponses aux demandes de renseignements et des réunions avec les laboratoires pharmaceutiques que la demande de données régionales se limite au pays concerné. AstraZeneca a déclaré que "les services logistiques centraux d'AstraZeneca UK limited achètent des données sur les ventes au niveau national. Les filiales d'AstraZeneca sur les marchés en cause achètent des données sur les ventes régionales aux fins de leurs propres études de marché". De même, Roche (Bâle) a expliqué qu'"au niveau du groupe, le besoin de cette structure détaillée n'est pas évident". NDC a observé que "du point de vue de la demande, les laboratoires pharmaceutiques allemands ont montré qu'ils n'étaient pas disposés à acheter des rapports sur les ventes régionales à des fournisseurs établis en dehors de l'Allemagne".

(54) Les données en question concernent des aspects fondamentaux qui varient d'un État membre à l'autre, tels que le nom, l'emballage, la référence, la catégorie thérapeutique et le mode de remboursement du médicament. En raison des différences qui existent entre les pays - mode de vente au détail des produits pharmaceutiques, emballage, langue et précautions d'emploi, marque déposée des médicaments, attentes et habitudes des consommateurs, etc. -, les marchés des produits pharmaceutiques tendent à revêtir une dimension nationale, présentant de nombreuses caractéristiques qui leur sont propres. Il est donc essentiel pour les fournisseurs de données sur les ventes de posséder une filiale dans chaque pays pour vendre leurs services et en assurer la promotion ainsi que pour bien connaître ces différents marchés. Dans ce secteur, la confiance est très importante et une présence locale est indispensable pour offrir une assistance informatique et technique ainsi que pour entretenir des relations non seulement avec les clients, mais aussi avec les grossistes aux fins de la collecte de données brutes. Pour apporter une valeur ajoutée à ces données, de nombreux contrôles et vérifications sont nécessaires et ceux-ci doivent être effectués au niveau local.

(55) Par conséquent, la Commission considère que le marché géographique en cause est l'Allemagne.

(56) Elle conclut que le marché des services de fourniture de données sur les ventes régionales en Allemagne constitue le marché en cause.

7.2. POSITION DOMINANTE

(57) La Cour de justice a défini une position dominante comme étant une "situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs" (20).

(58) IMS est en situation de quasi-monopole. Sur la base des chiffres de vente de l'exercice 2000, les parts de marché des trois fournisseurs de données sont les suivantes: IMS -[supprimé - secret d'affaires]; NDC (PI) -[supprimé - secret d'affaires]; AzyX -[supprimé - secret d'affaires]. Avant l'arrivée de NDC et d'AzyX, ce marché était exempt de toute concurrence.

(59) Parmi les critères qui permettent d'établir l'existence d'une position dominante, la Cour a indiqué dans son arrêt AKZO (21) que des parts de marché élevées étaient déterminantes: "S'agissant des parts de marché, la Cour a jugé que des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50 % comme celle constatée en l'espèce". Dans l'affaire CMB contre Commission, le TPI a, en outre, déclaré (au point 76 des motifs) que "l'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Toutefois, sauf circonstances exceptionnelles, des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes la preuve de l'existence d'une position dominante" (22).

(60) Pour ce qui est du marché en cause, l'Allemagne, en tant qu'État membre et plus grand marché d'Europe pour la fourniture de données sur les ventes régionales, peut être regardée comme une partie substantielle du Marché commun. Ce constat s'impose si l'on considère, par exemple, l'affaire Suiker Unie (23) (point 375 des motifs), dans laquelle la Cour a estimé que le marché belgo-luxembourgeois du sucre constituait une partie substantielle du marché commun, ou encore l'affaire BP contre Commission (24), dans laquelle l'avocat général a indiqué que le Luxembourg était susceptible d'être considéré comme une partie substantielle de ce marché. Dans l'arrêt Bronner (25), la Cour a également souligné "qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le territoire d'un État membre, auquel s'étend une position dominante, est susceptible de constituer une partie substantielle du Marché commun".

(61) [supprimé - secret d'affaires]

(62) Néanmoins, pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission considère qu'IMS occupe une position dominante sur le marché en cause.

7.3. ABUS DE POSITION DOMINANTE

(63) Dans sa plainte, NDC, qui renvoie à la théorie des "infrastructures essentielles", considère qu'IMS est tenue d'accorder des licences d'utilisation de sa structure à 1 860 modules, car il s'agit d'une condition préalable à l'exercice d'une concurrence effective sur le marché des services de fourniture de données sur les ventes régionales. Selon cette théorie, une entreprise jouissant d'une position dominante pour la fourniture d'infrastructures qui sont essentielles à l'offre de biens ou de services abuse de sa position dominante si, sans justification objective, elle refuse l'accès à ces infrastructures. Comme l'a indiqué l'avocat général dans les conclusions qu'il a présentées dans l'affaire Bronner: "Ainsi, dans certains cas, une entreprise dominante n'est pas seulement tenue de s'abstenir de tout comportement anticoncurrentiel, mais doit encore promouvoir activement la concurrence en accordant à des concurrents potentiels l'accès à des installations qu'elle a développées".

(64) Ni la jurisprudence de la Cour ni celle du TPI ne font expressément référence à cette théorie des infrastructures essentielles. Néanmoins, la Cour a déjà statué dans un certain nombre d'affaires relatives au refus d'une entreprise en position dominante de fournir des biens ou des services. Dans deux affaires récentes, la Cour a conclu que la cessation des livraisons destinées à un client existant pouvait constituer un abus. Dans l'arrêt Commercial Solvents (26) (point 25 des motifs), elle a considéré qu'"une telle entreprise, disposant d'une position dominante pour la production des matières premières et, de ce chef, en mesure de contrôler l'approvisionnement des fabricants de produits dérivés, ne saurait, parce qu'elle a décidé de commencer elle-même la production de ces dérivés [...], adopter un comportement de nature à éliminer la concurrence de ceux-ci".

(65) De même, dans l'arrêt United Brands (27) (point 182 des motifs), la Cour a conclu qu'"une entreprise disposant d'une position dominante pour la distribution d'un produit - bénéficiant du prestige d'une marque connue et appréciée des consommateurs - ne saurait cesser ses livraisons à un client ancien et respectant les usages commerciaux, lorsque les commandes de ce client ne présentent aucun caractère anormal".

(66) Dans deux autres affaires relatives à des biens ou services protégés par des droits de propriété intellectuelle, la Cour a examiné la question de savoir si le refus d'approvisionnement constituait un abus. Dans l'arrêt Volvo (28) (points 8 et 9 des motifs), la Cour a conclu que "le refus d'accorder une pareille licence [licence accordée par le titulaire du modèle protégé à des tiers pour la fourniture de produits incorporant ce modèle] ne saurait constituer en lui-même un abus de position dominante. [...] il y a lieu, toutefois, de relever que l'exercice du droit exclusif par le titulaire du modèle relatif à des éléments de carrosserie de voitures automobiles peut être interdit par l'article 86 s'il donne lieu, de la part d'une entreprise en position dominante, à certains comportements abusifs, tels que le refus arbitraire de livrer des pièces de rechange à des réparateurs indépendants, la fixation des prix des pièces de rechange à un niveau inéquitable ou la décision de ne plus produire de pièces de rechange pour un certain modèle, alors que beaucoup de voitures de ce modèle circulent encore, à condition que ces comportements soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres".

(67) Dans l'arrêt Magill (29) (points 49, 50 et 54 des motifs) précité, la Cour a déclaré qu'"un refus de licence, alors même qu'il serait le fait d'une entreprise en position dominante, ne saurait constituer en lui-même un abus de celle-ci. Néanmoins, [...] l'exercice du droit exclusif par le titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, donner lieu à un comportement abusif [...] [et] le refus, par les requérantes, de fournir des informations brutes en invoquant les dispositions nationales sur le droit d'auteur a donc fait obstacle à l'apparition d'un produit nouveau, un guide hebdomadaire complet des programmes de télévision, que les requérantes n'offraient pas, et pour lequel existait une demande potentielle de la part des consommateurs, ce qui constitue un abus suivant l'article 86, deuxième alinéa, point b), du traité". La Cour admet donc que, dans des circonstances exceptionnelles, l'exercice d'un droit exclusif découlant d'un droit de propriété intellectuelle peut constituer un abus même en l'absence de tout autre comportement abusif, lorsqu'il fait, entre autres, obstacle à l'apparition d'un nouveau produit.

(68) Dans une affaire ultérieure, l'affaire Ladbroke précitée (point 131 des motifs), le TPI a conclu que "le refus opposé à la requérante ne pourrait relever de l'interdiction de l'article 86 que s'il concernait un produit ou un service qui se présente soit comme essentiel pour l'exercice de l'activité en cause, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel, soit comme un produit nouveau dont l'apparition serait entravée, malgré une demande potentielle spécifique constante et régulière de la part des consommateurs". Cet arrêt indique clairement qu'un refus de licence peut constituer un abus non seulement lorsqu'il entrave l'apparition d'un nouveau produit, mais aussi lorsque le produit ou le service en question est essentiel pour l'exercice de l'activité concernée.

(69) Dans l'arrêt Bronner (point 41 des motifs) précité, la Cour a déclaré que "dès lors, à supposer même que cette jurisprudence relative à l'exercice d'un droit de propriété intellectuelle soit applicable à l'exercice d'un droit de propriété quel qu'il soit, encore faudrait-il, pour que l'arrêt Magill puisse être utilement invoqué pour conclure à l'existence d'un abus au sens de l'article 86 du traité dans une situation telle que celle qui fait l'objet de la première question préjudicielle, non seulement que le refus du service que constitue le portage à domicile soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché des quotidiens de la part du demandeur du service et ne puisse être objectivement justifié, mais également que le service en lui-même soit indispensable à l'exercice de l'activité de celui-ci, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel audit système de portage à domicile. [...] D'autre part, il n'apparaît pas qu'il existe des obstacles techniques, réglementaires ou même économiques qui soient de nature à rendre impossible, ni même déraisonnablement difficile, pour tout autre éditeur de quotidiens, de créer, seul ou en collaboration avec d'autres éditeurs, son propre système de portage à domicile à l'échelle nationale et de l'utiliser pour la distribution de ses propres quotidiens".

(70) Par conséquent, les critères permettant d'établir l'existence d'un abus au sens de l'article 82 dans les cas d'exercice d'un droit de propriété, comme la Cour les a explicités dans l'arrêt Bronner, sont les suivants:

- le refus d'accorder l'accès à l'installation en question est de nature à éliminer toute la concurrence sur le marché en cause,

- ce refus ne peut être objectivement justifié, et

- l'installation en elle-même est indispensable à l'exercice de l'activité, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel à celle-ci.

(71) En l'espèce et selon le raisonnement exposé ci-dessus, il y a lieu pour la Commission d'apprécier si la structure à 1 860 modules ou toute structure compatible avec celle-ci est indispensable à l'exercice d'activités sur le marché en cause, c'est-à-dire s'il existe véritablement une possibilité pour les entreprises désireuses de fournir des données sur les ventes régionales en Allemagne d'utiliser une autre structure - autre que la structure à 1 860 modules ou qu'une structure compatible avec celle-ci - sans violer le droit d'auteur d'IMS.

(72) Pour répondre à cette question, il convient à l'évidence de déterminer si les utilisateurs de données sur les ventes régionales peuvent réellement acheter des données formatées selon une autre structure. À cette fin, la Commission a demandé des renseignements, dans un premier temps, à 20 laboratoires pharmaceutiques, puis à 90 autres laboratoires. Elle a reçu 85 réponses en tout.

(73) IMS estime que la première enquête de la Commission n'a pas porté sur un nombre suffisant de laboratoires et, partant, qu'aucune conclusion ne devrait en être tirée. À ses 110 demandes de renseignements, la Commission n'a reçu au total que 85 réponses. Les laboratoires interrogés représentent 56 % des ventes totales de produits pharmaceutiques en Allemagne. Les laboratoires qui ont répondu à l'enquête de la Commission sont représentatifs à la fois des laboratoires pharmaceutiques en général et des utilisateurs de services de fourniture de données sur les ventes régionales, en ce qu'ils regroupaient presque toutes les grandes entreprises ainsi qu'un échantillon des petites et moyennes entreprises.

(74) En l'espèce, la Commission considère que les faits suivants démontrent que les critères juridiques précités sont remplis.

7.3.1. La structure à 1 860 modules: rôle du groupe de travail, fonction de norme sectorielle et dépendance économique des laboratoires pharmaceutiques

- Rôle du groupe de travail

(75) L'industrie pharmaceutique allemande participe depuis longtemps à l'élaboration de la structure modulaire utilisée en Allemagne. À cette fin, IMS a créé un groupe de travail, le RPM-Arbeitskreis, au début des années 70. Ce dernier compte environ quinze membres et associe à ses travaux de grands laboratoires pharmaceutiques, tels que Bayer, Ciba-Geigy, Aventis (Hoechst), Goedecke (Warner Lambert), Asta Medica, Byk Gulden, Astra Zeneca, Hoffmann-La Roche, Klinge Pharma, Merck, Pfizer et Boehringer Ingelheim. Il se réunit deux fois par an en session plénière, mais a souvent créé des sous-groupes ou des séminaires pour examiner des questions particulières, telles que la subdivision de modules existants pour parvenir à une structure plus fine. Les comptes rendus de ses réunions et ses décisions sont régulièrement communiqués aux entreprises pharmaceutiques établies en Allemagne.

(76) IMS déclare que ce groupe de travail "... sert essentiellement à recueillir les observations et les suggestions des clients sur toute une série de questions présentant un intérêt pour les services de fourniture de données d'IMS HEALTH en Allemagne" et qu'elle a présenté de nouvelles structures modulaires complètes à certains clients par son intermédiaire. NDC avance que les structures modulaires ont en fait été créées par ce groupe de travail.

(77) Il ressort en fait de l'enquête de la Commission que le groupe de travail a joué un rôle important dans la conception de la structure actuelle. Cette dernière est très proche de la structure à 1 845 modules créée en 1993 en ce sens qu'elle en reprend environ 92 %. IMS déclare que 142 modifications ont été apportées à la structure à 1845 modules pour créer celle à 1 860 modules. [supprimé - secret d'affaires]

(78) [supprimé - secret d'affaires]

(79) Les témoignages des tiers sont explicites sur ce point. Lilly a considéré qu'"IMS était parfaitement capable d'obtenir par elle-même des données courantes, telles que les codes postaux, les villes et le nombre de pharmaciens, pour définir de nouveaux modules, mais qu'elle avait besoin des visiteurs médicaux pour obtenir des informations plus pointues (par exemple, les itinéraires de leurs tournées, les groupements de pharmaciens, etc.). Selon moi, c'est pourquoi IMS a eu la sagesse de formaliser sa coopération avec l'industrie pharmaceutique en créant un groupe de travail". Klinge Pharma partage cette analyse et renvoie également à cette lettre du 8 octobre 1993 adressée par IMS à ses clients.

(80) Krewel Meuselbach a déclaré que "les laboratoires pharmaceutiques, ou les membres de l'Arbeitskreis, avaient conçu ensemble les structures RPM à 1 845 et à 1 860 modules [...] Les laboratoires pharmaceutiques ont collaboré aux fins de l'élaboration et de la mise au point de la nouvelle structure, car leurs commerciaux respectifs possédaient les connaissances locales nécessaires. [...] Ce salarié d'IMS a précisé que les commerciaux de Glaxo Wellcome avaient modifié certains segments dans la région de Hambourg [...]". Le directeur commercial d'IMS de 1993 à 1995, qui travaille à présent pour GESDAT, a indiqué que "des suggestions d'IMS étaient présentées dans le cadre de ces séminaires. IMS a aussi fourni des cartes et des informations administratives. Ce sont, cependant, les commerciaux qui avaient toujours le dernier mot quant à la définition précise des différents segments. Cela tient au fait qu'ils possédaient les connaissances du terrain nécessaires pour élaborer une structure acceptable et pratique".

(81) Merck a déclaré qu'"il est vrai qu'IMS avait déjà réfléchi à une segmentation du territoire fédéral, mais que la plupart de ses propositions - parce qu'elles n'avaient été élaborées qu'à partir d'une carte de l'Allemagne - n'étaient d'aucune utilité pour l'industrie pharmaceutique. [...] Pour diviser utilement le territoire fédéral en segments, il était nécessaire de connaître les prescriptions des médecins et les pharmacies dans lesquelles leurs patients s'étaient rendus. [...] Ces informations ne pouvaient, cependant, être obtenues qu'auprès des commerciaux [...] Par conséquent, il aurait été impossible de créer la nouvelle structure RPM sans le concours de ces derniers. Les segments ont été définis, notamment, dans le cadre de très longues discussions auxquelles ont participé un très grand nombre de visiteurs médicaux. Toute la structure RPM est donc fondée sur un consensus de l'ensemble des commerciaux des laboratoires pharmaceutiques. IMS n'a fait qu'adopter le résultat de leurs travaux".

(82) Fournier a avancé que "les représentants des laboratoires pharmaceutiques, les membres élus de l'Arbeitskreis, ont conçu ensemble les structures RPM à 1845 et à 1 860 modules". Leo Pharma a ajouté qu'"il avait été absolument nécessaire pour IMS de s'appuyer sur les connaissances précises du terrain des commerciaux, concernant les aspects géographiques, les flux d'ordonnances des praticiens aux officines, la proximité des officines par rapport aux hôpitaux, etc., pour définir les segments des structures à 1845 et à 1 860 modules. Sans ces informations sur le marché des produits pharmaceutiques, IMS HEALTH n'aurait certainement pas pu élaborer cette structure".

(83) Il est également évident que les entreprises pharmaceutiques établies en Allemagne ont réalisé des investissements substantiels pour s'assurer que la structure modulaire répondrait à tous leurs besoins. Par exemple, la BPI, la confédération de l'industrie pharmaceutique allemande, a déclaré que "l'industrie pharmaceutique a largement participé à l'élaboration de la structure à 1 860 modules. Même les petites entreprises et les entreprises ne participant pas au RPM-Arbeitskreis ont apporté leur contribution directe ou indirecte." De nombreux témoignages (30) et preuves écrites concernant la date de la création de la structure à 1 845 modules, à partir de laquelle a été élaborée la structure à 1 860 modules, démontrent le rôle important et décisif qu'ont joué les laboratoires pharmaceutiques. C'est notamment pour cela que la structure à 1 860 modules semble être la meilleure structure possible et semble correspondre exactement aux besoins des laboratoires pharmaceutiques. Cette situation explique, pour partie, leur dépendance - qui s'est accrue au fil du temps - à l'égard de cette structure, le fait qu'ils ne soient aucunement incités à la remplacer par une autre et l'impossibilité pour un fournisseur de données sur les ventes régionales formatées selon une autre structure de livrer concurrence sur ce marché.

(84) Le groupe de travail a également joué un rôle important à d'autres moments. [supprimé - secret d'affaires]

(85) [supprimé - secret d'affaires]

- La structure à 1 860 modules remplit la fonction de norme sectorielle

(86) D'après les informations communiquées à la Commission, la structure à 1 860 modules fonctionne comme une norme sectorielle, en partie en raison du rôle que les entreprises de ce secteur ont joué dans sa création. L'écrasante majorité des laboratoires pharmaceutiques achetant des rapports sur les ventes régionales (74 sociétés°, qui ont répondu à la demande de renseignements adressée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement 17, considèrent la structure à 1 860 modules ou des segmentations compatibles comme une norme sectorielle ou une "langue commune". Neuf entreprises ne sont pas de cet avis ou n'ont pas de position tranchée (31). Sur ces neuf laboratoires, trois ont estimé que la structure à 1 860 modules était une norme sectorielle de fait pour l'unique raison qu'elle est utilisée par la majorité des entreprises pharmaceutiques. Trois des six entreprises restantes, bien qu'elles aient indiqué ne pas tenir la structure à 1 860 modules pour une norme sectorielle, ont déclaré qu'elles n'abandonneraient toutefois pas les structures modulaires au profit d'autres fournisseurs de données sur les ventes régionales. Les trois autres laboratoires, Robugen, Hermal et Berlin Chemie, sont des petites et moyennes entreprises, dont les deux premières sont spécialisées dans des produits spécifiques: Robugen fabrique des produits à base de camomille et Hermal des crèmes pour le traitement des problèmes de peau. Ces sociétés ne représentent que 4 % des entreprises ayant répondu sur ce point particulier. Ces trois entreprises sont également les seules à avoir déclaré qu'elles seraient disposées à accepter une autre structure modulaire. La totalité des autres laboratoires pharmaceutiques ont déclaré qu'ils ne pourraient ni modifier la structure à 1 860 modules en vigueur ni accepter une nouvelle structure qui les obligerait à modifier leurs secteurs de vente actuels.

(87) Parmi les déclarations transmises à la Commission, citons par exemple celle-ci: "la structure à 1 860 modules est une norme sectorielle, car elle donne accès à de nombreux types de données pharmaceutiques provenant de fournisseurs différents" (Yamanouchi). "À notre avis, des structures modulaires incompatibles ne peuvent coexister." Il ne doit y avoir qu'"une seule norme, afin d'éviter, par exemple, les coûts considérables occasionnés par le passage d'un fournisseur à un autre" (Kreussler). "La structure à 1 860 modules est une norme sectorielle en raison du caractère unique des rapports fournis, de la comparabilité avérée des modules, ainsi que de son utilisation régulière et de longue date dans l'industrie" (Schering). "Je ne peux concevoir la coexistence de plusieurs structures incompatibles entre elles. Il doit exister une norme pour comparer les concurrents et évaluer ses propres performances en matière de vente. La présence de structures différentes remettrait en question la validité des données figurant dans les rapports sur les ventes. Les coûts occasionnés par le passage d'un fournisseur à un autre seraient énormes, de sorte que la concurrence serait absente" (Fournier).

(88) IMS affirme, cependant, que la structure à 1 860 modules ne présente aucune des caractéristiques d'une véritable norme sectorielle, que son utilisation n'est pas exigée par la loi et que 30 % des clients allemands n'y ont pas recours.

(89) Si la Commission admet que l'utilisation de la structure à 1 860 modules n'est pas une obligation légale, celle-ci constitue une norme sectorielle de fait, pour les raisons susmentionnées, parce que la très grande majorité des laboratoires pharmaceutiques contactés ne seraient disposés ni à modifier la structure à 1 860 modules en vigueur ni à accepter une nouvelle structure qui les obligerait à modifier leurs secteurs de vente actuels. La structure à 1 860 modules est une "langue commune" pour la communication d'information entre tous les opérateurs de l'industrie pharmaceutique, ce que l'industrie a confirmé elle-même.

(90) Le tribunal de Francfort semble souscrire à cette conclusion lorsqu'il déclare dans son ordonnance du 16 novembre 2000 que (c'est nous qui soulignons): "la structure de la division territoriale utilisée par le plaignant (IMS) est devenue une norme courante pour produire des évaluations régionales de l'industrie pharmaceutique allemande; les clients du plaignant ont aligné leur organisation en termes de distribution et d'informatique sur la structure territoriale utilisée par le demandeur".

(91) L'affirmation d'IMS, selon laquelle 30 % environ des clients allemands n'utiliseraient pas la norme sectorielle, est inexacte, car une part nettement supérieure à [supprimé - secret d'affaires] (en valeur) des services d'information sur les ventes régionales est commercialisée par IMS dans le cadre de la structure à 1 860 modules. Les [supprimé - secret d'affaires] restants sont fournis par AzyX et NDC, qui proposent ce type de services selon une structure dont la compatibilité avec celle à 1 860 modules n'a pas encore été examinée par le tribunal de Francfort.

- Dépendance économique des laboratoires pharmaceutiques par rapport à la structure à 1 860 modules

(92) Comme l'indiquent les informations ci-dessus, la structure à 1 860 modules s'est transformée en norme sectorielle, en partie en raison du rôle joué par le groupe de travail. Les laboratoires pharmaceutiques sont devenus "captifs" de cette norme, de sorte que, même si, en théorie, ce serait possible, il ne serait économiquement pas rentable d'y renoncer pour acheter des données sur les ventes présentées selon une structure non compatible. D'après les renseignements reçus, les raisons qui empêchent les laboratoires pharmaceutiques de passer à une autre structure modulaire sont les suivantes.

- Comparabilité et compatibilité des données

(93) Une des raisons pour lesquelles les laboratoires pharmaceutiques achètent des données régionales est de pouvoir comparer leurs ventes de types déterminés de médicaments par rapport à celles de leurs concurrents et, partant, leurs parts de marché respectives, et aussi d'évaluer les résultats obtenus par leurs visiteurs médicaux. Ces deux paramètres concurrentiels sont essentiels pour le marché de l'industrie pharmaceutique, et doivent être calculés pour des périodes différentes, afin de permettre des comparaisons. Par conséquent, les chiffres portant sur des périodes différentes doivent être comparables et, pour assurer cette comparabilité, il faudrait donc convertir à grands frais ceux qui seraient présentés selon une nouvelle structure afin qu'ils soient compatibles avec la structure à 1 860 modules (ou inversement). Les campagnes de marketing et les études de marché sont organisées en fonction des données qui figurent dans cette structure. Novo Nordisk considère que "toutes les données qui doivent être comparées sont compilées et collationnées en fonction des structures à 1 860 ou 2 847 modules".

(94) Assurer la comparabilité des données au fil du temps lorsqu'on passe de la structure d'une entreprise à celle d'une entreprise différente pose davantage de problèmes que ce ne fut le cas autrefois avec les modifications apportées à la structure IMS prédominante. Comme on l'a vu ci-dessus, ces modifications consistaient généralement à subdiviser les modules initiaux en modules plus petits. Dans ces cas-là, la somme des nouveaux petits modules concernés pouvait être comparée avec les modules initiaux plus grands, rendant ainsi la comparabilité très aisée. D'autres modifications de la structure se faisaient généralement à très petite échelle, comme le passage de 1 845 à 1 860 modules. En outre, la comparabilité a été facilitée par le fait que les données venaient de la même entreprise (IMS) et avaient donc un mode de formatage identique.

(95) IMS a indiqué que la comparabilité des données au fil du temps et leur compatibilité ne présentaient, pour les raisons suivantes, aucune difficulté: les grossistes conservent des données rétrospectives remontant au moins à deux ans; [supprimé - secret d'affaires]

(96) En ce qui concerne la première partie de l'argumentation d'IMS, il semble que certains grossistes, au moins, ne conservent des données rétrospectives au niveau des pharmacies que pendant 15 à 18 mois, ce qui correspond au niveau de détail nécessaire pour pouvoir regrouper les données selon une structure totalement nouvelle. GESDAT déclare que "pour les trois grossistes représentés par GESDAT, les données brutes sont stockées depuis 1999 et sont détruites au bout de 15 ou 18 mois. Toutefois, ce cas est peut-être unique et il se peut que d'autres grossistes ne stockent des données que dans des structures déjà fournies". Le fait que trois grossistes au moins sur les seize en Allemagne ne gardent les données que pour cette durée uniquement empêche tout recensement de données sur les ventes, et si elles sont incomplètes, ces informations rétrospectives n'ont quasiment aucune valeur, car les laboratoires pharmaceutiques exigent une couverture statistique exhaustive des ventes de produits pharmaceutiques en Allemagne et ne peuvent accepter aucune autre solution.

(97) Alors que les laboratoires pharmaceutiques semblent considérer que les données rétrospectives doivent porter au minimum sur deux ans ["le minimum pour des données rétrospectives est une période de deux ans" (Medac)], une durée plus longue est nécessaire pour des applications ou des objectifs spécifiques: "28 mois (sont indispensables) pour calculer la commission" (Wyeth Pharma), "la solution optimale consiste à disposer de données (rétrospectives) sur les ventes réalisées pendant cinq ans" (Zambon), "nous avons besoin des données de l'année précédente au moins, si nous avons celles des cinq dernières années, c'est mieux" (Essex Pharma), "pour un ciblage général et une application analytique, des données sur deux à trois ans sont généralement suffisantes. Toutefois, il peut être utile d'avoir des données sur cinq ans, afin de disposer de méthodes statistiques appropriées pour mesurer l'incidence des dépenses, etc." (Lilly), "selon l'analyse, des données portant sur une durée variable sont requises. D'ordinaire 2 à 5 ans" (32) (Schaper & Brümmer), "l'évolution des parts de marché sur 36 mois" [est nécessaire] (Takeda), "il faut disposer de données portant sur trois ans environ" (MSD), "nous utilisons des données rétrospectives sur deux ans, si possible également trois ans pour faire ressortir des évolutions à long terme et calculer les taux de capture" (Novo Nordisk), "disposer des données pour la période correspondant à celle pendant laquelle les commerciaux présentent le produit serait un avantage, c'est pourquoi celle-ci se situe actuellement entre un an et demi et trois ans" (Bayer), "nous avons besoin de données rétrospectives comparables qui portent sur trois ans au moins pour réaliser des études de marché et calculer les mesures d'incitation" (33) (Novartis), "nous avons besoin de données rétrospectives sur au moins les trois dernières années" (Verla Pharm), "nous avons besoin des données rétrospectives des trois années précédentes pour définir notre planification et organiser notre secteur de vente" (Pohl Boskamp) (34), "il nous faut des données rétrospectives pour une période minimale de trois ans, nous devons suivre l'évolution des ventes au sein des modules" (Solvay), "trois ans seront suffisants" (Galderma).

(98) Krewel indique également qu'"un changement de structure présenterait toutefois le grave inconvénient de ne pas permettre une comparaison des données avec celles des années précédentes. Il ne serait donc plus possible de suivre l'évolution des ventes". Dermapharm déclare qu'"il est difficilement imaginable de passer à une autre structure, pour des raisons financières et de temps, car un tel changement entraînerait la restructuration complète de la totalité des services de marketing et de vente de notre société. Ce changement aurait, en outre, l'inconvénient majeur de ne plus permettre de comparaison par rapport aux données des années précédentes. Ces données historiques sont toutefois absolument indispensables pour constater l'évolution des ventes, évaluer les actions de marketing et verser les commissions". Schering déclare qu'"il est absolument essentiel, pour des raisons de comparabilité des données, de disposer de toutes les données régionales dans la même structure géographique".

(99) L'enquête de la Commission dans ce secteur fait donc apparaître que les laboratoires pharmaceutiques exigent souvent des données rétrospectives plus anciennes que celles que peuvent fournir de nouveaux fournisseurs potentiels de services d'information sur les ventes régionales. Ceci explique aussi pour beaucoup pourquoi les laboratoires pharmaceutiques ne sont actuellement pas tentés de demander des données formatées selon une structure modulaire autre que la segmentation en 1 860 modules.

(100) Le problème de la compatibilité des données sur les ventes régionales avec d'autres données et logiciels se pose également. En ce qui concerne les données, les laboratoires pharmaceutiques achètent, dans le cadre de la structure à 1 860 modules, d'autres informations que celles relatives aux ventes régionales, telles que des données sur les prescriptions, des renseignements socio-économiques, la localisation des médecins, etc., et intègrent ces éléments aux données sur les ventes à des fins d'analyse plus poussée. Par conséquent, un changement de structure impliquerait soit une modification du format demandé pour les autres informations soit leur conversion en interne.

(101) Il est particulièrement important que les données sur les prescriptions soient disponibles dans une structure compatible, car il est communément admis que les deux types de données sont nécessaires pour remédier aux problèmes de mesure qui se posent lorsque les clients reçoivent les prescriptions dans un module, mais achètent les médicaments dans un autre. [supprimé - secret d'affaires] Merck a indiqué, au cours de l'audition, qu'"il est en tout état de cause absolument vital que les données sur les prescriptions soient communiquées sous une forme dérivée de la structure à 1 860 modules ou compatible avec cette dernière". DuPont Pharma estime que "si tel n'est pas le cas (structure non compatible), on ne peut parvenir à mesurer explicitement les résultats". Galderma considère que "la seule manière de pouvoir comparer l'efficacité et l'évolution de vos visiteurs médicaux, ainsi que le succès des actions de marketing, est de disposer d'une structure identique". Lichtenstein Pharmazeutica indique qu'"il est nécessaire que la structure relative aux données sur les ventes régionales et celle recensant les informations sur les prescriptions soient identiques, afin de pouvoir analyser les écarts entre les ventes et les prescriptions". Servier explique également que "les données (sur les prescriptions et les ventes) n'ont de valeur que si elles sont comparables". AzyX estime que "Les deux types de données sont utilisés pour mesurer la réussite de l'action de notre force de vente. Si elles n'étaient pas compatibles, une des deux ne pourrait absolument pas s'insérer dans le tracé des secteurs de vente de la société. De même, un des principaux objectifs poursuivis lorsqu'on achète ces deux types de données (prescriptions et ventes) est de mesurer l'effet de la prescription dite 'itinérante'. Ceci deviendrait impossible si les structures étaient différentes". NDC juge que "Si les structures en termes de prescriptions et de ventes n'étaient pas compatibles, il serait impossible d'évaluer le rapport entre les prescriptions écrites et le stockage du produit dans l'officine. En outre, on ne pourrait pas déterminer où et dans quelle mesure les prescriptions se déplacent d'un secteur de vente à un autre lorsque les patients ne se font pas délivrer les médicaments dans l'endroit [zone] où est situé leur médecin".

(102) [supprimé - secret d'affaires] En outre, IMS ajoute que n'importe quel fournisseur qui a développé une structure en module alternative, pourrait offrir les données en question dans son propre format. L'enquête de la Commission montre qu'en réalité 44 % environ des laboratoires pharmaceutiques acquièrent ces données, ce qui constitue une proportion importante. L'écart entre ces deux chiffres pourrait notamment s'expliquer par le fait qu'IMS ne représente qu'un des nombreux fournisseurs de données formatées selon la structure à 1 860 modules et considère que ces données sont largement accessoires à son offre principale de données et aux besoins des clients. Les laboratoires pharmaceutiques font largement appel, pour leurs activités de publipostage ou de cartographie, à des fournisseurs d'adresses ou de cartes tels que Pan Address Direktmarketing, Easy map, ou des systèmes comme regio graph 5.0. Dans ce contexte, Schering indique que "la totalité des données telles que, notamment, le nombre de praticiens, d'officines, d'habitants répartis selon le sexe, de kilomètres carrés par module, doivent être formatées selon la structure à 1 860 modules". Hoffmann-LaRoche achète également auprès d'autres fournisseurs des données socio-démographiques, des informations sur le pouvoir d'achat, la sélection des groupe ciblés, ainsi que des cartes.

(103) Selon l'enquête de la Commission, de nombreuses entreprises utilisent en réalité dans cette structure d'autres types de données, qu'elles estiment essentielles pour analyser efficacement les rapports sur les ventes régionales. Les laboratoires pharmaceutiques ont évidemment besoin de ces données dans un format compatible avec la structure à 1 860 modules. À cet égard, BPI, l'association allemande des laboratoires pharmaceutiques signale que "le fait de recevoir des données sur les ventes dans une structure régionale différente nous priverait de toutes les autres données pertinentes qui sont indispensables pour compléter les informations sur les ventes, et qui sont toutes disponibles dans la structure à 1 860 modules uniquement. Les petits laboratoires pharmaceutiques, notamment, ne peuvent prendre en charge les coûts occasionnés à tous les fournisseurs de données pour passer à une autre structure imposée par un nouveau fournisseur d'information sur les ventes". En conséquence, les laboratoires pharmaceutiques ne peuvent envisager de changer de structure que si ces autres données sont également disponibles dans cette nouvelle structure. S'il est techniquement possible de fournir la totalité de ces autres données dans un autre format, les coûts que devraient supporter les laboratoires pharmaceutiques qui exigeraient ces données dans une structure différente de la norme sectorielle seraient si élevés qu'ils infligeraient à ces entreprises un handicap concurrentiel certain.

(104) En ce qui concerne les logiciels, comme on l'a vu au point 26 ci-dessus, les tiers fournisseurs de logiciels proposent aussi des produits formatés selon la structure à 1 860 modules, notamment P& P, IDV, ISS, DHM, GFD, GfK et Easycom. Un de ces logiciels est, par exemple, celui utilisé pour procéder à l'alignement des secteurs de vente, qui permettent d'affecter des codes postaux ou des modules à un visiteur médical. Le logiciel est préchargé avec le potentiel de ventes et le nombre de médecins correspondant à chaque code postal ou module, et au fur et à mesure que des codes postaux ou des modules sont ajoutés ou soustraits d'un secteur de vente, le logiciel calcule les ventes cumulées et le nombre de médecins pour ce secteur. Zambon, un laboratoire pharmaceutique, indique que "toutes les informations connexes (données sur les adresses, etc.) sont liées d'une manière ou d'une autre à ces structures régionales (1 860-3 000)" et celui-ci ne changerait pas de structure modulaire, car il "perdrait la compatibilité avec le monde pharmaceutique". Plus de la moitié des entreprises contactées transfèrent les données sur les ventes régionales à des sociétés de marketing ou à des entreprises de logiciels.

(105) IMS fait valoir à ce propos que les autres fournisseurs d'informations sur les ventes régionales (AzyX et NDC) sont en mesure de donner accès à leurs structures aux fournisseurs de logiciels pour permettre à ces derniers de mettre au point de nouveaux logiciels compatibles avec leurs structures modulaires. Toutefois, la question de savoir si cela est techniquement possible n'est pas pertinente, pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus concernant la fourniture de données dans une segmentation incompatible avec la structure à 1 860 modules. En outre, les laboratoires pharmaceutiques qui s'écarteraient de la norme établie pour les données sur les ventes régionales devraient soutenir financièrement la création d'autres logiciels permettant d'analyser et d'utiliser ces informations, ce qui les dissuade là aussi fortement de demander des données présentées selon des structures modulaires différentes.

(106) Les laboratoires pharmaceutiques estiment que cette question est importante, comme le montrent les observations suivantes. Lilly explique que "la structure historique à 1 860 modules est utilisée en interne par la plupart (sinon la totalité) des laboratoires pharmaceutiques pour délimiter les secteurs de vente des visiteurs médicaux, etc. En outre, toutes les sociétés commercialisant des études de marché et des logiciels, qui sont spécialisées dans l'industrie pharmaceutique, ont eu gratuitement accès à cette structure standardisée. Si la structure change d'un laboratoire à l'autre, les vendeurs (de logiciels et d'études de marché, par exemple) pourront très difficilement créer des produits standards, ce qui pourrait freiner l'innovation". Janssen-Cilag signale que "toutes les données externes disponibles sont basées également sur la structure à 1 860 modules".

- Modification des secteurs de vente: rupture des relations entre les visiteurs médicaux et les médecins

(107) Contrairement aux commerciaux des autres secteurs où les commandes sont prises directement, le visiteur médical ne peut que préconiser la prescription d'un produit. Par conséquent, sa réussite dans la vente du produit dépend largement des bonnes relations qu'il a établies et maintenues durablement avec les médecins. Les informations disponibles semblent indiquer qu'il faut un certain temps pour nouer ces relations. Novo Nordisk a expliqué pourquoi cette relation est importante: "la principale raison que nous avons de conserver les structures telles qu'elles sont est qu'un changement aura des effets négatifs sur la gestion de nos relations avec les clients. Dans nos secteurs d'activité, il est très important de favoriser les relations avec nos clients. (...) Bien des clients recevront la visite d'autres visiteurs médicaux, ce qui signifie la rupture de nombreuses relations étroites et bien établies". Pharmacia déclare également que "chaque réorganisation de la force de vente détruit les relations des clients avec nos visiteurs médicaux, ce qui signifierait pour nous la perte de nombreuses ventes à la fin de la journée". Novartis estime que "la rupture des relations entre les visiteurs médicaux et les médecins prescripteurs aurait une incidence négative très forte sur les ventes. Faute de relations patiemment forgées et entretenues au fil du temps, il arrive souvent que le visiteur médical ne puisse même pas être reçu par des médecins très occupés, et notamment ceux qui ont vu défiler d'autres vendeurs tout au long de la journée". Novartis ajoute qu'"il faut parfois des années pour nouer des relations qui se traduisent par de bons résultats au niveau des ventes".

(108) Si les données sur les ventes régionales étaient fournies dans une structure qui n'est pas compatible avec celle à 1 860 modules, il faudrait procéder à d'importants changements au niveau des secteurs attribués aux visiteurs médicaux par leurs laboratoires pharmaceutiques. [supprimé - secret d'affaires] BPI, l'association allemande des laboratoires pharmaceutiques, déclare que "l'utilisation de toute autre structure entraînerait obligatoirement un remodelage important en termes de tracé". Dans sa réponse du 26 janvier 2001, Essex Pharma GmbH indique que ceci modifierait la responsabilité territoriale des visiteurs médicaux. "Des problèmes d'efficacité liés à l'organisation en résulteraient au niveau des visiteurs médicaux, ainsi que dans la gestion". De même, Lilly Deutschland note que "la facture serait lourde en raison du bouleversement de notre organisation commerciale, car nos secteurs ont été définis en fonction de la structure modulaire". Essex explique dans sa réponse que "les frais entraînés par la modification technique de la structure sont jugés minimes par rapport à l'incidence financière du désavantage concurrentiel capital décrit plus haut (modification de la responsabilité territoriale des visiteurs médicaux)".

(109) Une étude (35) réalisée auprès d'un échantillon de médecins par I+G, une société de conseil spécialisée dans le secteur pharmaceutique, montre que les contacts continus avec un visiteur médical constituent l'une des conditions les plus importantes (77 paramètres de prestations ont été testés) pour garder les clients.

(110) IMS estime que l'effet négatif d'un changement de structure sur les relations entre le visiteur médical et le médecin est surestimé, pour trois raisons essentielles: premièrement, les laboratoires pharmaceutiques modifient fréquemment la structure de leur force de vente de leur propre initiative; deuxièmement, un changement important apporté à une structure modulaire n'affectera les relations qu'à la marge du secteur de vente de chaque visiteur médical; troisièmement, l'étroitesse des relations est exagérée.

(111) En ce qui concerne le premier aspect, les observations reçues en réponse à la demande d'informations donnent une image différente de la situation. Bastian déclare qu'"aucune modification" n'est intervenue "au cours de la dernière décennie, les secteurs de vente de" Bayer "sont très rarement remodelés, en général, uniquement en cas de restructuration importante". AstraZeneca indique que "dans la mesure du possible, nous nous efforçons de n'apporter aucun changement". Dr Kade déclare que "les secteurs de vente sont très rarement modifiés". En outre, il est beaucoup plus justifié de rompre des relations entre des visiteurs médicaux et des médecins lors d'une acquisition d'entreprise ou du lancement d'un nouveau produit pharmaceutique qu'en cas de modification résultant d'une nouvelle structure modulaire, du fait des enjeux commerciaux importants qui ont dicté ce changement. Schering déclare que "dans ces cas-là, une modification constitue un investissement pour l'avenir et répond à l'évolution stratégique de l'entreprise. Les bouleversements dans les relations entre médecins et visiteurs médicaux sont alors justifiés et inévitables." Hoffmann-La Roche estime que "dans le cas d'une opération de concentration ou d'une acquisition, une restructuration est inéluctable et doit être acceptée. Une restructuration imposée par un changement de fournisseur de données n'est guère acceptable, car, outre les coûts occasionnés par les transformations techniques, les pertes dues à la rupture des relations sont incalculables" (36). Lilly affirme que "les secteurs de vente ne sont modifiés qu'en cas de nécessité absolue"; Essex indique que "nous évitons d'apporter des changements à notre structure en raison des efforts énormes qu'une telle démarche implique".

(112) En ce qui concerne le deuxième aspect de l'argumentation d'IMS, il semble que les laboratoires pharmaceutiques, notamment ceux dont les forces de vente sont de petite taille et qui disposent de secteurs de vente proportionnellement étendus, pourront probablement ajouter les modules d'une nouvelle structure de manière à recréer, dans une large mesure, les secteurs initiaux. IMS déclare que, si un certain nombre de grandes entreprises et de petites et moyennes entreprises (PME) passaient à la structure à 2201 modules élaborée par NDC, même les plus gros laboratoires dotés des plus petits secteurs de vente perdraient moins de 3 % de leurs relations médecins - visiteurs médicaux. NDC n'a pas répondu à cet argument. La Commission estime que même si les chiffres d'IMS étaient corrects - et nombreux sont ceux qui en doutent au sein de l'industrie pharmaceutique, [supprimé - secret d'affaires] ceci constitue néanmoins une perte non négligeable en termes de relations et les laboratoires pharmaceutiques hésiteront beaucoup à l'accepter, car il s'agirait d'une perte subie sans justification commerciale valable. Il en est ainsi, notamment, si un nouveau visiteur médical doit être affecté à des sommités spécialisées dans un domaine particulier.

(113) À propos du troisième aspect, les laboratoires pharmaceutiques accordent une grande importance aux relations entre le médecin et le visiteur médical, qui constituent un des rares moyens de promouvoir l'utilisation d'un médicament. Selon la loi sur la publicité concernant les soins médicaux (37), la publicité pour les produits délivrés sur prescription médicale uniquement ne peut être destinée qu'aux seuls médecins, dentistes, vétérinaires ou pharmaciens. Ceci explique pourquoi le travail des visiteurs médicaux est si important. BPI, l'association allemande des laboratoires pharmaceutiques, déclare que "les relations entre les médecins et les visiteurs médicaux (...) constituent le principal atout dont dispose un laboratoire pharmaceutique". Apogepha, par exemple, explique que "tout changement dans des relations médecin-visiteur médical est une menace pour l'activité, quelle qu'en soit la raison"; pour TAD, "Il convient de réduire au maximum les modifications de la structure modulaire afin d'éviter de bouleverser les relations entre le médecin et le visiteur médical"; Yamanouchi pharma indique que "la relation médecin-visiteur médical constitue un capital tellement important que nous nous efforçons, si possible, d'éviter des changements"; Lilly affirme que "Le maintien de relations stables entre le praticien et le visiteur médical se situe en tête de nos priorités". Medac signale que "toute rupture des relations entre les clients et les visiteurs médicaux présente de gros inconvénients pour notre entreprise. C'est pourquoi nous nous abstenons, dans la mesure du possible, de modifier la structure régionale".

(114) En conséquence, la Commission pense que la rupture des relations entre les médecins et les visiteurs médicaux, conséquence inévitable d'un passage à une structure modulaire qui serait incompatible avec la segmentation à 1 860 modules, serait un facteur important de nature à décourager les laboratoires pharmaceutiques de procéder à un tel changement.

- Changement de secteurs de vente: modification des contrats de travail

(115) Le secteur de vente se définit comme le regroupement de plusieurs modules. Ce secteur peut être mentionné dans le contrat de travail conclu entre l'entreprise et le visiteur médical, auquel cas un changement de structure nécessiterait une modification de ce contrat. Cette procédure serait un élément dissuasif supplémentaire pour passer à une autre structure modulaire. En outre, ces changements seraient soumis à une procédure de "consultation". Le Code du travail allemand ("Betriebsverfassungsgesetz") prévoit que la procédure consultative est obligatoire en cas de modification des conditions de travail (articles 87, 98 et 91). Autrement dit, le comité d'entreprise élu doit participer au processus décisionnel. En cas de désaccord, le dernier mot revient à un comité de conciliation.

(116) De nombreux laboratoires pharmaceutiques perçoivent ce changement comme problématique. Un d'entre eux indique que "la structure modulaire forme la base des négociations avec le comité d'entreprise, notamment en ce qui concerne les règles applicables aux commerciaux en matière d'évaluation et de primes". Gsk (Glaxo Wellcome SmithKline Beecham) mentionne également le risque élevé qu'un accord avec le comité d'entreprise ne puisse aboutir si la structure modulaire devait changer. Klinge Pharma considère que, si elle passait de la structure à 1 860 modules à un nouveau découpage, elle aurait de gros problèmes avec son comité d'entreprise car, dans le contrat de travail des visiteurs médicaux, le lieu de travail est défini par rapport aux ventes dans leurs secteurs respectifs (qui sont constitués par le regroupement d'un certain nombre de modules). Une autre entreprise pharmaceutique déclare que "la structure territoriale de notre service commercial est fondée sur 2 847 segments (RPM: 3 000). Si nous n'étions plus autorisés à utiliser cette structure en raison du passage à la concurrence, cela entraînerait des conséquences organisationnelles et financières considérables".

(117) IMS estime dans ses observations que les questions et les procédures relevant du droit du travail ne sont pas déterminantes. Selon elle, les contrats de travail donnent le plus souvent des indications géographiques générales en ce qui concerne les secteurs de vente. IMS a raison en ce qui concerne les contrats de travail de certains laboratoires pharmaceutiques, où le secteur de vente est défini très sommairement, avec mention d'une région seulement. Toutefois, pour près de la moitié des laboratoires qui ont fourni des informations à la Commission sur ce point, les secteurs sont en fait définis par une liste de codes de modules. Toute modification de la structure modulaire leur poserait donc les problèmes mentionnés ci-dessus.

- Coûts entraînés par la modification des logiciels et des applications utilisant la structure à 1 860 modules

(118) NDC indique qu'en cas de changement de structure, "Les fabricants devraient refaire la totalité du travail analytique sur lequel est fondée leur grille de rémunération, restructurer le tracé de leurs secteurs, insérer l'autre structure dans leurs systèmes commerciaux automatisés, ainsi que dispenser une formation à grande échelle et expliquer le changement; le coût qui en découlerait serait à leur charge." Elle affirme, en outre, que les laboratoires pharmaceutiques évaluent à un montant compris entre 200 000 et 400 000 DEM ces coûts de conversion. Un certain nombre d'entreprises ont confirmé ces chiffres.

(119) IMS a indiqué dans ses commentaires qu'il n'y a pas de preuves manifestes, d'après les réponses des clients, que les coûts engendrés pour passer à une structure alternative soient une barrière significative. Les réponses sont caractérisées comme non concluantes ou peu fiables. La Commission est consciente qu'un certain nombre de laboratoires pharmaceutiques n'ont pas pu estimer ces coûts. Il semble que les entreprises contactées aient du mal à évaluer les coûts directs supplémentaires. Les coûts directs mentionnés varient entre 40 000 DEM et 1,85 million de DEM, ce qui correspond pour un gros laboratoire pharmaceutique à environ 30 % du budget annuel consacré aux données sur les ventes régionales. Pour une petite et moyenne entreprise, ces coûts représentent de 25 % à plus de 100 % du budget annuel consacré à ce poste.

(120) Un autre laboratoire pharmaceutique signale que "d'autres structures, même si elles sont acceptables pour des raisons de confidentialité, entraînent un investissement élevé, tant sur le plan financier que sur celui du travail que cela implique". Une autre société déclare qu'"une structure RPM différente aurait des conséquences financières et organisationnelles considérables pour notre entreprise. Outre les coûts uniquement imputables au réaménagement de l'application informatique au bureau et sur le terrain, ainsi que le travail organisationnel connexe, il faudrait procéder aux ajustements nécessaires des structures existantes du service commercial (...) Ceci pourrait entraîner la rupture de relations solides avec la clientèle, et la question devrait certainement être tout d'abord discutée avec le comité d'entreprise". Dans sa réponse, MSD Sharp & Dohme déclare que "notre force de vente ainsi que l'intégralité du système de présentation des informations et d'autres données disponibles sur le marché reposent sur cette structure. (...) S'il est impossible d'en préciser le coût, la dépense d'argent et de temps est cependant énorme. Il faudrait créer une nouvelle structure pour la force de vente et repenser complètement les données et les systèmes en interne".

(121) Un autre producteur de produits pharmaceutiques considère qu'"une modification de l'actuelle structure RPM, qui a été mise au point par l'industrie pharmaceutique et constitue la base de notre structure territoriale et donc de celle notre service commercial, entraînera une dépense considérable d'argent et de temps pour [...]. Parallèlement, une modification de la structure RPM actuelle et de la structure territoriale correspondante détruirait les contacts solides et très développés établis avec nos clients, ce qui déboucherait sur des pertes imprévisibles et donc inacceptables pour notre entreprise".

(122) IMS a indiqué dans ses commentaires que la Commission n'a pas correctement sondé les laboratoires qui sont les plus à même de commenter sur les coûts de passage à une autre structure, à savoir les clients de NDC et d'AzyX. Selon IMS, AzyX et NDC auraient environ 61 clients et seulement 28 d'entre eux auraient été contactés. Afin d'obtenir une opinion non faussée des clients, la Commission a interrogé des clients des trois fournisseurs. La Commission a utilisé un large échantillon de clients de chaque fournisseurs et ne prétend pas avoir recensé l'opinion de toute l'industrie. Néanmoins, en reprenant les données d'IMS, la Commission aurait contacté 46 % des clients de NDC et d'AzyX, ce qui est statistiquement suffisant pour tirer des conclusions solides. Par conséquent, la Commission estime que les coûts entraînés par la modification des applications internes qui, actuellement, dépendent totalement de la segmentation à 1 860 modules, sont importants et dissuadent fortement les laboratoires de passer à d'autres structures modulaires.

(123) La conclusion s'impose donc, en ce qui concerne cette partie de l'appréciation juridique, que le rôle joué par le groupe de travail a contribué dans une mesure importante à la situation actuelle, où la structure à 1 860 modules constitue une norme sectorielle de fait et est reconnue comme telle par la quasi-totalité des laboratoires pharmaceutiques. De même, cela implique que les coûts, les désavantages concurrentiels et les autres problèmes susmentionnés auxquels les laboratoires pharmaceutiques seraient exposés s'ils devaient abandonner cette structure pour acheter des services de données sur les ventes régionales formatées selon une autre segmentation, atteindraient des proportions inacceptables, constituant ainsi un obstacle très important à un tel changement.

7.3.2. Il est peu probable que des concurrents créent une autre structure

(124) Afin d'examiner plus avant la nécessité invoquée de la structure à 1 860 modules, la Commission s'est demandée s'il existait des contraintes techniques et juridiques rendant pour le moins déraisonnablement difficile la création, par d'autres entreprises, d'une nouvelle segmentation au sein de laquelle des informations sur les ventes régionales pourraient être formatées et commercialisées en Allemagne.

(125) L'absence de contraintes de cette nature a influé sur l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Bronner (point 44), en ce sens qu'elle est parvenue à la conclusion que l'accès à un service de portage à domicile n'était pas indispensable à la poursuite de l'activité:

"D'autre part, il n'apparaît pas qu'il existe des obstacles techniques, réglementaires ou même économiques qui soient de nature à rendre impossible, ni même déraisonnablement difficile, pour tout autre éditeur de quotidiens, de créer, seul ou en collaboration avec d'autres éditeurs, son propre système de portage à domicile à l'échelle nationale et de l'utiliser pour la distribution de ses propres quotidiens".

(126) IMS fait valoir que sa structure modulaire n'est pas indispensable, car les renseignements nécessaires pour créer une construction de ce type sont librement accessibles, et qu'il existe de très nombreuses possibilités d'élaborer des structures modulaires autres. IMS estime qu'une nouvelle structure ne pourrait donc pas représenter un "substitut réel ou potentiel" à la structure à 1 860 modules au sens de l'expression utilisée par le TPI dans l'affaire Ladbroke (point 131 des motifs). IMS affirme, en outre, que, pour déterminer le caractère essentiel d'une installation, il convient de vérifier s'il est impossible pour les concurrents de la reproduire, et que ceci ne dépend pas des attitudes individuelles, subjectives ou évolutives des clients.

(127) La Commission reconnaît avec IMS que les renseignements nécessaires pour créer une structure modulaire sont librement accessibles et que, abstraction faite des contraintes actuelles affectant l'élaboration d'une segmentation de ce type, il existe théoriquement de nombreuses autres structures possibles. Or, les concurrents n'ont d'autre choix que de tenir compte de ces contraintes s'ils souhaitent produire une structure utile. Le respect de ces contraintes implique inévitablement que les possibilités de création d'une nouvelle structure sont très limitées, pour des raisons techniques (nécessité de respecter les limites du code postal et autres contraintes objectives) et juridiques (conformité avec la législation sur la protection des données, obligation de ne pas enfreindre le droit d'auteur d'IMS), comme le montrent les développements ci-après.

(128) Il est utile, à cet égard, de citer l'ordonnance du 16 novembre 2000 rendue par le tribunal de Francfort, qui a constaté (c'est nous qui soulignons) qu'"au début, les défenderesses ont tenté de diffuser leurs informations pharmaceutiques sur la base d'un découpage du territoire de la république fédérale d'Allemagne en 2 201 segments. Toutefois, de nombreux entretiens entre les défenderesses et des prospects ont montré que les données élaborées de cette manière ne seraient guère commercialisables parce qu'elle ne correspondaient pas au découpage normal du territoire en 1 860 segments".

(129) La Commission ne peut souscrire aux observations d'IMS sur le caractère admissible de la conclusion des clients selon laquelle la structure à 1 860 modules est indispensable. En tant qu'utilisateurs de données formatées selon des constructions modulaires, les laboratoires pharmaceutiques sont bien placés pour savoir, par exemple, si la structure à 1 860 modules fonctionne ou non comme une norme sectorielle. Ils sont également capables de se prononcer avec autorité sur le coût probable occasionné par le passage d'une structure à une autre. Le refus d'accorder un poids quelconque aux points de vue des clients dans cette procédure aurait conduit à examiner la question du caractère indispensable de la structure uniquement sous l'angle des possibilités de création de toute nouvelle construction modulaire, sans prendre en compte le fait qu'il soit ou non simplement possible d'utiliser cette dernière pour livrer concurrence sur le marché en cause (38) (39).

7.3.2.1. Absence de solutions envisageables pour les fournisseurs potentiels de services d'information sur les ventes régionales

(130) Il importe d'examiner si, en partant de zéro, des fournisseurs potentiels de données sur les ventes régionales sont réellement en mesure de créer d'autres structures. Cette conception est attestée par l'issue de la réunion du 15 mars, organisée par AzyX, qui conclut, entre autres, que "d'un point de vue juridique, IMS contesterait là encore chaque structure qui ne parviendrait qu'à reconstituer en partie la structure à 1 860 modules. C'est pourquoi, à moins de produire délibérément quelque chose d'absurde, même une nouvelle structure ne pourrait remplir l'objectif consistant à assurer la sécurité juridique".

(131) La plupart des paramètres utilisés dans la construction de la structure sont dans le domaine public et fixes (zones correspondant aux codes postaux, lieu d'implantation des officines et des médecins, données sociodémographiques, topologie, secteur que les visiteurs médicaux peuvent couvrir en une journée, et ainsi de suite), comme indiqué ci-dessus. Le choix des frontières délimitant les différents modules dépend pour beaucoup de ces paramètres objectifs et restreint, par conséquent, les possibilités offertes aux créateurs d'éventuelles nouvelles structures. Le "bon sens" limite également les options disponibles. Il serait possible de créer un grand nombre de structures, mais celles-ci ne constitueraient pas des segmentations viables pour la présentation de données sur les ventes régionales, car les clients ne pourraient pas les employer avec profit.

- Les frontières administratives représentent un obstacle technique important à la création d'une nouvelle structure

(132) La structure à 1 860 modules est largement fondée sur les codes postaux. Au sein de cette structure, quelque 500 segments sont équivalents et se composent d'une zone à code postal unique. Pour environ 1 100 modules supplémentaires, "il n'y pas d'autre choix scientifique en ce qui concerne la combinaison des codes postaux que celui arrêté par IMS et le groupe de travail RPM" (AzyX), et "1 100 segments qui regroupent deux codes postaux ou davantage d'une manière incontestablement déterminée par la nature géographique et démographique de la zone" (GESDAT). Selon la Commission, l'importance manifeste de l'utilisation de zones correspondant aux codes postaux limite les choix accessibles aux concepteurs potentiels de nouvelles structures modulaires.

(133) La Commission estime qu'il existe de toute évidence de très bonnes raisons de construire une structure à partir de codes postaux. Les autres informations intégrées aux données sur les ventes de produits pharmaceutiques sont fournies dans ce format; cela semble être la seule manière pratique d'affecter des médecins et des officines à des modules donnés; enfin, il apparaît également que les codes postaux sont le fondement "naturel" des structures modulaires, comme le montrent les décisions prises par des pays non européens de les utiliser comme base pour leur structure (considérant 153), en l'absence d'une législation sur la protection des données qui existe dans l'Union européenne.

(134) GESDAT déclare que "certains grossistes sont capables de fournir des données suivant un autre critère, d'autres non. Le seul autre critère susceptible d'être utilisé pour localiser une officine est l'adresse mais, étant donné que la manière de l'écrire diffère selon les régions d'Allemagne, il est techniquement plus difficile et pas fiable d'y recourir. De même, une officine n'a pas un code d'identification unique, de sorte que le grossiste doit avoir une méthode simple pour affecter une nouvelle officine à un module, sans devoir en référer au fournisseur. Le code postal est très utile, car il s'agit d'un moyen incontestable et exact d'assigner une pharmacie à un module".

(135) AzyX déclare que l'utilisation des codes postaux est impérative. S'il ne fallait citer qu'une raison, le seul critère pratique dont disposent les grossistes pour leur permettre d'attribuer leurs chiffres de vente à une structure territoriale étant les codes postaux, la plupart d'entre eux ne pourraient tout simplement pas gérer une structure qui ne respecte pas ces derniers et aucune donnée ne pourrait par conséquent être acquise. Afin d'utiliser les codes postaux comme base de la structure, il est nécessaire de fournir aux grossistes un fichier relais qui précise quel code postal appartient à quel module et de convenir que les ventes à chaque officine située dans la zone dudit code sont affectées au module correspondant.

Sinon, il serait possible, tout au moins en théorie, de transmettre aux grossistes un fichier qui énumère la totalité des 21 600 officines et les affectent individuellement aux modules. En pratique, toutefois, ce système ne fonctionnerait pas, car:

a) même la plus petite différence d'orthographe empêcherait le fonctionnement du système d'affectation aux modules, car le programme informatique ne reconnaîtrait plus l'officine (ces différences ne sont pas exceptionnelles, mais se produisent régulièrement, les grossistes peuvent même utiliser le nom du pharmacien au lieu du nom de la pharmacie dans leur fichier d'adresses, etc.);

b) il faudrait procéder manuellement à l'attribution de toute nouvelle adresse d'officine et/ou changement d'adresse, ce qui, en pratique, est impossible à gérer.

(136) NDC observe que "Toute nouvelle structure qui ne s'appuierait pas sur les codes postaux allemands serait totalement incompatible avec d'autres logiciels accessibles librement, tels que des programmes de données sur des enquêtes socio-économiques, auxquels les laboratoires pharmaceutiques ont recours pour mener des études de marketing et des analyses sur l'utilisation de médicaments. Un laboratoire qui choisirait d'employer la nouvelle structure ne serait donc pas capable de procéder à ces analyses et serait gravement désavantagé du point de vue de la concurrence". NDC ajoute qu'"il faudrait prouver au fabricant [de produits pharmaceutiques] la supériorité de la méthode fondée sur des critères autres que les codes postaux, afin qu'ils en changent et l'achètent, ce qui est très peu probable".

(137) La Commission estime également qu'il y a de bonnes raisons de penser que les structures modulaires doivent respecter les frontières des 440 Kreise allemands, comme l'ont allégué NDC et AzyX. Ces entreprises ont invoqué le fait que les politiques publiques en matière de prescription et de délivrance de médicaments étaient fixées sur la base des Kreise; des données sur les ventes dépassant la limite d'un Kreis pour un module précis risqueraient donc de ne pas pouvoir être associées à une politique déterminée en matière de prescription et de délivrance. Autrement dit, les données sur les ventes ne rendraient pas obligatoirement compte de manière fidèle de la popularité d'un médicament ou des succès remportés par un visiteur médical pour le commercialiser. AzyX ajoute que "Les frontières du Kreis sont également obligatoires, du fait principalement qu'une structure régionale doit aussi coïncider avec les territoires des associations de médecins. Ces territoires s'organisent autour des frontières du Kreis". Il est intéressant de noter que les frontières des Länder allemands, qui sont des régions administratives susceptibles, de toute évidence, de servir à la construction d'une structure, sont basées sur les frontières des Kreise.

- La législation sur la protection des données impose des restrictions supplémentaires à la création d'une seconde structure

(138) NDC affirme, dans ses observations, que la création d'une deuxième structure modulaire enfreindrait la législation allemande sur la protection des données, au motif que les données présentées selon cette structure pourraient être comparées avec celles des segmentations en 2 847 et en 1 860 modules, pour rechercher des informations sur telle ou telle pharmacie. Selon IMS, cette possibilité n'est que théorique, car aucune partie n'a commercialement intérêt à se livrer à ce travail de comparaison, qui exigerait des efforts démesurés.

(139) Cependant, certains acteurs de ce secteur ne partagent pas cet avis. Merck considère que "Le récent passage de 1 845 à 1 860 segments prouve qu'il est de fait impossible de proposer une structure de données sur les ventes qui soit différente tout en étant compatible avec celle des données en matière de prescription. Même si 93 % de l'ensemble des segments n'ont pas du tout été touchés, les centres de codage des pharmacies ont refusé de fournir des données rétrospectives pour 1999 sur la base de la structure à 1 860 modules. Comme les données de 1999 étaient communiquées pour 1 845 segments, il aurait été possible d'identifier des médecins individuellement". De même, le séminaire réunissant le 15 mars divers laboratoires pharmaceutiques, fournisseurs de données, grossistes, etc., a conclu que "les centres de codage et les grossistes ont indiqué qu'ils ne pourraient pas communiquer les informations dans des structures très différentes, pour des raisons liées à la protection des données, à moins de suspendre la fourniture de données à IMS (ce qui, concrètement, serait impossible pour des raisons économiques et contractuelles)".

(140) IMS fait valoir, en outre, en réponse à l'argument de NDC, que rien ne prouve que des structures modulaires concurrentes, existant dans d'autres États membres où les règles applicables en matière de protection des données sont les mêmes qu'en Allemagne, ont rencontré des problèmes à ce niveau. IMS prétend de surcroît que la structure en 4 000 modules mise en place par NDC en Allemagne ne s'est pas heurtée à ces difficultés liées à la protection des données.

(141) Les enquêtes de la Commission donnent toutefois à penser que l'opinion selon laquelle la législation sur la protection des données impose des contraintes réelles à la construction d'une seconde structure modulaire rencontre un écho favorable au sein de l'industrie pharmaceutique. GESDAT indique qu'"Avec un total de quelque 21 000 officines en Allemagne et environ 3 000 segments dans la structure d'entrée, on parvient à un chiffre de sept officines par segment. Dans le cas où trois structures modulaires différentes devraient coexister, il serait facile, par simple déduction, d'isoler les ventes d'une pharmacie en particulier. En Allemagne, une officine est la propriété d'un pharmacien (une personnes physique), qui ne peut en posséder d'autres. Il serait alors très simple de calculer le revenu de ce dernier à partir des ventes réalisées par une officine donnée, ce qui serait contraire à la législation sur la protection des données. En cas de coexistence de trois structures modulaires différentes, le grossiste devrait, à chaque fois qu'une officine ferme ou ouvre, vérifier s'il n'y a pas de violation de la législation dans ce domaine. Il faudrait alors modifier une des trois structures, mais laquelle ?" GESDAT est d'avis que le même problème se poserait avec deux structures modulaires.

(142) En définitive, et dans le contexte de ces procédures de demande de mesures provisoires, la Commission considère comme probable que la législation allemande sur la protection des données impose certaines contraintes à la construction d'une seconde structure en Allemagne. [supprimé - secret d'affaires] Étant donné le choix limité dont disposent les créateurs potentiels d'une telle nouvelle structure, cette hypothèse est contestable. IMS mentionne également l'absence de problèmes analogues dans d'autres pays de l'Union européenne ainsi qu'avec la structure précédente de NDC. Cette situation s'explique toutefois par le fait que, dans les autres pays, les structures en segments sont compatibles entre elles, de sorte que, sous réserve qu'aucune d'elles ne viole la législation sur la protection des données, le regroupement des données dans deux structures ne constituerait pas non plus une infraction à cette législation.

7.3.2.2. Insécurité juridique entourant la vente de données présentées selon une nouvelle structure

(143) Comme mentionné ci-dessus au considérant 29, le tribunal de Francfort a rendu une ordonnance le 28 décembre 2000 interdisant l'utilisation, pour vendre des données, tant de la structure à 2 847 qu'à 1 860 segments, ainsi que de toute autre segmentation dès lors qu'il s'agit d'une version dérivée du RPM 1 860. Le tribunal en question n'a pas défini avec précision ce qu'il considère comme version dérivée, et aucune clarification ne devrait intervenir pendant environ trois ans. Les laboratoires pharmaceutiques n'ignorent pas cette incertitude, IMS les ayant mis en garde contre la violation de son droit d'auteur, et ils mettraient en doute la légalité de toute nouvelle structure que les concurrents d'IMS pourraient utiliser pour formater un nouveau service d'information sur les ventes régionales.

(144) On a des raisons de penser qu'IMS exploitera probablement cette incertitude en intentant des poursuites pour violation de droit d'auteur contre tout service de fourniture de données régionales qui utilise une segmentation comparable à la structure à 1 860 modules, ou contre tout laboratoire qui reçoit des données formatées selon une structure de ce type. Un exemple récent montre que le degré d'analogie avec la structure à 1 860 modules ne devra pas nécessairement être élevé pour qu'IMS engage de telles poursuites. AzyX rend compte ci-après de son expérience:

"Il convient de noter qu'IMS a attaqué juridiquement AzyX en Allemagne en prenant comme point de départ une livraison de données à un client, Ribosepharm. Ce dernier a reçu les données formatées selon une structure à 2 793 modules. Jamais dans le passé AzyX n'avait produit de données présentées selon cette segmentation et elle n'a pas renouvelé l'expérience par la suite. La segmentation a été volontairement conçue pour ne pas être compatible avec la structure à 1 860 modules (quoique ceci soit quasiment impossible à éviter, si une structure de base - comme celle d'AzyX - se fonde sur les codes postaux). La raison profonde pour laquelle AzyX a construit une structure de ce type était qu'elle soupçonnait ce client de collaborer avec IMS. De fait, IMS a ensuite obtenu cette segmentation et a attaqué AzyX, au motif que même sans être compatible en totalité avec la structure en 1 860 segments, celle-ci présentait avec cette dernière une analogie suffisante (en raison des codes postaux qui en constituent la base) pour être considérée comme étant dérivée de la structure à 1 860 modules. En conclusion, il est vraisemblable qu'IMS s'attaquera à toute nouvelle structure qui n'est pas totalement absurde (c'est-à-dire toute structure fondée sur des codes postaux et qui respecte un certain bon sens scientifique)".

(145) Les développements repris ci-dessus font apparaître que les laboratoires pharmaceutiques auront le sentiment que les segmentations comparables (au sens large) à la structure à 1 860 modules pourront être contestées sur le plan juridique et qu'elles ne sont donc pas commercialisables. Autrement dit, toute nouvelle construction modulaire devra s'écarter très sensiblement de la structure à 1 860 modules pour qu'elle soit perçue comme ne présentant aucun risque de contestation juridique. Or, comme indiqué ci-dessus, un certain nombre de contraintes objectives limitent très strictement les possibilités de créer une structure si différente.

7.3.2.3. Tentatives de création de nouvelles structures

(146) L'expérience acquise par AzyX dans ses tentatives de créer une nouvelle structure modulaire est riche d'enseignements. Elle a testé deux méthodes: dans le premier cas, des universitaires et des consultants ont été sollicités pour concevoir une nouvelle structure conforme à des critères scientifiques, dans le second cas, l'entreprise a demandé à son personnel de regrouper les segments en prenant en compte les règles "de bon sens" du secteur - utilisation des codes postaux, des régions administratives, des zones couvertes par les associations de médecins, de l'assurance-maladie, des caractéristiques géographiques, des critères sociodémographiques, etc.

(147) Les deux méthodes ont débouché sur des structures comparables entre elles et à la structure à 2 847 modules. Selon AzyX, les seuls autres choix réalistes portaient sur la création d'environ 100 à 150 modules, le reste étant déterminé par des critères qu'il fallait respecter si l'on voulait que la structure eût de bonnes chances de présenter de l'intérêt aux yeux de l'industrie pharmaceutique. Il semble donc que la "marge de créativité" soit très faible, de l'ordre de 3 à 5 %. D'après Merck Sharp Dohme, si l'on voulait créer une construction modulaire utile et parfaitement adaptée aux besoins du secteur, on en arriverait inévitablement à un découpage ressemblant fort à la structure à 1 860 modules. Après avoir créé leurs structures modulaires, NDC comme AzyX ont constaté qu'il n'y avait qu'un petit nombre de cas dans lesquels ces modules ne pouvaient être regroupés pour former la structure à 1 860 segments.

(148) Le fait que les deux structures comportent quelque 3 000 segments est également riche d'enseignements. La granularité de la structure ne peut être décidée de façon arbitraire, en raison de plusieurs contraintes objectives. Tout d'abord, la législation allemande sur la protection des données impose le regroupement d'au moins trois pharmacies, ce qui implique, en raison des transferts de pharmacies, que le minimum doit être plus élevé - le groupe de travail s'est mis d'accord sur le chiffre de cinq. L'Allemagne compte environ 22 000 pharmacies, de sorte que le nombre de modules peut atteindre au maximum 4 400. Ensuite, les modules doivent être suffisamment grands pour remédier au problème des "prescriptions itinérantes", lorsque le médecin qui prescrit un médicament se trouve dans un module différent de celui où est située la pharmacie qui va délivrer les médicaments. Cette situation fausse les tentatives des entreprises de mesurer l'efficacité de leur force de vente, car une vente produite par le travail du visiteur médical du module A sera enregistrée dans le module B et donc portée au crédit d'un autre visiteur médical. En pratique, il apparaît que ce phénomène s'accroît nettement si l'on utilise plus de 2 000 modules.

(149) Le 15 mars 2001, AzyX a pris une initiative pour déterminer s'il était possible de développer et de créer une nouvelle structure modulaire fondée sur la coopération entre tous les acteurs du marché: laboratoires pharmaceutiques, grossistes, centres de codage des pharmacies, sociétés de logiciels qui traitent les données sur les ventes pour le compte de l'industrie pharmaceutique, fournisseurs de données sur les prescriptions, fournisseurs d'informations sur les ventes régionales, consultants scientifiques spécialisés dans l'élaboration de structures régionales et juristes. AzyX analyse comme suit le résultat de son action:

"Dès cette première réunion de démarrage, il est apparu clairement qu'il était impossible (malheureusement) de mettre au point une nouvelle structure qui soit une norme sectorielle.

a) L'examen des différents éléments à prendre en compte pour chaque structure plausible (adresses des médecins et des pharmacies, frontières administratives, données sociodémographiques, etc.) et des diverses méthodes scientifiques envisageables a montré que, de toute évidence, le résultat ressemblerait sensiblement à la structure d'IMS.

b) En passant en revue les domaines où il est possible de s'écarter de la structure d'IMS sans produire quelque chose d'absurde, l'industrie pharmaceutique a indiqué que le choix entre ces différentes solutions était déjà fait au sein des groupes de travail du RPM, et qu'elle n'en accepterait pas d'autres, pour autant qu'il y en ait.

c) Les centres de codage et les grossistes ont signalé qu'ils ne pourraient pas communiquer les informations dans des structures très différentes, pour des raisons de protection des données, à moins de suspendre la fourniture d'informations à IMS (ce qui, concrètement, n'est pas possible pour des raisons économiques et contractuelles).

d) Le souhait de l'industrie serait de disposer d'une structure de quelque 3 000 segments (+- 300 à 500). Or, il serait quasiment impossible, avec une segmentation aussi fine, équivalente ou non à la structure d'IMS à 2 847 modules, d'éviter que la majeure partie de la structure à 1 860 modules puisse être reconstituée en y ajoutant les segments de la nouvelle structure. Plus une segmentation de base serait précise (nombre élevé de modules), plus il serait difficile d'éviter la compatibilité avec la structure à 1 860 modules".

(150) Cette réunion a été suivie d'une lettre de 17 laboratoires pharmaceutiques (40) demandant à IMS d'accorder une licence d'exploitation de la structure à 1 860 modules à toute entreprise du secteur en faisant la demande, afin de permettre à la concurrence de s'exercer sur le marché.

(151) IMS déclare qu'elle a développé au fil des années trois structures différentes en Allemagne et que NDC et AzyX affirment proposer ou avoir proposé de nouvelles structures modulaires dans ce pays.

(152) La Commission considère que la création, dans le passé, d'une nouvelle structure par IMS, soit en subdivisant les segments existants soit en prenant en compte les changements provoqués par la restructuration administrative (intégration de l'ex-Allemagne de l'Est, en 1992, par exemple), n'est pas comparable à l'élaboration d'une structure entièrement nouvelle. D'une manière générale, IMS n'a pas été confrontée, dans ces situations, aux problèmes que rencontreraient les créateurs potentiels d'une telle nouvelle structure. Bien que NDC et AzyX aient lancé de nouvelles segmentations, l'incertitude juridique persiste, comme indiqué précédemment, sur leur compatibilité avec la structure à 1 860 modules. La Commission estime que d'importantes incertitudes demeurent dans ce domaine.

7.3.2.4. Structures modulaires dans d'autres pays

(153) Dans les pays où il n'y a aucune obligation légale de protection des données qui interdise la communication de données concernant un code postal avec seulement une ou deux pharmacies - tels que les États-Unis d'Amérique, le Canada et l'Australie où des zones correspondant aux codes postaux sont utilisées -, il n'existe pas de structure "modulaire" en tant que telle. Au Japon, il n'existe pas de structure modulaire parce que les médecins fournissent directement les médicaments à leurs patients et les entreprises pharmaceutiques suivent les ventes directement auprès des médecins. Des structures modulaires sont couramment utilisées dans les pays européens, essentiellement parce qu'il y existe une législation sur la protection des données. Dans ces pays, les "modules" de la structure sont constitués en regroupant plusieurs codes postaux. La situation dans les pays où deux ou plusieurs fournisseurs de chiffres de vente régionaux sont en concurrence est examinée ci-dessous. [supprimé - secret d'affaires]

(154) IMS fait valoir que, dans plusieurs pays, deux structures modulaires, voire plus, coexistent, et que cela renforce la concurrence. Elle en déduit qu'il n'y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas en Allemagne. À ce propos, elle cite en exemple le Portugal, la France, la Finlande, la Norvège et la Pologne.

(155) Il importe d'examiner si la situation dans ces pays laisse à penser que des concurrents pourraient créer en Allemagne des structures similaires à la structure à 1 860 modules. Il convient tout d'abord de noter que, en France et en Norvège, les différentes structures modulaires qui coexistent semblent être largement ou totalement compatibles et que dans le cas du Royaume-Uni, elles sont identiques. En outre, il est clair qu'aucun autre marché n'est similaire au marché allemand, en ce qui concerne la durée depuis laquelle il existe des structures à modules dans un pays, le rôle joué par l'industrie dans son ensemble dans l'élaboration des ces structures, le nombre de laboratoires qui achètent ces données et la taille du marché des données des ventes régionales en général.

(156) Au Portugal, AzyX et IMS sont toutes deux présentes sur le marché de la fourniture de chiffres sur les ventes régionales. [supprimé - secret d'affaires], alors que AzyX s'y est implantée en 1999, avec 212 modules. En 2001, AzyX possède une structure à 324 modules (appelés "unités d'information de base", BIU). Ni IMS ni AzyX n'ont affirmé que ces structures étaient incompatibles.

(157) En France, Cégédim est la seule société présente sur ce marché. Elle fournit ses services au GERS, un groupement d'intérêt économique créé par l'ensemble des entreprises pharmaceutiques présentes en France. En 1998, Cégédim est passée d'une structure à 509 modules à une structure à 4 612 modules (agrégats de points de vente), regroupés en 746 modules (ou unités géographiques d'analyses, UGA). La structure à 509 modules est toujours utilisée par un petit nombre d'entreprises pharmaceutiques à titre transitoire, en attendant le passage à la structure à 746 modules. Il n'y a donc pas en France coexistence de structures modulaires incompatibles pour les données sur les ventes. [supprimé - secret d'affaires] Le découpage APV appliqué à cet échantillon pose des problèmes du point de vue de la législation française sur la protection de la vie privée (loi "informatique et libertés") et du code français de la santé. [supprimé - secret d'affaires] Les deux structures, bien qu'elles soient utilisées pour fournir des services sur des marchés distincts (données sur les ventes régionales et données sur les prescriptions régionales) sont compatibles.

(158) IMS fait valoir que des concurrents peuvent créer leurs propres structures modulaires et devenir des concurrents actifs. À l'appui de son argument, elle cite le cas de la France, où 90 % des clients du GERS ont adopté la nouvelle structure modulaire mise en place par Cégédim.

(159) Le passage à une structure à 746 modules en France et la possibilité de créer une nouvelle structure modulaire en Allemagne sont deux phénomènes qui ne sont pas comparables. Cégédim a créé la structure à 746 modules en France à la demande des entreprises pharmaceutiques. Elle a fait l'objet d'une convention entre ces entreprises, les grossistes et les pouvoirs publics français, qui avaient besoin d'une nouvelle répartition afin de créer un indice des prix des médicaments. La structure créée par Cégédim a donc un statut officiel et n'est pas simplement la création d'une entreprise privée. Il est donc normal que les entreprises pharmaceutiques aient adopté cette structure à 746 modules, puisque ce sont elles qui ont, les premières, réclamé une nouvelle structure. Seul un petit nombre d'entreprises utilisent l'ancienne structure pendant la période de transition. La situation en France est donc radicalement différente de celle qui prévaut en Allemagne.

(160) En Norvège, deux sociétés sont présentes sur le marché, IMS et Farmastat AS. [supprimé - secret d'affaires], alors que Farmastat a été constituée en 1994 par l'association des entreprises pharmaceutiques. [supprimé - secret d'affaires] Depuis le 1er mars 2001, il est possible de fournir des informations par pharmacie en Norvège, et Farmastat pense pouvoir lancer sous peu un produit couvrant chacune des 392 pharmacies norvégiennes.

(161) En Finlande, les fournisseurs de chiffres de vente régionaux sont Suomen LääkeData Oy (SLD), qui, jusqu'à très récemment encore était détenue à 100 % par le secteur pharmaceutique, et IMS. [supprimé - secret d'affaires] SLD a pénétré sur le marché des données régionales sur les ventes en 1999. Sa structure a été créée sur la base d'une subdivision des 24 districts sanitaires finlandais, qui a abouti à la création de 161 segments régionaux. La création des modules est basée sur différents critères: régions, zones de coopération sanitaire, structure des pharmacies principales et pharmacies satellites, caractéristiques géographiques et codes postaux.

(162) La mesure dans laquelle la structure de SLD et celle d'IMS sont compatibles n'apparaît pas clairement. Toutefois, un grand nombre des contraintes qui empêchent les concurrents d'IMS de pénétrer et de rester sur le marché allemand n'existent de toute façon pas en Finlande. Lorsque SLD a pénétré sur le marché, notamment, il lui a été beaucoup plus facile d'attirer la clientèle des entreprises pharmaceutiques, dans la mesure où elle était détenue à 100 % par celles-ci, qui avaient donc tout intérêt à la voir réussir. [supprimé - secret d'affaires] En outre, le marché finlandais - qui ne comprend que 800 pharmacies environ, contre 21 600 environ en Allemagne - est beaucoup moins complexe et mûr que le marché allemand, de telle sorte que les entreprises pharmaceutiques sont moins "captives" de la structure modulaire qu'elles ne le sont en Allemagne. La situation en Finlande ne peut donc pas servir de critère pour tirer des conclusions relatives au marché allemand.

(163) En Pologne, AzyX est le principal concurrent d'IMS. Elle possède une structure à 646 modules (unités d'information de base), [supprimé - secret d'affaires]. La structure d'IMS ne peut pas être recréée à partir de la structure à 646 modules d'AzyX. En Pologne, une nouvelle structure administrative a été mise en place il y a deux ans, avec un nouvel ensemble de régions administratives. [supprimé - secret d'affaires]

(164) Les structures modulaires d'AzyX et d'IMS ne sont que faiblement compatibles entre elles. Toutefois, la Commission a pris note des observations suivantes d'AzyX:

"It is to be noted, however, that Poland compared to the more mature pharmaceutical markets in western countries is a fast developing market. Pharmaceutical companies are increasing their field forces rapidly (they in average double every 2-3 years), so that frequent fundamental territory re-alignments are needed anyhow. All in all, the market situation in Poland is not at all comparable to the one in mature western markets." [Il convient toutefois de noter que le marché polonais, si on le compare aux marchés pharmaceutiques des pays occidentaux, plus mûrs, est un marché en développement rapide. Les entreprises pharmaceutiques augmentent rapidement leurs forces de vente (elles doublent en moyenne tous les deux à trois ans), de telle sorte qu'il est de toute façon nécessaire de procéder souvent à des réorganisations territoriales. Globalement, la situation du marché polonais n'est absolument pas comparable à celle des marchés occidentaux plus mûrs].

(165) IMS ne commente pas en détail la situation en Pologne. La Commission estime que les différences qui existent entre l'Allemagne et la Pologne en ce qui concerne la maturité du marché pharmaceutique, la stabilité des frontières administratives et la durée d'existence des structures modulaires, montrent que ce qui se passe en Pologne ne permet pas de penser que des concurrents pourraient mettre au point des structures remplaçant la structure à 1 860 modules en Allemagne.

(166) Au Royaume-Uni, il y a eu, jusqu'en 1999, deux fournisseurs de chiffres sur les ventes de produits pharmaceutiques, IMS et Source Informatics. Le produit de Source, Source Dispenser, était néanmoins spécifique, en ce sens que les renseignements fournis aux clients étaient limités aux données relatives à leurs propres produits. Chaque pharmacie et chaque médecin généraliste prescripteur analysait les ventes des produits couverts. À l'époque, Source ne disposait pas d'une véritable structure modulaire. [supprimé - secret d'affaires] Au mois d'octobre 1999, à la suite d'une enquête du MCC sur cette opération, IMS a proposé des engagements, dont la cession de Source Dispenser, et le ministre britannique chargé de la concurrence et de la consommation les a acceptés. C'est NDC qui a finalement acheté Source Dispenser au mois d'octobre 2000. La structure modulaire RSA a fait partie de la vente de Source Dispenser sous la forme d'une licence perpétuelle, non exclusive et sans redevance. Il y a ainsi au Royaume-Uni deux fournisseurs de chiffres de vente utilisant exactement la même structure modulaire.

7.3.3. Justification du refus d'octroi de la licence

(167) Il convient de rappeler que le droit du détenteur d'un droit de propriété intellectuelle à empêcher des tiers de produire, vendre ou importer sans autorisation des produits basés sur le droit qu'il détient est partie intégrante de son droit exclusif. Dans l'affaire Volvo, la Cour de justice a estimé qu'une obligation imposée au titulaire d'un modèle protégé d'accorder à des tiers, même en contrepartie de redevances raisonnables, une licence pour la fourniture de produits incorporant le modèle aboutirait à priver ce titulaire de la substance de son droit exclusif et que le refus d'accorder une pareille licence ne saurait constituer en lui-même un abus de position dominante.

(168) Toutefois, il ressort tout aussi clairement de la jurisprudence que, dans des circonstances exceptionnelles, un refus d'octroi d'une licence peut constituer un comportement abusif en soi. À cet égard, la Cour se réfère, dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire Magill, à l'absence de justification du refus d'accorder une licence relative à son droit de propriété intellectuelle. De même, dans l'affaire Bronner, la Cour a jugé que, pour que l'existence d'un abus de position dominante puisse être établi, il faut notamment que "... le refus [du service que constitue le portage à domicile] ne puisse être objectivement justifié...". Il est donc nécessaire d'examiner si le refus d'IMS d'octroyer une licence pour la structure à 1 860 modules peut être justifié.

(169) À cet égard, IMS a invoqué le fait que NDC avait porté atteinte à son droit d'auteur, contestait toujours la validité du droit d'auteur et n'avait pas admis qu'IMS était tenue par l'arrêt rendu contre PI de ne pas entamer de discussions avec NDC à propos de l'octroi d'une licence. Toutefois, le comportement de NDC ne peut être considéré que dans le contexte du refus d'IMS d'octroyer une licence pour la structure à 1 860 modules, qui est indispensable pour pénétrer sur le marché en cause. À cet égard, la réaction de NDC face au comportement d'IMS ne peut constituer une justification objective pour ne pas entamer de discussions sur l'octroi d'une licence. En outre, le fait qu'IMS accorde une licence à NDC n'aurait pas nécessairement de répercussions sur le fait de savoir si, conformément à la législation allemande, il existe ou non un droit d'auteur et, dans l'affirmative, qui le détient. De même, ces éléments ne constituent pas une justification objective du refus d'entamer des discussions sur l'octroi d'une licence.

(170) IMS avance comme argument que la position de la Commission en la matière est contraire au droit communautaire, qui reconnaît aux détenteurs d'une licence le droit de refuser de conserver des relations contractuelles avec des bénéficiaires qui contestent les droits octroyés sous licence. IMS se réfère à cet égard au règlement de la Commission (CE) n° 240-96 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, (aujourd'hui article 81, paragraphe 3 du traité) à des catégories d'accords de transfert de technologie pour étayer son argument. L'article 1er de ce règlement définit les critères d'inapplicabilité de l'article 81, paragraphe 1, aux accords de licence. L'article 2 énumère les clauses, généralement non restrictives de la concurrence, figurant dans ces accords, qui ne font pas obstacle à l'application de l'article 1er. La clause 15 est la suivante:

"la réservation par le donneur de licence du droit de résilier l'accord en cas de contestation par le licencié du caractère secret ou susbstantiel du savoir-faire concédé ou de la validité de brevets concédés en licence à l'intérieur du marché commun, qui appartiennent au donneur de licence ou à des entreprises liées à ce dernier".

(171) Ce paragraphe montre seulement que les clauses des accords de licence, qui prévoient une possibilité de résiliation au cas où le preneur de la licence conteste par la suite les droits octroyés, ne sont généralement pas contraires à l'article 81, paragraphe 1. Il ne montre pas que des mesures provisoires imposant à IMS d'octroyer une licence à MDC, qui conteste effectivement actuellement les droits accordés, seraient contraires à l'article 81, paragraphe 1, à l'article 82 ou à toute autre disposition du droit communautaire.

(172) IMS fait également valoir que NDC n'a proposé qu'une somme nominale pour la licence. Or, il est évident qu'IMS a refusé, en dépit de demandes réitérées, la moindre discussion à propos d'une licence. [supprimé - secret d'affaires]. Si IMS a considéré que la somme proposée par NDC était insuffisante, elle s'est manifestement abstenue de faire la moindre contreproposition ou de suggérer une somme qu'elle jugeait raisonnable.

(173) Enfin, IMS fait valoir que d'anciens cadres de PI et des cadres actuels de NDC font l'objet d'une enquête criminelle pour vol d'informations à IMS. À cela, NDC répond que cette affaire en est à un stade préliminaire (dénonciation des faits à la police), qu'aucune procédure n'a été engagée, que tous les accusés nient fermement ce qui leur est reproché et que personne n'a été inculpé. NDC précise également qu'elle-même n'a fait l'objet d'aucune accusation et que les allégations relatives à un vol d'informations ne concernent pas la structure modulaire. La Commission estime que cet élément ne constitue pas une justification objective d'un refus d'octroi de licence, pour les raisons suivantes. Premièrement, IMS n'a produit aucune preuve montrant qu'une enquête criminelle ou une procédure sont actuellement en cours, et non une simple enquête préliminaire sur des allégations. Deuxièmement, ces allégations concernent une personne bien précise et non NDC elle-même. Troisièmement, la personne en question n'est plus salariée de NDC. Même si aucun des facteurs mentionnés ci-dessus n'existait dans la présente affaire, IMS devrait traiter tout préjudice qu'elle estimerait avoir subi du fait d'un comportement qu'elle juge contraire aux lois par des moyens légaux appropriés, et non en tentant d'éliminer la concurrence du marché en cause.

(174) Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, IMS a récemment aussi refusé une licence à AzyX, pour des raisons similaires à celles invoquées à l'encontre de NDC, à l'exception de l'allégation de délit qui n'existe pas dans le cas d'AzyX. La Commission note que le montant proposé par AzyX est dix fois plus élevé que celui offert par NDC et qu'IMS n'a fait aucune contreproposition ni indiqué ce qu'une redevance raisonnable serait. En conclusion, la Commission estime qu'il n'existe aucune raison objective justifiant le refus d'IMS d'accorder une licence à NDC ou AzyX.

7.4. EFFET SUR LE COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

(175) L'article 82 du traité interdit tout abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté.

(176) Ainsi que la Cour de justice a statué dans son arrêt dans l'affaire United Brands (point 201 des motifs), "lorsque le détenteur d'une position dominante établi dans le marché commun tend à éliminer un concurrent également établi sur ce marché, il est indifférent de savoir si ce comportement concerne les échanges entre États membres, dès qu'il est constant que cette élimination aura des répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché commun". Le refus en question vise, entre autres choses, à éliminer NDC et AzyX du marché en cause. Si ces deux entreprises étaient éliminées du marché, la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun serait altérée, puisqu'il n'y aurait plus aucune concurrence sur le marché en cause.

(177) NDC se voit interdire l'utilisation de la structure à 1 860 modules. D'après elle, elle est empêchée d'être un acteur de la fourniture des états de vente régionaux. Il est patent que la conduite d'IMS affecte la survie des seuls concurrents présents sur le marché. Selon toute probabilité, cette conduite va fermer le marché à de nouveaux venus potentiels et ainsi supprimer toute perspective de concurrence.

(178) Il est présumé que la politique d'IMS concernant la structure à 1 860 modules ne vise qu'à affirmer son droit d'auteur à l'encontre de ses concurrents sur le marché en cause. Si IMS devait poursuivre pour infraction au droit d'auteur tous les autres utilisateurs de la structure à 1 860 modules (fournisseurs de logiciels, fournisseurs de données socio-économiques etc.) au motif de l'utilisation illicite de cette structure, il pourrait y avoir des problèmes de concurrence encore plus vastes.

7.5. CONCLUSION RELATIVE À UN ABUS DE POSITION DOMINANTE EN VERTU DE L'ARTICLE 82

(179) La Commission estime que la présente affaire répond aux conditions de constatation d'un abus en vertu de l'article 82, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance, exposée, tout d'abord, dans les arrêts Commercial Solvents et Volvo, puis, dans les arrêts Magill, Ladbroke et Bronner.

(180) La Commission estime qu'il existe dans cette affaire des "circonstances exceptionnelles" au sens de l'arrêt Magill (point 50 des motifs) lu en combinaison avec les arrêts Ladbroke et Bronner. IMS a créé, en collaboration avec le secteur pharmaceutique et sur une période prolongée, une structure modulaire qui est devenue la norme de fait du secteur pour la présentation des données régionales et que le tribunal de Francfort a jugée constituer sa propriété intellectuelle. Aujourd'hui, IMS élimine toute concurrence du marché des services de fourniture de données régionales en refusant, sans justification objective, d'autoriser ses concurrents à utiliser cette structure sous licence. Ainsi que la Cour l'a précisé dans l'arrêt Ladbroke, il n'est pas nécessaire qu'un refus de livrer empêche l'apparition d'un nouveau produit pour qu'il soit considéré comme un abus.

(181) Il est évident que le fait de refuser l'accès à la structure à 1 860 modules est susceptible d'éliminer toute concurrence sur le marché en cause, puisque sans cette structure, il n'est pas possible de s'y maintenir. Les raisons invoquées par IMS pour refuser l'octroi de sa licence ne peuvent être justifiées objectivement. En outre, le recours à la structure à 1 860 modules est indispensable pour opérer sur le marché en cause. Il n'existe aucun substitut réel ou potentiel à cette structure. Les circonstances exceptionnelles répondent aux critères mentionnés dans l'arrêt Bronner pour considérer un refus de livrer comme un abus de position dominante.

(182) IMS a présenté plusieurs arguments démontant l'analyse juridique exposée dans la communication des griefs. Elle prétend que rien ne permet de penser qu'elle ait eu un comportement abusif ou ait tenté d'utiliser ses droits de propriété intellectuelle pour exercer un monopole sur les marchés en aval ou les marchés liés. IMS est habilitée à refuser d'accorder des licences sur son droit d'auteur à des concurrents pour les marchés en cause (voir affaire Volvo). Un refus ne constitue un abus que s'il est accompagné d'un autre type de comportement constituant lui aussi un abus, ce qui n'est pas le cas ici.

(183) En outre, IMS ne considère pas que la structure à 1 860 modules constitue un outil essentiel, dans la mesure où il n'existe aucun autre marché lié sur lequel la concurrence soit entravée.

(184) En ce qui concerne le premier de ces deux arguments, la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance ayant suivi l'affaire Volvo précise sans équivoque que dans certaines circonstances exceptionnelles, le refus d'accorder sous licence un droit de propriété intellectuelle peut être considéré comme un abus au sens de l'article 82 en lui-même. Comme décrit aux considérants 75 à 174, de telles circonstances existent dans le cas d'espèce. Ces circonstances exceptionnelles sont que l'entreprise en position dominante a négocié pendant une longue période avec l'industrie cliente afin d'élaborer une structure dont l'industrie est maintenant fortement dépendante, à tel point qu'elle la considère comme une norme sectorielle et qu'un tribunal national a maintenant reconnu comme la propriété intellectuelle de l'entreprise dominante. L'entreprise dominante refuse alors de concéder une licence d'utilisation de sa structure à ses concurrents, de telle sorte que des produits concurrents ne puissent être produits sur la base de cette structure. En ce qui concerne le deuxième argument avancé par IMS, le fait que les affaires examinées par la CJCE et le TPI auxquelles IMS se réfère comportaient deux marchés n'exclue pas qu'un refus d'accorder sous licence un droit de propriété intellectuelle puisse être contraire à l'article 82. Dans l'affaire Magill précitée, les informations brutes sur les programmes de télévision ont été considérées comme un élément essentiel pour permettre à une entreprise de livrer concurrence sur le marché en aval (celui des guides hebdomadaires de télévision). Les circonstances sont similaires dans le cas présent, en ce que l'utilisation de la structure est un élément indispensable pour permettre à des entreprises de livrer concurrence sur le marché des données sur les ventes régionales en Allemagne. Ainsi qu'il a été dit aux considérants 15 et 16, il existe une distinction importante entre le produit, en l'occurrence les services de fourniture de données sur les ventes régionales, et la structure modulaire en fonction de laquelle les données utilisées pour créer ces services sont formatées. Dans le cas présent, dans les circonstances spécifiques et exceptionnelles dans lesquelles la structure à 1 860 modules a été élaborée, le droit d'auteur revendiqué, puis considéré comme existant, il est impossible de répliquer l'œuvre en question pour les contraintes techniques, juridiques et économiques citées ci-dessus par voie d'une création parallèle qui n'enfreindrait pas le droit d'auteur.

(185) En l'occurrence, il apparaît, à première vue, que l'utilisation de la structure à 1 860 modules est indispensable à toute entreprise souhaitant opérer sur le marché en cause. L'apport des entreprises pharmaceutiques à la structure a beaucoup contribué au fait qu'elle soit devenue la norme du secteur et aussi au fait que ces entreprises dépendent actuellement de cette structure pour pouvoir bénéficier des services de fourniture de données régionales sur les ventes. C'est pourquoi, le refus de laisser les concurrents accéder à cette structure sur le marché en cause éliminerait toute concurrence de ce même marché et le refus d'IMS d'accorder des licences sur la structure à 1 860 modules constitue donc un comportement abusif.

(186) La conclusion générale à laquelle la Commission est parvenue est donc que les preuves actuellement disponibles sont suffisantes de prime abord pour démontrer l'existence d'un comportement constituant un abus en vertu de l'article 82 et donc pour ordonner des mesures provisoires, dès lors que les autres conditions pour ordonner ces mesures sont remplies.

8. PROBABILITÉ D'UN PRÉJUDICE GRAVE ET IRRÉPARABLE POUR L'INTÉRÊT GÉNÉRAL; URGENCE

(187) Dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire La Cinq (point 28 des motifs), la Cour a statué que, outre la violation à première vue des règles communautaires de concurrence, une deuxième condition devait être remplie pour que des mesures provisoires puissent être ordonnées: "Il faut que de telles mesures ne soient prises qu'en cas d'urgence établie, en vue de parer à une situation de nature à causer un préjudice grave et irréparable à la partie qui les sollicite, ou intolérable pour l'intérêt général". Dans la présente affaire, ces deux aspects sont réunis.

(188) À propos du risque de préjudice grave et irréparable nécessitant l'adoption de mesures provisoires en urgence, le TPI a estimé (dans l'arrêt La Cinq, point 4 des motifs) qu'il était nécessaire de démontrer qu'il existait "des dommages auxquels il ne pourrait plus être remédié par la décision éventuellement à prendre au terme de la procédure administrative".

(189) Dans l'arrêt La Cinq, le TPI a confirmé que le risque de préjudice grave ou irréparable n'impliquait pas nécessairement l'existence d'un risque de cessation d'activité ou d'insolvabilité. Toutefois, il est évident que lorsque la partie demandant des mesures provisoires est menacée de cessation d'activité avant que la Commission n'adopte une décision finale, ce fait suffit en lui-même à prouver qu'il est urgent d'adopter des mesures provisoires afin d'éviter que la partie qui en a fait la demande ne subisse un préjudice grave et irréparable.

(190) Les preuves obtenues jusqu'à présent montrent qu'il y a de bonnes raisons de penser que, si NDC n'obtient pas une licence lui permettant d'utiliser la structure à 1 860 modules, elle cessera toute activité en Allemagne, ce qui entraînera un préjudice intolérable pour l'intérêt général.

(191) NDC a pénétré sur le marché allemand en 1999, en y investissant des sommes considérables pour acquérir Pharma Intranet AG. Elle a ensuite consenti des investissements supplémentaires de plusieurs millions de DEM pour favoriser l'expansion de la société allemande, et les coûts qu'elle doit supporter pour exploiter cette entreprise sont substantiels. En raison du comportement d'IMS, NDC a perdu [...] marchés, d'une valeur d'environ [...] millions de DEM par an, auprès de grandes sociétés pharmaceutiques, et ses coûts sont tels qu'elle perd actuellement environ [...] millions de DEM par an dans ses activités en Allemagne. Il s'agit d'une situation financière non durable. Les pertes sont importantes pour le groupe NDC lui-même et forceront NDC à se retirer du marché allemand, à moins qu'il ne soit en mesure de concourir efficacement dans un futur proche.

(192) L'unique source actuelle de revenus pour NDC en Allemagne est la vente de données de ventes régionales. Ces données représentent le produit principal qu'un fournisseur de données doit offrir pour s'implanter sur le marché. NDC a actuellement signé plusieurs de ces contrats pour un montant d'environ [...] million de DEM pour 2001. Il existe une incertitude juridique sur la capacité de NDC à honorer ces contrats si elle ne peut pas bénéficier d'une licence lui permettant d'utiliser la structure à 1 860 modules. Les laboratoires pharmaceutiques ne souhaitent pas recevoir des données dans une structure qui fait l'objet d'une incertitude juridique, [supprimé - secret d'affaires]. Les répercussions négatives de cette incertitude juridique sur NDC sont considérables et ne font que se renforcer à l'heure actuelle, ce qui rend urgent l'octroi par IMS d'une licence à NDC. Si NDC n'était pas à même d'honorer ces contrats, elle subirait un préjudice financier grave et cela porterait également durablement atteinte à sa réputation commerciale en Allemagne.

(193) En outre, les clients actuels de NDC ont indiqué qu'ils retourneraient chez IMS au cas où NDC ne serait pas en mesure de leur fournir un produit formaté selon la structure à 1 860 modules ou selon une structure compatible avec celle-ci. Si elle ne peut pas avoir un accès juridiquement garanti à cette structure, NDC perdra donc ses clients actuels. Dans ce secteur, il est d'usage que les contrats pour l'année civile à venir soient négociés plusieurs mois avant que l'année en question ne commence, de telle sorte qu'il est urgent que NDC puisse accéder à cette licence. En outre, sans mesures provisoires, NDC n'aura plus aucune chance d'attirer de nouveaux clients pour les années à venir. Il est probable que sans de telles mesures, NDC se trouvera dans l'obligation de cesser toute activité en Allemagne.

(194) NDC n'a, à moyen terme, aucune autre possibilité que la présente décision pour rester sur le marché en cause. D'après les informations dont dispose la Commission, le jugement final sur les appels déposés à l'encontre des ordonnances de référé prononcées contre NDC par le tribunal de Francfort ne sera pas connu avant environ trois ans. Même si ces appels devaient lui être favorables, NDC ne serait pas en mesure d'utiliser légalement la structure à 1 860 modules avant environ 2004. D'ici là, il est fort probable qu'elle aura cessé toute activité en Allemagne. La Commission note également que, compte tenu des circonstances actuelles, il semble à priori improbable qu'une autre société puisse, dans un proche avenir, créer une structure modulaire analogue à la structure à 1 860 modules et qu'elle puisse revendiquer publiquement qu'il s'agit d'une création intellectuelle originale qui devrait être couverte par un nouveau droit d'auteur.

(195) Outre le préjudice grave et irréparable à l'encontre de NDC, il existe également un risque de préjudice intolérable pour l'intérêt général, au sens de l'arrêt rendu dans l'affaire La Cinq. Du fait qu'aucune société ne puisse livrer concurrence sur ce marché actuellement ou dans un futur prévisible, il y a un risque grave, si des mesures provisoires ne sont pas prises, que l'autre concurrent actuel, AzyX, ne puisse pas demeurer sur ce marché. AzyX est une entreprise bien plus petite que NDC (son chiffre d'affaires mondial était de 1,53 millions d'USD en 2000, à comparer avec les 289,3 millions d'USD de NDC) et ses activités européennes (en fait la totalité de ses activités) sont même plus susceptibles de cesser en l'absence de mesures provisoires. IMS redeviendrait alors le seul fournisseur de données sur les ventes régionales en Allemagne.

(196) Il ne servirait à rien que la décision principale établisse qu'IMS a abusé de sa position dominante au sens de l'article 82 si, entre-temps, la filiale allemande de NDC et d'autres concurrents avaient dû cesser leurs activités. Si cela devait se produire, non seulement IMS se verrait confirmée dans sa position de seul fournisseur de données sur les ventes régionales en Allemagne, mais il est également probable que le marché en cause serait complètement verrouillé à court et moyen terme.

(197) IMS prétend que, en délivrant une ordonnance de référé, les tribunaux allemands ont déjà reconnu que les intérêts commerciaux légitimes d'IMS subiraient un préjudice plus grand que celui subi par les sociétés qui portent atteinte à son droit d'auteur. Toutefois, il est impossible qu'un jugement provisoire d'un tribunal national ayant considéré en premier lieu des questions de propriété intellectuelle, sans examiner les questions relatives au droit européen de la concurrence, prenne le pas sur l'application de ce même droit.

(198) IMS avance également comme argument que le préjudice subi par NDC est le résultat d'une activité illégale et qu'il ne peut donc être légitimement invoqué, et que NDC n'est pas en droit d'affirmer qu'elle subira un préjudice si elle ne peut pas conserver une clientèle, dont les tribunaux allemands ont estimé qu'elle avait été, de toute façon, acquise illégalement. La Commission estime que, quelles que soient les circonstances dans lesquelles NDC opère, elle est susceptible de subir un préjudice grave et irréparable dans la mesure où le refus de lui accorder une licence est illégal en soi, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. C'est pourquoi, il est nécessaire de prendre de toute urgence des mesures provisoires en faveur de NDC.

(199) Dans la présente affaire, l'équilibre des intérêts est favorable à la requérante. Si, une fois la procédure clôturée, la Commission devait trancher en faveur d'IMS, celle-ci n'aurait subi un préjudice que dans la mesure où elle aurait dû se trouver en concurrence avec NDC et AzyX sur le marché en cause. En outre, si cela devait se produire, la situation pourrait aisément être retournée, du fait qu'IMS ne serait plus contrainte d'accorder une licence à d'autres entreprises et récupérerait toutes les parts du marché en cause qu'elle aurait perdues. Pour IMS, concéder une licence pour l'utilisation de la structure à 1 860 modules n'entraînerait que la divulgation d'informations déjà dans le domaine public et par conséquent pas de données secrètes de la part d'IMS.

(200) Le fait d'accorder des licences pour l'utilisation de la structure à 1 860 modules ne portera pas préjudice aux intérêts légitimes d'IMS en ce qui concerne les investissements qu'elle a réalisés pour mettre cette structure au point, dans la mesure où les entreprises concernées lui verseront une redevance. En revanche, si des mesures provisoires n'étaient pas adoptées, il y a de fortes chances pour que NDC (et AzyX) cessent toute activité en Allemagne et que, en outre toute concurrence soit éliminée sur le marché en cause.

(201) En conclusion, pour les raisons mentionnées ci-dessus, la Commission estime qu'il existe en l'espèce un risque de préjudice grave et irréparable pour les parties sollicitant les mesures provisoires et intolérable pour l'intérêt général, qui justifie l'urgence de mesures provisoires de sauvegarde.

9. AUTRES QUESTIONS

9.1. DIRECTIVE 96-9-CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL CONCERNANT LA PROTECTION JURIDIQUE DES BASES DE DONNÉES

(202) Selon les décisions des tribunaux allemands en référé dans le cadre des procédures précitées, IMS dispose d'un droit d'auteur sur la structure à 1 860 modules au titre d'une disposition de la législation allemande en matière de droit d'auteur qui transpose la directive 96-9-CE.

(203) La directive 96-9-CE prévoit une protection harmonisée à la fois des bases de données originales avec droit d'auteur et des bases de données non originales par un droit sui generis. Tous recueils originaux d'œuvres et compilations de données ou autres éléments sont couverts par le chapitre "droit d'auteur" de la directive. En outre, la directive introduit un droit sui generis pour protéger les bases de données non originales élaborées au moyen d'investissements substantiels pour une période de quinze ans.

(204) Dans le chapitre "droit d'auteur", la directive harmonise le droit d'auteur applicable à la structure d'une base de données. Suivant des dispositions similaires contenues dans la directive 91-250-CEE relative à la protection juridique des programmes d'ordinateur, elle fixe le niveau d'originalité comme le critère d'éligibilité pour cette protection ("création intellectuelle propre à son auteur"). La protection prévue par la directive est accordée à la sélection ou à la disposition du contenu et couvre la structure. Elle ne s'étend pas au contenu de la base de données et s'applique sans préjudice des droits qui existeraient sur le contenu lui-même.

(205) Au titre de la directive, des exceptions peuvent s'appliquer aux bases de données protégées par un droit d'auteur seulement dans certaines circonstances limitées. L'article 13 indique que la directive n'affecte pas les dispositions concernant, entre autres, le droit des ententes et de la concurrence déloyale. En outre, l'application d'un article du traité prime sur celle d'une directive comme cela l'a été récemment confirmé par le TPI dans son arrêt Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets contre Commission des Communautés européennes (41).

9.2. CONFORMITÉ DE LA PRÉSENTE DÉCISION AVEC LES OBLIGATIONS INTERNATIONALES DE LA COMMUNAUTÉ

(206) IMS affirme que la position de la Commission peut porter préjudice à son droit exclusif et être en conflit avec les obligations internationales de la Communauté, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un cas spécial au sens de la convention de Berne (42) et de l'accord sur les ADPIC de l'OMC (43), et porterait donc un préjudice injustifié aux intérêts légitimes d'IMS HEALTH en tant que détenteur d'un droit d'auteur.

(207) La Commission est pleinement consciente tant des avantages qu'apportent les droits de propriété intellectuelle que de la nécessité de les soumettre pleinement au respect du droit de la concurrence. Elle considère que la présente décision provisoire est pleinement compatible avec la convention de Berne et avec l'accord sur les ADPIC.

(208) L'accord sur les ADPIC en son article 10, paragraphe 2 oblige explicitement les parties contractantes à protéger les bases de données créatives. L'article 13 reconnaît également que ses membres peuvent prévoir des restrictions et des exceptions aux droits exclusifs à condition que l'application de telles restrictions et exceptions remplissent les conditions de cet article. Les restrictions et exceptions doivent être limitées à certains cas spéciaux, qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur (44). La Commission considère que la présente décision est compatible avec ces dispositions. La licence obligatoire imposée dans cette affaire constitue un cas spécial, qui est clairement défini et limité. Aucun préjudice injustifié ne sera causé aux intérêts légitimes d'IMS, puisque IMS peut exiger une redevance pour les licences accordées au titre de cette décision et dès lors, ne subira pas une perte de revenu injustifiée du fait de cette décision.

(209) En outre, les articles 8 et 40 de l'accord sur les ADPIC traitent explicitement des mesures que les parties contractantes peuvent prendre pour empêcher l'exploitation abusive des droits de propriété intellectuelle. L'article 8, paragraphe 2, de cet accord ADPIC dispose que des mesures appropriées pourront être nécessaires afin d'éviter l'usage abusif des droits de propriété intellectuelle, "à condition qu'elles soient compatibles avec les dispositions du présent accord". De même, l'article 40 dispose que les parties contractantes, lorsqu'elles adoptent des mesures visant à contrôler les pratiques ou conditions abusives en matière de concession de licences, doivent le faire en conformité avec les autres dispositions de cet accord.

9.3. EFFET SUPPOSÉ SUR LA PROTECTION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

(210) D'une manière générale, IMS prétend que la position de la Commission rendrait effectivement nul et non avenu le droit d'auteur accordé par la législation nationale et découragerait ainsi tout investissement dans la propriété intellectuelle, dans la mesure où les investisseurs potentiels estimeraient que leurs investissements ne pourraient pas être amortis.

(211) La Commission reconnaît pleinement le rôle essentiel joué par les droits de propriété intellectuelle pour favoriser l'innovation et la concurrence. Néanmoins, ainsi qu'IMS l'admet et que la Cour l'a confirmé dans l'arrêt Magill (point 50 des motifs) lu en combinaison avec les arrêts Ladbroke et Bronner, le droit communautaire peut s'appliquer à l'exercice de ce droit "dans des circonstances exceptionnelles". Or, de telles circonstances exceptionnelles existent dans la présente affaire. Une société en position dominante a négocié pendant une période prolongée avec son secteur client, qui dépend aujourd'hui d'elle, afin de mettre sur pied une structure dont elle a ensuite affirmé qu'elle constituait sa propriété intellectuelle, et elle refuse d'accorder à ses concurrents le droit d'utiliser cette structure sous licence, de telle sorte qu'aucun produit concurrent reposant sur cette structure ne peut être créé. De telles circonstances, qui sont à l'origine d'un abus de position dominante au sens de l'article 82, sont tout à fait particulières, et l'utilisation exclusive par IMS de la structure à 1 860 modules et de ses dérivés constitue un moyen de monopoliser le marché des services de fourniture de données régionales en Allemagne.

(212) [supprimé - secret d'affaires]

9.4. PERTINENCE DES MESURES PROVISOIRES

(213) Selon IMS, il n'est pas possible d'imposer des mesures provisoires dans la présente affaire, dans la mesure où il n 'y a pas infraction aux règles de concurrence susceptible de faire l'objet d'une amende. IMS fait valoir que la présente affaire comporte des aspects juridiques originaux et que la Commission a pour principe de ne pas imposer d'amendes dans de tels cas. Or, la Commission ne peut accepter une telle allégation. Il s'agit en l'occurrence d'une infraction caractérisée à l'article 82 qui peut faire l'objet d'une amende conformément à l'article 15 du règlement n° 17. Cela serait d'ailleurs toujours le cas même si la présente affaire comportait des aspects juridiques originaux que la Commission pourrait prendre en considération pour décider si elle impose ou non une amende dans un cas précis.

III. MESURES PROVISOIRES

(214) La Commission estime justifié de prendre des mesures provisoires garantissant, dans toute la mesure du possible, que la requérante ne soit pas contrainte à la cessation d'activité et que l'intérêt général ne subisse aucun préjudice intolérable, en attendant l'issue de la procédure administrative engagée à la suite de l'introduction de la demande. Dans la présente affaire, la mesure la plus urgente qui doit être prise est de maintenir le statu quo, en permettant aux autres entreprises qui, selon l'enquête de la Commission, sont actuellement présentes sur le marché en cause, de continuer à y livrer concurrence.

(215) C'est pourquoi, la Commission se propose de demander à IMS d'accorder à des tiers une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules, sur une base non discriminatoire à NDC et AzyX. Dans tous les accords par lesquels IMS concède une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules, il importe que les redevances exigées soient raisonnables et que la procédure ne dure pas trop longtemps, car cela serait contraire aux objectifs des mesures provisoires. Celles-ci prévoient donc que les redevances à acquitter pour ces licences soient fixées d'un commun accord entre IMS et l'entreprise demandant la licence ou, à défaut, par une décision de la Commission arrêtée sur la base de chiffres fournis par un ou plusieurs experts indépendants. Le terme "d'expert" désigne toute personne qualifiée à cet effet. Le cas échéant, le ou les experts seront choisis par accord mutuel entre IMS et l'autre partie ou, si elles ne parviennent pas à se mettre d'accord, ils seront nommés par la Commission. Les experts devront avoir accès à tous les documents des parties dont ils pourraient avoir besoin pour remplir leur mission. Ils seront tenus au secret professionnel et ne pourront divulguer aucune preuve ni aucun document à des tiers, exception faite de la Commission. Les experts effectueront leurs calculs sur la base de critères transparents et objectifs, et ils les transmettront à la Commission pour approbation.

(216) Selon IMS, des mesures provisoires ont pour seul but de conserver ou de restaurer un statu quo et la demande de NDC ne répond pas à ce critère puisque, avant le refus d'IMS d'entamer des négociations sur une licence, NDC n'en possédait aucune et violait donc le droit d'auteur d'IMS. À l'appui de son argument, IMS cite l'arrêt de la Cour dans l'affaire Camera Care, qui dit que: "il convient encore que ces mesures soient de caractère intérimaire et conservatoire, et qu'elles restent limitées à ce qui est nécessaire dans la situation donnée".

(217) Cet arrêt ne peut pas être interprété dans le sens souhaité par IMS. L'objectif de mesures provisoires est d'empêcher une situation susceptible de provoquer un préjudice grave et irréparable à la partie requérante ou un préjudice intolérable à l'intérêt général. Si ces mesures avaient uniquement pour but de restaurer une situation qui existait avant qu'un abus ne soit commis, elles ne feraient que conserver à IMS la possibilité d'abuser de sa position dominante, en infraction avec l'article 82. Les mesures provisoires prises dans la présente décision ne font que conserver à NDC la possibilité d'être présente sur le marché et elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire, dans ces circonstances, pour empêcher l'intérêt général de subir un préjudice intolérable.

(218) IMS fait également valoir que la Commission devrait préciser comment d'éventuelles redevances devraient être calculées et déterminer les conditions d'octroi de la licence avant de prendre une décision provisoire. En ce qui concerne la méthode de calcul des redevances, la Commission estime que le fait de permettre aux parties de parvenir à un commun accord ou, à défaut, d'avoir recours à un expert, constitue une solution parfaitement appropriée. La Commission n'a pas l'intention de préciser en détail les conditions d'octroi d'une licence pour la structure à 1 860 modules.

(219) La Commission estime qu'IMS et l'entreprise demandant la licence devraient supporter chacune la moitié des coûts du recours à un ou plusieurs experts. La Commission ne peut accepter l'argument d'IMS selon lequel l'expert assure une tâche qui ne pourrait être légalement menée à bien que par la Commission et que les parties ne devraient donc pas être censées rémunérer ses services.

(220) Enfin, il est nécessaire de prévoir le versement d'astreintes en cas de défaillance au sens de la présente décision,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

IMS HEALTH (IMS) est requise, par la présente, d'accorder, sans délai et sur une base non discriminatoire, à toutes les entreprises, qui sont actuellement présentes sur le marché des services de fourniture de données sur les ventes régionales en Allemagne, une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules, afin de permettre à ces entreprises d'utiliser et de vendre des données sur les ventes régionales formatées selon cette structure.

Article 2

Dans tous les contrats relatifs à une licence d'utilisation de la structure à 1 860 modules, les redevances à acquitter pour ces licences doivent être fixées d'un commun accord entre IMS et l'entreprise demandant la licence ("les parties").

Si aucun accord n'est intervenu dans les quinze jours suivant la date de la demande d'une licence, des redevances appropriées seront fixées par un ou plusieurs experts indépendants. Les experts seront choisis par accord entre les parties dans un délai d'une semaine à compter de la date à laquelle les parties n'auront pas réussi à se mettre d'accord sur une redevance. Si les parties ne réussissent pas à se mettre d'accord sur l'identité d'un ou de plusieurs experts dans ce délai, la Commission nommera un ou plusieurs experts sur une liste de candidats fournie par les parties ou, si nécessaire, choisira une autre personne dûment qualifiée.

Les parties mettront à la disposition des experts tous les documents que ceux-ci jugeront nécessaires ou utiles pour remplir leur mission. Ils seront tenus au secret professionnel et ne pourront divulguer aucune preuve ni aucun document à des tiers, excepté à la Commission.

Les experts effectueront leurs calculs sur la base de critères transparents et objectifs, dans les quinze jours suivant leur désignation pour accomplir cette mission. Ils communiqueront ces calculs sans délai à la Commission, pour approbation. La décision de la Commission ne pourra faire l'objet d'aucun recours ultérieur et prendra effet immédiatement.

Article 3

Une astreinte de 1 000 euros par jour sera due pendant toute période au cours de laquelle IMS ne respectera pas les dispositions de la présente décision.

Article 4

Les dispositions de la présente décision seront applicables jusqu'à la notification de la décision clôturant la procédure.

Article 5

La société IMS HEALTH, Harewood Avenue, London NW1, United Kingdom, est destinataire de la présente décision.

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204.

(2) JO L.148 du 15.6.1999, p. 5.

(3) JO L.354 du 30.12.1998, p. 18.

(4) Le groupe AzyX se compose de Pharma Groupe SA, une holding de droit luxembourgeois créée en février 1999, et de 5 filiales nationales: AzyX Belgium, AzyX Deutschland GmbH Geopharma Information Services, AzyX servicos de Geomarketing Farmaceutico Lda et AzyX Polska Geopharma Information services Spzoo (toutes créées en 1999). Il est présent sur les mêmes marchés qu'IMS et NDC.

(5) Il existe 16 grossistes en Allemagne. En moyenne, chaque officine est approvisionnée par 3 grossistes.

(6) 15 % des ventes seulement correspondent à des achats directs des officines aux fabricants, c'est-à-dire sans passer par les grossistes.

(7) La Bundesdatenschutzgesetz (loi fédérale relative à la protection des données), telle que modifiée en dernier lieu le 23 mai 2001.

(8) JO L.281 du 23.11.1995, p. 31.

(9) DHM: Dr. Haase Managementsysteme.

(10) GFD: Gesellschaft für Datenverarbeitung mbH.

(11) IDV - Bodenheim.

(12) P & P: P & P Software u. Consulting GmbH.

(13) JO L.281 du 23.11.1995, p. 31.

(14) Affaire 792-79 R, Camera Care contre Commission, Recueil 1980, p. 119.

(15) Affaires jointes 228-82 et 229-82, Ford contre Commission, Recueil 1984, p. 1129.

(16) Affaire T-23-90, Peugeot contre Commission, Recueil 1991, p. II-653.

(17) Affaire T-44-90, Recueil 1992, p. II-1.

(18) Affaire 27-76, United Brands contre Commission, Recueil 1978, p. 207.

(19) Affaire T-504-93, Tiercé Ladbroke SA contre Commission, Recueil 1997, p. II-923.

(20) Affaire 85-76, Hoffmann-La Roche, Recueil 1979, p. 461.

(21) Affaire C-62-86, AKZO Chemie BV contre Commission, Recueil 1991, p. I-3359.

(22) Affaires jointes T-24-93, T-25-93, T-26-93 et T-28-93, Compagnie Maritime Belge Transports et autres contre Commission, Recueil 1996, p. II-1201.

(23) Affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73, Cooperatieve Vereniging Suiker Unie et autres contre Commission, Recueil 1975, p. 1663.

(24) Affaire 77-77, BP contre Commission, Recueil 1998, p. 1513.

(25) Affaire C-7-97, Oscar Bronner GmbH & Co KG Mediaprint Zeitungs-und Zeitschriftenverlag GmbH & Co KG, Recueil 1998, p. I-7791.

(26) Affaires jointes 6 et 7-73, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial solvents contre Commission, Recueil 1974, p. 223.

(27) Affaire 27-76, United Brands contre Commission, Recueil 1978, p. 207.

(28) Affaire 238-87, AB Volvo contre Erik Veng (UK) Ltd, Recueil 1988, p. 6211.

(29) Affaires jointes C-241-91 P et C-242-91 P, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) contre Commission, Recueil 1995, p. I-0743.

(30) En particulier, Essex, Hexal, Lilly, Lundbeck, Schering et Solvay.

(31) Aventis, Robugen, Hermal, Dr Winzer Pharma, Dr Mann, Stada et TAD, Berlin Chemie et Amgen.

(32) Texte original: Je nach Auswertung werden unterschiedliche Anzahlen von Jahresdaten benötigt. In der Regel 2-5 Jahre.

(33) Texte original: wir brauchen vergleichbar Vorjahreszeitträume von minimal 3 Jahren für Marktforschung und Incentiveberechnungen.

(34) Texte original: wir nutzen für unsere Planungen and Gebietsentwicklungen die Verganheitsdaten von 3 Jahren.

(35) Analyse comparative des résultats stratégiques concernant 23 laboratoires pharmaceutiques (1998).

(36) Texte original: Im Falle von Zusammenschluss oder Akquisition ist eine Umstrukturierung unvermeidlich und muss akzeptiert werden. Eine Umstrukturierung durch Wechsel des Datenanbieters ist kaum zu akzeptieren, da ausser den technischen Umstellungskosten die Verluste durch Wegfall der Beziehungen nicht abzuschätzen sind.

(37) Heilmittelwerbegesetz, ou loi sur la publicité concernant les soins médicaux.

(38) Par exemple John Temple-Lang dans "Defining Legitimate Competition: companies' duties to supply competitors, and access to essential facilities", (1994) Fordham Corporate Law Institute, p. 286: "La pratique de l'industrie et les attentes des clients ou des utilisateurs peuvent rendre essentiel l'accès à une installation qui, dans d'autres circonstances, pourrait ne pas être essentiel".

(39) Voir également l'arrêt du TPI dans l'affaire Ladbroke. Le TPI a rejeté (point 132 des motifs) l'argument avancé par Ladbroke en déclarant (c'est nous qui soulignons) que "la transmission n'est [...] pas indispensable, dans la mesure où elle s'effectue après l'engagement des paris, de sorte que son défaut n'affecte pas en soi le choix des parieurs et que, dès lors, il ne peut pas empêcher les bookmakers de poursuivre leurs activités commerciales". Il apparaît donc nettement que le TPI a tenu compte des intérêts des clients pour se former une opinion sur le caractère indispensable de la transmission des sons et des images de courses de chevaux.

(40) Les laboratoires sont les suivants: Abbott, Krewel Meuselbach, Bionorica Arzneimittel, Lilly Deutschland, Engelhardt Arzneimittel, Merck, Pohl-Boskamp, Novo Nordisk, Galderma Laboratorium, Schering Deutschland, Hormosan-Kwizda, Solvay Arzneimittel, Klinge.

(41) Voir l'affaire T-144-99, paragraphe 50: "En effet, même si tel était le cas, cette disposition d'un acte de droit dérivé ne saurait, conformément au principe de hiérarchie des normes, permettre de déroger à une disposition du traité".

(42) Conclue en 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques et révisée en dernier lieu à Paris en 1971.

(43) Accord de l'Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Décision 94-800-CE du Conseil du 22 décembre 1994.

(44) L'article 9, paragraphe 2, de la convention de Berne utilise une rédaction très similaire.