CCE, 16 juin 1999, n° 1999-474
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Scottish and Newcastle
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la demande d'attestation négative ou d'exemption présentée par Scottish and Newcastle plc, le 25 avril 1996, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17, après avoir publié un résumé de cette demande, conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
A. INTRODUCTION
(1) En février 1995, l'Office of Fair Trading (OFT) a ouvert une enquête, à la demande de la Commission, sur la politique de prix pratiquée par les brasseurs britanniques au niveau du commerce de gros. À la suite de cette enquête, qui a également porté sur Scottish and Newcastle plc (ci après dénommée "S & N"), l'OFT a adopté un rapport interne ("Enquête sur la politique de prix pratiquée par les brasseurs britanniques au niveau du commerce de gros" - ci-après dénommé "rapport de l'OFT") en mai 1995 et publié un communiqué de presse concernant ce rapport le 16 mai 1995.
(2) Le 25 avril 1996, S & N a notifié huit contrats types de louage (ci-après "baux") concernant des débits de boissons titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place ("on-licensed") (3), ouverts au Royaume-Uni, entièrement équipés et liés à S & N par les relations décrites ci-après. Ces huit contrats types peuvent être classés en trois groupes: "les baux anglais" (the English leases) comprenant le bail type anglo-gallois de novembre 1993 (S & N Standard England and Wales, November 1993), le bail type anglo-gallois d'avril 1993 (S & N Standard England and Wales, April 1993), modifié par une Letter of Variation, et le bail Matthew Brown les "baux écossais" (the Scottish leases), comprenant le bail type écossais de novembre 1993 (S & N Standard Scottish, November 1993), le bail écossais de type E et le bail écossais de type S, modifiés par une Letter of Variation et enfin les "baux de courte durée", qui comprennent un bail temporaire (temporary lease) et un bail à titre précaire (tenancy at will agreement). S & N a sollicité une attestation négative ou, à défaut, la confirmation par la Commission que les baux peuvent bénéficier de l'application du règlement (CEE) n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'achat exclusif (4) (ci-après dénommé "règlement"), modifié par le règlement (CE) n° 1582-97 (5), ou d'une exemption individuelle, en vertu de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE, avec effet rétroactif à la date de conclusion des contrats.
(3) La Commission a complété les informations contenues dans la notification en effectuant une vérification sur place dans les locaux de S & N, conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, et en envoyant plusieurs demandes de renseignements.
(4) À la suite de la publication au Journal officiel des Communautés européennes, de sa communication faite conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 (ci-après dénommée "communication"), dans laquelle elle annonçait son intention d'accorder à S & N une exemption avec effet rétroactif en application de l'article 81, paragraphe 3, la Commission a reçu les réponses de tiers intéressés, dont vingt et une présentées par d'actuels et d'anciens locataires dans le cadre d'une réponse type établie par Scottish License Trade Consultants (ci-après dénommée "réponse type de SLTC"), celles de deux débitants qui joignaient à leurs observations les résultats des travaux d'un comptable, lequel a par ailleurs soumis séparément ses propres observations, les observations de Bavarian Lager Company, celles de trois organisations professionnelles et, enfin, celles d'un employé de la Finnish Petrol Retailers Organisation.
(5) Les informations communiquées dans ces observations seront examinées plus loin dans la présente décision. Vingt-six tiers intéressés ont demandé à la Commission d'enregistrer leurs observations comme des plaintes formelles contre S & N Certains plaignants ont retiré leur plainte, tandis que la Commission a informé les quinze autres plaignants, en novembre 1998, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (6), de son intention de rejeter leur plainte Onze d'entre eux ont présenté, en réponse à cette lettre, des observations complémentaires, dont il est également fait mention dans la présente décision.
B. LES PARTIES
(6) Le groupe S & N comprend trois divisions commerciales: fabrication de la bière, vente au détail dans les débits de boissons et loisirs. Les activités brassicoles de S & N sont principalement établies au Royaume-Uni et en Irlande, où le groupe fabrique et distribue ses propres marques, et où il fabrique et/ou distribue aussi un certain nombre d'autres marques sous licence.
(7) En août 1995, S & N a acquis l'activité brassage et distribution de Courage Limited. Les brasseries regroupées opèrent au Royaume-Uni sous la raison sociale Scottish Courage tandis qu'en Irlande, S & N exerce ces activités principalement par l'intermédiaire de Beamish and Crawford plc, que S & N détient du fait de son acquisition de Courage. Les activités de brassage représentent de l'ordre de 28 à 29 % du marché britannique de la bière en termes de production en volume.
(8) Étant donné les engagements pris envers le secrétaire d'État en vertu de la loi britannique de 1973 sur la loyauté des transactions commerciales (UK Fair Trading Act 1973) après l'acquisition de Courage, S & N n'est pas autorisée à lier ou à gérer plus de 2 624 débits titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place. Le 16 novembre 1998, les autorités britanniques de la concurrence ont libéré S & N de son engagement et l'ont autorisée à lier 2 739 débits de boissons, soit environ 1,9 % du nombre total de débits de boissons britanniques titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place ; ces débits couvrent 4,4 % du marché britannique de la bière à consommer sur place. Actuellement, 432 débits de boissons sont loués à des exploitants sur la base des contrats notifiés ; ces débits ont acheté à S & N 152 000 barils de bière au cours de l'exercice clos le 3 mai 1998, ce qui représente 0,6 % du marché britannique de la bière à consommer sur place.
(9) Le chiffre d'affaires mondial réalisé par S & N au cours de l'exercice clos le 30 avril 1997 a été de 3,349 milliards de livres sterling Au cours de ce même exercice, le chiffre d'affaires de la division "vente au détail" de S & N a atteint 779 millions de livres sterling.
(10) En mars 1998, S & N a racheté à Inntrepreneur Pub Company Limited (IPCL) 310 débits de boissons titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place. Ces débits font partie des 2 739 débits de boissons que S & N est autorisée à lier ou à gérer. Pour pouvoir, sans dépasser le maximum autorisé, procéder à l'acquisition de ces débits, S & N a libéré de leurs obligations d'achat les exploitants de 184 établissements et en a cédé 126 autres.
(11) Le tableau 1 indique, d'une part, le nombre réel de barils (7) vendus par S & N et, d'autre part, la part de marché correspondante sur le marché britannique de la bière à consommer sur place pour: a) tous les débits de boissons liés, y compris les débits sous bail temporaire b) les débits de boissons gérés c) les débits liés à S & N en contrepartie de prêts avantageux d) les ventes totales de S & N aux débits liés, aux débits gérés et aux débits liés en contrepartie de prêts avantageux e) les ventes totales de S & N sur le marché de la bière à consommer sur place et f) les ventes totales sur le marché britannique de la bière à consommer sur place :
EMPLACEMENT TABLEAU
(12) Depuis 1990, la durée moyenne des baux signés par S & N qui prévoient une obligation d'achat en contrepartie de prêts avantageux est d'environ dix ans. La durée moyenne de ces baux avant remboursement ou renégociation est de deux ans et demi à trois ans et demi. S & N n'a jamais enregistré de cas de renouvellement de ce type de baux. Le livre de créances de S & N est passé de 72,9 millions de livres sterling en 1990 à 217,6 millions de livres sterling en 1998.
(13) La Commission ne dispose que d'informations limitées concernant le nombre de barils de bière vendus par S & N aux autres opérateurs (ou sa part de marché), au stade de "la vente en gros" sur le marché britannique de la bière à consommer sur place, qui est soumis à une obligation du type engagement d'achat minimal, obligation de stockage ou clause (limitée) de non-concurrence. Ces autres opérateurs sont des brasseurs, des grossistes indépendants ou des chaînes de débits de boissons qui ne fabriquent pas de bière. Aucune restriction contractuelle n'est prévue dans les accords conclus avec des grossistes indépendants. Il existe en revanche des restrictions dans les accords conclus avec les chaînes de débits de boissons, qui représentent plus ou moins 1,1 % du marché britannique de la bière à consommer sur place. En ce qui concerne les autres brasseurs, les restrictions contractuelles ne touchent que 1,2 % environ du marché britannique de la bière à consommer sur place. Les informations dont dispose la Commission tendent à montrer que le volume des ventes réalisées en vertu d'accords "restrictifs" (prévoyant une obligation d'achat minimal sous peine de sanctions) est en voie de diminution par rapport au début des années 90, étant donné que les accords plus récents prévoient plutôt des réductions de prix, consenties lorsque certains objectifs de volume ou de distribution sont atteints.
(14) L'autre partie aux accords en cause, qui sont fondés sur les baux types notifiés, est un exploitant ou une entreprise qui détient généralement une participation dans le capital d'un seul débit de boissons titulaire d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place.
C. LE MARCHE
(15) Depuis 1985, année de conclusion des premiers baux, le marché britannique de la bière à consommer sur place a subi, dans sa structure et dans son mode d'exploitation, de profondes mutations. Ces mutations sont, pour l'essentiel, la conséquence des arrêtés relatifs à la bière (Beer orders) adoptés à la suite du rapport sectoriel de la Monopolies and Mergers Commission (MMC), ainsi que le résultat du recul de la demande globale, en particulier dans le secteur de la bière à consommer sur place, du déplacement de la demande des consommateurs vers les débits de boissons servant un plus large éventail de boissons et de plats, du retrait de plusieurs entreprises du secteur de la brasserie et, enfin, de la redéfinition des rapports entre les brasseurs et les chaînes de débits de boissons, d'une part, et les débitants, d'autre part.
Le rapport de 1989 de la MMC et les arrêtés relatifs à la bière
(16) Le rapport sur la fourniture de bière que la MMC a rédigé en 1989 a débouché sur un certain nombre de recommandations visant à assouplir les obligations (obligation d'achat exclusif et obligation de non-concurrence) qui liaient, de longue date, les débitants de boissons aux brasseurs. La plupart des recommandations de la MMC ont été suivies d'effet, principalement avec l'adoption de l'arrêté de 1989 concernant la fourniture de bière aux débits de boissons liés [Supply of Beer (Tied Estate) Order 1989] et de l'arrêté de la même année concernant la fourniture de bière aux débits liés en contrepartie de prêts avantageux [Supply of Beer (Loan Ties, Licensed Premises and Wholesale Prices) Order 1989] (ci-après dénommés "arrêtés"). Le premier de ces arrêtés a imposé aux "brasseurs nationaux" (brasseurs détenant plus de 2000 débits de boissons titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place) les modifications suivantes :
- les débitants sont libérés de toute obligation en ce qui concerne les boissons autres que la bière et les bières faiblement alcoolisées,
- les débitants ont le droit d'acheter une bière conditionnée en fût (bière ayant fermenté en fût) (8) à une autre entreprise que le brasseur/propriétaire (clause de la "guest beer" ou clause relative à l'achat d'une bière d'un autre brasseur)
- les brasseurs nationaux ne peuvent imposer les obligations précitées qu'à un certain nombre de débits. Cette mesure a contraint les brasseurs à vendre ou à libérer de leurs obligations quelque 11 000 des 60 000 - selon les estimations de l'époque - débits de boissons britanniques S & N n'est autorisée à imposer les obligations précitées qu'à un maximum de 2 739 débits.
Facteurs de la demande
(17) La vente au détail de bière passe par le canal des établissements servant des boissons à consommer sur place (cafés, hôtels, restaurants) ou par celui des points de vente de boissons à emporter (supermarchés et autres commerces). À cela s'ajoutent les bières importées par des particuliers après paiement des droits de douane, essentiellement à partir de Calais, qui représentaient, selon les estimations, près de 5 % de la consommation totale de bière du Royaume-Uni en 1996. Entre 1989 et 1995, les ventes totales de bière, en volume, ont reculé de 9,5 % (en 1996, elles ont légèrement progressé par rapport à 1995). Les ventes de bière à consommer sur place ont, quant à elles, baissé de 17,3 % au cours de cette même période. La part des ventes en volume représentée par ce canal, qui a donc été ramenée de 79,3 % en 1989 à environ 69 % en 1996, reste cependant, à l'exception de celle de l'Irlande, la plus forte de la Communauté.
(18) Le recul des ventes de bière à consommer sur place, en volume, a été compensé par :
a) une hausse, en termes réels, de 21 %, entre 1989 et 1996, du prix des bières vendues dans ce type d'établissements, qui n'est imputable que d'une manière tout à fait accessoire à une augmentation des taxes ;
b) une progression des ventes de boissons autres que la bière dans les débits de boissons, leur part étant passée à 37 % des recettes totales en 1996, phénomène qui s'explique principalement par l'accroissement des ventes enregistré dans la restauration.
(19) En 1996, la consommation de bière à la pression a représenté 63 % de la consommation totale. C'est le pays de la Communauté qui, à l'exception de l'Irlande, enregistre la part la plus élevée. Par comparaison, la part relevée en Belgique, qui est le troisième pays consommateur de bière à la pression de la Communauté, n'était que de 39 %. Les débits de boissons britanniques offrent aussi un éventail de bières à la pression plus étendu que dans les autres États membres, avec six marques et demie en moyenne par débit de boissons.
Facteurs de l'offre
Fabrication de la bière
(20) La principale modification à noter depuis 1989 est la concentration plus marquée du marché de la brasserie, des entreprises ayant quitté ce secteur en cédant leurs activités de fabrication de bière aux concurrents en place. En 1996, les quatre brasseurs nationaux à rester sur le marché, à savoir Scottish & Newcastle, Bass, Carlsberg Tetley Brewing et Whitbread, ont assuré 78 % des approvisionnements en bière du marché britannique. L'indice de Herfindahl-Hirschmann (ci-après dénommé "indice"), qui sert d'indicateur de la concentration du marché, est passé, en ce qui concerne le marché britannique de la bière, sur la base des parts de marché des brasseurs nationaux, de 1350 en 1991 à 1678 (9) en 1996. Lorsque l'indice HHI est compris entre 1000 et 1800, le marché est considéré comme "moyennement concentré" .Des brasseurs régionaux (10) se sont aussi retirés du marché entre 1989 et 1996, ce qui a ramené leur nombre de onze à huit. La réponse type de SLTC indique que S & N détient 38 % du marché en Écosse, et Bass 42 %.
Vente en gros
(21) Les arrêtés précités ont obligé les brasseurs nationaux à céder certains des débits de boissons qui leur étaient liés. Il aurait dû logiquement en résulter un accroissement du secteur des établissements non liés et un renforcement du rôle des grossistes indépendants. Or, en 1995/1996, ces derniers ne représentaient toujours que 6 % environ de la distribution, contre 5 % en 1985. Les brasseurs nationaux restent en position de force dans le commerce de gros, leur part de la distribution étant comparable à celle qu'ils détiennent dans la production.
(22) Les débits de boissons que les brasseurs nationaux ont cédés ont été rachetés essentiellement par des chaînes de débits de boissons ou par des brasseurs régionaux. En général, les chaînes de débits de boissons disposent de leurs propres services de gros ou bien s'approvisionnent directement auprès des brasseurs. Les brasseurs régionaux ne font pas non plus appel à des grossistes indépendants. Ces caractéristiques, auxquelles s'ajoutent le recul général des ventes de bière et la plus grande efficacité des grossistes/brasseurs nationaux, expliquent la très faible croissance du secteur des grossistes indépendants.
Commerce de détail
(23) Au Royaume-Uni, il faut être titulaire d'une licence délivrée par un tribunal local pour pouvoir vendre au détail des bières et autres boissons alcooliques à consommer sur place. Il existe actuellement trois catégories de licence (11) :
- les grandes licences (full on-licenses): elles autorisent la vente de boissons alcooliques à une personne, sans obligation de résidence ou de prise d'un repas. Environ 83 100 licences de ce type ont été délivrées, dont quelque 57 000 à des débits de boissons. Les licences restantes ont été délivrées à des hôtels et à des bars à vin,
- les licences restreintes (restricted on-licences) : l'achat d'une boisson est soumis à l'obligation de résidence ou de prise d'un repas. Environ 32 300 hôtels et restaurants sont titulaires de cette catégorie de licence,
- les licences club (clubs): il faut être membre d'un club pour pouvoir acheter une boisson alcoolique. Environ 31 500 points de vente, le plus souvent détenus en indivision par les membres, disposent d'une licence de ce type.
(24) En faisant obligation aux brasseurs de modifier la structure du contrôle qu'ils exercent sur les débits de boissons, les arrêtés ont également produit des effets sur la répartition des ventes de bière entre les différents canaux de vente au détail : a) les débits de boissons liés à un brasseur b) les débits tenus par un salarié d'un brasseur c) les débits de boissons appartenant à des chaînes indépendantes d) les débits de boissons tenus par un salarié d'une chaîne indépendante e) les débits liés en contrepartie de prêts avantageux et f) les débits non liés à un brasseur. C'est ce qui ressort du tableau d'ensemble des ventes de bière (en volume) ci-après. Les données pour 1985 sont extraites du rapport de la MMC et peuvent être considérées comme représentatives des années 1985-1989 ; les données relatives à 1997 ont été communiquées par l'association des brasseurs et des débitants sous licence, la Brewers and Licensed Retailers Association (BLRA) et comprennent des estimations relatives aux débits n'appartenant pas à des membres de l'association.
EMPLACEMENT TABLEAU
(25) Le pourcentage des ventes réalisées en 1997 dans les débits de boissons liés à un brasseur (10 %) comprend les achats liés des locataires et la bière conditionnée en fût que les locataires des brasseurs nationaux achètent, à prix réduit, à leur brasseur-propriétaire (12). Ce pourcentage ne comprend pas les achats de bière d'autres brasseurs effectués par les locataires des brasseurs nationaux auprès d'un autre fournisseur.
(26) Le pourcentage des ventes réalisées en 1997 dans les débits liés en contrepartie de prêts avantageux (18,1 %) correspond au volume total de bière que les exploitants de ce type de débits achètent au fournisseur auquel ils sont liés. Ce volume peut dépasser les quantités liées, prévues par les accords de prêt. Cependant, on ne sait pas quelle partie de ces 18,1 % correspond à ces achats supplémentaires. Ce pourcentage ne comprend pas les achats "non liés" effectués auprès d'autres fournisseurs par les exploitants de débits liés en contrepartie de prêts avantageux.
(27) Alors que le tableau ci-dessus donne une bonne idée des ventes réalisées sur le marché de la bière à consommer sur place tout en décrivant la manière dont les établissements sont contrôlés, il montre également que si l'on se réfère à la catégorie des débits titulaires d'une licence de vente de boissons alcooliques à consommer sur place, 70 % des ventes de bière sont réalisées dans les débits de boissons - estimés à 57 000 -, 20 % dans les clubs et 10 % dans les restaurants, hôtels, bars à vin et autres établissements titulaires d'une grande licence ou d'une licence restreinte (données relatives à 1995).
(28) Les arrêtés ont aussi assoupli les conditions restrictives des obligations d'achat exclusif liées à des prêts, en prévoyant la possibilité pour le débitant d'y mettre un terme à tout moment moyennant un préavis de trois mois. Ils ont en outre donné aux débitants auxquels des brasseurs nationaux ont accordé des prêts, le droit de vendre de la bière d'un autre brasseur. Il ressort des informations communiquées par la BLRA (à l'issue d'une enquête menée en 1996) que la durée habituelle des prêts varie entre cinq et dix ans et que la durée effective moyenne est de près de quatre ans. Trente et un brasseurs avaient quelque 37000 prêts en cours à la fin de la période étudiée (contre près de 35 000 au début). Au cours de l'année, près de 8 000 prêts ont été accordés et plus de 5 000 prêts ont été remboursés. La valeur des prêts remboursés au cours de la période étudiée est supérieure à celle des nouveaux prêts consentis (à d'anciens ou à de nouveaux clients). Environ 2 % des sommes dues n'ont pu être recouvrées. La valeur moyenne des prêts est d'environ 30 000 livres sterling. Il existe apparemment deux types de prêts: d'une part, des prêts relativement peu importants (d'une valeur de près de 5 000 livres sterling au début de la période, mais d'une valeur moyenne inférieure à 2 000 livres sterling à la fin de la période étudiée), qui sont souvent accordés à de petits débitants indépendants et semblent très variables, et, d'autre part, des prêts beaucoup plus importants, qui sont accordés à de grands points de vente, tels que les clubs (valeur moyenne d'environ 60 000 livres sterling), généralement sans obligation d'achat exclusif. Il n'en reste pas moins que les obligations d'achat portent généralement sur une quantité déterminée de bière. La BLRA n'a procédé à aucune estimation de la répartition du volume entre les petits prêts et les prêts importants, du nombre de prêts accordés sans obligation d'achat exclusif, ni de leur part totale, en volume, dans le secteur des ventes de boissons à consommer sur place, ni de la part du débit total des établissements concernés que représente la quantité de bière prévue dans les contrats de prêt correspondants. La Commission n'a reçu aucune information sur la part des prêts que les débitants remboursent au moyen d'un prêt accordé par un autre brasseur (en contrepartie d'une obligation d'achat). Les volumes de bière vendus dans le cadre d'obligations d'achat en contrepartie de prêts avantageux ont diminué au cours des dernières années et, de 1994 à 1996, la valeur des remboursements a dépassé celle des nouveaux prêts.
Concurrence entre brasseurs
(29) Au niveau du commerce de gros, les grands brasseurs s'assurent un certain volume de vente par l'entremise des débits de boissons qui leur sont liés ou qui sont tenus par un de leurs salariés. Les brasseurs se font concurrence pour approvisionner le reste du marché, en concluant des accords individuels avec des établissements non liés (avec ou sans obligation d'achat en contrepartie de prêts avantageux) et des accords d'achat avec des chaînes de débits de boissons et d'autres brasseurs (avec ou sans obligation, telle qu'une obligation d'achat minimal, une obligation de non-concurrence ou une obligation de stockage). Cette concurrence s'exerce surtout par les prix et par la marque, même s'il arrive aux brasseurs d'accorder d'autres avantages (soutien promotionnel, par exemple), afin d'augmenter leur chiffre d'affaires.
Entrée sur le marché au niveau de la fabrication de bière
(30) Les principaux obstacles à l'entrée sur le marché de la brasserie sont la nécessité de trouver des débouchés auprès des points de vente et d'avoir accès à un circuit de distribution. Tout nouveau concurrent doit approvisionner les établissements non liés, les chaînes de débits de boissons ou les débits de boissons d'un brasseur pour qu'ils proposent ses bières dans l'éventail qu'ils offrent ou (dans le cas d'un brasseur national) en tant que bières d'un autre brasseur. Le fait que les concurrents possèdent des marques réputées constitue une autre barrière à l'entrée ou à l'extension des activités de brasseurs en place. Ce phénomène joue sans doute surtout pour les lagers, qui sont généralement commercialisées à l'échelon national, et dans les cas où des économies d'échelle sur le plan publicitaire risquent de rendre moins viable une entrée à petite échelle sur le marché. Les difficultés liées à une entrée à petite échelle sur le marché peuvent être renforcées par le fait que les dépenses publicitaires pour les lagers nationales ont fortement augmenté ces dernières années, et ce, quelle que soit la marque.
(31) La nécessité de s'assurer des débouchés a diminué depuis l'entrée en vigueur des arrêtés, en raison du recul de la part des établissements soumis à l'obligation d'achat exclusif et de l'émergence des chaînes de débits de boissons (dans la mesure où elles ne sont pas liées - voir le considérant 22). Il est plus facile à un nouveau concurrent de conclure des accords d'achat avec une de ces chaînes qu'en négociant avec chaque débit de boissons. Alors qu'il est relativement aisé de créer un réseau de distribution limité à l'approvisionnement des entrepôts des autres brasseurs ou grossistes, il est plus difficile d'approvisionner les points de vente au détail.
(32) Les producteurs de bière étrangers (essentiellement les producteurs de lager) ont choisi, pour la plupart d'entre eux, d'entrer sur le marché britannique en concluant, avec les brasseurs nationaux en place, des accords de licence exclusive en vertu desquels leur bière est brassée au Royaume-Uni et vendue dans l'éventail des marques que propose le brasseur national concerné. Ces lagers étrangères sont souvent commercialisées comme marques haut de gamme, et les budgets publicitaires qui leur sont consacrés sont importants. S & N a notamment conclu des accords de licence de ce type avec Foster's, Beck's, Kronenbourg et Holsten.
Entrée sur le marché au niveau du commerce de détail
(33) La concurrence entre débits de boissons ne s'exerce qu'à l'échelon local. Pour simplifier, on peut dire qu'il existe un prix local dans chaque zone de vente pour un certain type de produits et de prestations, qui englobe l'"offre" totale des débits de boissons (installations, ambiance) et pas seulement le prix de la bière.
(34) Les barrières à l'entrée au niveau du commerce de détail sont relativement limitées. La seule barrière importante est la législation en matière de licences, qui peut empêcher l'ouverture de nouveaux débits de boissons, sauf si cela répond à un besoin. Cette législation n'est pas appliquée d'une manière aussi stricte dans l'ensemble du Royaume-Uni, mais là où elle l'est, elle peut rendre l'entrée sur le marché local difficile. En outre, on observe une tendance récente, dans certaines localités britanniques, à refuser de délivrer des licences, essentiellement pour des motifs d'ordre public. Il n'en reste pas moins qu'une chaîne de débits de boissons a réussi, ces dernières années, à ouvrir plus d'une centaine d'établissements sur des sites vierges.
Modifications apportées aux accords entre locataires et propriétaires de débits de boissons
(35) Autrefois, les débits de boissons étaient loués dans le cadre de baux classiques de courte durée. Le brasseur était responsable de la structure du bâtiment et des installations qu'il contenait, le locataire étant tenu de vendre la bière fournie par le propriétaire, ainsi que d'autres boissons et des repas. À la suite du rapport de la MMC, la garantie de maintien dans les lieux (13) a été accordée aux débitants de l'Angleterre et du pays de Galles, en étendant à ces derniers la loi de 1954 sur les relations entre propriétaires et locataires (Landlord and Tenant Act 1954). Cependant, c'est bien avant la recommandation de la MMC que sont apparus les premiers contrats de location de longue durée mettant les travaux de réparation et d'entretien à la charge du locataire, et lui donnant en contrepartie une certaine garantie de maintien dans les lieux et l'autorisation de céder le bail.
D. LES ACCORDS
(36) Les baux sont des contrats conclus entre S & N et un locataire, par lesquels S & N met à la disposition de ce dernier un débit de boissons titulaire d'une licence, avec les équipements et agencements immobiliers nécessaires pour qu'il en assure l'exploitation, en contrepartie d'un loyer et de l'engagement d'acheter à S & N ou à un fournisseur désigné par lui, à l'exclusion de toute autre source, les bières désignées dans le bail.
(37) Il y a huit types de baux qui peuvent être répartis en trois groupes:
- les baux anglais : le bail type anglo-gallois de novembre 1993 est en général conclu pour une durée initiale de trois ans, automatiquement renouvelable pour des périodes supplémentaires de trois années chacune (un petit nombre de ces baux ont une durée initiale comprise entre quatre et neuf ans, renouvelable par périodes de trois ans). En vertu du bail, le débitant n'est pas tenu d'effectuer des réparations sur la structure principale des locaux ou certains éléments intégrés à la structure, comme les installations électriques et les systèmes de chauffage, mais la réparation d'autres éléments, des équipements et des agencements est à sa charge, et il est tenu de rénover l'intérieur des locaux. Le bail type anglo-gallois d'avril 1993, modifié par une Letter of Variation, est un bail conclu pour une durée et en contrepartie d'obligations de réparation identiques à celles qui figurent dans le bail type anglo-gallois de novembre 1993, mais en vertu duquel l'exploitant est tenu d'aménager tout le local. Enfin, le bail Matthew Brown, modifié par une Letter of Variation, était le bail utilisé par Matthew Brown plc avant son acquisition par S & N en 1985. Ce bail peut être résilié par S & N moyennant un préavis de douze mois, ou bien par le débitant avec un préavis de trois mois. Par ce bail, le débitant est uniquement tenu de réparer et de rénover l'intérieur des locaux ainsi que les équipements et agencements,
- les baux écossais : le bail type écossais de novembre 1993 est signé pour une durée initiale déterminée, en général de cinq ans (dans un petit nombre de cas, la durée est comprise entre six et neuf ans) et se prolonge indéfiniment jusqu'à ce qu'il soit résilié, soit par S & N, soit par le débitant, moyennant un préavis de six mois. D'après les conditions du bail, le débitant est responsable de toutes les réparations, sauf celles concernant la structure principale des locaux, et de la rénovation intérieure des locaux. Le bail écossais de type E, modifié par une Letter of Variation, est valable en revanche pour une durée de dix ans, et il est ensuite prorogé indéfiniment jusqu'à ce qu'il soit résilié, soit par S & N, soit par le locataire, moyennant un préavis de six mois. Les obligations de réparation et de rénovation du débitant sont identiques à celles du bail écossais, mais le locataire est également chargé de la rénovation extérieure. Enfin, le bail écossais de type S, modifié par une Letter of Variation, est identique au bail de type E, mais il est en général conclu pour une période de dix ans, et parfois de vingt ans. La différence essentielle entre ce dernier bail et les deux autres baux écossais est qu'il confère au débitant la propriété de tout le fonds de commerce. Lors des révisions du loyer, il n'est pas tenu compte du fonds de commerce et, en cas de cession des droits, le fonds de commerce peut être vendu à l'acquéreur,
- les baux de courte durée : le bail temporaire est utilisé en Angleterre lorsque l'application de la loi de 1954 sur les relations entre propriétaires et locataires (UK Landlord and Tenant Act 1954) est exclue par ordonnance judiciaire. Le bail est conclu pour un an et peut être résilié par l'une ou l'autre partie moyennant un préavis de vingt-huit jours. Les obligations de réparation et de rénovation imposées au débitant sont identiques à celles du bail type anglo-gallois de novembre 1993. Un bail à titre précaire peut être conclu en Angleterre lorsque des négociations pour la signature d'un bail de longue durée sont en cours. Ce bail permet à l'exploitant d'occuper les locaux, mais il peut être résilié à tout moment. Le débitant est tenu de maintenir l'intérieur des locaux en bon état et de réparer les agencements et équipements commerciaux. Les baux sont des contrats conclus entre S & N et un locataire, par lesquels S & N met à la disposition de ce dernier un débit de boissons titulaire d'une licence, avec les équipements et agencements nécessaires pour qu'il en assure l'exploitation, en contrepartie d'un loyer et de l'engagement d'acheter à S & N, ou à un fournisseur désigné par ce brasseur, à l'exclusion de toute autre source, les bières désignées dans le bail.
L'obligation d'achat de bière
(38) Le locataire s'engage à acheter toutes les bières contractuelles à S & N ou au fournisseur désigné par elle, exception faite des bières contenant moins de 1,2 % d'alcool et d'une marque de bière en fût. Les bières contractuelles sont les types de bière indiqués dans les annexes au bail qui contiennent les conditions commerciales. Les types de bière concernés sont les suivants : light, pale (y compris la scotch ale) ou bitter (connue sous le nom de 70/Shilling, heavy ou special ale) ; export ale ou premium ale (également connue sous le nom de 80/Shilling ale) ; mild ale (appelée en Écosse 60/Shilling ale ou light ale) ; brown ale, strong ale (y compris le barley wine), bières fruitées, bières au blé, stouts, sweet stout, porter, lager, export ou premium lager (également connue sous le nom de "malt lager" ou "malt liquor") ; strong lager, "diet pils" (premium beer à faible teneur en glucides) ; bière ou lager à faible teneur en glucides (ou "lite") et bière ou lager à faible teneur en alcool. Ces types sont représentés par les marques et dénominations figurant dans le tarif de S & N en vigueur.
(39) Le locataire peut vendre d'autres types de bières en plus de ceux prévus par le contrat, sous réserve qu'il s'agisse de bières en bouteille, en boîte ou tout autre petit conditionnement, ou bien de bière à la pression si cette bière se vend habituellement sous cette forme ou si une demande suffisante de la clientèle du débit de boissons le justifie.
(40) La Commission a reçu les observations de quelques locataires à ce sujet. Son attention a été attirée sur le fait que les définitions des types de bières "spécifiés" couvraient la quasi-totalité des types de bières vendus au Royaume-Uni. Ce fait n'est pas remis en cause. Un plaignant a fait valoir que les douze types de bières étaient trop génériques et qu'il n'était donc pas possible de les différencier nettement sur la base de leur composition, de leur aspect ou de leur goût, critères utilisés dans le règlement pour définir les "types différents" de bière (14). Ce plaignant souligne la différence qui existe entre la "cask conditioned beer" (une bière fermentée en fût) et la "keg beer" (qui n'est pas fermentée en fût) et relève l'absence de toute allusion à cette différence dans la spécification des douze types de bières. La Commission reconnaît que les consommateurs avertis peuvent remarquer la différence entre ces deux versions de la même marque. Elle estime cependant qu'il n'en découle pas nécessairement que la spécification des types de bières doive tenir compte de cette différence. La définition des types de bières doit être décidée par les experts (15). Etant donné que la spécification des douze types de bière a été initialement convenue entre les fédérations respectives des brasseurs et des débitants titulaires d'une licence au Royaume-Uni, experts en matière de bière, la Commission admet que cette définition constitue un moyen approprié et pratique de distinguer les différents types de bière au Royaume-Uni.
Loyer
(41) Pour tous les baux, à l'exception du bail à titre précaire, le loyer est versé par avance tous les mois ou tous les trimestres et le locataire rembourse au propriétaire les primes d'assurance supportées par ce dernier pour assurer le débit de boissons contre les pertes et dommages dus à un incendie, par exemple, y compris l'équivalent de deux années de loyer aux conditions normales du marché et les frais d'expertise. (Pour le bail à titre précaire, le loyer est versé chaque semaine). Tous les ans, le loyer payable au titre des baux écossais augmente conformément à l'indice général des prix de détail.
(42) De nombreux locataires ont indiqué dans leurs observations qu'ils considéraient que les primes d'assurance qu'ils devaient rembourser à S & N étaient, à couverture égale, supérieures aux taux du marché et qu'ils n'avaient pas le droit de voir le contrat d'assurance.
(43) S & N assure tous les débits titulaires d'une licence qui lui appartiennent, qu'ils soient loués ou tenus en gérance, dans le cadre d'une assurance qui couvre l'intégralité du portefeuille à risque du groupe, c'est-à-dire ses biens immobiliers, ses véhicules, sa responsabilité civile, etc. S & N exploite sa puissance d'achat pour obtenir le meilleur prix possible, autrement dit une prime qui tienne étroitement compte des déclarations de sinistre antérieures concernant les débits de boissons, de sorte que la marge bénéficiaire de l'assureur soit réduite au minimum. Cela explique que la police et le montant total de la prime, qui sont des informations sensibles sur le plan commercial, ne soient pas divulgués aux locataires.
(44) S'il incombait à chaque débitant d'assurer le débit de boissons de S & N, les coûts que supporterait le débitant seraient plus élevés. Le bail énumère les risques que le propriétaire est en droit d'assurer et dont il peut récupérer le coût auprès du débitant. Rien n'empêche ce dernier de faire jouer la concurrence entre assureurs ni de prendre l'avis de spécialistes sur la légitimité du coût que le propriétaire lui fait ainsi supporter. Aucun élément de preuve ne donne toutefois à penser que le montant que S & N répercute sur son locataire serait excessif.
(45) En principe, les loyers sont révisés tous les trois ans. Le loyer révisé est le loyer en vigueur ou, si elle est plus élevée, la valeur locative marchande du débit de boissons à la date de l'augmentation de loyer considérée. La valeur locative marchande est définie comme celle qui est convenue par les parties ou le montant fixé par un arbitre.
(46) Certains des tiers ayant utilisé la réponse type de SLTC allèguent que les coûts de l'arbitrage influent sur la décision de contester ou non le loyer demandé par S & N. Aucun élément de preuve ne démontre toutefois que les loyers proposés par S & N ne seraient pas reconnus comme légitimes en cas d'arbitrage, comme ce serait le cas si les loyers étaient, d'une manière générale, supérieurs au niveau fixé par l'arbitre.
(47) S & N a informé ses débitants, par lettre envoyée au début du mois de juillet 1998, que la société d'expertise immobilière Royal Institution of Chartered Surveyors allait désigner des experts rémunérés sur la base d'honoraires forfaitaires pour accélérer la procédure de révision des loyers.
(48) De nombreux tiers ont indiqué, dans la réponse type de SLTC, les effets négatifs qu'ils estimaient être liés à la "révision des loyers uniquement à la hausse", en particulier lorsque le chiffre d'affaires du débit de boissons considéré diminue en raison de la situation locale ou d'une récession touchant l'ensemble du pays.
(49) L'OFT a examiné cette question dans son rapport (voir considérant 50) et s'est entretenu de cette pratique avec le ministère britannique de l'environnement qui, en 1995, a procédé à une enquête de grande ampleur sur les baux commerciaux au Royaume-Uni. Il en est ressorti que la pratique de la révision des loyers uniquement à la hausse était largement appliquée à divers types d'immeubles à usage commercial, et pas seulement aux débits de boissons. On peut arguer que cette pratique encourage les investissements immobiliers parce qu'elle permet de s'assurer un certain niveau de revenus locatifs. On estime également qu'en son absence, le niveau du loyer pourrait être plus élevé à la signature du bail de manière à compenser les éventuelles variations (à la baisse) des revenus locatifs.
Réductions de prix et autres compensations
(50) Étant donné que les exploitants de débits de boissons qui ne sont pas tenus par des obligations d'achat exclusif de bière envers une entreprise (c'est-à-dire les exploitants d'établissements non liés) peuvent obtenir, au Royaume-Uni, des réductions pour la bière qu'ils achètent, alors que les exploitants de débits liés n'ont pas cette possibilité, la Commission a calculé: a) l'écart de prix net, pour la bière achetée à S & N, entre le prix payé par les exploitants non liés et celui payé par les locataires liés à S & N, ainsi que b) les avantages, en valeur, que S & N accorde à ses débitants et dont les exploitants non liés ne bénéficient pas ou qui vont au-delà de ses obligations contractuelles envers ses locataires (ci-après dénommés "compensations"). Le rapport établi par l'OFT à la suite de son enquête sur la politique de prix pratiquée par les brasseurs au niveau du commerce de gros (rapport de l'OFT de mai 1995), que la Commission a complété par d'autres enquêtes, a servi de point de départ à ce calcul.
(51) Pour les besoins du calcul de l'écart de prix, les réductions moyennes accordées par S & N aux débitants non liés ont été calculées sur la base des factures réelles établies chaque année pour la bière ou la lager la plus vendue dans un échantillon de 400 comptes de débits non liés. La réduction moyenne ainsi obtenue a ensuite été multipliée par un facteur fondé sur le volume historique des débits compris dans l'échantillon.
(52) Le prix moyen payé par les débitants liés tient compte d'un régime de réductions de prix, introduit en novembre 1993 sous le nom de Deed of Variation, auquel ont adhéré 80 % des locataires de S & N. Dans le cadre du Deed, le loyer payable par le débitant est majoré (par rapport aux locataires qui n'adhèrent pas à ce régime) d'un montant fixe, en contrepartie d'une remise de base par baril à l'achat de bières spécifiées. L'augmentation de loyer est fixée au départ à 90 % de la remise payable sur un nombre de barils convenu, établi sur la base des ventes réalisées précédemment.
(53) Une organisation professionnelle a fait observer que le Deed of Variation s'apparente à un système de sanctions en cas de non-respect de l'obligation d'achat minimal. Si l'on prend pour base une augmentation des loyers fixée à 90 % de la remise, en l'espèce au moins 25 livres sterling par baril, soit 22,50 livres sterling, la réduction réelle est de 2,50 livres sterling. Si le locataire achète une bière d'un autre brasseur, il perd les 22,50 livres sterling du supplément de loyer versé d'avance. C'est la sanction qui lui est infligée pour avoir acheté d'autres produits.
(54) Il convient de noter que les locataires de S & N avaient le choix d'adhérer ou non à ce système. Ils pouvaient très bien maintenir les conditions en vigueur, et c'est d'ailleurs ce que 20 % des locataires ont fait. D'autre part, le supplément de loyer n'est calculé que sur la base des produits liés. Les bières d'autres brasseurs sont exclues de ce calcul. Si le locataire n'achète pas de bière d'un autre brasseur auprès d'un autre fournisseur, la bière conditionnée en fût que S & N lui fournit et qui est la plus importante en volume n'est pas prise en considération dans le calcul.
(55) Le Deed of Variation modifie les conditions du bail et, partant, n'existe pas indépendamment du bail. Il n'impose pas, en soi, d'obligation d'achat au débitant. C'est pourquoi le bail et le Deed of Variation forment ensemble un nouvel accord unique qui, en tant que tel, doit être considéré comme un tout, tant en ce qui concerne les obligations d'achat exclusif que les avantages compensatoires.
(56) Le Deed of Variation prévoit l'obligation contractuelle d'accorder une réduction en contrepartie d'une augmentation fixe. Le loyer applicable à un bail aux conditions du marché, assorti d'une réduction du prix doit être supérieur au loyer demandé pour un bail n'ouvrant droit à aucune réduction. Il va de soi que, plus le loyer et plus la réduction de prix sont élevés, plus le débitant (plutôt que le propriétaire) est exposé au risque associé aux mauvais résultats éventuels de l'exploitation.
(57) La plupart des tiers intéressés ont indiqué à la Commission qu'ils étaient informés de ce que S & N accordait aux exploitants de débits non liés des réductions de prix plus importantes que celles mentionnées dans le tableau 3, et certains lui ont transmis des copies d'offres faites par S & N à ces clients. Il est incontestable que S & N accorde parfois des réductions de prix plus importantes, puisque le tableau 3 repose sur des valeurs moyennes calculées en prenant l'ensemble des exploitants de débits de boissons non liés à ce brasseur. Il découle également des considérants précédents que le chiffre en cause dans le tableau 3 correspond en fait à la différence entre la réduction de prix moyenne accordée aux exploitants non liés (à l'exclusion des clients liés en contrepartie d'un prêt avantageux) et les réductions de prix accordées aux locataires de S & N.
(58) L'un des avantages compensatoires importants est ce qu'il est convenu d'appeler la "prime locative", qui résulte de la comparaison entre le loyer payé pour un établissement lié et les coûts correspondants supportés par un exploitant de débit non lié.
(59) Différentes méthodes de calcul de la prime locative sont envisageables. Le rapport de l'OFT décrit trois grandes méthodes comparatives. La première consiste à prendre un "débit de boissons moyen", à estimer sa valeur foncière et le bénéfice net, et à comparer les remboursements hypothécaires qui en résultent avec le loyer que demanderait un brasseur. La deuxième consiste à prendre le rendement du capital investi que les brasseurs tirent de l'ensemble de leurs débits de boissons et à le comparer avec une estimation d'un rendement normal. La troisième méthode est un calcul de la différence entre le ratio loyer/chiffre d'affaires pour les débits de boissons liés et une estimation du ratio loyer/chiffre d'affaires pour les débits non liés. C'est celle qui a été utilisée dans le rapport de l'OFT, qui disposait de la plupart des données requises. La Commission a suivi cette méthode parce qu'elle lui permettait de partir des résultats des travaux de l'OFT et, par conséquent, de faire l'économie de certains calculs.
(60) En pratique, la prime locative est calculée en soustrayant des 15 % du chiffre d'affaires total des débits de boissons liés (le loyer pour un débit de boissons non lié étant estimé à 15 % du chiffre d'affaires), le revenu locatif réel tiré de ces débits de boissons. Pour obtenir la prime locative en livres sterling par baril, la prime locative totale est divisée par le nombre total de barils (liés et non liés) vendus par S & N à ses débits de boissons.
(61) Le revenu locatif total est égal à la somme du loyer prévu par le bail, du loyer prévu par le Deed of Variation et de la part du revenu des appareils de divertissement qui revient à S & N.
(62) Le chiffre total des ventes au détail est une estimation, elle-même fondée sur une estimation du chiffre d'affaires annuel total de chaque débit en février 1995, qui a été faite par le directeur responsable (16). Le montant des ventes de chaque débit pour les boissons alcooliques et autres a été estimé à partir des achats à S & N, passés et actuels, en volume. Les chiffres des ventes passées se réfèrent à l'exercice clos en octobre 1993 car, jusqu'à cette date, la quasi-totalité des débitants étaient tenus de faire tous leurs achats de bière, de cidre et d'eaux minérales auprès de S & N (17). Pour les vins et eaux-de-vie, les volumes ont été estimés à partir des achats effectifs de certains débitants avant octobre 1993 et des taux de conversion actuels (c'est-à-dire le nombre de caisses pour 100 barils de bière vendus) d'un échantillon comparable de débits de boissons gérés par S & N, à savoir S & N Retail (North) Ltd. Le volume estimé des achats par débit a ensuite été utilisé pour calculer le chiffre d'affaires basé sur des prix plus récents. Le chiffre d'affaires des jeux a été calculé sur la base du nombre réel et du type de jeux installés dans chaque établissement ainsi que du revenu généralement tiré de ces jeux (données corroborées par des estimations de consultants spécialisés et les revenus réels d'un grand nombre de débits soumis au système de partage des revenus avant octobre 1993). Les ventes de tabac et de produits divers ont été estimées à 6 % du chiffre d'affaires réalisé avec les boissons. Le chiffre d'affaires pour la restauration et les chambres a été évalué à 3 % seulement du chiffre d'affaires total. Depuis 1994/1995, la part du chiffre d'affaires liée à la restauration connaît une très forte progression. Après avoir pris connaissance des données communiquées par S & N, la Commission a adopté une approche prudente en considérant que ce pourcentage était passé de 3 % en 1994/1995 à 6 % en 1997/1998. La Commission a choisi au hasard 20 débits de boissons dans le patrimoine de S & N pour vérifier la fiabilité de ces estimations du chiffre d'affaires total au détail en les confrontant avec les dossiers internes de S & N sur chacun de ces débits.
(63) Le chiffre d'affaires ainsi obtenu pour l'exercice 1997/1998 a été converti en chiffre d'affaires par baril de bière (de tous les fournisseurs). Ce dernier chiffre a ensuite servi à estimer le chiffre d'affaires par baril pour les exercices précédents en l'indexant sur l'augmentation du prix de catalogue S & N moyen par baril. Le chiffre obtenu a été minoré de 2 % par an pour les années précédentes afin de tenir compte de la croissance du chiffre d'affaires non imputable aux ventes de boissons (restauration principalement).
(64) La méthode de calcul de la prime locative a été critiquée. Dans la réponse type de SLTC, un grand nombre de locataires ont déclaré qu'il était notoire que le montant arbitraire et équitable du loyer d'un débit de boissons moyen se situait entre 6 et 8 % du chiffre d'affaires, au lieu des 15 % indiqués dans la communication comme représentant le loyer des débits de boissons non liés.
(65) La Commission fait remarquer, d'une part, que la lettre sur laquelle se fonde la thèse des locataires ne précise pas si les 6 à 8 % se réfèrent à un débit de boissons lié ou non lié. D'autre part, même en admettant que la lettre visait, par ces pourcentages, le loyer d'un débit non lié, on ne voit pas pourquoi un nouvel arrivant dans ce secteur choisirait de conclure un bail avec S & N si, comme il ressort de l'échantillon des débits de boissons liés à S & N retenu par la Commission, le ratio loyer/chiffre d'affaires est de 11,36 %.
(66) Deux débitants considèrent, sur la base des travaux d'un comptable, qui a par ailleurs soumis séparément ses propres observations, qu'en pratique, les loyers sont fixés sur la base de 50 % du bénéfice net (18). Ils font donc valoir que l'hypothèse selon laquelle le loyer serait fondé à juste titre sur un pourcentage du chiffre d'affaires est fausse et que l'hypothèse d'un loyer des débits de boissons non liés égal à 15 % du chiffre d'affaires est, par conséquent, également erronée. Ils estiment que le loyer total imposé par S & N, autrement dit le loyer du débit de boissons plus la valeur des réductions de prix dont ils ne bénéficient pas, désavantage financièrement les locataires. Les locataires et le comptable ont même soutenu que la prime locative ne peut être supérieure à l'écart de prix (mais sans en indiquer les raisons). Ils n'ont fourni aucun élément de preuve démontrant que la prime locative ne dépasse pas l'écart de prix sur le marché libre, où les débitants potentiels pèsent eux-mêmes les risques et les avantages.
(67) La Commission ne conteste pas le fait que les négociations sur le loyer et son éventuelle révision ont lieu entre l'entreprise et le locataire (potentiel) en se fondant sur une estimation du compte de résultat futur qui est fonction de ce que l'on est en droit d'attendre d'un débitant capable, du positionnement de l'établissement sur le marché, de la gamme de produits, des conditions d'approvisionnement pour le produit lié, de la superficie et de l'état du bien, ainsi que de la complexité de l'exploitation (par exemple, nombre de bars).
(68) Le loyer contractuel négocié par les parties n'est pas automatiquement déterminé sur la base de 50 % du bénéfice net. Sous l'effet du libre jeu de la concurrence sur le marché, les parties négocient un loyer qui se situe généralement entre 40 et 60 % du bénéfice net.
(69) La présente évaluation a de toute façon pour objet, non de décrire la manière dont chaque loyer est négocié, mais de procéder à une analyse comparative des niveaux moyens des loyers entre une partie du marché et une autre. L'avantage que présente l'utilisation du ratio loyer/chiffre d'affaires pour cette analyse par rapport à une méthode qui serait fondée sur les écarts du ratio moyen loyer/bénéfice net est que la comparaison, dans le cas de la première méthode, porte sur un plus petit nombre d'estimations de paramètres variables. Aucune estimation de la structure des coûts des débits de boissons n'est nécessaire pour utiliser le ratio loyer/chiffre d'affaires.
(70) Si on compare les résultats des différentes méthodes, il ne serait pas anormal de constater, par exemple, que le loyer moyen d'un débit non lié, en pourcentage du chiffre d'affaires, est de 15 % et que le bénéfice net moyen est de 50 %.
(71) En ce qui concerne la dernière variable, la plus importante de la méthode qu'elle a suivie, à savoir que le ratio loyer/chiffre d'affaires de 15 % est le ratio du loyer d'un débit de boissons non lié, la Commission se fonde sur les éléments suivants:
- S & N a informé la Commission, par lettre du 22 avril 1998, que cette année, elle avait libéré de leurs obligations d'achat quelque 184 débits de boissons en l'espace de six semaines afin de se conformer aux dispositions des arrêtés relatifs à la bière. L'augmentation moyenne du loyer sur laquelle ont débouché ces négociations a été, par rapport au loyer antérieur applicable aux établissements liés, supérieure d'environ 18 %, de sorte que le ratio loyer/chiffre d'affaires était de l'ordre de 14,6 % ; S & N estime que, si la période de ventes avait été plus longue, le loyer aurait été plus élevé,
- les sociétés Gerald Eve et Christie & Co, Surveyors, Valuers and Agents, ont indiqué à S & N que, dans la plupart des cas, le réexamen des loyers des débits non liés devrait aboutir à un loyer situé entre 13 et 17 %. Ils l'ont en outre informée qu'à leur avis, les loyers moyens du secteur étaient généralement de l'ordre de 50 % du bénéfice net moyen d'un exploitant compétent, les 50 % restants revenant au débitant. Dans les cas où les 50 % revenant au débitant ne lui assurent qu'un niveau de vie insuffisant, ce pourcentage pourrait être plus faible. À l'inverse, dans les débits où le niveau des réductions et les bénéfices sont plus élevés, des loyers dépassant 50 % ne sont pas rares, et ces experts considèrent qu'un pourcentage de 60 % serait la limite supérieure de la fourchette,
- ces conclusions confirment les éléments de fait présentés à l'OFT selon lesquels les débitants non liés paient 2 à 3 points de pourcentage de leur chiffre d'affaires de plus pour leur loyer que les débitants liés à des brasseurs, soit entre 14 et 15 % de leur chiffre d'affaires. C'est ce qui a permis à l'OFT de prendre, pour son rapport, comme base de calcul de la "prime locative", l'écart entre le loyer réel payé par les locataires des débits liés et un loyer des débits non liés estimé à 14-15 % du chiffre d'affaires.
(72) La Commission estime donc que, pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées, le ratio loyer/chiffre d'affaires constitue un bon instrument pour apprécier la prime locative dont bénéficient les débitants liés.
(73) De nombreux débitants ont déclaré, dans la réponse type de SLTC, que la loi de 1954 sur les relations entre propriétaires et locataires n'était pas applicable en Écosse. Ils allèguent donc que le débitant ne bénéficie d'aucune garantie de maintien dans les lieux et que, dès lors, les négociations sur les loyers sont marquées par un déséquilibre entre les parties.
(74) Les débitants écossais bénéficient d'une garantie de maintien dans les lieux en vertu des dispositions contractuelles de leur bail. Les locataires de S & N jouissent ainsi d'une garantie de maintien dans les lieux jusqu'à la fin du bail. En cas de révision du loyer avant l'expiration du bail, le débitant écossais bénéficie de la même garantie de maintien dans les lieux qu'un débitant anglais.
(75) Il est vrai, en revanche, que lorsque la négociation sur le loyer coïncide avec la négociation sur le renouvellement du bail, le locataire ne jouit plus de cette garantie: la reconduction du bail et, partant, le maintien dans les lieux, dépendent de l'issue de la négociation sur le loyer. Rien n'indique, dans les éléments de fait communiqués par les débitants, que les niveaux moyens des loyers en Écosse seraient affectés par le prétendu déséquilibre du pouvoir de négociation des deux parties en présence.
(76) La Licensed and Gaming Association soutient, dans ses observations, que S & N pourrait utiliser une décision d'exemption de ses baux pour imposer des obligations concernant la fourniture d'équipements auxiliaires et de machines à sous. En vertu des baux (à l'exception des baux de types E et S, qui ne prévoient aucun consentement du brasseur), le débitant qui souhaite introduire dans son débit de boissons ou exploiter des appareils de divertissement doit obtenir le consentement écrit préalable de S & N. Aux termes du bail écossais, du bail type anglo-gallois de novembre 1993 et du bail temporaire, tant que S & N reste propriétaire des débits de boissons, elle ne peut imposer comme condition de son consentement le partage des revenus tirés de ces appareils de divertissement. Les autres baux prévoient à l'inverse que S & N peut subordonner son consentement à un tel partage ou bien à une révision du loyer. Lorsque le bail l'autorise à exiger un tel partage des revenus, S & N exerce généralement ce droit.
(77) Les résultats du calcul de l'écart de prix et des compensations sont reproduits dans le tableau ci-après:
EMPLACEMENT TABLEAU
(78) Certaines compensations n'apparaissent pas dans le tableau 3. Il n'était pas nécessaire d'inclure les avantages qui sont décrits ci-après, car la prime locative compensait largement l'écart de prix.
(79) S & N dépense des sommes considérables pour entretenir son capital et pour la réparation des agencements et équipements. Dans la mesure où elles ne relèvent pas des obligations contractuelles de S & N, ces dépenses peuvent être comptées comme une compensation. Des locataires actuels et d'anciens locataires ont déclaré qu'en ce qui les concerne, ils n'avaient pas bénéficié de ces dépenses.
(80) De plus, S & N procure certains avantages non quantifiés. Premièrement, S & N accorde des prêts à ses débitants liés. Bien que ces prêts ne soient pas consentis à des conditions de faveur, ils constituent un avantage pour les locataires dans la mesure où ces derniers n'ont pas accès à d'autres sources de financement. Deuxièmement, S & N assure une formation. Certains tiers ayant utilisé la réponse type de SLTC font observer qu'il existe d'autres prestataires de services de formation. Troisièmement, S & N fournit une assistance technique et en matière de marketing à ses seuls débitants. Cette assistance prend notamment la forme de conseils sur le stockage et la distribution des produits, d'une aide pour les demandes de licence et les recours éventuels, et comprend la fourniture de matériels de promotion et l'octroi de remises promotionnelles périodiques.
(81) Les débitants bénéficient aussi de la puissance d'achat du groupe S & N pour l'assurance des locaux. Enfin, S & N consent, sous certaines conditions, à une cession du bail.
II. APPRECIATION JURIDIQUE
A. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1
1. Le marché en cause
Le marché de produits en cause
(82) Le marché de produits en cause inclut, en principe, tous les biens ou services que le consommateur considère comme raisonnablement interchangeables, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage auquel ils sont destinés (19). Comme la Cour de justice l'a établi dans son arrêt Delimitis (20), le marché en cause "est défini, en premier lieu, en fonction de la nature de l'activité économique en cause, en l'occurrence la vente de la bière. Celle-ci est réalisée tant par la voie du commerce de détail que par celle des débits de boissons. Du point de vue du consommateur, le secteur des débits de boissons, comprenant notamment les cafés et restaurants, se distingue de celui du commerce de détail, au motif que la vente dans les débits est associée non pas uniquement au simple achat d'une marchandise, mais également à une prestation de services et que la consommation de bière dans les débits ne dépend pas essentiellement de considérations d'ordre économique. Cette spécificité des ventes dans les débits est confirmée par le fait que les brasseries ont organisé des systèmes de distribution propres à ce secteur nécessitant des installations spéciales et que les prix pratiqués dans ce secteur sont, en général, supérieurs à ceux pratiqués pour les ventes dans le commerce de détail".
(83) Compte tenu du système d'octroi de licences propre au Royaume-Uni, il convient de clarifier quels sont les établissements titulaires de l'une des trois catégories de licence pour la vente au détail de boissons alcooliques à consommer sur place (considérant 23) qui relèvent du marché de produits en cause, à savoir les "cafés et restaurants". À cet égard, il y a lieu de citer le point 43 de la communication relative aux règlements, qui donne la définition suivante : "La notion de débits de boissons englobe tous les types d'établissement vendant des boissons destinées à être consommées sur place. La vente de boissons dans les clubs privés est assimilée à la vente de boissons dans des débits de boissons ouverts au public (21)". Cette définition se justifie par le fait que dans tous ces points de vente, y compris dans ceux qui sont titulaires d'une licence restreinte, les boissons sont achetées pour être consommées sur place et que l'élément service y est important.La Commission reconnaît que le prix de la bière dans les clubs représentait 82 à 83 % de celui qui était pratiqué dans les débits de boissons (22) (en décembre 1994), mais cette situation est en grande partie due au fait que les clubs ne poursuivent pas de but lucratif. Toujours est-il que le prix de la bière est plus élevé dans les clubs que dans les supermarchés du fait qu'il inclut un élément "service".En outre, le système de distribution est le même pour toutes les catégories d'établissement vendant de la bière et des boissons alcooliques à consommer sur place, y compris les clubs: installations spéciales pour la vente à la pression, barèmes de prix des brasseurs et existence d'obligations en matière d'achat en contrepartie de prêts avantageux.
(84) Il s'ensuit que le marché en cause correspond à celui de la distribution de la bière dans des débits de boissons (soit la totalité des établissements vendant de la bière à consommer sur place). Comme le précise l'arrêt Delimitis (23), cette constatation n'est pas infirmée par la circonstance qu'il existe une certaine interférence entre les deux réseaux de distribution, à savoir que les ventes dans le commerce de détail permettent à de nouveaux concurrents de faire connaître leurs marques et de bénéficier de leur réputation pour accéder au marché des débits de boissons.
Le marché géographique en cause
(85) Les conditions objectives de l'offre et de la demande pour la fourniture de bière aux établissements vendant des boissons alcooliques à consommer sur place varient sensiblement au sein de la Communauté. Comme l'a établi la Cour de justice au point 18 des motifs de l'arrêt Delimitis, les contrats de fourniture de bière sont encore, en grande majorité, conclus au niveau national. Cette remarque vaut tout particulièrement pour le Royaume-Uni, étant donné l'absence de frontières terrestres. Pour l'application des règles de concurrence communautaires à l'accord, il y a donc lieu de prendre en considération le marché britannique de la distribution de bière dans des débits de boissons.
(86) Le marché britannique se distingue de ceux des autres États membres en raison des arrêtés pris en la matière (considérant 16), de la consommation élevée de bière à la pression (considérant 19), de la présence de chaînes de débits de boissons (considérant 22), des règles relatives à l'octroi de licences aux débitants de boissons (considérants 23 et 34) et de la variété de bières du type "ale" offertes (considérant 38).
2. Accord entre entreprises
(87) S & N et ses locataires sont des entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1. (88) Les baux individuels, fondés sur le modèle des baux types décrits ci-dessus et liant S & N à chacun de ses locataires, sont des accords au sens de l'article 81, paragraphe 1.
3. Effet des principales restrictions sur la concurrence
3.1. Description et nature des principales restrictions
(89) Les contrats de fourniture de bière tels que les baux se caractérisent en règle générale par une obligation d'achat exclusif ainsi que, le plus souvent, par une obligation de non-concurrence(24). Ces clauses sont ainsi formulées dans les baux en question (considérants 38 et 39) :
- le débitant achète exclusivement auprès de S & N ou d'une personne désignée par celle-ci les bières désignées (abstraction faite de la clause relative à la vente de bière d'un autre brasseur - "guest beer clause") dont il a besoin aux fins de la vente dans son établissement ; en pratique, le brasseur peut procéder à des ajouts, à des substitutions ou à des suppressions concernant les marques d'un type désigné qui figurent sur son barème de prix (obligation d'achat exclusif),
- le débitant ne peut vendre ou proposer à la vente dans son établissement ou apporter dans ledit établissement aux fins de la vente: a) aucune bière du même type que la bière désignée, mais non fournie par S & N ou une personne désignée par celle-ci, ni b) aucune autre bière à moins qu'il ne s'agisse i) d'une bière en bouteille, en boîte ou tout autre petit conditionnement, ou ii) d'une bière à la pression si cette bière se vend habituellement sous cette forme ou si une demande suffisante de la clientèle du débit de boissons le justifie (obligation de non-concurrence).
(90) Outre l'obligation explicite de non-concurrence concernant les types de bières désignés, il convient de noter que l'obligation d'achat exclusif est formulée de manière à inclure implicitement une obligation de non-concurrence en ce qu'elle fait référence de façon générale aux "bières désignées".
(91) L'obligation d'achat exclusif empêche les preneurs de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs pour les marchandises désignées dans le contrat. Les locataires ne peuvent pas mettre en concurrence le brasseur et d'autres grossistes en bière qui proposent les même marques (restriction de la concurrence intramarque).
(92) L'obligation de non-concurrence explicite et implicite pour les types de bières désignés, à savoir l'interdiction pour les locataires d'acheter d'autres marques d'un type désigné auprès d'autres producteurs de bière, restreint la concurrence intermarques. Les dispositions contractuelles relatives à l'achat de types de bières non désignés imposent des contraintes administratives aux débitants sans pour autant restreindre leur liberté d'offrir ces types de bières dans leur établissement Ces clauses n'ont donc pas d'effet restrictif sur la concurrence.
3.2. Effet restrictif
(93) Après avoir déterminé la nature de la restriction de concurrence résultant du faisceau de baux conclus par le brasseur, il reste à démontrer leurs effets restrictifs au niveau des détaillants et des fournisseurs sur le marché en cause (25).
(94) Dans l'affaire Brasserie De Haecht contre Wilkin (26), la Cour de Justice a estimé que les effets d'un accord de fourniture, de bière devaient être appréciés en prenant en considération le contexte économique et juridique où un tel accord se situait et où il pouvait concourir, avec d'autres, à un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence. Il résulte aussi de l'arrêt précité que l'effet cumulatif produit par plusieurs accords similaires constitue un élément parmi d'autres pour déterminer si le jeu de la concurrence n'est pas empêché, restreint ou faussé (27).
3.2.1. Effet cumulatif de plusieurs réseaux similaires
(95) La présente appréciation vise à mesurer le degré de fermeture du marché britannique des boissons à consommer sur place, en déterminant si les réseaux mis en place sur des brasseurs ont pour effet cumulatif d'empêcher d'autres producteurs de bière, britanniques ou non, d'y accéder en toute indépendance. En d'autres termes, il s'agit de savoir si un autre brasseur peut atteindre le consommateur final dans des conditions de concurrence (28) qu'il définit de façon indépendante.
(96) En outre, comme S & N a notifié les baux afin d'obtenir une exemption avec effet rétroactif à compter de la date de conclusion des contrats, l'appréciation doit remonter à 1985, année d'introduction des baux.
(97) L'effet de fermeture résultant des réseaux institués par des brasseurs revêt diverses formes. Il y a d'abord l'intégration verticale des brasseries britanniques jusqu'à la vente au détail, sous la forme d'établissements gérés par les brasseurs ou d'établissements appartenant à ceux-ci. Le réseau se compose ensuite d'" accords verticaux " conclu à deux niveaux : soit directement avec des points de vente au détail (obligations liées à des prêts avantageux), soit avec des grossistes " traditionnels ", des chaînes de débits de boissons qui ne sont pas des brasseries et d'autres dans leur fonction de grossiste (accords des obligations d'achat de quantités minimales ; des obligations de stockage, etc.).
(98) Il ressort du tableau 2 (considérant 24) que les ventes réalisées par les établissements appartenant aux brasseurs ou gérés par ceux-ci représentaient en 1985 quelque 55 % du marché de la bière à consommer sur place. La part des ventes revenant, cette même année, aux établissements liés en contrepartie de prêts avantageux s'élevait à 22 %. Comme le marché britannique de la bière à consommer sur place a peu évolué avant l'adoption des arrêtés, les données relatives à 1990 sont valables pour toute la période de 1985 à 1989 au moins. En 1990, les arrêtés n'étaient pas encore intégralement mis en œuvre ; même si la situation a alors commencé à changer par rapport aux années précédentes, on peut estimer qu'environ 70 % de la bière consommée sur place au Royaume-Uni l'était encore dans des débits liés.
(99) En 1997, soit la dernière année pour laquelle nous disposions de ce genre de chiffres, la part de marché détenue par des établissements appartenant aux brasseurs ou gérés par ceux-ci s'élevait à 27,2 % en termes de ventes en volume. Les débits liés en contrepartie de prêts avantageux réalisaient 18,1 % des ventes de bière. Il n'est pas possible de calculer la part de la bière écoulée par lesdits débits qui a été livrée en dehors de toute obligation juridique contraignante liant ces derniers à un brasseur (voir considérant 26) (29), mais les achats liés couvrent très probablement au moins 10 % des ventes de bière, en volume, à consommer sur place. Par conséquent, il convient de conclure que les brasseurs britanniques verrouillent directement au plus 45,3 % du marché (et, selon toute vraisemblance, au moins 37 %). Les autres brasseurs ne peuvent donc pas accéder directement et de façon indépendante à cette partie du marché britannique des bières à consommer sur place au niveau de la vente au détail.
(100) Certains prétendent que les obligations contractées en contrepartie d'un prêt avantageux ne devraient plus être considérées comme de nature à entraver l'accès, puisque les arrêtés prévoient la possibilité d'y mettre fin moyennant un préavis de trois mois.
(101) La Commission admet qu'il n'est pas toujours impossible d'accéder de façon indépendante aux débits liés en contrepartie de prêts avantageux du fait qu'un nombre indéterminé d'entre eux ont conclu des accords d'achat non exclusif. Cependant, " la possibilité pour un autre brasseur d'atteindre directement le consommateur final dans des conditions de concurrence qu'il définit de façon indépendante " est limitée pour la bière couverte par une obligation d'achat contractée en échange d'un prêt avantageux.
(102) La Commission reconnaît aussi que les arrêtés permettent de mettre plus facilement fin à une obligation contractée en échange d'un prêt avantageux. La durée moyenne, à savoir quatre ans, montre toutefois que la relation contractuelle n'a rien de temporaire. De surcroît, le brasseur qui souhaite prendre pied de façon indépendante dans un débit lié en contrepartie d'un prêt avantageux doit offrir au gérant de celui-ci les ressources nécessaires pour rembourser le premier prêt (très vraisemblablement, au moyen d'un nouvel accord du même genre). La concurrence entre brasseurs ne se limite donc pas à la qualité et au prix (direct) de la bière, mais oblige le nouveau brasseur à proposer lui aussi un accord prévoyant une obligation en matière d'achat en contrepartie d'un prêt avantageux. En outre, il n'est intéressant pour un brasseur de prendre pied de façon indépendante dans un débit de boissons de ce genre que s'il offre la totalité ou la plupart des types de bière normalement proposés à la consommation dans un établissement, sans quoi la totalité du coût du prêt devra être récupérée sur la vente d'une seule marque (ou d'un nombre limité de marques).
(103) Personne ne conteste qu'en dépit du volume de bière couvert par des obligations d'achat, il reste possible pour les autres brasseurs d'accéder au marché de façon indirecte, pour autant que le brasseur/grossiste soit disposé à livrer de la bière produite par d'autres brasseries aux débits qui lui sont liés (c'est-à-dire, qui lui appartiennent ou auxquels il a accordé un prêt avantageux) (30). Toutefois, l'appréciation du degré de fermeture porte sur les possibilités offertes aux autres brasseurs d'avoir accès au marché de façon indépendante, sans que cet accès résulte d'une coopération " horizontale " entre les concurrents en place. Une coopération de ce genre pourrait limiter la concurrence intermarques entre les brasseries concernées, et le brasseur qui impose des obligations d'achat n'autorisa la vente, dans ces débits, de la bière produite par un autre brasseur que si cela sert son intérêt.
(104) Outre les liens directs qui existent entre brasseurs britanniques et points de vente au détail (établissements gérés ou loués et débits liés en contrepartie d'un prêt avantageux), il y a lieu de remarquer que 19,7 % du marché (en 1997) revient à des établissements appartenant à des chaînes de débits qui ne sont pas des brasseries ou à des établissements gérés par ces chaînes. D'après les estimations, près de 13 % du marché est couvert par des accords de fourniture liant lesdites chaînes aux brasseurs. Ce pourcentage tient compte du volume de bière écoulé par Inntrepreneur Pub Company Limited, Spring Estates Limited et Allied Domecq Retailing, qui étaient tenus en 1993 (31) d'approvisionner leurs débits de boissons, pour la totalité de leurs besoins, avec de la bière achetée auprès du même brasseur national. Sont également incluses les estimations faites par les quatre brasseurs nationaux concernant leurs livraisons à d'autres chaînes de débits faisant l'objet d'une restriction contractuelle.
(105) Il y a donc lieu de conclure qu'environ 58 % au plus (et, selon toute vraisemblance, 50 % au moins) du marché britannique de la bière à consommer sur place faisait encore l'objet en 1997 de restrictions imposées par des brasseurs. Par conséquent, le faisceau d'accords conclu par des brasseurs britanniques et imposant des obligations d'achat a eu, depuis 1985, une incidence considérable sur les possibilités d'accéder de façon indépendante au marché britannique de la bière à consommer sur place.
3.2.2. Autres éléments
(106) La Cour de justice a estimé, en dernier lieu dans l'arrêt rendu dans l'affaire Delimitis, que l'incidence d'un faisceau de contrats d'achat exclusif ne constitue qu'un élément, parmi d'autres, du contexte économique et juridique dans lequel un contrat doit être apprécié. Il faut prendre en considération, en premier lieu, les éléments qui déterminent également les possibilités d'accès au marché et, en second lieu, les conditions dans lesquelles s'accomplit le jeu de la concurrence sur le marché en cause.
3.2.2.1. Possibilités d'accès
(107) Au point 21 des motifs de l'arrêt Delimitis, la Cour évoque les " possibilités réelles et concrètes pour un nouveau concurrent de s'infiltrer dans le faisceau de contrats grâce à l'acquisition d'une brasserie déjà implantée sur le marché avec toute sa chaîne de points de vente ou de contourner le faisceau de contrats par l'ouverture de nouveaux débits de boissons. A cette fin, il y a lieu de prendre en considération les réglementations et les conventions relatives à l'acquisition de sociétés et à l'établissement de point de vente, ainsi que le nombre minimal de points de vente nécessaire pour l'exploitation rentable d'un système de distribution. La présence de grossistes en bière, qui ne sont pas liés à des producteurs actifs sur le marché, constitue également un facteur susceptible de faciliter l'accès à ce marché d'un nouveau producteur, celui-ci pouvant bénéficier des circuits de vente exploités par ces grossistes pour la distribution de sa propre bière ".
(108) Il n'est pas facile d'ouvrir un grand nombre de nouveaux débits de boissons en l'espace de quelques années du fait de la législation en matière d'octroi de licences (voir considérant 34). En outre, même si les débits de boissons britanniques font l'objet d'un commerce actif et que beaucoup ont été cédés dans le cadre de transaction individuelles, force est de remarquer que les investissements que devrait supporter un nouveau concurrent pour acquérir une chaîne de points de vente ou ouvrir de nouveaux débits seraient considérables (32) et l'obligeraient à réorienter son activité, afin d'ajouter la vente au détail à son activité de brasseur. En outre, comme les nouveaux concurrents (surtout s'ils sont étrangers) auront tendance à n'avoir que certaines marques de bière, et non toute la gamme habituellement consommée au Royaume-Uni, il leur faudra nouer des liens horizontaux supplémentaires avec d'autres brasseurs britanniques pour pouvoir offrir tous les types de bières qu'un débit se doit de proposer.
(109) Il est arrivé à plusieurs reprises au cours des dernières années que des brasseries étrangères rachètent directement des brasseries britanniques (et les débits de boissons leur appartenant), mais, le plus souvent, le brasseur étranger s'est ensuite désengagé (rachat de Ruddles par le brasseur néerlandais Grolsch et de Courage par l'Australien Foster's).
(110) En outre, le rôle relativement peu important que jouent les grossistes " traditionnels " dans la distribution de la bière au Royaume-Uni (considérant 21) fait qu'il est ardu pour un brasseur étranger, ou pour un nouveau brasseur, de pénétrer sur le marché de façon indépendante.
(111) C'est pourquoi les brasseries étrangères confient le plus souvent à une grande brasserie britannique le soin de produire et de distribuer leurs bières au Royaume-Uni, ce qui leur permet d'avoir accès à ses débits de boissons et à son réseau de distribution pour atteindre les établissements non liés. Dans un tel cas de figure, le brasseur britannique exerce une forte influence sur le positionnement et la commercialisation (publicité) de la marque du brasseur étranger.
(112) La Commission reconnaît que les possibilités d'accès des autres brasseurs au marché britannique de la bière à consommer sur place sont plus nombreuses, du moins en théorie, du fait qu'un pourcentage croissant des ventes au détail passe par le canal des débits de boissons gérés par des chaînes qui ne sont pas des brasseries. Il est en effet bien plus facile pour un nouveau venu de conclure un accord avec une chaîne de débits de boissons, quand bien même il n'a qu'une marque à offrir, et d'avoir ainsi accès à tous les établissements du réseau en question, plutôt que de conclure des accords avec chaque point de vente. Toutefois, comme il est indiqué au considérant 99, il n'est pas possible d'apprécier précisément dans quelle mesure ce segment du marché est véritablement ouvert. En outre, un brasseur souhaitant approvisionner une chaîne de débits de boissons sans réseau de distribution devrait organiser lui-même la distribution (voir aussi les considérants 23 et 32).
3.2.2.2. Jeu de la concurrence sur le marché en cause (33)
(113) Le secteur britannique de la brasserie a connu une phase de concentration (considérant 20). En outre, la consommation totale de bière et le marché de la bière à consommer sur place devraient continuer à décliner ou, au mieux, rester stables (considérant 17). Qui plus est, les dépenses publicitaires sans cesse plus élevées qui sont nécessaires pour faire connaître une marque (dépenses à fonds perdus) constituent un autre facteur qui incite les brasseurs étrangers à pénétrer sur le marché par le biais d'accords de licence. Enfin, les possibilités de se construire une réputation sur le marché des bières à emporter pour pouvoir ensuite accéder de manière indépendante au marché de la bière à consommer sur place sont plus limitées au Royaume-Uni que dans la plupart des autres pays européens, du fait que le marché de la bière à emporter ne représente que 30 % des ventes totales de bière (considérant 17).
3.3 Conclusion relative au premier critère Delimitis
(114) Par conséquent, il ressort de l'examen de tous les accords prévoyant des obligations en matière d'achat, qui comprennent entre autres des accords de fourniture de bière, et des autres éléments du contexte économique et juridique du marché britannique des bières à consommer sur placeque lesdits accords avaient en 1985 et continuent d'avoir - selon les dernières informations disponibles - pour effet cumulatif d'entraver sensiblement l'accès des nouveaux concurrents britanniques ou étrangers sur le marché considéré.
3.4. Caractère significatif de la contribution
(115) Comme la Cour l'a souligné au point 24 des motifs de l'arrêt Delimitis, il convient maintenant d'apprécier " dans quelle mesure les contrats conclus par la brasserie concernée contribuent à l'effet cumulatif produit, à cet égard, par l'ensemble des contrats similaires relevés sur ce marché. La responsabilité de cet effet de fermeture du marché doit être imputée, selon les règles de concurrence communautaires, aux brasseries qui y contribuent de manière significative. Les contrats de fourniture de bière conclus par des brasseries dont la contribution à l'effet cumulatif est insignifiante ne tombent, dès lors, pas sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 ". Par conséquent, pour apprécier la contribution de S & N à l'effet de fermeture, il convient de considérer tout le réseau qui lui est lié, en tenant compte, entre autres, de l'obligation d'achat exclusif et de l'obligation inhérente de non-concurrence qui sont prévues dans les baux. En d'autres termes, c'est le réseau qui, selon l'arrêt Delimitis, doit contribuer " de manière significative à l'effet de blocage produit par l'ensemble de ces contrats [liant les points de vente au brasseur] dans leur contexte économique et juridique " (34).
(116) Il y a donc lieu de prendre en considération l'effet produit par le réseau de S & N dans son ensemble ; la constatation d'un effet restrictif dû au réseau s'appliquerait alors également à chacun des éléments qui le composent (35).
3.4.1. Règle de minimis relative à la bière (36)
(117) S & N n'est à l'évidence pas un " petit brasseur " au sens de la définition de la communication, puisqu'elle produit plus de 200 000 hectolitres de bière par an et que sa part de marché est supérieure à 1 % du marché britannique de la bière à consommer sur place. En outre, l'un des baux types est, dans certains cas, d'une durée supérieure à la durée maximale de quinze ans indiquée dans la communication.
3.4.2. Appréciation individuelle
(118) Dans l'arrêt Delimitis (37), la Cour a dit pour droit que "l'importance de la contribution du contrat individuel dépend de la position des parties contractantes sur le marché en cause et de la durée du contrat ". Aux points 25 et 26 des motifs de l'arrêt, la Cour explique que " cette position ne dépend pas seulement de la part de marché de brasserie et du groupe auquel elle appartient éventuellement, mais également du nombre du point de vente liés à celle-ci ou à son groupe, par rapport au nombre total de débits de boissons relevés sur le marché de référence ". En ce qui concerne la durée, la Cour précise que si elle " est manifestement excessive par rapport à la durée moyenne des contrats de fourniture de bière généralement conclus sur le marché en cause, le contrat individuel relève de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1. Une brasserie disposant d'une part de marché relativement réduite, qui lie ses points de vente pendant de nombreuses années, peut, en effet, contribuer à une fermeture du marché de manière aussi significative qu'une brasserie ayant une position relativement forte sur le marché qui libère régulièrement ses points de vente à intervalles rapprochés ".
(119) Dans les affaires des glaces allemandes, le Tribunal de première instance a jugé significative la contribution des sociétés en question au vu de la " forte position [occupée par celles-ci] sur le marché de référence et, notamment, de la part de marché qu'elle[s] détien[nen]t " (38). Le Tribunal s'est donc appuyé principalement sur la notion plus large de part de marché globale.
(120)Pour apprécier la contribution du brasseur, il faut donc tenir compte de sa position du marché en cause - et notamment de l'effet de fermeture produit par les accords le liant aux points de vente - ainsi que de la durée de ses accords restrictifs (et, plus particulièrement, de ses accords types).
(121) Cette appréciation doit prendre en considération les débits gérés par le brasseur, même si cet aspect de la question ne relève pas en soi de l'article 81, paragraphe 1, du fait qu'il ne s'agit pas d'un accord entre opérateurs indépendants. Dans l'examen des accords notifiés (et qui constituent un élément du réseau du brasseur), il est particulièrement important de tenir dûment compte de l'effet de fermeture imputable aux débits gérés par un brasseur national, car les arrêtés limitent le nombre total des établissements liés pouvant lui appartenir. Notons toutefois que le brasseur, dans les limites ainsi autorisées, est libre d'exploiter lesdits débits dans le cadre d'un bail ou d'une gérance. Le brasseur a donc la possibilité d'offrir à tout moment un bail à un établissement géré ; de même, à l'expiration du bail, le brasseur peut décider de gérer lui-même le débit en question.
(122) Viennent compléter le " réseau lié " de S & N les établissements liés à cette dernière en contrepartie d'un prêt avantageux ainsi que les quantités de bière que les " partenaires grossistes " du brasseur sont tenus de lui acheter (exclusivité, achat de quantités minimales, obligation de stockage, non-concurrence, etc). Ainsi qu'elle l'a indiqué au considérant 13, la Commission ne dispose que de données limitées sur ce " canal ". De surcroît, pour apprécier le rôle joué par le brasseur, il convient aussi de s'intéresser à la part globale qu'il détient sur le marché britannique de la bière à consommer sur place ainsi qu'à sa part sur le marché connexe de la production de bière au Royaume-Uni.
(123) Les 892 débits (dont 421 sont exploités dans le cadre d'un bail) détenus par S & N en 1990/1991 et les 2600 (dont 432 en location) détenus par ce même brasseur en 1997/1998 représentaient respectivement 0,57 et 1,9 % du nombre total d'établissements titulaires d'une licence pour la vente de boissons alcooliques à consommer sur place. En outre, comme le montre le tableau 1 (considérant 11), ces débits écoulaient environ 2,8 % (en 1990/1991) et 4,12 % (en 1997/1998) de la bière consommée sur place (la part des débits loués au brasseur s'élevant respectivement à 1,32 t 0,89 %). Si l'on ajoute à ces chiffres les ventes des débits liés en contrepartie de prêts avantageux, les ventes liés de S & N pour lesquelles la Commission dispose de données respectivement 6,16 % (39) et 9,44 % du marché britannique de la bière à consommer sur place. Les ventes " liées " (réalisées soit dans des établissements appartenant à S & N ou gérés par elle, soit dans des débits liés en contrepartie d'un prêt avantageux) comptent donc pour un quart environ des ventes totales de S & N, dont la part s'élève à 28 %, sur le marché de la bière à consommer sur place. Il faut ajouter à cela les obligations liant les grossistes, comme indiqué au considérant 122.
(124) En ce qui concerne la durée des différents liens établis par S & N, il y a lieu de faire remarquer que tous les établissements appartenant à S & N sont, en principe, " rattachés " à la société. C'est le cas non seulement des établissements gérés, mais aussi des débits loués qui, à l'expiration d'un bail (de courte ou de longue durée), sont reloués à un autre exploitant selon les mêmes modalités. Le bail le plus long peut aller, dans certains cas, jusqu'à vingt ans. Les liens qui unissent les débits de boissons à S & N en contrepartie d'un prêt avantageux ont, en moyenne, une durée de deux ans et demi à trois ans et demi.
(125) Par conséquent, les ventes liées de S & N, dont les accords notifiés constituent un élément, contribuent d'une manière significative à l'effet de fermeture du marché britannique de la bière à consommer sur place. L'obligation d'achat d'exclusif et l'obligation de non-concurrence contenues dans les baux ont donc un effet restrictif sur la concurrence.
4. Incidence d'autres restrictions sur la concurrence
4.1. Description
(126) Certains de ceux qui ont répondu à la communication estiment que les clauses des baux relatives aux points suivants ont un effet restrictif sur la concurrence :
- l'obligation de remettre ou de maintenir en bon état le local, les installations et les agencements,
- l'obligation d'être titulaire d'une grande licence,
- les restrictions en matière de cession,
- l'obligation de vendre à S & N ou au nouveau locataire les installations commerciales, le mobilier, le matériel et le stock à l'expiration du bail,
- l'interdiction d'installer des appareils de divertissement sans l'assentiment de S & N
- les clauses relatives à la publicité figurant dans certains baux (ci-après dénommées " clauses relatives à la publicité ") : l'obligation d'afficher les publicités fournies par S & N (en vertu des baux types anglo-gallois de 1993 et du bail écossais) ; l'autorisation de ne faire, pour les marchandises fournies par d'autres entreprises, qu'une publicité proportionnée à la part qu'elles représentent dans le chiffre d'affaires total de l'établissement (clause prévue par tous les baux anglais).
4.2. Appréciation
(127) On ne saurait considérée que les quatre premières clauses susmentionnées ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur un marché déterminé. La clause relative aux appareils de divertissement n'est pas restrictive eu égard à l'incidence de ces machines sur le style de l'établissement (40).
(128) La question de savoir si la clause relative à la publicité est contraire ou non à l'article 81, paragraphe 1, ne se pose que pour le marché de la distribution de la bière. Cette clause n'est pas restrictive en ce qui concerne les marchés voisins de la fourniture de marchandises aux établissements servant des boissons alcooliques à consommer sur place au Royaume-Uni, tels que les marchés des boissons autres que la bière, des chips ou encore des appareils de divertissement. Les baux, en l'absence d'une obligation d'achat exclusif et d'une obligation de non-concurrence pour la fourniture de ces produits, ne restreignent pas d'une manière sensible la concurrence sur ces marchés, à supposer que ces derniers existent, par le seul fait d'imposer une clause relative à la publicité.
(129) En ce qui concerne la fourniture de bière, l'obligation d'afficher les publicités fournies par S & N ne restreint nullement la possibilité de faire de la publicité pour les bières fournies par d'autres entreprises ; elle ne restreint donc pas la concurrence. La clause qui figure dans les baux anglais a pour objet de limiter dans une certaine mesure de publicité pour la bière fournie par d'autres entreprises. Selon le bail, le locataire n'est autorisé à acheter auprès d'une autre entreprise que la " guest beer " et les bières d'un type non désigné dans le contrat. Il se peut, en particulier, que les marques de bière d'un type non désigné soient mal connues du consommateur britannique et, partant, nécessitent des actions publicitaires spécifiques sur le lieu de vente. La clause en question interdit ce genre d'actions pour les nouveaux produits, puisqu'elle exige que la publicité soit proportionnée au chiffre d'affaires imputable aux marchandises en question, lequel est, par définition, nul lorsqu'il s'agit de nouveaux produits. Toutefois, la Commission n'a pas connaissance de ce que la clause soit appliquée stricto sensu. S & N affirme à cet égard, dans une lettre du 2 octobre 1998, qu'elle n'a jamais utilisé les baux pour exclure ou empêcher de manière abusive toute publicité en faveur de produits d'autres entreprises, qu'elle ne les utilise pas non plus actuellement dans ce but et qu'elle n'entend pas le faire à l'avenir. La pratique montre, d'ailleurs, qu'il arrive très fréquemment que les débitants qui exploitent des établissements en vertu d'un bail écossais affichent des publicités que leur transmettent d'autres fournisseurs. S & N n'a jamais essayé de dissuader les débitants d'afficher ce type de publicité ni interdit leur affichage. On ne saurait donc considérer que la clause relative à la publicité provoque une restriction sensible de la concurrence.
5. Incidence sur le commerce entre Etats membres
(130) Lorsque, pour les raisons décrites ci-dessus, les obligations d'achat exclusif et de non-concurrence contenues dans les baux en question ont pour effet d'empêcher les locataires de stocker et de proposer à la vente certaines bières de fournisseurs concurrents, ces derniers, quelles que soient leur situation géographique et l'origine de leurs produits, ne peuvent avoir accès aux débits concernés à moins de conclure un accord spécifique avec S & N. Cette restriction pourrait avoir pour effet de diminuer le volume des échanges de bière. Les possibilités qu'ont les fournisseurs étrangers de prendre pied d'une manière indépendante sur le marché britannique de la bière à consommer sur place s'en trouvent affectées ; les accords " restrictifs ", entre autres les contrats d'achat exclusif de bière, sont susceptibles de mettre une partie substantielle du marché britannique à l'abri de la concurrence directe des produits originaires d'autres Etats membres. En effet, comme il est indiqué ci-dessus au considérant 32, la plupart des brasseurs étrangers ont décidé de pénétrer sur le marché britannique en concluant des accords de licence avec les brasseurs en place, dont S & N, afin d'avoir accès à leur réseau d'établissements servant des boissons à consommer sur place (41). Par conséquent, les baux affectent les échanges intra-communautaires.
6. Effet sensible sur la concurrence
(131) Les obligations d'achat exclusif et de non-concurrence n'enfreignent cependant l'article 81, paragraphe 1, que si elles affectent sensiblement le jeu de la concurrence et les échanges entre Etats membres.
(132) L'évaluation de l'effet restrictif induit par l'ensemble des réseaux et les autres éléments contribuant à fermer le marché britannique de la bière à consommer sur place ainsi que celle de la contribution significative du réseau de S & N à cet effet (voir considérants 95 à 130) démontrent que ces facteurs ont un effet sensible sur la concurrence et les échanges entre Etats membres sur ce marché.
7. Conclusion
(133) Les obligations d'achat exclusif et de non-concurrence contenues dans les baux tombent sous le coup de l'article 81, paragraphe 1,depuis l'introduction de ces derniers en 1985.
B. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3
1. Règlement (CEE) n° 1984-83 (ci-après dénommé " règlement ")
(134) La Cour a confirmé dans l'arrêt Delimitis (point 36 des motifs) qu'il ressort de l'article 6, paragraphe 1, du règlement que l'engagement d'achat exclusif par le revendeur se rapporte uniquement à certaines bières ou à certaines bières et boissons spécifiées dans l'accord. cette exigence de précision a pour objet d'éviter que le fournisseur n'étende unilatéralement le champ d'application de l'obligation d'achat exclusif. Un contrat de fourniture de bière qui renvoie, pour ce qui concerne les produits soumis à l'obligation d'achat exclusif, à un tarif que le fournisseur peut modifier unilatéralement ne satisfait pas à cette exigence et ne bénéficie donc pas de la protection de l'article 6, paragraphe 1. La Cour conclut (point 37 des motifs) que les conditions d'application de l'article 6, paragraphe 1, du règlement ne sont pas réunies lorsque les boissons faisant l'objet de l'exclusivité d'achat ne sont pas énumérées dans le texte même du contrat, mais qu'il est stipulé qu'elles résultent à chaque fois du tarif en vigueur de la brasserie ou de ses filiales.
(135) les baux types précisent une spécification de l'obligation d'achat exclusif par type de bière qui permet à S & N de procéder à des ajouts, des suppressions ou des substitutions concernant les marques de bière qu'elle fournit aux locataires en modifiant de temps à autre le contenu de son barème des prix relatifs aux bières désignées. La spécification de l'obligation d'achat par type de bière donne donc à S & N la possibilité d'étendre unilatéralement le champ d'application de l'obligation d'achat exclusif et, partant, ne satisfait pas aux conditions de l'article 6 du règlement, lequel exige une spécification par la marque ou par la dénomination (42).
(136) Les baux types ne satisfont donc pas aux conditions du règlement.
2. Exemption individuelle
2.1. Amélioration de la distribution
2.1.1. Considérations d'ordre général
(137) Un accord de distribution de bière entraîne généralement une amélioration de la distribution en ce qu'il facilite sensiblement l'installation, la modernisation, l'entretien et l'exploitation des débits de boissons (voir aussi considérant 15 du règlement). Cette remarque vaut tant pour les brasseurs/fournisseur qui n'ont pas besoin de procéder à une intégration verticale que pour les locataires. La location d'un local à un loyer convenu, comme dans le cadre des baux types de S & N, vu, en particulier, le système restrictif d'octroi de licence en vigueur au Royaume-Uni, permet à un preneur d'exploiter un local et donc de faire une entrée à peu de frais sur le marché de la vente de bière à consommer sur place. Ce système, grâce auquel un brasseur britannique donne à un opérateur indépendant la possibilité d'exploiter un établissement titulaire d'une licence lui appartenant, augmente donc le nombre d'options qui existent pour pénétrer sur le marché. D'une certaine façon, exploiter un débit appartenant à un brasseur est une solution intermédiaire entre assumer la fonction de gérant (d'un local qui appartient à un brasseur ou à une chaîne de débits de boissons) et être le propriétaire de son propre débit (que celui-ci soit ou non lié au brasseur en contrepartie d'un prêt avantageux).
(138) Le fait que l'obligation d'achat exclusif et l'interdiction de concurrence incitent le revendeur à consacrer toutes les ressources à sa disposition à la vente des produits désignés dans le contrat entraîne généralement une amélioration de la distribution de ces produits. Autrement dit, comme il est indiqué au considérant 15 du règlement, de tels accords conduisent les parties contractantes à une coopération de longue durée qui leur permet d'améliorer la qualité des produits et du service à la clientèle fournis par le revendeur. Ils permettent une planification à long terme des ventes et donc une organisation rentable de la production et de la distribution, et, sous la pression de la concurrence entre produits de marques différentes, les entreprises concernées sont contraintes d'adapter le nombre et les caractéristiques des débits de boissons aux souhaits de la clientèle.
(139) En ce qui concerne la longue durée de l'obligation d'achat exclusif et de la clause de non-concurrence contenues dans le bail, il y a lieu de relever que des règles spéciales s'appliquent dans les cas où les locaux utilisés pour la vente et la consommation de boissons sont donnés en location par le fournisseur au débitant. Il convient de se référer, à cet égard, à l'article 8, paragraphe 2, point a), du règlement, qui dispose que " les obligations d'achat exclusif et les interdictions de concurrence visées par le présent titre peuvent être imposées au revendeur pendant toute la période durant laquelle il exploite effectivement le débit de boissons ". Dans ces conditions, la longue durée de l'obligation d'achat exclusif et de la clause de non-concurrence contenues dans le bail ne constitue, par conséquent, pas un obstacle à l'octroi d'une exemption en leur faveur.
(140) De surcroît, la spécification du lieu par type devrait permettre de mettre en œuvre les accords d'achat de bière exclusif au Royaume-Uni plus efficacement que la spécification prévue dans le règlement. La spécification du lieu par type permet plus facilement aux brasseurs d'ajouter les marques de brasseurs étrangers ou nouveaux aux barèmes de prix parce que celui-ci n'exige pas le consentement de tous les débitants (43). Cette remarque s'applique tout particulièrement en l'espèce, vu le nombre élevé de bières livrées par S & N à ses preneurs et la fréquence avec laquelle ce brasseur ajoute ou remplace une bière sur son barème, y compris de marque étrangère. C'est un point important eu égard au fort pourcentage de toutes les bières écoulées au Royaume-Uni et vendues à la pression dans des débits de boissons et eu égard au fait que les brasseurs nationaux ont verrouillé en 1997 quelque 58 % au plus du marché britannique de la bière à consommer sur place (et, selon toute vraissemblance, au moins 50 %), contre environ 70 % en 1989, il se peut toutefois que les brasseurs étrangers ou nouveaux continuent à rencontrer des difficultés pour prendre pied sur ce marché de façon indépendante. Il convient de relever, en outre, que, en tout état de cause, le débitant n'est pas en mesure d'ajouter des marques, du fait que le brasseur aurait le droit d'interdire la vente par le locataire d'autres marques du même type dans son débit, en faisant jouer la clause de non-concurrence, qui bénéficie d'une exemption en vertu de l'article 7, paragraphe 1, point a), du règlement. Le débitant ne peut donc avoir une influence positive ou négative sur le degré de fermeture du marché britannique de la bière à consommer sur place.
(141) Il est vrai qu'un preneur peut se trouver dans l'obligation d'acheter des produits peu familiers lorsque son débit lié est vendu par S & N à une autre société. Si un tel changement survient " du jour au lendemain ", il peut avoir une incidence considérable sur le chiffre d'affaires du débit et donc pour le débitant en question. Toutefois, du point de vue de la concurrence, la structure contractuelle offre alors l'occasion à d'autres brasseurs, britanniques ou non, de faire leur entrée sur le marché ou d'y renforcer leur position. Si le changement se produit progressivement, il ne porte pas forcément préjudice à la situation du preneur en question. A cet égard, il est probable que des modifications progressives seront aussi apportées au portefeuille de marques offertes dans un marché en déclin afin de tenir compte de l'évolution des goûts des consommateurs. De surcroît, l'intérêt commercial à long terme du " nouveau ", propriétaire n'est pas de nuire à la rentabilité de l'établissement qu'il vient d'acquérir en proposant des marques pour lesquelles il n'existe aucune demande de la part des consommateurs.
2.1.2. Ecarts de prix
(142) La Commission estime, cependant, qu'il convient d'examiner plus précisément si les avantages décrits ci-dessus peuvent se matérialiser lorsque le preneur lié subit des écarts de prix.
(143) La discrimination par les prix est un élément important dans la justification économique d'une exemption en faveur d'accords d'achat exclusif. En effet, d'une part, un accord d'achat exclusif permet ce type de discrimination, car, pendant toute la durée de celui-ci, l'acheteur se voit dans l'impossibilité de recourir à d'autres sources d'approvisionnement, contrairement aux autres clients du producteur. Un brasseur peut donc décider de profiter de cette situation vis-à-vis des clients qui lui sont liés.
(144) D'autre part, en ce qui concerne la condition relative à l'amélioration de la distribution, la Commission estime qu'il peut s'avérer difficile pour une personne subissant une discrimination " nette " sensible sur les prix d'affronter la concurrence à armes égales. Aussi toute amélioration produite par ces accords au niveau de la distribution peut-elle rester purement théorique ou être structurellement empêchée de sorte à ne pas pouvoir l'emporter à long terme sur les aspects anticoncurrentiels desdits accords. L'idée que la discrimination par les prix puisse être incompatible avec l'article 81, paragraphe 3, trouve aussi une expression au considérant 21 du règlement : " si, dans des cas particuliers, les accords [...] tombant sous le coup du présent règlement ont cependant des effets incompatibles avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la Commission peut retirer [...] le bénéfice de l'exemption [...] ". Ces cas particuliers, définis à l'article 14 du règlement, incluent la discrimination injustifiée par les prix (44).
(145) L'application des considérations qui précèdent aux baux types signifie, dans le contexte du marché britannique de la bière à consommer sur place, que le locataire subissant des écarts de prix (injustifiés) pourrait ne pas être en mesure d'affronter la concurrence à armes égales. Toutes conditions égales par ailleurs, son activité sera moins lucrative que celle de ses concurrents, voire pas lucrative du tout. Du fait de l'incidence de ce facteur négatif sur sa rentabilité, que ce soit au moment de son entrée sur le marché ou pendant tout laps de temps important au cours de l'exploitation de son établissement, le locataire pourrait ne pas être capable de soutenir la concurrence de ses homologues, car ces derniers peuvent soit répercuter en partie les remises obtenues au niveau du consommateur final en diminuant, temporairement ou en permanence, le prix auquel ils vendent le même type de bière, soit profiter de ces remises pour investir dans leur offre globale (aménagement d'une nouvelle cuisine, de toilettes, d'installations pour familles, etc.). Toutes conditions égales par ailleurs, cela affaiblirait encore la compétivité du locataire, les clients bénéficiant d'un service supérieur pour le même prix dans d'autres débits.
(146) Une discrimination injustifiée par les prix n'a d'incidence négative sensible sur la compétivité du preneur et n'affecte donc l'appréciation portée sur l'absence d'amélioration de la distribution que pour autant qu'elle soit significative et dure longtemps. D'après les estimations, les remises (avant qu'il ne soit tenu compte de toute justification éventuelle) traditionnellement pratiquées sur le marché britannique des boissons à consommer sur place n'étaient pas si élevées jusqu'au milieu des années 80 (selon le rapport de la MMC de 1985, les réductions accordées aux débits indépendants étaient de l'ordre de 3 à 5 %). Toutefois, dans la période qui a suivi et sur laquelle portent les baux types, la situation s'est modifiée et certains groupes d'acheteurs ont bénéficié de remises beaucoup plus importantes que les preneurs liés. Le rapport de l'OFT s'est intéressé d'assez près à cette question.
(147) Ces remises plus généreuses sont concédées à tous les opérateurs du marché britannique des boissons à consommer sur place qui n'ont pas conclu d'accord prévoyant une obligation d'achat exclusif et qui font commerce avec S & N : grossistes, chaînes de débits de boissons, autres brasseurs et débitants indépendants. De plus, les remises accordées aux grossistes, chaînes de débits de boissons, autres brasseurs sont, en moyenne, plus élevées que celles dont bénéficient les débitants indépendants.
(148) La plupart des concurrents directs des locataires liés, à savoir les débits gérés par des brasseurs, les établissements gérés par des chaînes de débits ou liés à ces dernières, les débits liés en contrepartie d'un prêt avantageux, les débits non liés, ainsi que les club (qui ne constituent des concurrents directs pour les débitants liés que dans une mesure limitée du fait de leur accès restreint), peuvent dont acheter leur bière moins cher.
(149) Comme des différentes catégories citées ci-dessus seuls les débitants indépendants (les fournitures au bénéfice des clubs qui ne sont pas liées à l'octroi d'un prêt sont incluses dans les données de S & N relatives aux remises consenties aux débitants indépendants) achètent directement leur bière auprès de S & N aux conditions du marché, ils constituent le " groupe de référence ". Ils forment, en effet, le seul groupe de revendeurs liés par l'engagement d'achat exclusif auquel " le fournisseur, sans raison objectivement justifiée [...] applique [...] des prix [...] moins favorables que ceux qu'il applique à d'autres revendeurs se situant au même stade de la distribution " (45) (l'italique a été ajouté par nos soins).
(150) Le tableau 3 (considérant 77) montre que l'écart entre le prix payé par les débitants liés (prix du barème S & N diminué des remises accordées sur les achats de bière ale conditionnée en fût) et le prix moyen payé par les débitants indépendants est allé en s'accroissant au fil des ans du fait que ces derniers ont bénéficié de remises sans cesse plus élevées.
2.1.3. Compensations
(151) S & N a cependant fait valoir que sa relation avec ses locataires ne se limitait pas au seul prix pratiqué à leur égard et qu'il convenait de prendre en considération toutes les facettes du lien contractuel afin de déterminer si les débitants pouvaient " survivre " sur le marché et, partant, s'il y avait amélioration de la distribution.
(152) La Commission accepte cet argument. Celui-ci oblige toutefois à procéder à une comparaison difficile en soi entre, d'une part, des écarts de prix aisément quantifiables et, d'autre part, les aspects plus " qualitatifs " de la relation contractuelle.
(153) La description des compensations dites " quantifiables " aux considérants 50 à 76 montre la difficulté de l'opération. Toutefois, vu les arguments présentés à l'appui de la méthode utilisée pour chaque bénéfice et les informations factuelles qui confirment les résultats, la Commission estime que les chiffres figurant dans la rubrique intitulée " Conclusion " du tableau 3 lui permettent de décider, en faisant usage de la marque discrétionnaire dont elle dispose dans l'application de l'article 81, paragraphe 3, si les baux types se traduisent " concrètement " par une amélioration de la distribution.
(154) Pour juger du respect des conditions de l'article 81, paragraphe 3, et plus particulièrement lorsqu'une exemption avec effet rétroactif est demandée, la Commission ne peut porter un jugement global sur toute la période considérée, mais doit examiner si les conditions de l'article 81, paragraphe 3, ont été satisfaites à tout moment. Du fait que les accords notifiés sont des baux " types " correspondant à plusieurs centaines d'accords individuels, qu'il s'agit de données en soi complexes et que peu de données sont disponibles sur une base autre qu'annuelle, la Commission estime qu'il est raisonnable de limiter son appréciation, à la question de savoir si les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont satisfaites pour chaque année.
(155) Il ressort du tableau 3 que, pour toutes ces années, la prime locative l'emporte largement sur l'écart de prix. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les autres compensations quantifiables décrites aux considérants 79 à 81. Si l'ont tient compte de tous les aspects de la relation commerciale qui le lie à S & N, le locataire " moyen " est donc à même d'affronter les débitants non liés " à armes égales ".
(156) La Commission conclut par conséquent que, pour toute la durée des baux types, rien ne permet de dire que les améliorations de la distribution décrites ci-dessus en termes généraux ne se sont pas matérialisées.
(157) Les baux types, y compris les restrictions en matière d'achat, ont donc contribué à améliorer la distribution sur le marché britannique de la bière à consommer sur place.
2.2. Profit pour le consommateur
(158) En ce qui concerne les avantages généraux qui résultent des baux liés, le considérant 16 du règlement précise que " les consommateurs profitent des améliorations décrites, en particulier du fait qu'ils sont sûrs de pouvoir acheter des produits de qualité satisfaisante tout en ayant le droit entre des produits de fabricants différents "( 46).
(159) Outre ces références générales, il convient de noter que les liens de propriété incitent les brasseurs à (continuer à) investir dans des points de vente qui pourraient être trop petits pour être exploités de façon rentable par leurs propres gérants. Ce système permet donc de maintenir en activité des débits qui, sans cela, pourraient être condamnés à fermer ou à ne pas attirer les investissements qu'y effectuent S & N et/ou le locataire. Le maintien de ces points de vente et/ou l'amélioration des installations qui découlent des investissements profitent à l'évidence au consommateur. Il va de soi que les débits liés qui appartiennent à un brasseur donné ne contribuent à ce résultat que pour autant que l'exploitation à long terme de ces débits n'est pas menacée. En d'autres termes, il faut que les écarts de prix, s'ils existent, soient grosso modo compensés par des avantages spécifiques. Or, comme il est indiqué ci-dessus, tel est le cas pour S & N.
(160) En ce qui concerne la spécification du lien par type de bière, la Commission relève aussi que, pour la période 1990-1997, S & N a, en moyenne, introduit chaque année à peu près cinq marques de bière à la pression dans ses établissements loués. Il s'agit notamment de marques étrangères réputées, comme Budweiser et Miller Pilsner, mais aussi de marques moins connues, comme Webster's Green Label ale.
(161) La Commission en conclut que les baux types réservent au consommateur une partie équitable du profit qui en résulte.
2.3. Caractère indispensable des restrictions
(162) L'obligation d'achat exclusif et la clause de non-concurrence, comme indiqué au considérant 137, sont indispensables aux avantages produits par les accords de fourniture de bière. Comme il est indiqué au considérant 17 du règlement, ces avantages ne peuvent pas, dans les mêmes proportions et avec la même certitude, être obtenus d'une autre manière.
(163) Il convient d'observer, en outre, que la spécification du lieu est indispensable pour faciliter l'introduction de marques dans les réseaux liés à des brasseurs sur le marché britannique de la bière à consommer sur place (considérants 140 et 160).
2.4. Possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché en cause (47)
(164) Il est manifeste que S & N n'a pas la possibilité d'éliminer la concurrence sur une partie substantielle du marché puisqu'elle n'y représente que 28 à 29 % du marché britannique de la bière à consommer sur place en 1997. De plus, même en considérant que, en 1997, 58 % au plus du marché britannique de la bière à consommer sur place étaient fermés par les réseaux parallèles des contrats avec des brasseurs, les accords notifiés par S & N n'ont pas pour effet d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché britannique de la bière à consommer sur place.
2.5. Conclusion
(165) Les baux types de S & N et les obligations d'achat exclusif et de non-concurrence qu'ils contiennent satisfont aux conditions de l'article 81, paragraphe 3.
C. Relation avec l'article 28
(166) La réponse type de SLTC et un débitant qui a transmis ses observations séparément estiment que la Commission ne peut accorder d'exemption avec effet rétroactif en raison de la position qu'elle a établie au sujet de la clause relative à la guest-beer " dans le cadre de la procédure prévue à l'article 226 du traité CE. Sur la base de l'arrêt dans l'affaire 26-76, Metro I (48), certains estiment que la Commission abuserait des pouvoirs que lui confère l'article 81, paragraphe 3, en autorisant une exemption avec effet rétroactif qui entérinerait ce que d'aucuns jugent, eu égard aux règles de la concurrence, comme une violation évidente de l'article 28.
(167) La compatibilité de la clause relative à la " guest beer " avec l'article 28 n'est pas pertinente aux fins de l'application de l'article 81. D'abord, une décision d'application de l'article 81, paragraphe 3, à l'égard d'un accord qui n'intégrait jusqu'au mois d'avril 1998 que l'ancienne clause relative à la " guest beer " (portant sur la bière conditionnée en fût) est sans préjudice d'une prise de position définitive sur la question de l'article 28. En outre, le règlement exempte des accords, en vue de leur utilisation dans tous les Etats membres, dans le cadre desquels le brasseur/propriétaire n'a pas à accorder un droit semblable à la clause relative à la " guest beer ". Le brasseur/propriétaire peut, en effet, imposer une obligation de non-concurrence pour toutes les marques de bière du même type que les marques désignées dans le contrat. L'inclusion de l'ancienne " guest beer " représentait donc déjà une mesure libérale par rapport à ce qu'autorise le règlement et ne saurait donc être matière à préoccupation sous l'angle du droit communautaire de la concurrence.
(168) Comme la question de l'article 28 n'est pas pertinente pour les raisons susmentionnées, il n'y avait pas lieu pour la Commission de s'y attacher dans sa communication. La communication était donc complète. En outre les tiers intéressés sont autorisés à faire des observations non seulement sur les points qui sont explicitement mentionnés dans une communication faite en application de l'article19, paragraphe 3, mais aussi sur tout autre point qu'ils jugent pertinent.
D. Effet rétroactif et durée de l'exemption
(169) Les baux types sont des accords au sens de l'article 4, paragraphe 2, point 1, du règlement n° 17 en ce sens que " n'y participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et que ces accords [...] ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres ". Il découle de l'article 6 du règlement n° 17 que, pour de tels accords, la date à partir de laquelle une décision d'application de l'article 81, paragraphe 3, prend effet peut être antérieure au jour de la notification.
(170) Dans son arrêt dans l'affaire 63-75, Fonderies Roubaix (49), la Cour a affirmé que " la circonstance que les produits, objet de tels accords (à apprécier), ont précédemment été importés d'un autre Etat membre n'a pas, à elle seule, pour conséquence que ces accords doivent être considérés comme concernant l'importation au sens de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17 ". L'application de cet article ne devrait donc pas être exclue au seul motif que certaines marques figurant sur le barème de S & N ont été importées au Royaume-Uni.
(171) Comme il a été établi ci-dessus que les baux types satisfont aux conditions de l'article 81, paragraphe 3, depuis la date de première introduction sur le marché de l'un des baux notifiés, à savoir le 1er janvier 1985, la présente décision prend effet à compter du 1er janvier 1985.
(172) En application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 17, une exemption doit être accordée pour une durée déterminée. La Commission considère qu'une période jusqu'au 31 décembre 2002 est appropriée puisque S & N n'a conservé qu'un nombre limité de débits de boissons loués, qui devrait encore diminuer à l'avenir à mesure que ces débits de boissons seront vendus ou transformés en établissements gérés. La durée de l'exemption accord donc à S & N un degré raisonnable de sécurité juridique pour lui permettre de prendre les décisions nécessaires en ce qui concerne les débits de boissons restants.
A ARRETE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
1. En application de l'article 81, paragraphe 3, l'article 81, paragraphe 1 du traité est déclaré inapplicable aux baux types suivants : a) les baux anglais b) les baux écossais et c) les baux de courte durée, ainsi qu'à l'obligation d'achat exclusif et l'obligation de non-concurrence (" beer tie ") qu'ils contiennent.
2. La présente décision s'applique du 1er janvier 1985 au 31 décembre 2002.
Article 2
L'entreprise suivante est destinataire de la présente décision :
Scottish and Newcastle plc, 50 East Fettes Avenue, Edinburgh EH4 1RR, United Kingdom.
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO C 8 du 13.1.1998, p. 4.
(3) Les débits de boissons on-licensed sont ceux qui possèdent une licence de vente de boissons alcooliques destinées à être consommées sur place ou emportées, alors que les commerces off-licensed, comme les supermarchés, ont une licence limitée à la vente de boissons alcooliques à emporter.
(4) JO L. 173 du 30.6.1983, p. 5.
(5) JO L. 214 du 6.8.1997, p. 27.
(6) JO L. 20.8.1963, p. 2268/63.
(7) 1 baril = 1,63659 hl : 1 hl = 0,611026 baril.
(8) Le 1er avril 1998, le gouvernement britannique a étendu ce droit à l'achat d'une bière en bouteille.
(9) La Commission ne dispose d'aucune donnée précise sur les parts de marché des autres brasseurs présents sur le marché britannique. Néanmoins, l'indice HHI n'atteindrait pas, selon ses estimations, la barre des 1 800 pour l'ensemble des brasseurs, niveau à partir duquel un marché est considéré comme " très concentré ".
(10) Définis dans le rapport de la MMC comme les brasseurs dont l'essentiel, mais pas nécessairement la totalité, des activités sont concentrées dans une seule région du Royaume-Uni. Le nombre de brasseurs régionaux actifs en 1996 est défini sur la base du nombre de débits de boissons détenus et de la production en volume du plus petit brasseur régional indiqués dans le rapport de la MMC.
(11) Le système de licences est légèrement différent en Ecosse.
(12) Cette bière est parfois également appelée " guest beer ", même si celle-ci se définit juridiquement comme une bière conditionnée en fût achetée auprès d'un autre fournisseur (voir le considérant 16).
(13) Dans quelques cas limités (par exemple, lorsque le propriétaire du débit de boissons souhaite utiliser le point de vente à des fins personnelles et en confier la gestion à un de ses salariés, le locataire recevant alors une indemnité dont le montant est fixé par la loi), les parties peuvent négocier un nouveau bail. En cas de litige, les tribunaux britanniques renouvellent le contrat, aux mêmes conditions que celles de l'ancien bail, à l'exception du loyer et de la durée, qui ne peut être supérieure à quatorze ans.
(14) Article 7, paragraphe 2.
(15) Voir également le point 51 de la communication relative aux règlements (CEE) n° 1983-83 et (CE) n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories respectivement d'accords de distribution exclusive et d'accords d'achat exclusif (ci-après dénommée " la communication relative aux règlements ") (JO C 101 du 13.4.1984, p. 2).
(16) Le comptable a expliqué que S & N ne dispose d'aucune information précise sur ses débitants. Or, S & N a informé la Commission qu'elle possède un nombre imposant de données détaillées sur le chiffre d'affaires de ses débitants conformément à la législation britannique.
(17) En octobre 1993, S & N est devenue un " brasseur national ", ce qui fait que ses débitants ont pu bénéficier des droits spécifiques décrits au considérant 28 et découlant des arrêtés relatifs à la bière. (18) Le comptable, agissant au nom d'un plaignant, a communiqué un guide qui indique la manière dont il calculerait le loyer d'un débit de boissons, mais il n'a apporté aucun élément de preuve démontrant que le modèle qu'il présente correspond bien aux usages sur le marché libre. (19) Affaire 27-76, United Brands, Recueil 1978, p. 207, point 12 des motifs. (20) Affaire C-234-89, Stergios Delimitis contre Henninger Bräu, Recueil 1991, p. I-935, point 16 des motifs.
(21) La version allemande (qui est la langue de procédure) emploie le terme " Schanwirtschaften ", alors que le texte en français (langue de travail de la Cour) utilise celui de " cafés ".
(22) Extraits d'une enquête de Stats MR sur les prix de détail, transmise à l'OFT par un brasseur national.
(23) Voir note 20 de bas de page, point 17 des motifs.
(24) Voir note 20 de bas de page, point 10 des motifs.
(25) Voir également le point 13 des motifs de l'arrêt Delimitis : " Si des accords de ce genre (contrats de fourniture de bière) n'ont pas pour objet de restreindre la concurrence, au sens de l'article 81, paragraphe 1, il convient toutefois de vérifier s'ils n'ont pas pour effet de l'empêcher, de la restreindre ou d'en fausser le jeu ".
(26) Affaire 23-67, Recueil 1967, p. 407.
(27) Voir note 19 de bas de page, point 14 des motifs.
(28) En ce qui concerne la politique de concurrence, les principaux paramètres à prendre en considération sont les paramètres dits classiques : positionnement global de la marque (y compris les prix), politique générale en matière de marketing (concept publicitaire, publicité nationale, promotions) par opposition aux mesures dites exceptionnelles qui portent davantage sur des actions commerciales sur le lieu de vente.
(29) Le lien intrinsèque qui existe entre l'obligation d'achat en contrepartie d'un prêt avantageux et le volume réel de bière acheté est indéniable ; la meilleure preuve en est l'incapacité des brasseurs de dissocier les deux aspects dans leur propre comptabilité.
(30) En pratique, un tel accès est impossible si le nombre d'accords d'achat non exclusif contractés en contrepartie de prêts avantageux est élevé.
(31) Les accords de fourniture exclusive de bière conclu par Inntrepreneur et Spring avec leurs débits de boissons ont pris fin le 28 mars 1998, et celui d'Allied Domecq, le 12 décembre 1997.
(32) Le prix de vente moyen, au Royaume-Uni, d'un débit de boissons détenu en pleine propriété est de quelque 200 000 livres sterling (source : Fleurets).
(33) Voir aussi le point 22 des motifs de l'arrêt Delimitis (voir considérant 20).
(34) Avant-dernière phrase du point 1 du dispositif de l'arrêt.
(35) Le Tribunal de première instance a souligné, dans les affaires T-7-93 et T-9-93, Langnese-Iglo et Schöller, Recueil 1995, P. II-1539 etII-161, points 129 et 95, respectivement (ci-après dénommées " affaires des glaces allemandes ") que, " en présence d'un réseau d'accords similaires conclus par un seul producteur, l'appréciation portée sur les effets de ce réseau sur le jeu de la concurrence s' applique à l'ensemble des contrats individuels constituant le réseau ".
(36) Point 40 de la communication relative aux règlements (JO C 121 du 13.5.1992, p. 2) (voir note 15 de bas de page).
(37) Point 1, dernière phrase, du dispositif de l'arrêt.
(38) Voir note 33, point 87, des motifs de l'arrêt Schöller et point 112 des motifs de l'arrêt Langnese-Iglo.
(39) La Commission ne dispose d'aucune information précise sur le réseau lié à S & N avant 1990, c'est-à-dire pour la période, ce réseau lié n'ait pas contribué de manière significative à l'effet de fermeture du marché. La Commission est toutefois partie de l'hypothèse, peut-être au détriment de l'entreprise, selon laquelle les baux tombaient sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, pendant toute la période considérée.
(40) Voir aussi le point 53 de la communication relative aux règlements (voir note 15 de bas de page).
(41) Décision 90-186-CEE de la Commission dans l'affaire Moosehead contre Whitbread (JO L 100 du 20.4.1990, p. 32), considérant 16.
(42) Point 41 de la communication relative aux règlements (voir note 15 de bas de page).
(43) Dans la mesure où les accords correspondants sont conformes à l'article 81.
(44) Voir l'article 14, point c), 2, du règlement " le fournisseur, sans raison objectivement justifiée [...] applique [...] des prix ou conditions de vente moins favorables ".
(45) Article 14, point c), 2, du règlement.
(46) Il s'agit de la possibilité, prévue par les dispositions conjuguées de l'article 6 et de l'article 7, paragraphe 1, point a), du règlement, d'autoriser les locataires à acheter des marques de bière d'un type autre que les types désignés dans le contrat en vue de les proposer à la vente. Cette possibilité est également prévue dans les baux types (voir la procédure applicable aux types " non spécifiés ").
(47) Notion différente de celle de " contribution significative à l'effet de fermeture du marché ".
(48) Arrêt de la Cour dans l'affaire 26-76, Metro contre Commission, Recueil 1977, p. 1875.
(49) Affaire 63-75, Fonderies Roubaix contre Société nouvelle des Fonderies, Recueil 1976, p. 111, point 8 des motifs.