CCE, 14 septembre 1999, n° 2000-182
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
GEAE/P & W
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CE(1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999(2), et notamment ses articles 6 et 8, vu la demande d'attestation négative et la notification en vue de l'exemption présentées, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17, le 26 septembre 1996, vu le résumé(3) de la demande et de la notification publié conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
FAITS
A. INTRODUCTION
(1) Le 26 septembre 1996, General Electric Aircraft Engines (GEAE) et Pratt & Whitney (P & W) ont notifié trois accords à la Commission concernant la création, par les deux sociétés, d'une entreprise commune dénommée GE-P & W Engine Alliance LLC (Engine Alliance). Engine Alliance a été constituée afin de développer, de construire et de vendre un nouveau moteur d'avion, appelé moteur GP7000 (le nouveau moteur), et d'en assurer la maintenance. Le nouveau moteur est destiné aux futurs avions commerciaux de grande capacité, à savoir l'Airbus A3XX, en projet, et éventuellement les versions allongées (Stretch) du Boeing B747-400. Le marché des réacteurs destinés à ce type d'avion ne compte que trois constructeurs de pleine capacité : GEAE, P & W et Rolls-Royce plc (Rolls-Royce).
B. RAPPEL DES FAITS
(2) Engine Alliance avait été créée initialement afin de mettre au point un nouveau réacteur pour la version allongée du modèle B747-400, appelée Growth 747, que la société Boeing (Boeing) projetait de développer. Ce quadriréacteur à long rayon d'action, comptant 450 à 550 sièges, devait être mis en exploitation à la fin de l'an 2000. Le modèle Growth 747 exigeait un moteur de haute technicité d'une poussée de 70 000 à 85 000 livres et répondant à des exigences très strictes en matière de taille, de poids, de niveau de bruit, d'émissions et de coût d'exploitation. Aucun des trois constructeurs n'offrait alors de moteur remplissant tous ces critères. Rolls-Royce n'avait pas, quant à elle, à concevoir un moteur totalement nouveau, mais pouvait offrir un dérivé d'un moteur existant. Après plusieurs tentatives infructueuses de développer des dérivés de leurs moteurs existants, P & W et GEAE ont décidé de former Engine Alliance. Boeing a annoncé en janvier 1997 qu'elle abandonnait son projet Growth 747 étant donné le caractère insuffisant et incertain de la demande ainsi que les coûts élevés de développement. Airbus Industrie (Airbus), l'autre constructeur de gros avions commerciaux, a annoncé en revanche qu'il poursuivrait ses projets de développement d'un nouveau quadriréacteur à long rayon d'action, appelé A3XX.
(3) Le 6 novembre 1997, Engine Alliance a modifié la notification et déclaré que, à la suite de la décision de Boeing d'abandonner le projet Growth 747, Engine Alliance développerait un nouveau moteur pour le projet de modèle A3XX. L'A3XX est conçu pour le transport de 480 à 650 passagers et devrait être mis en service en l'an 2004. Ce modèle requiert des moteurs répondant en gros aux mêmes exigences techniques que le Boeing Growth 747. La poussée du moteur a été portée à 70000 à 85 000 livres (plus ou moins 10 %), soit de 63 000 à 93 500 livres. Airbus a signé avec Engine Alliance comme avec Rolls-Royce des protocoles d'accord portant sur un moteur destiné à équiper l'A3XX. Au lieu de développer le projet Growth 747, Boeing envisage actuellement de lancer des versions allongées de son modèle B747-400, mais n'a pas encore pris de décision définitive. Le nouveau moteur pourrait également convenir à certaines versions Stretch.
(4) La création d'Engine Alliance a également été notifiée à la commission fédérale du commerce des États-Unis, qui a déclaré, le 22 novembre 1996, que son enquête était close. Cette décision a été confirmée en octobre 1997. Les parties se sont engagées à informer cette commission de toute modification du champ d'activité d'Engine Alliance.
C. PARTIES
1. General Electric Aircraft Engines
(5) General Electric Aircraft Engine (GEAE) est l'une des onze sociétés du groupe General Electric de Fairfield (Connecticut - États-Unis d'Amérique). GEAE construit des moteurs d'avion et fournit des services connexes tant dans le secteur commercial que dans le domaine militaire. General Electric exerce des activités de leasing d'avions par l'intermédiaire de GE Capital Aviation Services (GECAS), qui fait partie de son département financier GE Capital Services.
(6) En 1998, le chiffre d'affaires total de General Electric Company était de 100,469 millions de dollars des États-Unis (USD); celui de GEAE s'élevait pour la même année à 10,294 millions.
2. Pratt & Whitney
(7) Pratt & Whitney (P & W) est une division de United Technologies Corporation (UTC), de Hartford (Connecticut - États-Unis). P & W construit des moteurs pour avions commerciaux de grande capacité. Ses autres activités touchent notamment aux moteurs d'avions militaires, aux systèmes de propulsion pour missiles et aux turbines industrielles.
(8) En 1998, le chiffre d'affaires d'UTC était de 25,715 millions d'USD. Celui de P & W s'élevait pour la même année à 7,876 millions.
D. ACCORDS NOTIFIÉS
1. Accords
(9) Trois accords ont été initialement notifiés le 26 septembre 1996:
- le protocole d'accord du 16 août 1996 conclu entre Engine Alliance et Boeing au sujet d'un moteur destiné aux versions allongées de l'appareil 747-400, comprenant l'engagement de coopérer, le barème de prix pour le nouveau moteur et les exigences techniques à respecter,
- l'accord relatif à l'opération du 28 août 1996 fixant le cadre général de la coopération, décrivant les représentations légales, les garanties et les conventions contractées par les parties, les motifs et les conditions de résiliation, et
- l'accord concernant la société à responsabilité limitée (accord LLC) du 28 août 1996 conclu entre GEAE, P & W et Engine Alliance, qui fixe les modalités de fonctionnement d'Engine Alliance.
(10) Le protocole d'accord conclu avec Boeing le 16 août 1996 au sujet du Growth 747 est devenu caduc à la suite de la décision de Boeing de ne pas développer ce modèle. Il a été remplacé par un protocole d'accord signé le 27 mai 1998 entre Engine Alliance et Airbus au sujet du projet de modèle A3XX. L'accord relatif à l'opération et l'accord concernant la société à responsabilité limitée restent en vigueur.
2. Clauses contractuelles
a) Structure de direction d'Engine Alliance
(11) Engine Alliance est une entreprise commune constituée entre GEAE et P & W, pour une période indéterminée, et dotée de la structure de direction suivante:
(12) Les parties détiendront chacune une participation de 50 % ("participation de membre") dans l'entreprise commune et se répartiront [...](4) les bénéfices et les engagements découlant du projet. Elles établiront un comité composé de six membres, chacune des parties étant représentée par trois membres. Le comité aura le pouvoir de diriger les affaires de Engine Alliance et sera responsable de la définition d'une politique générale, de l'approbation des principaux projets, des contrats, des commandes et des décisions en matière de distribution des produits et des services. Le comité se réunira régulièrement. Le quorum est formé des six membres. L'accord unanime du comité est nécessaire pour les questions importantes touchant à l'organisation, telles que les modifications de l'accord LLC ou du domaine d'activité de l'entreprise, ou pour les opérations telles que le rachat d'une autre personne morale ou d'actifs sortant du cadre normal des activités de l'entreprise.
(13) Le président est désigné pour un mandat de trois ans. Les membres choisissent le site d'assemblage et le siège principal de la société de manière à obtenir le coût le plus faible et la meilleure intégration pour le nouveau moteur. Le membre qui n'a pas l'usine d'assemblage et le siège principal désigne le premier président. La présidence est ensuite assumée à tour de rôle par les parties. Le président est responsable de la conduite générale des activités et des affaires de l'entreprise, et en particulier de la surveillance des ventes et de la commercialisation du nouveau moteur.
(14) La vente du nouveau moteur incombe à Engine Alliance. Les cadres et le personnel de l'entreprise chargés du nouveau moteur ne participeront pas à la vente ou à la commercialisation des moteurs relevant d'autres programmes de l'une ou de l'autre partie.
(15) L'entreprise tiendra des livres et des comptes adéquats et complets de façon à enregistrer avec précision toutes les opérations et les autres questions liées à son activité. Les comptes seront tenus selon le principe des droits constatés et conformément aux GAAP (principes comptables généralement acceptés des États-Unis). Les comptes seront contrôlés chaque année par des experts comptables indépendants.
b) Fonctionnement de Engine Alliance
(16) Engine Alliance ne produira pas elle-même le nouveau moteur, mais coordonnera les activités des entreprises fondatrices en ce qui concerne sa conception et sa construction. Chaque partie supportera tous les coûts de production des pièces et modules. La partie qui produit un module est responsable de sa conception. Les responsabilités en la matière sont réparties comme suit : GEAE sera chargée de la conception du corps haute pression et P & W du système à basse pression. Les parties réaliseront chacune la moitié du programme de développement. S'il n'est pas possible de le diviser à parts égales, une partie peut être tenue de faire des versements en espèces à l'autre partie.
(17) Les parties peuvent sous-traiter une partie de leur participation de membre à tout fournisseur qui répond aux conditions d'approbation des sources d'approvisionnement. Elles peuvent également transférer une partie de leur programme concernant le nouveau moteur, ainsi que les risques et les recettes qui y sont liés, à un tiers, à condition que l'autre partie soit consultée et informée de l'identité et des responsabilités de ce tiers [...](5).
(18) Les parties établiront un programme intégré de service après-vente pour assurer aux clients des services d'entretien et de révision à faible coût. L'entretien et la révision du nouveau moteur seront coordonnés et assurés au nom de Engine Alliance par le recours aux capacités existantes des parties. Les clients du nouveau moteur qui souhaitent investir dans l'entretien et la révision du produit peuvent obtenir des licences non exclusives moyennant une redevance convenue.
c) Propriété intellectuelle
(19) Les informations protégées communiquées conformément à l'accord LLC sont et restent la propriété de la partie qui les communique. Chaque partie prend les dispositions nécessaires pour éviter que le personnel de l'autre partie présent dans ses installations ait accès aux informations protégées non révélées qui s'y trouvent. Les parties prévoient des mesures et une formation appropriée afin d'assurer le respect de ces dispositions.
(20) Les parties conviennent de s'accorder mutuellement une licence gratuite, mondiale et non exclusive pour l'usage de la technologie existante (technologie de base) pour : i) l'interface commune des composants; ii) le fonctionnement et la révision du nouveau moteur et iii) l'obtention de la certification ou pour assurer l'entretien, la révision et la réparation du nouveau moteur. Les parties ne peuvent communiquer cette technologie de base aux tiers qu'avec le consentement de la partie propriétaire, dans la mesure nécessaire pour que les parties puissent assumer leurs obligations découlant de l'accord LLC et à condition que les tiers s'engagent par écrit à ne pas dévoiler ces informations.
d) Utilisation des pièces ou composants
(21) [...](6).
(22) Nonobstant les dispositions qui précèdent, les parties peuvent utiliser comme elles l'entendent la technologie mise au point ou acquise soit à l'occasion de leur participation à Engine Alliance, soit dans l'exécution des tâches prévues par l'accord LLC, y compris pour tout autre programme portant sur des moteurs.
E. MARCHÉS EN CAUSE
1. Marché de produits en cause
Marché des réacteurs mis au point pour le projet d'avion A3XX et les versions allongées éventuelles (Stretch) du Boeing B747-400
(23) Les parties ont défini le marché en cause comme le marché des réacteurs d'une poussée de 70 000 à 85 000 livres (+/- 10 %) (soit 63 000 à 93 500 livres) destinés à équiper l'Airbus A3XX en projet et les futures versions allongées (Stretch) du Boeing B747-400.
(24) Certains tiers ont fait valoir que cette définition du marché était trop étroite et ne tenait pas compte du fait que le nouveau moteur pouvait être adapté également pour d'autres appareils. Selon ces tiers, le marché de produits en cause est plus vaste et doit être défini comme le marché des réacteurs d'une poussée de 63 000 à 93 500 livres pouvant équiper les gros-porteurs commerciaux actuels.
(25) Du point de vue de la demande, la Commission tient compte de l'usage auquel serait destiné le nouveau moteur. Les réacteurs sont conçus et développés spécifiquement pour répondre aux exigences d'un modèle précis d'avion. Les exigences posées en ce qui concerne la poussée, la taille, le poids, le niveau de bruit, les émissions, la consommation de carburant et les coûts d'exploitation du moteur varient en fonction du type et de la taille de l'avion. Ces exigences sont fixées par les avionneurs en coopération avec les compagnies aériennes.
(26) Le quadrimoteur en projet, l'A3XX, auquel le nouveau moteur est destiné, sera le premier appareil à deux couloirs et à double pont du marché, qui aura une capacité (480 à 650 passagers) supérieure à celle de n'importe quel avion actuellement en service. Il sera disponible en version passagers et en version cargo, de même qu'en version mixte pour le transport à la fois des passagers et du fret. Airbus envisage de lancer d'abord l'A3XX-100 (550 sièges), puis l'A3XX-200 (656 sièges), qui ont tous deux un rayon d'action de 7 650 à 8 750 milles nautiques. Airbus étudie également la possibilité de lancer une version réduite, l'A3XX-50 (481 sièges). Selon les estimations actuelles d'Airbus, la version A3XX-100 exigerait des moteurs d'une poussée de 67 000 livres et la version A3XX-200 des moteurs d'une poussée de 75 000 livres. Selon les plans préliminaires d'Airbus, un modèle dérivé plus petit, l'A3XX-50R, demanderait des moteurs d'une poussée de 67 000 livres. Les besoins en la matière ne sont pas encore fixés définitivement par Airbus. Les versions allongées éventuelles du Boeing B747-400 exigeront, d'après les estimations actuelles de Boeing, des moteurs d'une poussée de 67 000 livres.
(27) Le modèle A3XX en projet ainsi que les versions allongées du B747-400 devront être équipés de réacteurs présentant des caractéristiques techniques très particulières et exigeantes en ce qui concerne la puissance, la taille, le poids, le niveau de bruit, les émissions, la consommation de carburant et les coûts d'exploitation. En raison de ces caractéristiques particulières, le nouveau moteur ne peut, du point de vue de la demande, être remplacé par un autre moteur quel qu'il soit.
(28) Selon les fournisseurs, les constructeurs ne peuvent offrir leurs moteurs actuels pour l'appareil susmentionné et ne peuvent pas non plus adapter leurs moteurs à court terme pour qu'ils présentent ces caractéristiques particulières. Les trois constructeurs ne peuvent développer un moteur offrant ces caractéristiques qu'à moyen terme, soit en développant une version dérivée d'un moteur existant (Rolls-Royce), soit en mettant au point un nouveau moteur (P & W et GEAE).
(29) La Commission conclut, à la lumière des considérations qui précèdent, que le marché des produits en cause est celui des réacteurs destinés au modèle Airbus A3XX en projet et aux versions allongées éventuelles du Boeing B747-400.
2. Marché de produits voisin
Marché des réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux existants
(30) Il serait impossible d'offrir le nouveau moteur pour tout autre appareil que le modèle A3XX en projet et éventuellement les versions allongées du B747-400 sans adaptation. Les parties notifiantes, de même que Rolls-Royce, ont néanmoins confirmé qu'il serait possible de l'adapter, à moyen terme, pour équiper d'autres gros-porteurs commerciaux, mais que cela entraînerait des coûts élevés et prendrait beaucoup de temps (au moins 36 mois). Le marché des réacteurs pour les gros-porteurs commerciaux actuels constitue donc un marché voisin du marché des réacteurs mis au point pour le modèle A3XX en projet et les éventuelles versions allongées du B747-400. On pourrait faire valoir qu'il existe différents sous-marchés à l'intérieur de celui des réacteurs pour les gros-porteurs commerciaux actuels. Cette question peut toutefois rester ouverte aux fins de l'appréciation de l'accord notifié.
(31) Les gros-porteurs commerciaux sont généralement définis comme des avions commerciaux comptant plus de 200 sièges (7). Les gros-porteurs commerciaux exigent des moteurs plus puissants que les appareils à fuselage étroit. Ces derniers sont généralement définis comme les avions commerciaux de 100 à 200 sièges. Les réacteurs qui équipent les modèles actuels d'avions à fuselage étroit ont une poussée inférieure à 45 000 livres et ne peuvent se substituer aux moteurs destinés aux gros-porteurs, qui exigent tous une poussée minimale d'environ 60 000 livres.
(32) Les gros-porteurs commerciaux actuellement produits se subdivisent en bimoteurs et quadrimoteurs. Le seul trimoteur commercial qui soit toujours construit est la version cargo du MD-11.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(33) La classe de poussée indiquée pour le nouveau moteur est de 63 000 à 93 500 livres. Tous les gros-porteurs commerciaux susmentionnés sont équipés de moteurs dont la capacité se situe dans cette plage. La poussée requise d'un moteur dépend non seulement de la taille de l'avion qu'il équipe, mais également du nombre de moteurs. Ainsi, un bimoteur requiert des moteurs d'une poussée plus élevée qu'un quadrimoteur de taille équivalente.
(34) L'expérience des constructeurs montre que les réacteurs équipant les gros-porteurs commerciaux sont souvent modifiés pour fournir des caractéristiques ou des performances supplémentaires en fonction d'autres appareils que ceux pour lesquels ils étaient initialement conçus. Ainsi, les moteurs mis au point pour un quadrimoteur précis peuvent être modifiés non seulement pour un autre quadrimoteur, mais également pour un bimoteur. Les trois constructeurs ont développé dans le passé de telles versions dérivées en adaptant pour un bimoteur des moteurs initialement prévus pour le B747-400. Par conséquent, bien que le nouveau moteur soit conçu d'abord en fonction d'un gros-porteur quadrimoteur, il n'est pas exclu qu'il puisse être adapté plus tard pour un gros-porteur bimoteur.
(35) Le marché des réacteurs équipant les gros-porteurs commerciaux actuels se caractérise par le développement de "familles" de moteurs avec un certain nombre de dérivés. À titre d'exemple, on peut citer le moteur Trent de Rolls-Royce, le moteur PW4000 de P & W et les moteurs CFM56 et CF6 de GEAE, qui sont mis au point en coopération avec le constructeur français Snecma. Ces familles comprennent des moteurs pour toute la gamme des gros-porteurs commerciaux actuels.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(36) Le fait que les trois constructeurs aient développé des familles de moteurs pouvant convenir à toute la gamme des gros-porteurs commerciaux actuels suggère que le nouveau moteur pourrait lui aussi, à moyen terme, être adapté en fonction d'autres gros-porteurs commerciaux que l'appareil envisagé A3XX et les éventuelles versions allongées du B747-400.
(37) La Commission considère que le marché des réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux actuels constitue un marché voisin, puisqu'il découle de ce qui précède que les dérivés du nouveau moteur pourraient à moyen terme être adaptés en fonction des gros-porteurs commerciaux actuels pour lesquels ils n'étaient pas conçus à l'origine.
3. Marché géographique en cause
(38) Engine Alliance assurera la commercialisation, la vente et la maintenance du nouveau moteur dans le monde entier. Les coûts de transport pour la livraison seront négligeables. La Commission considère par conséquent que le marché géographique des réacteurs destinés au modèle A3XX en projet et aux éventuelles versions allongées du B747-400 est le marché mondial.
(39) Il en va de même du marché des réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux actuels qui sont vendus dans le monde entier dans des conditions de concurrence similaires. Les coûts de transport relatifs pour la livraison sont négligeables. Les trois constructeurs, GEAE, P & W et Rolls-Royce, sont actifs sur ce marché à l'échelle mondiale. Le marché des réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux actuels est donc le marché mondial.
4. Parts de marché
(40) On ne dispose pas de chiffres sur les parts de marché pour le marché des réacteurs destinés à équiper l'A3XX en projet ou les éventuelles versions allongées du B747-400, puisque ces moteurs n'existent pas encore. Les parts de marché figurant ci-après concernent le marché voisin des réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux actuels.
(41) Les parts de marché peuvent être calculées soit sur la base du nombre de moteurs installés, soit sur la base des arriérés de commandes ou encore du nombre de commandes reçues. Le nombre de moteurs installés illustre la situation actuelle dans l'ensemble du secteur. Les arriérés de commandes annuels reflètent l'évolution des commandes nettes (le nombre de nouvelles commandes fermes moins le nombre de commandes annulées) pour une période déterminée et en illustrent donc l'évolution. Le nombre de commandes reçues reflète la situation à un moment donné.
a) Réacteurs installés à bord de gros-porteurs commerciaux actuels
(42) Les parts (selon le nombre d'unités) du marché mondial des moteurs installés à bord de gros-porteurs commerciaux existants, livrés entre janvier 1996 et mars 1999, s'établissent comme suit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
b) Arriérés de commandes de réacteurs pour gros-porteurs commerciaux existants
(43) Les parts du marché mondial des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux existants en arriérés de commandes (selon le nombre d'unités) s'établissent comme suit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
c) Commandes reçues pour des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux existants
(44) Les parts du marché mondial des moteurs pour gros-porteurs commerciaux sur la base des commandes reçues (en unités) s'établissent comme suit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(45) Il ressort de ce tableau que les parties notifiantes ont une part de marché combinée très élevée en ce qui concerne les réacteurs destinés aux gros-porteurs commerciaux existants, à la fois en arriérés de commande et en moteurs installés et commandés. Les chiffres des commandes reçues révèlent cependant que la part de marché de Rolls-Royce est en augmentation.
5. Demande estimée pour le nouveau moteur
(46) Les prévisions de la demande jusqu'à l'an 2020 pour le modèle A3XX en projet seraient, d'après Engine Alliance, d'environ [...](8) unités. Selon les estimations, la demande serait donc d'au moins [...](9) moteurs [...](10) à l'exclusion des moteurs et pièces de rechange. La demande pour l'appareil A3XX et les éventuelles versions allongées du B747-400 est toutefois incertaine et dépend d'un certain nombre de facteurs. Boeing fait actuellement des prévisions de marché différentes de celles d'Airbus et considère que la demande d'un nouvel avion géant "super jumbo" est trop réduite pour justifier des coûts de développement aussi élevés. La demande dépend notamment de l'évolution éventuelle du trafic aérien dans le sens d'une fragmentation accrue des plates-formes aériennes. Une telle évolution pourrait pousser les compagnies aériennes à acheter des appareils de taille plus réduite, comme l'A340, au lieu des très gros avions du type "super jumbo", tel que l'A3XX.
(47) Boeing ne prévoit pas pour l'instant de construire un nouvel avion de très grande taille, mais envisage la possibilité de développer des versions agrandies de son modèle actuel B747-400. Engine Alliance continue d'étudier des configurations de moteurs en coopération avec Boeing pour ses versions allongées. Boeing pense actuellement à développer deux versions plus grandes de son modèle 747-400, le 747-400 X Stretch (qui transporte environ 485 passagers) et le 747-400 Y Stretch (qui transporte environ 500 passagers), pour lesquels le nouveau moteur pourrait convenir. Boeing n'a toutefois pas encore pris de décision définitive sur le lancement de ces modèles. Rolls-Royce devrait pouvoir offrir une version dérivée de son moteur Trent 600 pour les modèles Stretch 747-400 X et Y.
(48) Les clients potentiels du nouveau moteur sont Airbus et Boeing et, finalement, certaines compagnies qui possèdent des réseaux de liaison très développés avec des vols long-courriers. D'après les estimations d'Airbus, plus de la moitié des livraisons prévues (58 %) devraient aller à des compagnies aériennes établies dans la région Asie-Pacifique. Environ 20 % des livraisons prévues devraient aller à l'Amérique du Nord et environ 20 % à l'Europe. En ce qui concerne les clients, 20 compagnies aériennes devraient acheter 72 % des avions et 42 autres le reste. Les clients potentiels de l'A3XX sont les grosses compagnies aériennes qui ont généralement un pouvoir de négociation très fort à l'égard des avionneurs et des constructeurs de moteurs. Les principales liaisons pour l'A3XX sont celles sur lesquelles la flotte de B-747 est actuellement exploitée, c'est-à-dire les liaisons transatlantiques, transpacifiques, les liaisons entre l'Asie et l'Europe, ainsi qu'à l'intérieur de l'Asie.
6. Structure du marché du nouveau moteur et du marché voisin des réacteurs pour les gros-porteurs commerciaux existants
a) Offre
(49) La structure du marché du nouveau moteur est très proche de celle du marché voisin des réacteurs pour les gros-porteurs commerciaux existants. Trois motoristes sont actuellement capables de mettre au point des réacteurs pour ces marchés. Il s'agit de GEAE, de P & W et de Rolls-Royce(11). Ces trois constructeurs offrent chacun un certain nombre de "familles" de moteurs, qui reposent sur des éléments communs. Rolls-Royce voit sa part de marché progresser et est dotée de capacités adéquates pour développer de nouveaux moteurs et des versions dérivées de moteurs existants, ainsi qu'en témoigne sa famille de moteurs Trent. Le motoriste français Snecma construit des réacteurs en coopération avec GEAE par l'intermédiaire de l'entreprise CFMI, mais elle ne construit pas ces réacteurs à elle seule. Il ressort de ce qui précède qu'aucune entrée n'est prévisible sur ce marché dans un proche avenir.
(50) Les barrières à l'entrée sur les marchés précités sont très importantes. Si l'on ajoute les dépenses liées aux travaux de recherche et développement, à la conception, aux essais, à l'outillage de production, ainsi qu'aux services commerciaux et d'après-vente associés, la mise au point de ce type de réacteurs est très coûteuse (environ un million de USD). Les constructeurs doivent supporter une grande partie de ces coûts avant de pouvoir vendre l'un de ces moteurs. GEAE et P & W estiment que les dépenses extraordinaires pour le développement du nouveau moteur dépassent 800 millions de USD. En général, les constructeurs ne rentabilisent pas leurs investissements avant quinze à vingt ans, et le cycle de vie d'un moteur est d'une quarantaine d'années.
(51) Les réacteurs des gros-porteurs commerciaux en exploitation sont habituellement construits par des consortiums regroupant un certain nombre de constructeurs, dont l'un est capable de construire l'intégralité d'un moteur (comme GEAE, P & W ou Rolls-Royce) tandis que les autres sont spécialisés dans les composants de moteur, et se partagent le travail, les recettes et les risques d'investissement. Ces fabricants de composants qui partagent les risques et les recettes sont dénommés les "partenaires". En règle générale, une "part du programme" est négociée avec chaque partenaire, cette part représentant la part des travaux que chaque partenaire devra assumer dans le cadre du programme. Le motoriste rémunère ensuite le partenaire au moyen des recettes réelles générées par la vente des moteurs et des pièces détachées, en fonction de la part du programme qui lui revient. Certaines obligations et certaines responsabilités sont également partagées avec le partenaire, sur la base de sa part du programme. Le partenaire peut, en outre, être soumis à des restrictions limitant sa liberté de conclure des accords en vue de participer à des programmes dont sont chefs de file des constructeurs concurrents.
(52) La coopération notifiée est une illustration du nombre croissant d'actions de coopération entre constructeurs pour le développement de nouveaux réacteurs. On peut citer, comme autre exemple, les participations détenues par Rolls-Royce et P & W dans International Aero Engines (IAE), projet auquel participent aussi Daimler Chrysler Aerospace Motoren- und Turbinen-Union (MTU) (Allemagne), Fiat Avio (Italie) et Japanese Aircraft Engines Corporation (JAEC) (Japon). IAE, qui est spécialisée dans les moteurs offrant une plage de poussées de 22 000 à 33 000 livres, construit le moteur V2500. L'entreprise commune CFMI entre GEAE et Snecma, qui construit le moteur CFM56 équipant les appareils Airbus 320 et, en qualité de seul fournisseur, le Boeing B-737 et l'Airbus A340, constitue un autre exemple de coopération.
b) Demande
(53) Les motoristes doivent tout d'abord se faire concurrence pour satisfaire aux exigences de l'avionneur et pouvoir proposer des moteurs adaptés aux caractéristiques de la cellule d'avion considérée. À ce stade, le motoriste traite principalement avec l'avionneur, qui collabore étroitement avec une clientèle potentielle de compagnies aériennes afin de définir les caractéristiques de la cellule et des moteurs. Les avionneurs (Boeing et Airbus) arrêtent les caractéristiques du moteur en fonction des attentes des compagnies aériennes clientes. L'avionneur se comporte donc, dans une large mesure, comme un représentant des compagnies aériennes. Or, étant donné que le développement de moteurs d'avion prend généralement plus de temps que celui des cellules correspondantes, le motoriste doit également anticiper les besoins des compagnies aériennes lorsqu'il lance ses travaux de développement. Les véritables clients des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux sont donc les compagnies aériennes, qui achètent souvent les cellules d'avion et les moteurs séparément. Les avions sont généralement proposés avec plus d'un type de moteur.
(54) Les compagnies aériennes disposent normalement d'un important pouvoir de négociation. La concurrence joue sur les coûts liés au cycle de vie du produit, à savoir le prix, les performances, la fiabilité et la durée de vie des moteurs concurrents, ainsi que sur les coûts prévisibles de réparation et de maintenance. La concurrence est particulièrement vive au cours des premières phases du programme de développement d'un moteur, l'objectif étant que le moteur soit sélectionné pour une nouvelle cellule d'avion par une compagnie aérienne de premier plan. Néanmoins, même lorsque le fournisseur de moteurs a été sélectionné par une compagnie aérienne, il arrive parfois que celle-ci change de fournisseur. En règle générale, les compagnies aériennes préfèrent que leur flotte d'appareils présente une certaine identité de conception au niveau des moteurs, ce qui leur permet d'utiliser des pièces de rechange communes et se révèle avantageux pour la formation technique du personnel et pour l'entretien général et la maintenance des moteurs.
F. OBSERVATIONS DES TIERS
(55) Un certain nombre de tiers intéressés ont transmis leurs observations en réponse à la communication faite en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 (12). Ces observations portaient surtout sur le contenu et le libellé des engagements pris par les parties, et notamment sur le domaine d'activité d'Engine Alliance. D'après certains tiers, la plage de poussées étendue du nouveau moteur est trop large, ce qui risque de réduire la concurrence entre les parties dans les segments du marché des réacteurs sur lesquels elles sont actuellement rivales. D'autres tiers ont commenté l'engagement concernant l'accès des tiers à la documentation nécessaire aux opérations de maintenance des moteurs, y compris les réparations et les révisions.
(56) Airbus se dit favorable à la création d'Alliance, parce qu'elle aura ainsi le choix entre deux fournisseurs pour le moteur du projet d'A3XX au lieu d'un seul (Rolls-Royce).
(57) Le troisième motoriste, Rolls-Royce, a formulé des observations à plusieurs reprises au sujet d'Engine Alliance. Rolls-Royce a aussi fait des commentaires sous la forme d'une plainte formelle conformément à l'article 3 du règlement n° 17. La plainte a ensuite été retirée. Rolls-Royce estime qu'Engine Alliance restreint la concurrence effective et la concurrence potentielle entre les parties et que le domaine d'activité de l'entreprise commune, tel qu'il est décrit dans la communication précitée, est si étendu que l'autorisation de l'opération entraînerait des restrictions de concurrence et affecterait très sensiblement le commerce entre États membres. Selon Rolls-Royce, les engagements énumérés dans la communication ne sont pas suffisamment stricts et la création d'Engine Alliance ne devrait être autorisée que sous réserve de certaines conditions supplémentaires.
(58) À cet égard, Rolls-Royce est d'avis que le domaine d'activité d'Engine Alliance devrait être strictement limité au développement, à la construction, à la commercialisation et à la vente d'un nouveau moteur d'une poussée minimale de 67 000 livres, plus 15 % pour tenir compte de l'évolution du moteur. Il faudrait exclure de son champ d'activité tous les travaux en commun de conception et de développement autres que ceux qui sont nécessaires pour l'intégration des modules, l'adaptation du moteur à la cellule, les essais et la validation. Les applications du nouveau moteur devraient être strictement limitées aux appareils pouvant transporter plus de 475 passagers, ce qui serait conciliable avec les caractéristiques techniques actuelles définies par Airbus pour l'A3XX. Enfin, Engine Alliance devrait être tenue de notifier sans délai à la Commission toute modification de son domaine d'activité et ne pas mettre à exécution cette modification avant que la Commission ne l'ait approuvée.
(59) En outre, Rolls-Royce fait valoir qu'il faudrait soumettre Engine Alliance à l'obligation d'exercer ses activités dans des conditions de pleine concurrence avec ses entreprises fondatrices afin d'éviter qu'elle ne bénéficie de subventions croisées de leur part. Engine Alliance devrait être une entreprise autonome et indépendante, qui ne reçoit aucune subvention ni aucun soutien directs ou indirects de la part de ses fondatrices. De plus, Engine Alliance devrait être tenue d'adopter une comptabilité séparée de celle de ses sociétés mères, qui serait vérifiée tous les ans par un commissaire aux comptes indépendant et ferait l'objet d'une publication annuelle.
(60) Rolls-Royce estime également qu'il devrait être interdit à Engine Alliance de conclure avec les avionneurs des accords exclusifs pour le nouveau moteur. Rolls-Royce craint que GEAE et P & W n'exercent leur pouvoir de marché cumulé pour "acheter" l'exclusivité pour une cellule, ce qui risquerait fort de l'évincer elle-même du marché. Enfin, Rolls-Royce propose que GEAE et sa filiale de leasing GECAS soient tenues d'offrir aux clients potentiels un véritable choix de moteurs et de services d'entretien, à des conditions non préférentielles, s'il s'agit de financer l'achat d'un appareil quadriréacteur d'une capacité supérieure à 475 passagers. Cela empêcherait GECAS, qui est très puissante et dispose d'un important pouvoir de négociation, d'obliger ses clients à prendre en leasing des avions équipés de moteurs GEAE ou Engine Alliance, ce qui limiterait le choix offert aux clients potentiels et fausserait la concurrence entre Engine Alliance et Rolls-Royce.
G. ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LES PARTIES
(61) La Commission a examiné avec attention toutes les observations qu'elle a reçues et a conclu qu'elles n'étaient pas de nature à modifier sa position favorable initiale, telle qu'elle ressort de la communication faite en vertu de l'article 19, paragraphe 3. Toutefois, après de nouveaux entretiens, les parties ont proposé un certain nombre d'engagements en ce qui concerne la possibilité pour les tiers de réaliser des services d'entretien et de maintenance du nouveau moteur, les accords d'exclusivité portant sur le nouveau moteur et les activités de la filiale de General Electric Company spécialisée dans le leasing, à savoir GECAS. La Commission a pris acte de ces engagements, qui sont les suivants.
(62) Engine Alliance mettra à la disposition des tiers, aux conditions commerciales habituelles dans ce secteur, les manuels et autres publications techniques relatifs au moteur qui sont nécessaires pour effectuer les opérations de base pour l'entretien et la maintenance du nouveau moteur.
(63) Engine Alliance s'engage à ne pas chercher à obtenir, solliciter ni imposer de conditions d'exclusivité dans ses offres ou ses contrats pour le développement ou la fourniture du nouveau moteur aux avionneurs, sauf dans les campagnes dans le cadre desquelles un autre motoriste propose de conclure un accord exclusif.
(64) GEAE informera par écrit la Commission de tout ordre d'achat passé par sa filiale General Electric Capital Aviation Services (GECAS) pour tout nouvel appareil équipé du nouveau moteur.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ CE ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, DE L'ACCORD EEE
1. Entreprise commune coopérative
(65) L'opération Engine Alliance doit être appréciée au regard des règles applicables à la date de la notification, c'est-à-dire avant que le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises(13) n'ait été modifié par le règlement (CE) n° 1310-97(14).
(66) L'entreprise commune est sous le contrôle commun de ses entreprises fondatrices. La structure de gestion d'Engine Alliance implique qu'aucune des fondatrices n'est en mesure d'exercer séparément une influence déterminante sur le processus décisionnel de l'entreprise commune. L'accord unanime de tous les membres du comité est exigé pour toutes les questions importantes concernant l'organisation de l'entreprise commune.
(67) Les entreprises fondatrices resteront responsables de la conception et de la production des composants du nouveau moteur, tandis qu'Engine Alliance sera chargée de l'assemblage final, de la commercialisation et de la vente du nouveau moteur indépendamment de ses fondatrices. Le nouveau moteur sera commercialisé sous le nom d'Engine Alliance. GEAE et P & W vendront à Engine Alliance les composants, qu'elles sont chargées de produire, à un prix déterminé sur la base d'une formule déterminée et fixe. Engine Alliance disposera de son propre compte de résultats. Les profits et les pertes seront répartis entre les entreprises fondatrices à la fin de chaque exercice.
(68) À la lumière des éléments qui précèdent, Engine Alliance est considérée comme accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. C'est donc une entreprise commune de plein exercice au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4064-89.
(69) La création d'Engine Alliance pouvant toutefois entraîner un risque de coordination du comportement des entreprises fondatrices sur le marché voisin des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux existants, sur lequel les parties sont actuellement en concurrence(15), elle est exclue du champ d'application du règlement (CEE) n° 4064-89. Il y a donc lieu de conclure que, en créant Engine Alliance, les parties ont constitué une entreprise commune coopérative sur laquelle elles exercent un contrôle en commun et qui doit être appréciée au regard de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
2. Applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à la création et au fonctionnement d'Engine Alliance
(70) Un accord d'entreprise commune ne constitue pas, en soi, une restriction de concurrence, mais il peut tomber sous le coup de l'article 81 (ex article 85), paragraphe 1, du traité CE si toutes les conditions énoncées dans cet article sont remplies. Une entreprise commune coopérative peut empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence entre ses entreprises fondatrices si les parties sont déjà des concurrents effectifs ou potentiels.
(71) Les parties font valoir qu'elles ne sont pas en concurrence, d'une manière effective ou potentielle, pour le nouveau moteur, puisqu'elles ne peuvent le développer dans les délais impartis qu'en combinant leurs technologies complémentaires. Or, alors que les délais fixés pour le développement du nouveau moteur étaient très courts au moment de la notification initiale de 1996, ces contraintes de temps sont devenues depuis beaucoup plus souples. D'après les dernières estimations d'Airbus, l'A3XX en projet ne devrait pas être mis en exploitation avant 2004 au plus tôt.
(72) En outre, les parties sont toutes deux présentes sur le marché voisin des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux existants. Sur ce marché, en effet, elles offrent des moteurs concurrents dont la plage de poussées, à savoir 63 000-93 500 livres, englobe celle du nouveau moteur. Le fait qu'elles aient toutes deux réussi, par le passé, à développer de nouveaux moteurs, indépendamment l'une de l'autre, dans cette plage de poussées indique qu'elles possèdent chacune le savoir-faire technique et les techniques de production nécessaires pour produire séparément le nouveau moteur. Puisqu'elles sont, en outre, déjà présentes sur le marché voisin, elles n'ont pas à surmonter d'importantes barrières à l'entrée.
(73) Les parties soutiennent également qu'elles ne prendraient pas le risque financier de développer le nouveau moteur indépendamment l'une de l'autre, en raison des coûts élevés de développement et du fait que la demande est incertaine et limitée. Les coûts d'investissement que supposerait le développement indépendant du nouveau moteur atteindraient un milliard de USD au lieu des 800 millions de USD engagés pour le développement en commun. GEAE et P & W soulignent qu'elles ne réaliseraient séparément un tel investissement que si elles pouvaient tabler sur un bénéfice suffisant pour couvrir les coûts d'investissement et sur une rentabilité suffisante pour les dédommager des risques qu'elles prennent. Les parties estiment que le seuil de rentabilité ne sera pas atteint avant 2020.
(74) Même si les dépenses de développement du nouveau moteur sont très élevées, elles ne seraient pas en soi un obstacle fondamental, susceptible d'empêcher les parties de développer le nouveau moteur indépendamment l'une de l'autre. Jusqu'à maintenant, les parties ont réalisé de très lourds investissements pour les familles de moteurs qu'elles ont déjà mises au point et dont certaines ne sont sur le marché que depuis quelques années (c'est le cas, par exemple, du PW4000). De surcroît, les parties appartiennent toutes deux à des entreprises internationales dotées de ressources financières considérables. GEAE fait ainsi partie de General Electric, la plus grande entreprise mondiale, tandis que P & W appartient à United Technologies, qui dispose, elle aussi, de très importantes capacités financières (considérants 5 à 8). On peut donc légitimement penser que les parties pourraient toutes deux, indépendamment l'une de l'autre, supporter les risques techniques et financiers associés au développement et à la production d'un nouveau moteur. Les parties pourraient aussi limiter le risque financier en partageant les coûts avec des partenaires, qui joueraient le rôle de fournisseurs et de sous-traitants.
(75) À la lumière de ce qui précède, la Commission estime que, même s'il est économiquement plus efficace pour les parties de développer le nouveau moteur en coopération, elles pourraient, techniquement et économiquement, le faire indépendamment l'une de l'autre. Les parties sont donc des concurrents potentiels pour le nouveau moteur dans le cadre de ce qui serait un oligopole étroit composé, tout au plus, de trois constructeurs. La création et le fonctionnement d'Engine Alliance restreignent sensiblement la concurrence pour le nouveau moteur, car elles réduisent le choix des fournisseurs en le ramenant de trois fournisseurs potentiels (GEAE, P & W et Rolls-Royce) à deux (Engine Alliance et Rolls-Royce).
3. Effets sur le commerce entre États membres
(76) Dans la mesure où les principaux clients potentiels du nouveau moteur sont les compagnies aériennes qui desservent un réseau de liaisons étendu pour des vols long-courriers, et qui sont établies surtout dans la région Asie-Pacifique, la création d'Engine Alliance produira essentiellement des effets dans cette région. Toutefois, les clients et utilisateurs d'avions à réaction sont aussi les compagnies aériennes de l'EEE, ainsi que des compagnies établies en dehors de l'EEE, mais qui transportent des passagers entre les pays de l'EEE. Les clients potentiels incluent donc aussi les compagnies ayant leur siège dans l'EEE ainsi qu'un avionneur, Airbus, qui a son siège en France. De plus, GEAE autant que P & W commercialisent leurs produits par l'entremise d'agents commerciaux établis dans l'EEE et y possèdent des installations de révision et de réparation ainsi que des stocks de pièces détachées. La création d'Engine Alliance risque donc de produire des effets sensibles sur le commerce entre États membres au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
B. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3, DU TRAITÉ CE ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 3, DE L'ACCORD EEE
(77) La coopération, notifiée, entre GEAE et P & W présente les caractéristiques suivantes : elle porte sur le développement d'un nouveau moteur pour un avion en projet, deux produits qui n'ont pas encore été lancés sur le marché et pour lesquels la demande est incertaine. Le développement de ce nouveau moteur implique de lourds investissements, qui ne seront probablement pas rentabilisés avant au moins quinze ans. En outre, même si cette coopération réduit le nombre de concurrents potentiels, elle constitue une solution de rechange réaliste au seul fournisseur restant pour les moteurs, à savoir Rolls-Royce, qui pourra offrir une version dérivée d'un moteur existant.
(78) Tenant compte de ces facteurs, la Commission conclut que l'accord, notifié, entre GEAE et P & W remplit les quatre conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE pour pouvoir bénéficier d'une exemption.
1. Progrès technique et économique
(79) Sous l'effet des pressions concurrentielles qui s'exercent dans le secteur des transports, des objectifs plus stricts quant aux résultats à atteindre ont été définis, en particulier en ce qui concerne les coûts d'exploitation et les normes en matière de protection de l'environnement. Ces objectifs de résultat s'appliquent aux nouveaux appareils qui assurent les vols long-courriers ainsi qu'aux moteurs dont ils sont équipés. Le nouveau moteur doit atteindre des objectifs plus stricts quant à ses performances que n'importe quel moteur existant. En coopérant, les parties pourront se concentrer sur le développement des composants du moteur pour lesquels elles disposent d'un avantage technique, par exemple, la technique des pales de soufflante en ce qui concerne P & W et celle du compresseur HP pour ce qui est de GEAE. La coopération permettra aux parties de mettre au point un moteur moins cher sous l'angle des coûts de maintenance et du coût par passager et par kilomètre parcouru, et produisant moins d'émissions de gaz et d'émissions sonores que les moteurs déjà développés par les parties. Aucun moteur disponible sur le marché ne remplit ces critères.
(80) Les responsabilités d'Engine Alliance en matière de conception et de production seront partagées entre GEAE et P & W en fonction de leurs atouts techniques respectifs, de sorte que les parties pourront développer le nouveau moteur en moins de temps qu'elles n'auraient pu le faire autrement. La coopération permettra aussi de réaliser d'importantes économies. Les coûts d'investissement nécessaires au développement séparé du nouveau moteur auraient été, selon les parties, de l'ordre de un milliard de USD, contre environ 800 millions avec le développement en commun.
2. Profit pour le consommateur
(81) Le nouveau moteur constituera tant pour les avionneurs que pour les compagnies aériennes un moteur techniquement avancé. Le consortium Airbus a déclaré, à cet égard, qu'il était favorable à la création d'Engine Alliance, qui lui donnera le choix entre deux moteurs pour son projet d'A3XX.
(82) Le nouveau moteur peut présenter d'autres avantages également, car il diminuera les coûts d'exploitation, permettra de desservir des liaisons plus longues sans escale et respectera les nouvelles restrictions acoustiques imposées dans les aéroports en matière d'émissions sonores. La diminution des coûts d'exploitation devrait profiter aussi bien aux avionneurs et aux compagnies aériennes qu'aux passagers de ces compagnies, sous forme d'une baisse des prix, en raison des fortes pressions concurrentielles qui s'exercent sur ce marché.
3. Caractère indispensable
(83) Bien que les parties soient à même, techniquement et financièrement, de développer le nouveau moteur indépendamment l'une de l'autre, elles ne pourraient y parvenir dans des délais identiques et moyennant les mêmes coûts qu'Engine Alliance. Il n'existe actuellement, sur le marché, aucun moteur concurrent, mais Rolls-Royce est en train de mettre au point un dérivé de son moteur Trent pour l'A3XX en projet. La coopération est donc nécessaire pour pouvoir disposer, plus tôt qu'il ne serait possible autrement, d'un moteur concurrent sur le marché.
(84) La création et le fonctionnement d'Engine Alliance peuvent donc être considérés comme indispensables à la réalisation des objectifs précités. Il est néanmoins nécessaire de s'assurer que la coopération ne s'étendra pas au-delà de ce qui a été notifié et considéré comme indispensable à cet effet.
(85) La Commission est d'avis qu'il existe un risque que le nouveau moteur puisse être adapté, à un stade ultérieur, en vue d'être utilisé sur d'autres avions que celui pour lequel il était initialement conçu. Les parties elles-mêmes ont confirmé qu'une telle adaptation est possible, même si elle est coûteuse et prend du temps. Ainsi qu'il ressort des explications données aux considérants 34 et 35, les réacteurs sont souvent modifiés afin d'offrir des caractéristiques supplémentaires pour la motorisation d'autres appareils que ceux pour lesquels ils étaient initialement conçus. Les trois motoristes ont ainsi développé, par le passé, des familles de moteurs pour la motorisation de différents avions. Les compagnies aériennes et les avionneurs, qui recherchent des moteurs nouveaux et plus performants pour les nouveaux modèles d'avion, poussent fréquemment à de telles adaptations en demandant aux constructeurs de développer des dérivés des moteurs existants. La plage de poussées indiquée pour le nouveau moteur est en définitive suffisamment large pour rendre possibles ces adaptations.
(86) Dans le cas où le nouveau moteur, avec sa combinaison de caractéristiques unique en son genre, serait un succès commercial, les parties seraient incitées à l'adapter afin d'en équiper les gros-porteurs commerciaux existants au lieu de développer chacune des versions dérivées de leurs propres moteurs, ce qui leur permettrait de rentabiliser leurs investissements dans le développement du nouveau moteur. Cela aurait pour effet de restreindre la concurrence entre les parties sur le marché des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux, marché sur lequel elles sont actuellement en concurrence et disposent de très importantes parts de marché cumulées (considérants 42 à 45). Il en découlerait en outre une diminution du choix offert au client. Le marché des réacteurs pour gros-porteurs commerciaux en exploitation se caractérise par l'existence de très importantes barrières à l'entrée et une très forte concentration, puisqu'il ne compte que trois motoristes, sans oublier le fait qu'il représente une valeur financière élevée.
(87) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission estime qu'il y a lieu d'imposer la condition que la coopération soit strictement limitée à un moteur déterminé, conçu exclusivement pour l'avion A3XX en projet et pour les éventuelles versions allongées du B747-400. Afin que la coopération ne s'étende pas au-delà, il est également nécessaire d'imposer un certain nombre d'obligations aux parties.
4. Maintien de la concurrence
(88) Il existera des pressions concurrentielles en ce qui concerne le nouveau moteur, puisque Rolls-Royce offrira son moteur Trent 900 pour l'A3XX envisagé. Un protocole d'accord a déjà été signé entre Airbus et Rolls-Royce à cette fin. De plus, Rolls-Royce est un concurrent potentiel pour un moteur devant équiper d'éventuelles versions allongées du B747-400. La coopération entre les parties n'éliminera donc pas la concurrence pour la fourniture du nouveau moteur.
C. CONDITION DONT SERA ASSORTIE LA DÉCISION
(89) En vertu de l'article 8 du règlement n° 17 et du protocole 21 de l'accord EEE, la Commission peut assortir de conditions la décision qu'elle prend en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE. Pour les raisons exposées aux considérants 85, 86 et 87, la présente décision doit être subordonnée à une condition qui limite strictement l'activité d'Engine Alliance à un nouveau moteur pour l'A3XX en projet et pour les éventuelles versions allongées du B747-400. Il faut également veiller à ce que les entreprises fondatrices développent indépendamment l'une de l'autre les technologies nécessaires à la mise au point des composants dont elles sont chargées.
(90) Le domaine d'activité d'Engine Alliance est décrit par référence aux futurs avions auxquels le nouveau moteur est spécifiquement destiné. Ce domaine d'activité aurait pu être défini autrement, d'après la poussée du nouveau moteur. Une telle définition serait toutefois difficile en l'espèce, car ni Airbus ni Boeing n'ont encore arrêté de décision finale quant à la poussée du moteur nécessaire à leur projet d'avion. En outre, la plage de poussées d'un moteur est souvent augmentée à la demande de l'avionneur. Engine Alliance doit donc disposer d'une souplesse suffisante pour adapter sa plage de poussées en fonction des exigences des avionneurs.
(91) Pour faire en sorte que le nouveau moteur ne soit proposé que pour les futurs avions commerciaux de très grande capacité, il convient aussi de déterminer les applications possibles du nouveau moteur en se basant sur le nombre de passagers. La Commission estime par conséquent qu'il y a lieu de limiter les applications du nouveau moteur à l'A3XX et aux éventuelles versions allongées du Boeing B747-400 qui sont conçus, dans leur configuration de base, pour le transport de plus de 450 passagers(16).
D. CHARGES DONT SERA ASSORTIE LA DÉCISION
(92) Pour que la Commission puisse vérifier si les parties respectent la condition précitée, sa décision doit également être assortie d'un certain nombre de charges conformément à l'article 8 du règlement n° 17 et au protocole 21 de l'accord EEE. Pour permettre à la Commission de s'assurer que le domaine couvert par la coopération ne s'étend pas, à son insu, au-delà de ce qui est prévu, les parties sont tenues de lui notifier tout projet de modification du domaine d'activité d'Engine Alliance dès que possible et, dans tous les cas, avant de mettre en œuvre cette modification.
(93) Pour que la Commission puisse vérifier que le domaine d'activité d'Engine Alliance se limite à ce qui a été notifié, Engine Alliance devra être constituée en tant que personne morale distincte, exerçant ses activités à part entière et en concurrence avec ses entreprises fondatrices en ce qui concerne la fourniture d'avion. Elle sera aussi dotée d'une comptabilité séparée. L'accord concernant la société à responsabilité limitée prévoit qu'Engine Alliance sera soumise à une vérification annuelle des comptes effectuée par des commissaires aux comptes indépendants. En outre, Engine Alliance est tenue de communiquer les rapports des commissaires aux comptes à la Commission. À la demande de celle-ci, elle devra aussi lui transmettre ses pièces comptables.
(94) En ce qui concerne la capacité des entreprises fondatrices de soutenir financièrement Engine Alliance, la Commission estime qu'il n'est pas réaliste, du point de vue économique, d'exiger qu'Engine Alliance ne reçoive aucune subvention ni aucun soutien directs ou indirects de ses fondatrices. Étant donné les caractéristiques du marché, ce serait impossible, en raison des coûts de développement très élevés et de la durée des travaux de développement.
(95) Engine Alliance ne doit commercialiser et vendre que le nouveau moteur. Si l'entreprise commune était également autorisée à commercialiser et à vendre les moteurs développés par les parties, il pourrait en résulter une restriction de la concurrence qu'elles se livrent en ce qui concerne leurs programmes de moteurs existants. L'accord notifié concernant la société à responsabilité limitée prévoit que la vente du nouveau moteur incombera à Engine Alliance, qui ne commercialisera aucun autre programme de moteurs de l'une ou de l'autre partie.En outre, il est nécessaire de définir précisément le rôle du personnel commercial et du personnel des ventes de P & W et de GEAE. Les entreprises fondatrices ne peuvent donc pas commercialiser le nouveau moteur ni avoir accès aux réponses données aux clients potentiels de ce nouveau moteur. De surcroît, au cas où un client solliciterait une offre pour plusieurs moteurs, à savoir d'une part, le nouveau moteur, et d'autre part, l'un des moteurs de l'une ou de l'autre partie, les remises et les réductions consenties, ainsi que les autres conditions de vente du nouveau moteur, devront faire l'objet d'une offre séparée. Les entreprises fondatrices ne peuvent divulguer à Engine Alliance ni se communiquer les conditions de leurs offres séparées.
(96) Afin de préserver la concurrence entre les parties en dehors d'Engine Alliance, il y a lieu en outre de faire en sorte que l'échange d'informations confidentielles allongées soit limité à ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise commune. En vertu de l'accord concernant la société à responsabilité limitée, Engine Alliance et les parties prendront un certain nombre de mesures de sauvegarde pour empêcher l'échange d'informations sensibles sous l'angle de la concurrence. Ces mesures comprennent l'obligation de stocker séparément, dans les locaux de chacune des parties, toutes les informations protégées dont la divulgation n'est pas nécessaire pour les besoins du nouveau moteur, et l'obligation faite aux parties de former chacune leur personnel de telle manière que les garanties de confidentialité soient respectées. En outre, il y a lieu de préciser que les informations protégées englobant les techniques confidentielles, les stratégies commerciales, les quantités, les prix, les remises, les réductions, ainsi que les autres conditions de vente ne peuvent pas être échangées entre GEAE, P & W et Engine Alliance en ce qui concerne les offres respectives séparées de moteur de GEAE et P & W. Il faut également que le personnel d'Engine Alliance soit tenu de signer un accord sur la confidentialité afin de veiller au respect de ces principes.
E. DURÉE DE L'EXEMPTION
(97) En vertu de l'article 8 du règlement n° 17 et du protocole 21 de l'accord EEE, une décision d'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité est accordée pour une durée déterminée. Aux termes de l'article 6 du règlement n° 17, la date à partir de laquelle cette décision prend effet ne saurait être antérieure au jour de la notification.
(98) La présente décision concerne un secteur où les délais de développement d'un nouveau produit sont longs et où les investissements ne peuvent généralement être rentabilisés avant au moins quinze ans. Partant, et conformément à l'article 6 du règlement n° 17, la présente décision produit ses effets à compter de la date de notification et pour une durée de quinze (15) ans. L'exemption est accordée jusqu'au 26 septembre 2011.
(99) La présente décision est sans préjudice de l'application de l'article 82 du traité CE et de l'article 54 de l'accord EEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Conformément à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE, les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, sont déclarées inapplicables aux accords suivants : i) le protocole d'accord conclu le 27 mai 1998 entre Engine Alliance et Airbus; ii) l'accord du 28 août 1996 relatif à l'opération et iii) l'accord du 28 août 1996 concernant la société à responsabilité limitée.
Article 2
La présente décision est assortie de la condition suivante:
le domaine d'activité d'Engine Alliance est limité à la conception, au développement, à la commercialisation, à la vente, ainsi qu'à l'entretien et à la réparation du nouveau moteur d'avion notifié et de ses dérivés. Les applications de ce moteur et ses dérivés seront limitées à l'Airbus A3XX en projet et à toute version dérivée de cet avion pour le transport de passagers ou de fret, ainsi qu'à tout futur quadrimoteur de Boeing offrant dans sa configuration de base, une capacité supérieure à 450 passagers. Le développement en commun sera limité aux travaux de développement nécessaires à l'intégration des modules et à l'adaptation du moteur à la cellule. En particulier, GEAE et P & W développeront indépendamment l'une de l'autre les technologies nécessaires aux principaux modules dont chacune est chargée, à savoir, pour ce qui est de GEAE, le compresseur haute pression, la turbine haute pression et la chambre de combustion haute pression, et en ce qui concerne P & W, le module de la soufflante, le compresseur basse pression, la turbine basse pression et le carter de sortie turbine.
Article 3
La présente décision est assortie des charges suivantes:
1) Les parties doivent notifier à la Commission dans les meilleurs délais toute modification qu'elles envisagent d'apporter au domaine d'activité d'Engine Alliance et, dans tous les cas, avant de mettre en œuvre cette modification.
2) Engine Alliance sera constituée en tant que personne morale distincte exerçant ses activités à part entière qui négociera directement avec ses clients et en concurrence avec ses entreprises fondatrices la fourniture de moteurs d'avion. Les pièces comptables et les rapports des commissaires aux comptes concernant Engine Alliance seront établis dans le cadre d'une comptabilité séparée de celles de P & W et de GEAE. Les rapports des commissaires aux comptes seront communiqués à la Commission. À la demande de celle-ci, Engine Alliance lui transmettra ses pièces comptables. Les informations relatives aux coûts réels de P & W ne seront pas partagées avec GEAE, et réciproquement.
3) Le rôle du personnel commercial et du personnel de vente de P & W et de GEAE se limitera à celui de points de contact pour la clientèle, ainsi qu'à la transmission des demandes d'informations générales sur les produits et de renseignements techniques sur le nouveau moteur et à la fourniture de ces informations et renseignements. Le personnel de P & W et de GEAE n'aura pas accès aux réponses données par Engine Alliance à la clientèle.
4) Si un client sollicite une offre pour plusieurs moteurs, à savoir d'une part, des moteurs construits par P & W et/ou International Aero-Engines, ou bien des moteurs construits par GEAE et/ou CFMI, et d'autre part, le nouveau moteur, les remises et les autres réductions consenties, ainsi que les autres conditions de vente du nouveau moteur feront l'objet d'une offre séparée, et ni GEAE ni P & W ne pourront divulguer à Engine Alliance ou se communiquer la nature des conditions qu'elles choisissent chacune d'appliquer dans leurs offres de moteurs respectives.
5) En ce qui concerne les offres respectives séparées de moteur de GEAE et P & W Engine Alliance, P & W et GEAE adopteront des mesures de sauvegarde pour empêcher l'échange entre elles d'informations protégées et sensibles sous l'angle de la concurrence, notamment sur les technologies confidentielles, les stratégies commerciales, les quantités, les prix ou les aspects mentionnés au point 4 ("informations protégées"). À cet égard, il est fait obligation au personnel d'Engine Alliance de signer un accord sur la confidentialité afin d'assurer le respect de ces principes.
Article 4
La présente décision s'applique à compter de la date de notification des accords visée à l'article 1er jusqu'au 26 septembre 2011.
Article 5
Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:
1) General Electric Company 1299 Pennsylvania Avenue, N.W., Suite 1100W, Washington, D.C. 20004 États-Unis d'Amérique
2) United Technologies Corporation United Technologies Building Hartford, Connecticut 06101 États-Unis d'Amérique
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO L 148 du 15.6.1999, p. 5.
(3) JO C 339 du 7.11.1998, p. 3.
(4) Secret d'entreprise.
(5) Secret d'entreprise.
(6) Secret d'entreprise.
(7) Décision 97-816-CE de la Commission, affaire IV/M.877 - Boeing/McDonnell Douglas (JO L 336 du 8.12.1997, p. 16, considérants 16 et 38).
(8) Secret d'entreprise.
(9) Secret d'entreprise.
(10) Secret d'entreprise.
(11) Snecma et BMW ne sont pas à même de développer séparément de tels réacteurs. Seule une coopération avec l'un des trois motoristes (GEAE, P & W et Rolls-Royce) le leur permettrait.
(12) Voir note 3 de bas de page.
(13) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1, version rectifiée dans JO L 257 du 21.9.1990, p. 13.
(14) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.
(15) Pour une définition du marché voisin, voir considérants 30 à 37 de la présente décision.
(16) L'estimation la plus récente de Boeing pour la version allongée du B747-400X est d'environ 485 passagers.