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Décisions

CCE, 29 juin 2001, n° 2001-711

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Volkswagen

CCE n° 2001-711

29 juin 2001

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2), et notamment son article 15, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 21 juin 1999 d'ouvrir la procédure dans cette affaire, après avoir invité l'entreprise intéressée à présenter ses observations sur les griefs soulevés par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes, considérant ce qui suit:

1. INTRODUCTION

1.1. Introduction

(1) La Commission a reçu de l'acheteur d'un véhicule une plainte à laquelle était annexée une circulaire de la société Volkswagen AG du 17 avril 1997. Par cette circulaire, le "directeur des ventes Volkswagen Allemagne" invitait les concessionnaires et réparateurs Volkswagen allemands à ne pas vendre le nouveau modèle de la "VW Passat Variant", lancé sur le marché allemand le 6 juin 1997, au-dessous du prix conseillé et de s'en tenir à une "discipline tarifaire rigoureuse".

(2) Dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 (4), la société Volkswagen AG a présenté deux autres lettres des 26 septembre 1996 et 26 juin 1997 relatives à la formation des prix de la nouvelle VW Passat.

(3) Au vu de ces renseignements et d'autres indications de Volkswagen AG (5), la Commission a adressé à l'entreprise, en date du 22 juin 1999, une communication des griefs dans laquelle il lui est reproché d'avoir commis une infraction aux dispositions de l'article 81 du traité CE, pour avoir convenu avec les concessionnaires allemands de son réseau de distribution une discipline tarifaire rigoureuse pour la vente des modèles VW Passat.

(4) Par lettre du 10 septembre 1999, la société Volkswagen AG a répondu à cette communication des griefs du 22 juin 1999 et confirmé que les faits qui y sont décrits étaient, pour l'essentiel, exacts (6). Elle a en outre exprimé son point de vue au sujet, notamment, des conclusions juridiques et des objections de la Commission. Elle n'a pas demandé à être entendue.

(5) La société Volkswagen AG est destinataire de la présente décision.

1.2. Entreprise

(6) Volkswagen AG, dont le siège est à Wolfsburg, est la société holding du groupe Volkswagen, et sa plus grande entreprise de surcroît. Les activités du groupe comprennent la construction de véhicules des marques Volkswagen, Audi, Seat et Skoda, ainsi que la fabrication de composants et de pièces pour l'ensemble des sociétés du groupe dans le monde. Les autres activités concernent les moteurs industriels, les pièces de rechange, les services financiers et les assurances.

(7) De 1995 à 2000, Volkswagen AG a réalisé le chiffre d'affaires suivant:

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1.3. Position du nouveau modèle VW Passat sur le marché

(8) La nouvelle berline VW Passat B 5 a été mise sur le marché allemand le 11 octobre 1996 et la VW Passat B 5 Variant, qui est une variante de la berline sur le plan de la carrosserie, le 6 juin 1997.

(9) Les immatriculations de VW Passat neuves dans l'Union européenne ont été les suivantes:

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(10) Les livraisons aux clients en Allemagne ont été les suivantes (7):

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(11) L'industrie automobile et le commerce automobile (8), de même que les analystes du marché, considèrent que du point de vue des consommateurs finals, il n'y a pas substituabilité totale entre les voitures particulières. Par conséquent, ils répartissent traditionnellement les voitures particulières en "segments", sur la base de critères objectifs comme la longueur du véhicule, le prix d'achat, le type de carrosserie, la puissance du moteur et l'image de marque (9). La répartition dans les segments suivants est usuelle: A: très petites cylindrées, B: petites cylindrées, C: catégorie moyenne, D: catégorie moyenne supérieure, E: catégorie supérieure, F: catégorie luxe, G: monospaces et voitures de sport, ce dernier segment étant occasionnellement subdivisé comme suit: parfois en segments de voitures de sport bas de gamme, voitures de sport haut de gamme, monospaces et véhicules tout-terrain (10), parfois en segments de monospaces, coupés, cabriolets et véhicules tout-terrain (11).

(12) Les rapports sur le prix des voitures dans l'Union européenne, que la Commission publie deux fois par an (considérant 17), sont également fondés sur cette segmentation et contiennent des indications de prix pour les modèles de voitures particulières qui sont affectés aux sept segments A à G décrits ci-dessus, afin de pouvoir regrouper des modèles comparables du point de vue du consommateur.

(13) Par ailleurs, la Commission renvoie à la 23e élection de la meilleure voiture par les lecteurs de la revue "Auto Motor und Sport" (12). Dans cette enquête réalisée auprès des consommateurs, 277 modèles de voitures particulières ont été répartis en dix catégories (13). Les six catégories: A: très petites cylindrées, B: petites cylindrées, C: catégorie moyenne inférieure, D: catégorie moyenne, E: catégorie moyenne supérieure et F: catégorie luxe, correspondent, sur le plan de leur contenu, aux six premiers segments indiqués au considérant 11, comme le montre une comparaison des modèles de voitures particulières figurant dans chaque catégorie ou chaque segment. Les coupés, cabriolets, voitures tout-terrain et monospaces figurent dans des segments distincts.

(14) D'après les indications de Volkswagen, la Passat doit être affectée au segment de marché désigné ici comme segment D "catégorie moyenne supérieure" [longueur du véhicule environ 4,45 m à environ 4,75 m et fourchette de prix d'environ 32 000 marks allemands (DEM) pour la motorisation de base à environ 60 000 DEM pour la motorisation la plus puissante] (14). Dans ce segment sont également classés les modèles de véhicules d'autres constructeurs cités par Volkswagen, que les amateurs de la Passat considèrent comme des solutions de remplacement, par exemple l'Audi A 4, l'Opel Vectra, la BMW série 3, la Ford Mondeo et la Mercedes classe C.

(15) D'autres modèles de la concurrence figurant dans la catégorie moyenne supérieure sont les suivants: Alfa Romeo 156, Citroën Xantia, Lancia Dedra, Fiat Marea, Honda Accord, Mazda 626, Mitsubishi Carisma, Nissan Primera, Peugeot 406, Renault Laguna, Rover 400/600, Subaru Legacy, Suzuki Baleno, Toyota Avensis et Volvo S/V40.

(16) Part de la VW Passat dans le segment de la catégorie moyenne supérieure (segment D) en Allemagne:

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1.4. Écarts de prix entre les États membres pour la VW Passat

(17) Deux fois par an, la Commission publie un rapport sur le prix des voitures dans l'Union européenne (15), dont les éléments lui sont communiqués par les constructeurs. L'un des objectifs poursuivis par la Commission avec la publication de ces rapports consiste à accroître la transparence des prix. Les utilisateurs finals doivent être en mesure d'acheter des véhicules dans les États membres où les prix et les autres conditions d'achat sont les plus avantageux. À cet égard, la Commission n'a pas pour objectif de susciter une égalité des prix au sein de l'Union européenne, mais elle vise, grâce à une plus grande transparence des prix, une réduction des écarts de prix grâce au jeu des forces du marché ainsi mis en mouvement.

(18) À partir de ces enquêtes sur les prix, les différences de prix entre les différents États membres pour la VW Passat se présentent comme suit, à l'aide des éléments disponibles pour la berline VW Passat Basic 100 ch:

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2. SYSTÈME DE DISTRIBUTION VOLKSWAGEN ET IMPORTANCE DE LA MARQUE VOLKSWAGEN DANS LE DOMAINE DES VÉHICULES NEUFS

(19) En Allemagne, comme dans les autres États membres de l'Union européenne, les voitures particulières produites par Volkswagen AG sont distribuées, dans le cadre d'un système de distribution sélectif et exclusif, par des concessionnaires avec lesquels le constructeur a conclu un contrat de concession. Conformément à l'article 4, paragraphe 1, du contrat de concession type dans la version de septembre 1995 et dans les contrats en vigueur depuis le 1er janvier 1998, Volkswagen AG accorde au concessionnaire en question un territoire contractuel pour le programme de livraison et le service après-vente. En contrepartie, le concessionnaire s'engage à promouvoir la vente et le service après-vente de façon intensive sur le territoire qui lui a été concédé (16) et à exploiter le potentiel du marché de façon optimale. En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du contrat de concession, le concessionnaire s'interdit de faire intervenir un intermédiaire et d'entretenir des succursales ou des dépôts en dehors de son territoire de concession. En outre, il n'est autorisé à faire de la publicité personnalisée que sur son territoire de concession. L'article 2, paragraphe 6, du contrat de concession interdit aux concessionnaires Volkswagen allemands de fournir des véhicules neufs à des revendeurs indépendants.

(20) Des véhicules neufs sont également distribués en quantités minimes par l'intermédiaire des réparateurs Volkswagen. Ceux-ci vendent les véhicules en qualité de commissionnaires ou de représentants pour le compte d'un concessionnaire Volkswagen, lequel est le co-contractant direct de l'acheteur du véhicule neuf et fixe le prix de vente de ce dernier.

(21) Les intérêts des concessionnaires Volkswagen et Audi allemands sont défendus, vis-à-vis de Volkswagen AG, par la Volkswagen und Audi Händlerverband eV (association des concessionnaires Volkswagen et Audi), représentée par son président et son comité directeur. Des représentants de cette association et de Volkswagen AG se réunissent régulièrement. À intervalles variables ont également lieu des Klausurgespräche (entretiens à huis clos) des dirigeants de l'association (considérants 37 à 40) au cours desquels ceux-ci débattent de questions qui seront examinées avec le membre du directoire de Volkswagen AG responsable de la marque Volkswagen (M. Büchelhofer). L'association organise en outre des réunions de commissions (par exemple, la commission "groupe d'experts vente/marketing voitures particulières VW") qui examinent des questions d'intérêt commun. Volkswagen AG était représentée à ces réunions de commission par son directeur du département "Ventes Allemagne", M. Giffhorn. Les collaborateurs de ce département chargés du "réseau des concessionnaires " étaient, entre autres, M. Nolte et M. Peters. Le département "Ventes Allemagne" est en outre subdivisé en "régions" dirigées chacune par un directeur régional (17).

(22) En ce qui concerne la pratique des concessionnaires en matière de remises, Volkswagen AG a indiqué à la Commission savoir, grâce aux consultations des concessionnaires dans le cadre du compte de résultat à court terme, que dans le passé, des concessionnaires allemands ont accordé des remises pouvant atteindre 10 %, voire plus dans certains cas, par rapport au prix conseillé non imposé. Le total des remises consenties par les concessionnaires s'est élevé à 9,1 % en 1994, 9,7 % en 1995, 10,1 % en 1996 et 9,9 % en 1997 (18).

(23) Sur la base des immatriculations de voitures neuves, la part du marché des voitures particulières de l'Union européenne détenue par la marque Volkswagen est la suivante (19):

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(24) Sur la base des immatriculations de voitures neuves, la part du marché allemand des voitures particulières détenue par la marque Volkswagen est la suivante (20):

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(25) D'après les renseignements fournis par Volkswagen AG, les importations parallèles en Allemagne en provenance de Belgique, de France, des Pays-Bas, d'Espagne, d'Italie, de Suède et du Danemark (note 25 de bas de page), tous modèles de voitures particulières VW confondus, se sont élevées à 17 355 unités en 1998, 25 656 en 1999 et 42 738 en 2000.

(26) Entre 1996 et 2000, le nombre de VW Passat neuves immatriculées en Allemagne et importées d'autres États membres s'est élevé, respectivement, à 8 728, 2 066, 3 345, 6 831 et 8 318 unités (21).

(27) La part des réimportations dans le nombre total de Volkswagen Passat vendues en Allemagne entre 1996 et 2000 (en 1996, il s'agit essentiellement de l'ancien modèle) s'établit comme suit:

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(28) Volkswagen AG (22) indique en outre que, en 1997, et en 1998, 696 véhicules Volkswagen avec conduite à droite ont été vendus en Allemagne à des clients de pays où la conduite est à droite (Royaume- Uni et Irlande). Entre 1997 et 2000, 4, 149, 111 et 96 véhicules, respectivement, du modèle VW Passat avec conduite à droite ont été vendus en Allemagne (23).

3. MESURES CONTESTÉES

3.1. Première mise en demeure d'un concessionnaire

(29) En date du 5 septembre 1996, le concessionnaire VW Autohaus Binder de Hofgeismar (directeur: M. Glinicke) avait fait de la publicité dans le journal Hessisch-Niedersächsische Allgemeine (édition régionale) en indiquant un prix de lancement, immatriculation et livraison comprises, de 32 469 DEM pour le modèle de base de la Passat 1,6 l (24). Une copie de cette annonce a été envoyée le 24 septembre 1996 à Volkswagen AG par le concessionnaire VW Autohaus Neuenhagen de Niestetal, avec ce commentaire:

"Doit-on accepter ça ? Pour information, sincères salutations, Autohaus Neuenhagen."

(30) Le jour même, c'est-à-dire le 24 septembre 1996, Volkswagen a adressé à Autohaus Binder une mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception et par télécopie (25), où l'on peut lire ceci:

"Cher Monsieur, aux termes de l'article 2, paragraphe 6, des contrats de concession précités (26) et de l'article 2, paragraphe 1, des avenants en vigueur depuis le 1er janvier 1998, vous êtes tenu de défendre les intérêts de Volkswagen AG, du réseau de distribution Volkswagen et de la marque Volkswagen, et d'en assurer la promotion par tous les moyens.

Nous constatons que la publicité que vous avez passée dans la Hessisch-Niedersächsische Allgemeine (édition régionale) pour la nouvelle Passat constitue une violation flagrante de cette obligation contractuelle. Nous considérons que le procédé est extrêmement préjudiciable à la marque.

C'est pourquoi nous nous voyons contraints de vous adresser une mise en demeure et de vous inviter à vous abstenir désormais de passer une annonce d'une teneur aussi préjudiciable à la marque.

En cas de récidive, nous nous réservons le droit de résilier les contrats précités."

(31) Par lettre du 27 septembre 1996, le directeur de Binder a répondu à Volkswagen AG (27) en indiquant qu'il ne discernait pas en quoi il avait été porté préjudice à VW AG et en quoi son établissement avait violé les contrats en vigueur. Il ajoutait que, d'après son sens du droit, ces griefs ne tiendraient pas s'ils étaient soumis à un examen juridique. En outre, Binder ne voit pas en quoi le contenu de l'annonce passée par son directeur commercial est préjudiciable à la marque. Sans préjudice de l'appréciation juridique, il n'est personnellement pas favorable à cette annonce et a demandé à un collaborateur, qui est manifestement responsable des ventes chez Binder, de s'abstenir désormais de diffuser ce genre de publicité.

3.2. Circulaires adressées aux concessionnaires et réparateurs Volkswagen allemands

(32) À la même époque, Volkswagen AG a commencé à exhorter systématiquement, par circulaires, tous les membres de son réseau de distribution allemand à la discipline tarifaire. Les passages essentiels des trois circulaires concernées sont reproduits textuellement ci-dessous:

(33) Circulaire du directeur des "Ventes Allemagne" du 26 septembre 1996 (28):

(...)

"Or, à ma grande déception, je constate qu'un petit nombre de partenaires diffusent d'ores et déjà dans la presse des annonces dans lesquelles la Passat est proposée à un prix nettement inférieur à l'UPE (29). Je considère que cela est extrêmement préjudiciable à la marque, car la revalorisation de la Passat s'en trouve remise en question dès son lancement.

J'ai déjà engagé - en accord avec la commission des concessionnaires - des mesures en conséquence, sous la forme de mises en demeure. Je vous prie personnellement de vous imposer les critères les plus rigoureux et de me transmettre toutes les annonces publicitaires de partenaires Volkswagen qui ne respectent pas la discipline tarifaire. J'ai prévu de faire connaître cette action comme il se doit. Je considère que cette façon de procéder est également une nécessité absolue en ce qui concerne votre rentabilité. En effet, avec la nouvelle Passat et le rapport prix-performances visé, nous avons une belle occasion d'améliorer nettement la rentabilité de vos entreprises."

(...)

(34) Circulaire du directeur des "Ventes Allemagne" du 17 avril 1997 (30):

"Précisément pour la Passat qui est très nettement supérieure à la concurrence sur le plan du prix, je ne comprends absolument pas les annonces des concessionnaires indiquant un prix nettement inférieur au prix conseillé, et je les comprends d'autant moins qu'il s'agit de l'amélioration de votre rentabilité. Je compte sur une discipline tarifaire rigoureuse."

(...)

(35) Circulaire du directeur des "Ventes Allemagne" du 26 juin 1997 (31):

"(...) mais la préoccupation de penser que l'appel que j'ai lancé dans ma lettre du 17 avril à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen n'est peut-être pas parfaitement suivi. Rappelez-vous qu'il s'agit de la discipline tarifaire qui est absolument nécessaire pour faire évoluer favorablement la rentabilité de vos entreprises.

Il serait tout simplement désastreux que la formation des prix de nos nouveaux produits, et surtout ceux de la berline Passat et de la Variant, qui sont meilleurs que ceux de la concurrence, ne soit pas mise à profit pour améliorer les résultats. Rappelez-vous que plus de 80 % du chiffre d'affaires total est réalisé avec la vente de voitures neuves et d'occasion. Avec un pourcentage aussi élevé du chiffre d'affaires, vous n'obtiendrez une amélioration notable de la rentabilité de votre entreprise que si vous améliorez la qualité des ventes de véhicules, c'est-à-dire si vous abaissez durablement le niveau, jusqu'ici élevé, des remises.

Volkswagen a posé les jalons de votre réussite: avec des modèles supérieurs sur le plan de la technique et des prix et avec un système de marges et de primes qui est fonction des résultats, vous disposez depuis 1998 d'un ensemble d'outils de politique commerciale adaptés au marché et supérieurs à la concurrence qui vous permettent d'agir de façon optimale sur le marché.

Je vous invite donc à être présents sur le marché en ne perdant pas de vue l'importance du prix. Le fait de pratiquer de fortes remises est tout aussi irresponsable pour le produit et pour la marque. En tant que constructeur, nous ne pouvons pas tolérer qu'un comportement tarifaire ruineux mette en péril l'exécution du contrat de concession. Le cas échéant, Volkswagen AG devrait impérativement réagir de manière énergique. Il va de soi qu'une concurrence axée sur les résultats continuera de s'exercer entre les concessionnaires. Elle ne doit cependant pas s'exercer sur les prix, mais surtout sur le plan de la satisfaction de la clientèle.

Cela ne s'applique pas seulement à la Passat Variant. En conséquence, nous avons décidé, jusqu'à nouvel ordre, de contingenter tous les modèles de grande diffusion, afin de vous donner une plus grande sécurité sur le plan des prévisions et des délais."

3.3. Discussion de la discipline tarifaire avec le comité directeur de l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi

(36) D'après les ordres du jour fournis par Volkswagen AG en réponse à une deuxième demande de renseignements (32), la question de la "discipline tarifaire" a plusieurs fois fait l'objet de discussions entre Volkswagen AG et le comité directeur de l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi.

(37) L'ordre du jour de la réunion à huis clos du comité directeur du 25 mars 1997 (33) porte au point 2) a): "Produktschädigendes Verhalten/Renditeverbesserung" (Comportement préjudiciable aux produits/amélioration de la rentabilité) et au point 5 "Bonifizierung von "Preistreue" (Prime au "respect des prix").

(38) Le point 2 de l'ordre du jour de la réunion à huis clos du comité directeur du 20 mai 1997 (34) libellé "Produktionsschädigendes Preisverhalten/Renditeverbesserung" (Comportement préjudiciable aux produits/amélioration de la rentabilité) indique que la question "wann endlich setzen die Hersteller hierzu deutliche Signale?" (quand les constructeurs vont-ils enfin donner des consignes claires à ce sujet ?) devait être discutée.

(39) Sous le titre "Übergreifende Vertriebs-/Netzthemen" (Principales questions concernant la distribution et le réseau), l'un des points inscrits à l'ordre du jour de la réunion à huis clos du comité directeur du 26 septembre 1997 (35) indique: "Preisdisziplin, Erörterung weiterer Maßnahmen (Herr Giffhorn, Herr Nagel)" [Discipline tarifaire, discussion de nouvelles mesures (M. Giffhorn, M. Nagel)].

(40) Enfin, l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi a proposé à Volkswagen AG, par télécopie du 24 octobre 1997 (36), d'inscrire au point 2 de l'ordre du jour intitulé "Vorstellung der Gesprächspunkte mit Dr. Büchelhofer am 30.10.1997" (Présentation des points à discuter le 30 octobre 1997 avec M. Büchelhofer), le point: "d) Preisdisziplin, Erörterung weiterer Maßnahmen" (Discipline tarifaire, discussion de nouvelles mesures).

(41) Dans sa réponse, Volkswagen AG a indiqué que le directoire de l'entreprise n'avait pas examiné la question de la discipline tarifaire (37). Or, il ressort de la télécopie envoyée le 24 octobre 1997 (considérant 40) par l'association des concessionnaires à Volkswagen AG, que le membre du directoire de Volkswagen AG compétent pour la distribution devait être saisi de cette question et débattre de nouvelles mesures à ce sujet le 30 octobre 1997. Volkswagen AG a cependant indiqué, à cet égard, que ces réunions n'avaient pas fait l'objet de procès-verbaux.

3.4. Discussion de la discipline tarifaire au sein de la commission des concessionnaires Volkswagen

(42) Contrairement aux réunions de l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi, les réunions de la commission des concessionnaires Volkswagen ont fait l'objet de procès-verbaux. Dans le procès-verbal de la réunion du groupe d'experts "vente/marketing" de cette commission du 16 juin 1997 (38), à laquelle ont participé, outre dix représentants du groupe d'experts, sept collaborateurs de Volkswagen AG, dont le directeur "Ventes Allemagne", on peut lire sous "TOP 11 Rabattschleuderei" (point 11 de l'OJ Prix cassés):

"À l'avenir également, notamment en ce qui concerne le préjudice porté aux produits et à la marque, le constructeur envisagera toutes les mesures juridiquement acceptables aboutissant à une plus grande discipline tarifaire chez les concessionnaires. (Original allemand)"

(43) Le procès-verbal de la réunion du même groupe d'experts qui s'est tenue le 16 octobre 1997 (39) et à laquelle ont participé, outre des représentants du groupe d'experts, dix collaborateurs de Volkswagen AG, dont de nouveau le directeur "Ventes Allemagne", indique ce qui suit au point "6.4 Nachlaßverhalten" (6.4. Comportement en matière de remises) du TOP 6 "Verschiedenes" (Point 6 "Divers"):

"Certains concessionnaires ont fait une publicité voyante pour la Golf A 4, avant même son lancement sur le marché, avec des remises déraisonnablement élevées efficaces. Tant le constructeur que l'association des concessionnaires désapprouvent et condamnent formellement ce comportement préjudiciable à la marque et au produit. (Original allemand)"

3.5. Nouvelles mesures visant à imposer la discipline tarifaire aux concessionnaires

(44) Le concessionnaire VW Bernard Rütz de Konz avait diffusé dans l'édition du week-end du journal "Trierischer Volksfreund" des 21 et 22 septembre 1996 une annonce proposant la nouvelle VW Passat à un prix "supergünstig ab 32 649 DEM Abholpreis inkl. Zulassung und Überführung" (super intéressant à partir de 32 649 DEM, immatriculation et livraison comprises) (40).

Le 2 octobre 1996, Volkswagen AG a adressé à ce concessionnaire une lettre de mise en demeure (41) qui reprend presque mot pour mot la lettre envoyée au concessionnaire Binder. Seul le dernier paragraphe est formulé différemment:

"En cas de récidive, nous prendrons des mesures d'ordre juridique."

(45) Par lettre du 2 octobre 1996 (42), le concessionnaire Rütz a rejeté cette mise en demeure en déclarant qu'il ne voyait pas en quoi il aurait enfreint le contrat de concession.

(46) Le concessionnaire Gramling de Karlsruhe avait diffusé une annonce dans l'édition du week-end du journal Badische Neueste Nachrichten (BNN) du 5 octobre 1996, proposant la nouvelle VW Passat au prix de 33 500 DM (43). Cette annonce a été communiquée une première fois à Volkswagen AG le 7 octobre 1996, avec l'exhortation à y réagir dans l'esprit de la première circulaire du 26 septembre 1996.

(47) Par lettre du 7 octobre 1996 adressée au directeur des "Ventes Allemagne" de Volkswagen AG, Morrkopf rappelle cette publicité passée dans le BNN, puis déclare (44):

"Étant donné, M. Giffhorn, que vous vous êtes mis d'accord avec la commission des concessionnaires sur ce comportement préjudiciable au marché, je ne comprends pas pourquoi M. Hengehold, c'est-à-dire la firme Gramling, diffuse de telles annonces. Pour moi, il s'agit d'un indice supplémentaire de ce que la concurrence intramarque se poursuit.

Le concessionnaire susmentionné a également fait de la publicité pour son service après-vente avec des "prix cassés", dans l'édition du BNN du 21 septembre 1996."

(48) Il ressort d'une note interne adressée le 7 octobre 1996 par Volkswagen AG, direction régionale Sud- Ouest/Franconie, au directeur "Ventes Allemagne" que le prix pratiqué par le concessionnaire Gramling correspond à une remise de 7 % (45). Cette note déclare également ceci:

"Il est tout à fait incompréhensible que, en sa qualité de membre de la commission des concessionnaires, M. Hengehold figure parmi les partenaires qui proposent la nouvelle Passat, avant même qu'elle ne soit mise sur le marché, avec une forte remise de prix. Étant donné que M. Hengehold n'est dans l'entreprise que depuis le 14 octobre 1996, j'ai téléphoné au directeur des ventes responsable, M. Seifried, pour exiger qu'il cesse immédiatement de faire ce genre d'offres de prix préjudiciables à l'image de la marque et pour lui dire que Volkswagen AG se réservait le droit de prendre d'autres mesures."

(49) Dans une lettre de Volkswagen AG adressée le 16 octobre 1996 (46) au concessionnaire Hirschauer de Baierbrunn au sujet de la "remise accordée sur la Passat B 5", on peut lire ceci:

"Cher Monsieur,

Par lettre du 26 septembre 1996, notre directeur des ventes, M. Peter Giffhorn, vous a sommé de respecter la discipline tarifaire pour la nouvelle Passat.

Le 10.10.1996, votre vendeur, M. Aurich, consentait déjà par téléphone une remise de plus de 12 %. Nous considérons que cette manière d'agir est préjudiciable à la marque, car elle remet en question la revalorisation de la Passat dès le lancement de celle-ci.

Avec la nouvelle Passat et son rapport prix-performances, vous avez une magnifique occasion d'améliorer la rentabilité de votre entreprise.

Par la présente, nous vous mettons en demeure d'abandonner immédiatement cette pratique."

(50) Le 10 avril 1997, un entretien a eu lieu à Baierbrunn entre deux représentants de Volkswagen AG, région Sud, et le concessionnaire Hirschauer. La teneur de l'entretien est consignée dans le procès-verbal du 10 avril 1997 (47) sous le titre "störendes Nachlassverhalten des Händlers Hirschauer in Baierbrunn" (politique de prix fâcheuse du concessionnaire Hirschauer de Baierbrunn): le représentant de Volkswagen AG, région Sud, a indiqué aux trois représentants de la concession Hirschauer présents à la réunion que, au cours du premier semestre, 54 véhicules avaient été vendus sur le territoire de concession et 369 en dehors de ce territoire, ce qui s'expliquait par le fait que la société Hirschauer avait démarché les clients par voie d'annonces de presse proposant de fortes remises. Ces clients ne bénéficient pas du service après-vente, et ne peuvent d'ailleurs absolument pas en bénéficier.

(51) Il a également été reproché à la société Hirschauer de ne pas suffisamment prospecter son territoire de concession, car 54 % (48) seulement des livraisons avaient été effectuées sur ledit territoire, soit un taux inférieur au taux moyen de 72 %. La note se termine par l'indication qu'il a été convenu entre les représentants de Volkswagen AG et le concessionnaire qu'il fallait:

"die Auslieferungen durch entsprechende Vorgaben an Herrn Aurich (Rabattverhalten, GW (49) - Inzahlungnahme usw.) auf ein der Größenordnung des Betriebes angemessene Zahl zu stabilisieren (stabiliser les livraisons à une quantité adaptée à la taille de l'entreprise, en donnant des instructions en ce sens à M. Aurich (remises à pratiquer, reprise des anciennes voitures, etc.)."

(52) Cet entretien avec le concessionnaire Hirschauer a été suivi de la lettre de Volkswagen AG, "Ventes Allemagne, région Sud", du 18 avril 1997 (50). Dans cette lettre ayant pour objet le "Rabattverhalten" (politique de remises), on peut lire ceci:

"Cher Monsieur,

Nous vous confirmons par la présente l'entretien qui a eu lieu le 10 avril 1997 dans la région Sud de Volkswagen.

Cet entretien était motivé par le comportement résolument inchangé qui perturbe le marché en matière de publicité pour des voitures neuves. Nous avions déjà été contraints de mettre votre établissement en demeure par lettre du 16 octobre 1996.

La situation globale a été discutée avec vous de façon approfondie, ce qui a permis de constater que votre marché n'est exploité qu'à 54 % dans le secteur des voitures neuves, que votre entreprise ne revend pas à des clients finals les voitures d'occasion en reprise et que les clients pour des voitures neuves sont démarchés par des annonces dans la presse qui proposent de fortes remises.

Tout cela est contraire à tous les usages du commerce, ce que confirme d'ailleurs le mauvais résultat d'exploitation des années 1994 à 1996 qui nous est parvenu entre-temps (résultat faible, parfois avec des pertes).

Nous n'avons pu nous défendre de l'impression que votre vendeur, M. Aurich, a les coudées trop franches et que vous ne mesurez plus l'ampleur de son activité.

Il a été décidé de définir par écrit avec M. Aurich des instructions concrètes, comme les quantités, les remises, les reprises de voitures d'occasion, etc., et de les adapter à la taille de votre entreprise et de votre marché.

Par la présente, nous vous sommons une fois encore expressément, dans notre intérêt commun (image de la marque), de modifier votre façon d'agir telle qu'elle est décrite ci-dessus, faute de quoi des conséquences contractuelles seront inévitables.

..."

(53) Au mois de septembre 1998, le concessionnaire Tiemeyer de Bochum a envoyé à ses clients une lettre publicitaire les invitant à une journée "portes ouvertes" le samedi 12 septembre 1998 (51). Cette lettre indique:

"Vous pourrez examiner à votre aise les derniers modèles Volkswagen et Audi. Nous avons d'ailleurs préparé de nombreuses offres spéciales à votre intention.

À l'occasion de cette journée "portes ouvertes":

- notre atelier accorde une remise de 20 % sur tous les frais de main-d'œuvre,

- notre magasin accorde une remise de 15 % sur toutes les pièces de rechange,

- notre département "voitures d'occasion" accorde une remise de 10 % sur tous les véhicules d'occasion,

- notre département "voitures neuves" accorde une remise de 10 % sur tous les véhicules."

(54) Par lettre du 13 octobre 1998 (52), Volkswagen AG a indiqué ce qui suit au concessionnaire Tiemeyer:

"À l'occasion de votre "journée portes ouvertes", vous avez envoyé à vos clients des lettres publicitaires dans lesquelles vous proposez des remises excessives sur les véhicules neufs, les pièces de rechange et les travaux d'atelier de votre établissement.

Indépendamment du fait que nous considérons que cette action promotionnelle est extrêmement préjudiciable à la marque, nous vous signalons qu'elle constitue une infraction à la législation sur les remises.

C'est pourquoi nous vous invitons à vous abstenir dorénavant de faire ce genre d'offre promotionnelle. "

(55) En date du 19 octobre 1998, Tiemeyer a confirmé ce qui suit à Volkswagen AG:

"(...) comme suite à notre entretien de ce jour au sujet de notre journée "portes ouvertes", nous vous informons que nous n'organiserons plus de manifestation de ce genre, car nous nous sommes rendu compte, de notre côté, que nous avions manqué notre but avec cette action (...)" (53)

4. ARTICLE 81 (EX-ARTICLE 85) (54), PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ CE

4.1. Accord entre entreprises

(56) La société Volkswagen AG et ses concessionnaires contractuels allemands sont des entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1.

(57) Les trois circulaires (voir considérants 33 à 35) relèvent des liens contractuels de Volkswagen AG avec les concessionnaires. Elles concrétisent ces liens sur le plan de la formation des prix, en ce sens que les concessionnaires considèrent les prix tarif conseillés pour la nouvelle VW Passat non pas comme des prix recommandés, mais essentiellement comme des prix imposés et ont tout au plus le droit de consentir des remises minimes. Dans la première circulaire, du 26 septembre 1996, ces instructions étaient complétées par l'invitation lancée aux concessionnaires à "transmettre toutes les annonces de partenaires Volkswagen qui ne respectent pas la discipline tarifaire". Par conséquent, les circulaires établissent la politique de distribution de Volkswagen AG pour un modèle donné de voiture particulière. D'après la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes (55), l'agrément au sein du réseau de concessionnaires se fonde sur l'acceptation, expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique de distribution poursuivie par le constructeur. C'est pour cette raison que les circulaires constituent un élément des accords de Volkswagen AG avec ses concessionnaires contractuels, car elles doivent être considérées comme participant de relations d'affaires suivies, sur la base d'un accord général existant (le contrat de concession).

(58) Les mises en demeure adressées à cinq concessionnaires Volkswagen (considérants 29 et suivants et considérants 44 et suivants) - parmi lesquelles la lettre adressée à Binder le 24 septembre 1996 (considérant 30) avait déjà été envoyée peu de temps avant la première des trois circulaires adressées à tous les distributeurs allemands - relèvent également des liens contractuels de Volkswagen AG avec ses concessionnaires. Elles concrétisent ces liens en ce qui concerne le comportement tarifaire des concessionnaires, en ce sens que ceux-ci doivent modifier leur politique de prix et qu'ils doivent mentionner dans leur publicité essentiellement les prix conseillés non imposés de Volkswagen AG pour la VW Passat et exiger ces prix lors de la vente des véhicules. Ces mises en demeure, qui menacent les concessionnaires de conséquences juridiques en cas de non-respect des instructions, constituent, par conséquent, elles aussi un élément des accords de Volkswagen AG avec les concessionnaires contractuels qui les ont reçues.

(59) On constate donc qu'il existait entre Volkswagen AG et ses concessionnaires allemands un système d'accords composé des trois circulaires et des mises en demeure adressées à certains concessionnaires, qui a servi à l'application de la discipline tarifaire pour la nouvelle VW Passat. Du reste, cet objectif a été confirmé lors des réunions de Volkswagen AG avec la commission des concessionnaires (considérants 42 et suivants).

(60) La société Volkswagen AG conteste que les mesures incriminées aient constitué des accords au sens de l'article 81, paragraphe 1. Elle estime que les mesures incriminées constituent des actes unilatéraux qui échappent à ladite disposition (56). Alors que dans les affaires AEG (57) et Ford (58) citées par la Commission, ainsi que dans l'affaire BMW (59), il s'agissait, selon elle, de l'interprétation de clauses contractuelles ou de la portée matérielle d'une telle clause, la politique des prix concernée en l'espèce n'est pas mentionnée dans le contrat. Cette politique serait même contraire à l'article 8, paragraphe 1, du contrat de concession, qui prévoit que seules des recommandations de prix non contraignantes de la part du constructeur sont autorisées. Par conséquent, Volkswagen AG estime que sa politique de distribution litigieuse n'a pas été, comme le prétend la Commission, acceptée tacitement par les concessionnaires lors de la signature du contrat.

(61) La Commission ne saurait, pour plusieurs motifs, adhérer à cette interprétation de Volkswagen AG.

(62) Premièrement, le Tribunal de première instance a établi, dans l'affaire Volkswagen, en se référant explicitement aux arrêts dans les affaires Ford et BMW, que des invitations adressées par un constructeur automobile à ses concessionnaires sous contrat constitue un accord lorsqu'ils "(visent)... à influencer les concessionnaires ... dans l'exécution de leur contrat avec (le constructeur ou l'importateur)" (60). On ne pourrait contester que cette condition était remplie en l'espèce. Le fait que le contrat ait comporté une clause de laquelle relevait l'invitation de Volkswagen AG ou que cette invitation ait été contraire à une autre clause est par conséquent dénué de pertinence.

(63) Deuxièmement, on ne pourrait, en toute hypothèse, souscrire aux affirmations selon lesquelles, d'une part, il n'existerait pas, dans le contrat, de disposition relative à la politique des prix et, d'autre part, l'invitation serait même contraire à l'article 8, paragraphe 1, dudit contrat.

(64) Ainsi qu'il ressort des documents, Volkswagen AG s'est fondée, pour mettre en demeure ses concessionnaires, sur l'article 2, paragraphe 6, du contrat de concession Volkswagen/Audi (61), ou sur l'article 2, paragraphe 1, du contrat de concession Volkswagen (62), selon le cas. Ces dispositions obligent les concessionnaires VW "à défendre les intérêts de Volkswagen AG, de l'organisation de distribution Volkswagen et de la marque Volkswagen et d'en assurer la promotion par tous les moyens. Le concessionnaire respectera, à cette fin, toutes les exigences propres à l'exécution du contrat en ce qui concerne la distribution d'automobiles Volkswagen neuves, l'approvisionnement en pièces détachées, le service après-vente, la promotion des ventes, la publicité et la formation, ainsi que la garantie du niveau technique des divers domaines des opérations de Volkswagen". Volkswagen AG invoque expressément cette disposition dans les lettres de mise en demeure adressées aux concessionnaires Binder le 24 septembre 1996 (considérant 29) et Rütz, le 2 octobre 1996 (considérant 44). Plus précisément, le comportement tarifaire de ces concessionnaires est qualifié de "préjudiciable à la marque", et ils sont "invités à s'abstenir désormais de passer une annonce (de cette nature)". Dans les autres documents concernés, Volkswagen AG s'abstient certes d'invoquer une disposition précise du contrat de concession, mais il est évident qu'elle avait également à coeur de concrétiser, par des "invitations" idoines, l'obligation générale pour les concessionnaires de représenter et de promouvoir les intérêts du constructeur. Dans la première et la troisième circulaires, dans les discussions avec l'association des concessionnaires (Volkswagen et Audi) et la commission des concessionnaires (Volkswagen), ainsi que dans les lettres adressées aux concessionnaires Gramling, Hirschauer et Tiemeyer, Volkswagen AG dit clairement qu'elle considère que le fait de consentir des remises élevées nuit gravement auxdits intérêts. Ces remises sont également qualifiées de "préjudiciables à la marque", ou au "produit".

(65) On ne pourrait par conséquent admettre l'existence d'une quelconque contradiction entre les invitations en question et l'article 8, paragraphe 1, des contrats de concession. Aux termes de cette disposition, "VW AG fait des recommandations de prix non contraignantes pour le prix final et les remises". Selon les paragraphes suivants de cette disposition, ces recommandations doivent être intégrées dans le calcul des prix et des indemnités de clientèle applicables entre le concessionnaire et le constructeur. Le fait que ce mécanisme comporte le droit pour le constructeur de formuler des recommandations de prix non contraignantes n'offre pas la garantie aux concessionnaires que le constructeur s'abstiendra à tout jamais d'instructions contraignantes en matière de prix, par exemple dans le cadre de l'article 2, paragraphe 1, du contrat de concession.

(66) Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par de nombreux indices dans le comportement des intéressés. Si les invitations litigieuses n'avaient pas été couvertes par le contrat de concession, voire si elles lui avaient été contraires, comme Volkswagen AG l'affirme à présent (a posteriori), le constructeur n'aurait pas pu menacer les concessionnaires de mesures fondées sur ledit contrat. À cet égard, l'affirmation de Volkswagen AG (63) selon laquelle elle ne se serait pas "réservé de quelconques mesures au cas où un concessionnaire n'aurait pas respecté les prix recommandés" est en contradiction flagrante avec les documents concernés. Dans les lettres précitées, les concessionnaires Binder et Rütz sont menacés, "en cas de récidive", de la "résiliation" du contrat de concession ou de "mesures d'ordre juridique". De même, dans la lettre adressée au concessionnaire Hirschauer le 18 avril 1997 (considérant 52), Volkswagen AG a brandi la menace de "conséquences juridiques (...) inévitables", si le concessionnaire ne modifiait pas sa façon d'agir. Il ressort également des lettres de réponse de Binder du 27 septembre 1995 (considérant 31) et de Rütz du 2 octobre 1996 (considérant 45) que les concessionnaires admonestés ont résolument situé les mises en demeure dans un contexte contractuel. Ils ont certes contesté avoir enfreint la lettre du contrat dans sa version initiale formellement signée par le constructeur et les concessionnaires, mais ils ont manifestement interprété les invitations comme des précisions du contrat conformément aux (nouveaux) souhaits de Volkswagen AG. Le concessionnaire Binder a ainsi répondu qu'il avait avisé son collaborateur responsable de s'abstenir désormais d'annonces publicitaires de la nature dénoncée par le constructeur. Aucun concessionnaire n'a affirmé que les instructions de Volkswagen AG étaient étrangères au contrat de concession.

(67) Les déclarations des représentants des intérêts des concessionnaires ainsi que d'un concessionnaire en particulier vont dans le même sens. Les ordres du jour de diverses réunions à huis clos de l'association des concessionnaires qui ont eu lieu après l'introduction de la politique tarifaire litigieuse de Volkswagen permettent, d'une façon générale, de connaître la position de l'association quant aux mesures du constructeur conduisant à une discipline renforcée au niveau des prix. Ces mesures ne sont aucunement qualifiées d'étrangères au contrat, mais sont au contraire accueillies favorablement (considérants 36 et suivants). Les représentants des concessionnaires se sont exprimés de la même manière à la commission des concessionnaires Volkswagen, comme le montrent les procès-verbaux des réunions du 16 juin et du 16 octobre 1997 (considérants 42 et 43). Selon ce dernier procès-verbal, l'association des concessionnaires qualifie de "comportement préjudiciable à la marque et aux produits", qu'elle "désapprouve et condamne formellement", les remises élevées pratiquées pour un autre nouveau modèle. Enfin, le concessionnaire Morrkopf a également qualifié de "préjudiciables à la marque" les remises pratiquées par un autre concessionnaire et n'a pas hésité, ce faisant, à dénoncer ce comportement, conformément à l'invitation contenue dans la première circulaire de Volkswagen AG.

(68) En l'espèce, la question de savoir si et dans quelle mesure les concessionnaires Volkswagen allemands ont effectivement modifié la formation de leurs prix en fonction des circulaires et des mises en demeure peut être laissée en suspens.

(69) Vu l'ensemble des considérations qui précèdent, l'objection soulevée par Volkswagen AG a posteriori dans le cadre de la procédure administrative selon laquelle les circulaires et les mises en demeure sont étrangères au contrat de concession, voire constituent une violation de celui-ci, de sorte qu'elles constituent des actes unilatéraux, ne saurait être accueillie.

4.2. Restriction de la concurrence

(70) Il ressort des considérations qui suivent que les mesures en cause ont gravement restreint la concurrence, ce que Volkswagen AG n'a d'ailleurs pas contesté dans sa réponse à la communication des griefs.

4.2.1. Objet des mesures: restriction de la concurrence

(71) Les trois circulaires de Volkswagen AG et les mises en demeure des concessionnaires Volkswagen allemands (64) avaient pour objet déclaré d'inciter ceux-ci à ne pas s'écarter, ou à ne s'écarter que légèrement, des prix tarif recommandés "non imposés". Ces mesures avaient donc pour but d'imposer des prix de vente, c'est-à-dire de restreindre la concurrence intramarque par les prix. Il s'agit par conséquent d'un cas de fixation des prix au sens de l'article 81, paragraphe 1, point a).

(72) Volkswagen AG soutient que le concessionnaire Tiemeyer a enfreint la loi allemande relative aux remises et qu'il n'y a donc pas restriction de concurrence. Il convient de relever à cet égard que la loi allemande relative aux remises interdit simplement d'annoncer des prix qui sont le résultat de "remises" (supérieures à 3 %) par rapport aux prix "normaux". En revanche, il est loisible au concessionnaire d'annoncer les mêmes prix sans les présenter comme le résultat d'une remise. Volkswagen ne se souciait pas tant, ou du moins pas uniquement, du caractère inadmissible de l'annonce au regard de la loi sur les remises que du niveau du prix proprement dit.

4.2.2. Effet des mesures

(73) Volkswagen AG ajoute que les différentes circulaires n'ont pas entraîné de modification du comportement des concessionnaires et que ceux-ci ont continué à accorder des remises de l'ordre de 10 % du prix tarif conseillé (65).

(74) Dans les circonstances de l'espèce, il est pratiquement impossible de connaître le comportement exact des concessionnaires. Cet élément n'est cependant pas déterminant. Selon une jurisprudence constante, il suffit, pour l'application de l'article 81, paragraphe 1, que la mesure concernée vise, comme en l'espèce (considérants 71 et suivants), une restriction de concurrence. En revanche, il n'est pas nécessaire de démontrer qu'elle entraîne effectivement une telle restriction (66).

4.2.3. Caractère sensible de la restriction de la concurrence

(75) En l'espèce, le caractère sensible de la restriction de la concurrence par les prix induite par les circulaires et les mises en demeure, dont l'objectif a été confirmé lors des réunions de la commission des concessionnaires, ressort d'une appréciation d'ensemble des considérations suivantes.

(76) En premier lieu, les mesures contestées sont à l'origine de la fixation de prix de vente et donc de la suppression d'une variable essentielle de la concurrence, à savoir la possibilité de consentir des remises. L'importance de ce facteur de concurrence dans le secteur de la vente de voitures est confirmée par l'article 6, paragraphe 1, point 6, du règlement (CE) n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (67) (68), selon lequel l'exemption ne s'applique pas dès lors que le constructeur, notamment, restreint la liberté du distributeur de déterminer les prix et les remises lors de la revente des produits contractuels (69).

(77) En second lieu, ces mesures visaient à inciter les concessionnaires à adopter un comportement tarifaire différant considérablement du comportement concurrentiel normal. D'après les indications de Volkswagen AG, les concessionnaires Volkswagen allemands ont consenti, pour leur offre globale de produits et services, des remises moyennes de 9,7 % (1995), 10,1 % (1996) et 9,9 % (1997) sur les prix tarif conseillés (considérant 22). Si, selon ces indications (70), les remises consenties sur les nouveaux modèles de véhicules étaient plus faibles que pour les modèles de fin de série, il est toutefois manifeste qu'il en est allé autrement pour la nouvelle VW Passat. Ainsi, l'un des concessionnaires mis en demeure a proposé ce modèle (considérant 48) avec une remise de 7 %, tandis qu'un autre proposait une remise de 12 % (considérant 49). Le montant de ces remises, que les mesures contestées devaient ramener, si possible, à zéro, donnent une idée du comportement concurrentiel qui aurait pu être escompté en l'absence de ces mesures. Volkswagen AG reconnaît elle-même que "il n'y a probablement aucun concessionnaire qui n'accorde pas de remise" (71).

(78) En troisième lieu, la restriction de la concurrence par les prix décrite ci-dessus a concerné tous les concessionnaires allemands du réseau de distribution sélectif et exclusif de Volkswagen AG et a induit une restriction de la concurrence intramarque, non seulement entre les concessionnaires Volkswagen allemands, mais aussi entre ces derniers et leurs homologues étrangers. Cette considération est approfondie au point 4.3.

(79) En quatrième lieu, la VW Passat est un modèle de voiture très prisé en Allemagne, que l'on se situe sur le plan des chiffres de vente absolus ou sur celui du segment auquel elle appartient. En 1997, c'est-à-dire peu après son lancement, elle était déjà, avec une part d'environ 15 %, le deuxième modèle le plus vendu en Allemagne dans le segment D, derrière l'Opel Vectra. Au premier semestre de 1998, elle a même atteint une part de 16 % de ce segment en Allemagne. La restriction de la concurrence a porté sur toutes les livraisons de véhicules VW Passat neufs en Allemagne. Même si l'on ne considérait pas seulement le segment D auquel la VW Passat appartient, mais aussi, en raison de chevauchements possibles, les segments voisins C et E du marché en cause, la part de ce modèle se situerait à plus de 6 % dès 1997 en Allemagne et atteindrait donc une importance suffisante. Dans ce contexte, il faut également signaler que, d'après la communication concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, l'applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, à des accords (verticaux) de prix imposés n'est pas exclue, même si la part de marché des entreprises participantes est inférieure à 10 % (72).

(80) La mesure était limitée au territoire de l'Allemagne et elle y a eu un effet sensible. Volkswagen AG, opérateur qui dispose d'une grande expérience du marché, considérait manifestement qu'une mesure limitée à l'Allemagne y déploierait des effets qui ne seraient pas excessivement entravés par des importations parallèles. Il convient de prendre en considération, à cet égard, que pendant la période litigieuse, les importations parallèles de VW Passat neuves ont certes été considérables, mais qu'elles n'ont représenté qu'une fraction minime de ventes du réseau de distribution Volkswagen allemand (considérants 25 et suivants), et ce, malgré le fait que pendant la même période, d'importants écarts de prix au détail de la VW Passat entre l'Allemagne et une série d'autres États membres (considérant 18) étaient signalés et que depuis l'instauration du certificat de conformité européen (73), il était possible d'immatriculer toute voiture particulière neuve achetée dans l'Union européenne dans tout État membre sans nouveau contrôle technique. D'autres obstacles au commerce parallèle subsistent néanmoins: l'achat d'une voiture particulière neuve par un consommateur final dans un autre État membre demeure, dans les faits, une opération difficile qui entraîne un surcroît de formalités par rapport à l'achat auprès d'un concessionnaire du réseau national. De nombreux concessionnaires préfèrent, surtout s'ils considèrent qu'une vente à un acheteur de leur territoire contractuel est possible et particulièrement pour les modèles les plus demandés, servir d'abord la clientèle locale. Il est également fréquent qu'ils exigent des acomptes élevés aux clients étrangers. L'ensemble de ces raisons a pour conséquence que le commerce parallèle ne restreint que marginalement les achats auprès d'un concessionnaire du réseau national et, partant, qu'il n'est pas de nature à provoquer un alignement des prix allemands (relativement élevés) sur ceux (moins élevés) pratiqués dans d'autres États membres.

4.3. Mesures de nature à affecter de manière sensible le commerce entre États membres

(81) Une autre condition de l'applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, réside dans le fait que les mesures contestées prises par Volkswagen AG sont de nature à affecter de façon sensible le commerce entre États membres.

(82) Un accord entre entreprises, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre États (74). Par ailleurs, la Cour de justice a établi que le commerce intracommunautaire est affecté non seulement lorsque la mesure restreint l'échange intracommunautaire de biens ou cloisonne les marchés nationaux, mais aussi lorsque l'accord aboutit à une extension même considérable du volume des échanges entre États membres (75). Partant, il suffit de démontrer qu'un accord est de nature à influer sur l'échange de biens intracommunautaire (76).

(83) La mesure litigieuse en l'espèce visait à maintenir artificiellement à un niveau élevé les prix de la VW Passat en Allemagne. Elle a abouti à maintenir, voire à renforcer une zone de prix élevés s'étendant à la totalité du territoire allemand. En outre, elle était applicable indépendamment du fait que le client soit résident en Allemagne ou dans un autre État membre.

(84) L'importance des écarts de prix entre États membres est un facteur dont l'influence sur les échanges intracommunautaires est reconnue, comme l'attestent notamment l'ampleur des importations en Allemagne en provenance de Belgique, de France, des Pays-Bas, d'Espagne, d'Italie, de Suède et du Danemark (considérant 25). Volkswagen AG confirme elle aussi l'importance générale des écarts de prix en indiquant que les ventes de véhicules de l'Allemagne vers le reste de l'Union européenne ont été limitées, car les prix de vente des voitures particulières de la marque VW en Allemagne sont supérieurs à ceux de la plupart des autres pays de l'Union européenne (77).

(85) Par conséquent, les mesures litigieuses étaient notamment susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres en modifiant les importations en Allemagne. Si les clients allemands de Volkswagen sont privés de la possibilité d'obtenir des remises suffisamment élevées de la part des concessionnaires allemands, l'incitation financière à acquérir une voiture neuve à l'étranger s'accroît d'autant.

(86) En ce qui concerne les exportations d'Allemagne, il convient de rappeler que les prix dans ce pays sont certes traditionnellement élevés, de sorte que les exportations vers la plupart des autres États membres semblent être relativement faibles, mais qu'il existe une situation particulière avec le Royaume-Uni. En effet, l'Allemagne vient traditionnellement, en ce qui concerne, par exemple, le niveau de prix de la VW Passat, après cet État membre, et n'occupe donc que la deuxième position (voir l'aperçu du niveau des prix dans les États membres au considérant 18). C'est ainsi que, durant la période en cause, de nombreux consommateurs finals britanniques se sont portés acquéreurs de la nouvelle VW Passat en Allemagne. D'après les renseignements fournis par Volkswagen AG (78), les ventes en Allemagne de véhicules Volkswagen avec conduite à droite, surtout à des clients résidant au Royaume-Uni et/ou en Irlande, ont totalisé 100 exemplaires en 1997 et déjà 696 exemplaires en 1998 (considérant 25). Les exportations allemandes de VW Passat se sont élevées à 4 véhicules en 1997, 149 en 1998 et 111 en 1999. Les mesures contestées étaient susceptibles d'inciter les acheteurs intéressés par un véhicule avec conduite à droite à envisager une importation parallèle en provenance d'autres États membres, à savoir ceux où les prix sont plus bas (par exemple la Belgique ou les Pays-Bas), voire à renoncer totalement à une importation parallèle. Elles étaient par conséquent susceptibles de provoquer, que ce soit par la limitation ou par la déviation des flux d'échange, une baisse sensible des exportations d'Allemagne vers un autre État membre auxquelles une concurrence normale aurait donné lieu.

(87) Volkswagen AG conteste que l'affectation du commerce intracommunautaire soit sensible (79). En se référant à la jurisprudence de la Cour de justice (80), elle insiste particulièrement sur le fait qu'un cloisonnement supposé par la Commission dans les cas d'accords verticaux n'existe que s'il entravait les livraisons transfrontalières, s'il empêchait des concurrents étrangers d'avoir accès au marché ou si des interdictions de concurrence étaient décidées. Or, dans la présente affaire, qui ne concernerait que la tentative d'influer sur les prix avec la limitation au territoire d'un État membre, on ne saurait, estime Volkswagen AG, constater un cloisonnement des marchés. Les autres arguments de la Commission, à savoir que les mesures auraient réduit les exportations vers d'autres États membres et accru l'attrait pour les consommateurs allemands d'acheter des véhicules neufs à l'étranger, ne seraient pas pertinents. Au soutien de ce point de vue, Volkswagen évoque le volume restreint du commerce entre concessionnaires de différents États membres, lequel serait déterminé notamment par les délais de livraison - comme dans le cas de la nouvelle VW Passat - ou les prix allemands élevés. En outre, par rapport à leur clientèle de base, les concessionnaires n'auraient guère été intéressés par la vente à des clients étrangers.

(88) La Commission ne peut adhérer à cette argumentation. En effet, le commerce intracommunautaire n'est pas affecté seulement lorsqu'une mesure aboutit au cloisonnement des marchés. Comme indiqué précédemment (considérant 81), il suffit que la mesure soit de nature à modifier de façon positive ou négative les échanges intracommunautaires de marchandises, c'est-à-dire à influer sur ces échanges. La Commission a établi que cette condition était remplie.

(89) L'argument de Volkswagen AG selon lequel le lancement de la VW Passat en Allemagne a donné lieu à des retards de livraison et les concessionnaires ont livré leurs véhicules en priorité à leur clientèle de base (81), ne modifie pas non plus ce constat. Des effets de cette nature n'ont pas pu avoir l'incidence que Volkswagen AG leur attribue a posteriori. En premier lieu, les concessionnaires Volkswagen allemands n'auraient pas été incités à consentir dès l'introduction sur le marché des remises considérables, comme le constructeur a cherché à les interdire en l'espèce, si la demande avait été nettement supérieure à l'offre. En deuxième lieu, des concessionnaires Volkswagen allemands ont dès le départ livré des quantités non négligeables de VW Passat nouveau modèle au Royaume-Uni (considérant 25). En troisième lieu, l'existence de retards de livraison en Allemagne n'aurait pu contribuer qu'à inciter un plus grand nombre de clients allemands à acheter un véhicule dans un autre État membre, tendance que la politique de prix élevés de Volkswagen AG était susceptible de renforcer. En quatrième lieu, la politique des prix imposés a été maintenue pendant près de trois ans, donc nettement au delà de la phase de lancement.

(90) L'objection de Volkswagen AG affirmant que, dans la mesure où l'Allemagne est un pays à prix élevé, elle n'est pas un marché intéressant pour les réexportations ne modifie pas, par nature, le fait que les mesures aient été susceptibles de renforcer les flux d'échanges en direction de l'Allemagne. Par ailleurs, cette objection est, en toute hypothèse, dénuée de pertinence en ce qui concerne le Royaume-Uni. Vis-à-vis des clients de cet État membre au moins, comme vis-à-vis des clients allemands, le fait de consentir des remises constituait, pour les concessionnaires, un instrument adapté pour faire des offres compétitives en vue d'attirer la demande de ces clients (82).

(91) Par conséquent, l'imposition de prix était susceptible d'influer sensiblement sur le commerce transfrontalier concernant le modèle VW Passat, tant sur le plan des exportations que des importations. Elle visait pour le moins à rendre particulièrement difficile aux concessionnaires Volkswagen allemands de s'imposer dans la concurrence intramarque avec les concessionnaires Volkswagen d'autres États membres. L'imposition des prix a créé ou renforcé pour le modèle de véhicule concerné une zone de prix élevés artificiels, étendue à l'Allemagne, qui est incompatible avec l'objectif d'un marché unique.

4.4. Récapitulation

(92) La Commission constate par conséquent que les mesures prises par Volkswagen AG pour restreindre la concurrence par les prix pour la nouvelle VW Passat répondent au critère énoncé à l'article 81, paragraphe 1.

5. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3, DU TRAITÉ CE

5.1. Exemption par catégorie du système de distribution VW par le règlement (CE) n° 1475-95

(93) Les mesures contestées ne sont pas exemptées par le règlement (CE) n° 1475-95.

5.2. Exemption individuelle

(94) Une exemption individuelle n'a pas été accordée et n'est pas envisageable.

(95) L'imposition des prix ne contribue pas à améliorer la production ou (en l'espèce) la distribution des produits. Il est vrai qu'elle doit améliorer la rentabilité des concessionnaires Volkswagen allemands et leur permettre d'atteindre ou de conserver les niveaux de résultats indiqués par Volkswagen AG et elle pourrait ainsi contribuer au maintien d'un maximum d'entreprises de concessionnaires, mais rien n'indique que le maintien de certaines entreprises, qui ne seraient pas viables dans des conditions normales de concurrence, améliorerait sensiblement la distribution des produits ou que cette amélioration supposée pourrait compenser les inconvénients de la restriction de la concurrence. De plus, rien ne garantit que le bénéfice plus important dégagé par les concessionnaires Volkswagen grâce à l'abandon des remises lors de la vente de véhicules VW Passat neufs serve au maintien des entreprises des concessionnaires.

(96) De même, les consommateurs ne prennent pas part au profit qui en résulte. Bien au contraire, ils doivent payer un prix d'achat plus élevé pour les véhicules et n'en retirent aucun avantage perceptible.

6. DURÉE DE L'INFRACTION

(97) L'infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, peut être constatée au plus tard depuis le 26 septembre 1996, c'est-à-dire la date à laquelle a été envoyée la première circulaire (considérant 33). L'infraction a été confirmée et prolongée par chacune des deux circulaires suivantes (considérants 34 et suivants).

(98) Par lettre du 22 juillet 1999, Volkswagen AG a fait part à la Commission de son intention de prendre toutes les mesures indiquées dans la communication des griefs en vue de mettre un terme à l'infraction. À sa réponse écrite du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, l'entreprise a joint la copie d'une circulaire adressée le 6 septembre 1999 à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen allemands. Se référant aux circulaires contestées des 26 septembre 1996, 17 avril 1997 et 26 juin 1997, cette circulaire informait les concessionnaires que les restrictions de la concurrence par les prix visées dans les circulaires précitées étaient désormais supprimées et qu'ils n'avaient à craindre aucune mesure juridique ou autre mesure défavorable de la part de Volkswagen AG en raison de leur politique tarifaire. La teneur de cette circulaire a été portée à la connaissance de l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi par lettre datée du même jour et l'association devait, selon les termes de ladite lettre, encore être informée verbalement de sa teneur.

(99) En outre, les concessionnaires Tiemeyer, Binder et Hirschauer ont été informés par lettre individuelle du 6 septembre 1999 que les lettres de mise en demeure (considérants 30, 49, 52 et 54) étaient caduques. Le concessionnaire Rütz, qui avait été mis en demeure par lettre du 2 octobre 1996 (considérant 44), aurait, selon les indications de Volkswagen AG, quitté le réseau de distribution Volkswagen à la fin de 1997.

(100) La Commission constate donc que l'infraction a duré du 26 septembre 1996 au 6 septembre 1999, soit près de trois ans.

7. DESTINATAIRE DE LA PRÉSENTE DÉCISION

(101) La société Volkswagen AG a commis l'infraction en cause à l'article 81, paragraphe 1, en ayant convenu avec les concessionnaires allemands de son réseau de distribution une discipline tarifaire rigoureuse, et donc des prix imposés, pour le modèle VW Passat. Par conséquent, Volkswagen AG est destinataire de la présente décision.

8. ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT n° 17

(102) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, dans le cadre défini par ledit article, infliger des amendes aux entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, celles-ci commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1.

8.1. Imposition d'une amende

(103) La Commission juge nécessaire, en l'espèce, d'infliger une amende à Volkswagen AG. Elle considère que Volkswagen AG a agi de propos délibéré. Elle était consciente que ces mesures provoquaient une restriction de la concurrence (83).

(104) Les membres du réseau de distribution (soit les concessionnaires Volkswagen allemands), en tant que destinataires des invitations générales et individuelles de Volkswagen AG, étaient certes également parties aux accords contraires aux règles de concurrence, mais la Commission estime qu'il ne convient pas d'infliger des amendes à ces entreprises également. L'initiative de l'infraction revient à Volkswagen AG, qui a également, en cas de besoin, exercé une pression considérable sur les concessionnaires. Après qu'elle a eu connaissance du premier cas de remise importante, elle a écrit sans délai au concessionnaire concerné, le sommant de respecter la discipline tarifaire sous peine de résiliation de son contrat de concession. Une circulaire adressée à tous les concessionnaires a été envoyée deux jours après. Dans cette circulaire, l'ensemble des concessionnaires sont prévenus que, en cas de violation de la discipline tarifaire, Volkswagen AG prendrait des mesures contractuelles ("J'ai déjà engagé - en accord avec la commission des concessionnaires - des mesures en conséquence, sous la forme de mises en demeure"; voir considérant 33) (84). Les concessionnaires qui ont ouvertement enfreint la discipline tarifaire ont été mis en demeure, par des lettres individuelles les menaçant de mesures contractuelles. Cela montre que, en l'absence de l'initiative de Volkswagen AG, et, dans certains cas, des pressions qu'elle a exercées sur les concessionnaires, économiquement plus faibles qu'elle, l'infraction en cause n'aurait pas eu lieu. Cette conclusion n'est pas affectée par le fait que les représentants des intérêts des concessionnaires (l'association des concessionnaires Volkswagen et Audi et la commission des concessionnaires Volkswagen) se sont, d'une manière générale, félicités des initiatives prises par Volkswagen AG pour renforcer la discipline tarifaire.

8.2. Montant de l'amende

(105) Pour déterminer le montant de l'amende conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission doit prendre en considération tous les éléments pertinents, et notamment la gravité et la durée de l'infraction.

8.2.1. Gravité de l'infraction

(106) En ce qui concerne la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de la nature de celle-ci, de ses effets réels sur le marché, pour autant qu'ils soient mesurables, et de la taille du marché en cause.

(107) Les mesures prises par Volkswagen AG visaient à supprimer ou, au moins, à restreindre la concurrence par les prix, qui constitue l'un des facteurs les plus importants du jeu de la concurrence (considérants 32 à 35, 71 et 76 à 80). Elles représentent par conséquent une altération particulièrement profonde de la concurrence, de sorte qu'elles constituent par nature une infraction très grave aux règles de concurrence.

(108) Pour un produit homogène qui peut être acheté avec le même équipement chez tous les concessionnaires Volkswagen de l'Union européenne, les remises sur les prix tarif conseillés sont, en plus du service après-vente, le principal paramètre concurrentiel dont dispose un concessionnaire automobile pour s'imposer, dans la concurrence intramarque et intermarques, vis-à-vis des concessionnaires nationaux et étrangers. Volkswagen AG le concède également (85). Elle indique elle-même avoir recherché à améliorer la rentabilité des concessionnaires, qui était mise en péril par la vivacité de la concurrence (considérants 33, 35, 37 et suivants et considérant 95) (86).

(109) Ces considérations sont confirmées par une étude récente (87). En ce qui concerne la concurrence par les prix, 68 % des acheteurs de véhicules interrogés en Allemagne ont déclaré s'être rendus chez plusieurs concessionnaires afin de comparer les prix et les remises, tandis que 19 % des personnes interrogées ont indiqué comme motif de la consultation de plusieurs concessionnaires la vérification de la disponibilité de la version souhaitée du véhicule, 9 % les conditions de reprise de leur ancienne voiture, 6 % la qualité de l'accueil et 3 % la disponibilité ou le délai de livraison d'une voiture neuve. En outre, 77 % de tous les clients allemands considèrent qu'il est tout à fait normal de négocier le prix lors de l'achat d'une voiture neuve.

(110) Il convient également de tenir compte du fait que dans des conditions de concurrence normales, des remises importantes auraient été probables au moins chez certains concessionnaires (voir, à ce propos, le considérant 77), ce qui aurait également eu des répercussions sur le comportement tarifaire d'autres concessionnaires qui, sans cela, auraient peut-être fait des remises moins généreuses.

(111) Dans ce contexte, il y a également lieu de rappeler que les remises sur le prix des voitures particulières revêtent une grande importance pour le consommateur moyen, car même un pourcentage relativement faible peut lui permettre de réaliser, de son point de vue, une économie importante.

(112) L'infraction a porté sur un modèle (dans ses deux versions) de la gamme de voitures particulières de Volkswagen AG, modèle appartenant à un segment dans lequel la demande est très forte en Allemagne. La VW Passat occupe, dans ce segment en Allemagne, une position éminente (considérants 16 et suivants).

(113) En ce qui concerne la portée géographique de l'infraction, il y a lieu d'observer que les circulaires étaient adressées à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen allemands et qu'elle couvre par conséquent la totalité des ventes des deux versions du modèle VW Passat en Allemagne. Bien qu'un seul État membre soit concerné en l'espèce, celui-ci représente une part considérable du marché des voitures particulières dans l'Union européenne. Il ressort également des déclarations de Volkswagen AG devant la commission des concessionnaires (considérant 42) qu'elle visait une application nationale, si possible, des mesures en Allemagne. L'infraction a également pu avoir des effets sur les consommateurs du Royaume- Uni, bien que dans une mesure nettement moindre que sur les consommateurs allemands. Elle était susceptible de priver les consommateurs du Royaume-Uni intéressés par une importation parallèle en provenance d'Allemagne des avantages dus aux remises qui auraient été vraisemblables dans des conditions de concurrence normales.

(114) Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, la Commission qualifie l'infraction de grave.

(115) À cet égard, il convient de prendre en considération, pour apprécier l'effet dissuasif de l'amende, le fait que le groupe Volkswagen, dont le fleuron est Volkswagen AG, est le plus grand constructeur européen de véhicules et possède avec VW la marque la plus vendue non seulement en Allemagne, où l'infraction a déployé l'essentiel de ses effets, mais également dans toute l'Union européenne. Même si les mesures dont l'existence est établie dans la présente décision ne concernent que deux versions de l'ensemble de sa gamme de modèles, diverses pièces montrent que le constructeur était au moins disposé, s'il le jugeait nécessaire, à prendre des mesures analogues pour d'autres modèles (considérants 35 et 43).

(116) La Commission estime par conséquent que, en regard de la gravité de l'infraction, une amende de 20 millions d'euros constitue un montant de départ adapté pour la détermination de l'amende.

8.2.2. Durée de l'infraction

(117) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la durée de l'infraction est un autre facteur de détermination de l'amende. Comme indiqué aux considérants 97 à 100, l'infraction a duré du 26 septembre 1996 au 6 septembre 1999, soit près de trois ans.

(118) Il s'agit par conséquent d'une infraction de moyenne durée.

(119) La Commission estime que cette durée justifie une majoration du montant susmentionné de 29 % (5,8 millions d'euros), pour atteindre un montant de base de 25,8 millions d'euros.

8.2.3. Circonstances aggravantes et circonstances atténuantes

(120) Pour la détermination du montant de l'amende, il y a également lieu de tenir compte des circonstances atténuantes et aggravantes.

(121) Il faut considérer comme une circonstance aggravante le fait que deux des trois circulaires (considérants 33 et 35) et une partie des mises en demeure adressées aux concessionnaires (considérants 30, 44, 48 et 52) ont non seulement provoqué une restriction de la liberté des concessionnaires de déterminer leurs prix, mais aussi que des mises en demeure et des menaces de mesures juridiques, de réactions "énergiques", voire de résiliation du contrat ont été adressées aux concessionnaires, au cas où ceux-ci n'observeraient pas une meilleure discipline tarifaire. Il faut en outre tenir compte du fait que le directeur des ventes en Allemagne avait déjà "personnellement" invité les concessionnaires et réparateurs Volkswagen, dans la première circulaire du 26 septembre 1996, à lui "transmettre toutes les annonces de partenaires Volkswagen qui ne respectent pas la discipline tarifaire" (considérant 33). Volkswagen AG ne s'est donc pas contentée d'appliquer et de surveiller elle-même la "discipline tarifaire" chez ses cocontractants. Elle a aussi fait intervenir tous les cocontractants allemands - en quelque sorte comme "postes d'écoute" - et les a invités à dénoncer leurs collègues et concurrents "sans discipline tarifaire". Après cette invitation, chaque distributeur Volkswagen allemand devait s'attendre à ce que sa publicité fût surveillée, même par ses concurrents directs. Cette invitation a accru la pression exercée sur les distributeurs Volkswagen allemands pour qu'ils fassent preuve de la discipline tarifaire souhaitée.

(122) C'est pourquoi la Commission considère qu'une majoration de 20 % du montant de base de l'amende est appropriée.

(123) L'argument de Volkswagen AG selon lequel les mesures ne visaient qu'à améliorer la rentabilité des entreprises des concessionnaires (88), ne permet pas de reconnaître une circonstance atténuante à l'entreprise. D'une part, Volkswagen AG visait en premier lieu à préserver d'autres intérêts, à savoir les siens propres, ainsi qu'il ressort des circulaires et des lettres individuelles (voir l'invocation de l'article 2, paragraphe 6 ou paragraphe 1 du contrat de concession et du caractère prétendument "préjudiciable à la marque", etc ..., du comportement des concessionnaires). D'autre part, c'est aux concessionnaires qu'il appartient d'apprécier quelle politique de prix préserve au mieux leurs intérêts économiques. L'article 81 interdit les accords de cette nature précisément parce qu'ils restreignent la liberté d'appréciation des concessionnaires.

(124) La Commission considère qu'il n'y a pas de circonstances atténuantes en l'espèce.

8.3. Conclusion

(125) Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le montant de l'amende doit être fixé à 30,96 millions d'euros,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Volkswagen AG a commis une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE en ce qu'elle a fixé les prix de vente du modèle Volkswagen Passat en exigeant de ses concessionnaires contractuels allemands de ne pas consentir de remises aux clients ou de ne leur consentir que des remises restreintes lors de la vente de ce modèle.

Article 2

En raison de l'infraction visée à l'article 1er, une amende d'un montant de 30,96 millions d'euros est infligée à Volkswagen AG.

Article 3

L'amende fixée à l'article 2 est payable en euros, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, sur le compte bancaire suivant de la Commission des Communautés européennes:

642-0029000-95 (Code IBAN: BE76 6420 0290 0095; Code SWIFT: BBVABEBB)

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA)

Avenue des Arts, 43

B-1040 Bruxelles.

Après l'expiration de ce délai, des intérêts seront dus, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement à la date du premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, avec une majoration de 3,5 points de pourcentage, soit au total 8,05 %.

Article 4

Volkswagen AG, D-38436 Wolfsburg, est destinataire de la présente décision.

La présente décision est exécutoire conformément aux dispositions de l'article 256 du traité CE.

(1) JO 13 du 21.12.1962, p. 204/62.

(2) JO L 148 du 15.6.1999, p. 5.

(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.

(4) Demande de renseignements de la Commission adressée le 17 juillet 1997 à Volkswagen AG et réponse de Volkswagen AG du 22 août 1997.

(5) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à une deuxième demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998.

(6) Observations de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 au sujet des griefs de la Commission, considérants 1 et 5 (p. 139 et suivantes).

(7) Réponse de Volkswagen AG du 21 février 2001 à la demande de renseignements de la Commission du 7 février 2001.

(8) Voir communiqué de presse du VDIK du 13 août 1998, Automobile Trends auf dem deutschen Markt, qui donne les tendances des immatriculations dans les segments de marché Mini, Small, Lower Medium, Medium, Upper Medium, Luxury, Sport, Offroad, et MPV (très petites cylindrées, petites cylindrées, catégorie moyenne inférieure, catégorie moyenne, catégorie moyenne supérieure, luxe, sport, tout-terrain et monospaces).

(9) Voir décision de la Commission du 24 mai 1996 dans l'affaire IV/M.741 - Ford/Mazda (JO C 179 du 22.6.1996, p. 3); décision de la Commission du 14 mars 1994 dans l'affaire IV/M.416 - BMW/Rover (JO C 93 du 30.4.1994). Rapport sur le prix des voitures dans la CE, 1992, p. 29.

(10) Rapport sur le prix des voitures dans la CE, 1992, p. 29.

(11) Auto, Motor und Sport, n° 22 du 21 octobre 1998, p. 126 et suivantes.

(12) Auto, Motor und Sport, n° 22 du 21 octobre 1998, p. 126 et suivantes.

(13) Très petites cylindrées, petites cylindrées, catégorie moyenne inférieure, catégorie moyenne, catégorie moyenne supérieure, catégorie luxe, voitures de sport, cabriolets, voitures tout-terrain et monospaces.

(14) Indications de Volkswagen AG dans la réponse du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, p. 3 (p. 42).

(15) Rapport sur le prix des voitures dans l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Direction générale IV - Concurrence, différentes éditions.

(16) Le territoire contractuel est celui du centre de distribution. Le territoire de concession effectif est toujours constitué par une partie du territoire contractuel. Les obligations contractuelles du concessionnaire ainsi que l'appréciation de ses résultats se fondent sur son territoire de concession. Les dispositions relatives à ces éléments sont identiques dans tous les contrats de concession. Des distinctions sont notamment établies entre les catégories de concessionnaires [Leistungszentrum (Z), Markenspezifische Händler (M), Universalhändler (U) et Kleinhändler (K)] en ce qui concerne les normes qui leurs sont imposées.

(17) Voir considérants 44, 46, 48 à 50 et 52 et les documents cités dans les notes qui s'y rapportent.

(18) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998.

(19) Réponses de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 et du 21 février 2001 aux demandes de renseignements de la Commission.

(20) Réponses de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 et du 21 février 2001 aux demandes de renseignements de la Commission.

(21) Réponse de Volkswagen AG du 21 février 2001 à la demande de renseignements de la Commission du 7 février 2001; les pays pris en considération pour le calcul sont la Belgique, la France, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Italie, la Suède et le Danemark.

(22) Lettre de Volkswagen AG adressée à la Commission le 16 décembre 1998.

(23) Réponse de Volkswagen AG du 21 février 2001 à la demande de renseignements de la Commission du 7 février 2001.

(24) Annonce du 5 septembre 1996 (p. 60).

(25) Lettre de Volkswagen AG (signée par M. Giffhorn, directeur "Ventes Allemagne", et M. Nolte, "Ventes Allemagne/ Réseau de concessionnaires") du 24 septembre 1996 adressée à Autohaus Binder (p. 59), original allemand.

(26) Remarque de la Commission: l'objet indique: VW et Audi/contrat de concession/contrat véhicules utilitaires VW et avenants au 1er janvier 1998.

(27) Lettre de Binder adressée à Volkswagen AG le 27 septembre 1996 (p. 58), original allemand.

(28) Circulaire du 26 septembre 1996 de Volkswagen AG, directeur "Ventes Allemagne", à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen (p. 21).

(29) Note de la Commission: UPE (unverbindliche Preisempfehlung) = prix conseillé.

(30) Circulaire du 17 avril 1997 de Volkswagen AG, directeur "Ventes Allemagne", à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen (p. 12), original allemand.

(31) Circulaire du 26 juin 1997 de Volkswagen AG, directeur "Ventes Allemagne", à tous les concessionnaires et réparateurs Volkswagen (p. 19), original allemand.

(32) Demande de renseignements adressée par la Commission à Volkswagen AG le 8 octobre 1998 (p. 31).

(33) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 2 (p. 48).

(34) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 2 (p. 49).

(35) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 2 (p. 51).

(36) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 2 (p. 50).

(37) Réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, point 6.

(38) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 1 (p. 46).

(39) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe 1 (p. 47).

(40) Télécopie envoyée le 1er octobre 1996 à Volkswagen AG, région Cologne (p. 72).

(41) Lettre de Volkswagen AG du 2 octobre 1996 à Bernhard Rütz GmbH (p. 71), original allemand.

(42) Lettre de Bernhard Rütz GmbH du 2 octobre 1996 à Volkswagen AG, "Ventes Allemagne" (p. 70).

(43) Télécopie de M. Offermann du 7 octobre 1996 envoyée à Volkswagen AG, région Stuttgart (p. 53); lettre (avec annexes) du concessionnaire Morrkopf du 7 octobre 1996 à Volkswagen AG, directeur "Ventes Allemagne" (p. 54 à 57).

(44) Lettre de Morrkopf du 7 octobre 1996 à Volkswagen AG, directeur "Ventes Allemagne" (p. 54f), original allemand.

(45) Note interne du 7 octobre 1996 de Volkswagen AG, direction régionale Sud-Ouest/Franconie, au directeur "Ventes Allemagne" (p. 52), original allemand.

(46) Lettre de Volkswagen AG, direction "Ventes Allemagne", région Munich, du 16 octobre 1996 à Auto Hirschauer KG (p. 69), original allemand.

(47) Procès-verbal de la réunion du 10 avril 1997 de Volkswagen AG, région Sud (p. 68).

(48) Ce pourcentage figure dans le procès-verbal, mais ne correspond pas aux chiffres de vente absolus indiqués plus haut.

(49) Note de la Commission: GW = Gebrauchtwagen (voitures d'occasion).

(50) Lettre de Volkswagen AG, "Ventes Allemagne", région Sud, du 18 avril 1997 à Auto Hirschauer KG (p. 66), original allemand.

(51) Lettre de H. Tiemeyer KG du 9 septembre 1998 aux clients (p. 64f), original allemand.

(52) Lettre de Volkswagen AG, "Ventes Allemagne", Réseau de concessionnaires, du 13 octobre 1998 (p. 62), original allemand.

(53) Lettre de H. Tiemeyer KG du 19 octobre 1998 à Volkswagen AG (p. 61).

(54) Une partie de la période d'infraction se situe avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam le 1er mai 1999, lorsque l'actuel article 81 du traité CE était encore l'article 85. Dans les pages qui suivent, il sera fait mention uniquement de l'article 81, puisque le changement de numérotation opéré par le traité d'Amsterdam n'a pas modifié la teneur de la disposition.

(55) Dès l'arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983 dans l'affaire 107-82, AEG contre Commission, Recueil 1983, p. 3151 (p. 3195); arrêt de la Cour du 17 septembre 1985 dans les affaires jointes 25 et 26-84, Ford contre Commission, Recueil 1985, p. 2725 (p. 2743).

(56) Voir considérants 2, 14 et surtout 15 à 19 de la réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs.

(57) Déjà cité, voir note 55 de bas de page. (58) Déjà cité, voir note 55 de bas de page.

(59) Arrêt de la Cour du 24 octobre 1995 dans l'affaire C-70-93, BMW/BMW ALD Autoleasing, Recueil 1995, p. I-3439, 3467 s.

(60) Arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 2000 dans l'affaire T-62-98, Volkswagen contre Commission, point 236 des motifs.

(61) Dans la version de janvier 1989; la disposition a été reprise pratiquement mot pour mot à l'article 2, paragraphe 1, du contrat de concession Volkswagen de septembre 1995.

(62) Dans la version de septembre 1995; une nouvelle version est entrée en vigueur le 1er janvier 1998, mais cette disposition (toujours à l'article 2, paragraphe 1) est restée inchangée.

(63) Réponse de Volkswagen du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, considérant 17.

(64) Le fait que le concessionnaire Rütz ait quitté le réseau Volkswagen vers la fin de 1997 est sans incidence en l'espèce, car l'infraction s'est poursuivie après cette date pour tous les concessionnaires (restants) du réseau.

(65) Considérant 21 de la réponse de Volkswagen AG à la communication des griefs avec renvoi à sa réponse du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission (voir considérant 22 de la présente décision).

(66) Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 6 avril 1995 dans l'affaire T-143-89, Ferriere Nord contre Commission, Recueil 1995, p. II-917; l'arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000 dans l'affaire T-62-98, Volkswagen contre Commission, Recueil 2000, p. II-2707, point 178 des motifs; l'arrêt du Tribunal du 19 mai 1999 dans l'affaire T-176-95, Accinauto contre Commission, Recueil 1999, p. II-1635, point 106 des motifs; la communication de la Commission: Lignes directrices sur les restrictions verticales (JO C 291 du 13.10.2000, p. 1, point 7).

(67) JO L 145 du 29.6.1995, p. 25.

(68) Il est exact que des accords de fixation des prix conclus entre le constructeur et le distributeur (comme en l'espèce) sont déjà couverts par l'article 6, paragraphe 1, point 3, dudit règlement, mais il n'en demeure pas moins que le point 6 de cette disposition livre une indication utile sur l'importance accordée à la liberté dont doivent jouir les distributeurs sur le plan des prix et sur la concurrence intramarque inhérente à cette liberté.

(69) Voir également le considérant 10 et l'article 4, point a), du règlement (CE) n° 2790-1999 de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336 du 29.12.1999, p. 21), ainsi que le point 46 de la communication de la Commission "Lignes directrices sur les restrictions verticales" (JO C 291 du 13.10.2000, p. 1), qui confirment que la fixation de prix de revente, sous quelque forme que ce soit, constitue une entrave particulièrement grave au jeu de la concurrence. Voir également le livre vert "La politique de concurrence communautaire et les restrictions verticales", point 276, où l'on peut lire ceci: "La politique consistant à considérer les systèmes de prix de revente imposés (.) comme (une violation grave) des règles de concurrence serait maintenue".

(70) Réponse de Volkswagen AG du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, annexe (p. 41).

(71) Réponse du 9 novembre 1998 à la demande de renseignements de la Commission du 8 octobre 1998, p. 3.

(72) JO C 372 du 9.12.1997, p. 13, section II, point 11 b), premier tiret.

(73) Voir directive 98-14-CE de la Commission du 6 février 1998 portant adaptation au progrès technique de la directive 70-156-CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 91 du 25.3.1998, p. 1.)

(74) Jurisprudence constante, voir, en particulier, l'arrêt de la Cour du 21 janvier 1999 dans les affaires jointes C-215-96 et C-216-96, Bagnasco, Recueil 1999, p. I-135, point 47 des motifs, et l'arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000 dans l'affaire Volkswagen contre Commission, point 179, ainsi que la jurisprudence qu'il cite.

(75) Arrêt de la Cour du 13 juillet 1966 dans les affaires jointes 56 et 58-64, Grundig contre Consten, Recueil 1966, p. 321, 389 et suivantes; décision de la Commission du 18 juillet 1988 dans l'affaire Napier Brown contre British Sugar (JO L 284 du 19.10.1988, p. 41, p. 57), considérant 80.

(76) Arrêt du 6 juillet 2000 dans l'affaire T-62-98, Volkswagen contre Commission, point 179 et la jurisprudence qu'il cite.

(77) Réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, considérant 30.

(78) Lettre de Volkswagen AG adressée à la Commission le 16 décembre 1998.

(79) Considérants 26 à 31 de la réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs.

(80) Arrêt de la Cour du 17 octobre 1972 dans l'affaire 8-72, Vereniging van Cementhandelaren contre Commission, Recueil 1972, p. 977, points 28 à 30 des motifs; arrêt de la Cour du 24 octobre 1995 dans l'affaire C-70-93, BMW, Recueil 1995, p. I-3439, p. I-3469; arrêt de la Cour du 11 juillet 1985 dans l'affaire 42-84, Remia, Recueil 1985, p. 2545, 2572, point 22 des motifs; arrêt de la Cour du 16 juin 1981 dans l'affaire 126-80, Salonia contre Poidomani et Giglio, Recueil 1981, p. 1563.

(81) Réponse de Volkswagen du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, considérant 30.

(82) Voir section I 1 de la communication de la Commission concernant son règlement (CEE) n° 123-85 du 12 décembre 1984 relatif à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO C 17 du 18.1.1985, p. 4).

(83) Voir l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1989 dans l'affaire 246-86, Belasco e.a. contre Commission, Recueil 1989, p. 2117, point 41 des motifs.

(84) La menace concrète de résilier éventuellement son contrat proférée contre le concessionnaire Binder a évidemment été maintenue.

(85) Réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs (points 32 et suivants) et considérant 22 de la présente décision.

(86) Cette présentation des choses masque cependant le fait que Volkswagen AG visait avant tout à préserver ses propres intérêts (considérant 124).

(87) Enquête Taylor Nelson Sofres réalisée à la demande de Renault et PSA: Perception de la distribution automobile en Europe, rapport Europe, phase quantitative, chapitre 2 - concurrence et prix dans le secteur automobile: b. Les pratiques de mise en concurrence, décembre 2000.

(88) Réponse de Volkswagen AG du 10 septembre 1999 à la communication des griefs, point 33 et suivants.