TPICE, 1re ch., 19 mai 1999, n° T-176/95
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Accinauto (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Moura Ramos, Mengozzi
Avocat :
Me Glassen.
Faits à l'origine du litige
Parties et produits concernés
1. Accinauto SA (ci-après "Accinauto" ou "requérante") est une société de droit belge, établie à Bruxelles. Depuis 1937, elle distribue les produits de repeinture pour voitures du groupe BASF en Belgique et au Luxembourg. Depuis 1974, elle est le distributeur exclusif des produits Glasurit pour le même territoire contractuel. Pour l'année fiscale 1991, son chiffre d'affaires a été de 738 000 000 BFR, dont environ 85 % ont été réalisés par la vente de produits BASF.
2. BASF Coatings AG, anciennement dénommée "BASF Lacke und Farben AG" (ci-après "BASF"), société de droit allemand, établie à Münster-Hiltrup (Allemagne), fabrique, entre autres, des produits de repeinture pour voitures vendus sous la marque Glasurit. Pour 1991, son chiffre d'affaires a été de 1 668 000 000 DM, dont 314 000 000 pour les produits de repeinture pour voitures dans le monde entier et 243 000 000 pour ces même produits dans la Communauté.
3. Les produits Glasurit sont distribués par :
- des filiales du groupe BASF aux Pays-Bas, en Italie, en France, en Espagne, au Royaume-Uni, en Irlande, en Autriche, en Suède et en Finlande ;
- des distributeurs indépendants liés par des accords de distribution exclusive en Belgique, au Luxembourg, au Danemark et au Portugal ;
- cinq distributeurs exclusifs régionaux en Allemagne ;
- un distributeur indépendant non exclusif en Grèce.
4. Au Royaume-Uni et en Irlande, les produits de repeinture pour voitures du groupe BASF sont distribués par BASF Coating and Inks Ltd (ci-après "BASF C & I"), une filiale à 100 % du groupe BASF.
5. Les produits de repeinture pour voitures sont à distinguer des produits de peinture pour voitures neuves, bien qu'ils aient la même composition et soient fabriqués sur les mêmes chaînes de production. Les produits de peinture pour voitures neuves sont destinés aux constructeurs automobiles, tandis que les produits de repeinture sont destinés aux ateliers de réparation. De ce fait, les produits de repeinture pour voitures sont distribués dans des présentations et dans des quantités différentes de celles des produits appliqués sur les voitures neuves.
6. Pendant la période 1985-1992, les prix nets au consommateur final des produits de repeinture pour voitures, y compris ceux des produits Glasurit, ont été, en moyenne, plus élevés au Royaume-Uni qu'en Belgique.
Déroulement de la procédure administrative
7. Le 28 janvier 1991, Ilkeston Motor Factories Ltd (ci-après "IMF") et Calbrook Cars Ltd, deux sociétés établies au Royaume-Uni et distributrices de produits de repeinture pour voitures, ont déposé une plainte auprès de la Commission en invoquant une violation par BASF et Accinauto des règles de concurrence communautaires.
8. Selon les plaignantes, elles s'étaient approvisionnées en produits Glasurit - IMF directement, Calbrook Cars Ltd par l'intermédiaire d'IMF - auprès d'Accinauto depuis 1986. Durant l'été de 1990, Accinauto aurait mis fin à ses fournitures à l'instigation de BASF. Celle-ci et Accinauto se seraient ainsi concertées pour empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni.
9. La Commission a procédé, le 26 juin 1991, à des vérifications dans les locaux commerciaux de BASF, de BASF C & I, d'Accinauto et de Technipaint, une société créée en 1982 par les administrateurs d'Accinauto et ayant le même siège que celle-ci.
10. Elle a ensuite obtenu des différentes parties des renseignements écrits au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17").
11. Le 12 mai 1993, la Commission a adressé une communication des griefs à BASF et à Accinauto.
12. Le 23 septembre 1993, une audition a eu lieu dans cette affaire.
13. Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a adopté la décision 95-477-CE, du 12 juillet 1995, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (BASF Lacke + Farben AG et SA Accinauto - affaire IV-33.802) (JO L. 272, p. 16, ci-après "décision attaquée"). Cette décision a été notifiée à la requérante le 24 juillet 1995.
Contenu de la décision attaquée
14. Dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission constate que l'accord conclu entre BASF et Accinauto, aux termes duquel Accinauto était tenue, du 8 octobre 1982 au 31 décembre 1991, de transférer les demandes de clients ("Kundenanfragen weiterzuleiten") provenant de l'extérieur du territoire contractuel à BASF, était contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE (ex-article 85, paragraphe 1). En raison de leur participation à l'infraction ainsi constatée, la Commission inflige à BASF une amende de 2 700 000 écus et, à Accinauto, une amende de 10 000 écus.
15. Dans les considérants de cette décision, l'institution relève que, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de l'accord de distribution exclusive conclu entre BASF et Accinauto en juin-octobre 1982 (ci-après "accord de 1982"), avec effet rétroactif au 1er janvier 1981, Accinauto s'oblige à "transférer les demandes de clients" provenant de l'extérieur du territoire contractuel à BASF. Elle estime que cette expression doit être entendue en ce sens que celui auquel les commandes des clients sont "transférées" se substitue à celui qui les "transfère". En conséquence, Accinauto n'a pas le droit de décider de façon autonome d'approvisionner des clients établis en dehors de la Belgique ou du Luxembourg. C'est BASF qui décide si et à quelles conditions Accinauto, BASF ou un tiers peut répondre à ces commandes.
16. La Commission souligne que son interprétation de l'article 2 de l'accord est confirmée par l'application constante que les parties en ont faite.
17. Lorsqu'en mars 1986 IMF a pris contact pour la première fois avec Accinauto, celle-ci aurait obtenu une "autorisation exceptionnelle" pour commencer les livraisons. BASF aurait accordé cette autorisation à Accinauto parce qu'elle souhaitait "canaliser et normaliser" les exportations parallèles de produits Glasurit à destination du Royaume-Uni. Ce fait serait à rapprocher de l'action entreprise par BASF dès 1985-1986 contre les exportations parallèles. Pendant neuf mois, elle avait procédé au marquage des produits vendus par des distributeurs en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, en vue de localiser les canaux par lesquels les produits Glasurit arrivaient sur le marché britannique.
18. Selon la Commission, BASF a demandé à Accinauto d'arrêter les livraisons à IMF et aux autres clients britanniques en juin 1989. La décision de mettre fin aux exportations parallèles vers le Royaume-Uni, initialement autorisées, aurait donc été prise par BASF.
19. Toutefois, l'institution constate qu'Accinauto n'a pas respecté l'interdiction qui lui avait été imposée par BASF. A partir de juillet 1989, Accinauto aurait facturé les ventes à IMF par l'intermédiaire de Technipaint et aurait ainsi poursuivi ses livraisons vers le Royaume-Uni, à l'insu de BASF.
20. A la fin de mai 1990, Accinauto aurait cessé les livraisons à IMF, à la suite d'un renforcement du contrôle exercé par BASF. Selon les informations fournies par BASF C & I, le problème des importations parallèles s'aggravait et celle-ci avait des preuves de l'existence d'une source belge.
21. Depuis cette date, Accinauto aurait respecté sans restriction l'accord de 1982. D'après la Commission, l'infraction aux règles de concurrence n'a pris fin que le 1er janvier 1992, date à laquelle est entré rétroactivement en vigueur un nouvel accord de distribution, signé par les parties le 14 décembre 1992 et le 22 janvier 1993. Cet accord ne contient plus la clause incriminée selon laquelle Accinauto est tenue de transférer les commandes de clients qui ne proviennent pas de son territoire contractuel à BASF.
22. L'institution considère que l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 avait pour objet et pour effet de restreindre la concurrence entre Accinauto et d'autres fournisseurs de produits de repeinture pour voitures de la marque Glasurit et, en particulier, entre Accinauto et BASF C & I. Cet accord serait de nature à affecter le commerce entre États membres en limitant les exportations parallèles des produits Glasurit de la Belgique vers le Royaume-Uni.
23. La Commission décide d'infliger des amendes à BASF et à Accinauto, en relevant que l'interdiction des ventes passives est contraire à l'objectif de la création d'un Marché commun et constitue une infraction particulièrement grave au droit communautaire, très clair en la matière, y compris en ce qui concerne les produits et le marché affectés. En outre, elle estime que BASF et Accinauto ont commis cette infraction de propos délibéré.
Procédure
24. Le présent recours a été introduit par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 1995.
25. Dans sa requête, la requérante a demandé au Tribunal d'ordonner, à titre de mesure d'organisation de la procédure, qu'un procès-verbal complet de l'audition du 23 septembre 1993 en langue française lui soit communiqué.
26. L'affaire, initialement attribuée à la première chambre élargie, a été renvoyée à la première chambre, par décision du Tribunal du 4 décembre 1997, adoptée conformément aux articles 14 et 51 du règlement de procédure.
27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la mesure d'organisation de la procédure proposée par la requérante. Le Tribunal a également décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à d'autres mesures d'organisation ou d'instruction préalables.
28. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience qui s'est déroulée le 13 janvier 1998.
29. A la suite de l'entrée en fonctions d'un nouveau membre du Tribunal, la composition de la première chambre a été modifiée par décision du Tribunal du 10 mars 1998.
30. Eu égard à l'article 33, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (première chambre), dans sa nouvelle composition, a ordonné la réouverture de la procédure orale par ordonnance du 13 mars 1998, conformément à l'article 62 du même règlement.
31. Les parties ne se sont pas présentées à l'audience du 2 avril 1998. Sur proposition de la partie requérante, la partie défenderesse entendue, le Tribunal a autorisé les parties à se référer à leurs plaidoiries du 13 janvier 1998, sans nouvelle audition, et à déposer des reproductions écrites de ces plaidoiries, lesquelles ont été enregistrées au greffe le 14 avril 1998.
Conclusions des parties
32. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée, pour autant qu'elle concerne la partie requérante ;
- à titre subsidiaire, supprimer ou réduire l'amende imposée à la requérante par l'article 2 de cette décision ;
- condamner la partie défenderesse aux dépens ;
- ordonner à la partie défenderesse de rembourser à la partie requérante, outre l'amende, des intérêts d'un même montant (9,5 %) que ceux fixés par la défenderesse à l'article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision attaquée.
33. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens ;
Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée
34. A l'appui de son recours, la requérante soulève deux moyens d'annulation. Le premier est tiré d'une violation des formes substantielles, en ce que les droits de la défense auraient été méconnus. Le second est tiré d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'accord de 1982 était contraire à cette disposition.
Sur le moyen tiré d'une violation des formes substantielles
Arguments des parties
35. La requérante fait valoir que, en omettant de mettre à sa disposition une version du procès-verbal de l'audition du 23 septembre 1993 intégralement rédigée en langue française, la Commission a commis une violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385). Cet article dispose que "les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un État membre sont rédigés dans la langue de cet État".
36. Selon la requérante, le procès-verbal d'audition constitue un document de procédure visé à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268). En tant qu'entreprise intéressée, elle aurait droit à ce que le procès-verbal lui soit communiqué dans la langue de l'État dont elle relève (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma-Commission, 41-69, Rec. p. 661, points 48 et 49).
37. Le fait qu'elle n'a pas disposé d'un support écrit contenant la traduction des déclarations des autres participants à l'audition qui s'y sont exprimés en langue allemande ou en langue anglaise, notamment celles des représentants de BASF, des entreprises plaignantes et des États membres, l'aurait empêchée de préparer convenablement sa défense dans la procédure administrative. En effet, même si la Commission a assuré l'interprétation simultanée de ces déclarations au cours de l'audition, la traduction en langue française de la totalité du procès-verbal serait essentielle à la compréhension des griefs retenus contre la requérante, en particulier pour lui permettre d'éclaircir les faits évoqués à cette occasion avec ses employés qui n'ont pas été présents à l'audition. Ses droits de la défense auraient donc été violés.
38. La Commission considère au contraire que le procès-verbal d'audition ne constitue pas un "texte" au sens de l'article 3 du règlement n° 1, du 15 avril 1958, précité. Dans les affaires concernant l'application des règles de concurrence, la jurisprudence aurait appliqué cette disposition uniquement aux communications des griefs et aux décisions intervenant dans la procédure administrative. Elle relève que le procès-verbal sert à consigner les remarques des représentants des différentes parties et leur est envoyé exclusivement pour qu'elles puissent vérifier si leurs propres déclarations ont été correctement enregistrées (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen-Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, points 72 à 75). Il ne s'agirait pas d'un document établi à l'intention des entreprises participant à la procédure.
Appréciation du Tribunal
39. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63, du 25 juillet 1963, précité, "les déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture".
40. En l'espèce, il est constant que la requérante a été en état de prendre utilement connaissance de l'essentiel de ses propres déclarations à l'audition du 23 septembre 1993, consignées en langue française dans le procès-verbal, et qu'elle n'allègue pas que celui-ci comporterait à son égard des inexactitudes ou omissions substantielles.
41. En outre, la requérante ne conteste pas avoir eu la possibilité de suivre les déclarations des autres personnes entendues grâce à l'interprétation simultanée.
42. La requérante ne peut se prévaloir de l'absence de traduction des parties du procès-verbal rédigées dans une langue autre que celle de l'État membre dont elle relève pour établir une violation de ses droits de la défense. En effet, l'absence de traduction n'est pas susceptible, en l'espèce, d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure administrative (arrêts ACF Chemiefarma-Commission, précité, point 52, et Parker Pen-Commission, précité, point 74).
43. Les difficultés que la requérante aurait éprouvées dans la préparation de sa défense ne sauraient modifier cette appréciation, étant donné qu'elle a été représentée à l'audition et que la Commission a mis à sa disposition un support écrit contenant les déclarations émises par les autres participants dans leur langue originale.
44. Le moyen tiré d'une violation des formes substantielles doit donc être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'accord de 1982 était contraire à cette disposition
45. En substance, la requérante conteste que l'accord de 1982 ait constitué une entente contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE, destinée à empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni. La Commission aurait commis des erreurs d'appréciation, en premier lieu, dans son interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de cet accord, en deuxième lieu, dans sa conclusion selon laquelle la mise en œuvre de l'accord par les parties confirmerait son interprétation de celui-ci, en troisième lieu, dans son analyse des effets dudit accord sur la concurrence et sur le commerce entre États membres, en quatrième lieu, en ce qui concerne la date de cessation de la prétendue infraction aux règles de concurrence et, en cinquième lieu, dans la fixation du montant de l'amende.
Première branche : interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982
- Arguments des parties
46. La requérante soutient que l'expression "transférer les demandes de clients" contenue dans l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 vise exclusivement le transfert d'informations permettant à BASF de mieux planifier son organisation de distribution et sa stratégie commerciale, ainsi que de remplir son obligation d'approvisionnement équitable du marché, en cas de difficultés de livraison.
47. Elle affirme que le terme "transférer" signifie "informer" aussi bien dans le paragraphe 1 que dans le paragraphe 2 de l'article 2. En effet, aucune obligation de transfert des commandes ne serait prévue dans cet article, étant donné qu'elle découle implicitement du droit de distribution exclusive sur le territoire contractuel octroyé à la requérante en vertu de l'article 1er. En outre, l'article 2 ne concernerait que les "demandes" des clients, lesquelles auraient uniquement pour objet l'obtention de renseignements sur les possibilités et les conditions de livraison. Il ne s'appliquerait donc pas aux commandes des clients.
48. Selon la requérante, aucun terme de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord n'exige, pour les ventes en dehors de son territoire contractuel, le consentement de BASF.
49. Elle expose que, en vertu de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de l'accord de 1982, elle s'engageait à informer régulièrement BASF sur la situation générale du marché et à établir un rapport annuel sur les ventes. Toutefois, dans la mesure où l'article 4 ne s'appliquait qu'aux informations relatives à l'activité sur le territoire contractuel, les informations sur les demandes qui lui étaient adressées en provenance de l'extérieur de ce territoire seraient uniquement couvertes par l'article 2, paragraphe 2, de l'accord. La requérante relève que les informations concernant les ventes en dehors du territoire concédé présentaient également un grand intérêt pour elle, notamment pour permettre à BASF de la renseigner sur les conditions de qualité, de formation et d'admission applicables dans les pays auxquels les exportations étaient destinées.
50. La requérante fait valoir, en outre, que l'historique de l'accord est pertinent pour comprendre l'attention accordée par les parties à la question de la compatibilité de celui-ci avec les règles de concurrence communautaires. L'ancien contrat de vente exclusive conclu entre Accinauto et le prédécesseur en droit de BASF aurait été notifié à la Commission en 1969. A la suite d'objections formulées par celle-ci, les parties auraient renoncé en 1970 à une clause stipulant qu'Accinauto n'était pas autorisée à exporter les marchandises qui faisaient l'objet du contrat en dehors du territoire concédé.
51. Compte tenu de ce précédent, à l'époque des négociations ayant abouti à l'accord de 1982, la requérante aurait reçu du directeur du service juridique de BASF l'assurance de la conformité au droit communautaire du nouvel article 2, paragraphe 2. Étant donné que les parties n'entretenaient aucun doute sur la régularité de cette clause, elles n'ont pas estimé nécessaire de notifier l'accord de 1982 à la Commission.
52. L'institution défenderesse considère que les raisons avancées par la requérante pour justifier son interprétation de l'obligation de transfert prévue à l'article 2, paragraphe 2, de l'accord ne sont pas convaincantes. La Commission réaffirme que cette clause contient une interdiction dissimulée des ventes passives à l'exportation sans autorisation préalable et non une simple obligation de transfert d'informations.
- Appréciation du Tribunal
53. Il convient de rappeler que l'article 2 de l'accord de 1982 est placé sous l'intitulé "Droit de distribution exclusive et interdiction de concurrence". Son paragraphe 2, premier alinéa, prévoit: "Le concessionnaire s'engage à transférer à [BASF] les demandes de clients provenant de l'extérieur du territoire contractuel et à ne faire aucune publicité, à n'établir aucune succursale et à n'entretenir aucun dépôt pour la distribution des produits visés au contrat en dehors du territoire concédé."
54. Il est constant entre les parties à la présente procédure que la dernière partie de la clause contractuelle en question contient une interdiction des mesures actives de vente par le concessionnaire en dehors du territoire concédé, laquelle est conforme au droit communautaire de la concurrence. Le litige quant à l'interprétation à donner à ladite clause porte donc uniquement sur la partie qui concerne les ventes passives à des clients établis en dehors du même territoire.
55. Afin de déterminer si les parties à l'accord de 1982 sont convenues d'une restriction à la liberté du concessionnaire d'effectuer des ventes passives des produits qui font l'objet du contrat de distribution exclusive à des clients établis dans d'autres États membres et si, par conséquent, elles ont conclu un accord interdit par l'article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit prendre en considération plusieurs éléments d'interprétation. Ces éléments comprennent, à part l'examen du libellé de l'article 2, paragraphe 2, et du champ d'application des autres clauses du contrat qui présentent un rapport avec l'obligation du concessionnaire prévue dans cette clause, les circonstances de fait et de droit entourant la conclusion et la mise en œuvre de cet accord, lesquelles permettent d'en éclairer la finalité.
56. Le libellé de l'article 2, paragraphe 2, indique clairement que les parties ont stipulé un régime particulier pour le traitement des demandes émanant de clients établis à l'extérieur du territoire contractuel. Toutefois, il ne précise pas dans quel but ces demandes doivent être transmises au fabricant ni les conséquences qui en découlent pour la liberté du concessionnaire d'effectuer les ventes passives sollicitées, notamment lorsqu'elles proviennent de clients établis dans d'autres États membres.
57. Le Tribunal observe que, dans le cadre d'une interprétation littérale de cette clause, il est sans importance que l'obligation de transfert soit applicable aux demandes, lesquelles viseraient uniquement à déterminer les possibilités et les conditions d'approvisionnement par Accinauto, et non pas aux commandes passées par des clients extérieurs au territoire contractuel. Ainsi que la Commission l'a souligné, si une réponse négative était donnée à une demande transférée en application de cette clause, il serait inutile pour le client de passer une commande à la requérante. Le fait que le concessionnaire soit obligé de transférer les demandes qui précèdent les commandes ne permet pas de conclure qu'il maintient entière sa liberté de décision et qu'il n'est soumis à aucune restriction en ce qui concerne la satisfaction de ces dernières.
58. S'agissant de l'insertion de l'article 2, paragraphe 2, dans l'accord et de la détermination de sa finalité par rapport à celle d'autres clauses prévoyant des échanges d'information entre les parties, il convient, en premier lieu, de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle les obligations de transfert des paragraphes 1 et 2 de l'article 2 sont de même nature que les obligations d'information prévues à l'article 4 du même accord. En effet, si selon l'article 4, paragraphes 1 et 2, Accinauto s'engage à informer régulièrement BASF sur les ventes et sur la situation du marché sur le territoire contractuel, ces informations ont un caractère général et ne doivent être détaillées qu'au moyen de rapports récapitulatifs, établis à l'issue de chaque année civile. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 2 prévoient, au contraire, que le concessionnaire ou le fabricant seront immédiatement informés de la réception des demandes selon qu'elles émanent, respectivement, de clients établis sur le territoire concédé ou de clients établis à l'extérieur de ce territoire. Il y a donc lieu de constater que les obligations de transfert de l'article 2, en ce qu'elles prévoient la notification réciproque de demandes d'approvisionnement spécifiques, sont d'une nature différente de celle des obligations d'information prévues à l'article 4.
59. Il y a lieu de relever, en second lieu, que, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, l'obligation pour BASF de transmettre au concessionnaire toutes les demandes et toutes les informations susceptibles de permettre la vente des produits concernés sur le territoire contractuel fait suite à une interdiction pour elle d'utiliser d'autres circuits de distribution sur ledit territoire. L'obligation de transfert prévue dans cette clause, tout comme l'interdiction d'utiliser d'autres circuits de distribution, intègre ainsi la substance même du droit exclusif octroyé à Accinauto, dans la mesure où elle est nécessaire à l'exercice effectif de ce droit. Il s'ensuit que l'interprétation soutenue par la requérante, selon laquelle le terme "transférer" signifie simplement "informer" l'autre partie de l'existence de demandes d'approvisionnement, aussi bien dans le paragraphe 1 que dans le paragraphe 2 de l'article 2, ne peut être retenue.
60. Étant donné que l'obligation de transfert mise à la charge du concessionnaire par l'article 2, paragraphe 2, de l'accord couvre uniquement les demandes provenant de l'extérieur du territoire contractuel, il ne saurait être considéré que la seule finalité de cette clause est de permettre au fabricant de mieux planifier son organisation de distribution et sa stratégie commerciale.La Commission a relevé à juste titre que, si BASF souhaitait être informée sur la quantité et la qualité des produits sur lesquelles portaient les demandes adressées à la requérante, l'obligation de transfert aurait dû s'appliquer tout autant aux demandes de clients établis sur le territoire contractuel. Ces informations auraient pu, par ailleurs, être fournies régulièrement à BASF de manière générale ou dans le cadre de rapports récapitulatifs, comme prévu à l'article 4 de l'accord, et non pas préalablement à chaque livraison. Il n'était pas non plus nécessaire à BASF de connaître à l'avance la destination des marchandises commandées à la requérante afin d'être en mesure de répartir uniformément entre ses concessionnaires des quantités de livraison limitées. Son intérêt à obtenir des informations sur les ventes à l'exportation, notamment en vue du calcul des subventions pour publicité qu'elle accordait à chaque concessionnaire, aurait pu également être satisfait par une obligation d'établir des rapports récapitulatifs concernant ces ventes. En outre, l'intérêt de la requérante à obtenir des informations sur les conditions applicables dans les marchés auxquels les produits étaient destinés, à le supposer pertinent, pouvait être satisfait par d'autres moyens que la notification préalable des exportations au fabricant.
61. Le Tribunal considère, par conséquent, que les explications fournies par la requérante au sujet de la finalité de l'obligation de transfert de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 ne sont pas de nature à infirmer la thèse de la Commission, selon laquelle cette clause contient une interdiction dissimulée des ventes passives à l'exportation sans autorisation préalable.
62. En outre, l'historique de l'accord permet d'expliquer la rédaction ambiguë que les parties à l'accord de 1982 ont donnée à la clause incriminée et le caractère dissimulé de l'interdiction d'exportation qu'elle contient. En effet, les parties étaient suffisamment averties, en vertu de leur expérience antérieure, du fait qu'une restriction explicite de la liberté du concessionnaire d'effectuer des ventes passives en dehors du territoire concédé est contraire au droit communautaire de la concurrence.Néanmoins, elles ont clairement formulé leur intention de soumettre les demandes provenant de l'extérieur du territoire contractuel à un régime de notation spécifique, lequel permettait implicitement au fabricant, d'influencer, si cela s'avérait nécessaire, le comportement du concessionnaire à l'égard des exportations.
63. Dans ces conditions, il convient d'examiner si, comme le soutient la Commission, son interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 est encore confirmée par le fait que les parties ont mis en œuvre une entente visant à empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni.
Deuxième branche : mise en œuvre de l'accord
- Arguments des parties
64. La requérante soutient que la mise en œuvre de l'accord litigieux montre que la Commission a interprété de manière erronée le terme "transférer". Elle estime que les faits corroborent sa propre interprétation de cet accord.
65. Lorsque, en mars 1986, IMF a adressé pour la première fois une demande à la requérante, l'administrateur de celle-ci, M. Dudouet, n'aurait pris contact avec BASF qu'afin de se renseigner sur la situation du marché et sur la disponibilité des produits demandés. M. Dudouet réalisait rarement des exportations et avait déduit que les commandes pour le marché britannique promettaient de porter sur de grosses quantités. Étant donné que les produits demandés par IMF étaient des produits de vente facile et que, selon les habitudes du marché de réparation de voitures, les quantités devaient être livrées à bref délai, des éventuels retards de livraison auraient pu conduire à de graves problèmes chez les clients. Contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante n'aurait donc demandé l'autorisation à BASF ni pour effectuer les livraisons à IMF ni pour fixer les conditions applicables à ces ventes.
66. La requérante aurait livré à IMF les quantités souhaitées, et les relations d'affaires entre les deux sociétés se seraient développées avec succès par la suite. Jusqu'en 1990, les commandes passées par IMF auraient augmenté de manière constante, ainsi que les rabais qui lui étaient accordés par la requérante.
67. A partir de juin 1989, les ventes effectuées par la requérante à IMF auraient été facturées au nom de la firme Technipaint uniquement afin de séparer les exportations des opérations belges. Cette séparation serait devenue possible en 1989, après la mise en service d'un nouveau système informatique. Elle permettait à la requérante d'accroître la transparence de ses opérations et de limiter le paiement des primes dues à ses collaborateurs. BASF aurait également tenu à l'enregistrement séparé des opérations, étant donné qu'elle contribuait aux frais de publicité relatifs aux ventes sur le territoire contractuel.
68. Contrairement à ce qui est affirmé aux points 75 et 76 des considérants de la décision attaquée, la requérante n'aurait pas cessé d'approvisionner IMF à la fin de mai 1990, mais seulement en décembre 1990. La première commande parvenue à la requérante depuis la livraison de la fin de mai 1990 serait datée du 4 décembre 1990. IMF n'aurait pas passé de nouvelle commande entre ces deux dates, malgré la référence à une future commande qui se trouve dans la lettre adressée par les avocats d'IMF à la requérante le 3 juillet 1990.
69. La requérante aurait pris la décision de ne plus livrer IMF de manière autonome, en raison du manque de fiabilité de celle-ci et de l'attitude menaçante qu'elle avait adoptée. Depuis août 1989, IMF n'aurait plus payé les factures dans les délais. Lors d'un entretien avec la requérante le 5 juin 1990, IMF aurait insisté pour obtenir des livraisons supplémentaires, alors que des goulets d'étranglement affectaient la disponibilité d'un grand nombre de produits Glasurit. Elle aurait menacé la requérante de porter plainte pour violation des règles de concurrence et d'établir une succursale en Belgique dans le but de réaliser des exportations directes vers le Royaume-Uni.
70. Par lettre du 7 février 1991, en lui transmettant copie de la lettre qu'elle avait adressée à IMF le 19 décembre 1990, la requérante aurait informé pour la première fois BASF de la rupture définitive de ses relations commerciales avec IMF.
71. La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des difficultés de livraison invoquées, dont elle aurait apporté des éléments de preuve convaincants au cours de la procédure administrative. Les capacités de livraison de BASF auraient subi des goulets d'étranglement importants pendant la période considérée, en raison de différents facteurs. Les principales gammes de produits, notamment les couleurs de base les plus utilisées, en auraient été affectées.
72. BASF aurait établi un réseau d'information entre elle et ses distributeurs, parmi lesquels la requérante, afin d'assurer un approvisionnement régulier du marché européen dans un contexte de pénurie. En effet, pour remplir ses obligations de livraison à l'égard des clients de produits Glasurit, elle aurait souhaité connaître les courants de marchandises et la situation des ventes dans les différents marchés nationaux.
73. En outre, elle estime qu'elle était tenue d'approvisionner le mieux possible les clients sur son territoire contractuel. Ayant été contactée par IMF, il aurait été normal d'examiner d'abord les possibilités de livraison avec BASF afin d'éviter de commettre une infraction à ses obligations contractuelles. Il ne lui aurait pas été permis d'utiliser les maigres ressources pour accepter de nouvelles commandes ou effectuer des livraisons en dehors de son territoire.
74. Le caractère licite de son comportement serait reconnu par les considérants du règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive (JO L. 173, p. 1), comme il l'avait déjà été par les considérants du règlement n° 67-67-CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849). Les parties à un accord de distribution exclusive pourraient donc y inclure des clauses permettant au fabricant de vérifier si le but principal d'un tel accord, à savoir celui d'agir de manière intensive sur le territoire contractuel, est respecté par le distributeur.
75. Accinauto fait encore observer que, selon les affirmations de la plaignante rapportées au point 22 des considérants de la décision attaquée, BASF aurait donné en mars 1986 son accord pour les livraisons à IMF à condition que le rabais ne soit pas supérieur à 19 % du tarif d'Accinauto. Or, ces affirmations seraient contredites par le fait qu'IMF a accepté, à l'époque, un rabais de 8 % et que pendant toute l'année 1986 aucun rabais de 19 % ne lui a été accordé par Accinauto. Il serait contraire à toute expérience commerciale qu'IMF se soit contentée d'un rabais de 8 % alors que M. Dudouet aurait laissé entrevoir l'accord de BASF pour l'octroi d'un rabais pouvant aller jusqu'à 19 % du tarif. De l'avis de la requérante, cela fournirait un indice convaincant du fait que la plaignante aurait retransmis de manière également inexacte le reste de la conversation téléphonique entre Accinauto et BASF.
76. En outre, il ressortirait de la note interne signée par M. Augustin, datée du 5 juin 1990, que BASF était informée de toutes les livraisons d'Accinauto à IMF en 1989. La requérante proteste donc contre la supposition de la Commission selon laquelle elle aurait voulu dissimuler ses exportations vers le Royaume-Uni par le biais d'une facturation au nom de Technipaint.
77. La Commission réitère sa conclusion selon laquelle la mise en œuvre de l'accord par les parties, en particulier à partir de mars 1986, confirme que son article 2, paragraphe 2, contenait effectivement un droit d'approbation des ventes passives réservé au fabricant. Les explications données par la requérante ne seraient pas convaincantes ni susceptibles d'invalider l'appréciation juridique des comportements constatés dans la décision attaquée.
78. La défenderesse soutient que les pièces du dossier contredisent la version des faits présentée par la requérante. La note interne du 5 juin 1990, mentionnée aux points 43 et 52 des considérants de la décision attaquée, montrerait que BASF avait accordé une "autorisation exceptionnelle" à M. Dudouet pour effectuer des livraisons à IMF, à la suite de la première commande que celle-ci avait passée auprès d'Accinauto en mars 1986. Il ressortirait d'autres documents que l'arrêt des livraisons à IMF a bien eu lieu à l'instigation de BASF et que, à partir de juin 1989, la requérante a facturé ces ventes par l'intermédiaire de Technipaint dans le but de les dissimuler. Finalement, à la suite d'un contrôle renforcé exercé par BASF, Accinauto aurait mis fin aux exportations en mai 1990.
79. Selon la Commission, les difficultés de livraison invoquées par la requérante ne sauraient expliquer le comportement des parties à l'accord, étant donné que la période de pénurie se situe uniquement entre 1988 et la fin de 1990. Par ailleurs, elle relève que la correspondance échangée entre BASF et ses concessionnaires au sujet des importations parallèles au Royaume-Uni ne présente aucune trace d'une crainte concernant l'approvisionnement éventuellement insuffisant des autres marchés nationaux. Le retrait de l'autorisation exceptionnelle accordée à la requérante s'expliquerait non pas par les difficultés de livraison éprouvées par BASF, mais par le fait que les importations parallèles étaient préjudiciables à BASF C & I et entraînaient une réduction des prix pratiqués au Royaume-Uni.
80. Selon la Commission, les conclusions que la requérante tire d'une erreur que la plaignante aurait commise au sujet du rabais maximal de 19 % consenti par BASF sont exagérées. D'une part, lorsque Accinauto a répondu à une demande de renseignements, elle aurait confirmé avoir accordé un rabais de 19 % à IMF. Il appartiendrait donc à la requérante d'expliquer la contradiction entre sa réponse à la Commission et ses déclarations actuelles. D'autre part, s'agissant du rabais maximal autorisé par le fabricant, il serait normal que la requérante ne l'accorde pas dès le départ à IMF, d'autant plus que les commandes initialement passées par cette société portaient sur de petites quantités. Les objections formulées par la requérante quant à l'exactitude des affirmations de la plaignante ne seraient pas fondées. La question de savoir si et quand le rabais maximal de 19 % a été intégralement octroyé à IMF n'affecterait pas le fait que la requérante, en mars 1986, a obtenu l'autorisation de BASF pour approvisionner la plaignante ainsi que pour les rabais à appliquer.
81. La note d'un collaborateur de BASF, datée du 5 juin 1990, ne pourrait pas établir que le fabricant était informé dès 1989 des livraisons qui ont été effectuées par l'entremise de Technipaint. Selon la Commission, les notes internes mentionnées aux points 47 et 50 des considérants de la décision attaquée montrent que la requérante a poursuivi ses livraisons à IMF sans que BASF en ait eu connaissance et les ait autorisées.
82. La requérante confondrait cause et effet lorsqu'elle explique les raisons qui l'ont poussée à mettre fin aux livraisons à IMF. La Commission fait observer que la menace de porter plainte qui a été proférée lors de l'entretien du 5 juin 1990 fait suite aux déclarations de M. Dudouet à IMF à la fin de mai 1990, selon lesquelles il avait été l'objet de pressions de la part de BASF et ne pouvait donc plus livrer de produits Glasurit. Le refus de payer la facture du mois de mai ne serait intervenu qu'en juillet, à la suite du litige survenu entre IMF et Accinauto. La défenderesse réaffirme, par conséquent, ses constatations concernant la date et les circonstances de l'arrêt des livraisons à IMF. En outre, elle relève que la requérante n'a pas démontré qu'IMF avait exigé de sa part des livraisons plus importantes ou des conditions plus avantageuses.
- Appréciation du Tribunal
83. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'infraction aux règles de concurrence constatée dans la décision attaquée concerne la conclusion par les parties d'un accord ayant pour objet d'empêcher les importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni. L'examen de la mise en œuvre de l'accord de 1982 vise donc uniquement à confirmer le bien-fondé de l'interprétation que la Commission a donnée à l'article 2, paragraphe 2, de cet accord.
84. A cet égard, la requérante nie l'existence d'un lien de causalité entre les faits relevés dans la décision attaquée et la mise en œuvre d'un prétendu accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. Le comportement des parties à l'accord de 1982 s'expliquerait par les difficultés de livraison auxquelles BASF a été confrontée dans la période de référence, ainsi que par des décisions commerciales prises d'une manière autonome par Accinauto.
85. Toutefois, la Commission a relevé à juste titre que les goulets d'étranglement n'ont affecté les livraisons de BASF que de 1988 à 1990, tandis que l'accord incriminé était en vigueur de 1982 à 1991.
86. Ces difficultés ne peuvent non plus corroborer l'explication que la requérante a fournie pour ses contacts avec BASF en mars 1986, avant la première livraison à IMF. En effet, aucune raison objective n'exigeait que M. Dudouet s'informe au préalable de la disponibilité des produits commandés.
87. En outre, les relations commerciales entre Accinauto et IMF se sont intensifiées en 1989, nonobstant les difficultés sérieuses éprouvées par BASF pendant toute cette année. A l'époque de la rupture de ces relations, au mois de juin 1990, la situation de pénurie invoquée par la requérante se trouvait déjà atténuée en grande partie.
88. De surcroît, il ressort des notes internes de BASF, ainsi que de la correspondance qui lui a été adressée par BASF C & I et par Accinauto, que le problème des importations parallèles se posait sous l'angle de leurs effets sur les activités de la filiale britannique et non pas dans le contexte des difficultés de livraison pouvant affecter l'approvisionnement des clients belges et luxembourgeois.
89. Il en résulte que les difficultés ayant affecté les livraisons de BASF n'ont pas eu, en l'espèce, une incidence substantielle sur la mise en œuvre de l'accord de 1982. Dans ces conditions, les arguments qu'elle développe sur la licéité de son comportement en situation de pénurie, notamment à la lumière des considérants du règlement n° 1983-83, du 22 juin 1983, précité, ne sont pas pertinents pour l'examen de la présente affaire.
90. Le Tribunal constate que, selon une note interne de BASF en date du 5 juin 1990, Accinauto avait obtenu une "autorisation exceptionnelle" pour livrer IMF :
"Le propriétaire de la firme [IMF] à Derby insiste pour que d'autres livraisons de produits de repeinture pour voitures soient effectuées par Accinauto (1989, environ 10 tonnes). Pour ce client, M. Dudouet avait obtenu à l'époque une autorisation exceptionnelle de livraison de M. Kunath. A ce moment-là, cette autorisation a été donnée pour une quantité de livraisons limitée au départ de Bruxelles. Motif: pas d'augmentation de volume par d'autres distributeurs belges. Si l'accord n'est pas donné pour une nouvelle livraison, on nous menace d'une plainte en justice. [...] M. Dudouet attend des informations sur la façon de poursuivre l'action!"
91. Dans une lettre du 7 juin 1989, adressée à BASF, M. Dudouet fait référence au contexte dans lequel cette autorisation avait été accordée et maintenue jusqu'à cette date :
"Voici trois ou quatre ans, Glasurit a décidé, à la suite du grand volume d'importations parallèles en Angleterre, d'apposer avec notre aide, sur tous les produits vendus en provenance de nos stocks, un marquage propre à chaque client, pour permettre la preuve facile de l'origine de la livraison. [...] Compte tenu de ce commerce, nous avons convenu avec Glasurit d'essayer de canaliser et de normaliser ces achats, pour suivre les quantités achetées par nos clients, indépendamment de la vente en dehors du territoire concédé. [...] Nous attirons votre attention sur le fait que, si nous mettons fin à ce réseau, nous ne pouvons plus vous garantir que nos 70 concessionnaires ou grands ateliers de carrosserie ne seront pas tentés ou sollicités de faire des affaires avec la Grande-Bretagne, ce qui perturberait sensiblement notre marché intérieur."
92. Il ressort de ces documents particulièrement clairs que, contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante n'a pas agi de manière autonome dans le cadre de ses relations commerciales avec IMF. L'intensité du contrôle qui était exercé sur les exportations d'Accinauto par BASF est confirmée dans une autre note interne, datée du mois de juin 1990 :
"Ci-joint la réponse d'Accinauto à notre question de combien de matériel [Glasurit] va de Belgique en Grande-Bretagne. Nous devons supposer que Dudouet dit la vérité. Il sait très bien qu'il dépend de nous et ne voudra prendre aucun risque."
93. La deuxième branche du moyen, tirée d'une erreur que la Commission aurait commise dans l'appréciation de la mise en œuvre de l'accord de 1982, doit, par conséquent, être écartée.
Troisième branche : effets de l'accord sur la concurrence et sur le commerce entre États membres
- Arguments des parties
94. La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment pris en considération les particularités du marché britannique de produits de repeinture pour voitures.
95. Elle indique que les importations parallèles de produits Glasurit se sont développées en raison de la différence de prix sur le marché de produits de repeinture pour voitures existant entre le Royaume-Uni et les autres pays de la Communauté. Cette différence se serait expliquée surtout par des coûts de commercialisation plus importants au Royaume-Uni, mais également par le système de contrôle des prix en vigueur en Belgique dès le début des années 80, lequel avait été décidé par l'État belge en vue d'empêcher une augmentation des prix à la consommation finale.
96. Néanmoins, la Commission aurait estimé à tort que la position des produits Glasurit sur le marché britannique et les différences de prix existant entre la Belgique et le Royaume-Uni étaient de nature à favoriser des importations parallèles considérables, lesquelles auraient été empêchées par l'accord de 1982.
97. La requérante relève, d'une part, que les prix à considérer en matière de concurrence sont les prix nets de vente par le distributeur, qui correspondent au prix d'achat applicable. Or, selon elle, les écarts entre les prix pratiqués en Belgique et ceux pratiqués au Royaume-Uni diminuaient sensiblement si l'on considérait les prix de vente nets pratiqués. D'autre part, à côté de la demande effective pleinement satisfaite, il n'y aurait pas de demande potentielle. Les sociétés plaignantes se seraient déclarées satisfaites de leurs relations d'affaires avec elle et, en raison des conditions favorables qui lui étaient accordées, IMF aurait été en mesure de livrer des produits Glasurit non seulement à Calbrook Cars Ltd mais aussi à d'autres commerçants britanniques.
98. Elle fait valoir que, à part les commandes émanant d'IMF, elle n'a pas reçu d'autres commandes à partir de 1986. Elle n'aurait pas pu refuser des commandes inexistantes, le cas échéant, à l'instigation de BASF. Elle conteste donc le bien-fondé des constatations de la Commission selon lesquelles les livraisons qu'elle aurait objectivement pu assurer ne se limitent nullement aux quantités livrées à IMF et à Calbrook Cars Ltd. La requérante ne comprend d'ailleurs pas comment l'existence dans l'accord d'une clause qui, d'après l'interprétation de la défenderesse, n'interdit pas les exportations passives, mais prévoit uniquement leur autorisation par le fabricant, a pu empêcher ces exportations, alors qu'il n'y a aucun cas connu dans lequel elle aurait demandé une autorisation et ne l'aurait pas obtenue. Elle en conclut que l'accord de distribution exclusive n'a pas, en tout cas, empêché les importations parallèles et n'a eu aucune répercussion sur l'exploitation par ses soins des possibilités objectives de livraison.
99. La requérante soutient que l'accord de 1982 n'a, d'ailleurs, affecté la concurrence et le commerce entre États membres d'aucune autre façon. Les importateurs parallèles seraient parfaitement informés sur les sources d'approvisionnement existantes dans les différents pays de la Communauté et effectueraient des achats communs auprès des distributeurs qui pratiquaient les prix les plus avantageux pour chaque ligne de produits. Cela serait confirmé par le fait qu'IMF se procurait certains produits chez Accinauto pour le compte de Calbrook Cars Ltd, alors que celle-ci obtenait d'autres produits à de meilleures conditions aux Pays-Bas et en Allemagne. La situation de l'offre et de la demande ne pourrait, en outre, être vue de manière statique. De l'avis de la requérante, elle subissait continuellement des corrections dont les importateurs parallèles tenaient compte lorsqu'ils décidaient de passer commande auprès d'un distributeur.
100. La défenderesse répond que les documents découverts chez BASF font apparaître les différences de prix constatées dans la décision attaquée et que ces écarts étaient susceptibles d'encourager les exportations parallèles de la Belgique vers le Royaume-Uni. En toute hypothèse, la requérante admettrait elle-même dans sa requête que les écarts entre les prix pratiqués au Royaume-Uni et ceux pratiqués dans les autres États membres étaient une des causes des importations parallèles.
101. La Commission estime avoir démontré que l'accord en question était de nature à produire un effet sensible sur le commerce intracommunautaire et rappelle qu'elle n'est pas tenue d'apporter la preuve de ce qu'une affectation sensible des échanges entre États membres a effectivement eu lieu (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller-Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 15). Elle souligne qu'elle a procédé aux investigations nécessaires et qu'elle a présenté dans la décision attaquée ses constatations concernant la position des entreprises concernées sur le marché, l'ampleur de leur production et des exportations, ainsi que leur politique de prix.
102. La Commission conteste également l'affirmation de la requérante selon laquelle, pendant la période considérée, il n'y aurait pas eu de demande potentielle de produits Glasurit sur le marché britannique. Accinauto aurait elle-même déclaré qu'elle s'attendait à un accroissement des commandes passées par IMF et Calbrook Cars Ltd, compte tenu du fait que la capacité du marché britannique est bien supérieure à celle du marché belge.
103. La défenderesse fait valoir, en dernier lieu, que l'obligation inscrite à l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de distribution exclusive constitue en réalité une interdiction générale d'exportation, assortie d'une réserve d'autorisation éventuelle, au cas par cas, par BASF. Elle conclut donc au rejet de l'objection de la requérante selon laquelle l'accord ne pouvait produire d'effets restrictifs de la concurrence, étant donné qu'il comportait l'obligation d'obtenir une autorisation du fabricant pour les exportations et non pas l'interdiction de ces ventes.
- Appréciation du Tribunal
104. L'article 81, paragraphe 1, CE interdit tous les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, à condition qu'ils soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Il ressort d'une jurisprudence constante que, par nature, une clause qui a pour objet d'interdire à un acheteur de revendre ou d'exporter la marchandise acquise est susceptible de cloisonner les marchés et donc d'affecter le commerce entre États membres (arrêts de la Cour, Miller-Commission, précité, point 7, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeythiö e.a.-Commission, dit "Pâtes de bois", C-89-95, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 176). Lorsqu'il s'avère que les ventes d'au moins une des parties à l'accord anticoncurrentiel constituent une part non négligeable du marché en cause, il y a lieu d'appliquer l'article 81, paragraphe 1, CE(arrêts Miller-Commission, précité, point 10, et Parker Pen-Commission, précité, point 44).
105. En l'espèce, la requérante ne conteste pas la définition du marché des produits en cause retenue par la Commission, à savoir le marché britannique des produits de repeinture pour voitures, ni le fait que la part de ce marché détenue par BASF était en 1991 de 16 %, dont 12 % pour les produits Glasurit. Ses critiques se limitent aux volumes des importations parallèles que la défenderesse a pris en considération, ainsi qu'aux affirmations de celle-ci concernant l'existence d'une demande potentielle qui aurait pu être satisfaite par la requérante. Compte tenu de la position de BASF sur le marché en cause, ainsi que du fait, confirmé par la requérante elle-même, que les prix des produits Glasurit pratiqués entre 1986 et 1991 sur ce marché étaient, en moyenne, supérieurs aux prix pratiqués sur les marchés d'autres États membres, notamment en Belgique, la Commission a conclu à juste titre que l'accord incriminé était de nature à affecter le commerce intracommunautaire.
106. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que cet accord constitue, par son objet, une restriction de la concurrence interdite par l'article 81, paragraphe 1, CE, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si, comme le soutient la requérante, il n'a pas produit d'effets sensibles sur le marché considéré (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig-Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger-Commission, T-43-92, Rec. p. II- 441, point 127).
107. Il en résulte que les autres griefs que la requérante a soulevés à l'encontre de la constatation par la Commission d'une infraction à la disposition du traité susvisée sont inopérants, dans la mesure où le bien-fondé de ces griefs ne peut, en tout état de cause, conduire à la conclusion qu'un accord ayant l'objet et la portée de celui de l'espèce n'enfreint pas les règles de concurrence communautaires.
Quatrième branche : date de cessation de l'infraction
- Arguments des parties
108. La requérante soutient que, à supposer qu'il y ait eu une infraction aux règles de concurrence, une telle infraction a pris fin au plus tard à la fin du mois de juin 1990. La Commission aurait dû constater que la lettre adressée par BASF à la requérante le 21 juin 1990 indiquait clairement à celle-ci qu'elle était libre de prendre ses propres décisions de vente. En toute hypothèse, la Commission aurait elle-même admis que la lettre du 22 juin 1990, adressée par BASF aux avocats d'IMF et dont copie avait été transmise à Accinauto, était suffisamment compréhensible et claire à cet égard.
109. La défenderesse réitère sa conclusion selon laquelle l'accord restrictif de la concurrence n'a pris fin que lorsque les parties ont supprimé la clause incriminée. Elle estime qu'Accinauto, compte tenu des circonstances, ne pouvait interpréter la copie de la lettre envoyée aux avocats de la plaignante en juin 1990 comme signifiant que BASF renonçait au droit d'approbation des exportations qu'elle s'était réservé à l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982. Le but de cette lettre aurait été uniquement de prévenir d'éventuelles revendications de la part d'IMF.
- Appréciation du Tribunal
110. L'infraction constatée par la décision attaquée étant la conclusion et la participation des parties à un accord de distribution exclusive dont l'une des clauses avait un objet contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission a considéré à bon droit que ladite infraction n'a pris fin que lorsque les deux parties ont supprimé la clause en question. Selon la jurisprudence, le fait qu'une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence n'a pas été mise en œuvre par les cocontractants ne suffit pas à la soustraire à l'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêts Miller-Commission, précité, point 7, et Pâtes de bois, point 175). En l'espèce, les lettres de BASF invoquées par la requérante n'établissent pas que les parties avaient réellement l'intention de renoncer à la clause incriminée. En effet, ainsi que la Commission l'a estimé, les termes plus clairs utilisés dans la lettre du 22 juin 1990 visaient en réalité à affaiblir les reproches de comportement anticoncurrentiel qui avaient été adressés aux parties par la plaignante IMF.
Cinquième branche : fixation du montant de l'amende
- Arguments des parties
111. La requérante reproche à la Commission d'avoir abusé de son pouvoir discrétionnaire, en ce qu'elle aurait omis de tenir compte, dans la fixation du montant de l'amende, de la faible gravité et de la faible durée de la prétendue infraction, de la difficile situation économique de la requérante et de l'absence d'intention délictueuse.
112. Accinauto estime que la gravité de l'infraction est à mesurer par rapport aux effets que l'accord prétendument restrictif de la concurrence a produits sur le commerce. Or, l'accord incriminé n'aurait produit aucun effet, n'ayant pas été mis en œuvre par les parties. Même s'il avait été appliqué, l'accord n'aurait pas affecté le courant d'importations parallèles au Royaume-Uni provenant de la Belgique. Il y aurait eu un seul refus de livraison, au mois de décembre 1990, qui n'aurait pas été déterminé par l'accord, mais par une décision autonome de la requérante. En outre, le volume des importations parallèles concernées par l'accord de 1982 serait insignifiant par rapport à l'ensemble des ventes de produits Glasurit au Royaume-Uni.
113. La Commission aurait eu tort de prendre comme base pour la durée de l'infraction toute la période de validité de l'accord, entre sa conclusion le 8 octobre 1982 et l'entrée en vigueur du nouvel accord le 1er janvier 1992. D'une part, la défenderesse aurait elle-même admis que les effets de l'accord ne se sont fait sentir qu'à partir de 1986. D'autre part, Accinauto n'aurait refusé qu'une seule livraison à IMF et la prétendue infraction aurait pris fin au plus tard en juin 1990, lorsque BASF à fait savoir clairement à la plaignante et à Accinauto que celle-ci était libre d'effectuer des ventes passives dans les États membres de la Communauté. Dès lors, la requérante considère que la prise en compte de toute la période de validité de l'accord est injuste et viole gravement le principe de proportionnalité.
114. La requérante souligne encore que les juristes consultés à l'époque de la conclusion de l'accord avaient estimé la clause en question conforme au droit communautaire. Les parties et leurs collaborateurs n'auraient donc pas eu conscience, pendant la période de validité de cet accord, de commettre une infraction aux règles de la concurrence du traité.
115. La Commission rappelle que les interdictions d'exportation sont par nature des infractions graves à la concurrence, étant donné qu'elles visent à maintenir artificiellement les différences de prix entre les marchés des États membres et qu'elles mettent en danger la liberté des échanges intracommunautaires (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a.-Commission, 100-80, 101-80, 102-80 et 103-80, Rec. p. 1825, point 107). La part de marché des importations parallèles concernées par l'infraction serait sans importance pour la détermination de sa gravité. Par ailleurs, elle aurait déjà réfuté les allégations de la requérante concernant l'absence d'effets économiques de l'accord de 1982, notamment sur les importations parallèles de Belgique au Royaume-Uni, ainsi que celles relatives à l'absence d'influence de l'accord sur les décisions prises par Accinauto.
116. La défenderesse considère que l'infraction a commencé dès la date de conclusion de l'accord de distribution exclusive qui stipulait un droit d'approbation du fabricant et s'est poursuivie pendant toute la période de validité de cet accord (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a.-Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, point 59). Le simple silence d'Accinauto qui a suivi les lettres de BASF des 21 et 22 juin 1990 n'aurait pas pu modifier valablement l'accord de 1982. Conformément à son article 12, paragraphe 2, les modifications audit contrat n'auraient été valides que sous une forme écrite.
117. La Commission conteste l'argumentation de la requérante selon laquelle il n'y aurait pas eu de propos délibéré de restreindre la concurrence, parce que les parties n'auraient pas eu conscience d'enfreindre le droit communautaire. L'erreur de droit éventuellement commise par les juristes de BASF n'aurait rien changé au fait que l'intention de celle-ci était d'imposer une obligation de transfert à Accinauto et de contrôler ainsi les exportations parallèles vers le Royaume-Uni.
- Appréciation du Tribunal
118.En application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. A l'intérieur de ces limites, le montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de l'infraction et de sa durée (arrêt Musique Diffusion française e.a.-Commission, précité, point 118, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding-Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 175).
119. Il convient de rappeler que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction dictée par ces règles, mais il suffit qu'elle ait été consciente que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt IAZ e.a.-Commission, précité, point 45, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Herlitz-Commission, T-66-92, Rec. p. II-531, point 45). Ainsi qu'il ressort des constatations précédentes du Tribunal, la requérante n'a pu ignorer que la clause incriminée de l'accord de 1982 avait pour objet de restreindre les importations parallèles et, de ce fait, de contrarier l'objectif même de réalisation du marché unique voulu par le traité, en cloisonnant les différents marchés nationaux. L'avis d'un conseiller juridique, qu'elle invoque, ne saurait la disculper à cet égard (arrêt Miller-Commission, précité, point 18).
120. En l'espèce, le Tribunal constate que la Commission a respecté le plafond prévu par le règlement n° 17, lequel se réfère au chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a.-Commission, précité, point 119, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak-Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 247). Le montant de l'amende ne représente ainsi que 0,05 % du chiffre d'affaires global d'Accinauto réalisé en 1991, lequel a atteint environ 18 450 000 écus (738 000 000 BFR, voir point 1 ci-dessus).
121. Selon une jurisprudence constante, le montant de l'amende doit être gradué en fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction, et l'appréciation de la gravité de l'infraction doit être effectuée en tenant compte de la nature des restrictions apportées à la concurrence (arrêts du Tribunal Parker Pen-Commission, précité, point 92, et du 22 octobre 1997, SCK et FNK-Commission, T-213-95 et T-18-96, Rec. p. II-1739, point 246).
122. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré à bon droit que l'infraction constatée était particulièrement grave, compte tenu, notamment, de la nature de la restriction de la concurrence en cause et de la forte position occupée par BASF sur le marché des produits de repeinture pour voitures en Europe.
123. L'appréciation que la Commission a portée sur la durée de l'infraction n'est en outre entachée d'aucune erreur, dans la mesure où cette infraction a été caractérisée comme étant la conclusion par les parties d'un accord dont l'une des clauses avait un objet contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. A supposer même que le Tribunal n'ait pu constater la mise en œuvre d'une telle clause, il n'en reste pas moins que sa simple existence pouvait créer un climat "optique et psychologique" qui contribue à une répartition du marché (arrêts Miller-Commission, précité, point 7, et Herlitz-Commission, précité, point 40). L'infraction commencée lors de la conclusion de l'accord de 1982 n'a donc cessé que lorsque la clause incriminée a été effectivement supprimée.
124. Enfin, il convient de relever que la Commission a retenu en tant que circonstance atténuante le fait que les parties ont mis fin à l'infraction le 1er janvier 1992, soit avant que la communication des griefs ne leur soit adressée, le 12 mai 1993. Elle a également pris en considération le fait qu'Accinauto dépend économiquement de BASF et que cette dernière a exploité cette dépendance pour imposer ses intérêts économiques.
125. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission, en fixant à 10 000 écus le montant de l'amende infligée à la requérante, n'a pas dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lors de la détermination du montant des amendes.
126. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de la requérante doivent être rejetées dans leur intégralité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner celles visant à ce que la Commission soit condamnée à lui verser des intérêts à un taux de 9,5 % sur le montant de l'amende.
Sur les dépens
127. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens.