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Décisions

CCE, 18 juillet 2001, n° 2001-716

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

SAS/Maersk Air - Sun-Air contre SAS et Maersk Air

CCE n° 2001-716

18 juillet 2001

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement (CEE) n° 3975-87 du Conseil du 14 décembre 1987 déterminant les modalités d'application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 2410-92 (2), et notamment son article 3 et son article 12, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 31 janvier 2001 d'engager la procédure dans ces affaires, après avoir donné aux parties concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission ainsi que l'occasion de développer leurs arguments lors d'une audition orale, en vertu de l'article 16 du règlement (CEE) n° 3975-87, de l'article 3, paragraphe 4, et de l'article 5 du règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après consultation du comité consultatif en matières d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports aériens, considérant ce qui suit :

I. PARTIES

A. SCANDINAVIAN AIRLINES SYSTEM

(1) SAS est un consortium contrôlé par SAS Sverige AB (3/7), SAS Danmark A/S (2/7) et SAS Norge ASA (2/7), chacune de ces trois entreprises étant contrôlée à 50 % par l'État et à 50 % par le secteur privé. D'après le rapport annuel 2000 de SAS, SAS a réalisé 44,481 milliards de couronnes suédoises (4,917 milliards d'euros) de chiffre d'affaires en 2000. SAS est membre de l'Alliance Star (4) et assure des vols réguliers vers 105 destinations (40 rien qu'en Scandinavie, 56 dans le reste de l'Europe et 9 hors d'Europe).

B. MAERSK AIR A/S

(2) Maersk Air A/Sest une compagnie danoise contrôlée par le groupe AP Møller (qui exerce également des activités dans d'autres secteurs, comme le transport maritime, le pétrole et le gaz). Le groupe AP Møller contrôle en outre Maersk Air Ltd, Royaume-Uni. Maersk Air A/Set Maersk Air Ltd, Royaume-Uni, forment à elles deux le groupe Maersk Air, lequel détient 49 % d'AS Estonian Air. Il ressort des comptes annuels provisoires du groupe AP Møller pour l'année 2000 que le groupe Maersk Air aurait réalisé en 2000 3,422 milliards de couronnes danoises (458,6 milliards d'euros) de chiffre d'affaires.

Maersk Air A/S ("Maersk Air") exploite quatre lignes intérieures au Danemark et quinze lignes internationales régulières au départ et à destination de Copenhague et de Billund.

II. PROCÉDURE

(3) Par lettre du 8 mars 1999, SAS et Maersk Air ont notifié à la Commission un accord de coopération, daté du 8 octobre 1998, et cinq accords accessoires. L'accord de coopération a pris effet le 28 mars 1999. Les parties ont demandé une attestation négative en application de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3975-87 et une exemption en vertu de l'article 5 dudit règlement.

(4) Par courrier du 23 novembre 1998, Sun-Air of Scandinavia A/S ("Sun-Air"), petite compagnie aérienne danoise à laquelle British Airways a concédé une franchise, a saisi la Commission d'une plainte au sujet de la coopération entre SAS et Maersk Air. La plainte a été enregistrée le 7 janvier 1999. À propos de la coopération SAS/Maersk Air, Sun-Air soutient que :

"[l']on sait que, par tradition, SAS travaille beaucoup plus étroitement et coordonne un beaucoup plus grand nombre d'activités commerciales avec ses compagnies aériennes partenaires qu 'elle ne le prétend publiquement. C'est sur cette coopération clandestine et frauduleuse que j'ai demandé à la Commission d'enquêter [le "je" désigne le président-directeur général de Sun-Air]".

(5) L'enquête préliminaire qui a suivi la notification et la plainte a révélé qu'au moment de la prise d'effet de l'accord de coopération, Maersk Air s'était simultanément retirée de la liaison Copenhague-Stockholm sur laquelle elle était jusqu'ici en concurrence avec SAS. L'enquête a également permis de constater qu'au même moment, SAS avait cessé d'assurer la desserte aérienne entre Copenhague et Venise et que Maersk Air avait commencé à exploiter cette liaison, et en dernier lieu, que SAS s'était retirée de la liaison Billund-Francfort, de sorte que Maersk Air - son ancienne concurrente sur cette liaison - restait le seul transporteur aérien à exploiter cette ligne. Ces entrées et ces retraits n'avaient pas été notifiés comme faisant partie de l'accord conclu entre SAS et Maersk Air.

(6) Comme il est probable que ces entrées et ces retraits n'ont pas été le fruit de décisions unilatérales et que la coopération SAS/Maersk Air couvrait un champ plus large que celui qui avait été notifié, la Commission a ordonné, par décision du 9 juin 2000, que SAS, Maersk Air et le groupe AP Møller (société mère de Maersk Air) se soumettent à des vérifications en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (5), et de l'article 11, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 3975-87. L'inspection a eu lieu les 15 et 16 juin 2000.

(7) Quelques jours après cette inspection, soit le 22 juin 2000, Maersk Air a volontairement communiqué à la Commission des renseignements complémentaires qui avaient été jusque-là conservés au domicile de l'un de ses anciens salariés.

(8) Par lettre du 24 août 2000, en réponse à une demande de renseignements du 1er août 2000, SAS a transmis à la Commission un volume intitulé "dossiers privés". Par lettre du 13 septembre 2000, SAS a informé la Commission que plusieurs autres documents avaient fait leur apparition après le retour des congés d'été des employés de SAS. Ces documents complémentaires étaient réunis dans deux dossiers joints à la lettre du 13 septembre 2000.

(9) Les documents découverts à l'occasion de l'inspection ont effectivement confirmé que l'accord entre SAS et Maersk Air couvrait un champ plus large que celui que les parties avaient notifié à la Commission.

(10) Par lettre du 12 octobre 2000, SAS et Maersk Air ont présenté une demande complémentaire d'attestation négative en vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3975-87 et d'exemption conformément à l'article 5 dudit règlement. Cette notification complémentaire concernait l'extension de la coopération entre les parties à quatre autres liaisons et contenait de nouvelles annexes techniques à l'accord de coopération (ainsi que des modifications des accords de mise en œuvre existants) sur lesquelles un accord était intervenu après la notification initiale.

(11) La Commission a analysé tous les aspects, notifiés ou non, de la coopération et a décidé, le 31 janvier 2001, d'engager la procédure et d'envoyer à SAS et à Maersk Air une communication des griefs, conformément à l'article 3, paragraphe 1, et à l'article 16, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3975-87 et en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2842-98. Les parties ont reçu cette communication le 2 février 2001. La communication des griefs visait les aspects non notifiés de la coopération que la Commission avait découverts à l'occasion de l'inspection, ainsi que les aspects notifiés qui n'étaient pas compréhensibles séparément des aspects non notifiés, comme la coopération sur les liaisons Billund-Francfort et Copenhague-Venise. Dans la communication, les premières conclusions de la Commission étaient que SAS et Maersk Air avaient enfreint l'article 81 du traité CE et l'article 53 de l'accord EEE et que cette infraction au droit communautaire pouvait être considérée comme une violation très grave. La Commission informait également les parties de son intention d'infliger des amendes.

(12) Aux termes de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3975-87, lorsqu'une notification ("demande", selon le libellé du règlement) est introduite, la Commission - si elle juge la demande recevable et est en possession de tous les éléments de preuve disponibles et qu'aucune mesure n'a été prise en vertu de l'article 3 du règlement en vue de faire cesser une infraction aux articles 81 et 82 du traité - publie un résumé de la demande et invite à présenter des observations. Ensuite, à moins que la Commission ne notifie aux demandeurs, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de cette publication, qu'il existe des "doutes sérieux" quant à l'applicabilité de l'article 81, paragraphe 3, l'accord notifié est réputé exempté (article 5, paragraphe 3). C'est la procédure dite "d'opposition".

(13) La Commission n'a pas publié le résumé prévu à l'article 5, paragraphe 2, de sorte que le délai de 90 jours fixé par l'article 5, paragraphe 3, n'a pas commencé à courir. En l'espèce, la procédure d'opposition visée à l'article 5, paragraphe 2, n'est pas applicable, étant donné que la communication des griefs envoyée aux parties constitue une mesure au sens de l'article 3 du règlement (CEE) n° 3975-87.

(14) Dans leurs réponses du 4 avril 2001 à la communication des griefs de la Commission, les parties ont reconnu les faits et l'existence des infractions décrites dans la communication. Elles ont ajouté qu'elles ne souhaitaient pas demander d'audition. Elles ont limité leurs observations aux éléments susceptibles d'affecter le calcul de l'amende que la Commission envisageait de leur infliger, tels que la gravité et la durée des infractions ainsi que leur comportement après l'inspection de juin 2000. En dernier lieu, les parties ont fait part de leur intention de négocier un nouvel accord de coopération, compatible avec le droit communautaire de la concurrence.

III. ACCORDS NOTIFIÉS

A. ACCORD DE COOPÉRATION DU 8 OCTOBRE 1998

Grandes lignes de l'accord de coopération

(15) Dans la notification du 9 mars 1999, SAS et Maersk Air précisent que l'accord de coopération comprend deux grands volets : a) un partage des codes sur un certain nombre de lignes de Maersk Air (quatre lignes intérieures et neuf lignes internationales), permettant à SAS de commercialiser des sièges sur les vols à codes partagés et b) la participation à un programme de fidélisation de la clientèle, grâce à laquelle les passagers des vols Maersk Air peuvent gagner des points dans le cadre du programme de fidélisation de SAS (programme "EuroBonus"), et, inversement, les membres d'EuroBonus peuvent échanger les points qu'ils ont obtenus contre des billets d'avion sur les vols Maersk Air. La coopération concernant ce programme de fidélisation couvre toutes les lignes de Maersk Air.

(16) Les principales dispositions de l'accord de coopération sont les suivantes :

a) les parties conservent leur indépendance, leur personnalité morale distincte, leur propre marque et leur autonomie de décision;

b) dans les cas où SAS n'est pas en mesure d'assurer certaines liaisons ou certains vols au départ ou à destination de Copenhague ou du Jutland, SAS invite Maersk Air à commencer à exploiter ces liaisons (sous réserve de certaines conditions d'ordre réglementaire, commercial et stratégique imposées par SAS);

c) le coût des services fournis par une partie à l'autre en application des accords de mise en œuvre ne doit pas être moins avantageux que celui que cette partie fait supporter à un autre transporteur, quel qu'il soit, pour les mêmes services;

d) chacune des parties met au point à ses frais des procédures automatisées, destinées à fournir au transporteur qui n'exploite pas une liaison déterminée (6) des informations sur le nombre de sièges disponibles, afin de lui permettre de vendre des sièges sous son propre code d'identification;

e) les deux parties s'engagent à assurer des délais de correspondance aussi courts que possible entre les vols; en particulier, Maersk Air coordonne ses horaires de vols en partage de codes de manière à maximiser les possibilités de correspondances pour les passagers et à réduire au minimum le délai d'attente des passagers en correspondance;

f) dès que cela sera possible sur le plan technique, les parties fourniront aux passagers qui empruntent des vols à codes partagés les services suivants : un enregistrement de bout en bout pour les passagers en correspondance, l'affectation des sièges sur les vols, la délivrance de cartes d'embarquement pour l'ensemble du trajet, un contrôle unique des passeports, un seul étiquetage des bagages et des points de fidélité pour les vols en correspondance.

Liaisons visées par l'accord de coopération notifié

(17) L'accord de coopération n'indique pas précisément les liaisons visées par la coopération. Il prévoit uniquement (au point 3.1) que les parties concluent un accord de partage de codes relatif aux liaisons exploitées par Maersk Air. Il prévoit, inversement, la possibilité de conclure des accords de partage de codes similaires pour les liaisons qu'exploite SAS.

(18) Sur la base des renseignements communiqués par les parties, l'accord de coopération concerne les lignes exploitées par Maersk Air entre les paires de villes suivantes :

Liaisons intérieures au Danemark :

- Copenhague-Billund

- Copenhague-Esbjerg

- Copenhague-Bornholm

- Billund-Ålborg

Liaisons internationales :

- Copenhague-Athènes

- Copenhague-îles Féroé *

- Copenhague-Kristiansand

- Copenhague-Londres (Gatwick)

- Copenhague-Venise

- Billund-Amsterdam *

- Billund-Bruxelles *

- Billund-Francfort

- Billund-îles Féroé *

- Billund-Londres (Gatwick)

- Billund-Nice

- Billund-Paris *

- Billund-Stockholm

(19) En ce qui concerne chacune des liaisons pour lesquelles les parties coopèrent, il convient de formuler les remarques suivantes :

a) SAS et Maersk Air ne partagent pas leurs codes sur les cinq lignes suivantes, qui sont signalées plus haut par un astérisque (*) : Billund-Bruxelles (exploitée par Maersk Air en partage de codes avec Sabena), Billund-Paris (exploitée par Maersk Air en partage de codes avec Air France), Billund-Amsterdam (en partage de codes avec KLM), Billund-îles Féroé et Copenhague-îles Féroé. L'accord de participation au programme de fidélisation EuroBonus s'applique néanmoins à ces cinq liaisons.

Il ressort des documents obtenus dans le cadre de l'inspection que la décision de ne pas résilier, à l'occasion de la prise d'effet de la coopération avec SAS, tous les accords de partage de codes conclus par Maersk Air et de maintenir certains d'entre eux a été prise par Maersk Air en coordination avec SAS, dans le but de ne pas attirer l'attention et d'éviter "des problèmes avec la Commission" (compte-rendu de la réunion du 17 juillet 1999 entre SAS et Maersk Air) (7). Les parties avaient prévu, ainsi qu'il apparaît à la lecture du rapport de situation (Status Report) du 5 septembre 1998, que les coopérations restantes entre Maersk Air et d'autres transporteurs que SAS se poursuivraient pendant l'étape initiale de la coopération (dite "phase 1"), mais prendraient fin à un stade ultérieur ("phase 2");

b) La prise d'effet de l'accord de coopération n'a pas eu pour résultat de faire cesser l'exploitation par l'une des parties de certaines des liaisons internationales qu'elles assurent en partage de codes. Il s'agit des lignes suivantes, qui sont exploitées par Maersk Air : Copenhague-Athènes, Copenhague- Kristiansand, Copenhague-Londres (Gatwick), Billund-Londres (Gatwick) et Billund-Stockholm;

c) Les liaisons Copenhague-Venise et Billund-Francfort, qui étaient visées par la notification, sont quant à elles examinées ci-après.

B. ACCORDS DE MISE EN OEUVRE NOTIFIÉS

(20) Cinq accords accessoires à l'accord de coopération ont également été notifiés. Ces accords apportent les précisions techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre du partage de codes et de la coopération relative au programme EuroBonus. Le contenu des accords accessoires peut être résumé comme suit :

a) Accord sur la participation au programme EuroBonus, du 30 novembre 1998 : aux termes de l'accord de coopération, Maersk Air participe au programme EuroBonus de SAS. Cet accord contient des dispositions techniques sur l'attribution et l'échange de points, comme le nombre de points gagnés par les passagers en partance pour des destinations desservies par Maersk Air et le nombre de points EuroBonus nécessaire pour obtenir un billet d'avion sur un vol Maersk Air;

b) Accord de partage de codes, du 21 décembre 1998 : cet accord contient des dispositions sur les horaires des vols à codes partagés, les redevances au titre des services de réservation informatisée, les conditions de transport applicables, les réclamations concernant le transport de passagers et le fret, les questions de responsabilité, les assurances, la gestion des retards aériens, des annulations de vol et des urgences, les procédures d'assistance en escale, la réservation des sièges, les modalités à suivre pour informer SAS des modifications d'horaires de Maersk Air, les procédures comptables et le suivi statistique, les services en vol et l'utilisation des marques;

c) Accord type sur l'assistance aux passagers, du 15 décembre 1998 : en vertu de l'accord de coopération, Maersk Air bénéficie des services d'assistance aux passagers de SAS ou utilise le même agent que SAS pour ces services d'assistance pour les vols en partage de codes;

d) Accord principal sur les services d'hébergement, du 11 janvier 1999 : aux termes de l'accord de coopération, SAS fournit à Maersk Air des services informatiques dits d'hébergement. Il s'agit au total de neuf systèmes de SAS (entre autres, pour le contrôle des sièges disponibles, l'optimisation de la recette unitaire, les pronostics de niveaux, la billetterie et la planification du trafic). Les modalités de vente et de livraison des systèmes sont exposées dans l'accord principal sur les services d'hébergement;

e) Accord spécial sur les quotes-parts, du 1er février 1999 : cet accord régit le partage entre les parties des recettes tirées des tarifs aériens dans le cadre de l'interligne (il y a interligne lorsqu'un passager achète un billet d'avion à SAS mais emprunte un vol Maersk Air, et inversement). L'accord spécial sur les quotes-parts couvre, outre les vols à codes partagés, le cas où SAS est le transporteur effectif. Dans ce cas de figure, un exemple d'interligne est la situation dans laquelle un passager achète un billet Billund-Copenhague-Moscou, le premier tronçon de vol étant exploité par Maersk Air et le second, par SAS. L'accord spécial sur les quotes-parts permet alors aux parties de calculer ce que chaque transporteur reçoit pour sa prestation.

C. LA NOTIFICATION COMPLÉMENTAIRE

(21) Après l'inspection réalisée dans les locaux des compagnies, SAS et Maersk Air ont envoyé, par lettre du 12 octobre 2000, une notification complémentaire, contenant de nouvelles annexes techniques jointes à l'accord de coopération (ainsi que des modifications des accords de mise en œuvre existants) sur lesquelles un accord était intervenu après l'envoi de la notification initiale. En outre, la notification signalait que la coopération entre les parties (partage de codes avec SAS sur les vols exploités par Maersk Air et participation de Maersk Air au programme EuroBonus de SAS) avait été étendue à quatre liaisons supplémentaires, à savoir Billund-Dublin, Copenhague-Lisbonne, Copenhague-Le Caire et Copenhague-Istanbul, ces quatre lignes étant toutes exploitées par Maersk Air.

IV. COOPÉRATION PLUS LARGE ENTRE LES PARTIES

A. LES PARTIES ONT POURSUIVI D'AUTRES OBJECTIFS, NON DÉCLARÉS DANS LA NOTIFICATION

(22) L'enquête effectuée par la Commission montre que les parties ont poursuivi un certain nombre d'objectifs qu'elles n'avaient pas déclarés dans la notification. C'est ce qui ressort d'une manière flagrante d'un document de Maersk Air du 8 janvier 1998 (8), rédigé au premier stade des négociations. Ce document indique les exigences de Maersk Air en ce qui concerne la coopération avec SAS et les contreparties exigées par SAS :

- premièrement, au cours des négociations qu'elles ont menées tout au long de l'année 1998, SAS et Maersk Air avaient comme objectif fondamental (commun) de déterminer quelles liaisons seraient exploitées par tel ou tel transporteur après la prise d'effet de la coopération. C'est ainsi que Maersk Air a demandé que "SAS se retire de Billund et nous laisse exploiter à l'avenir cette liaison", ou que "Maersk se charge de toutes les liaisons intérieures danoises". Il est également noté dans ce document que SAS exige que Maersk Air "limite le développement des liaisons au départ de Copenhague à ce qui a été mutuellement convenu".

- Deuxièmement, SAS souhaitait que Maersk Air cesse de coopérer avec d'autres compagnies aériennes. SAS exigeait que Maersk Air "s'abstienne de participer à d'autres alliances", "renonce à sa coopération avec Finnair" et "cesse de coopérer avec Swissair à Genève".

- Troisièmement, SAS entendait éviter une guerre des prix. L'une de ses exigences au premier stade des négociations était que "Maersk permette à SAS de fixer les prix en Scandinavie".

B. POLITIQUE GLOBALE EN CE QUI CONCERNE LES LIAISONS

(23) Outre la coopération sur des liaisons déterminées, SAS et Maersk Air ont négocié un accord global sur les liaisons nationales et toutes les liaisons internationales qu'elles exploiteraient à l'avenir au départ et à destination du Danemark. Les grandes lignes de cet accord sont les suivantes :

a) pour ce qui est des liaisons à partir de Copenhague, les deux compagnies sont convenues que Maersk Air n'exploiterait pas de nouvelles liaisons internationales, sauf demande ou consentement exprès de SAS et que, inversement, SAS n'exploiterait pas les liaisons nationales ou internationales déjà exploitées par Maersk Air.

Cet accord ressort de l'un des documents obtenus au cours de l'inspection de juin 2000. Il s'agit d'un document daté du 16 juillet 1998 et intitulé "Politique en matière de liaisons internationales (y compris les liaisons intrascandinaves) au départ de Copenhague". Même si le titre fait référence aux liaisons internationales, le document couvre aussi les lignes intérieures :

"DM [Maersk Air] n'exploitera pas, seule ou en coopération avec d'autres transporteurs, sauf demande ou consentement exprès de SAS, de liaisons internationales au départ de CPH - en dehors de celles qui sont exploitées par DM ou ont été acceptées initialement par SAS, c'est-à-dire CPH-ARN, CPH-LGW, CPH-OSL, CPH-KRS, CPH-FAE, CPH-ATN, CPH-LIS et CPH-IST - à destination d'aéroports européens desservis par SAS au départ de CPH en 1998 ou d'aéroports des zones IATA TC1 et TC3 desservis par SAS 5...)

SAS n'assurera pas, à l'aide de ses propres avions ou en recourant à toute forme de coopération, entre autres le partage de codes, avec d'autres transporteurs, les liaisons nationales ou internationales à partir de CPH qui sont exploitées par DM, à l'exception de CPH-ARN, CPH-LON et CPH-OSL(...)

Les lignes au départ de CPH que DM a lancées ou reprises à SAS ne peuvent être récupérées ultérieurement par SAS, sauf accord mutuel entre SAS et DM";

b) en ce qui concerne les liaisons à destination ou au départ du Jutland, SAS et Maersk Air sont convenues que SAS n'exploiterait pas les liaisons internationales à partir du Jutland :

"Il a également été initialement convenu que ... SAS n'assurerait pas les liaisons internationales au départ du Jutland, seule ou en coopération avec d'autres compagnies aériennes, et que SAS/ses partenaires et Maersk n'empiéteraient pas sur leurs liaisons nationales respectives déjà en exploitation. Ces principes doivent être confirmés."

("Rapport de situation" du 5 septembre 1998, point j);

c) une note ultérieure de Maersk Air relative à la coopération avec SAS et datée du 29 septembre 1998 résume la politique convenue en matière de liaisons dans les termes suivants :

"SAS n'exploitera pas les liaisons de DM au départ du Jutland, et DM pourra lancer à partir de Copenhague des liaisons que SAS n'exploite pas ou ne souhaite pas exploiter.

La répartition des liaisons nationales sera respectée [...]".

C. LA COOPÉRATION SUR CHACUNE DES LIAISONS EST PLUS LARGE QUE CE QUE LES PARTIES ONT NOTIFIÉ À LA COMMISSION

(24) La coopération couvre également un ensemble de mesures négociées, en vertu desquelles :

- Maersk Air se retire des liaisons Copenhague-Stockholm et Copenhague-Genève, où la compagnie était auparavant en concurrence avec SAS,

- en contrepartie du retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm, Maersk Air reprend la liaison Copenhague-Venise à SAS (qui cesse d'exploiter cette liaison),

- SAS cesse d'assurer la liaison Billund-Francfort pour la céder à Maersk Air.

(25) Les griefs de la Commission portaient, d'une part, sur la politique globale en matière de liaisons convenue entre SAS et Maersk Air, et d'autre part, sur le comportement des parties concernant les liaisons Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort. Les informations pertinentes sur ces liaisons sont rapportées dans les paragraphes qui suivent.

(26) La Commission n'a pas soulevé d'objections au sujet du comportement des parties à l'égard de la liaison Copenhague-Genève. Bien que les pièces versées au dossier de la Commission montrent clairement que Maersk Air n'a plus fait concurrence à SAS sur cette liaison à compter du 27 mars 1999, parce que (dans le cadre de la série de mesures convenues) les deux parties s'étaient mises d'accord sur le retrait de Maersk Air, il n'en reste pas moins que le règlement (CEE) n° 3975-87 ne s'applique qu'au transport aérien entre les aéroports de l'EEE et ne s'étend pas aux liaisons entre un aéroport de la Communauté et la Suisse.

V. MARCHÉS EN CAUSE

A. APPROCHE SUIVIE PAR LA COMMISSION POUR LA DÉFINITION DES MARCHÉS

(27) Dans leur notification du 8 mars 1999, les parties ont fait valoir que le marché en cause était celui de la fourniture de services réguliers de transport aérien de passagers dans l'EEE. Elles ont précisé qu'il n'était pas possible de distinguer certaines liaisons ou certains groupes de liaisons et de les examiner séparément, étant donné que, d'un point de vue commercial, l'accord de coopération constitue un tout unifié. Une définition aussi large du marché ne saurait convenir. En vertu de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (9), c'est le point de vue du consommateur qui est déterminant pour la définition du marché de produits.

(28) Pour définir le marché en cause dans les affaires concernant le transport aérien, la Commission applique une méthode axée sur la paire "point d'origine/point de destination" (O/D). Selon cette méthode, chaque combinaison d'un point d'origine et d'un point de destination doit être considérée comme un marché séparé du point de vue du client. Pour établir si la concurrence s'exerce sur un marché O/D, la Commission examine les différentes possibilités de transport sur ce marché, c'est-à-dire, non seulement les vols directs entre les deux aéroports concernés, mais aussi, dans la mesure où elles sont substituables à ces vols directs, les autres possibilités. Il peut s'agir de vols directs entre les aéroports dont la zone d'attraction recouvre largement celle des aéroports concernés à chaque extrémité de la route, de vols indirects entre les aéroports concernés ou d'autres moyens de transport (routier, ferroviaire ou maritime).

(29) La substituabilité entre l'une de ces possibilités et les liaisons directes dépend d'un certain nombre de facteurs tels que la durée du voyage, les fréquences et le prix.

(30) En raison de leurs exigences différentes, la Commission opère une distinction entre les voyageurs qui sont sensibles au facteur temps et ceux qui ne le sont pas. Pour les premiers, c'est le temps qui compte avant tout, soit qu'ils souhaitent atteindre leur destination en un minimum de temps, soit qu'ils veuillent effectuer leur voyage à un moment précis de la journée et non à un autre, ou bien les deux. Il arrive aussi que certains de ces voyageurs aient besoin de réserver un vol à bref délai ou exigent une certaine souplesse (possibilité de manquer un vol et de prendre une réservation sur le vol suivant). Les voyageurs sensibles au facteur temps sont prêts à payer plus pour obtenir satisfaction. À l'inverse, pour les voyageurs qui sont indifférents au facteur temps, les économies réalisées sur le prix du voyage l'emportent sur les contraintes de temps.

(31) La distinction entre passagers en voyage d'affaires et passagers en voyage d'agrément ne recouvre pas exactement celle qui est établie entre les voyageurs sensibles au facteur temps et ceux qui ne le sont pas. C'est ainsi que, par exemple, les passagers en voyage d'agrément qui se rendent vers une destination pour un week-end ou un circuit touristique de courte durée préféreront ne pas passer l'essentiel de leur temps de loisir à emprunter des moyens de transport trop lents.

B. MARCHÉS AFFECTÉS

Liaison aller-retour Copenhague-Stockholm

(32) La liaison Copenhague-Stockholm présente les caractéristiques suivantes :

- c'est une liaison court-courrier (durée du vol : 1 h 20),

- sur laquelle un grand nombre de fréquences (plus de dix-huit vols quotidiens dans chaque sens) sont proposées,

- et qui attire beaucoup de passagers (environ un million par an).

(33) Pour déterminer le marché en cause, la Commission doit tenir compte des autres possibilités que les passagers (tant ceux qui sont sensibles au facteur temps que les autres) considéreraient comme substituables au vol direct. Dans ce contexte, l'ouverture de la liaison rail/route Øresund en juillet 2000 doit être prise en considération :

a) l'ouverture de la liaison Øresund, qui relie le Danemark à la Suède, a offert de nouvelles possibilités de déplacement entre Copenhague et Stockholm. À l'heure actuelle, les solutions de rechange au vol direct entre Copenhague et Stockholm sont les suivantes :

- la liaison ferroviaire entre Copenhague et Stockholm; durée du trajet : cinq heures et demie,

- par la route : la distance entre les deux villes, qui est de quelque 650 km, peut être couverte en moyenne en sept heures et demie,

- une autre possibilité consiste à se rendre de Copenhague à l'aéroport de Malmö pour y prendre un vol pour Stockholm. La première partie du trajet prendrait environ 45 minutes en voiture et pas moins d'une heure par les transports en commun (train jusqu'à Malmö, puis autobus jusqu'à l'aéroport). En ce qui concerne la seconde partie du voyage (vol Malmö-Stockholm), deux compagnies aériennes assurent la liaison, à savoir SAS et Braathens. Actuellement, SAS dessert l'aéroport d'Arlanda avec dix-neuf fréquences quotidiennes (1 h 10), tandis que Braathens dessert l'aéroport de Bromma avec douze vols quotidiens (1 h 05).

Le transport ferroviaire est une solution de rechange vraisemblable pour les voyageurs indifférents au facteur temps. Le trajet en train s'effectue entre les deux gares centrales, alors qu'il faut ajouter à la durée du vol direct (1 h 20) le temps nécessaire à l'enregistrement, plus le trajet entre la ville et l'aéroport aux deux bouts de la liaison.

Le vol à destination ou au départ de Malmö peut être une solution de rechange pour certains voyageurs non sensibles au facteur temps, malgré les inconvénients associés au fait de devoir effectuer le voyage en plusieurs étapes et, pour les passagers au départ de Copenhague, à l'obligation de réserver un billet pour un vol au départ d'un autre pays.

En revanche, la durée du trajet routier est telle que cette solution alternative ne serait pas substituable à la liaison aérienne directe pour ce qui est des voyageurs non sensibles au facteur temps.

En ce qui concerne les voyageurs pour lesquels le facteur temps est déterminant, la Commission estime qu'aucune des solutions de rechange précitées ne saurait offrir la même commodité que le vol direct, en particulier si l'on tient compte du temps de vol relativement court (1 h 20) et du grand nombre de fréquences proposées sur la liaison Copenhague-Stockholm. Par rapport à la durée du vol direct Copenhague-Stockholm, le temps supplémentaire nécessaire pour aller à l'aéroport de Malmö ou pour en revenir ferait du vol entre Malmö et Stockholm une solution peu intéressante pour les voyageurs pressés par le temps qui souhaitent se rendre d'une capitale à l'autre;

b) la liaison Øresund n'existait pas encore lorsque Maersk Air s'est retirée de la ligne Copenhague-Stockholm en mars 1999, et, a fortiori, quand SAS et Maersk Air ont convenu du retrait de Maersk Air de cette ligne. Comme indiqué au considérant 50, il existe des preuves de cet accord depuis le 5 septembre 1998. Entre ces dates et l'ouverture de la liaison Øresund le 1er juillet 2000, il fallait ajouter la traversée en bateau au trajet par la route ou au transport aérien à partir de Malmö. Pour cette raison, la Commission est d'avis que les voyageurs sensibles au facteur temps n'avaient pas de solutions de rechange au vol direct.

Avant l'ouverture de la liaison Øresund, les voyageurs indifférents au facteur temps avaient plusieurs solutions qui s'offraient à eux, comme la combinaison de la traversée en bateau jusqu'à Malmö et du trajet en train jusqu'à Stockholm (durée totale du voyage estimée à 5 h 45). Une deuxième solution, moins intéressante, était de prendre le train entre Copenhague et Stockholm en passant par Elseneur/Helsingborg, les ports des côtes danoise et suédoise (soit 6 h 52 par le train de jour et 8 h 42 par le train de nuit).

(34) Pour ces raisons, il existe, d'après la Commission, un marché des services réguliers de transport aérien des passagers sensibles au facteur temps entre Copenhague et Stockholm.

Liaison aller-retour Copenhague-Venise

(35) Les parties soulignent que le trafic de loisir sur la liaison est très important (40 à 50 % des passagers) et que les vols réguliers à destination de Milan et de Bologne et les vols affrétés à destination de Vérone pourraient constituer des solutions de rechange aux vols directs.

(36) La Commission estime que les solutions de rechange évoquées ci-dessus ne conviennent pas dans le cas des voyageurs pour lesquels le facteur temps est déterminant (10). Ces derniers ne seraient pas disposés, en effet, à réserver un vol pour Milan (à quelque 250 km de Venise) ou pour Bologne (à environ 150 km) et, de là, à prendre un train à destination de Venise. Il est également peu probable que cette catégorie de voyageurs choisisse un vol affrété.

(37) Pour cette raison, la Commission considère qu'il existe un marché des services réguliers de transport aérien de passagers sensibles au facteur temps entre Copenhague et Venise.

Liaison aller-retour Billund-Francfort

(38) Il ressort des renseignements communiqués par les parties que trois quarts environ des passagers à destination et au départ de Francfort prennent une correspondance dans cet aéroport. Si on applique l'approche O/D à ces passagers, on obtient comme résultat que leur ville d'origine/de destination n'est pas Francfort, mais la ville dont ils partent ou dans laquelle ils se rendent. Par exemple, la paire de villes O/D pour un passager qui emprunte la liaison Billund-Francfort et prend à Francfort un vol en correspondance pour Tokyo est Billund-Tokyo. Sur cette paire de villes O/D, ce passager aura le choix entre d'autres possibilités de transport aérien via d'autres aéroports européens. Même dans ce cas, la probabilité que le premier/dernier tronçon du vol (à destination/au départ de Billund) soit exploitée par Maersk Air est forte, étant donné que c'est la principale compagnie à desservir Billund.

(39) Pour ce qui est des passagers en point à point, la distance qui sépare Billund de Francfort (approximativement 725 km) est trop longue à parcourir par la route (7 à 8 heures) ou par le rail (11) (8 h 30 en train de nuit et 10 h 30 en train de jour) pour que ces moyens de transport soient considérés comme des solutions de rechange pratiques au transport aérien, même pour les voyageurs indifférents au facteur temps. D'autre part, les vols en correspondance sur cette liaison court-courrier ne sont pas une solution réaliste, du moins pour les voyageurs pour lesquels le facteur temps est déterminant. Pour ce qui est des autres voyageurs, la Commission ne dispose d'aucun élément lui permettant d'affirmer que les autres vols en correspondance assurés par les compagnies aériennes concurrentes sont effectivement empruntés par ces autres passagers.

(40) La Commission estime donc qu'il existe un marché des services réguliers de transport aérien de passagers (tant ceux qui sont sensibles au facteur temps que ceux qui y sont indifférents) entre Billund et Francfort.

L'accord affecte un nombre de liaisons important, quoique indéterminé, à destination et au départ de Copenhague et de Billund

(41) Copenhague et Billund sont les deux principaux aéroports du Danemark. Étant donné que Maersk Air a convenu avec SAS qu'elle ne lancerait de nouvelles liaisons à partir de Copenhague que si SAS y consentait, toutes les liaisons à destination et au départ de Copenhague sont affectées par cet accord.

(42) Inversement, puisque SAS a accepté de ne pas exploiter les liaisons que Maersk Air assure déjà au départ du Jutland, l'accord affecte également toutes ces liaisons. En pratique, toutes les liaisons à destination et au départ de Billund sont affectées par l'accord pour les raisons suivantes : a) SAS s'est retirée de Billund (pour satisfaire à l'exigence de Maersk Air que "SAS se retire de Billund et nous laisse exploiter à l'avenir cette liaison", b) les seuls vols que SAS assure au départ du Jutland sont ceux de la liaison Århus-Londres, qu'elle exploitait déjà avant la conclusion de l'accord de coopération, c) depuis que l'accord a pris effet, Maersk Air a été la seule compagnie à lancer de nouvelles liaisons au départ de Billund (comme la ligne Billund-Dublin), et d) il est clair que SAS ne lancerait pas de nouvelle liaison à partir de Billund si Maersk Air souhaitait l'exploiter elle-même (Maersk Air invoquerait l'argument de la symétrie avec l'accord relatif à Copenhague, qui ne porte pas seulement sur les liaisons assurées par SAS, mais aussi sur toutes les liaisons que cette compagnie pourrait vouloir exploiter).

(43) Pour ces raisons, la coopération affecte un nombre important, quoique indéterminé, de marchés O/D des services réguliers, nationaux et internationaux, de transport aérien de passagers à destination et au départ de Copenhague ainsi que de Billund.

Liaisons nationales

(44) En ce qui concerne les liaisons intérieures assurées au Danemark, l'ouverture de la Grande ceinture entre Copenhague et le Jutland en 1997 pour le rail et en 1998 pour la circulation routière a donné le choix d'autres moyens de transport pratiques (rail et route) en remplacement du transport aérien sur les liaisons Copenhague-Billund et Copenhague-Esbjerg. Depuis l'ouverture de la Grande ceinture, le nombre de passagers aériens entre Copenhague et la partie occidentale du Danemark a diminué de moitié. Ces deux liaisons font donc partie d'un marché du transport plus large. De la même manière, étant donné que tous les passagers empruntant la liaison Ålborg-Billund (207 km par la route, 2 h 46 par les transports publics terrestres) prennent des correspondances pour des vols internationaux et que cette liaison n'est pas empruntée par les passagers prenant un vol direct, la liaison Ålborg-Billund ne constitue pas un marché distinct.

(45) En revanche, les autres moyens de transport ne sont pas des solutions de rechange pratiques au transport aérien entre Copenhague et l'île de Bornholm, du moins pour ce qui est des voyageurs sensibles au facteur temps. Bornholm se trouve à une trentaine de kilomètres des côtes suédoises et représente une destination touristique populaire. Le moyen de transport le plus rapide après le transport aérien entre Copenhague et Bornholm [par voie terrestre (12) et par ferry rapide] prend actuellement environ trois heures. Toutefois, cette solution de rechange améliorée au transport aérien n'existait pas lorsque les parties ont négocié leur coopération (en 1998) ni quand elles ont notifié l'accord de coopération. Avant l'ouverture de la liaison Øresund entre Copenhague et les côtes suédoises en juillet 2000, les moyens de déplacement autres que l'avion étaient, soit une liaison directe par ferry entre Copenhague et Bornholm (trajet d'environ 6 heures), soit une liaison via la Suède (ferry entre Dragør et Limhamn, puis trajet routier en Suède, en utilisant son véhicule personnel ou un service de bus rapide (13), et pour finir le ferry entre Ystad et Bornholm). Dans ce cas, il fallait au minimum 5 heures pour se rendre de Copenhague à Bornholm et inversement. La combinaison transport par la route-liaison maritime ne pouvait rivaliser avec la commodité qu'offrait le vol de 30 minutes. Le fait que les parties estiment à environ 180 000 passagers par an le nombre de voyageurs transportés sur cette liaison, sur une population de quelque 45 000 habitants, vient étayer cette conclusion. Par conséquent, il existe un marché distinct pour les services de transport aérien entre Copenhague et Bornholm, du moins en ce qui concerne les voyageurs pour lesquels le facteur temps est déterminant.

VI. POSITION DES PARTIES SUR LES DIFFÉRENTS MARCHÉS ET LEUR COMPORTEMENT

A. LIAISONS COPENHAGUE-STOCKHOLM (CPH-STO) ET COPENHAGUE-VENISE (CPH-VCE)

(46) La liaison Copenhague-Stockholm est importante, avec un million environ de passagers par an. Le 27 mars 1999, veille de la prise d'effet de l'accord de coopération SAS-Maersk Air, cette dernière compagnie a cessé d'exploiter la liaison, qu'elle assurait jusque-là en partage de codes avec Finnair (qui exploitait aussi la liaison). Maersk Air a également mis fin au partage de codes avec Alitalia et Swissair (qui n'exploitaient pas la liaison).

SAS a tiré avantage du retrait de Maersk Air de la liaison Copenhague-Stockholm

(47) Le tableau figurant ci-après indique les parts de marché et les fréquences réalisées par les transporteurs exploitant la ligne Copenhague-Stockholm, sur la base d'une comparaison des données de l'année précédant la prise d'effet de l'accord de coopération avec celles de l'année suivante.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(48) En mai 2000, Finnair s'est retirée de la liaison. La part de marché de SAS sur la liaison Copenhague-Stockholm est donc estimée actuellement à [...] %.

La liaison Copenhague-Stockholm a été au cour des négociations entre SAS et Maersk Air et le retrait de Maersk Air de cette liaison a été négocié avec SAS

(49) D'après les explications fournies par les parties, l'accord d'entreprise commune que Maersk Air avait signé avec Finnair, en vertu duquel Maersk Air avait commencé à exploiter la liaison en avril 1997, avait été conclu pour une durée initiale de deux ans. Cette période est arrivée à expiration à la fin de la saison d'hiver, le 27 mars 1999. Pour expliquer sa décision de mettre fin à l'exploitation de cette ligne et de ne pas renouveler l'accord, Maersk Air invoque les pertes qu'elle avait subies sur cette liaison en 1997 et 1998.

(50) L'un des objectifs de l'inspection ordonnée par les décisions de la Commission du 9 juin 2000 était d'obtenir des informations sur les raisons qui avaient poussé Maersk Air à se retirer de la liaison Copenhague-Stockholm. Les documents obtenus dans le cadre de l'inspection montrent l'évolution des négociations concernant cette liaison :

a) au premier stade des négociations (janvier 1998), l'objectif de Maersk Air était de convenir d'un partage de codes avec SAS pour la liaison Copenhague-Stockholm et d'obtenir 50 % de l'exploitation en commun SAS/Maersk Air :

"DM [Maersk Air] demande à SAS

Copenhague : Il faudrait établir un horaire pour Stockholm (par exemple, 20 départs quotidiens/ 50 % pour DM) avec de la place pour les deux (sous réserve de mettre fin à la coopération avec Finnair et d'instituer un partage de codes avec SAS)"

(troisième paragraphe de la note du 8 janvier 1998 intitulée "Réunion du 12 janvier 1998 avec SAS").

SAS et Maersk Air n'ont toutefois pas réussi à se mettre d'accord, finalement, sur un partage des codes et sur la répartition à 50 % souhaitée au départ par Maersk Air;

b) à un stade ultérieur des négociations (mai 1998), SAS et Maersk Air ont négocié, étant entendu que Maersk Air assurerait sur la liaison 4 fréquences journalières (et une ou deux fréquences le week-end) et renoncerait à la coopération avec Finnair, Alitalia et Swissair. La position de SAS, à laquelle s'est ralliée Maersk Air, a été notée dans les termes suivants le 25 mai 1998 :

"DM peut assurer 4 fréquences par jour en semaine + 1-2 fréquences/jour le week-end sur CPH-STO... aux heures de pointe, et les partenaires coordonneront la programmation du trafic et adapteront la capacité globale par rapport au marché... DM renoncera à la coopération avec Finnair, Alitalia et Swissair sur CPH-STO..." ("Rapport de situation" du 25 mai 1998);

c) le 5 septembre 1998, Maersk Air et SAS ont convenu que la première cesserait d'assurer la liaison Copenhague-Stockholm le 28 mars 1999 :

"Réseau de liaisons

Le partage de codes et la participation de Maersk Air à Eurobonus sur CPH-STO étant considérés comme impossibles, du moins pendant la phase 1 (été 1999-hiver 1999/2000) et, peut-être, pendant une période plus longue, et compte tenu du risque non négligeable d'enquête/de demandes de renseignements de l'UE concernant la coopération entre Maersk Air et SAS si tous les éléments prévus dans l'accord de principe verbal (entre [des représentants de Maersk Air et de SAS]) sont mis en œuvre d'un seul coup à compter de l'été 1999, nous marquons notre accord de principe pour une modification de certaines parties de cet accord verbal...

Par conséquent, il existe actuellement un accord sur les points suivants :

a) Maersk Air cessera d'exploiter CPH-STO et CPH-GVA le 28 mars 1999."

("Rapport de situation" du 5 septembre 1998);

d) des documents postérieurs confirment que le retrait de Maersk Air de la liaison Copenhague-Stockholm a été convenu avec SAS. C'est ainsi qu'il est dit, dans une note du 29 septembre 1998 sur la coopération SAS/Maersk Air :

"Nous sommes maintenant parvenus à un accord définitif avec SAS sur le contenu d'un futur accord de coopération. La teneur de cet accord ... est la suivante : ... À compter du 1er avril 1999, DM exploitera les liaisons indiquées à l'annexe 1."

L'annexe 1 prévoit :

"Liaisons dont l'exploitation doit cesser à compter du 1er avril 1999 :

- Copenhague - Genève (partage de codes avec Swissair)

- Stockholm (partage de codes avec Finnair)".

(51) Quoi qu'il en soit, l'accord auquel Maersk Air est parvenue avec SAS et en vertu duquel Maersk Air cesserait d'assurer la liaison Copenhague-Stockholm a été conclu avant que cette compagnie n'ait même entrepris d'étudier les éventuelles mesures à prendre pour limiter les pertes qu'elle enregistrait sur cette ligne. Le 28 octobre 1998, soit plus d'un mois et demi après que les dirigeants de Maersk Air se furent mis d'accord avec SAS sur le retrait de Maersk Air, la direction comptable de cette compagnie calculait encore les incidences financières de trois solutions distinctes (1 : "statu quo", autrement dit, sans changement; 2 : "programme réduit", impliquant une réduction des fréquences, et 3 : retrait), la solution préférée étant l'option 2. C'est d'ailleurs cette option que Maersk Air a mise en œuvre à compter de janvier 1999 et qui a servi de phase transitoire dans le processus de retrait progressif, en attendant le retrait effectif.

Maersk Air a demandé (et obtenu) une compensation de SAS pour avoir renoncé à la liaison Copenhague-Stockholm

(52) Maersk Air a négocié avec SAS une compensation pour sa renonciation à la liaison Copenhague- Stockholm : "...

e) Maersk Air lancera une liaison supplémentaire au départ de CPH en "contrepartie" de sa renonciation à CPH-STO (avec 24 vols aller-retour par semaine, selon ce qui était convenu au départ). Il reste encore à convenir des liaisons auxquelles SAS renoncera au profit de Maersk Air, qui pourra alors les exploiter à part entière. Nous voulons CPH-ROM, alors que SAS veut nous donner des liaisons plus faibles (CPH-HAM, CPH-Venise, CPH-Bologne)".

("Rapport de situation" du 5 septembre 1998).

(53) Les documents saisis lors de l'inspection montrent que le choix de la liaison à donner en contrepartie a fait l'objet de discussions approfondies tant entre Maersk Air et SAS qu'au niveau interne, dans chacune des compagnies concernées. Par exemple, les parties prévoyaient que le calcul de la compensation :

"pourrait s'effectuer de diverses manières, en envisageant, par exemple, une combinaison du nombre de passagers et de la structure des recettes, et on a estimé, sur la base du nombre connu de passagers et de la possibilité d'une hausse des prix de 100 couronnes danoises, que le fait que DM se tiendrait à l'écart de STO et d'OSL [Oslo] produirait des recettes annuelles supplémentaires de l'ordre de [...] millions de couronnes danoises [soit un supplément de recettes annuelles de [...] millions d'euros].

KS [Karin Strömberg, SAS] a indiqué que SK [SAS] n'aurait aucune difficulté à renoncer à BLQ [Bologne], VCE [Venise] et HAM [Hambourg]...".

[Compte rendu de la réunion du 25 août 1998 du groupe des responsables du projet (SAS/ Maersk Air)].

La liaison Copenhague-Venise

(54) L'une des contreparties possibles mentionnée dans le rapport de la réunion du 25 août 1998 du groupe des responsables du projet et dans le rapport de situation du 5 septembre 1998 était la liaison Copenhague-Venise. SAS était la seule compagnie aérienne à exploiter cette ligne jusqu'au 28 mars 1999. Dans les informations transmises à la Commission avant la tenue de l'inspection, SAS explique son retrait de la liaison Copenhague-Venise par le fait que cette liaison était trop "maigre" pour qu'une compagnie telle que SAS, avec des coûts élevés, puisse en rentabiliser l'exploitation. SAS ajoute qu'elle a enregistré, en 1997 et 1998, des pertes qui étaient caractéristiques de cette ligne depuis le début de son exploitation en 1992.

Maersk Air a repris cette liaison à SAS le 28 mars 1999 et, depuis cette date, c'est la seule compagnie à l'assurer.

Un document interne de Maersk Air du 29 septembre 1998 présente l'accord intervenu sur la liaison Copenhague-Venise (la date indiquée pour la prise en charge de cette liaison - 1er avril 1999 - est toutefois plus tardive de quatre jours) :

"La teneur de cet accord [SAS/Maersk Air] est la suivante : ...

SAS cessera d'exploiter. Copenhague-Venise à compter du 1er avril 1999...

Après quoi, les changements suivants dans les liaisons de DM devraient intervenir ...

1er avril 1999 Copenhague-Venise en partage de codes avec SAS à partir du 1er novembre 1999"

(Note de Maersk Air sur la coopération avec SAS, 29 septembre 1998).

B. LIAISON BILLUND-FRANCFORT (BLL-FRA)

(55) Il ressort de la notification ainsi que de la correspondance échangée par la suite que, en 1997 et 1998, SAS et Maersk Air étaient les seuls transporteurs à assurer cette liaison. Les parties se sont fait mutuellement concurrence sur cette ligne jusqu'au 3 janvier 1999, date à laquelle SAS s'en est retirée pour laisser toute la place à Maersk Air. Cette dernière compagnie réalise 18 fréquences hebdomadaires. Les trois quarts environ des passagers à destination et au départ de Francfort sont des passagers en correspondance dans cet aéroport.

(56) L'exploitation de la liaison par SAS était prévue dans un accord d'entreprise commune entre Lufthansa (LH) et SAS. Les estimations des parts de marché en 1998 étaient les suivantes :

- Maersk Air : [...] %

- SAS + LH : [...] %.

(57) SAS a tout d'abord fait valoir que son retrait de cette liaison était une décision unilatérale prise pour des raisons financières, étant donné les pertes que la compagnie avait subies en 1997 et en 1998.

(58) Or, les documents découverts lors de l'inspection montrent que le retrait de SAS de la liaison Billund-Francfort avait été négocié avec Maersk Air :

a) comme il est dit plus haut, au premier stade des négociations (janvier 1998), l'une des exigences de Maersk Air vis-à-vis de SAS était que "SAS se retire de Billund et nous laisse exploiter à l'avenir cette liaison";

b) à la date du 5 septembre 1998, les parties avaient convenu que SAS cesserait d'assurer cette liaison :

"... Il existe actuellement un accord sur les points suivants :

c) SAS cessera d'exploiter BLL-FRA ... le 28 mars 1999 au plus tard (SAS a fait part de son intérêt à ce que cela se fasse à compter de l'hiver 1998/1999)". ["Rapport de situation" du 5 septembre 1998, point j)];

c) le 14 septembre 1998, Maersk Air a informé SAS de son souhait que cette dernière se retire de Francfort avant le début de la saison d'été 1999. Ce retrait est décrit comme faisant partie d'une "solution globale" où le calendrier des retraits et des entrées était crucial :

"Liaisons en contrepartie

[Un représentant de Maersk Air] a résumé la position de DM comme suit : i) c'était une "solution globale" et le calendrier était crucial; ii) il serait préférable que SK se retire de BLL-FRA et de BLL-OSL à compter de l'hiver 1998/1999, soit six mois avant la phase 1; iii) DM se retirerait de CPH-GVA et de CPH-STO à partir de l'été 1999; iv) DM lancerait une liaison CPH-VCE à compter de l'été 1999.". [Compte rendu de la réunion du 14 septembre 1998 du groupe des responsables du projet à Copenhague, point 5)];

d) à la date du 29 septembre 1998, un accord avait été conclu sur le fait que "SAS cessera d'exploiter Billund-Francfort... à partir du 1er janvier 1999"

(Note de Maersk Air sur la coopération avec SAS, 29 septembre 1998).

VII. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ

(59) Selon l'article 81, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à répartir les marchés.

(60) Selon l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, sont incompatibles avec le fonctionnement de l'accord et interdits tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les parties contractantes et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du territoire couvert par l'accord.

Dans cette décision, toutes les références à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE doivent s'entendre comme englobant aussi l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

A. ACCORDS ENTRE ENTREPRISES

(61) Maersk Air et SAS sont des entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.

(62) Maersk Air et SAS sont convenues que SAS n'assurerait pas de vols sur les liaisons exploitées par Maersk Air à partir du Jutland (où se trouve Billund) et que Maersk Air ne pourrait pas ouvrir de lignes au départ de Copenhague que SAS exploitait ou pourrait vouloir exploiter. L'accord prévoit aussi l'obligation pour les parties de respecter le partage des liaisons intérieures.

(63) En outre, Maersk Air et SAS ont convenu :

- que Maersk Air cesserait de proposer des vols entre Copenhague et Stockholm à compter du 28 mars 1999 moyennant compensation,

- que, en compensation, SAS cesserait d'exploiter la ligne Copenhague-Venise fin mars/début avril 1999 et que Maersk Air commencerait à l'exploiter à la même date,

- que SAS cesserait d'assurer la liaison Billund-Francfort en janvier 1999.

(64) Les parties ont initialement affirmé que le retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm et celui de SAS des lignes Copenhague-Venise et Billund-Francfort étaient des décisions unilatérales et plus précisément :

a) Maersk Air a fait remarquer qu'il était apparu dès la fin de 1997 que les résultats de la ligne Copenhague- Stockholm étaient décevants et que, comme indiqué dans le rapport mensuel du groupe Maersk Air de décembre 1997, ces mauvais résultats s'expliquaient à la fois par la position dominante de SAS sur le marché du trafic d'apport à destination et au départ de Copenhague et par l'attachement des passagers au programme de fidélisation de SAS. De surcroît, Maersk Air a souligné que dans une télécopie datée du 23 septembre 1998 elle indiquait à Finnair combien les mauvais résultats enregistrés jusqu'alors sur cette ligne la préoccupaient. À cette même occasion, Maersk Air a fait savoir à Finnair qu'elle serait obligée d'effectuer une analyse approfondie concernant la poursuite de l'exploitation de la ligne au-delà de la saison d'hiver 1998/1999. Le 26 novembre 1998, Maersk Air a finalement informé Finnair de sa décision de ne plus exploiter la liaison à partir du 27 mars 1999;

b) SAS a affirmé qu'elle aurait eu tout intérêt à ce que Maersk Air continue à exploiter la ligne Copenhague- Stockholm, car il s'agit d'une de ses liaisons les plus fréquentées et que les voyageurs pâtissent de coefficients d'occupation trop élevés. Malgré une vingtaine de vols quotidiens dans les deux sens, SAS a été confrontée à de graves situations de saturation sur cette ligne. Si Maersk Air avait continué à lui faire concurrence sur cette liaison, SAS aurait pu faire face plus facilement aux fluctuations de la demande en dirigeant vers sa rivale les passagers voyageant aux tarifs les plus économiques lors des périodes de grande affluence. SAS a également affirmé s'être retirée des liaisons Copenhague-Venise et Billund-Francfort en raison des pertes qu'elle y subissait.

(65) La Commission ne met pas en cause les mauvais résultats enregistrés par Maersk Air et SAS sur les lignes abandonnées par ces dernières. Les faits montrent cependant que ces retraits ont été convenus par SAS et Maersk et qu'ils ont été mis en œuvre tel que décidé de concert par ces deux compagnies. Après réception de la communication des griefs, SAS et Maersk Air ont décidé de ne pas contester les faits ni l'appréciation de la Commission selon laquelle les parties étaient convenues des retraits et des entrées indiqués plus haut.

(66) En ce qui concerne plus particulièrement la ligne Copenhague-Stockholm, il ressort que, en dépit de l'affirmation contenue dans la télécopie adressée par Maersk Air à Finnair le 23 septembre 1998 et selon laquelle la première devait effectuer une analyse approfondie concernant la poursuite de l'exploitation de ladite liaison au-delà de la saison d'hiver 1998/1999, Maersk Air et SAS avaient déjà décidé le 5 septembre 1998, que Maersk Air cesserait d'assurer la liaison le 28 mars 1999. Autrement dit, Maersk Air a convenu avec SAS qu'elle se retirerait de la liaison Copenhague-Stockholm sans avoir effectué "l'analyse économique approfondie" dont il est question dans la télécopie du 23 septembre 1998.

(67) De même, l'argument de SAS selon lequel il aurait été de son intérêt que Maersk Air continue à lui faire concurrence sur la ligne Copenhague-Stockholm afin d'absorber les pics de la demande ne saurait constituer la preuve de l'absence d'accord. Premièrement, la Commission n'infère pas l'existence d'un accord du retrait de Maersk Air. C'est précisément pour savoir si le retrait avait été décidé unilatéralement ou de concert que la Commission a pris la décision de réaliser une inspection et les documents obtenus à l'occasion de cette inspection prouvent que les parties sont convenues que Maersk Air abandonnerait ladite liaison à la fin de la saison d'hiver 1998/1999. Deuxièmement, le retrait de Maersk Air a bénéficié à SAS, cette dernière ayant vu sa part de marché grimper de [...] % l'année qui a précédé la prise d'effet de l'accord de coopération à [...] % l'année suivante. Troisièmement, cette augmentation de la part de marché montre que SAS pouvait absorber une demande plus forte que celle à laquelle elle faisait face avant la prise d'effet de l'accord avec Maersk Air. Quatrièmement, il ressort du compte rendu de la réunion du groupe des responsables du projet organisée le 25 août 1998 (voir considérant 53) que de l'avis même des parties les recettes de SAS augmenteraient sensiblement suite au retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm.

(68) Le fait que Maersk Air ait subi des pertes sur une ligne déterminée n'est pas un facteur pertinent à prendre en considération pour qualifier le comportement des parties d'accord au sens de l'article 81, paragraphe 1. En outre, la Commission ne pense pas que les pertes essuyées par Maersk Air sur la liaison Copenhague-Stockholm auraient nécessairement amené cette dernière à abandonner la ligne. Même lorsqu'une ligne est déficitaire, l'expérience montre que le retrait n'est pas la seule option : il se peut qu'une compagnie aérienne décide de continuer à exploiter une telle ligne pour des raisons liées à la rentabilité générale de son réseau. En l'espèce, l'accord du 5 septembre 1998 conclu avec SAS a contraint Maersk Air à se retirer de ladite liaison en excluant toute autre mesure.

B. LES ACCORDS RÉPARTISSENT LES MARCHÉS ET ONT POUR OBJET OU POUR EFFET D'EMPÊCHER, DE RESTREINDRE OU DE FAUSSER LE JEU DE LA CONCURRENCE

(69) Les accords répartissent les marchés entre SAS et Maersk Air. Les accords de répartition des marchés sont explicitement cités à l'article 81, paragraphe 1, point c ), comme des exemples d'accord tombant sous le coup de l'article 81, paragraphe 1.

D'une part, les parties ont conclu un accord global de répartition des marchés selon lequel SAS s'engageait à ne pas concurrencer les lignes de Maersk Air à destination et au départ du Jutland et Maersk Air à ne pas se lancer dans l'exploitation de services concurrents à partir de Copenhague sur les lignes que SAS assurait déjà ou envisageait d'assurer. Les parties ont aussi convenu de respecter le partage des lignes intérieures.

D'autre part, les parties ont conclu des accords spécifiques de répartition de marché pour des liaisons données. En particulier, les parties ont convenu a) que Maersk Air cesserait de proposer des vols entre Copenhague et Stockholm à compter du 28 mars 1999 moyennant compensation; b) que, en guise de contrepartie, SAS cesserait d'exploiter la liaison Copenhague-Venise fin mars/début avril 1999 et que Maersk Air commencerait à assurer cette liaison à la même date, et c) que SAS cesserait de proposer des vols sur la ligne Billund-Francfort en janvier 1999.

(70) Cependant, pour SAS et Maersk Air, ces accords spécifiques faisaient partie d'un ensemble dans le cadre duquel le calendrier des retraits et des entrées jouait un rôle crucial.

(71) Par leur nature même, ces accords de répartition ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence. Ils relèvent donc de l'interdiction inscrite à l'article 81, paragraphe 1.

(72) S'il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre le jeu de la concurrence pour tomber sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, force est de constater que les accords en question ont aussi pour effet de restreindre sensiblement ce jeu. L'effet n'est toutefois pas le même partout. Sur les lignes Copenhague-Stockholm et Billund-Francfort, c'est la concurrence réelle qui a été restreinte alors que sur la ligne Copenhague-Venise, il s'agit de la concurrence potentielle.L'accord global de répartition restreint aussi la concurrence potentielle entre les parties :

a) le retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm et celui de SAS de la ligne Billund-Francfort ont éliminé la concurrence réelle, car SAS et Maersk Air assuraient les liaisons en question avant la prise d'effet de l'accord :

- avant la prise d'effet de l'accord de coopération SAS/Maersk Air, SAS détenait déjà [...] % du marché sur la ligne Copenhague-Stockholm. Ses seuls concurrents étaient, d'un côté, Finnair et Maersk Air, qui partageaient leurs codes sur ladite ligne et avaient ensemble une part de [...] % et, de l'autre, TAP, avec une part de marché minime estimée à 2,1 % (15).

Suite à l'accord, Maersk Air s'est retirée de la ligne. La part de marché de SAS est passée à plus de [...] %, tandis que celle de Finnair est tombée à [...] % et que celle de TAP est restée minime (2,8 % selon les estimations),

- pour ce qui est de la ligne Billund-Francfort, SAS et Maersk Air étaient les seules compagnies à en assurer l'exploitation en 1997 et en 1998. La part de marché de Maersk Air était de [...] %, alors que celle de SAS, de pair avec Lufthansa (avec laquelle elle partageait ses codes), s'élevait à [...] %. Cette ligne a accueilli [...] passagers en 1998 et [...] en 1999.

Suite à l'accord avec Maersk Air, SAS a abandonné la ligne, qui est aujourd'hui exploitée exclusivement par Maersk Air;

b) SAS était la seule compagnie aérienne à assurer la ligne Copenhague-Venise avant la prise d'effet de l'accord de coopération. Depuis ladite prise d'effet, SAS s'est retirée de la ligne pour laisser toute la place à Maersk Air. La situation sur le marché est restée identique dans la mesure où seule a changé l'identité de la compagnie aérienne qui détient la totalité du marché. La concurrence potentielle a toutefois été restreinte car, à défaut d'accord, SAS et Maersk Air auraient pu s'affronter sur la ligne. Le fait qu'il s'agisse d'une ligne relativement peu fréquentée (environ [...] passagers en 1998) ne modifie en rien cette conclusion, les parties s'étant livré concurrence sur la ligne Billund-Francfort, qui, à l'époque (1998), était moins importante encore.

Après avoir abandonné la ligne Copenhague-Venise, SAS ne pouvait plus y reprendre pied, car elle s'était engagée à ce que les lignes au départ de Copenhague "que DM a ... reprises à SAS ne [puissent] pas être récupérées ultérieurement par SAS sauf accord mutuel entre SAS et DM" et que cette liaison avait été cédée par SAS à Maersk Air en contrepartie du retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm;

c) l'accord global de répartition des marchés restreint la concurrence potentielle entre SAS et Maersk Air. Cette restriction est due, premièrement, au fait que Maersk Air renonce à assurer de nouvelles liaisons à destination ou au départ de Copenhague sauf si SAS ne souhaite pas les exploiter, deuxièmement, au fait que SAS s'engage à ne pas exploiter de liaisons à destination ou à partir de Billund et, troisièmement, à la circonstance qu'il y a partage des lignes intérieures.

Cette restriction se déploie dans le contexte suivant :

- SAS est le principal transporteur à destination et au départ du Danemark, tandis que Maersk Air était, avant l'accord de coopération avec SAS, le principal concurrent danois de cette dernière,

- l'aéroport de Copenhague est le plus gros du Danemark, devant celui de Billund; l'essentiel du trafic aérien à destination, au départ et à l'intérieur du Danemark a pour point d'origine ou de destination l'un de ces deux aéroports,

- Copenhague est, avec Stockholm et Oslo, l'une des trois plates-formes aéroportuaires de SAS, alors que Maersk Air exploite ses lignes principalement à partir ou à destination des aéroports de Copenhague et de Billund,

- Billund a été développé dans la région du Jutland comme un aéroport "en site vierge", capable de servir de plate-forme à la population qui réside dans la zone occidentale du Danemark.

C. LES ACCORDS AFFECTENT LE COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES ET ENTRE LA COMMUNAUTÉ ET L'EEE

(73) Les accords affectent le commerce entre États membres, étant donné que les lignes internationales concernées relient le Danemark à d'autres États membres. En ce qui concerne les liaisons intérieures, les accords affectent le commerce entre États membres dans la mesure où il s'agit de lignes à destination ou au départ des aéroports de Copenhague ou de Billund, qu'empruntent les voyageurs à destination ou en provenance d'autres localités de l'Union européenne. Les accords affectent aussi le commerce entre la Communauté et l'EEE dans la mesure où, parmi les nombreuses lignes à destination et au départ de Copenhague et de Billund, certaines relient les aéroports de ces villes à des pays de l'EEE.

VIII. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3, DU TRAITÉ CE

(74) L'article 81, paragraphe 3, du traité prévoit la possibilité de déclarer inapplicable l'article 81, paragraphe 1, si les accords ou les pratiques concertées concernées contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans :

- imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

- donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

(75) L'article 53 de l'accord EEE contient la même disposition. Toutes les références à l'article 81, paragraphe 3, du traité doivent être comprises comme englobant aussi l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

(76) En règle générale, les accords de répartition de marché constituent, au même titre que les accords de fixation des prix, les exemples les plus évidents de restrictions caractérisées à la concurrence.

(77) En l'espèce, la Commission est d'avis que la coopération entre SAS et Maersk Air ne saurait bénéficier d'une exemption individuelle sur la base de l'article 81, paragraphe 3.

a) Les accords de répartition conclus entre SAS et Maersk Air ne contribuent pas à améliorer la production ou la distribution de produits ou de services, ni à promouvoir le progrès technique ou économique.

Le partage des liaisons bénéficie sans doute aux parties; en effet, elles n'auraient probablement pas conclu d'accord s'il n'en avait pas été de leur intérêt économique mutuel. À titre d'exemple, chaque partie a obtenu la garantie que l'autre ne se lancera pas dans l'exploitation de lignes qui sont les siennes. L'amélioration de la position des parties par des moyens anticoncurrentiels ne répond cependant pas aux exigences de l'article 81, paragraphe 3. Pour que l'article 81, paragraphe 3 soit déclaré inapplicable, il faudrait en effet que les accords produisent pour le public des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qu'ils comportent sur le plan de la concurrence (16).

En l'espèce, aucun élément ne permet de conclure que l'accord produit des avantages objectifs sensibles. En outre, même si ces avantages existaient, ils ne compenseraient pas les inconvénients résultant du retrait du principal concurrent de différents marchés ou de la clause générale de non-concurrence conclue entre les deux principales compagnies aériennes du Danemark.

b) Étant donné que la première condition n'est pas satisfaite, aucun profit en résultant ne peut être répercuté au niveau des utilisateurs. Au contraire, l'accord a porté préjudice aux intérêts de ces derniers. À titre d'exemple, sur les liaisons Copenhague-Stockholm et Billund-Francfort, les utilisateurs ne peuvent plus choisir entre SAS et Maersk Air, comme avant la prise d'effet de l'accord.

c) Pour la même raison, il n'y a pas lieu d'apprécier s'il existe des restrictions non indispensables pour permettre à la coopération de produire ses bénéfices.

d) Enfin, la coopération donne à SAS et à Maersk Air la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services en cause. Tel est du moins le cas pour les marchés de services réguliers de transport aérien entre Copenhague et Stockholm pour les voyageurs sensibles au facteur temps et entre Billund et Francfort pour tous les voyageurs :

- sur la ligne Copenhague-Stockholm, l'accord s'est traduit pour SAS par une augmentation de sa part de marché de [.] % à plus de [.] %. Il y a éliminé la concurrence entre SAS et Maersk Air et y a affaibli la position de Finnair. La possibilité théorique qu'une autre compagnie se mette à assurer cette ligne n'est pas réaliste, vu le nombre élevé de vols proposés par SAS et le fait que cette liaison relie les deux principales plates-formes de SAS,

- pour ce qui est de Billund-Francfort, SAS et Maersk Air étaient les seuls transporteurs à exploiter la ligne en 1997 et en 1998. La part de marché de Maersk Air était de [.] % et celle de SAS, qui travaillait de pair avec Lufthansa (en partage de codes) s'élevait à [.] %. Suite à l'accord avec Maersk Air, SAS a abandonné la ligne, qui est maintenant exploitée uniquement par la première. La concurrence a donc disparu entre SAS et Maersk Air. Étant donné qu'il s'agit d'une liaison relativement peu fréquentée ([.] passagers en 1998), que l'aéroport de Francfort est congestionné et que l'une des fonctions fondamentales de la ligne Billund-Francfort est de permettre le trafic d'apport et inversement à destination ou au départ de Francfort, plate-forme de l'Alliance Star, il est très peu probable qu'un tiers (une compagnie aérienne autre que Lufthansa ou SAS) fasse son entrée sur cette liaison.

IX. PÉNALITÉS ET AMENDES

A. SANCTIONS ET AMENDES PRÉVUES PAR LE RÈGLEMENT (CEE) n° 3975-87 ET DÉFAUT D'IMMUNITÉ D'AMENDES

(78) Selon l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3975-87, lorsque la Commission constate une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité elle peut, par voie de décision, exiger des entreprises concernées qu'elles mettent fin à cette infraction.

(79) Selon l'article 12, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui enfreignent l'article 81, paragraphe 1, du traité. Ces amendes peuvent aller de mille euros à un million d'euros, ce dernier montant pouvant être majoré sans pour autant dépasser 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par les entreprises ayant participé à l'infraction.

(80) L'article 12, paragraphe 5, du règlement (CEE) n° 3975-87 se lit comme suit :

"Les amendes (...) ne peuvent pas être infligées pour des actes postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision de celle-ci prise en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, pour autant que ces actes restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification.

Toutefois, cette disposition ne s'applique pas lorsque la Commission a fait savoir aux entreprises (...) concernées que, après examen provisoire, elle estime que l'article 81, paragraphe 1, du traité est applicable et que l'application de l'article 81, paragraphe 3, n'est pas justifiée."

(81) Les infractions à l'article 81, paragraphe 1, qui font l'objet de la présente procédure sont les suivantes : d'une part, l'accord global de répartition des marchés (y compris le partage des lignes intérieures) et, d'autre part, les accords spécifiques de répartition relatifs aux liaisons Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort.

(82) Les parties n'ont notifié à la Commission ni l'accord global de répartition des marchés ni l'existence d'une quelconque coopération sur la liaison Copenhague-Stockholm.

(83) Les parties ont notifié à la Commission leur coopération sur les lignes Copenhague-Venise et Billund- Francfort en ce qui concerne le partage des codes et les programmes de fidélisation. Or, la coopération qui s'est réellement instaurée sur ces lignes dépasse les limites décrites dans la notification, les parties ayant présenté les retraits de SAS comme des décisions unilatérales et ayant caché à la Commission que ceux-ci avaient été convenus avec Maersk Air dans le cadre d'une stratégie d'ensemble.

(84) Pour les raisons susmentionnées, la Commission conclut, sur la base de l'article 12, paragraphe 5, du règlement (CEE) n° 3975-87, que l'immunité d'amendes ne peut s'appliquer à aucune des infractions en question.

B. MONTANT DES AMENDES

(85) Pour la détermination du montant de l'amende, la Commission doit tenir compte de la gravité et de la durée de l'infraction, qui sont les deux critères explicitement mentionnés à l'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3975-87. Toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes sont également prises en considération à cet égard.

B.1. MONTANT DE BASE

(86) Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

Gravité

(87) Pour mesurer la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de la nature de celle-ci, de la taille du marché géographique en cause et de l'incidence réelle de l'infraction sur le marché.

Nature de l'infraction

(88) Il s'agit en l'espèce de pratiques de répartition de marché qui constituent, par leur nature même, des violations très graves de l'article 81 du traité.

(89) Les parties savaient que leur comportement était contraire à l'article 81 du traité et s'étaient arrangées pour que la Commission ignore la portée exacte de leurs accords. SAS et Maersk Air ont aussi cherché à éviter de laisser des traces écrites de tous les points sur lesquels elles s'étaient entendues :

"Les passages des documents enfreignant l'article 85, paragraphe 1, même dans le cas où il est impossible de parvenir à un accord et de les coucher sur le papier, devront de toute façon exister sous forme écrite et être déposés dans les locaux des avocats des deux parties, certaines personnes pouvant (à l'avenir) ne pas être présentes...".

(Réunion du groupe des responsables du projet du 14 août 1998).

"[Un représentant de Maersk Air] affirme que tous les documents concernant les accords sur les prix, les accords de répartition des marchés, etc., doivent être détruits aujourd'hui avant de partir. Tout ce qui pourrait être nécessaire doit être conservé à domicile. De même, tout document litigieux existant sur support électronique doit être effacé".

(Notes relatives à la réunion interne de Maersk Air du 7 octobre 1998).

"[Un représentant de SAS] s'inquiète de ce que le rapport de situation continue à circuler sous sa forme actuelle. Elle souhaite qu'il soit modifié et que certaines sections soient effacées, comme l'ont suggéré les avocats (17)...

[Un représentant de SAS] propose de ne pas distribuer aux groupes de travail le rapport de situation sous sa forme actuelle. Elle estime toutefois important que ces groupes puissent se faire une idée juste et précise de l'accord envisagé dans son intégralité et qu'il leur soit demandé de respecter une stricte confidentialité ainsi que de ne pas conserver ces documents au bureau."

(Compte rendu du groupe des responsables du projet du 26 juin 1998. [...] représentants de SAS et [...] représentants de Maersk Air ont participé à cette réunion).

Taille du marché géographique en cause

(90) Les retraits des lignes Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort ne sont que les conséquences les plus visibles de la répartition des marchés. Sur toutes les autres liaisons à destination et au départ du Danemark (lignes à destination/au départ d'autres États membres, de pays de l'EEE et du reste du monde), l'accord a empêché qu'une concurrence ne s'exerce comme cela aurait été sinon le cas. SAS, première compagnie aérienne des pays nordiques, avait ainsi la garantie que Maersk Air, son principal concurrent danois sur les vols à destination/au départ du Danemark, ne se mettrait pas à exploiter une ligne qu'elle-même assurait au départ de Copenhague, voire une ligne qu'elle n'assurait pas mais pourrait souhaitait assurer. En échange, Maersk Air avait la garantie que SAS ne lui ferait pas concurrence sur les lignes qu'elle exploitait à destination/au départ de Billund, deuxième aéroport du Danemark.

(91) Le marché géographique affecté s'étend donc au-delà de l'EEE.

Incidence réelle de l'infraction

(92) Les résultats les plus visibles de l'infraction ont été les suivants : Maersk Air a abandonné la ligne Copenhague-Stockholm le 27 mars 1999, mettant fin à sa coopération avec Finnair. Finnair a d'abord réduit ses vols sur la ligne avant de se retirer, en mai 2000. Pour compenser le retrait de Maersk Air de la ligne Copenhague-Stockholm, SAS a abandonné la ligne Copenhague-Venise et - dans le cadre de la stratégie d'ensemble - la liaison Billund-Francfort, où elle faisait jusqu'alors concurrence à Maersk Air.

(93) Par son volume en termes de nombre de voyageurs et de nombre de vols, la ligne Copenhague- Stockholm est l'une des principales à l'intérieur de la Communauté. Sur cette ligne, SAS a vu sa part de marché grimper de [...] % l'année antérieure à la prise d'effet de l'accord à [...] % - d'après les estimations - à compter de mai 2000.

(94) Au moment des négociations, les parties ont estimé - sur la base du volume connu de voyageurs et de la possibilité d'une hausse des prix de 100 couronnes danoises (DKK) - que le fait pour Maersk Air de se tenir à l'écart de Stockholm et d'Oslo entraînerait pour SAS une augmentation de ses recettes annuelles d'environ [...] millions de DKK ([...] millions d'euros). Les parties ont dû procéder à une telle estimation pour convenir de la valeur de la compensation à accorder à Maersk Air.

(95) Comme l'accord global de répartition des marchés conclu entre SAS et Maersk Air affecte de nombreuses liaisons à destination et au départ du Danemark, la Commission estime que les gains retirés par SAS de l'infraction sont de beaucoup supérieurs à cette estimation. Quand bien même la Commission n'a pas pu évaluer les gains tirés par Maersk Air de l'infraction, force est de constater que cette compagnie a négocié une compensation destinée à la dédommager de son retrait de la ligne Copenhague-Stockholm et de sa renonciation à prendre pied sur la ligne Copenhague-Oslo, qui soit financièrement équivalente au chiffre d'affaires supplémentaire perçu par SAS. Il est donc raisonnable de penser que Maersk Air a elle aussi tiré un important bénéfice supplémentaire de l'infraction.

Arguments des parties concernant la gravité de l'infraction et position de la Commission à cet égard

(96) Selon SAS, il convient de qualifier les infractions de graves, mais pas de très graves.

a) D'une part, SAS cite un passage des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (18), selon lequel :

[Infractions très graves] "il s'agira pour l'essentiel de restrictions horizontales de type "cartels de prix" et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d'abus caractérisés de position dominante d'entreprises en situation de quasi-monopole [voir les décisions 91-297-CEE, 91-298-CEE, 91-299-CEE, 91-300-CEE et 91-301-CEE (Soda Ash), 94-815-CE (ciment), 94-601-CE (carton), 92-163-CE (Tetra Pak) et 94-215-CECA (poutrelles)]."

SAS déduit des références aux affaires mentionnées que la catégorie des infractions très graves se limite exclusivement aux ententes étendues impliquant normalement plus de deux entreprises qui exercent leurs activités dans toute la Communauté et au-delà pendant une longue période. Selon SAS, l'affaire Transbordeurs grecs (19), dans laquelle la Commission a conclu que l'infraction était grave, offre une grande ressemblance avec la coopération nouée entre SAS et Maersk Air du point de vue tant du volume de trafic (1 258 000 voyageurs en 1996) que de la partie du marché commun affectée (trois lignes entre l'Italie et la Grèce).

b) D'autre part, SAS affirme que les infractions n'ont produit que des effets négatifs limités sur les marchés en cause. D'après cette compagnie aérienne :

- la coopération SAS/Maersk Air a permis à Maersk Air - avec l'accord explicite de SAS - de se lancer dans l'exploitation de deux nouvelles lignes, Copenhague-Istanbul et Copenhague-Le Caire, ainsi que de rouvrir la ligne Copenhague-Athènes (20). L'ouverture ou la réouverture de ces lignes par Maersk Air a bénéficié aux voyageurs,

- les infractions n'ont affecté qu'une partie limitée du marché commun. C'est à juste titre, selon SAS, que la Commission met l'accent sur trois lignes déterminées (Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort), même si certaines affirmations des parties concernant la répartition des marchés ont été reprises dans des termes généraux. Rien ne montrerait que, à défaut de l'accord de répartition, les parties auraient agi différemment sur l'une quelconque des autres lignes.

(97) Maersk Air prétend elle aussi que les infractions ont eu une incidence limitée. Elle souligne que la distance relativement courte entre Billund et Copenhague permet aux passagers du Jutland et de Funen de choisir entre les deux aéroports pour leurs vols internationaux à destination/à partir du Danemark. SAS a promu sa plate-forme aéroportuaire de Copenhague en offrant des correspondances gratuites par voie aérienne ou ferroviaire aux passagers du Jutland ou de Funen voyageant sur des vols à destination/au départ de Copenhague.

(98) Selon la Commission, les infractions constatées dans l'affaire "Transbordeurs grecs", qui portait sur la fixation de prix, étaient plus limitées qu'en l'espèce. Premièrement, dans ladite affaire, les parties n'avaient pas mis en œuvre tous les accords illicites et s'étaient livré à une concurrence par les prix en offrant des rabais. Deuxièmement, les autorités grecques avaient encouragé les transporteurs, au cours de la période d'infraction, à contenir les augmentations de prix convenues dans la limite des taux d'inflation, si bien que les tarifs étaient restés parmi les plus faibles de la Communauté en matière de transport maritime intracommunautaire. Troisièmement, si, en termes de nombre de passagers, les trois lignes pour lesquelles des infractions avaient été constatées dans l'affaire "Transbordeurs grecs" (Ancône-Patras, Bari-Patras et Brindisi-Patras) étaient d'une taille comparable à celle des liaisons Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort (21), il existe aussi une différence de taille, à savoir que la répartition des marchés entre SAS et Maersk Air affecte de nombreuses autres lignes. En faisant en sorte que Maersk Air ne fasse pas concurrence à SAS sur les lignes à destination/au départ de Copenhague et SAS ne fasse pas concurrence à Maersk Air sur les lignes à destination/au départ de Billund, les accords horizontaux de répartition noués entre SAS et Maersk Air ont restreint la concurrence sur un grand nombre de liaisons à destination/au départ du Danemark, y compris sur les liaisons entre le Danemark et les autres États membres, entre le Danemark et les membres de l'EEE et entre le Danemark et le reste du monde. Étant donné que SAS et Maersk Air sont les deux principales compagnies aériennes du Danemark et que Copenhague et Billund sont les deux plus grands aéroports du pays, les répercutions de cette répartition se sont fait sentir dans tout l'EEE et au-delà, contrairement à ce qui s'est passé dans l'affaire "Transbordeurs grecs".

(99) Pour ce qui est de l'argument selon lequel la coopération aurait permis à Maersk Air de lancer les liaisons Copenhague-Istanbul, Copenhague-Le Caire et Copenhague-Athènes, aucun élément ne prouve que la coopération avec SAS était nécessaire à cette fin. Maersk Air aurait pu décider d'assurer ces lignes de façon indépendante ou en coopération avec un transporteur autre que SAS. À supposer même, à la décharge des parties, que ces lignes n'ont pu être ouvertes que moyennant la coopération entre Maersk Air et SAS, les bénéfices retirés par les voyageurs empruntant lesdites liaisons ne sauraient compenser l'élimination de la concurrence sur d'autres marchés.

(100) En ce qui concerne l'argument de SAS selon lequel rien ne montre que, à défaut de l'accord global de répartition des marchés, les parties auraient agi différemment qu'elles ne l'ont fait sur les lignes autres que Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort, il convient de constater que Maersk Air a été empêchée de livrer concurrence à SAS sur les lignes exploitées par cette dernière au départ de Copenhague, et même sur les lignes que SAS n'assurait pas, mais pouvait souhaiter assurer. La question de savoir si Maersk Air aurait pris pied ou non sur ces lignes au cas où elle n'aurait pas été liée par l'accord conclu avec SAS est purement hypothétique et n'a aucune raison d'être posée dès lors que Maersk Air était concrètement privée de la liberté de décider de faire son entrée sur le marché des liaisons aériennes en partance de Copenhague. Le même raisonnement vaut aussi en ce qui concerne l'absence de liberté de SAS d'ouvrir des lignes au départ de Billund.

(101) De même, le fait que les aéroports de Copenhague et de Billund sont distants de 250 kilomètres ou que SAS offrait un service de transport gratuit à partir du Jutland ou de Funen aux passagers empruntant un vol au départ de Copenhague ne change en rien l'appréciation de la Commission. En raison de l'infraction, les passagers voyageant au départ de Copenhague ne pouvaient pas compter sur Maersk Air pour qu'elle fasse concurrence à SAS et les passagers à destination/au départ du Jutland ne pouvaient pas s'attendre à ce que SAS fasse concurrence à Maersk Air. Pour les passagers à destination/au départ du Jutland, passer par Copenhague dans le cadre d'un vol à destination/au départ de l'un des nombreux aéroports européens desservis par Maersk Air à partir de Billund ne constitue pas une alternative intéressante, du moins s'ils sont sensibles au facteur temps.

Une infraction très grave

(102) La Commission estime que l'accord de répartition des marchés conclu entre SAS et Maersk Air est une infraction très grave au droit communautaire de la concurrence.

Même type d'infraction

(103) Les deux compagnies ont commis le même type d'infraction (répartition des marchés). Il ressort du dossier de la Commission que les deux compagnies ont contribué dans la même mesure à la préparation des accords. Pareillement, les deux parties ont pris des mesures pour mettre en œuvre l'accord en ouvrant/abandonnant les lignes comme convenu. L'accord a bénéficié aux deux entreprises. Le calcul de la compensation due par SAS pour dédommager Maersk Air de son retrait de la ligne Copenhague-Stockholm montre que les parties ont cherché à faire en sorte que l'accord produise des bénéfices équilibrés. Après des négociations détaillées sur son niveau exact, les parties sont convenues que la compensation consisterait pour SAS à céder l'exploitation de la ligne Copenhague-Venise au profit de Maersk Air.

Différence de taille

(104) Bien que les parties aient commis une infraction du même type, la Commission tiendra compte de l'incidence réelle du comportement fautif de chacune des entreprises sur la concurrence, en prenant notamment en considération le fait qu'il existe une grande différence de taille entre les parties. En dépit de l'équilibre intrinsèque de l'accord, la Commission tiendra compte des facteurs suivants :

- SAS est la principale compagnie aérienne de Scandinavie alors que Maersk Air est beaucoup plus petite. En 2000, SAS a réalisé un chiffre d'affaires de 4,917 milliards d'euros, contre 458,6 millions d'euros pour Maersk Air (soit 10,7 fois moins). Le chiffre d'affaires de 757,6 millions d'euros, réalisé par SAS en relation avec le Danemark, reste 1,65 fois plus important que celui de Maersk Air,

- l'accord a en fait renforcé la puissance de marché de SAS : d'une part, il a permis à cette compagnie d'incorporer dans son réseau les lignes sur lesquelles les parties étaient en partage de code (SAS a imposé son code sur les lignes de Maersk Air alors que Maersk Air n'a pas utilisé son code sur les lignes de SAS); d'autre part, le programme de fidélisation de SAS pouvait être utilisé sur les lignes de Maersk Air, à la fois pour gagner des points et pour les échanger contre des billets.

(105) En conséquence, les infractions commises par SAS pèseront plus lourdement que celles commises par Maersk Air. Cela ne signifie cependant pas que le montant des amendes infligées à ces deux compagnies reflétera exactement la différence de chiffre d'affaires.

Point de départ pour la détermination des amendes

(106) Étant donné la différence de taille entre les parties et la nécessité de fixer les amendes à un niveau suffisamment dissuasif, le point de départ pour la détermination des amendes est établi comme suit :

- SAS : 35 000 000 euros,

- Maersk Air : 14 000 000 euros.

Durée

(107) Dans la communication des griefs, la Commission informe les parties de son intention de faire débuter l'infraction au 5 septembre 1998 - date du rapport de situation qui rend compte de l'accord intervenu entre les parties - et de considérer qu'elle était toujours d'actualité à la date de la communication des griefs (31 janvier 2001), dans la mesure où les parties ont été tenues de ne pas rouvrir les lignes qu'elles avaient abandonnées et de respecter une clause de non-concurrence.

(108) Pour ce qui est de la date de début de l'infraction, Maersk Air reconnaît dans sa réponse du 4 avril 2001 à la communication des griefs que les infractions ont commencé le 5 septembre 1998. Toutefois, SAS plaide dans sa réponse pour la date du 8 octobre 1998, soit la date de signature de l'accord de coopération notifié. SAS souligne aussi que les effets n'ont commencé à se faire sentir qu'à compter du 3 janvier 1999, au moment où elle a abandonné la ligne Billund-Francfort.

(109) La Commission ne saurait partager la position de SAS. Comme il ressort de nombreux passages du rapport de situation du 5 septembre 1998 reproduits ci-dessus en guise de preuve, les parties avaient clairement décidé à ladite date du comportement à adopter en ce qui concerne les mouvements d'entrée et de sortie convenus. En outre, à compter de ce même 5 septembre 1998, les parties avaient renoncé à leur liberté d'adopter des décisions unilatérales sur des aspects relevant de la répartition des marchés. L'accord de coopération du 8 octobre 1998 notifié par les parties n'est que l'instrument formel de cette coopération, qui n'est justement pas complet du fait que la coopération allait en pratique au-delà de ce que les parties avaient notifié. Le premier retrait convenu a eu lieu le 3 janvier 1999, mais les parties n'étaient plus libres d'adopter de décisions unilatérales concernant leur réseau de lignes à destination/au départ du Danemark dès le 5 septembre 1998. C'est pourquoi la Commission conclut que les infractions ont commencé le 5 septembre 1998.

(110) Pour ce qui est de la date de fin de l'infraction, les parties ont conclu le 7 mars 2001 une déclaration conjointe dans laquelle elles affirment recouvrer, à compter de ce jour, toute liberté de se faire concurrence et d'adopter unilatéralement tout comportement commercial ou stratégique qu'elles jugent approprié. Dans la déclaration conjointe, il est également fait référence au fait que celle-ci ne saurait porter atteinte à la position des parties selon laquelle il aurait été mis fin aux infractions à une date antérieure, position que les parties développeraient dans leur réponse à la communication des griefs de la Commission.

(111) Dans leur réponse du 4 avril 2001 à la communication des griefs, les parties soutiennent que les infractions ont cessé après l'inspection in situ des 15 et 16 juin 2000. Plus précisément :

- SAS écrit que, à partir du moment où la Commission a commencé son enquête, toutes les réunions entre les parties ont été soit annulées soit conduites dans un "environnement contrôlé" lorsque les avocats internes et externes de SAS ont estimé que ces contacts avec Maersk Air étaient licites,

- SAS affirme aussi ce qui suit :

"Lorsque la communication des griefs reçue le 2 février 2001 a révélé toute l'étendue de la contribution de SAS aux infractions, le P-DG de la compagnie, [...], a informé son homologue de Maersk Air [par lettre du 15 février 2001] que tout arrangement ne relevant pas du champ d'application de l'accord de coopération était - et avait toujours été - nul et non avenu",

- Maersk Air cite une lettre adressée le 21 août 2000 par [...], président de Maersk Air, aux services de la Commission. Cette lettre fait suite à une réunion organisée le 10 août 2000 entre les représentants de Maersk Air et les services de la Commission. Selon cette lettre :

"Comme il a été dit lors de la réunion du 10 août 2000, Maersk Air A/Sa immédiatement mis fin à toute coopération avec SAS en matière de répartition du marché et de fixation des prix et la présente lettre me donne l'occasion de confirmer cette position de Maersk Air A/S", Maersk Air cite également une lettre adressée à SAS le 21 août 2000, dans laquelle [le président de Maersk Air] écrit ce qui suit :

"À des fins de bonne administration, je vous informe par la présente que Maersk Air A/Sa confirmé à la Commission européenne qu'elle ne coopérait en aucune manière avec SAS en matière de fixation horizontale des prix ou de répartition du marché".

(112) La Commission n'accepte pas que les lettres du 21 août 2000 émanant de Maersk Air et mentionnées ci-dessus puissent mettre fin aux accords de partage de marché ou constituer la preuve qu'il y a été mis fin. La lettre adressée à la Commission n'a aucune incidence sur l'existence des accords. Elle ne démontre pas davantage que Maersk Air a effectivement dénoncé ces accords vis-à-vis de SAS. La lettre adressée à SAS n'indique pas clairement et de façon non ambiguë la volonté de mettre fin aux accords. Elle pourrait plutôt être interprétée comme une tentative de rassurer SAS au sujet des déclarations faites par Maersk Air à la Commission. À l'époque, les parties n'étaient pas encore conscientes de la position qu'adopterait la Commission dans la communication des griefs. C'est pourquoi la Commission conclut que les infractions ne peuvent être réputées avoir pris fin qu'à partir du 15 février 2001 au plus tôt, lorsque SAS a fait savoir à Maersk Air qu'elle-même ne se considérait pas comme liée par les accords de répartition du marché.

(113) Les infractions ont donc débuté le 5 septembre 1998 et ont cessé le 15 février 2001. Elles ont par conséquent duré deux ans, cinq mois et dix jours.

(114) SAS et Maersk Air ont commis une infraction de moyenne durée. Selon la pratique de la Commission, une infraction est en général réputée être de moyenne durée lorsqu'elle dure de un à cinq ans. Pour de telles infractions, la Commission applique une majoration pouvant aller jusqu'à 50 % du montant déterminé sur la base de la gravité de l'infraction. En l'espèce, le point de départ pour la détermination de l'amende est majoré de 25 %.

Conclusion relative aux montants de base

(115) La Commission fixe par conséquent le montant de base de l'amende à 43 750 000 euros pour SAS et à 17 500 000 euros pour Maersk Air.

B.2. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ET ATTÉNUANTES

Circonstances aggravantes

(116) Il n'y a pas de circonstances aggravantes.

Circonstances atténuantes

(117) Maersk Air souligne qu'il s'agit de sa première infraction et que cela devrait constituer une circonstance atténuante aux yeux de la Commission.

(118) Cet argument ne peut être accepté. D'une part, Maersk Air est une filiale à 100 % de AP Møller, qui connaît bien les conséquences découlant du non-respect du droit communautaire de la concurrence. Les documents obtenus lors de l'inspection in situ montrent que la direction de AP Møller a été constamment tenue informée des progrès réalisés dans les négociations avec SAS et a donné son aval aux accords conclus par Maersk Air avec SAS. D'autre part, non seulement Maersk Air avait les connaissances et l'infrastructure nécessaires pour savoir que son comportement enfreignait le droit de la concurrence, mais il ressort en outre des preuves contenues dans le dossier de la Commission qu'elle était indéniablement au courant de l'existence de l'infraction et qu'elle a cependant décidé de mettre en œuvre la répartition des marchés.

(119) Les paragraphes qui suivent examinent dans quelle mesure les entreprises ont coopéré à la procédure dans le cadre de l'application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (22). Il n'existe pas de circonstances atténuantes en dehors du champ d'application de la communication sur la non-imposition d'amendes.

B.3. APPLICATION DE LA COMMUNICATION SUR LA NON-IMPOSITION D'AMENDES

(120) Tant SAS que Maersk Air font valoir qu'elles ont coopéré avec la Commission depuis les inspections in situ des 15 et 16 juin 2000. Elles invoquent l'application du titre B, point d) (23), et du titre D, point 2 (24), de la communication sur la non-imposition d'amendes.

(121) En ce qui concerne l'application du titre B de la communication, il est évident que les conditions énumérées aux points a) à e) doivent toutes êtres satisfaites. En l'espèce, aucune des parties n'a dénoncé à la Commission l'existence d'accords de répartition des marchés avant que celle-ci n'ait procédé à une vérification le 15 juin 2001. La condition a) du titre B n'est donc pas remplie et, partant, il n'est pas possible d'appliquer ce titre.

(122) Les rapports dits "de situation" et le document du 16 juillet 1998 sur la politique en matière de liaisons internationales au départ de Copenhague constituent des éléments de preuve déterminants qui ont permis à la Commission d'engager la procédure ayant abouti à la présente décision. Ces éléments ont été obtenus lors d'une inspection in situ les 15 et 16 juin 2000. Aussi, le titre C (25) de la communication ne saurait-il être appliqué.

(123) Pour ce qui est de l'application du titre D, point 2, premier tiret, la Commission observe ce qui suit :

- à l'issue de l'inspection in situ, Maersk Air a proposé aux services de la Commission d'organiser une réunion avec [un représentant de Maersk Air], qui avait alors déjà quitté Maersk Air. [Ce représentant de Maersk Air] avait joué un rôle clé lors des négociations de Maersk Air avec SAS en 1998. Cette réunion a eu lieu dans les bureaux de Maersk Air le 22 juin 2000 et, à cette occasion, Maersk Air a remis aux représentants de la Commission les "dossiers privés" que [le représentant de Maersk Air] avait conservés à son domicile de Copenhague. Ces dossiers ont aidé la Commission à reconstituer l'évolution des négociations et l'étendue exacte de l'accord,

- en revanche, les informations fournies par SAS n'ont servi qu'à confirmer ce que la Commission savait déjà. Contrairement aux documents fournis par Maersk Air, les "documents complémentaires " communiqués par SAS ne l'ont pas été spontanément à l'issue de l'inspection, mais à la suite d'une demande de renseignement.

(124) Pour ce qui est de l'application du titre D, point 2, second tiret, de la communication, ni SAS ni Maersk Air n'ont contesté les faits décrits dans la communication des griefs.

(125) Eu égard aux considérations qui précèdent, il est approprié de réduire le montant de l'amende infligée à Maersk Air de 25 % et celui de l'amende infligée à SAS de 10 %,

A ARRETÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Scandinavian Airlines System (SAS), et Maersk Air A/S (Maersk Air) ont enfreint l'article 81 du traité et l'article 53 de l'accord EEE, en concluant :

a) un accord global de répartition des marchés prévoyant que SAS n'assurerait pas les liaisons exploitées par Maersk Air à partir du Jutland et que Maersk Air ne pourrait pas lancer de services sur les liaisons au départ de Copenhague que SAS exploite ou souhaite exploiter, ainsi qu'un accord destiné à faire respecter la répartition des lignes intérieures;

b) des accords spécifiques de répartition de marché concernant certaines lignes internationales, notamment :

i) l'accord prévoyant que Maersk Air cesserait d'exploiter la liaison entre Copenhague et Stockholm à compter du 28 mars 1999 moyennant compensation;

ii) en compensation du retrait de Maersk Air de la liaison entre Copenhague et Stockholm, l'accord selon lequel SAS cesserait d'exploiter la ligne entre Copenhague et Venise fin mars/début avril 1999 et Maersk Air commencerait à assurer cette ligne à la même date;

iii) l'accord prévoyant que SAS cesserait de proposer des vols sur la liaison Billund-Francfort en janvier 1999.

Article 2

En raison des infractions mentionnées à l'article 1er, point a), une amende d'un montant de 39 375 000 euros sera infligée à SAS, Scandinavian Airlines System, et une amende d'un montant de 13 125 000 euros sera infligée à Maersk Air A/S.

Article 3

Les amendes mentionnées à l'article 2 seront versées en euros dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision sur le compte bancaire de la Commission des Communautés européennes :

Compte n° 642-0029000-95

IBAN BE76 6420 0290 0095

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA

Avenue des Arts, 43

B-1040 Bruxelles

(Code SWIFT : BBVABEBB).

À l'expiration du délai de trois mois, des intérêts seront dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, à savoir 8,04 %.

Article 4

SAS, Scandinavian Airlines System

Frösundaviks Allé, 1

S-19587 Stockholm

Et

Maersk Air A/S

Copenhagen Airport South

DK-2791 Dragør

sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 256 du traité.

(1) JO L. 374 du 31.12.1987, p. 1.

(2) JO L. 240 du 24.8.1992, p. 18.

(3) JO L. 354 du 30.12.1998, p. 18.

(4) Avec Air Canada, Air New Zealand, All Nippon Airways (ANA), Ansett Australia, Austrian Airlines, British Midland, Lauda Air, Lufthansa, Mexicana Airlines, Singapore Airlines, Thai Airways International, United Airlines et Varig Airlines.

(5) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(6) Le transporteur qui n'exploite pas la liaison est le transporteur qui vend des billets pour les vols en partage de codes, mais qui n'exploite pas l'avion.

(7) Les citations sont, pour la plupart, des traductions en français d'originaux en danois. Certains documents de négociation ont été rédigés par les parties en anglais. La langue qui fait foi en l'espèce est l'anglais parce que les notifications et la correspondance ultérieure échangée avec les parties étaient dans cette langue.

(8) Note du 8 janvier 1998, de [.] à [.], portant comme titre "Réunion du 12 janvier 1998 avec SAS".

(9) JO C 372 du 9.12.1997, p. 5.

(10) Comme il est dit plus haut, certains passagers en voyage d'agrément (touristes se rendant à Venise pour un week-end touristique) préfèrent ne pas consacrer plus de temps à leur trajet en prenant une correspondance dans un autre aéroport et sont donc inclus dans la catégorie des voyageurs pour lesquels le facteur temps est déterminant.

(11) Les durées des trajets en train indiquées sont comptées à partir de Vejle, la gare la plus proche de Billund. Un service d'autobus relie l'aéroport de Billund à la gare de Vejle (en 30 minutes).

(12) Après l'ouverture de la liaison Øresund entre Copenhague et Malmö, en juillet 2000.

(13) Le service de bus rapide relie Copenhague à Bornholm deux à quatre fois par jour; jusqu'à l'ouverture de la liaison Øresund, le bus empruntait les deux ferries, c'est-à-dire celui qui assurait la traversée entre Dragør et Limhamn et celui entre Ystad et Bornholm.

(14) Jusqu'au 16 août 1999, SAS a proposé 20 fréquences dans un sens et 21 fréquences dans l'autre sens (lettre de SAS du 18 juin 1999). Il ressort de la lettre de SAS du 1er mars 2000 que cette compagnie assurait alors 19,5 allers-retours journaliers sur cette liaison.

(15) Ces chiffres sont des estimations fournies par les compagnies concernées.

(16) Arrêt de la Cour de justice dans les affaires jointes 56 et 58-64, Consten et Grundig, Recueil de 1966, p. 299, point 348.

(17) Quelques jours auparavant, lors d'une réunion entre [.] représentants de SAS et [.] représentants de Maersk, l'un des avocats externes avait souligné que "aucun des points relatifs à la répartition du marché et à la fixation des prix ne pouvait être inclus dans un accord écrit" (compte rendu de la réunion du 23 juin 1998 entre Maersk Air et SAS).

(18) JO C 9 du 14.1.1998, p. 3.

(19) Décision de la Commission du 9 décembre 1998 (JO L. 109 du 27.4.1999, p. 24).

(20) SAS a cessé l'exploitation de la ligne Copenhague-Athènes à l'automne 1997 et Maersk Air a commencé à l'exploiter le 28 mars 1999.

(21) Selon la décision "Transbordeurs grecs", toutes les liaisons maritimes entre l'Italie et la Grèce (soit plus que les trois lignes pour lesquelles des infractions ont été constatées) ont accueilli, en 1996, 1 258 000 passagers, contre 1 174 368 passagers pour les liaisons Copenhague-Stockholm, Copenhague-Venise et Billund-Francfort en 1999.

(22) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.

(23) Le titre B de la communication sur la non-imposition d'amendes se lit comme suit :

"B. NON-IMPOSITION D'AMENDE OU RÉDUCTION TRÈS IMPORTANTE DE SON MONTANT

L'entreprise qui :

a) dénonce l'entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l'entente, et sans qu'elle dispose déjà d'informations suffisantes pour prouver l'existence de l'entente dénoncée;

b) est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence de l'entente;

c) a mis fin à sa participation à l'activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l'entente;

d) fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l'entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l'enquête;

e) n'a pas contraint une autre entreprise à participer à l'entente ni eu un rôle d'initiation ou un rôle déterminant dans l'activité illicite, bénéficie d'une réduction d'au moins 75 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu'à la non-imposition totale d'amende."

(24) Le titre D de la communication sur la non-imposition d'amendes se lit comme suit :

"D. RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DU MONTANT DE L'AMENDE

1. Lorsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations."

(25) Le titre C de la communication sur la non-imposition d'amendes dispose ce qui suit :

"C. RÉDUCTION IMPORTANTE DU MONTANT DE L'AMENDE

L'entreprise qui, remplissant les conditions exposées au titre B, points b) à e), dénonce l'entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l'entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l'engagement de la procédure en vue de l'adoption d'une décision, bénéficie d'une réduction de 50 à 75 % du montant de l'amende".