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CCE, 20 mai 1999, n° 1999-573

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Cégétel + 4

CCE n° 1999-573

20 mai 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 2, 6 et 8, vu la demande d'attestation négative et la notification aux fins de l'exemption présentées le 18 juillet 1997 en application des articles 2 et 4 du règlement n° 17, vu le résumé de la demande et la notification publiés en application de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

I. FAITS

A. INTRODUCTION

(1) Le 18 juillet 1997, la Commission a reçu une notification en vertu de l'article 4 du règlement n° 17, concernant une série d'accords aux termes desquels la Compagnie générale des eaux SA (CGE), British Telecommunications plc. (BT), Mannesmann AG et SBC International Inc. (SBCI) ont convenu de leurs contributions, relations commerciales et intérêts respectifs par rapport à la Compagnie générale de télécommunications (Cégétel).

(2) Cette notification concerne la restructuration de Cégétel, société qui a été créée à la fin de 1995 par la CGE et qui était déjà active sur certains segments précédemment libéralisés du marché des télécommunications, en particulier la téléphonie mobile [Société française de radiotéléphonie (SFR)] et la radio-messagerie unilatérale [Transmission de données par radio (TDR)].

Elle est liée à la notification des accords conclus entre la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Cégétel au sujet de Télécom Développement (TD) [communication faite conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 - affaire IV/36.581 (3)], filiale contrôlée conjointement et à laquelle la SNCF a cédé son réseau de télécommunications (9 000 kilomètres de câbles à fibres optiques), qui est aujourd'hui en passe de devenir le deuxième réseau d'infrastructures longue distance grâce au déploiement de 6 000 kilomètres de câbles à fibres optiques supplémentaires.

(3) Le but de la restructuration est de permettre à Cégétel de devenir le second opérateur de télécommunications multiservices en France, en proposant toute une gamme de services dans le domaine des télécommunications, y compris la téléphonie vocale fixe. Cégétel a repris les activités de la filiale française de BT (BT France) dans le domaine des télécommunications pour entreprises. En partenariat avec la SNCF, Cégétel développe actuellement, par l'intermédiaire de TD, un réseau national fixe longue distance. TD propose des services de téléphonie vocale fixe longue distance et des capacités de transmission, qui sont vendus à des particuliers par Cégétel Le 7 et à des entreprises par Cégétel Entreprises. Ces deux sociétés couvriront tous les besoins en télécommunications de leur segment de clientèle respectif.

(4) TD, Cégétel Le 7 et Cégétel Entreprises ont obtenu les licences nécessaires en décembre 1997 et en mars 1998 (conformément aux articles L. 331 et L. 341 du Code français des P& T). Cégétel a été l'un des premiers, parmi les autres opérateurs, à avoir obtenu un préfixe composé d'un seul chiffre (dit préfixe E) pour la sélection du transmetteur et à proposer des services longue distance destinés à une clientèle de particuliers. Cégétel a lancé ses services de télécommunications fixes longue distance en février 1998.

B. PARTIES

(5) La CGE, qui s'appelle maintenant Vivendi, est une entreprise diversifiée proposant toute une gamme de services : distribution de l'eau, gestion des déchets, bâtiment et travaux publics, immobilier, communication (multimédia, télévision par câble, télécommunications). Son chiffre d'affaires mondial pour l'exercice 1996 s'est élevé à 25,552 milliards d'écus (soit 165,914 milliards de francs français), dont 3,6 % dans le secteur des télécommunications (principalement par le biais de SFR et de TDR). La CGE n'avait auparavant aucune activité dans le secteur des télécommunications fixes en France.

(6) BT, opérateur historique de télécommunications au Royaume-Uni, est à présent actif à l'échelle de la planète. Son chiffre d'affaires mondial pour l'exercice s'étant achevé le 31 mars 1997 s'est élevé à 14,935 milliards de livres sterling (soit 18,352 milliards d'écus). BT détient la majorité des parts de Concert Communications (Concert), société qui propose des services à valeur ajoutée et des services améliorés aux entreprises multinationales. Avant la pleine libéralisation intervenue en 1998, BT était présente dans de nombreux autres marchés européens, par l'intermédiaire d'entreprises communes, sur des segments déjà libéralisés tels que les services de télécommunications mobiles et/ou les services de télécommunications destinés aux entreprises. Par le biais d'entreprises communes du type Cégétel, BT pénètre maintenant le marché de la téléphonie vocale fixe dans plusieurs de ces pays. Par sa filiale BT France, BT était présente sur le marché français des services de télécommunications destinés aux entreprises - qui avaient déjà été libéralisés -, mais sa part de marché était extrêmement faible (moins de [...] (*)).

(7) Mannesmann AG est la société mère ultime d'un groupe industriel diversifié, dont le chiffre d'affaires mondial s'élève à 34,683 milliards de marks allemands (soit 18,163 milliards d'écus). Mannesmann AG a l'intention de devenir le second opérateur de télécommunications en Allemagne grâce à son association avec Deutsche Bahn. Mannesmann AG exploite le second réseau de téléphonie mobile (GSM) dans ce pays. Elle n'exerçait auparavant aucune activité sur le marché français des télécommunications, si ce n'est par le biais d'une participation dans TDR.

(8) SBCI est une filiale entièrement détenue par SBC Communications Inc. SBC est l'un des sept opérateurs régionaux de télécommunications aux États-Unis d'Amérique. Avec ses quelque 114 000 salariés, il s'agit de l'un des principaux groupes diversifiés de télécommunications sur le plan international. SBCI n'exerçait auparavant aucune activité sur le marché français des télécommunications, si ce n'est par le biais d'une participation de 10 % dans SFR.

C. OPERATION NOTIFIEE

(9) La notification porte sur une série d'accords relatifs à l'opération en question, datant tous du 14 mai 1997, dont les principaux sont les suivants : le pacte d'actionnaires, l'accord principal, l'accord-cadre de coopération pour les opérations de trafic international, l'accord de distribution Concert et l'accord-cadre de fourniture de réseau et de service à la clientèle pour les services de Concert.

Actionnariat

(10) A l'origine, la CGE (rebaptisée Vivendi) détenait la totalité des parts de Cégétel. Suite aux accords conclus, les parties détiennent actuellement au sein de Cégétel, directement ou indirectement, les participations suivantes : Vivendi (44 %), BT (26 %), Mannesmann (15 %), SBCI (15 %).

Gestion

(11) Cégétel est gérée par un conseil d'administration qui est constitué de neuf membres (cinq proviennent de Vivendi, deux de BT, un de Mannesmann et un de SBCI), parmi lesquels un président est désigné.

(12) Le conseil d'administration est assisté par plusieurs comités, en particulier un comité de direction, dont le rôle se veut fondamental lorsqu'il s'agit de déterminer la position commune des actionnaires en ce qui concerne les décisions stratégiques majeures, notamment [...] (*). Le comité de direction se compose du directeur général de Cégétel, des directeurs généraux adjoints de Cégétel et d'un représentant par actionnaire. Il est présidé soit par le directeur général de Cégétel, soit par le représentant de Vivendi en son sein.

(13) Le comité de direction doit prendre ses décisions à l'unanimité, mais il existe néanmoins un mécanisme destiné à résoudre les litiges éventuels. Lorsqu'il n'est pas possible de parvenir à un accord sur une question particulière, celle-ci est tranchée en dernier recours par le conseil d'administration (lors d'un "conseil final") à la majorité simple, sous réserve du respect des droits de veto et des droits de consentement spécifiques.

Toutes les parties disposent de droits de veto, en particulier en ce qui concerne [...] (*). BT a un droit de veto spécifique visant à [...] (*).

Les parties détiennent des droits de consentement spécifiques en vertu desquels un nombre limité de questions, notamment [...] (*), doivent être approuvées par au moins un représentant de chaque partie lors du conseil final.

Domaine d'activité

(14) Cégétel n'exerce ses activités qu'en France, départements et territoires d'outremer y compris. Selon l'article 2.1.1 du pacte d'actionnaires, il lui est interdit d'investir dans des infrastructures situées en dehors du territoire français.

(15) Cégétel et les entreprises qu'elle contrôle proposent toute une gamme de produits et de services dans le domaine des télécommunications, tant sur le plan national qu'international, notamment des services de téléphonie vocale récemment libéralisés, de même que divers services vocaux et de données destinés aux consommateurs finals (particuliers ou entreprises), la distribution des services de Concert, la fourniture de ces services grâce à la mise en place et à l'exploitation d'un réseau national et/ou d'une interconnexion avec d'autres opérateurs, des services internationaux, des services d'infrastructure, des services de sous-traitance et de réseaux ou encore la fourniture d'un accès à Internet. Cégétel entend conquérir une part d'environ [...] (*) d'ici à l'an 2006 sur le marché de la téléphonie vocale fixe internationale et longue distance.

Cégétel continuera à développer ses activités en France dans le domaine des télécommunications mobiles, qui sont actuellement prises en charge par sa filiale SFR.

(16) La téléphonie faisant appel à des réseaux de télévision par câble ne fait pas partie du domaine d'activité de Cégétel, sauf si les parties devaient en décider autrement à l'unanimité.

Clause de non-concurrence

(17) A l'article 2.4, toutes les parties conviennent que Cégétel et ses filiales seront les seules entités par le biais desquelles elles entreprendront et exerceront des activités dans le domaine des télécommunications en France, sous réserve des règles de concurrence applicables en ce qui concerne les ventes passives. Certaines activités de télécommunications internationales très spécifiques sont exclues de la clause de non-concurrence (par exemple, [...] (*), etc.).

Principe du fournisseur préférentiel

(18) L'article 6 du pacte d'actionnaires prévoit que les contrats commerciaux entre Cégétel et l'un quelconque de ses quatre actionnaires ou entre Cégétel et ses filiales seront conclus sur la base du principe du fournisseur préférentiel. Cela signifie que lorsque Cégétel se trouvera en position d'acheteur, elle choisira en priorité l'un de ses actionnaires pour être son fournisseur, dans la mesure où les conditions proposées par cet actionnaire (en termes de prix, de volume, de qualité des services, etc.) sont au moins équivalentes à celles que pourrait raisonnablement proposer un tiers. Inversement, chaque actionnaire s'engage à choisir Cégétel pour être son fournisseur, dans la mesure où les conditions proposées par Cégétel sont au moins aussi avantageuses que celles que pourrait proposer un tiers.

Principes du fournisseur préférentiel et du client préférentiel en ce qui concerne le trafic international entre Cégétel et BT

(19) Cégétel et BT coopéreront pour développer le trafic international de Cégétel, conformément aux principes du fournisseur préférentiel (tel qu'il est expliqué au considérant 18) et du client préférentiel. BT sera le fournisseur préférentiel de Cégétel en ce qui concerne la terminaison des produits et des services de trafic international sortant (4). Cégétel sera le fournisseur préférentiel de BT en ce qui concerne la terminaison du trafic vocal international entrant de gros (5).

Cégétel sera le client préférentiel de BT en ce qui concerne le trafic vocal international sortant de gros : BT proposera à Cégétel des conditions au moins aussi avantageuses que celles que BT offre à d'autres opérateurs concessionnaires en France. BT sera le client préférentiel de Cégétel en ce qui concerne la terminaison du trafic vocal international entrant en France : Cégétel proposera à BT des conditions au moins aussi avantageuses que celles que Cégétel offre à tout autre opérateur au Royaume-Uni. Les autres actionnaires ont la possibilité de conclure des accords similaires.

Accord de distribution Concert

(20) Cégétel est désignée comme le distributeur exclusif en France des services internationaux améliorés et à valeur ajoutée de Concert ("produits mondiaux") et convient de se procurer auprès de BT tous les produits mondiaux dont elle a besoin. S'il arrivait qu'un client, en France, demande expressément à Cégétel un produit mondial autre qu'un service de Concert, l'affaire serait portée devant le comité de direction. L'accord-cadre de fourniture de réseau et de service à la clientèle pour les services de Concert contient des clauses visant à garantir que les réseaux de BT et de Cégétel interfonctionnent afin d'offrir aux clients de Concert un service de bout en bout géré sur un réseau virtuellement intégré. Cégétel n'est pas autorisée à fournir des services d'assistance pour des services mondiaux qui ne sont pas offerts par Concert.

D. MARCHE EN CAUSE

Marché de produits

(21) Cégétel couvrira tous les segments du marché français des télécommunications, que ce soit pour les services fixes ou les services mobiles.

(22) Pour les services de télécommunications fixes, la Commission a pour pratique bien établie de considérer que les marchés de produits en cause sont constitués des services de télécommunications vocaux et de données, qu'ils soient nationaux ou internationaux ; une distinction étant faite, d'une part, entre le marché des services vocaux (destinés tant aux particuliers qu'aux entreprises) et le marché des services de données (qui s'adresse avant tout aux entreprises) et, d'autre part, entre le marché national et le marché international. Il n'est toutefois pas nécessaire ici de délimiter avec précision le marché de produits, car même en s'appuyant sur une définition aussi restreinte que possible, l'opération envisagée n'entraîne aucun problème du point de vue de la concurrence.

(23) En ce qui concerne les services de télécommunications mobiles, les parties soutiennent que le marché en cause inclut tous les services mobiles vocaux, indépendamment de la norme qu'ils utilisent (analogique, GSM ou DCS 1800). Il n'est toutefois pas nécessaire non plus de délimiter avec précision le marché de produits, car même en s'appuyant sur une définition aussi restreinte que possible, l'opération envisagée n'entraîne aucun problème du point de vue de la concurrence.

Marché géographique

(24) Dans le secteur des télécommunications, l'étendue du marché géographique est déterminée i) par la portée et la couverture du réseau et les clients pouvant être atteints de manière rentable et dont la demande est susceptible d'être satisfaite, ainsi que ii) par le système juridique et réglementaire et le droit de fournir un service.

Services de télécommunications fixes

(25) Vu le cadre réglementaire et le système d'octroi de licences applicables à la fourniture de services de télécommunications fixes de base, le marché géographique pour ces produits est à considérer comme national.

(26) Par ailleurs, la demande de services personnalisés de télécommunications aux entreprises, comme ceux qu'offre Concert, concerne au moins trois marchés géographiques distincts, à savoir le marché international, le marché régional transfrontalier et le marché national (décision 96/546/CE de la Commission - affaire IV/35.337 - Atlas, considérant 12) (6).

Services de télécommunications mobiles

(27) En ce qui concerne le marché des services GSM, la Commission a estimé par le passé que l'on se dirige de plus en plus vers un marché européen en raison de la substituabilité relative qui existe en Europe entre les différents abonnements grâce aux accords d'itinérance. Les parties considèrent que le marché géographique en cause est la France du fait du cadre réglementaire et du système d'octroi de licences régissant la fourniture de ces services. Selon elles, il est très peu vraisemblable qu'un client français envisage de souscrire un abonnement dans un autre Etat membre, notamment en raison des tarifs élevés des services itinérants internationaux. La question de la définition du marché géographique en cause peut cependant rester ouverte pour les télécommunications mobiles, car l'opération notifiée n'entraîne aucun problème du point de vue de la concurrence du fait des modifications apportées aux clauses de non-concurrence, qui sont présentées au considérant 31.

Parts de marché des parties

(28) Si l'on excepte les services de télécommunications mobiles, les parts de marché détenues par les parties sur les segments décrits sont actuellement négligeables (moins de [...] (*) en 1997). La part de SFR, filiale de Cégétel, s'élève à environ 38 % dans le domaine de la téléphonie mobile en France.

Principaux concurrents sur ces marchés

(29) En France, comme dans la plupart des pays européens, l'opérateur de télécommunications en place (en l'occurrence, France Télécom) domine quasiment tous les segments du marché des télécommunications fixes, en raison du monopole légal exercé par le passé sur les infrastructures et les services. Dans le secteur des télécommunications mobiles, France Télécom détient une part de marché d'environ 51 % selon le nombre d'abonnés.

(30) De nombreuses sociétés ont pris pied ou entendent prendre pied sur le marché français des télécommunications, soit dans son ensemble (9 Télécom) soit sur certains segments spécifiques : revente de services de téléphonie vocale (Axis, Kertel, etc.), réseaux ou services de télécommunications pour les entreprises (WorldCom, Siris, Colt, Omnicom, etc.), accès local (Lyonnaise des eaux), etc. Depuis juillet 1998, trente-sept licences ont déjà été octroyées pour la fourniture d'un réseau et/ou de services de télécommunications, dix-huit demandes de licence étaient examinées par l'autorité réglementaire nationale en matière de télécommunications. Sept opérateurs ont reçu un "préfixe court" permettant de sélectionner le transmetteur de la communication.

Trois opérateurs offrent des services de télécommunications mobiles en France : France Télécom, SFR et Bouygues Télécom.

E. CHANGEMENTS APPORTES A LA SUITE DE L'INTERVENTION DE LA COMMISSION

(31) La Commission a informé les parties que l'application de la clause de non-concurrence à la commercialisation et à la vente des services GSM par les actionnaires (vente de cartes SIM) était incompatible avec les règles communautaires de la concurrence, en raison de la substituabilité potentielle qui existe à travers l'Europe entre les différents abonnements GSM grâce aux accords d'itinérance. En conséquence, les parties ont convenu de modifier les accords originaux afin d'exclure de la clause de non-concurrence la fourniture, par les actionnaires de Cégétel autres que Vivendi, de cartes SIM aux consommateurs finals domiciliés en France, et d'autoriser Cégétel, et les entreprises qu'elle contrôle, à vendre leurs services GSM (cartes SIM) en dehors du territoire français.

F. AUCUNE OBSERVATION DE LA PART DE TIERS

(32) A la suite de la publication d'une communication en application de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, la Commission n'a reçu aucune observation de la part de tiers.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. L'ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITE

(33) Cégétel combine les activités de ses sociétés fondatrices dans le secteur des télécommunications en France, et développera et fournira de nouveaux services sur ce marché. La création de cette entreprise entraîne des changements dans la structure des sociétés fondatrices : Vivendi cède à Cégétel ses filiales qui étaient déjà présentes sur le marché en question, en particulier dans les domaines des télécommunications mobiles et de la radiomessagerie unilatérale ; Cégétel reprend la plus grande partie des activités de BT France.

(34) Cégétel a été créée pour accomplir ses fonctions d'une manière durable, comme le démontre, entre autres, l'engagement financier important de ses sociétés fondatrices. En effet, Cégétel a été constituée comme une société anonyme de droit français. Après restructuration, le capital social de Cégétel est estimé à [...] de francs français et ses actifs liquides nets, à [...] de francs français, et Cégélec contrôle 80 % de SFR et 100 % de TDR et de Cégétel Entreprises.

Applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité à la restructuration de Cégétel

Contexte

(35) La présente opération doit être appréciée dans le contexte de la pleine libéralisation du secteur français des télécommunications. Jusqu'au 1er janvier 1998, France Télécom jouissait d'un monopole sur la téléphonie vocale publique, de loin le segment le plus important du marché. Avant cette date, il ne pouvait y avoir concurrence dans le domaine des services vocaux qu'au sein de groupes fermés d'utilisateurs ou sur des réseaux privés d'entreprises. Dans ce cadre, l'opération en question apparaît comme favorable à la concurrence. Cégétel, nouveau venu sur le marché français des télécommunications, se positionne comme un opérateur de télécommunications multiservices. Avant la restructuration, ses activités se limitaient à la fourniture de services de télécommunications mobiles par le biais de SFR. Étant donné que Vivendi n'était pas davantage présente sur le marché de la téléphonie vocale fixe et que ni BT, ni SBCI, ni Mannesmann, n'étaient des opérateurs de télécommunications multiservices hors de leur marché national, leur présence sur le marché français des télécommunications se réduisait à des activités limitées dans des segments déjà libéralisés.

(36) Le marché français des services de télécommunications est l'un des plus importants d'Europe. A l'instar d'autres marchés de télécommunications récemment libéralisés, il se caractérise par un certain nombre de barrières à l'entrée, comme l'ampleur des investissements requis (en six ans, Cégétel investira [...] (*) dans des activités fixes, principalement pour le déploiement du réseau), une technologie et un paysage commercial en constante évolution - ce qui fait de la rapidité un facteur essentiel pour prendre pied avec succès sur ce marché -, la domination de longue date de l'opérateur déjà en place, France Télécom, qui a programmé une diminution progressive de ses tarifs, la nécessité de se forger une image de marque forte pour mettre fin au lien de fidélité des clients à l'égard de France Télécom, ainsi que les moyens considérables nécessaires pour financer un service universel.

Pas de concurrents effectifs sur le marché en cause

(37) BT et SBCI sont les opérateurs de télécommunications en place sur d'autres marchés nationaux, et exercent des activités dans le domaine des télécommunications sur des segments libéralisés - ou ont des participations au sein d'opérateurs de télécommunications - dans de nombreux pays, sans toutefois avoir été des opérateurs de télécommunications multiservices sur d'autres marchés que le leur avant la pleine libéralisation intervenue en 1998. Mannesmann, nouveau venu dans ce secteur en Allemagne, a déjà commencé à se développer sur les marchés des télécommunications d'autres pays européens par le biais d'alliances, mais n'avait pas pris pied sur les marchés de la téléphonie vocale fixe avant la pleine libéralisation de 1998. BT et Mannesmann se font actuellement concurrence, par le truchement d'entreprises communes, sur certains marchés, par exemple en Allemagne et en Italie.

(38) Avant l'opération notifiée, les parties ne se faisaient cependant pas concurrence dans une mesure significative sur le marché français des télécommunications. Leurs activités y étaient extrêmement limitées (sauf dans le domaine de la téléphonie vocale). Le seul segment sur lequel il est possible de considérer que certaines parties sont actuellement en concurrence est celui de la fourniture de services de télécommunications aux entreprises - essentiellement des services de données et des cyber-réseaux privés. Cette concurrence était toutefois très réduite, les parties ayant des parts de marché très peu élevées et France Télécom jouissant d'une position dominante : Cégétel n'était présente sur ce marché que dans une mesure très limitée (par la participation qu'elle détenait dans Siris) et la part de marché de BT France était inférieure à [...] (*) en 1996 sur le segment des services de télécommunications pour entreprises. A la fin de 1996, Cégétel s'est retirée de SIRIS, entreprise créée en 1995 avec Unisource et qui reste en France présente sur le marché français des télécommunications pour entreprises. Mannesmann et SBCI n'avaient pas d'activités directes dans le secteur des télécommunications en France.

(39) En ce qui concerne la fourniture de services de télécommunications mobiles, les parties peuvent être considérées comme des concurrents réels ou potentiels, pour autant que l'on estime que le marché en cause s'étend à l'Europe. En effet, BT et Mannesmann ont des participations dans plusieurs opérateurs de téléphonie mobile à travers l'Europe. La concurrence potentielle entre les sociétés fondatrices et SFR sur ce marché n'est cependant pas menacée par les accords Cégétel : ceux-ci ne concernent que le marché français et la vente de cartes SIM (abonnement GSM) a été exclue de la clause de non-concurrence.

Aucune réduction de la concurrence potentielle

(40) Il convient aussi d'examiner si la présente opération limite la concurrence potentielle sur les marchés en cause. Il est possible théoriquement de considérer que les sociétés fondatrices avaient (et continuent à avoir) les ressources financières et techniques nécessaires pour entrer séparément sur ces marchés. Les parties auraient probablement pu prendre pied individuellement sur certaines "niches" du marché français des télécommunications, mais, en raison notamment de l'ampleur des investissements requis, elles n'auraient pas été capables de proposer les mêmes activités de télécommunications mondiales que Cégétel ni de fournir toute une gamme de services de télécommunications avec la même efficience.

(41) Même si BT et SBCI sont les opérateurs en place sur leur marché national, il convient de les considérer comme de nouveaux venus en France et sur tout autre marché national des télécommunications, en ce qui concerne le segment récemment libéralisé de la téléphonie vocale fixe, de loin la partie la plus importante de ce marché.

(42) BT, SBCI et Mannesmann poursuivent des stratégies européennes, voire mondiales, dans le secteur des télécommunications. BT et Mannesmann développent actuellement leurs activités sur plusieurs marchés de télécommunications nouvellement libéralisés en Europe. Elles y prennent pied par le biais d'alliances conclues avec des partenaires locaux ou internationaux, afin de combiner ressources financières et atouts complémentaires. A titre d'exemple, des partenaires disposant d'une licence pour la téléphonie mobile et/ou d'un accès privilégié à une infrastructure présentent un avantage important. Les parties ne pourraient à l'évidence pas poursuivre de telles stratégies mondiales si elles s'aventuraient isolément sur chacun des marchés, car il leur faudrait pour cela des ressources financières considérables. C'est ainsi que, dans le plan d'entreprise de Cégétel, les dépenses cumulées en capital pour les services fixes sont estimées à [...] (*) sur six ans, dont la majeure partie est concentrée sur les trois premières années et concerne le déploiement du réseau.

(43) Grâce à la restructuration de Cégétel, qui poursuit le même but et a le même effet qu'une véritable création d'entreprise, les parties pourront unir leurs forces afin de pénétrer un marché fortement dominé par France Télécom. Par l'addition de leurs engagements financiers significatifs, leur bonne connaissance des marchés des télécommunications et leur expérience acquise dans le développement et la gestion de nouvelles activités de télécommunications, les parties pourront - par l'intermédiaire de Cégétel - offrir de nouveaux services plus rapidement, moins cher et de meilleure qualité que si elles avaient pris pied séparément sur ce marché. Leurs forces respectives apparaissent en effet complémentaires et permettront des synergies importantes ; Vivendi a apporté à Cégétel la contribution financière la plus importante, ainsi que ses filiales déjà actives dans le secteur des télécommunications mobiles. BT a cédé les activités qu'elle exerçait déjà sur le marché français des services pour entreprises, son savoir-faire technologique et commercial et les services hautement sophistiqués de Concert. SBCI a accumulé une grande expérience commerciale sur l'un des marchés les plus concurrentiels de la planète. Mannesmann a de l'expérience dans la construction et la gestion d'un grand réseau terrestre, en particulier en ce qui concerne les réseaux centraux s'appuyant sur l'infrastructure ferroviaire.

(44) Le fait que Cégétel sera présente sur tous les segments de marché lui permettra de réduire les coûts grâce à des économies d'échelle au niveau technologique et opérationnel. A titre d'exemple, les activités de réseau qu'exerce Cégétel par son entreprise commune avec la SNCF bénéficiera du trafic généré par SFR, par les réseaux à fibres optiques locaux destinés à une clientèle d'entreprises et, peut-être, du trafic international induit par les réseaux de ses sociétés fondatrices au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis.

(45) La concurrence potentielle n'est pas réduite, même sur les segments où les parties auraient pu en théorie prendre pied séparément (comme les services de données ou les services RPV destinés aux entreprises). Cégétel concurrencera fortement France Télécom sur ces segments, et probablement avec plus d'efficacité que si les parties avaient agi séparément, grâce aux grains d'efficience mentionnés aux points précédents. Par ailleurs, comme nous l'avons indiqué au considérant 30, Cégétel sera confrontée à de nombreux concurrents sur tous les segments des marchés en cause. BT est le seul opérateur européen en place à prendre part à l'alliance Cégétel et il existe une concurrence potentielle de la part de nombreux autres opérateurs de télécommunications.

Conclusion

(46) En conclusion, la restructuration de Cégétel se traduit pour l'opérateur en place par une plus grande concurrence que ne l'aurait fait l'entrée séparée des sociétés fondatrices sur le marché. Cette restructuration ne restreint pas la concurrence effective ou potentielle sur le marché français de la téléphonie vocale fixe (car les parties n'auraient pas pu y prendre pied chacune pour son propre compte), ni sur aucun autre segment en cause du marché des télécommunications (puisque Cégétel pourra opposer une vive concurrence sur ces segments et qu'il existe de nombreux autres concurrents), ni sur le marché européen potentiel des services de télécommunications mobiles. Par conséquent, la restructuration de Cégétel n'entre pas dans le champ d'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité.

Applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, du traité à d'autres clauses contractuelles

(47) Il convient d'examiner si les clauses suivantes restreignent davantage la concurrence.

- la restriction générale de la concurrence contenue à l'article 2.4,

- la désignation de Cégétel comme le distributeur exclusif des produits de Concert en France, l'obligation faite à Cégétel d'acheter à Concert tous les produits mondiaux dont elle a besoin et la restriction imposée à Cégétel pour la fourniture de services d'assistance en liaison avec les services non offerts par Concert,

- les clauses du fournisseur préférentiel et du client préférentiel décrites aux considérants 18 et 19.

a) Restriction de la concurrence

(48) La restriction générale de la concurrence imposée aux sociétés fondatrices exprime l'engagement ferme pris par les actionnaires envers Cégétel ; elle est nécessaire pour donner aux actionnaires l'assurance que chacun fera porter ses efforts sur l'entreprise commune dans le cadre du marché français. Dans la mesure où les parties conservent leur influence actuelle sur la gestion de Cégétel, telle que décrite au considérants 11, 12 et 13, cette disposition peut être considérée comme une restriction accessoire à la création et au bon fonctionnement d'un nouvel opérateur des télécommunications multiservices sur le marché français par la restructuration de Cégétel, et ne sera donc pas examinée séparément de l'opération de restructuration de Cégétel proprement dite au regard de l'article 81 du traité.

b) La distribution exclusive des services de Concert

(49) Avant la présente opération, BT France était le distributeur exclusif des services de Concert en France. Le dispositif général de distribution exclusive pour les services de Concert a été exempté par la décision 94/579/CE de la Commission - affaire IV/34.857 "BT/MCI" (7).

(50) Dans cette décision, la Commission a conclu que les dispositions d'exclusivité relatives à la distribution des services de Concert relevaient de l'article 81, paragraphe 1, du traité. La même conclusion s'impose en ce qui concerne les dispositions d'exclusivité portant sur la distribution des services de Concert en France : la désignation de Cégétel comme le distributeur exclusif des services de Concert en France tombe sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, du traité, car elle a pour objet ou pour effet de protéger le marché français des importations de ces services d'autres États membres, ce qui est susceptible d'affecter la concurrence dans la Communauté. En outre, elle ne peut pas être considérée comme accessoire à la restructuration de l'entreprise commune.

Les effets sur les échanges entre États membres

(51) Vu la nature internationale des services offerts par Concert et le fait que Cégétel ambitionne de devenir le second opérateur de télécommunications multiservices de France, les dispositions de distribution exclusive affecteront sensiblement les échanges entre la France et les autres États membres.

c) Les clauses du fournisseur préférentiel et du client préférentiel

(52) Le mécanisme relatif au principe du fournisseur préférentiel contenu dans l'accord-cadre de coopération pour le trafic international garantit une fourniture régulière et sûre de trafic international entre BT et Cégétel. Cette préférence donnée par BT à Cégétel pour le trafic entrant en France constitue l'une des contributions que doit faire BT à l'entreprise commune. Par ailleurs, BT n'était disposée à investir dans Cégétel et à lui transférer les activités qu'elle exerce actuellement en France qu'à la condition de pouvoir maintenir toutes les synergies entre celles-ci et les activités qu'elle a dans d'autres pays, en particulier en ce qui concerne le trafic international.

(53) Ce mécanisme ne donne pas au "fournisseur préférentiel" la possibilité d'examiner les offres présentées par les autres fournisseurs et n'a pas pour conséquence automatique de le contraindre à s'aligner sur toute offre plus avantageuse. Ce mécanisme n'entraîne donc pas de transparence au niveau des prix, laquelle porterait préjudice aux fournisseurs tiers. Il ne restreint pas la concurrence par les prix, puisque Cégétel reste libre de choisir d'autres fournisseurs s'ils offrent de meilleures conditions que BT.

(54) En vertu du principe du client préférentiel, Cégétel aura accès aux services de BT pour la terminaison, au Royaume-Uni, des appels internationaux provenant de France aux meilleures conditions possibles, et BT aura accès aux services de Cégétel pour la terminaison, en France, des appels internationaux provenant du Royaume-Uni aux meilleures conditions possibles.

(55) Ces clauses permettent une coopération entre Cégétel et ses sociétés fondatrices pour le développement futur des activités de Cégétel à moindre coûts. La Commission est parvenue à la conclusion que ces clauses, si elles restreignent la concurrence, sont accessoires à la restructuration de Cégétel et qu'elles ne doivent pas être soumises à un examen distinct au regard de l'article 81 du traité.

(56) La même conclusion s'impose en ce qui concerne le principe général du fournisseur préférentiel qui s'applique entre Cégétel, ses filiales et ses sociétés fondatrices en vertu de l'article 6 du pacte d'actionnaires.

B. APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3, DU TRAITE A LA DISTRIBUTION EXCLUSIVE DES SERVICES DE CONCERT EN FRANCE

Le progrès technique et économique

(57) En désignant un distributeur unique pour la France, BT n'aura pas à y maintenir des relations commerciales avec un nombre élevé de distributeurs et pourra donc réduire ses coûts de transaction, ce qui lui permettra de rendre sa distribution plus efficiente. BT sera aussi en mesure de résoudre plus facilement les difficultés qui se présenteront au niveau de la distribution pour la fourniture des services de Concert et de mieux protéger ses droits de propriété intellectuelle. Le fait d'offrir aux clients la possibilité de n'avoir affaire qu'à un seul interlocuteur pour tout ce qui touche aux services fournis est un avantage concurrentiel pour ce genre de services.

(58) De plus, l'exclusivité accordée à Cégétel facilitera la promotion des services de Concert et entraînera une commercialisation intensive tout en rationalisant la distribution. L'exclusivité garantira un niveau de qualité adéquat dans la fourniture de services d'assistance complémentaires par Cégétel en sa qualité de distributeur. La désignation de plusieurs distributeurs pourrait au contraire freiner les investissements dans ces activités. La promotion intensifiée qui s'ensuivra stimulera la concurrence entre les différents fournisseurs de services mondiaux et peut être considérée comme la façon la plus efficace d'opposer une concurrence véritable à France Télécom sur le marché des services mondiaux.

(59) En outre, la désignation de Cégétel comme le distributeur exclusif des services de Concert, qui est l'une des conditions importantes de BT à l'entreprise commune - comme nous l'avons souligné ci-dessus - en complétant la gamme des services que Cégétel pourra offrir à ses clients, lui permettra de mieux se positionner comme concurrent à part entière de France Télécom (distributeur exclusif des services GlobalOne en France).

(60) Enfin, les économies d'échelle induites par la restructuration de Cégétel (dont il est question au considérant 44) accroîtront la compétitivité des services de Concert en France. Cégétel dispose de plus de ressources et d'atouts que BT France avant l'opération pour distribuer efficacement les services de Concert.

Les avantages pour les consommateurs

(61) Par le biais des accords notifiés, BT aidera Cégétel à lancer et à améliorer rapidement et efficacement une large gamme de services sophistiqués offerts par Concert. Les clients bénéficieront des gains d'efficacité au niveau de la distribution dont il a été question ci-dessus, de l'assistance adéquate apportée par Cégétel et de la rapide disponibilité des services de Concert en France. Les utilisateurs profiteront aussi d'une promotion plus intense des services de Concert, ce qui renforcera la concurrence sur ce segment du marché français des télécommunications.

(62) En outre, l'exclusivité accordée à Cégétel n'est pas absolue : il n'est interdit ni à BT ni à aucun autre membre de l'alliance Concert de répondre à la demande de clients situés en France pour les services en question. Comme il était souligné dans la décision BT/MCI, les utilisateurs potentiels des services de Concert sont généralement des clients hautement sophistiqués, qui ont besoin de services de télécommunications transfrontaliers et qui ont un pouvoir de négociation considérable, ce qui se traduit par une pression sur les marges et un niveau de concurrence élevé entre fournisseurs. Il est donc tout à fait possible que les services de Concert fassent l'objet d'importations parallèles.

Les restrictions sont indispensables

(63) La nature exclusive de l'accord de distribution Concert est indispensable aux gains d'efficacité favorables à la concurrence décrits ci-dessus. En effet, une telle exclusivité est nécessaire pour que les efforts commerciaux de Cégétel se concentrent sur les services de Concert, ce qui permettra à l'entreprise commune d'opposer une concurrence vigoureuse aux autres prestataires de services de télécommunications mondiaux.

(64) Par ailleurs, l'interdiction faite à Cégétel de vendre des services concurrents des services de Concert ou de proposer des services d'assistance en liaison avec de tels services est aussi une condition indispensable pour garantir à BT que Cégétel fera porter ses efforts sur la distribution des services de Concert. Ces clauses permettent aussi à BT et à Concert de planifier les ventes des services en question avec plus de précision et pour une période plus longue et de veiller à ce que les besoins du distributeur soient satisfaits de manière régulière. L'accord de "réseau-cadre", visant à assurer que les réseaux de BT et de Cégétel puissent inter-fonctionner afin d'offrir aux clients de Concert un service de bout en bout géré sur un réseau virtuellement intégré, est nécessaire à la distribution des services de Concert en France.

(65) En outre, comme l'a reconnu la Commission dans des décisions précédentes relatives à des entreprises communes dans le domaine des services de télécommunications mondiaux (voir décision Atlas, considérant 58, et décision 97/780/CE de la Commission - "Unisource" (8) considérant 93), la distribution exclusive protège mieux les droits de propriété intellectuelle des sociétés fondatrices de Concert que d'autres dispositifs.

(66) L'exclusivité accordée à Cégétel ne sera de toute façon pas absolue. Il n'est interdit ni à BT ni à aucun autre membre de l'alliance Concert de répondre à la demande de clients situés en France pour les services en question. Inversement, l'accord de distribution Concert autorise Cégétel à réaliser des ventes passives dans des territoires où BT ou un tiers a été désigné comme le distributeur de Concert.

La concurrence n'est pas éliminée

(67) Les services de Concert seront concurrencés par d'autres lignes de produits mondiaux, notamment les services de GlobalOne distribués par France Télécom, le fournisseur dominant de services et de réseaux de télécommunications en France. Comme nous l'avons signalé au considérant 30, de nombreuses sociétés proposeront des services de télécommunications internationaux destinés aux entreprises en France (Siris, WorldCom, Colt, etc.). Ces services seront, au moins partiellement, en concurrence avec ceux de Concert. Plusieurs des opérateurs cités ci-dessus développeront leurs propres réseaux. Les parties s'attendent aussi à devoir affronter la concurrence d'acteurs tels que les sociétés informatiques (comme IBM) et les sociétés de services d'information (comme GEIS), du moins pour des composants des services de télécommunications. De surcroît, les sociétés multinationales et autres grandes sociétés sont souvent en mesure de gérer leur propre réseau privé. En outre, il ne faut pas exclure la possibilité de ventes passives par des distributeurs de services de Concert dans d'autres pays.

Conclusion

(68) La Commission conclut que toutes les conditions nécessaires pour que les dispositions d'exclusivité relatives à la distribution des services de Concert en France puissent bénéficier d'une exemption individuelle en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité sont réunies.

C. LA DURÉE DE L'EXEMPTION

(69) En vertu de l'article 8 du règlement n° 17, une décision d'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité est accordée pour une durée déterminée. En vertu de l'article 6 du règlement n° 17, la date à laquelle cette décision prend effet ne peut être antérieure au jour de la notification. En l'espèce, étant donné le temps nécessaire à Cégétel pour conquérir une part de marché significative sur le marché français des services de télécommunications pour entreprises et rentabiliser ses investissements dans les services de télécommunications fixes, une exemption de longue durée peut être accordée. L'exemption accordée en vertu de la présente décision doit être applicable pour une période de dix ans à compter de la date de notification,

A ARRÊTE LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Sur la base des faits dont elle a connaissance, la Commission constate qu'il n'y a pas lieu pour elle d'intervenir en vertu de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à l'égard des accords notifiés relatifs à la restructuration de Cégétel, y compris les dispositions accessoires concernant i) la restriction générale de la concurrence contenue dans le pacte d'actionnaires et liant chacune des parties, pour autant que l'influence respective des parties sur la gestion de Cégétel demeure inchangée par rapport à la situation décrite aux considérants 11, 12 et 13 de la présente décision, ii) les principes du fournisseurs préférentiel et du client préférentiel.

Article 2

Conformément à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE, et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE, les dispositions de l'article 91, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE sont déclarées inapplicables pour une période de dix ans à compter du 18 juillet 1997, aux accords de distribution exclusive des services de Concert par Cégétel en France.

Article 3

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision :

Vivendi SA

52, rue d'Anjou

F-75008 Paris

British Telecommunications plc

81 Newgate Street

London EC1a 7AJ

United Kingdom

Mannesmann AG

Mannesmannufer 2

D40213 Düsseldorf

SBCI Inc

2 Read's Way, Suite 117, Corporate Commons

Newcastle

Delaware 19720

USA.

(*) Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles ; ces parties ont été mises entre crochets et signalées par un astérisque.

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO C 238 du 29.7.1998, p. 3.

(3) JO C 293 du 22.9.1998, p. 4.

(4) On entend ici par "trafic international sortant" le trafic qui va de France vers tout autre pays et par "trafic international entrant", le trafic qui arrive en France en provenance de tout autre pays.

(5) On entend par "trafic vocal international de gros" les services vocaux internationaux de base proposés par un opérateur à un autre opérateur, mais pas sur la base d'un taux de répartition proportionné.

(6) JO L 239 du 19.9.1996, p. 23.

(7) JO L 223 du 27.8.1994, p. 36.

(8) JO L 318 du 20.11.1997, p. 1.