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Décisions

CJCE, 6e ch., 8 juillet 1999, n° C-51/92 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hercules Chemicals (NV)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Kapteyn

Avocat général :

M. Cosmas

Juges :

MM. Hirsch, Mancini (rapporteur), Murray, Ragnemalm

Avocat :

Me Siragusa.

CJCE n° C-51/92 P

8 juillet 1999

LA COUR (sixième chambre),

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 février 1992, Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules") a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7-89, Rec. p. II-1711, ci-après l'"arrêt attaqué").

Faits et procédure devant le Tribunal

2. Les faits qui sont à l'origine du pourvoi, tels qu'ils résultent de l'arrêt attaqué, sont les suivants.

3. Plusieurs entreprises actives dans l'industrie européenne de produits pétrochimiques ont introduit un recours en annulation devant le Tribunal à l'encontre de la décision 86-398-CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31149 - Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après la "décision polypropylène").

4. Selon les constatations effectuées par la Commission, confirmées sur ce point par le Tribunal, le marché du polypropylène était approvisionné, avant 1977, par dix producteurs, dont quatre [Montedison SpA (ci-après "Monte"), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI") et Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell"), ci-après les "quatre grands"] représentant ensemble 64 % du marché. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Monte, de nouveaux producteurs sont apparus sur le marché en 1977, ce qui a conduit à une augmentation substantielle de la capacité réelle de production, sans entraîner pour autant un accroissement correspondant de la demande. Ceci a eu pour conséquence une utilisation des capacités de production comprise entre 60 % en 1977 et 90 % en 1983. Chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

5. Hercules fait partie des nouveaux producteurs apparus sur le marché en 1977. Sa position sur le marché ouest-européen était celle d'un producteur de taille moyenne, dont la part de marché se situait entre environ 5 et 6,8 % Hercules était toutefois le plus grand producteur nord-américain.

6. A la suite de vérifications effectuées simultanément dans plusieurs entreprises du secteur, la Commission a adressé à plusieurs producteurs de polypropylène des demandes de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Il ressort du point 6 de l'arrêt attaqué que les informations obtenues ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 81 CE (ex-article 85), fixé régulièrement des objectifs de prix à travers des initiatives de prix et élaboré un système de contrôle annuel des ventes en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus. Ceci a conduit la Commission à engager la procédure prévue à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et à adresser une communication écrite des griefs à plusieurs entreprises, dont Hercules.

7. Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision polypropylène, par laquelle elle a constaté que Hercules avait enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE en participant, avec d'autres entreprises, pour ce qui concerne Hercules de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins, à un accord et à une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun:

- ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de l'année 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;

- ont fixé périodiquement des prix "cibles" (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

- ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de l'année 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

- ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

- se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un "quota" annuel de vente (en 1979, en 1980 et pendant une partie au moins de l'année 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (en 1981 et en 1982) (article 1er de la décision polypropylène).

8. La Commission a ensuite ordonné aux différentes entreprises concernées de mettre fin immédiatement à ces infractions et de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou toute pratique concertée susceptibles d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire. La Commission leur a également ordonné de mettre fin à tout système d'échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel et de faire en sorte que tout système d'échange de données générales (tel que le système Fides) soit géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de plusieurs producteurs déterminés (article 2 de la décision polypropylène).

9. Une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR, a été infligée à Hercules (article 3 de la décision polypropylène).

10. Le 31 juillet 1986, Hercules a introduit un recours en annulation à l'encontre de cette décision devant la Cour qui a, par ordonnance du 15 novembre 1989, renvoyé l'affaire devant le Tribunal, en application de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1).

11. Hercules a conclu devant le Tribunal à l'annulation, totale ou partielle, des articles 1er et 3 de la décision polypropylène, dans la mesure où ils lui sont applicables, à titre subsidiaire, à la modification de l'article 3 de cette décision, dans la mesure où il lui est applicable, de manière à annuler ou à réduire substantiellement le montant de l'amende qui lui a été infligée et, en tout état de cause, à la condamnation de la Commission aux dépens.

12. La Commission a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

13. Par ordonnance de la Cour du 30 septembre 1992, la requête en intervention présentée par DSM NV a été rejetée comme irrecevable, en sorte que cette dernière a été condamnée à supporter ses propres dépens.

L'arrêt attaqué

Sur les droits de la défense - Refus de donner accès aux réponses des autres producteurs aux communications des griefs

14. Au point 51 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le respect des droits de la défense exige que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés contre elle dans les communications des griefs qui lui ont été adressées, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications des griefs ou annexés à celles-ci (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 7).

15. Au point 52, le Tribunal a indiqué, en revanche, que le respect des droits de la défense n'exige pas qu'une entreprise impliquée dans une procédure au titre de l'article 81, paragraphe 1, CE puisse commenter tous les documents faisant partie du dossier de la Commission, puisque aucune disposition n'impose à la Commission l'obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 25).

16. Le Tribunal a toutefois noté, au point 53, que, en établissant une procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence, la Commission s'était imposé des règles dépassant les exigences formulées par la Cour, règles qui avaient été noncées dans le Douzième Rapport sur la politique de concurrence et dont la Commission ne pouvait se départir (arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission/Conseil, 81-72, Rec. p. 575, point 9, et du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148-73, Rec. p. 81).

17. Le Tribunal en a déduit, au point 54, que la Commission avait l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle avait recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles.

18. Quant au refus de la Commission de donner à Hercules accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications des griefs, le Tribunal a considéré, au point 56, qu'il n'était pas nécessaire d'examiner si ce refus constituait une violation des droits de la défense. Selon le Tribunal, un tel examen n'aurait été nécessaire que s'il existait une possibilité que, en l'absence de ce refus, la procédure administrative aboutisse à un résultat différent [arrêts de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30-78, Rec. p. 2229, point 27 (recte: 26), et du Tribunal du 27 novembre 1990, Kobor/Commission, T-7-90, Rec. p. II-721, point 30]. Or, le Tribunal a constaté que tel n'était pas le cas en l'espèce, car, à la suite de la jonction des affaires aux fins de la procédure orale devant le Tribunal, la requérante avait eu accès aux réponses des autres entreprises aux communications des griefs et n'en avait retiré aucun élément à décharge dont elle aurait pu se prévaloir lors de la procédure orale Le Tribunal en a déduit que ces réponses ne contenaient aucun élément à décharge et que, dès lors, le fait que la requérante n'avait pu y avoir accès durant la procédure administrative n'avait pu affecter le résultat auquel était parvenue la Commission dans la décision polypropylène. Au point 57, le Tribunal a donc rejeté ce grief.

Sur l'établissement de l'infraction - Constatations de fait

Les contacts entre producteurs et la réunion de la European Association for Textile Polyolefins du 22 novembre 1977

19. S'agissant des contacts entre producteurs et de la réunion de la European Association for Textile Polyolefins (ci-après l'"EATP") du 22 novembre 1977, le Tribunal a d'abord constaté, au point 71, que Hercules avait admis, tant dans sa réponse à la demande de renseignements que dans sa requête, avoir reçu occasionnellement de la part d'autres producteurs des renseignements par téléphone, concernant des discussions ou des réunions qui avaient eu lieu entre eux, même si elle niait avoir pris l'initiative de tels contacts. Le Tribunal a en outre relevé que Hercules n'avait pas limité dans le temps l'existence de ces contacts.

20. Le Tribunal a ensuite considéré, aux points 72 et 73, que les déclarations faites par Hercules lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 constituaient l'expression d'un concours de volontés avec d'autres producteurs sur un objectif de prix de 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977, dont l'existence était confirmée par les déclarations faites par Hercules lors de la réunion de l'EATP du 26 mai 1978.

21. En conclusion, le Tribunal a estimé, au point 75, que la Commission avait établi à suffisance de droit, d'une part, que la requérante était informée du résultat des discussions sur le prix et qu'elle était en contact avec d'autres producteurs, notamment durant les années 1977 et 1978, lorsque la nécessité s'en faisait sentir et, d'autre part, que les déclarations de la requérante, telles qu'elles ressortaient du compte rendu de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, constituaient l'expression d'un concours de volontés entre la requérante et d'autres producteurs sur la fixation d'un objectif de prix de 1,30 DM/kg.

Le système des réunions périodiques

22. En ce qui concerne le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène, le Tribunal a d'abord constaté, au point 93 de l'arrêt attaqué, que la communication spécifique des griefs adressée à Hercules indiquait qu'elle avait assisté, en la personne d'un employé, à un certain nombre de réunions de "patrons" et d'"experts" à partir de 1979 et a relevé, au point 94, que sa participation n'avait pas été aussi irrégulière qu'elle l'affirmait, puisqu'il était possible que Hercules ait pris part avant mai 1982 à quinze réunions sur vingt-neuf.

23. Le Tribunal a ensuite considéré, aux points 95 et 96, que l'irrégularité relative de la participation de Hercules auxdites réunions ne constituait pas le seul élément à prendre en considération en vue de l'examen de sa participation au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, mais qu'il fallait également tenir compte des contacts que Hercules avait pu avoir avec d'autres producteurs et par lesquels elle avait pu compléter les nombreuses informations recueillies au cours des réunions à propos des politiques commerciales que mèneraient ses concurrents. Le Tribunal en a conclu que ladite irrégularité n'était pas de nature à démentir la participation de Hercules au système de réunions périodiques avant mai 1982. Le Tribunal a également constaté, au point 97, que la participation de Hercules aux réunions à partir de mai 1982 et jusqu'à la fin août 1983 avait été régulière.

24. Le Tribunal a par ailleurs relevé, au point 98, que la Commission avait pu estimer à bon droit, sur la base des éléments qui avaient été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui avaient été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que les réunions avaient pour objet, notamment, de fixer des objectifs de prix et de volumes de vente. Selon le point 100 de l'arrêt attaqué, c'est également à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI relative à la périodicité des réunions de "patrons" et d'"experts", ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions, que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.

25. Au point 101, le Tribunal a ajouté que le caractère prétendument passif de la participation de l'employé de Hercules aux réunions était démenti par différents éléments de preuve. Selon le point 102, il n'est pas crédible que ses supérieurs aient ignoré cette participation au contraire, ils auraient eu eux-mêmes des contacts avec d'autres participants aux réunions. Selon le point 103, la nature de la participation dudit employé aux réunions n'était pas différente de celle des autres participants. Quant au niveau de fonctions occupées par cet employé au sein d'Hercules, le Tribunal a constaté, au point 104, que soit celui-ci avait le pouvoir de répercuter directement sur la politique de prix de Hercules les résultats des réunions auxquelles il assistait, ce qui démontrait qu'il avait l'autorité pour engager la société, soit, si tel n'était pas le cas, il avait été mandaté pour le faire.

26. Le Tribunal en a conclu, au point 105, que la Commission avait établi à suffisance de droit, en premier lieu, que la requérante avait participé au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène à partir du début de l'année 1979 jusqu'à la fin du mois d'août 1983 au moins, ce qu'elle avait inféré à juste titre de la participation de la requérante aux réunions et des contacts que cette dernière avait eus relativement à ces réunions en second lieu, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, et, en troisième lieu, que la participation de la requérante à ces réunions avait la portée que lui avait attribuée la décision polypropylène.

Les initiatives de prix

27. Au point 144, le Tribunal a constaté que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montraient que ceux qui avaient participé à ces réunions y avaient convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène. Selon le point 145, dès lors qu'il était établi à suffisance de droit que Hercules avait participé à ces réunions, celle-ci ne pouvait affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y avaient été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation.

28. A cet égard, le Tribunal a constaté, au point 146, que Hercules ne contestait pas spécifiquement sa participation à l'une ou à l'autre de ces initiatives, mais qu'elle soutenait qu'elle ne s'était jamais engagée à respecter les objectifs de prix. Cependant, le Tribunal a estimé, au point 147, que cette thèse ne pouvait être retenue: d'une part, selon le point 148, l'employé de Hercules participant aux réunions avait un statut qui lui permettait de souscrire auxdites initiatives de prix. D'autre part, selon les points 149 à 159, Hercules ne pouvait tirer argument de sa politique de prix, tant interne qu'externe, pour établir qu'elle n'avait pas souscrit aux initiatives de prix décidées, organisées et contrôlées lors des réunions auxquelles elle avait participé.

29. Au point 160, le Tribunal a ajouté que la Commission avait pu déduire à bon droit de la réponse d'ICI à la demande de renseignements que les initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.

30. Le Tribunal en a conclu, au point 161, que la Commission avait établi à suffisance de droit que Hercules figurait parmi les producteurs entre lesquels étaient intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène et que celles-ci s'inscrivaient dans un système.

Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix

31. Au point 176, le Tribunal a considéré qu'il y avait lieu d'interpréter la décision polypropylène comme faisant grief à chacun des producteurs d'avoir, à divers moments lors des réunions, adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution avait été répartie d'un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique. Au point 177, le Tribunal a constaté que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures avait été adopté, Hercules avait souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avait avancé aucun indice de nature à établir le contraire.

32. En ce qui concerne l'"account leadership", le Tribunal a constaté, au point 178, sur la base des comptes rendus de trois réunions auxquelles Hercules avait participé, qu'au cours de celles-ci les producteurs présents avaient adhéré à ce système. Selon le point 180 de l'arrêt attaqué, le fait que Hercules n'ait pas été désignée comme "account leader" de ses plus gros clients était sans pertinence.

33. Par ailleurs, il résulte, d'une part, du point 181 que le grief de limitation de la production et de détournement de la production vers les marchés d'outre-mer était étayé par des comptes rendus de la réunion du 13 mai 1982 et, d'autre part, du point 182 que la requérante ne contestait pas avoir pris part à des réunions locales qui étaient destinées à assurer l'application au niveau local d'une initiative de prix particulière. Le Tribunal a ajouté, au point 183, qu'il résultait explicitement de la décision polypropylène que la Commission n'avait pas retenu à l'encontre de Hercules le grief d'échange d'informations relatives à ses ventes.

34. Au point 184, le Tribunal en a conclu que la Commission avait établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels étaient intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène.

Les tonnages cibles et les quotas

35. Le Tribunal a rappelé tout d'abord, au point 206, que Hercules avait participé, à partir du début de l'année 1979, au système de réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles avaient eu lieu des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs et avaient été échangées des informations à ce sujet. La décision polypropylène indiquant que la requérante n'avait pas fourni de chiffres relatifs à ses volumes de vente, mais qu'elle disposait, grâce à sa participation aux réunions, de renseignements détaillés quant aux ventes mensuelles des autres producteurs, le Tribunal a considéré, aux points 207 et 208, que l'implication de Hercules dans le système de fixation des objectifs de volumes de vente devait être examinée à partir d'une analyse du fonctionnement de l'ensemble de ce système.

36. A cet égard, le Tribunal a relevé, au point 209, que la terminologie utilisée dans les différents documents relatifs aux années 1979 et 1980 produits par la Commission permettait de conclure que des concours de volontés étaient intervenus entre les producteurs.

37. En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, le Tribunal s'est fondé, aux points 210 et 211, sur le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, sur le tableau "Producer's Sales to West Europe", saisi chez ICI, ainsi que sur les déclarations faites par l'employé de Hercules lors de son audition.

38. Au point 212, le Tribunal a constaté que, pour l'année 1980, la fixation d'objectifs de volumes de vente couvrant l'ensemble de l'année ressortait du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez Atochem SA, ainsi que d'un tableau daté du 8 octobre 1980 et comparant, pour les différents producteurs, la capacité nominale au quota pour l'année 1980.

39. Aux points 213 à 217, le Tribunal a relevé que, pour l'année 1981, il était fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas, d'avoir communiqué leurs "ambitions", d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles pour février et mars à 1-12 de 85 % de l'"objectif" convenu pour 1980, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné. Selon le Tribunal, l'existence desdites négociations et la communication des "ambitions" étaient attestées par différents éléments de preuve, tels que des tableaux et une note interne d'ICI l'adoption de mesures temporaires pendant les mois de février et de mars 1981 résultait du compte rendu des réunions de janvier 1981 le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient contrôlé le respect de ce quota en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes était établi par la combinaison d'un tableau daté du 20 décembre 1981, d'un tableau non daté intitulé "Scarti per società" découvert chez ICI et d'un tableau non daté, également découvert chez ICI.

40. Aux points 218 à 221, le Tribunal a relevé que, pour l'année 1982, il était fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas, d'avoir communiqué leurs "ambitions" en matière de tonnages, d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué les chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente, et de s'être efforcés, pendant le second semestre, de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année. Selon le Tribunal, l'existence desdites négociations et la communication des "ambitions" étaient attestées par un document intitulé "Scheme for discussions quota system 1982'", par une note d'ICI intitulée "Polypropylene 1982, Guidelines", par un tableau daté du 17 février 1982 et par un tableau rédigé en italien qui constituait une proposition complexe les mesures prises pour le premier semestre étaient établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 l'exécution de ces mesures était attestée par les comptes rendus des réunions des 9 juin, 20 et 21 juillet et 20 août 1982 les mesures prises pour le second semestre étaient prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 et leur maintien était confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982.

41. Le Tribunal a également constaté, au point 222, que, en ce qui concerne l'année 1981 et les deux semestres de l'année 1982, la Commission avait déduit à bon droit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.

42. Pour l'année 1983, le Tribunal a constaté, aux points 223 à 226, qu'il résultait des documents produits par la Commission que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène avaient discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983. Selon le Tribunal, la Commission a déduit à bon droit de la combinaison du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983, à laquelle Hercules n'avait pas participé, et de celui d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983, confirmés par deux autres documents mentionnant le chiffre de 11 % comme part de marché pour Shell, que ces négociations avaient conduit à l'instauration d'un tel système.

43. Le Tribunal a ajouté, au point 227, que, en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre -, la Commission avait pu déduire à bon droit que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.

44. En ce qui concerne la participation de Hercules à ce système, le Tribunal a relevé, au point 228, que la requérante contestait y avoir participé, sur la base des indications résultant de certains passages de la décision polypropylène et de certains documents. Au point 229, le Tribunal a constaté que, sans contester la matérialité de ces faits, la Commission ne les avait pas jugés suffisants pour infirmer la participation de Hercules au système de quotas.

45. Pour la période antérieure à mars 1982, le Tribunal a constaté, au point 230, d'une part, que, en participant au système des réunions périodiques de producteurs depuis l'année 1979, Hercules avait assisté aux négociations qui avaient mené à la fixation d'objectifs de volumes de vente et, d'autre part, qu'elle s'était vu attribuer, sans s'y opposer, un quota calculé à partir des chiffres disponibles à travers le système Fides. Quant à la période postérieure à mars 1982, le Tribunal a constaté, au point 231, que Hercules avait pris une part plus active aux discussions relatives aux quotas, même si elle ne figurait pas dans le document "Scheme for discussions quota system 1982'". Le Tribunal a en effet relevé qu'il avait été retrouvé dans les locaux de Hercules le projet de répartition globale du marché pour l'année 1982 émanant de Monte qu'elle avait fait corriger, lors d'une réunion en mars 1982, le chiffre relatif à sa capacité nominale que, lors des réunions des 13 mai et 21 septembre 1982, elle avait fourni des informations relatives à sa production future que, lors de la réunion du 2 décembre 1982, elle avait donné l'impression qu'elle pourrait marquer son accord sur un quota commun pour elle-même, BP Chemicals Ltd (ci-après "BP") et Amoco Chemicals Ltd (ci-après "Amoco") enfin, que le lendemain de cette réunion, elle avait repris contact avec ICI pour communiquer les réactions de BP et d'Amoco au quota proposé, ainsi que son accord.

46. Le Tribunal en a conclu, au point 232, que la Commission avait établi à suffisance de droit que Hercules avait participé à un système de quotas, en ce que, même si elle n'avait peut-être pas souscrit expressément au quota qui lui avait été attribué par d'autres producteurs pour les années 1979 et 1980 ou à une limitation de ses ventes mensuelles par rapport à une période antérieure pour les années 1981 et 1982, elle avait, d'une part, recueilli des informations sur les limitations de volumes de vente que ses concurrents jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente passés et sur les objectifs de volumes de vente qu'ils s'assignaient et elle avait, d'autre part, par sa présence aux réunions et par son absence d'opposition au quota qui lui avait été attribué, donné à ses concurrents l'impression qu'elle tiendrait compte de ces informations et de ce quota pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché et avait ainsi favorisé les concours de volontés intervenus entre les participants aux réunions. En outre, le Tribunal a estimé que la Commission avait établi à suffisance de droit que la requérante avait pris une part active aux négociations relatives aux quotas à partir de mars 1982 et qu'elle figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels était intervenu un concours de volontés portant sur la fixation d'objectifs de volumes de vente pour la première partie de l'année 1983.

Sur l'amende

47. Le Tribunal a tout d'abord relevé, au point 314 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait correctement apprécié la durée de la période pendant laquelle Hercules avait enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE Ensuite, quant à la gravité de l'infraction, le Tribunal a constaté, au point 323, que la Commission avait correctement établi le rôle joué par Hercules dans l'infraction et qu'elle avait indiqué, au point 109 de la décision polypropylène, avoir tenu compte de ce rôle pour déterminer le montant de l'amende. En outre, le Tribunal a constaté, au point 324, que les faits qui avaient été établis révélaient par leur gravité intrinsèque que Hercules n'avait pas agi par imprudence ni même par négligence, mais de propos délibéré.

48. Au point 332, le Tribunal a ensuite constaté que la Commission avait, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision polypropylène (point 108 de celle-ci) et qu'elle avait, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de ladite décision).

49. Au point 360, le Tribunal a conclu que l'amende infligée à Hercules était adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles communautaires de la concurrence constatée à son encontre.

50. Dans ces conditions, le Tribunal a rejeté le recours et a condamné Hercules aux dépens.

Le pourvoi

51. Dans son pourvoi, Hercules conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- prendre les mesures nécessaires afin d'établir si, en adoptant la décision polypropylène, la Commission a respecté les règles de procédure applicables;

- déclarer la décision polypropylène nulle et non avenue s'il est établi que la Commission a manqué à son obligation d'appliquer les règles de procédure;

- subsidiairement, infirmer l'arrêt attaqué et déclarer les articles 1er et 3 de la décision polypropylène partiellement ou entièrement nuls et non avenus dans la mesure où ils la concernent;

- subsidiairement, infirmer l'arrêt attaqué et modifier l'article 3 de la décision polypropylène dans la mesure où elle la concerne afin d'annuler ou de réduire l'amende qui lui a été infligée par ladite décision;

- condamner la Commission aux dépens.

52. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et, pour le surplus, comme non fondé

- condamner Hercules aux dépens de l'instance.

53. A l'appui de son pourvoi, Hercules invoque six moyens tirés de d'irrégularités de la procédure et de la violation du droit communautaire, tenant, en premier lieu, aux vices de la procédure d'adoption de la décision polypropylène par la Commission en second lieu, à l'omission de cette dernière de transmettre les réponses des autres producteurs aux communications des griefs en troisième lieu, à l'omission de la part du Tribunal de rendre tous les arrêts concernant la décision polypropylène en même temps en quatrième lieu, à la contradiction entre les constatations de fait opérées par le Tribunal et sa conclusion quant à la participation de Hercules à une pratique concertée portant sur l'établissement d'un objectif de vente et d'un système de quotas en 1981 et 1982 en cinquième lieu, à l'absence d'application par le Tribunal du principe élaboré par la Cour dans l'arrêt du 18 octobre 1989, Orkem/Commission (374-87, Rec. p. 3283) et, en sixième lieu, au refus de réduire l'amende.

54. Sur demande de la Commission et en l'absence d'objections de Hercules, la procédure a été suspendue, par décision du président de la Cour du 28 juillet 1992, jusqu'au 15 septembre 1994 afin d'examiner les conséquences à tirer de l'arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137-92 P, Rec. p. I-2555), rendu à la suite du pourvoi introduit à l'encontre de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315, ci-après l'"arrêt PVC du Tribunal").

Sur les vices de la procédure d'adoption de la décision polypropylène par la Commission

55. Par son premier moyen, Hercules fait valoir que, au cours de la procédure orale devant le Tribunal dans les affaires PVC, il est apparu que la Commission avait manqué à son obligation de se conformer aux dispositions de son propre règlement intérieur. Selon Hercules, un tel vice de procédure rend une décision nulle et non avenue. En conséquence, Hercules demande à la Cour de prendre les mesures nécessaires afin d'établir si la Commission, en adoptant la décision polypropylène, s'est conformée à son règlement de procédure. S'il était établi que la Commission a manqué à son obligation à cet égard, Hercules demande à la Cour d'infirmer l'arrêt attaqué et de déclarer la décision polypropylène nulle.

56. La Commission considère que ce moyen est irrecevable En vertu des dispositions combinées des articles 118 et 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, il serait interdit de produire devant la Cour, au stade du pourvoi, des moyens nouveaux qui auraient déjà pu être soulevés dans la procédure devant le Tribunal. En particulier, la question de la validité formelle de la décision polypropylène aurait déjà pu être abordée en première instance, sans attendre les déclarations formulées lors des audiences PVC devant le Tribunal.

57. A cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi devant la Cour peut être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire par le Tribunal.

58. Selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'examen de l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir, notamment, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136-92 P, Rec. p. I-1981, point 59, et du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7-95 P, Rec. p. I-3111, point 62).

59. En l'espèce, il est constant que Hercules n'a présenté devant le Tribunal aucun grief tenant à la régularité de la procédure d'adoption de la décision polypropylène.

60. Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme irrecevable. Est également irrecevable, par identité de motifs, la demande visant à ce que la Cour prenne les mesures nécessaires afin d'établir si, en adoptant la décision polypropylène, la Commission a respecté les règles de procédure applicables.

Sur le refus de donner accès aux réponses des autres producteurs aux communications des griefs

61. Par son deuxième moyen, Hercules prétend que le Tribunal a porté atteinte à ses droits de la défense et a ainsi violé le droit communautaire en estimant qu'il était inutile d'examiner si le refus de la Commission de lui permettre de prendre connaissance des réponses des autres producteurs à la communication des griefs constituait une violation de ses droits de la défense.

62. L'accès aux documents en question aurait dû être possible dès la procédure administrative, en particulier eu égard à l'allégation de la Commission selon laquelle toutes les entreprises en cause avaient pris part à un comportement commun contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. La violation des droits de la défense ainsi commise ne pourrait plus être réparée après la conclusion de la procédure administrative, et encore moins une fois la procédure judiciaire engagée.

63. Hercules observe également que le refus d'accorder à une entreprise l'autorisation de prendre connaissance de la réponse donnée à la communication des griefs par les autres entreprises, auxquelles il était reproché d'avoir participé à une seule et même infraction, empêche automatiquement cette entreprise de tenir compte de ces réponses pour les besoins de sa défense. Or, le droit d'une partie de se défendre au cours de la procédure administrative serait considéré comme un principe général du droit communautaire (arrêts Michelin/Commission, précité, et du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48-90 et C-66-90, Rec. p. I-565).

64. Dans ces conditions, la jurisprudence invoquée par le Tribunal à l'appui de sa conclusion ne serait pas applicable. Dans l'arrêt Distillers Company/Commission, précité, la Cour aurait estimé que le vice de procédure invoqué n'aurait pu modifier la décision de la Commission, étant donné que le seul aspect sous lequel ce vice présentait de l'importance était le refus par la Commission d'accorder une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3, CE. L'entreprise concernée n'ayant pas notifié en bonne et due forme une demande d'exemption individuelle, la Commission n'aurait jamais pu lui accorder une telle exemption, même en l'absence de tout vice de procédure. Dans l'affaire Kobor/Commission, précitée, le vice de procédure n'avait, selon Hercules, aucun rapport avec la capacité de la requérante à faire valoir ses droits devant la Commission et ne pouvait dès lors avoir d'influence sur la manière dont elle les faisait valoir.

65. La solution adoptée par le Tribunal permettrait à la Commission d'enfreindre les droits de la défense sans conséquence préjudiciable aucune lorsque la partie lésée n'est pas en mesure d'apporter la preuve que le résultat aurait été différent si ses droits avaient été respectés. Dès lors, les droits de la défense ne seraient reconnus qu'à la personne innocente.

66. Hercules souligne que, dans des affaires concernant une prétendue violation de l'article 81, paragraphe 1, CE, commise conjointement par diverses parties, les déclarations et les informations communiquées par chaque partie à la Commission en réponse à ses demandes d'informations et à sa communication des griefs peuvent présenter une importance capitale. Les droits de la défense garantis par l'ordre juridique communautaire imposeraient que ces documents soient mis à la disposition des autres parties en cause au cours de la procédure administrative. Dans l'arrêt Pays-Bas e.a./Commission, précité, la Cour aurait jugé que le respect des droits de la défense exige qu'un État membre contre lequel une procédure est engagée au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE (ex-article 90, paragraphe 3) soit autorisé à présenter son point de vue au sujet des observations des tiers intéressés. Par analogie, s'agissant de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE à plusieurs parties en ce qui concerne la même infraction, chacune d'entre elles devrait être autorisée à prendre connaissance des observations des autres parties. La nécessité de garantir l'accès au dossier de la Commission s'imposerait encore davantage lorsque les parties sont confrontées à des éléments considérés comme dignes de foi et qu'il incombe donc à chaque partie de prouver qu'il existe une explication des faits pouvant être invoquée à leur décharge.

67. En conclusion, Hercules demande à la Cour de constater que, en lui interdisant de prendre connaissance des réponses des autres producteurs à la communication des griefs, la Commission a porté atteinte à son droit de se défendre et qu'il ne peut être remédié à cette atteinte à un stade ultérieur, indépendamment du point de savoir si les pièces dissimulées contiennent effectivement ou non des éléments à décharge qu'elle aurait pu invoquer. A cet égard, Hercules demande à la Cour d'infirmer l'arrêt et de déclarer la décision polypropylène nulle et non avenue.

68. La Commission souligne que, dans les arrêts Distillers Company/Commission et Kobor/Commission, précités, le juge communautaire a appliqué le principe dont le Tribunal a également fait application, à savoir que, lorsqu'un vice de procédure allégué n'aurait pas pu, en tout état de cause, affecter le contenu d'une décision, il ne peut pas non plus être invoqué aux fins de l'annulation de cette décision. Il s'agirait là d'une règle de bon sens, puisqu'il serait manifestement disproportionné et injustifié d'annuler une décision valide par son contenu au motif qu'un vice a été constaté dans la procédure ayant conduit à son adoption alors même que ce vice n'a eu aucun effet sur le contenu.

69. Le Tribunal ne se serait pas prononcé sur le point de savoir si Hercules avait le droit d'accéder aux documents visés. La Commission précise toutefois qu'elle ne reconnaît pas que Hercules avait un droit d'accès aux réponses des autres producteurs à la communication des griefs. La Commission conteste qu'un droit puisse être dégagé du fait qu'une entreprise recherche des idées sur la façon de se défendre parmi les arguments avancés par les autres entreprises visées. A cet égard, elle précise qu'il n'existe pas d'analogie entre le cas de Hercules et l'affaire Pays-Bas e.a./Commission, précitée. Dans cette dernière affaire, le refus de permettre l'accès aux observations des entreprises aurait empêché le royaume des Pays-Bas d'être informé de l'ensemble des arguments auxquels il devait répondre et d'éléments considérés comme importants pour la décision finale. Or, ces circonstances particulières feraient, en l'espèce, défaut.

70. En rappelant son Douzième Rapport sur la politique de concurrence, la Commission souligne que l'accès au dossier ne concerne que les documents recueillis par la Commission au cours de l'enquête, en application des articles 11 et 14 du règlement n° 17. Dans ledit rapport, elle ne se serait nullement engagée à permettre l'accès à toutes les réponses reçues à la suite de la communication des griefs, mais elle aurait fait clairement allusion aux documents recueillis avant le stade de la communication des griefs. Après avoir constaté que la confidentialité est souvent demandée, la Commission fait valoir qu'une entreprise n'a un droit d'accès à la réponse d'une autre entreprise à la communication des griefs que si cette réponse doit être utilisée à son encontre. Elle en conclut, par conséquent, qu'elle n'a pas violé les droits de la défense de Hercules.

71. S'agissant de la demande visant à ce que la décision polypropylène soit déclarée nulle et non avenue, la Commission indique que, en application de l'article 113 du règlement de procédure de la Cour, les conclusions d'un pourvoi peuvent seulement tendre à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées en première instance. Selon la Commission, Hercules n'a pas présenté une telle demande en première instance, avec la conséquence que la présente demande doit être considérée comme une simple déclaration de nullité.

72. A cet égard, il suffit de constater, quant à la recevabilité des conclusions visant à faire déclarer que la décision polypropylène est nulle et non avenue, que, en vertu de l'article 231 CE (ex-article 174), si le recours en annulation est fondé, la Cour déclare nul et non avenu l'acte contesté. Conformément à l'article 113 du règlement de procédure de la Cour, les conclusions du pourvoi tendent notamment à ce qu'il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance. Il s'ensuit que les conclusions de Hercules sont inhérentes à tout recours en annulation et peuvent être valablement formulées dans le cadre d'un pourvoi à l'encontre d'un arrêt du Tribunal rejetant un recours en annulation.

73. Quant à l'examen de ce moyen au fond, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, au point 56 de l'arrêt attaqué, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la légalité du refus, par la Commission, de donner à la requérante accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications des griefs. Il s'est fondé sur les principes énoncés dans les arrêts Distillers Company/Commission et Kobor/Commission, précités, pour considérer que l'examen de cette question n'aurait été nécessaire que s'il existait une possibilité que, en l'absence de ce refus, la procédure aboutisse à un résultat différent et a estimé que tel n'était pas le cas en l'espèce.

74. Dans ces conditions, il convient de vérifier si, en parvenant à la conclusion qu'une éventuelle violation de l'obligation de garantir l'accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications de griefs n'aurait pas entraîné l'annulation de la décision polypropylène, le Tribunal a commis une erreur de droit. Si tel était le cas, il y aurait encore lieu de statuer sur la légalité du refus, par la Commission, de donner à Hercules accès auxdits documents.

75. A cet égard, il convient de constater que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs (arrêts Michelin/Commission, précité, point 7 du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461, points 9 et 11 du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310-93 P, Rec. p. I-865, point 21, et du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, non encore publié au Recueil, point 89).

76. Ainsi, les principes généraux de droit communautaire régissant le droit d'accès au dossier de la Commission visent à garantir un exercice effectif des droits de la défense, dont celui d'être entendu prévu à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et aux articles 3 et 7 à 9 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268).

77. Dans le cas d'une décision relative à des infractions aux règles de concurrence applicables aux entreprises et infligeant des amendes ou des astreintes, la violation de ces principes généraux de droit communautaire au cours de la procédure préalable à l'adoption de la décision est susceptible, en principe, d'entraîner l'annulation de cette décision lorsqu'il a été porté atteinte aux droits de la défense de l'entreprise concernée.

78. En pareille hypothèse, la violation intervenue n'est pas régularisée du simple fait que l'accès a été rendu possible à un stade ultérieur, et notamment au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée.

79. Si la prise de connaissance tardive de certains documents du dossier permet à l'entreprise qui a introduit un recours à l'encontre d'une décision de la Commission d'en tirer des moyens et arguments à l'appui de ses conclusions, elle ne la replace pas dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait pu s'appuyer sur les mêmes documents pour présenter ses observations écrites et orales devant la Commission. Elle n'apporte ainsi qu'un remède insuffisant à la violation des droits de la défense intervenue avant l'adoption de la décision.

80. Cependant, en l'espèce, il ressort du point 56 de l'arrêt attaqué que, à la suite de la jonction des affaires portant sur l'annulation de la décision polypropylène aux fins de la procédure orale, Hercules a eu accès aux réponses apportées par les autres producteurs à la communication des griefs et n'en a retiré aucun élément à décharge dont elle aurait pu se prévaloir lors de la procédure orale. Par ce comportement, elle a renoncé à établir que lesdites réponses contenaient des éléments utiles à sa défense et que, par conséquent, l'impossibilité d'en prendre connaissance avant la décision polypropylène avait porté atteinte à ses droits de la défense au contraire, elle a admis de manière implicite mais non équivoque que tel n'était pas le cas.

81. Il ne saurait être objecté à l'encontre de cette conclusion, comme le fait Hercules, qu'elle aboutit à ne reconnaître les droits de la défense qu'à la personne innocente. En effet, l'entreprise concernée ne doit pas démontrer que, si elle avait eu accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications des griefs, la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais seulement qu'elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense.

82. Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en considérant qu'une éventuelle violation de l'obligation de garantir l'accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications de griefs n'aurait pas entraîné l'annulation de la décision polypropylène.

83. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la légalité du refus, par la Commission, de donner à Hercules accès aux réponses fournies par les autres producteurs à la communication des griefs, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

Sur l'omission de la part du Tribunal de rendre tous les arrêts concernant la décision polypropylène en même temps

84. Par son troisième moyen, Hercules fait grief au Tribunal de ne pas avoir statué en même temps sur tous les recours tendant à l'annulation de la décision polypropylène, alors même qu'il avait joint ces affaires aux fins de la procédure orale. Une telle manière de procéder porterait atteinte à ses droits de la défense, puisque sa responsabilité a été appréciée par le Tribunal sur la base de constatations de fait qui étaient susceptibles d'être remises en cause dans des arrêts ultérieurs. La violation serait d'autant plus grave que les arrêts rendus ultérieurement concernent notamment les recours formés par les quatre grands, qui seraient à l'origine de l'infraction et qui en auraient orchestré l'exécution.

85. A cet égard, il suffit d'observer, d'une part, qu'aucune disposition ne fait obligation au juge communautaire de rendre ses arrêts sur des recours tendant à l'annulation du même acte à la même date. Au contraire, il résulte expressément de l'article 43 du règlement de procédure de la Cour et 50 de celui du Tribunal que la jonction d'affaires portant sur le même objet est une simple faculté et que, après avoir été jointes, celles-ci peuvent être disjointes à nouveau.

86. D'autre part, et en tout état de cause, Hercules est restée en défaut d'indiquer en quoi le prononcé à des dates différentes des arrêts portant sur la décision polypropylène a été préjudiciable à ses droits de la défense ou de quelle manière les constatations de fait contenues dans l'arrêt attaqué auraient été remises en cause à l'occasion d'arrêts ultérieurs.

87. Dès lors, le troisième moyen doit être également rejeté.

Sur la contradiction entre les constatations de fait opérées par le Tribunal et la conclusion quant à la participation de Hercules à une pratique concertée

88. Par son quatrième moyen, Hercules fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en concluant qu'elle avait participé à une pratique concertée concernant la fixation d'objectifs de volumes de vente ou de quotas pour les années 1981 et 1982. En se référant aux points 222 et 207 de l'arrêt attaqué, Hercules souligne que les constatations de fait du Tribunal sont en contradiction avec cette conclusion, car elle ne peut être censée avoir pris part à aucun système fondé sur une surveillance réciproque si elle n'a pas communiqué simultanément ses propres informations à cette fin.

89. Le caractère erroné de la conclusion du Tribunal ressortirait également des éléments apportés par toutes les parties, selon lesquels Hercules savait parfaitement que les autres producteurs ne pouvaient calculer ni sa production ni son chiffre d'affaires en utilisant les données du système Fides. Hercules ajoute que son manque d'empressement à fournir les informations requises en vue de sa participation à un système d'objectifs de volumes de vente ou de quotas est de nature à établir qu'elle n'avait pas eu pour but d'influencer le comportement de ses concurrents sur le marché et que, à supposer qu'elle ait jamais pris part à un système de quotas, cette participation avait cessé en 1981 et en 1982.

90. La Commission souligne que le point de savoir si une entreprise donnée a pris part à un aspect particulier de l'infraction est une question de fait ne pouvant donner lieu à un pourvoi. Pour ce qui concerne Hercules, le Tribunal aurait jugé, aux points 230 et 231 de l'arrêt attaqué, que cette entreprise avait participé à la fixation d'objectifs et de quotas. Le Tribunal ayant considéré qu'un certain quota avait été attribué à Hercules avec son consentement, cette dernière aurait donc pu être incluse dans le système de surveillance mutuelle mentionné au point 222 de l'arrêt attaqué.

91. Par ailleurs, le Tribunal aurait pu estimer à juste titre que Hercules s'était vu attribuer un quota sur la base des données du système Fides, dès lors que les chiffres de production réels disponibles pour la plupart des producteurs auraient permis de calculer les quotas d'autres producteurs tels que Hercules, sans que ces derniers aient à communiquer leurs volumes de vente.

92. A cet égard, il importe de rappeler, d'une part, que, en vertu des articles 225 CE (ex-article 168 A) et 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation des règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. L'appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve produits devant lui ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53-92 P, Rec. p. I-667, points 10 et 42).

93. Or, en contestant qu'elle ait pu se voir attribuer un quota calculé sur la base du système Fides, Hercules demande à la Cour de se prononcer sur les constatations de fait effectuées par le Tribunal et sur l'appréciation faite par ce dernier des éléments de preuve produits devant lui, lesquels ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi.

94. D'autre part, la circonstance, relevée au point 207 de l'arrêt attaqué, que Hercules n'a pas fourni de chiffres concernant ses volumes de vente n'est pas en contradiction avec la constatation, figurant au point 222 du même arrêt, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles attesté par la surveillance mutuelle lors des réunions.

95. En effet, le Tribunal a pu estimer à juste titre que, en présence d'un système de quotas impliquant la quasi-totalité des producteurs de polypropylène, et au vu des données fournies par les autres producteurs ainsi que des statistiques du système Fides, le quota de Hercules avait pu être déterminé sans que l'entreprise intéressée ne communique les données concernant sa propre production. De même, le Tribunal a pu considérer à bon droit que le défaut, de la part de Hercules, de communiquer ces données, outre qu'elle n'empêchait pas cette dernière de participer à la surveillance mutuelle, ne privait pas les autres producteurs de la possibilité d'exercer à leur tour une surveillance sur son activité.

96. Dès lors, le quatrième moyen ne peut davantage être retenu.

Sur l'absence d'application par le Tribunal du principe élaboré par la Cour dans l'arrêt Orkem/Commission

97. Par son cinquième moyen, Hercules soutient que le Tribunal a manqué à son obligation d'appliquer la règle de droit élaborée dans l'arrêt Orkem/Commission, précité. La décision polypropylène, pour ce qui concerne Hercules, serait fondée sur des constatations de fait qui s'appuieraient elles-mêmes sur des éléments obtenus par la Commission en violation des droits de la défense. La Commission aurait en effet envoyé à Hercules une série de questions auxquelles celle-ci n'aurait pu répondre que d'une manière constituant l'aveu indirect d'une infraction.

98. Néanmoins, le Tribunal aurait fondé ses constatations sur les éléments recueillis irrégulièrement, en particulier en ce qui concerne les contacts entre les producteurs, la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (point 71 de l'arrêt attaqué) et le système des réunions régulières (points 94, 95 et 97 de l'arrêt attaqué). En outre, le Tribunal et la Commission auraient fondé leurs constatations quant à la participation de Hercules sur des éléments également recueillis de manière illicite auprès d'autres producteurs à la suite de demandes d'information tout aussi illégales.

99. Par conséquent, Hercules demande à la Cour d'ordonner à la Commission de présenter les copies des lettres adressées à toutes les entreprises en cause dans le dossier "polypropylène" pour demander des informations ainsi que leurs réponses, afin de pouvoir évaluer le bien-fondé des conclusions tirées tant par la Commission que par le Tribunal. Hercules demande également que l'arrêt attaqué soit infirmé dans la mesure où ses conclusions sont fondées sur des éléments obtenus de manière illicite et que le Tribunal révise ses constatations de fait à la lumière du principe établi dans l'affaire Orkem/Commission, précitée.

100. La Commission indique que cette question n'a pas été soulevée devant le Tribunal, en sorte qu'il s'agit d'un moyen nouveau, irrecevable dans le cadre du pourvoi. Le statut CE de la Cour de justice et son règlement de procédure empêcherait en effet la production de moyens nouveaux au stade du pourvoi, à moins que l'arrêt du Tribunal ou la procédure devant celui-ci ne donnent lieu à ce moyen, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. La logique de la répartition des tâches entre le Tribunal et la Cour serait menacée si un requérant était autorisé à garder en réserve certains arguments jusqu'au stade du pourvoi.

101. Ainsi que la Commission l'a à juste titre indiqué, ce moyen n'a pas été soulevé devant le Tribunal. Dès lors, pour les raisons énoncées aux points 57 et 58 du présent arrêt, il doit être déclaré irrecevable.

102. Le cinquième moyen doit donc être rejeté.

Sur le refus de réduire l'amende

103. Par son sixième moyen, Hercules fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en manquant à son obligation d'annuler ou de réduire l'amende et, en particulier, d'établir à cet égard les distinctions requises entre les producteurs en fonction de la gravité de l'infraction. Dans le cas d'infractions auxquelles participent plusieurs entreprises, l'importance relative des infractions commises par chacune devrait entrer en ligne de compte pour la fixation du montant de l'amende.

104. Le Tribunal n'aurait pas tenu compte de son refus de fournir toute information significative dans le cadre des échanges de vues relatifs à la mise en place d'un système d'objectifs de vente. Le Tribunal aurait dû apprécier la mesure dans laquelle le comportement de chaque partie était répréhensible en tenant compte des faits qui lui étaient propres et non du simple fait qu'une entreprise n'était pas restée à l'écart des activités illicites commises par d'autres producteurs.

105. Selon Hercules, son comportement aurait mérité une sanction plus légère que celui d'entreprises ayant assisté à des réunions avec une plus grande fréquence et pendant une plus longue période, ayant participé activement à des réunions au niveau local, ayant communiqué des informations au sujet de leurs propres chiffres d'affaires à leurs concurrents et ayant donné leur accord au sujet des objectifs ou des quotas de vente. Or, même si le Tribunal n'a pas confondu la participation de Hercules à ces activités avec celle des autres entreprises en cause, il aurait omis de réduire l'amende qui lui avait été infligée.

106. Après avoir conclu qu'en 1983 elle avait cessé de participer à toute mise en œuvre d'objectifs relatifs au chiffre d'affaires et d'un système de quotas illégaux, le Tribunal aurait dû réduire l'amende L'annulation ou la réduction de l'amende s'imposerait également en considération de la violation des droits de la défense et de l'application erronée de l'article 81, paragraphe 1, CE, à la prétendue participation de Hercules à un système d'objectifs de vente et de quotas à compter de l'année 1981, eu égard en particulier au fait que, selon le Tribunal, cette participation aurait sensiblement aggravé l'infraction.

107. Selon la Commission, le Tribunal a jugé qu'elle avait correctement établi le rôle joué par Hercules dans l'infraction et qu'elle avait tenu compte de ce rôle pour fixer le montant de l'amende. Il ressortirait du point 256 de l'arrêt attaqué, tel que rectifié par l'ordonnance du Tribunal du 9 mars 1992, Hercules Chemicals/Commission (T-7-89, non publiée au Recueil), que le Tribunal a considéré, tout comme la Commission, que la participation de Hercules à la fixation des objectifs ou des quotas de vente s'est poursuivie jusqu'en 1983. Le Tribunal n'aurait dès lors eu aucune raison de réduire l'amende.

108. Enfin, les moyens tirés de prétendues violations des droits de la défense et de l'absence de participation de Hercules au système d'objectifs et de quotas de vente à compter de l'année 1981 ne seraient pas fondés et ne pourraient donc donner lieu à aucune réduction de l'amende. En tout état de cause, il n'y aurait aucun lien entre une prétendue violation des droits de la défense et le montant de l'amende infligée.

109. En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant d'une amende infligée à une entreprise en raison de la violation, par celle-ci, du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 15 décembre 1994, Finsider/Commission, C-320-92 P, Rec. p. I-5697, point 46).

110. En second lieu, il est certes de jurisprudence que, pour autant qu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation de chacune d'entre elles (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 623). Cependant, le Tribunal a constaté, au point 323 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait correctement établi le rôle joué par Hercules dans l'infraction et qu'elle avait indiqué, dans la décision polypropylène, avoir tenu compte de ce rôle pour déterminer le montant de l'amende. Il ne saurait donc être fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit à cet égard.

111. En troisième lieu, il ressort du point 232 de l'arrêt attaqué que Hercules figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels était intervenu un concours de volontés portant sur la fixation d'objectifs de volumes de vente pour la première partie de l'année 1983. Cette constatation est confirmée par le point 256 de l'arrêt attaqué, tel que rectifié par l'ordonnance Hercules Chemicals/Commission, précitée. Au point 257, le Tribunal a estimé que la Commission avait considéré à bon droit que l'infraction s'était poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. Par ailleurs, au point 314, le Tribunal, se prononçant sur la détermination du montant de l'amende, a expressément indiqué que la Commission avait correctement apprécié la durée de la période pendant laquelle Hercules avait enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE. Dans ces conditions, le Tribunal n'avait pas à réduire le montant de l'amende pour tenir compte d'une durée prétendument moindre de l'infraction.

112. En quatrième lieu, sans avoir à examiner si une éventuelle violation des droits de la défense aurait justifié une réduction de l'amende, la Cour constate que Hercules n'a pas été en mesure d'établir une telle violation.

113. En cinquième et dernier lieu, l'allégation de Hercules selon laquelle le Tribunal aurait appliqué de manière erronée l'article 81, paragraphe 1, CE pour ce qui est de sa participation à un système d'objectifs de vente et de quotas à compter de l'année 1981 est trop générale et imprécise pour pouvoir faire l'objet d'une appréciation juridique. En effet, la seule énonciation abstraite d'un moyen dans la requête ne répond pas aux exigences des articles 19, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour (voir, notamment, en ce sens, arrêt du 5 mars 1991, Grifoni/CEEA, C-330-88, Rec. p. I-1045, point 18).

114. Il s'ensuit que le sixième moyen doit être également rejeté.

115. Aucun des moyens présentés par Hercules n'ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble. Sur les dépens

116. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens Hercules ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

déclare et arrête:

1°) Le pourvoi est rejeté.

2°) Hercules Chemicals NV est condamnée aux dépens.