CJCE, 5e ch., 25 octobre 2001, n° C-475/99
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Firma Ambulanz Glöckner
Défendeur :
Landkreis Südwestpfalz, Arbeiter-Samariter-Bund Landesverband Rheinland-Pfalz eV, Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Rheinland-Pfalz eV, Vertreter des öffentlichen Interesses, Mainz
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. von Bahr
Avocat général :
M. Jacobs
Juges :
MM. Edward, La Pergola, Wathelet (rapporteur), Timmermans
Avocats :
Mes Steiling, Bittner
LA COUR,
1. Par ordonnance du 8 décembre 1999, parvenue à la Cour le 15 décembre suivant, l'Oberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE).
2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant la Firma Ambulanz Glöckner (ci-après "Ambulanz Glöckner"), une entreprise de droit privé établie à Pirmasens (Allemagne), au Landkreis Südwestpfalz (ci-après le "Landkreis") au sujet du refus de renouvellement d'une autorisation de fournir des services de transport de malades en ambulance.
Le cadre juridique
3. En Allemagne, le service d'aide médicale d'urgence est régi par des lois adoptées au niveau des Länder. Dans le Land de Rhénanie-Palatinat, le Rettungsdienstgesetz (loi relative au service de secours), dans sa version du 22 avril 1991 (ci-après le "RettDG 1991"), distingue deux types de transport en ambulance, à savoir le transport d'urgence ("Notfalltransport") et le transport de malades ("Krankentransport"). Le premier concerne le transport, sous assistance médicale adaptée, de personnes blessées ou malades, dont la vie est menacée, au moyen de véhicules sanitaires avec urgentiste ou d'ambulances équipées pour les interventions d'urgence ("Rettungswagen"). Le second type de transport concerne des personnes malades, blessées ou ayant besoin d'aide, mais qui ne sont pas en situation d'urgence, leur transport étant effectué, sous assistance médicale adaptée, par ambulance ("Krankentransportwagen").
4. La responsabilité du service d'aide médicale d'urgence incombe en principe au Land, aux districts territoriaux de celui-ci ("Landkreise") et aux villes qui constituent elles-mêmes un district ("Kreisfreie Städte"). Toutefois, en vertu de l'article 5, paragraphe 1, du RettDG 1991, l'autorité compétente peut concéder l'exécution du service à des "organisations sanitaires reconnues" (ci-après les "organisations sanitaires"), sans but lucratif, tout en exerçant un contrôle, en donnant des directives et en supportant les coûts, pour autant que ces organisations soient aptes et disposées à garantir en permanence l'exécution du service. Aux termes du paragraphe 3 de ladite disposition, ce service ne peut être délégué à d'autres opérateurs que si les organisations sanitaires ne sont pas disposées ou aptes à l'assurer.
5. Dans le Land de Rhénanie-Palatinat, les districts et les "villes-districts" compétents, à l'exception de la ville de Trèves où le service incombe aux pompiers, ont délégué le service d'aide médicale d'urgence à quatre organisations sanitaires: l'Arbeiter-Samariter-Bund Landesverband Rheinland-Pfalz eV (Union des ouvriers samaritains du Land de Rhénanie-Palatinat, ci-après l'"ASB"), la Deutsches Rotes Kreuz Landesverband Rheinland-Pfalz eV (Croix-rouge allemande du Land de Rhénanie-Palatinat, ci-après la "DRK"), la Johanniter-Unfall-Hilfe (aide des Johannites aux accidentés) et le Malteser-Hilfsdienst (service d'aide de Malte).
6. Par ailleurs, jusqu'en 1989, le Personenbeförderungsgesetz (loi sur le transport de personnes), loi fédérale applicable sur tout le territoire de la République fédérale d'Allemagne, couvrait le secteur des services de transport en ambulance, qui était considéré comme un mode de transport de personnes en véhicule de location. Les prestataires de services de transport en ambulance devaient, pour se livrer à cette activité, détenir une autorisation, dont la délivrance était subordonnée à des conditions de sécurité et d'efficacité de l'opération, ainsi qu'à des garanties de fiabilité et de qualifications professionnelles dans le chef de l'opérateur. Cela signifie que les organisations sanitaires, chargées du service d'aide médicale d'urgence, qui doit être disponible 24 heures sur 24 sur tout le territoire concerné, coexistaient avec des opérateurs indépendants, qui se consacraient la plupart du temps au transport non urgent de malades au cours de la journée.
7. En 1989, le Personenbeförderungsgesetz a été modifié de manière à soustraire les services de transport en ambulance de son champ d'application. Aussi le RettDG 1991 régit-il non seulement le service d'aide médicale d'urgence, mais également, de façon plus générale, les services de transport en ambulance. Ainsi, en vertu de l'article 18, paragraphe 1, du RettDG 1991, la délivrance de l'autorisation d'assurer le service de transport de malades demeure, tout comme sous l'empire de l'ancienne législation fédérale, subordonnée à des conditions relatives à l'efficacité et à la sécurité de l'opération, ainsi qu'à des garanties de fiabilité et de qualifications professionnelles de l'entreprise. L'article 18, paragraphe 3, du RettDG 91 dispose en outre:
"L'autorisation est refusée lorsqu'il est prévisible que son usage sera préjudiciable à l'intérêt de la collectivité à disposer d'un service d'aide médicale d'urgence en état de fonctionner [...] À cet égard, il est en particulier tenu compte [...] de la couverture de l'ensemble du territoire et de l'utilisation totale des capacités dans le domaine de l'aide médicale d'urgence; sont également pris en considération le nombre d'interventions, le temps nécessaire pour parvenir sur les lieux et la durée des interventions, ainsi que l'évolution des comptes de résultat [...]."
8. La juridiction de renvoi interprète cette disposition en ce sens qu'elle accorde aux organisations sanitaires un monopole de fait sur le marché des services de transport d'urgence et de transport de malades, dès lors que l'évaluation qu'elle impose, pour apprécier s'il y a ou non utilisation totale des capacités offertes par les organisations sanitaires, conduit toujours, en pratique, à refuser de nouvelles demandes, eu égard à l'importance des moyens de sauvetage maintenus disponibles par ces organisations. En effet, le bon accomplissement d'une mission consistant à assurer un service médical d'urgence sur tout le territoire considéré, 24 heures sur 24, implique le maintien de moyens de sauvetage suffisants pour parer aux urgences et aux catastrophes. Une utilisation totale des capacités n'étant donc pas concevable, il ne serait jamais utile ni nécessaire d'autoriser des opérateurs indépendants à fournir des prestations de transport en ambulance dans la mesure où cela réduirait le recours au service d'aide médicale d'urgence et affecterait son compte de résultat.
9. Le Landkreis et l'ASB considèrent que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 se prête à une autre interprétation, en ce sens que cette disposition ne fait obstacle à l'octroi d'autorisations aux opérateurs indépendants que lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des effets négatifs considérables sur le service d'aide médicale d'urgence.
10. À cet égard, il importe de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur l'interprétation de dispositions nationales, mais il lui incombe de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s'insère la question préjudicielle, tel que défini par la décision de renvoi.
Le litige au principal
11. Ambulanz Glöckner a obtenu en 1990, soit avant l'entrée en vigueur du RettDG 1991 et donc sous l'empire de la législation fédérale antérieure, une autorisation de fournir des services de transport de malades, expirant en octobre 1994.
12. En juillet 1994, elle a sollicité le renouvellement de son autorisation auprès du Landkreis qui a alors invité les deux organisations sanitaires chargées de la gestion du service public d'aide médicale d'urgence dans le secteur de Pirmasens, à savoir l'ASB et la DRK, à faire connaître leur avis sur les effets que pourrait avoir l'autorisation sollicitée.
13. Les deux organisations ont fait savoir au Landkreis que leurs propres installations d'aide d'urgence dans la zone considérée n'étaient pas pleinement exploitées et qu'elles fonctionnaient à perte, de telle sorte que l'arrivée d'un nouveau prestataire les obligerait soit à augmenter les contributions des utilisateurs, soit à réduire leurs prestations. Le Landkreis a par conséquent refusé de renouveler l'autorisation dont bénéficiait Ambulanz Glöckner, sur le fondement de l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, en faisant valoir que, dans le secteur concerné, le service d'aide médicale d'urgence n'avait fonctionné qu'à 26 % de sa capacité en 1993.
14. Après le rejet de sa réclamation, Ambulanz Glöckner a introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Neustadt (Allemagne) qui, par jugement du 28 janvier 1998, a ordonné au Landkreis de délivrer l'autorisation sollicitée. Ladite juridiction a, pour l'essentiel, considéré qu'il convenait d'interpréter l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 en ce sens que le législateur du Land entend en principe permettre que des entreprises privées soient autorisées à effectuer des transports de malades en dehors du service public d'aide médicale d'urgence, même si cela entraîne une augmentation des coûts. Ambulanz Glöckner ayant effectué des transports de malades pendant plus de sept ans, il est évident, selon la juridiction nationale, que son activité n'était pas préjudiciable à l'existence ni au fonctionnement du service d'aide médicale d'urgence.
15. Le Landkreis a interjeté appel de ce jugement devant l'Oberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz.
16. Dans sa décision de renvoi, cette juridiction se demande si les conditions prévues à l'article 90, paragraphe 1, du traité pour l'octroi à des entreprises de droits spéciaux ou exclusifs sont remplies. Elle relève que les organisations sanitaires doivent être considérées comme des entreprises investies de droits exclusifs ou spéciaux au sens de cette disposition, en raison de la mission de transport médical d'urgence qui leur est confiée. L'attribution supplémentaire du marché des prestations de transport de malades, en 1991, constituerait également une "mesure" au sens dudit article 90, paragraphe 1. Or, selon la juridiction de renvoi, des raisons liées à la poursuite d'une mission d'intérêt économique général au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité ne justifieraient pas l'exclusion de la concurrence pour les prestations de transport de malades. Cette interprétation ressortirait du fait que celles-ci ont été régies par la libre concurrence jusqu'au 30 juin 1991, sans que la population ait été confrontée à quelque problème que ce soit concernant la fourniture de telles prestations.
17. Compte tenu de ce qui précède, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"La concession d'un monopole en matière de prestations de transport de malades pour une zone géographique limitée est-elle compatible avec l'article 86, paragraphe 1, CE et les articles 81 et 82 CE?"
Sur l'applicabilité de l'article 90, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 1, CE)
18. Avant d'examiner la question préjudicielle, il convient de vérifier si l'article 90, paragraphe 1, du traité est applicable aux organisations sanitaires, telles que celles en cause dans l'affaire au principal, auxquelles les autorités publiques compétentes ont délégué le service d'aide médicale d'urgence, et ce, au regard de la protection particulière qui leur est accordée par l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991. Cette dernière question revient à se demander, d'une part, si ces organisations sanitaires constituent des entreprises et, d'autre part, si elles sont titulaires de droits spéciaux ou exclusifs.
19. À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C-180-98 à C-184-98, Rec. p. I-6451, point 74) et que constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêt Pavlov e.a., précité, point 75).
20. Dans l'affaire au principal, les organisations sanitaires fournissent des services, moyennant rétribution des utilisateurs, sur le marché du transport d'urgence et du transport de malades. De telles activités n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par de telles organisations ou par des autorités publiques. Il ressort ainsi du dossier que, dans le passé, Ambulanz Glöckner a elle-même fourni ces deux types de services. La fourniture de tels services constitue donc une activité économique aux fins d'application des règles de concurrence prévues par le traité.
21. Certes, des obligations de service public peuvent rendre les services fournis par une organisation sanitaire donnée moins compétitifs que des services comparables effectués par d'autres opérateurs non liés par de telles obligations, mais cette circonstance ne saurait empêcher que les activités en cause soient considérées comme des activités économiques.
22. Il s'ensuit que, en ce qui concerne la fourniture de services de transport d'urgence et de transport de malades, des entités telles que les organisations sanitaires doivent être qualifiées d'entreprises au sens des règles de concurrence prévues par le traité.
23. En second lieu, il convient de constater que, en vertu de l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, l'autorisation nécessaire pour fournir des services de transport en ambulance peut être refusée par l'autorité compétente lorsque son utilisation est susceptible d'avoir des effets négatifs sur le fonctionnement et la rentabilité du service d'aide médicale d'urgence, dont la gestion a été confiée à des organisations sanitaires.
24. Le fait, dans cette dernière hypothèse, de réserver aux organisations sanitaires, en charge du service d'aide médicale d'urgence, les services de transport de malades suffit à qualifier cette mesure de droit exclusif ou spécial au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité. En effet, une protection est conférée par la voie d'une mesure législative à un nombre limité d'entreprises et elle est de nature à affecter substantiellement la capacité des autres entreprises à exercer l'activité économique en cause sur le même territoire, dans des conditions substantiellement équivalentes.
25. En conséquence, il y a lieu de considérer que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 a conféré aux organisations sanitaires un droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité.
Sur la violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE)
26. Ambulanz Glöckner soutient que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est incompatible avec l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l'article 85, paragraphe 1, sous c), de celui-ci, en ce qu'il permet aux organisations sanitaires, appelées à se prononcer sur toute demande d'accès au marché introduite par un opérateur indépendant, de se répartir le marché des prestations de transport de malades par le moyen d'une concertation entre elles et avec les autorités publiques.
27. À cet égard, force est de constater que l'ordonnance de renvoi ne fournit aucune indication sur l'existence d'un quelconque accord, prohibé par l'article 85, paragraphe 1, du traité, entre les organisations sanitaires.
28. Par ailleurs, il n'est pas davantage établi que les autorités publiques, invitées à délivrer une autorisation de fournir des services de transport en ambulance autres que ceux qui relèvent du service d'aide médicale d'urgence, se concertent avec lesdites organisations sanitaires. Celles- ci sont, certes, consultées par les autorités compétentes et cette circonstance, ainsi qu'il ressort du point 43 du présent arrêt, peut être prise en compte aux fins de l'analyse de l'existence d'un abus de position dominante, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 86 de celui-ci. Toutefois, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 103 de ses conclusions, la décision d'accorder ou de refuser l'autorisation est prise unilatéralement par les autorités compétentes et sous leur seule responsabilité, en fonction des conditions fixées par le RettDG 1991.
29. Il n'y a donc pas de violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 85, paragraphe 1, sous c), de celui-ci.
Sur la violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE)
30. La juridiction de renvoi demande en substance si une disposition telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est susceptible de créer une situation dans laquelle les organisations sanitaires sont amenées à commettre des abus de position dominante contraires à l'article 86 du traité.
Sur l'existence d'une position dominante sur une partie substantielle du marché commun
31. Pour répondre à cette question, la juridiction de renvoi doit, au préalable, vérifier si les organisations sanitaires en cause occupent effectivement une position dominante sur une partie substantielle du marché commun, ce qui suppose que soient définis à la fois le marché de services en cause et l'étendue géographique de celui-ci.
32.À cet égard, la Commission soutient qu'il existe deux marchés de services distincts, à savoir celui du transport d'urgence et celui du transport de malades.
33. Cette analyse doit être approuvée. En effet, s'il est vrai que les services en cause sont voisins, ils ne sont pas pour autant interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix ou de l'usage auquel ils sont destinés. Non seulement les services de transport non urgent n'offrent pas nécessairement une solution de substitution valable aux services de transport d'urgence, qui requiert, 24 heures sur 24, un personnel hautement qualifié et un équipement particulièrement sophistiqué, mais le transport d'urgence, particulièrement coûteux, ne peut pas non plus être considéré comme une solution de substitution valable au transport non urgent.
34. Quant à l'étendue géographique du marché de services en cause, il importe d'attirer l'attention de la juridiction de renvoi sur la nécessité de prendre en compte le marché sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes, c'est-à-dire une zone dans laquelle les conditions objectives de concurrence des services en cause et notamment la demande des consommateurs sont similaires pour tous les opérateurs économiques (arrêt du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, point 44).
35. Il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en l'occurrence, si ce marché:
- est limité au secteur opérationnel en cause, visé par la demande d'autorisation, ou
- s'il s'étend à la totalité du Land de Rhénanie-Palatinat, comme le suggère la Commission, dès lors que le cadre législatif, les structures organisationnelles et les tarifs du service d'aide médicale d'urgence seraient identiques dans l'ensemble dudit Land, ou encore
- s'il couvre le territoire de la République fédérale d'Allemagne dans son ensemble, comme le soutient Ambulanz Glöckner, dès lors que les lois régissant la prestation de services de transport en ambulance dans les différents Länder seraient similaires, ce que conteste le Vertreter des öffentlichen Interesses, Mainz.
36. Une fois déterminés le marché de services et l'étendue géographique de celui-ci, il appartiendra également à la juridiction de renvoi, le cas échéant, de vérifier l'existence d'une position dominante individuelle, ou éventuellement collective, qui serait visée par l'article 86 du traité et d'examiner si une telle position existe sur une "partie substantielle du marché commun", ce qui relève d'une appréciation de fait qui incombe à ladite juridiction.
37. À cet égard, la juridiction nationale pourrait utilement vérifier l'exactitude des indications de fait figurant au point 121 des conclusions de M. l'avocat général, à propos des activités de la DRK qui s'exerceraient sur une grande partie du Land de Rhénanie-Palatinat, indications qui, si elles étaient confirmées, pourraient établir que cette organisation sanitaire occupe une position dominante sur les marchés des services de transport d'urgence et de transport de malades.
38. Dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi devrait effectivement constater l'existence d'une position dominante, à tout le moins sur l'ensemble du Land de Rhénanie-Palatinat, il y aurait lieu alors de considérer qu'une telle position affecte une partie substantielle du marché commun, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 129 de ses conclusions, eu égard à la superficie étendue du territoire de ce Land, qui est de près de 20 000 km2, et au nombre très élevé de ses habitants, qui est d'environ quatre millions, lequel est supérieur à la population de certains États membres.
Sur l'abus de position dominante
39. Il y a lieu de rappeler que le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits spéciaux ou exclusifs au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 de celui-ci. Un État membre n'enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits spéciaux ou exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (voir arrêt Pavlov e.a., précité, point 127).
40. À cet égard, selon une jurisprudence constante, constitue un abus au sens de l'article 86 du traité le fait, pour une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné, de se réserver, sans nécessité objective, une activité auxiliaire qui pourrait être exercée par une entreprise tierce dans le cadre des activités de celle-ci sur un marché voisin, mais distinct, au risque d'éliminer toute concurrence de la part de cette entreprise(arrêt du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C-18-88, Rec. p. I-5941, point 18). Si l'extension de la position dominante de l'entreprise à laquelle l'État a octroyé des droits spéciaux ou exclusifs est le fait d'une mesure étatique, une telle mesure constitue une violation de l'article 90 du traité, en liaison avec l'article 86 de celui-ci (voir arrêts GB-Inno-BM, précité, point 21, et du 25 juin 1998, Dusseldorp e.a., C-203-96, Rec. p. I-4075, point 61).
41. Dans l'affaire au principal, Ambulanz Glöckner soutient précisément que son exclusion du marché du transport de malades par ambulance résulte de l'application de l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, qui permettrait aux organisations sanitaires, agissant en concertation avec les autorités publiques, de limiter l'accès à ce marché.
42. La Commission soutient également que l'extension de la position dominante du marché du transport d'urgence à celui voisin, mais distinct, du transport de malades est due aux modifications intervenues dans la législation fédérale régissant ce dernier type de transport, puis dans celle du Land de Rhénanie-Palatinat, et, en particulier, à l'adoption de l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991. Une telle restriction de concurrence constituerait une violation de l'article 90 du traité, en liaison avec l'article 86 de celui-ci.
43.À cet égard, force est de constater que le législateur du Land de Rhénanie-Palatinat, en adoptant l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, dont l'application entraîne la consultation préalable des organisations sanitaires sur toute demande d'autorisation de fournir des services de transport non urgent de malades présentée par un opérateur indépendant, a favorisé ces organisations, déjà titulaires d'un droit exclusif sur le marché du transport d'urgence, en leur permettant également de fournir exclusivement de tels services. L'application de l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 a donc pour conséquence de limiter les "débouchés [...] au préjudice des consommateurs", au sens de l'article 86, second alinéa, sous b), du traité, en réservant auxdites organisations sanitaires une activité auxiliaire de transport, qui pourrait être exercée par un opérateur indépendant.
Incidence sur le commerce entre États membres
44. Pour qu'une mesure telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 soit reconnue incompatible avec l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l'article 86 de celui-ci, il convient encore d'établir que sa mise en œuvre affecte le commerce entre États membres.
45. Le Landkreis, l'ASB, le Vertreter des öffentlichen Interesses, Mainz, et le gouvernement autrichien soutiennent que la mesure en cause n'a pas d'effet notable sur le commerce entre États membres, l'autorisation de transport par ambulance n'étant délivrée que pour un secteur déterminé. En outre, ce type de transport serait par définition une activité exercée localement et il serait rare que des services d'ambulance transfrontaliers soient assurés.
46. La Commission, tout en considérant que cette question relève de l'appréciation de la juridiction nationale, fait valoir que, en raison de la proximité du Land de Rhénanie-Palatinat avec la Belgique, la France et le Luxembourg, les transports transfrontaliers ne sont pas à exclure. À cela s'ajouteraient les cas probables de transport sur une plus longue distance de personnes malades ou blessées qui souhaitent être transportées dans un autre État membre ou qui sont rapatriées dans leur pays d'origine.
47. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l'interprétation et l'application de la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres, figurant aux articles 85 et 86 du traité, doivent prendre comme point de départ le but de cette condition qui est de déterminer, en matière de réglementation de la concurrence, le domaine du droit communautaire par rapport à celui des États membres. C'est ainsi que relèvent du domaine du droit communautaire toute entente et toute pratique susceptible de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre les États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché commun (arrêt du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22-78, Rec. p. 1869, point 17).
48. Pour être susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de fait et de droit, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt du 28 avril 1998, Javico, C-306-96, Rec. p. I-1983, point 16).
49. En matière de services, cette influence peut consister, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, dans le fait que les activités en cause sont organisées de telle façon que le marché commun est compartimenté et la liberté des prestations des services, qui est l'un des objectifs du traité, entravée (voir arrêt du 4 mai 1988, Bodson, 30-87, Rec. p. 2479, point 24). De même, le commerce entre États membres peut être affecté par une mesure qui empêche une entreprise de s'établir dans un autre État membre pour y fournir des services sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1986, Pronuptia, 161-84, Rec. p. 353, point 26).
50. Il appartient ainsi à la juridiction nationale de vérifier si, eu égard aux caractéristiques économiques des marchés de transport d'urgence et de transport de malades, il existe un degré suffisant de probabilité qu'une règle, telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, empêche effectivement des opérateurs établis dans des États membres autres que l'État membre considéré soit d'effectuer des services de transport en ambulance dans celui-ci, soit même de s'y établir.
Sur la justification au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité
51. À supposer qu'il soit établi, au regard de ce qui précède, que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est contraire à l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l'article 86 de celui-ci, il convient encore d'examiner si cette disposition nationale peut être justifiée par l'existence d'une mission de gestion d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90, paragraphe 2, dudit traité.
52. Le Landkreis, l'ASB, le Vertreter des öffentlichen Interesses, Mainz, et le gouvernement autrichien soutiennent qu'un certain degré de protection du service d'aide médicale d'urgence contre la concurrence des opérateurs indépendants, même sur le marché du transport non urgent en ambulance, est nécessaire.
53. Ils font valoir que le transport d'urgence, qui doit être assuré 24 heures sur 24 et sur la totalité du territoire, exige des investissements coûteux en équipement et en personnel qualifié. Il conviendrait d'éviter que ces coûts ne puissent être, au moins partiellement, compensés par les recettes provenant des transports non urgents. Or, non seulement la présence même d'opérateurs indépendants sur ce marché a pour effet de réduire les recettes du service médical d'urgence, mais on peut s'attendre, en outre, à ce que lesdits opérateurs, recherchant le profit, préfèrent fournir leurs services en majorité dans les zones à forte densité de population, où les distances sont courtes, de telle sorte que les organisations sanitaires n'auraient plus en charge, outre le transport d'urgence, que le transport de malades dans des zones isolées. Le gouvernement autrichien ajoute que, dès lors que le service public d'aide médicale d'urgence est financé, en dernière instance, soit par des taxes, soit par le budget de l'assurance maladie, il existe un risque sérieux que les pertes inévitables dudit service soient à la charge de la société, alors que les profits potentiels bénéficieraient aux opérateurs indépendants.
54. Il serait également conforme à l'intérêt général que les prix ne puissent varier selon les zones desservies.
55. À cet égard, il ne saurait être contesté que les organisations sanitaires sont chargées d'une mission d'intérêt économique général consistant dans l'obligation d'assurer en permanence le transport d'urgence de personnes malades ou blessées sur l'ensemble du territoire concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires, sans égard aux situations particulières ou au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle.
56. Or, l'article 90, paragraphe 2, du traité, lu en combinaison avec le paragraphe 1 de cette disposition, permet aux États membres de conférer à des entreprises, qu'ils chargent de la gestion de services d'intérêt économique général, des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence, voire une exclusion de toute concurrence, de la part d'autres opérateurs économiques, sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs (voir arrêt du 19 mai 1993, Corbeau, C-320-91, Rec. p. I-2533, point 14).
57. Il convient donc de vérifier si la restriction de concurrence est nécessaire pour permettre au titulaire d'un droit exclusif d'accomplir sa mission d'intérêt général dans des conditions économiquement acceptables. En vue de cet examen, la Cour a jugé qu'il faut partir de la prémisse selon laquelle l'obligation, pour le titulaire de cette mission, d'assurer ses services dans des conditions d'équilibre économique présuppose la possibilité d'une compensation entre les secteurs d'activités rentables et des secteurs moins rentables et justifie, dès lors, une limitation de la concurrence, de la part d'entrepreneurs particuliers, au niveau des secteurs économiquement rentables (arrêt Corbeau, précité, points 16 et 17).
58. Dans l'affaire au principal, pour les raisons invoquées par le Landkreis, l'ASB, le Vertreter des öffentlichen Interesses, Mainz, et le gouvernement autrichien, figurant au point 53 du présent arrêt et qu'il appartient au juge national de vérifier, il apparaît que le système mis en place par le RettDG 1991 est de nature à permettre aux organisations sanitaires d'accomplir leur mission dans des conditions économiquement acceptables. En particulier, il ressort du dossier que les recettes du transport non urgent contribuent à couvrir les frais liés au service de transport d'urgence.
59. Il est vrai que, au point 19 de l'arrêt Corbeau, précité, la Cour a considéré que l'exclusion de la concurrence ne se justifie pas dans certains cas mettant en jeu des services spécifiques, dissociables du service d'intérêt général en question, dans la mesure où ces services ne mettent pas en cause l'équilibre économique du service d'intérêt économique général assumé par le titulaire du droit exclusif.
60. Toutefois, tel n'est pas le cas des deux services en cause au principal, notamment pour deux raisons. En premier lieu, à la différence des faits de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Corbeau, précité, les deux services en cause, assumés traditionnellement par les organisations sanitaires, sont si étroitement liés que les services de transport non urgent de malades sont difficilement dissociables de la mission d'intérêt économique général que constituent les services de transport urgent et avec laquelle ils présentent d'ailleurs des caractéristiques communes.
61. En second lieu, l'extension des droits exclusifs des organisations sanitaires au secteur du transport non urgent de malades leur permet précisément d'assurer leur mission d'intérêt général, touchant au transport urgent, dans des conditions d'équilibre économique. La possibilité qu'auraient les entrepreneurs privés de se concentrer, dans les services de transport non urgent, sur des trajets plus lucratifs pourrait porter atteinte à la viabilité économique du service fourni par les organisations sanitaires et, par conséquent, mettre en cause la qualité et la fiabilité dudit service.
62. Toutefois, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 188 de ses conclusions, ce n'est que s'il était établi que les organisations sanitaires chargées de la gestion du service d'aide médicale d'urgence n'étaient manifestement pas en mesure de satisfaire en permanence la demande de transport médical d'urgence et de transport de malades que la justification de l'extension de leurs droits exclusifs, tirée de la mission d'intérêt général, ne pourrait être admise.
63. À cet égard, Ambulanz Glöckner soutient que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 favorise précisément une situation dans laquelle les organisations sanitaires ne sont pas toujours en mesure de satisfaire pleinement et à des prix acceptables la demande que présente le marché du transport des malades (voir, par analogie, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 31, et du 11 décembre 1997, Job Centre, C-55-96, Rec. p. I-7119, point 35). En revanche, le Landkreis et l'ASB font valoir que le service public d'aide médicale d'urgence est incontestablement en mesure de satisfaire tant la demande de transport d'urgence que celle relative au transport de malades, même en l'absence d'entreprises privées.
64. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si effectivement les organisations sanitaires qui occuperaient une position dominante sur les marchés en cause sont en mesure de satisfaire la demande et de remplir non seulement leur obligation légale de fournir les services d'aide médicale d'urgence dans toutes les situations et 24 heures sur 24, mais également d'offrir les services de transport de malades de manière efficace.
65. En conséquence, une disposition telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est justifiée au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, pour autant qu'elle ne fait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation à des opérateurs indépendants dans le cas où il est établi que les organisations sanitaires chargées de la gestion du service d'aide médicale d'urgence ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande dans le domaine des services de transport médical d'urgence et de transport de malades.
66. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que:
- une disposition nationale, telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, selon laquelle l'autorisation nécessaire pour fournir des services de transport en ambulance est refusée par l'autorité compétente lorsque son utilisation est susceptible de préjudicier au fonctionnement et à la rentabilité du service d'aide médicale d'urgence, dont la gestion a été confiée à des organisations sanitaires telles que celles en cause au principal, est de nature à conférer à ces dernières un droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité;
- dès lors que la décision d'accorder ou de refuser ladite autorisation est prise unilatéralement par les autorités compétentes et sous leur seule responsabilité, en fonction des conditions fixées par la loi et en l'absence d'accord ou de concertation desdites autorités avec les organisations sanitaires elles-mêmes, ou de ces dernières entre elles, il n'y a pas de violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 85, paragraphe 1, sous c), de celui-ci;
- une disposition nationale, telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991, enfreint l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l'article 86 de celui-ci, pour autant qu'il est établi que:
- les organisations sanitaires occupent une position dominante sur le marché des services de transport d'urgence,
- cette position dominante existe sur une partie substantielle du marché commun, et
- il existe un degré suffisant de probabilité, eu égard aux caractéristiques économiques du marché en cause, que cette disposition empêche effectivement les entreprises établies dans des États membres autres que l'État membre considéré soit d'effectuer des services de transport en ambulance dans celui-ci, soit même de s'y établir;
- toutefois, une disposition telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est justifiée, au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, pour autant qu'elle ne fait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation à des opérateurs indépendants dans le cas où il est établi que les organisations sanitaires chargées de la gestion du service d'aide médicale d'urgence ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande dans le domaine des services de transport médical d'urgence et de transport de malades.
Sur les dépens
67. Les frais exposés par le gouvernement autrichien et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
statuant sur la question à elle soumise par l'Oberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz, par ordonnance du 8 décembre 1999, dit pour droit:
- une disposition nationale, telle que l'article 18, paragraphe 3, du Rettungsdienstgesetz (loi relative au service de secours), dans sa version du 22 avril 1991, selon laquelle l'autorisation nécessaire pour fournir des services de transport en ambulance est refusée par l'autorité compétente lorsque son utilisation est susceptible de préjudicier au fonctionnement et à la rentabilité du service d'aide médicale d'urgence, dont la gestion a été confiée à des organisations sanitaires telles que celles en cause au principal, est de nature à conférer à ces dernières un droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 1, CE);
- dès lors que la décision d'accorder ou de refuser ladite autorisation est prise unilatéralement par les autorités compétentes et sous leur seule responsabilité, en fonction des conditions fixées par la loi et en l'absence d'accord ou de concertation desdites autorités avec les organisations sanitaires elles-mêmes, ou de ces dernières entre elles, il n'y a pas de violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité CE [devenu article 81, paragraphe 1, sous c), CE]
- une disposition nationale, telle que l'article 18, paragraphe 3, du Rettungsdienstgesetz, dans sa version du 22 avril 1991, enfreint l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu en combinaison avec l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE), pour autant qu'il est établi que:
- les organisations sanitaires telles que celles en cause au principal occupent une position dominante sur le marché des services de transport d'urgence,
- cette position dominante existe sur une partie substantielle du marché commun, et
- il existe un degré suffisant de probabilité, eu égard aux caractéristiques économiques du marché en cause, que cette disposition empêche effectivement les entreprises établies dans des États membres autres que l'État membre considéré soit d'effectuer des services de transport en ambulance dans celui-ci, soit même de s'y établir;
- toutefois, une disposition telle que l'article 18, paragraphe 3, du RettDG 1991 est justifiée, au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, pour autant qu'elle ne fait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation à des opérateurs indépendants dans le cas où il est établi que les organisations sanitaires chargées de la gestion du service d'aide médicale d'urgence ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande dans le domaine des services de transport médical d'urgence et de transport de malades.