Livv
Décisions

TPICE, 1re ch., 19 mai 1999, n° T-175/95

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BASF Coatings (AG)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Juges :

MM. Moura Ramos, Mengozzi

Avocats :

Mes Hermanns, Freund.

TPICE n° T-175/95

19 mai 1999

Faits à l'origine du litige

Parties et produits concernés

1. BASF Coatings AG (ci-après "BASF " ou " requérante "), anciennement BASF Lacke und Farben AG, société de droit allemand, établie à Münster-Hiltrup (Allemagne), fabrique notamment des produits de repeinture pour voitures vendus sous la marque Glasurit. Pour 1991, son chiffre d'affaires a été de 1 668 000 000 DM, dont 314 000 000 pour les produits de repeinture pour voitures dans le monde entier et 243 000 000 pour ces mêmes produits dans la Communauté.

2. Les produits Glasurit sont distribués par :

- des filiales du groupe BASF aux Pays-Bas, en Italie, en France, en Espagne, au Royaume-Uni, en Irlande, en Autriche, en Suède et en Finlande ;

- des distributeurs indépendants liés par des accords de distribution exclusive en Belgique, au Luxembourg, au Danemark et au Portugal ;

- cinq distributeurs exclusifs régionaux en Allemagne ;

- un distributeur indépendant non exclusif en Grèce.

3. Accinauto SA (ci-après " Accinauto ") est une société de droit belge, établie à Bruxelles. Depuis 1937, elle distribue les produits de repeinture pour voitures du groupe BASF en Belgique et au Luxembourg. Depuis 1974, elle est le distributeur exclusif des produits Glasurit pour le même territoire contractuel. Pour l'année fiscale 1991, son chiffre d'affaires a été de 738 000 000 BFR, dont environ 85 % ont été réalisés par la vente de produits BASF.

4. Au Royaume-Uni et en Irlande, les produits de repeinture pour voitures du groupe BASF sont distribués par BASF Coating and Inks Ltd (ci-après " BASF C & I "), filiale à 100 % du groupe BASF.

5. Les produits de repeinture pour voitures sont à distinguer des produits de peinture pour voitures neuves, bien qu'ils aient la même composition et soient fabriqués sur les mêmes chaînes de production. Les produits de peinture pour voitures neuves sont destinés aux constructeurs automobiles, tandis que les produits de repeinture sont destinés aux ateliers de réparation. De ce fait, les produits de repeinture pour voitures sont distribués dans des présentations et dans des quantités différentes de celles des produits appliqués sur les voitures neuves.

6. Pendant la période 1985-1992, les prix nets au consommateur final des produits de repeinture pour voitures, y compris ceux des produits Glasurit, ont été, en moyenne, plus élevés au Royaume-Uni qu'en Belgique.

Déroulement de la procédure administrative

7. Le 28 janvier 1991, Ilkeston Motor Factories Ltd (ci-après " IMF ") et Calbrook Cars Ltd, deux sociétés établies au Royaume-Uni et distributrices de produits de repeinture pour voitures, ont déposé une plainte auprès de la Commission en invoquant une violation par BASF et Accinauto des règles de concurrence communautaires.

8. Selon les plaignantes, elles s'étaient approvisionnées en produits Glasurit - IMF directement, Calbrook Cars Ltd par l'intermédiaire d'IMF - auprès d'Accinauto depuis 1986. Durant l'été de 1990, Accinauto aurait mis fin à ses fournitures à l'instigation de BASF. Celle-ci et Accinauto se seraient ainsi concertées pour empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni.

9. La Commission a procédé, le 26 juin 1991, à des vérifications dans les locaux commerciaux de BASF, de BASF C & I, d'Accinauto et de Technipaint, une société créée en 1982 par les administrateurs d'Accinauto et ayant le même siège que celle-ci.

10. Elle a ensuite obtenu des différentes parties des renseignements écrits au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après " règlement n° 17 ").

11. Le 12 mai 1993, la Commission a adressé une communication des griefs à BASF et à Accinauto.

12. Le 23 septembre 1993, une audition a eu lieu dans cette affaire.

13. Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a adopté la décision 95/477/CE, du 12 juillet 1995, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (BASF Lacke + Farben AG et SA Accinauto — affaire IV/33.802) (JO L 272, p. 16, ci-après «décision attaquée»). Cette décision a été notifiée à la requérante le 21 juillet 1995.

Contenu de la décision attaquée

14. Dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission constate que l'accord conclu entre BASF et Accinauto, aux termes duquel Accinauto était tenue, du 8 octobre 1982 au 31 décembre 1991, de transférer les demandes de clients («Kundenanfragen weiterzuleiten») provenant de l'extérieur du territoire contractuel à BASF, était contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE (ex-article 85, paragraphe 1). En raison de leur participation à l'infraction ainsi constatée, la Commission inflige à BASF une amende de 2 700 000 écus et, à Accinauto, une amende de 10 000 écus.

15. Dans les considérants de cette décision, l'institution relève, que aux termes de l'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de l'accord de distribution exclusive conclu entre BASF et Accinauto en juin-octobre 1982 (ci-après «accord de 1982»), avec effet rétroactif au 1er janvier 1981, Accinauto s'oblige à «transférer les demandes de clients» provenant de l'extérieur du territoire contractuel à BASF. Elle estime que cette expression doit être entendue en ce sens que celui auquel les commandes des clients sont «transférées» se substitue à celui qui les «transfère». En conséquence, Accinauto n'a pas le droit de décider de façon autonome d'approvisionner des clients établis en dehors de la Belgique ou du Luxembourg. C'est BASF qui décide si et à quelles conditions Accinauto, BASF ou un tiers peut répondre à ces commandes.

16. La Commission souligne que son interprétation de l'article 2 de l'accord est confirmée par l'application constante que les parties en ont faite.

17. Lorsqu'en mars 1986 IMF a pris contact pour la première fois avec Accinauto, celle-ci aurait obtenu une «autorisation exceptionnelle» pour commencer les livraisons. BASF aurait accordé cette autorisation à Accinauto parce qu'elle souhaitait «canaliser et normaliser» les exportations parallèles de produits Glasurit à destination du Royaume-Uni. Ce fait serait à rapprocher de l'action entreprise par BASF dès 1985-1986 contre les exportations parallèles. Pendant neuf mois, elle avait procédé au marquage des produits vendus par des distributeurs en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, en vue de localiser les canaux par lesquels les produits Glasurit arrivaient sur le marché britannique.

18. Selon la Commission, BASF a demandé à Accinauto d'arrêter les livraisons à IMF et aux autres clients britanniques en juin 1989. La décision de mettre fin aux exportations parallèles vers le Royaume-Uni, initialement autorisées, aurait donc été prise par BASF.

19. Toutefois, l'institution constate qu'Accinauto n'a pas respecté l'interdiction qui lui avait été imposée par BASF. A partir de juillet 1989, Accinauto aurait facturé les ventes à IMF par l'intermédiaire de Technipaint et aurait ainsi poursuivi ses livraisons vers le Royaume-Uni, à l'insu de BASF.

20. A la fin de mai 1990, Accinauto aurait cessé les livraisons à IMF, à la suite d'un renforcement du contrôle exercé par BASF. Selon les informations fournies par BASF C & I, le problème des importations parallèles s'aggravait et celle-ci avait des preuves de l'existence d'une source belge.

21. Depuis cette date, Accinauto aurait respecté sans restriction l'accord de 1982. D'après la Commission, l'infraction aux règles de concurrence n'a pris fin que le 1er janvier 1992, date à laquelle est entré rétroactivement en vigueur un nouvel accord de distribution, signé par les parties le 14 décembre 1992 et le 22 janvier 1993. Cet accord ne contient plus la clause incriminée selon laquelle Accinauto est tenue de transférer les commandes de clients qui ne proviennent pas de son territoire contractuel à BASF.

22. L'institution considère que l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 avait pour objet et pour effet de restreindre la concurrence entre Accinauto et d'autres fournisseurs de produits de repeinture pour voitures de la marque Glasurit et, en particulier, entre Accinauto et BASF C & I. Cet accord serait de nature à affecter le commerce entre États membres en limitant les exportations parallèles des produits Glasurit de la Belgique vers le Royaume-Uni.

23. La Commission décide d'infliger des amendes à BASF et à Accinauto, en relevant que l'interdiction des ventes passives est contraire à l'objectif de la création d'un marché commun et constitue une infraction particulièrement grave au droit communautaire, très clair en la matière, y compris en ce qui concerne les produits et le marché affectés. En outre, elle estime que BASF et Accinauto ont commis cette infraction de propos délibéré.

Procédure

24. Le présent recours a été introduit par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 1995.

25. Dans sa requête, la requérante a demandé au Tribunal d'ordonner les mesures d'organisation de la procédure suivantes:

— ordonner que le conseil de la partie requérante puisse avoir accès aux pièces originales de la partie défenderesse concernant la procédure administrative;

— à titre subsidiaire, ordonner que les actes concernant la procédure administrative soient transmis au Tribunal par la partie défenderesse dans leur intégralité afin de permettre l'examen des éléments à décharge;

— ordonner que l'on communique à la partie requérante un procès- verbal complet de l'audition du 23 septembre 1993 en langue allemande.

26. L'affaire, initialement attribuée à la première chambre élargie, a été renvoyée à la première chambre, par décision du Tribunal du 4 décembre 1997, adoptée conformément aux articles 14 et 51 du règlement de procédure.

27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner les mesures d'organisation de la procédure proposées par la requérante. Le Tribunal a également décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à d'autres mesures d'organisation ou d'instruction préalables.

28. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience qui s'est déroulée le 13 janvier 1998.

29. A la suite de l'entrée en fonctions d'un nouveau membre du Tribunal, la composition de la première chambre a été modifiée par décision du Tribunal du 10 mars 1998.

30. Eu égard à l'article 33, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (première chambre), dans sa nouvelle composition, a ordonné la réouverture de la procédure orale par ordonnance du 13 mars 1998, conformément à l'article 62 du même règlement.

31. Les parties ne se sont pas présentées à l'audience du 2 avril 1998. Sur proposition de la partie requérante, la partie défenderesse entendue, le Tribunal a autorisé les parties à se référer à leurs plaidoiries du 13 janvier 1998, sans nouvelle audition, et à déposer des reproductions écrites de ces plaidoiries, lesquelles ont été enregistrées au greffe le 14 avril 1998.

Conclusions des parties

32. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— annuler la décision attaquée, pour autant qu'elle concerne la partie requérante;

— à titre subsidiaire, supprimer ou réduire l'amende imposée à la partie requérante par l'article 2 de cette décision;

— condamner la partie défenderesse aux dépens;

— ordonner à la partie défenderesse de rembourser à la partie requérante les frais de la caution bancaire qu'elle a dû constituer en garantie du paiement de l'amende.

33. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— rejeter le recours;

— condamner la requérante aux dépens.

Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

34. A l'appui de son recours, la requérante soulève trois moyens d'annulation. Le premier est tiré d'une violation des formes substantielles, en ce que les droits de la défense auraient été méconnus. Il s'articule en deux branches tirées, respectivement, d'un refus d'accès au dossier de la Commission et de l'absence de traduction en langue allemande de la totalité du procès-verbal de l'audition. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'accord de 1982 était contraire à cette disposition. Le troisième moyen, enfin, est pris d'un abus de pouvoir, en ce que la Commission aurait exercé de manière erronée son pouvoir discrétionnaire de fixer le montant de l'amende.

Sur le moyen tiré d'une violation des formes substantielles

Première branche du moyen: refus d'accès au dossier

— Arguments des parties

35. La requérante soutient que ses droits de la défense dans la procédure administrative ont été violés, en ce que la Commission lui a refusé l'accès au dossier intégral constitué lors de ladite procédure. Elle estime que, afin de respecter le caractère contradictoire de la procédure prévue par le règlement n° 17, la Commission doit donner aux conseils des entreprises concernées la possibilité d'examiner le dossier original et de décider quels documents ils souhaitent utiliser à l'appui de leurs arguments. L'institution ne peut décider seule quels documents sont utiles à la défense.

36. La requérante relève que la Commission n'a joint à la communication des griefs que des copies d'une partie des documents dont elle disposait, à savoir une liste des documents composant le dossier, ainsi que dix-neuf appendices et trois classeurs séparés avec annexes. Or, la liste récapitulative n'indiquait pas suffisamment la nature des pièces qui, d'après la seule appréciation de la Commission, contenaient des secrets d'affaires des plaignantes ou constituaient des documents internes de la défenderesse. De plus, la numérotation des copies communiquées était soit inexistante, soit illisible, ce qui a empêché la requérante de vérifier leur exhaustivité et leur conformité aux documents originaux.

37. L'introduction dans le mandat du conseiller-auditeur d'une nouvelle disposition, permettant aux entreprises de s'assurer, par l'intermédiaire de celui-ci, de la conformité des copies mises à leur disposition avec les documents originaux, prouverait que la défenderesse a reconnu l'insécurité juridique qui résulte de sa pratique en matière d'accès au dossier. Le document de la chambre de commerce internationale de Paris, annexé au mémoire en réplique, montrerait que cette opinion est partagée par les milieux économiques européens.

38. En rejetant la demande de la requérante visant à permettre à son conseil de consulter le dossier original et de faire des copies des éléments qui ne lui avaient pas été transmis, la Commission n'aurait pas observé en l'espèce les obligations qui lui sont imposées par la jurisprudence du Tribunal (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 54, du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 38, du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/95, Rec. p. II-389, point 30, et du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, points 59 et 81).

39. Selon la requérante, parmi les documents qui lui ont été transmis, aucun ne pouvait être considéré comme étant à sa décharge. Il serait donc probable que la Commission ait sciemment omis de porter à sa connaissance des parties essentielles du dossier qui ont de l'importance pour sa défense. Dans ce contexte, elle soulève l'hypothèse que certains des documents non communiqués pourraient démontrer que les importations parallèles de produits Glasurit n'ont nullement été empêchées dans les années 1986 à 1991.

40. La Commission estime avoir parfaitement appliqué en l'espèce les règles en matière d'accès au dossier qui découlent de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêts Hercules Chemicals/Commission, précité, point 54, Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 41, BPB Industries et British Gypsum/Commission, précité, point 31, et, sur pourvoi, arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310/93 P, Rec. p. I-865). A son avis, la requérante ne saurait déduire de cette jurisprudence qu'elle a un droit à consulter le dossier original afin de vérifier l'exhaustivité et la conformité des copies et de s'assurer que toutes les pièces à charge et à décharge lui ont été transmises.

41. La transmission des documents n'aurait pas été subordonnée à la question de savoir s'ils étaient à charge ou à décharge. La Commission affirme avoir communiqué à la requérante un sommaire complet de toutes les pièces du dossier, ainsi que des copies de l'intégralité des documents, exception faite seulement de ceux qui avaient un caractère confidentiel. Dans la mesure où ce sommaire mentionnait de manière suffisamment claire et précise tous les documents qui n'étaient pas accessibles à la requérante, ou qui l'étaient uniquement en partie, il ne s'agirait pas d'un refus total de divulgation comme celui reproché à la Commission dans les arrêts du Tribunal Solvay/Commission, précité (points 94 et 95), et du 29 juin 1995, ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847, points 100 et 104).

42. L'institution souligne que la requérante a omis de demander accès à des documents spécifiques, mentionnés dans le sommaire, qui ne lui avaient pas été communiqués au motif qu'ils contenaient des secrets d'affaires d'Accinauto et de certaines entreprises tierces. Si la requérante avait formulé une telle demande, la Commission aurait pu consulter les entreprises concernées et décider dans quelle mesure elle aurait pu rendre les documents en question accessibles sans enfreindre le droit de ces entreprises à la protection de leurs secrets d'affaires.

43. En outre, elle rappelle que la requérante n'a pas fait usage de la possibilité, qui lui avait été proposée par lettre du 15 septembre 1993, de s'adresser au conseiller-auditeur pour confirmer l'exhaustivité dudit sommaire.

44. La Commission considère, par conséquent, que l'hypothèse de la requérante, selon laquelle des documents pertinents pour sa défense lui auraient été cachés, ne repose que sur des spéculations et des conjectures. La requérante n'avancerait aucun indice permettant d'établir l'existence effective de tels documents.

— Appréciation du Tribunal

45. Selon la jurisprudence, la procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication de griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17. La Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de l'institution et d'autres informations confidentielles (arrêts Hercules Chemicals/Commission, précité, point 54, Cimenteries CBR e.a/Commission, précité, points 38 et 41, du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, précité, points 29 et 30, et Solvay/Commission, précité, point 59).

46. Compte tenu du principe général de l'égalité des armes, qui présuppose dans une affaire de concurrence que l'entreprise concernée ait une connaissance du dossier utilisé dans la procédure égale à celle dont dispose la Commission, il n'appartient pas à celle-ci de décider seule si les documents saisis dans le cadre de l'instruction de l'affaire sont de nature à disculper l'entreprise intéressée. Par conséquent, la Commission doit au moins établir une liste suffisamment détaillée des documents non annexés à la communication des griefs permettant à l'entreprise qui en est destinataire de demander à avoir accès à des documents spécifiques susceptibles d'être utiles à sa défense (arrêt Solvay/Commission, précité, points 83 et 101).

47. En l'espèce, la Commission a transmis à la requérante une liste des documents composant le dossier, ainsi que dix-neuf appendices et trois classeurs avec annexes contenant des copies des documents accessibles à cette dernière.

48. Il ressort de l'examen de la liste récapitulative des 1336 pages du dossier de la Commission que les documents ou groupes de documents avaient été classés endouze catégories établies en fonction de la nature de leur contenu et en six catégories déterminées selon leur degré de confidentialité. Les documents classés dans la catégorie F étaient dans leur totalité non accessibles à la requérante. Un seul document, classé dans la catégorie D, lui était partiellement accessible. La liste indiquait le nombre de pages de chaque document et leur date d'établissement respective, à l'exception, en ce qui concerne les documents non communiqués, de ceux qui constituaient les pages 97, 103 à 105, 108 à 110, 167, 171, 622 à 626, 690 et 897 à 899 du dossier.

49. Après réception de cette liste, qui lui a été transmise avec la communication des griefs, la requérante n'a adressé à la Commission aucune demande spécifique visant à avoir accès à un ou plusieurs des documents qui n'avaient pas été mis à sa disposition. En effet, dans sa lettre du 16 juin 1993, elle s'est limitée à réclamer l'accès au dossier original et complet constitué par l'institution, en faisant valoir qu'elle n'avait reçu copie que d'une partie des documents recueillis au cours de l'instruction et que, compte tenu d'un manque de lisibilité de la pagination, il lui était difficile de vérifier l'exhaustivité et la conformité des copies par rapport aux documents originaux.

50. Dans ces circonstances, il convient de constater que le refus de la Commission d'autoriser le conseil de la requérante à consulter le dossier original est intervenu dans un contexte différent de celui des affaires ayant donné lieu aux arrêts Solvay/Commission et ICI/Commission, précités. Contrairement aux requérantes dans ces affaires, BASF a disposé d'une liste préparée par les services de la Commission répertoriant l'ensemble des pièces du dossier, y compris celles qui ne lui avaient pas été transmises. Cette liste constituait une base suffisante pour que la requérante prenne connaissance de l'existence des documents en question et, le cas échéant, pour qu'elle conteste le fait que la Commission ne lui avait pas communiqué des documents d'une certaine nature, notamment des annexes de la plainte ou des documents trouvés chez Accinauto, lesquels auraient été éventuellement susceptibles d'être utilisés dans sa défense.

51. Étant donné que la requérante n'a formulé aucune demande précisant l'origine ou les catégories de documents non transmis auxquels elle souhaitait avoir accès, elle n'a pas mis la Commission en mesure de lui apporter une réponse qui soit conforme aux méthodes selon lesquelles l'institution est tenue de donner à l'entreprise intéressée accès aux documents contenant des secrets d'affaires d'entreprises tierces ou d'autres entreprises impliquées dans la procédure. Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir utilisé l'une des méthodes précisées aux points 92 et 93 de l'arrêt Solvay/Commission, précité, à savoir la préparation de versions non confidentielles de tous les documents contenant des secrets d'affaires des plaignantes et d'Accinauto ou, en cas de difficulté, la consultation de ces entreprises pour obtenir des documents expurgés de données sensibles.

52. Il en résulte que la Commission a pu légitimement se fonder sur l'obligation de confidentialité qui lui incombait à l'égard de certains documents pour rejeter la demande de la requérante visant à avoir un accès intégral au dossier.

53. Dans la mesure où BASF n'a pas précisé davantage devant le Tribunal quels documents auraient été considérés à tort comme confidentiels ni les pièces dont elle aurait souhaité obtenir une version non confidentielle, elle n'a pas démontré l'utilité des mesures d'organisation de la procédure qu'elle a demandées.

54. En effet, la simple allégation par la requérante de l'absence, parmi les pièces communiquées, de la moindre pièce à décharge ne saurait établir l'existence effective de pièces de cette nature parmi les documents que la Commission a pu à bon droit ne pas lui transmettre en se fondant sur leur caractère confidentiel (arrêts du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, précité, point 33, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, précité, point 27).

55. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de mesure d'organisation de la procédure visant à ce qu'il soit ordonné à la défenderesse de communiquer à la requérante l'intégralité du dossier.

56. De même, lorsqu'une entreprise n'avance aucun élément spécifique permettant de mettre en doute le caractère confidentiel de certains documents figurant dans le dossier, il n'appartient pas au juge communautaire de consulter chaque document non divulgué afin de vérifier les arguments invoqués par la Commission pour ne pas les communiquer (arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, précité, point 30).

57. Par suite, il n'y a pas lieu non plus d'accueillir la demande subsidiaire de mesure d'organisation de la procédure visant à ce qu'il soit ordonné à la Commission de transmettre au Tribunal la totalité du dossier.

58. Quant à l'argument de la requérante tiré de l'inexistence ou de l'illisibilité de la numérotation des copies qui lui ont été transmises, ce qui l'aurait empêchée de vérifier l'exhaustivité et la conformité de ces copies aux documents originaux, il convient d'admettre qu'un manque de soins dans la reproduction des documents et dans la numérotation des pages peut nuire à leur compréhension. Toutefois, les défauts de pagination invoqués ne peuvent, en l'espèce, être considérés comme une atteinte aux droits de la défense. En effet, la requérante n'allègue pas que la Commission aurait refusé de lui fournir des copies lisibles et correctement numérotées et, contrairement à ce qui lui avait été proposé, elle a choisi de ne pas s'adresser au conseiller-auditeur pour faire vérifier l'exhaustivité des copies par rapport au dossier original.

59. Les arguments tirés des critiques dont feraient l'objet les procédures d'accès au dossier mises en place par la Commission, en particulier de la part de la chambre de commerce internationale de Paris, et du fait que ces critiques auraient été reconnues fondées lors de l'adoption de la décision 94/810/CECA/CE de la Commission, du 12 décembre 1994, relative au mandat des conseilleurs-auditeurs dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission (JO L 330, p. 67), doivent également être écartés. Ces arguments de caractère général ne sont pas de nature à établir la réalité d'une violation des droits de la défense, qui doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt Solvay/Commission, précité, point 60).

60. Il s'ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.

Seconde branche: absence de traduction en langue allemande de la totalité du procès-verbal de l'audition

— Arguments des parties

61. La requérante fait valoir que, en omettant de mettre à sa disposition une version du procès-verbal de l'audition du 23 septembre 1993 intégralement rédigée en langue allemande, la Commission a commis une violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385). Cet article dispose que «les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un État membre sont rédigés dans la langue de cet État».

62. Selon la requérante, le procès-verbal d'audition constitue un document de procédure visé à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268). En tant qu'entreprise intéressée, elle aurait droit à ce que le procès-verbal lui soit communiqué dans la langue de l'État dont elle relève (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 48 et 49).

63. Le fait qu'elle n'a pas disposé d'un support écrit contenant la traduction des déclarations des autres participants à l'audition qui s'y sont exprimés en langue française ou en langue anglaise, notamment celles des représentants d'Accinauto, des entreprises plaignantes et des États membres, l'aurait empêchée de préparer convenablement sa défense dans la procédure administrative. En effet, même si la Commission a assuré l'interprétation simultanée de ces déclarations au cours de l'audition, la traduction en langue allemande de la totalité du procès-verbal serait essentielle à la compréhension des griefs retenus contre la requérante, en particulier pour lui permettre d'éclaircir les faits évoqués à cette occasion avec ses employés qui n'ont pas été présents à l'audition. Ses droits de la défense auraient donc été violés.

64. La Commission considère au contraire que le procès-verbal d'audition ne constitue pas un «texte» au sens de l'article 3 du règlement n° 1, du 15 avril 1958, précité. Dans les affaires concernant l'application des règles de concurrence, la jurisprudence aurait appliqué cette disposition uniquement aux communications des griefs et aux décisions intervenant dans la procédure administrative. Elle relève que le procès-verbal sert à consigner les remarques des représentants des différentes parties et leur est envoyé exclusivement pour qu'elles puissent vérifier si leurs propres déclarations ont été correctement enregistrées (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, points 72 à 75). Il ne s'agirait pas d'un document établi à l'intention des entreprises participant à la procédure.

65. En toute hypothèse, un vice de procédure ne pourrait être retenu, dès lors que les déclarations de la requérante à l'audition étaient reproduites en langue allemande et qu'elle n'a pas prétendu que le procès-verbal contenait des incorrections ou des omissions substantielles la concernant.

— Appréciation du Tribunal

66. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, du 25 juillet 1963, précité, «les déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture».

67. En l'espèce, il est constant que la requérante a été en état de prendre utilement connaissance de l'essentiel de ses propres déclarations à l'audition du 23 septembre 1993, consignées en langue allemande dans le procès-verbal, et qu'elle n'allègue pas que celui-ci comporterait à son égard des inexactitudes ou omissions substantielles.

68. En outre, la requérante ne conteste pas avoir eu la possibilité de suivre les déclarations des autres personnes entendues grâce à l'interprétation simultanée.

69. La requérante ne peut se prévaloir de l'absence de traduction des parties du procès-verbal rédigées dans une langue autre que celle de l'État membre dont elle relève pour établir une violation de ses droits de la défense. En effet, l'absence de traduction n'est pas susceptible, en l'espèce, d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure administrative (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 52, et Parker Pen/Commission, précité, point 74).

70. Les difficultés que la requérante aurait éprouvées dans la préparation de sa défense ne sauraient modifier cette appréciation, étant donné qu'elle a étéreprésentée à l'audition et que la Commission a mis à sa disposition un support écrit contenant les déclarations émises par les autres participants dans leur langue originale.

71. Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche du moyen. Il en résulte que le moyen tiré d'une violation des formes substantielles doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'accord de 1982 était contraire à cette disposition

72. En substance, la requérante conteste que l'accord de 1982 ait constitué une entente contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE, destinée à empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni. La Commission aurait commis des erreurs d'appréciation, en premier lieu, dans son interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de cet accord, en deuxième lieu, dans sa conclusion selon laquelle la mise en œuvre de l'accord par les parties confirmerait son interprétation de celui-ci, en troisième lieu, dans son analyse des effets dudit accord sur la concurrence et sur le commerce entre États membres et, en quatrième lieu, en ce qui concerne la date de cessation de la prétendue infraction aux règles de concurrence.

Première branche: interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982

— Arguments des parties

73. La requérante soutient que l'expression «transférer les demandes de clients» contenue dans l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 vise exclusivement le transfert d'informations lui permettant de mieux planifier son organisation de distribution et sa stratégie commerciale, ainsi que de remplir son obligation d'approvisionnement équitable du marché, en cas de difficultés de livraison.

74. Elle affirme que le terme «transférer» signifie «informer» aussi bien dans le paragraphe 1 que dans le paragraphe 2 de l'article 2. En effet, aucune obligation de transfert des commandes ne serait prévue dans cet article, étant donné qu'elle découle implicitement du droit de distribution exclusive sur le territoire contractuel octroyé à Accinauto en vertu de l'article 1er. En outre, l'article 2 ne concernerait que les «demandes» des clients, lesquelles auraient uniquement pour objet l'obtention de renseignements sur les possibilités et les conditions de livraison. Il ne s'appliquerait donc pas aux commandes des clients.

75. Selon la requérante, aucun terme de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord n'exige son consentement pour les ventes en dehors du territoire contractuel d'Accinauto. Il suffirait à cet égard de comparer le texte de la clause incriminée avec le texte de la réserve d'approbation par le fabricant contenue dans un accord de distribution pour la région du Nigéria, également conclu par la requérante en 1982.

76. Elle expose que, en vertu de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de l'accord de 1982, Accinauto s'engageait à l'informer régulièrement sur la situation générale du marché et à établir un rapport annuel sur les ventes. Toutefois, dans la mesure où l'article 4 ne s'appliquait qu'aux informations relatives à l'activité sur le territoire contractuel, les informations sur les demandes adressées à Accinauto en provenance de l'extérieur de ce territoire seraient uniquement couvertes par l'article 2, paragraphe 2, de l'accord. La requérante relève que les informations concernant les ventes en-dehors du territoire concédé présentaient également un grand intérêt pour elle, notamment pour éviter que ces ventes ne soient prises en compte dans le chiffre d'affaires réalisé par chaque distributeur sur son territoire exclusif. En effet, le montant de certains soutiens accordés par BASF à ses distributeurs, par exemple des contributions aux frais de publicité, serait déterminé en fonction du chiffre d'affaires qu'ils avaient réalisé sur leurs territoires respectifs.

77. La requérante fait valoir, en outre, que l'historique de l'accord est pertinent pour comprendre l'attention accordée par les parties à la question de la compatibilité de celui-ci avec les règles de concurrence communautaires. L'ancien contrat de vente exclusive conclu entre Accinauto et le prédécesseur en droit de BASF aurait été notifié à la Commission en 1969. A la suite d'objections formulées par celle-ci, les parties auraient renoncé en 1970 à une clause stipulant qu'Accinauto n'était pas autorisée à exporter les marchandises qui faisaient l'objet du contrat en dehors du territoire concédé.

78. Compte tenu de ce précédent, à l'époque des négociations ayant abouti à l'accord de 1982, la requérante aurait reçu du directeur de son service juridique l'assurance de la conformité au droit communautaire du nouvel article 2, paragraphe 2. Étant donné que les parties n'entretenaient aucun doute sur la régularité de cette clause, elles n'ont pas estimé nécessaire de notifier l'accord de 1982 à la Commission.

79. L'institution défenderesse considère que les raisons avancées par la requérante pour justifier son interprétation de l'obligation de transfert prévue à l'article 2, paragraphe 2, de l'accord ne sont pas convaincantes. La Commission réaffirme que cette clause contient une interdiction dissimulée des ventes passives à l'exportation sans autorisation préalable et non une simple obligation de transfert d'informations.

— Appréciation du Tribunal

80. Il convient de rappeler que l'article 2 de l'accord de 1982 est placé sous l'intitulé «Droit de distribution exclusive et interdiction de concurrence». Son paragraphe 2, premier alinéa, prévoit: «Le concessionnaire s'engage à transférer à [BASF] les demandes de clients provenant de l'extérieur du territoire contractuel et à ne faire aucune publicité, à n'établir aucune succursale et à n'entretenir aucun dépôt pour la distribution des produits visés au contrat en dehors du territoire concédé.»

81. Il est constant entre les parties à la présente procédure que la dernière partie de la clause contractuelle en question contient une interdiction des mesures actives de vente par le concessionnaire en dehors du territoire concédé, laquelle est conforme au droit communautaire de la concurrence. Le litige quant à l'interprétation à donner à ladite clause porte donc uniquement sur la partie qui concerne les ventes passives à des clients établis en dehors du même territoire.

82. Afin de déterminer si les parties à l'accord de 1982 sont convenues d'une restriction à la liberté du concessionnaire d'effectuer des ventes passives des produits qui font l'objet du contrat de distribution exclusive à des clients établis dans d'autres États membres et si, par conséquent, elles ont conclu un accord interdit par l'article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit prendre en considération plusieurs éléments d'interprétation. Ces éléments comprennent, à part l'examen du libellé de l'article 2, paragraphe 2, et du champ d'application des autres clauses du contrat qui présentent un rapport avec l'obligation du concessionnaire prévue dans cette clause, les circonstances de fait et de droit entourant la conclusion et la mise en œuvre de cet accord, lesquelles permettent d'en éclairer la finalité.

83. Le libellé de l'article 2, paragraphe 2, indique clairement que les parties ont stipulé un régime particulier pour le traitement des demandes émanant de clients établis à l'extérieur du territoire contractuel. Toutefois, il ne précise pas dans quel but ces demandes doivent être transmises au fabricant ni les conséquences qui en découlent pour la liberté du concessionnaire d'effectuer les ventes passives sollicitées, notamment lorsqu'elles proviennent de clients établis dans d'autres États membres.

84. Le Tribunal observe que, dans le cadre d'une interprétation littérale de cette clause, il est sans importance que l'obligation de transfert soit applicable aux demandes, lesquelles viseraient uniquement à déterminer les possibilités et les conditions d'approvisionnement par Accinauto, et non pas aux commandes passées par des clients extérieurs au territoire contractuel. Ainsi que la Commission l'a souligné, si une réponse négative était donnée à une demande transférée en application de cette clause, il serait inutile pour le client de passer une commande à Accinauto. Le fait que le concessionnaire soit obligé de transférer les demandes qui précèdent les commandes ne permet pas de conclure qu'il maintient entière sa liberté de décision et qu'il n'est soumis à aucune restriction en ce qui concerne la satisfaction de ces dernières.

85. S'agissant de l'insertion de l'article 2, paragraphe 2, dans l'accord et de la détermination de sa finalité par rapport à celle d'autres clauses prévoyant des échanges d'information entre les parties, il convient, en premier lieu, de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle les obligations de transfert des paragraphes 1 et 2 de l'article 2 sont de même nature que les obligations d'information prévues à l'article 4 du même accord. En effet, si selon l'article 4, paragraphes 1 et 2, Accinauto s'engage à informer régulièrement BASF sur les ventes et sur la situation du marché sur le territoire contractuel, ces informations ont un caractère général et ne doivent être détaillées qu'au moyen de rapports récapitulatifs, établis à l'issue de chaque année civile. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 2 prévoient, au contraire, que le concessionnaire ou le fabricant seront immédiatement informés de la réception des demandes selon qu'elles émanent, respectivement, de clients établis sur le territoire concédé ou de clients établis à l'extérieur de ce territoire. Il y a donc lieu de constater que les obligations de transfert de l'article 2, en ce qu'elles prévoient la notification réciproque de demandes d'approvisionnement spécifiques, sont d'une nature différente de celle des obligations d'information prévues à l'article 4.

86. Il y a lieu de relever, en second lieu, que, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, l'obligation pour BASF de transmettre au concessionnaire toutes les demandes et toutes les informations susceptibles de permettre la vente des produits concernés sur le territoire contractuel fait suite à une interdiction pour elle d'utiliser d'autres circuits de distribution sur ledit territoire. L'obligation de transfert prévue dans cette clause, tout comme l'interdiction d'utiliser d'autres circuits de distribution, intègre ainsi la substance même du droit exclusif octroyé à Accinauto, dans la mesure où elle est nécessaire à l'exercice effectif de ce droit. Il s'ensuit que l'interprétation soutenue par la requérante, selon laquelle le terme «transférer» signifie simplement «informer» l'autre partie de l'existence de demandes d'approvisionnement, aussi bien dans le paragraphe 1 que dans le paragraphe 2 de l'article 2, ne peut être retenue.

87. Étant donné que l'obligation de transfert mise à la charge du concessionnaire par l'article 2, paragraphe 2, de l'accord couvre uniquement les demandes provenant de l'extérieur du territoire contractuel, il ne saurait être considéré que la seule finalité de cette clause est de permettre à la requérante de mieux planifier son organisation de distribution et sa stratégie commerciale. La Commission a relevé à juste titre que, si la requérante souhaitait être informée sur la quantité et la qualité des produits sur lesquelles portaient les demandes adressées à Accinauto, l'obligation de transfert aurait dû s'appliquer tout autant aux demandes de clients établis sur le territoire contractuel. Ces informations auraient pu, par ailleurs, être fournies régulièrement à la requérante de manière générale ou dans le cadre de rapports récapitulatifs, comme prévu à l'article 4 de l'accord, et non pas préalablement à chaque livraison. BASF ne saurait non plus prétendre qu'elle avait besoin de connaître à l'avance la destination des marchandises commandées à Accinauto afin d'être en mesure de répartir uniformément entre ses concessionnaires des quantités de livraison limitées. Son intérêt à obtenir des informations sur les ventes à l'exportation, notamment en vue du calcul des subventions pour publicité qu'elle accordait à chaque concessionnaire, aurait pu également être satisfait par une obligation d'établir des rapports récapitulatifs concernant ces ventes.

88. Le Tribunal considère, par conséquent, que les explications fournies par la requérante au sujet de la finalité de l'obligation de transfert de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982 ne sont pas de nature à infirmer la thèse de la Commission, selon laquelle cette clause contient une interdiction dissimulée des ventes passives à l'exportation sans autorisation préalable.

89. En outre, l'historique de l'accord permet d'expliquer la rédaction ambiguë que les parties à l'accord de 1982 ont donnée à la clause incriminée et le caractère dissimulé de l'interdiction d'exportation qu'elle contient. La requérante ne saurait nier le contenu implicite de cette clause en invoquant le fait que, dans l'accord de distribution exclusive pour le Nigéria qu'elle a également conclu en 1982, une interdiction explicite des exportations a été prévue. En effet, dans la mesure où cet accord n'est pas soumis aux exigences posées par les règles de concurrence communautaires, les parties pouvaient exprimer de manière plus claire leurs intentions.

90. Dans ces conditions, il convient d'examiner si, comme le soutient la Commission, son interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982, est encore confirmée par le fait que les parties ont mis en œuvre une entente visant à empêcher des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni.

Deuxième branche: mise en œuvre de l'accord

— Arguments des parties

91. La requérante soutient que la mise en œuvre de l'accord litigieux montre que la Commission a interprété de manière erronée le terme «transférer». Elle estime que les faits corroborent sa propre interprétation de cet accord.

92. Lorsque, en mars 1986, IMF a adressé pour la première fois une demande à Accinauto, l'administrateur de celle-ci, M. Dudouet, n'aurait pris contact avec la requérante qu'afin de se renseigner sur la situation du marché et sur la disponibilité des produits demandés. M. Dudouet réalisait rarement des exportations et avait déduit que les commandes pour le marché britannique promettaient de porter sur de grosses quantités. Étant donné que les produits demandés par IMF étaient des produits de vente facile et que, selon les habitudes du marché de réparation de voitures, les quantités devaient être livrées à bref délai, des éventuels retards de livraison auraient pu conduire à de graves problèmes chez les clients. Contrairement à ce que soutient la Commission, Accinauto n'aurait donc demandé l'autorisation de la requérante ni pour effectuer les livraisons à IMF ni pour fixer les conditions applicables à ces ventes.

93. Accinauto aurait livré à IMF les quantités souhaitées, et les relations d'affaires entre les deux sociétés se seraient développées avec succès par la suite. Jusqu'en 1990, les commandes passées par IMF auraient augmenté de manière constante, ainsi que les rabais qui lui étaient accordés par Accinauto.

94. A la fin de cette période, la faiblesse de la livre sterling ainsi que des hausses de prix en Belgique et aux Pays-Bas auraient contribué à un recul des importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni. Pour cette raison, la requérante n'aurait pas partagé les préoccupations au sujet des importations parallèles exprimées par BASF C & I dans une télécopie du 28 mars 1990.

95. Cependant, une situation de pénurie frappant certains produits Glasurit, M. Dudouet aurait été prié d'utiliser les produits disponibles pour approvisionner en priorité les clients sur son territoire de distribution exclusive.

96. A partir de juin 1989, les ventes effectuées par Accinauto à IMF auraient été facturées au nom de la firme Technipaint uniquement afin de séparer les exportations des opérations belges. Cette séparation serait devenue possible en 1989, après la mise en service d'un nouveau système informatique. Elle permettait à Accinauto d'accroître la transparence de ses opérations et de limiter le paiement des primes dues à ses collaborateurs. BASF aurait également tenu à l'enregistrement séparé des opérations, étant donné qu'elle contribuait aux frais de publicité relatifs aux ventes sur le territoire contractuel.

97. Contrairement à ce qui est affirmé aux points 75 et 76 des considérants de la décision attaquée, Accinauto n'aurait pas cessé d'approvisionner IMF à la fin de mai 1990, mais seulement en décembre 1990. La première commande parvenue à Accinauto depuis la livraison de la fin de mai 1990 serait datée du 4 décembre 1990. IMF n'aurait pas passé de nouvelle commande entre ces deux dates, malgré la référence à une future commande qui se trouve dans la lettre adressée par les avocats d'IMF à Accinauto le 3 juillet 1990.

98. Accinauto aurait pris la décision de ne plus livrer IMF de manière autonome, en raison du manque de fiabilité de celle-ci et de l'attitude menaçante qu'elle avait adoptée. Depuis août 1989, IMF n'aurait plus payé les factures dans les délais. Lors d'un entretien avec Accinauto le 5 juin 1990, IMF aurait insisté pour obtenir des livraisons supplémentaires, alors que des goulets d'étranglement affectaient la disponibilité d'un grand nombre de produits Glasurit. Elle aurait menacé Accinauto de porter plainte pour violation des règles de concurrence et d'établir une succursale en Belgique dans le but de réaliser des exportations directes vers le Royaume-Uni.

99. Par lettre du 7 février 1991, en lui transmettant copie de la lettre qu'elle avait adressée à IMF le 19 décembre 1990, Accinauto aurait informé pour la première fois la requérante de la rupture définitive de ses relations commerciales avec IMF.

100. La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des difficultés de livraison invoquées, dont elle aurait apporté des éléments de preuve convaincants au cours de la procédure administrative. Ses capacités de livraison auraient subi des goulets d'étranglement importants pendant la période considérée, en raison de différents facteurs. Les principales gammes de produits, notamment les couleurs de base les plus utilisées, en auraient été affectées.

101. La requérante aurait établi un réseau d'information entre elle et ses distributeurs, parmi lesquels Accinauto, afin d'assurer un approvisionnement régulier du marché européen dans un contexte de pénurie. En effet, pour remplir ses obligations de livraison à l'égard des clients de produits Glasurit, elle aurait souhaité connaître les courants de marchandises et la situation des ventes dans les différents marchés nationaux.

102. En outre, elle estime avoir pu légitimement s'attendre à ce que ses distributeurs exclusifs veillent à approvisionner le mieux possible les anciens clients sur leurs territoires respectifs et à ce qu'ils n'utilisent pas les maigres ressources pour accepter de nouvelles commandes ou effectuer des livraisons en dehors de ces territoires.

103. Le caractère licite de son comportement serait reconnu par les considérants du règlement (CEE) n° 1983/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive (JO L 173, p. 1, ci-après «règlement n° 1983/83»), comme il l'avait déjà été par les considérants du règlement n° 67/67/CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849). Les parties à un accord de distribution exclusive pourraient donc y inclure des clauses permettant au fabricant de vérifier si le but principal d'un tel accord, à savoir celui d'agir de manière intensive sur le territoire contractuel, est respecté par le distributeur.

104. La requérante soutient que la situation de pénurie invoquée donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et permet ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par la décision attaquée (arrêts de la Cour du 29 juin 1978, BP/Commission, 77/77, Rec. p. 1513, points 32 et 33, et du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16).

105. La Commission réitère sa conclusion selon laquelle la mise en œuvre de l'accord par les parties, en particulier à partir de mars 1986, confirme que son article 2, paragraphe 2, contenait effectivement un droit d'approbation des ventes passives réservé au fabricant. Les explications données par la requérante ne seraient pas convaincantes ni susceptibles d'invalider l'appréciation juridique des comportements constatés dans la décision attaquée. En outre, elle souligne que la requérante avait déjà fait valoir pendant la procédure administrative ses difficultés de livraison, lesquelles auraient fait l'objet d'une analyse approfondie dans le cadre de cette procédure.

106. La défenderesse soutient que les pièces du dossier contredisent la version des faits présentée par la requérante. La note interne du 5 juin 1990, mentionnée aux points 43 et 52 des considérants de la décision attaquée, montrerait que BASF avait accordé une «autorisation exceptionnelle» à M. Dudouet pour effectuer des livraisons à IMF, à la suite de la première commande que celle-ci avait passée auprès d'Accinauto en mars 1986. Il ressortirait d'autres documents que l'arrêt des livraisons à IMF a bien eu lieu à l'instigation de BASF et que , à partir de juin 1989, Accinauto a facturé ces ventes par l'intermédiaire de Technipaint dans le but de les dissimuler. Finalement, à la suite d'un contrôle renforcé exercé par la requérante, Accinauto aurait mis fin aux exportations en mai 1990.

107. Selon la Commission, les difficultés de livraison invoquées par la requérante ne sauraient expliquer le comportement des parties à l'accord, étant donné que la période de pénurie se situe uniquement entre 1988 et la fin de 1990. Par ailleurs, elle relève que la correspondance échangée entre la requérante et ses concessionnaires au sujet des importations parallèles au Royaume-Uni ne présente aucune trace d'une crainte concernant l'approvisionnement éventuellement insuffisant des autres marchés nationaux. Le retrait de l'autorisation exceptionnelle accordée à Accinauto s'expliquerait non pas par les difficultés de livraison éprouvées par la requérante, mais par le fait que les importations parallèles étaient préjudiciables à BASF C & I et entraînaient une réduction des prix pratiqués au Royaume-Uni.

108. En tout état de cause, les conclusions que la requérante prétend tirer de l'arrêt BP/Commission, précité, et des considérants du règlement n° 1983/83 seraient erronées. Le fabricant ne pourrait prescrire au distributeur exclusif de ne plus revendre qu'à des clients établis sur le territoire contractuel en se réservant le droit correspondant de refuser de le fournir lors d'une «situation de pénurie». Une telle clause serait incompatible avec l'application du règlement n° 1983/83. La Commission fait observer que la requérante, pour bénéficier des avantages conférés par ce règlement, doit également en supporter les inconvénients.

— Appréciation du Tribunal

109. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'infraction aux règles de concurrence constatée dans la décision attaquée concerne la conclusion par les parties d'un accord ayant pour objet d'empêcher les importations parallèles de produits Glasurit au Royaume-Uni. L'examen de la mise en œuvre de l'accord de 1982 vise donc uniquement à confirmer le bien-fondé de l'interprétation que la Commission a donnée à l'article 2, paragraphe 2, de cet accord.

110. A cet égard, la requérante nie l'existence d'un lien de causalité entre les faits relevés dans la décision attaquée et la mise en œuvre d'un prétendu accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. Le comportement des parties à l'accordde 1982 s'expliquerait par les difficultés de livraison auxquelles BASF a été confrontée dans la période de référence, ainsi que par des décisions commerciales prises d'une manière autonome par Accinauto.

111.Toutefois, la Commission a relevé à juste titre que les goulets d'étranglement n'ont affecté les livraisons de BASF que de 1988 à 1990, tandis que l'accord incriminé était en vigueur de 1982 à 1991.

112. Les difficultés d'approvisionnement invoquées ne peuvent donc expliquer l'action de marquage des produits vendus par les distributeurs en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, que BASF a entreprise au cours des années 1985-1986 en vue de localiser les canaux par lesquels les produits Glasurit arrivaient sur le marché du Royaume-Uni.

113. Ces difficultés ne peuvent non plus corroborer l'explication que la requérante a fournie pour son contact avec Accinauto en mars 1986, avant la première livraison à IMF. En effet, aucune raison objective n'exigeait que M. Dudouet s'informe au préalable de la disponibilité des produits commandés.

114. En outre, les relations commerciales entre Accinauto et IMF se sont intensifiées en 1989, nonobstant les difficultés sérieuses éprouvées par BASF pendant toute cette année. A l'époque de la rupture de ces relations, au mois de juin 1990, la situation de pénurie invoquée par la requérante se trouvait déjà atténuée en grande partie.

115. De surcroît, il ressort des notes internes de BASF, ainsi que de la correspondance qui lui a été adressée par BASF C & I et par Accinauto, que le problème des importations parallèles se posait sous l'angle de leurs effets sur les activités de la filiale britannique et non pas dans le contexte des difficultés de livraison pouvant affecter l'approvisionnement des clients belges et luxembourgeois.

116. Il en résulte que les difficultés ayant affecté les livraisons de la requérante n'ont pas eu, en l'espèce, une incidence substantielle sur la mise en œuvre de l'accord de 1982. Dans ces conditions, les arguments qu'elle développe sur la licéité de son comportement en situation de pénurie, notamment à la lumière de l'arrêt BP/Commission, précité, et des considérants du règlement n° 1983/83, ne sont pas pertinents pour l'examen de la présente affaire.

117. Le Tribunal constate que, selon une note interne de BASF en date du 5 juin 1990, Accinauto avait obtenu une «autorisation exceptionnelle» pour livrer IMF:

«Le propriétaire de la firme [IMF] à Derby insiste pour que d'autres livraisons de produits de repeinture pour voitures soient effectuées par Accinauto (1989, environ 10 tonnes). Pour ce client, M. Dudouet avait obtenu à l'époque une autorisation exceptionnelle de livraison de M. Kunath. A ce moment-là, cette autorisation a été donnée pour une quantité de livraisons limitée au départ de Bruxelles. Motif: pas d'augmentation de volume par d'autres distributeurs belges. Si l'accord n'est pas donné pour une nouvelle livraison, on nous menace d'une plainte en justice. [...] M. Dudouet attend des informations sur la façon de poursuivre l'action!»

118. Dans une lettre du 7 juin 1989, adressée à BASF, M. Dudouet fait référence au contexte dans lequel cette autorisation avait été accordée et maintenue jusqu'à cette date:

«Voici trois ou quatre ans, Glasurit a décidé, à la suite du grand volume d'importations parallèles en Angleterre, d'apposer avec notre aide, sur tous les produits vendus en provenance de nos stocks, un marquage propre à chaque client, pour permettre la preuve facile de l'origine de la livraison. [...] Compte tenu de ce commerce, nous avons convenu avec Glasurit d'essayer de canaliser et de normaliser ces achats, pour suivre les quantités achetées par nos clients, indépendamment de la vente en dehors du territoire concédé. [...] Nous attirons votre attention sur le fait que, si nous mettons fin à ce réseau, nous ne pouvons plus vous garantir que nos 70 concessionnaires ou grands ateliers de carrosserie ne seront pas tentés ou sollicités de faire des affaires avec la Grande-Bretagne, ce qui perturberait sensiblement notre marché intérieur.»

119. Il ressort de ces documents particulièrement clairs que, contrairement à ce que prétend la requérante, Accinauto n'a pas agi de manière autonome dans le cadre de ses relations commerciales avec IMF. L'intensité du contrôle qui était exercé sur les exportations d'Accinauto par BASF est confirmée dans une autre note interne, datée du mois de juin 1990:

«Ci-joint la réponse d'Accinauto à notre question de combien de matériel [Glasurit] va de Belgique en Grande-Bretagne. Nous devons supposer que Dudouet dit la vérité. Il sait très bien qu'il dépend de nous et ne voudra prendre aucun risque.»

120. La deuxième branche du moyen, tirée d'une erreur que la Commission aurait commise dans l'appréciation de la mise en œuvre de l'accord de 1982, doit, par conséquent, être écartée.

Troisième branche: effets de l'accord sur la concurrence et sur le commerce entre États membres

— Arguments des parties

121. La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment pris en considération les particularités du marché britannique de produits de repeinture pour voitures.

122. Elle expose que les coûts de commercialisation de ses produits étaient et sont plus élevés au Royaume-Uni que sur les autres marchés européens. L'introduction relativement tardive sur le marché britannique des produits dits de «nouvelle technologie» aurait comme résultat que BASF C & I est confrontée à des coûts exceptionnels pour faire connaître cette technologie et assurer le service après-vente auprès des ateliers. Les commerçants de plusieurs marques et les importateurs parallèles, qui n'offrent pas de soutien technique ni une gamme complète de produits, profiteraient, sans qu'il leur en coûte rien, des prestations fournies par le fabricant et par son distributeur exclusif.

123. La requérante indique que les importations parallèles de produits Glasurit se sont développées en raison de la différence de prix sur le marché de produits de repeinture pour voitures existant entre le Royaume-Uni et les autres pays de la Communauté. Cette différence se serait expliquée surtout par des coûts de commercialisation plus importants au Royaume-Uni, mais également par le système de contrôle des prix en vigueur en Belgique dès le début des années 80, lequel avait été décidé par l'État belge en vue d'empêcher une augmentation des prix à la consommation finale.

124. Néanmoins, la Commission aurait estimé à tort que la position des produits Glasurit sur le marché britannique et les différences de prix existant entre la Belgique et le Royaume-Uni étaient de nature à favoriser une activité considérable d'importations parallèles, laquelle aurait été empêchée par l'accord de 1982.

125. La requérante conteste l'exactitude des parts de marché qui sont indiquées au point 16 des considérants de la décision attaquée comme étant censées représenter les importations parallèles de produits Glasurit dans le total des ventes de ces produits sur le marché britannique du Royaume-Uni pour les années 1986 à 1990. En réalité, la valeur totale des importations parallèles pour chaque année serait nettement restée au-dessous des 2 000 000 DM par an, les ventes totales d'Accinauto à IMF représentant bien moins de 500 000 DM par an, même pour les meilleures années.

126. BASF relève que les prix à considérer en matière de concurrence sont les prix nets de vente par le distributeur, qui correspondent aux «prix catalogue» après déduction du rabais accordé à l'acheteur. Or, selon elle, les écarts entre les prix pratiqués en Belgique et ceux pratiqués au Royaume-Uni diminuaient sensiblement si l'on considérait les prix de vente nets et non pas les «prix catalogue». La requérante invoque à titre d'exemple les différences entre les «prix catalogue» et les prix nets pratiqués en 1988 par Accinauto et par BASF C & I pour les produits des lignes 21 et 54. Il en ressortirait que l'activité d'importations parallèles ne valait la peine que lorsque des rabais suffisamment importants étaient accordés aux importateurs.

127. En ce qui concerne les écarts de prix, la requérante présente des nouveaux chiffres. Elle estime que les annexes 55 et 56 qu'elle a versées au dossier prouvent que les rabais accordés par BASF C & I pouvaient effectivement atteindre 52 %, ce qui porterait les prix nets de vente au Royaume-Uni à un niveau très proche de celui des prix nets pratiqués par Accinauto en Belgique, malgré les différences existantes au niveau des «prix catalogue». La requérante rappelle que, lors de sa réponse à la communication des griefs, elle a remis à la Commission un tableau comparatif des prix pour la période de 1988 à 1991. Ce tableau montrerait qu'une partie de la marchandise était livrée par BASF à plus bas prix au Royaume-Uni qu'en Belgique et expliquerait pourquoi IMF exigeait sans cesse des rabais plus importants de la part d'Accinauto.

128. De surcroît, la Commission aurait omis de prendre en considération le fait que, outre Accinauto, des distributeurs dans d'autres États membres pouvaient servir de source d'approvisionnement pour les importations parallèles au Royaume-Uni. D'après les connaissances actuelles de la requérante, un grand nombre d'entreprises auraient vendu, à côté d'Accinauto, des produits Glasurit pour l'importation au Royaume-Uni durant l'époque de référence. Les importateurs parallèles seraient parfaitement informés sur les sources d'approvisionnement respectives dans les différents pays de la Communauté et effectueraient des achats communs auprès des distributeurs qui pratiquaient les prix les plus avantageux pour chaque ligne de produits. Cela serait confirmé par le fait que IMF se procurait chez Accinauto certains produits pour le compte de Calbrook Cars Ltd, alors que celle-ci obtenait d'autres produits à de meilleures conditions aux Pays-Bas et en Allemagne.

129. Selon la requérante, les quantités exportées par Accinauto ne constituaient qu'une fraction du volume total des importations parallèles de produits Glasurit à double composant au Royaume-Uni, lequel représentait au maximum 1 % des ventes de ces produits sur le marché britannique. Elle conteste donc la conclusion de la Commission selon laquelle l'accord incriminé a produit des effets sensibles sur le commerce entre États membres.

130. La défenderesse répond que les documents découverts chez BASF font apparaître les différences de prix constatées dans la décision attaquée et que ces écarts étaient susceptibles d'encourager les exportations parallèles de la Belgique vers le Royaume-Uni. Il ne serait pas établi que BASF C & I accordait les rabais considérables allégués par la requérante, qui auraient réduit les différences effectives entre les prix de vente nets des produits Glasurit des lignes 21 et 54. Ces rabais, s'ils avaient effectivement été de 50 % en moyenne, auraient été nettement supérieurs aux rabais accordés sur les autres territoires contractuels. En toute hypothèse, la requérante admettrait elle-même dans sa requête que les écarts entre les prix pratiqués au Royaume-Uni et dans les autres États membres étaient une des causes des importations parallèles.

131. La Commission estime avoir démontré que l'accord en question était de nature à produire un effet sensible sur le commerce intracommunautaire et rappelle qu'elle n'est pas tenue d'apporter la preuve de ce qu'une affectation sensible des échanges entre États membres a effectivement eu lieu (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission, 19/77, Rec. p. 131, point 15). Elle souligne qu'elle a procédé aux investigations nécessaires et qu'elle a présenté dans la décision attaquée ses constatations concernant la position des entreprises concernées sur le marché, l'ampleur de leur production et des exportations, ainsi que leur politique de prix.

132. Les nouveaux tableaux produits par la requérante, concernant les rabais accordés par BASF C & I à quatre de ses principaux clients en 1988 et 1989, ne seraient pas concluants. L'annexe 54 ne permettrait pas non plus de démontrer que les différences de prix entre la Belgique et le Royaume-Uni étaient insignifiantes. La Commission relève qu'elle a reconnu que les écarts de prix relatifs aux produits des lignes 21 et 54, très marqués en 1985-1986, ont nettement diminué en 1989-1990. Cependant, ce serait précisément face à la pression des importations parallèles que la requérante s'est efforcée d'aligner les prix pratiqués dans les deux pays, ce qui montrerait à quel point il est fondamental que les importations parallèles puissent être effectuées librement.

— Appréciation du Tribunal

133. L'article 81, paragraphe 1, CE interdit tous les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, à condition qu'ils soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Il ressort d'une jurisprudence constante que, par nature, une clause qui a pour objet d'interdire à un acheteur de revendre ou d'exporter la marchandise acquise est susceptible de cloisonner les marchés et donc d'affecter le commerce entre États membres (arrêts de la Cour, Miller/Commission, précité, point 7, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeythiö e.a./Commission, dit «Pâtes de bois», C-89/95, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 176). Lorsqu'il s'avère que les ventes d'au moins une des parties à l'accord anticoncurrentiel constituent une part non négligeable du marché en cause, il y a lieu d'appliquer l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêts Miller/Commission, précité, point 10, et Parker Pen/Commission, précité, point 44).

134. En l'espèce, la requérante ne conteste pas la définition du marché des produits en cause retenue par la Commission, à savoir le marché britannique des produits de repeinture pour voitures, ni le fait que sa part de ce marché était en 1991 de 16 %, dont 12 % pour les produits Glasurit. Ses critiques se limitent aux volumes des importations parallèles que la défenderesse a indiqués au point 16 des considérants de la décision attaquée. Compte tenu de la position de BASF sur le marché en cause, ainsi que du fait, confirmé par la requérante elle-même, que les prix des produits Glasurit pratiqués entre 1986 et 1991 sur ce marché étaient, en moyenne, supérieurs aux prix pratiqués sur les marchés d'autres États membres, notamment en Belgique, la Commission a conclu à juste titre que l'accord incriminé était de nature à affecter le commerce intracommunautaire.

135. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que cet accord constitue, par son objet, une restriction de la concurrence interdite par l'article 81, paragraphe 1, CE, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si, comme le soutient la requérante, il n'a pas produit d'effets sensibles sur le marché considéré (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II- 441, point 127).

136. Il en résulte que les autres griefs que la requérante a soulevés à l'encontre de la constatation par la Commission d'une infraction à la disposition du traité susvisée sont inopérants, dans la mesure où le bien-fondé de ces griefs ne peut, en tout état de cause, conduire à la conclusion qu'un accord ayant l'objet et la portée de celui de l'espèce n'enfreint pas les règles de concurrence communautaires.

Quatrième branche: date de cessation de l'infraction

— Arguments des parties

137. La requérante soutient que, à supposer qu'il y ait eu une infraction aux règles de concurrence, une telle infraction a pris fin au plus tard à la fin du mois de juin 1990. La Commission aurait dû constater que la lettre adressée par la requérante à Accinauto le 21 juin 1990 indiquait clairement à celle-ci qu'elle était libre de prendre ses propres décisions de vente. En toute hypothèse, la Commission aurait elle-même admis que la lettre du 22 juin 1990, adressée par BASF aux avocats d'IMF et dont copie avait été transmise à Accinauto, était suffisamment compréhensible et claire à cet égard.

138. La défenderesse réitère sa conclusion selon laquelle l'accord restrictif de la concurrence n'a pris fin que lorsque les parties ont supprimé la clause incriminée. Elle estime qu'Accinauto, compte tenu des circonstances, ne pouvait interpréter la copie de la lettre envoyée aux avocats de la plaignante en juin 1990 comme signifiant que la requérante renonçait au droit d'approbation des exportations qu'elle s'était réservé à l'article 2, paragraphe 2, de l'accord de 1982. Le but de cette lettre aurait été uniquement de prévenir d'éventuelles revendications de la part d'IMF.

— Appréciation du Tribunal

139. L'infraction constatée par la décision attaquée étant la conclusion et la participation des parties à un accord de distribution exclusive dont l'une des clauses avait un objet contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission a considéré à bon droit que ladite infraction n'a pris fin que lorsque les deux parties ont supprimé la clause en question. Selon la jurisprudence, le fait qu'une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence n'a pas été mise en œuvre par les cocontractants ne suffit pas à la soustraire à l'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêts Miller/Commission, précité, point 7, et Pâtes de bois, point 175). En l'espèce, les lettres invoquées par la requérante n'établissent pas que les parties avaient réellement l'intention de renoncer à la clause incriminée. En effet, ainsi que la Commission l'a estimé, les termes plus clairs utilisés dans la lettre du 22 juin 1990 visaient en réalité à affaiblir les reproches de comportement anticoncurrentiel qui avaient été adressés aux parties par la plaignante IMF.

140. Il découle de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 81, paragraphe 1, CE, doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'un abus de pouvoir dans la fixation du montant de l'amende

Arguments des parties

141. La requérante reproche à la Commission d'avoir abusé de son pouvoir discrétionnaire, en ce qu'elle aurait omis de tenir compte, dans la fixation du montant de l'amende, de la faible gravité et de la faible durée de la prétendue infraction, de la difficile situation économique de la requérante et de l'absence d'intention délictueuse.

142. BASF estime que la gravité de l'infraction est à mesurer par rapport aux effets que l'accord prétendument restrictif de la concurrence a produits sur le commerce. Or, l'accord incriminé n'aurait produit aucun effet, n'ayant pas été mis en œuvre par les parties. A supposer même qu'il ait été appliqué, il n'aurait pas affecté le courant d'importations parallèles au Royaume-Uni provenant de la Belgique. Il y aurait eu un seul refus de livraison, au mois de décembre 1990, qui n'aurait pas été déterminé par l'accord, mais par une décision autonome d'Accinauto. En outre, le volume des importations parallèles concernées par l'accord de 1982 serait insignifiant par rapport à l'ensemble des ventes de produits Glasurit au Royaume-Uni.

143. La Commission aurait eu tort de prendre comme base pour la durée de l'infraction toute la période de validité de l'accord, entre sa conclusion le 8 octobre 1982 et l'entrée en vigueur du nouvel accord le 1er janvier 1992. D'une part, la défenderesse aurait elle-même admis que les effets de l'accord ne se sont fait sentir qu'à partir de 1986. D'autre part, Accinauto n'aurait refusé qu'une seule livraison et la requérante lui aurait fait savoir clairement, au plus tard en juin 1990, qu'elle était libre d'effectuer des ventes passives dans les États membres de la Communauté. Dès lors, la requérante considère que la prise en compte de toute la période de validité de l'accord est injuste et viole gravement le principe de proportionnalité.

144. La requérante fait également valoir que la fonction d'une amende ne peut pas être d'aggraver de manière durable les difficultés économiques d'une entreprise, même si elle doit sanctionner une violation du droit et avoir un caractère dissuasif. Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission n'aurait pu négliger totalement le fait que BASF C & I avait subi des pertes importantes de 1985 à 1995 et que la requérante elle-même prévoyait des pertes en 1995. Dans ce contexte, l'imposition d'une amende symbolique aurait été appropriée.

145. La requérante souligne encore que les juristes consultés à l'époque de la conclusion de l'accord avaient estimé la clause en question conforme au droit communautaire. Les parties et leurs collaborateurs n'auraient donc pas eu conscience, pendant la période de validité de cet accord, de commettre une infraction aux règles de la concurrence du traité.

146. La Commission rappelle que les interdictions d'exportation sont par nature des infractions graves à la concurrence, étant donné qu'elles visent à maintenir artificiellement les différences de prix entre les marchés des États membres et qu'elles mettent en danger la liberté des échanges intracommunautaires (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 107). La part de marché des importations parallèles concernées par l'infraction serait sans importance pour la détermination de sa gravité. Par ailleurs, elle aurait déjà réfuté les allégations de la requérante concernant l'absence d'effets économiques de l'accord de 1982, notamment sur les importations parallèles de Belgique au Royaume-Uni, ainsi que celles relatives à l'absence d'influence de l'accord sur les décisions prises par Accinauto.

147. La défenderesse considère que l'infraction a commencé dès la date de conclusion de l'accord de distribution exclusive qui stipulait un droit d'approbation du fabricant et s'est poursuivie pendant toute la période de validité de cet accord (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 59). Le simple silence d'Accinauto qui a suivi les lettres de la requérante des 21 et 22 juin 1990 n'aurait pas pu modifier valablement l'accord de 1982. Conformément à son article 12, paragraphe 2, les modifications audit contrat n'auraient été valides que sous une forme écrite.

148. Le montant de l'amende n'aurait pas à être réduit en fonction des pertes subies par la requérante et sa filiale BASF C & I, la Commission n'étant pas tenue de prendre en compte la situation financière déficitaire du destinataire de la décision. En toute hypothèse, les pertes subies par la filiale britannique entre 1985 et 1989 auraient été compensées par les bénéfices réalisés par BASF sur la vente de produits de repeinture pour voitures au Royaume-Uni durant la même période.

149. La Commission conteste l'argumentation de la requérante selon laquelle il n'y aurait pas eu de propos délibéré de restreindre la concurrence, parce que les parties n'auraient pas eu conscience d'enfreindre le droit communautaire. L'erreur de droit éventuellement commise par les juristes de la requérante n'aurait rien changé au fait que l'intention de celle-ci était d'imposer une obligation de transfert à Accinauto et de contrôler ainsi les exportations parallèles vers le Royaume-Uni.

150. Par ailleurs, la défenderesse fait observer que, en fixant le montant de l'amende à 2 700 000 écus, elle est restée bien en-dessous du montant de 10 % du chiffre d'affaires global réalisé par la requérante au cours de l'exercice social précédent, lequel constitue le plafond prévu par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

Appréciation du Tribunal

151. En application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. A l'intérieur de ces limites, le montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de l'infraction et de sa durée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 118, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327/94, Rec. p. II-1373, point 175).

152. Il convient de rappeler que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction dictée par ces règles, mais il suffit qu'elle ait été consciente que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt IAZ e.a./Commission, précité, point 45, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Herlitz/Commission, T-66/92, Rec. p. II-531, point 45). Ainsi qu'il ressort des constatations précédentes du Tribunal, la requérante n'a pu ignorer que la clause incriminée de l'accord de 1982 avait pour objet de restreindre les importations parallèles et, de ce fait, de contrarier l'objectif même de réalisation du marché unique voulu par le traité, en cloisonnant les différents marchés nationaux. L'avis d'un conseiller juridique, qu'elle invoque, ne saurait la disculper à cet égard (arrêt Miller/Commission, précité, point 18).

153. En l'espèce, le Tribunal constate que la Commission a respecté le plafond prévu par le règlement n° 17, lequel se réfère au chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 119, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 247). La défenderesse a précisé à l'audience que le montant de 2 700 000 écus a été calculé en appliquant un coefficient de 7,5 % au chiffre d'affaires de 36 600 000 écus qui, selon les renseignements fournis par BASF, a été réalisé en 1991 par les ventes de produits Glasurit au Royaume-Uni, en Belgique et au Luxembourg. Le montant de l'amende ne représente ainsi que 0,3 % du chiffre d'affaires global de BASF réalisé en 1991, lequel a atteint environ 834 000 000 écus (1 668 000 000 DM; voir point 1 ci-dessus).

154. Selon une jurisprudence constante, le montant de l'amende doit être gradué en fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction, et l'appréciation de la gravité de l'infraction doit être effectuée en tenant compte de la nature des restrictions apportées à la concurrence (arrêts du Tribunal Parker Pen/Commission, précité, point 92, et du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 246).

155. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré à bon droit que l'infraction constatée était particulièrement grave, compte tenu, notamment, de la nature de la restriction de la concurrence en cause et de la forte position occupée par BASF sur le marché des produits de repeinture pour voitures en Europe.

156. L'appréciation que la Commission a portée sur la durée de l'infraction n'est en outre entachée d'aucune erreur, dans la mesure où cette infraction a été caractérisée comme étant la conclusion par les parties d'un accord dont l'une des clauses avait un objet contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. A supposer même que le Tribunal n'ait pu constater la mise en œuvre d'une telle clause, il n'en reste pas moins que sa simple existence pouvait créer un climat «optique et psychologique» qui contribue à une répartition du marché (arrêts Miller/Commission, précité, point 7, et Herlitz/Commission, précité, point 40). L'infraction commencée lors de la conclusion de l'accord de 1982 n'a donc cessé que lorsque la clause incriminée a été effectivement supprimée.

157. Il convient également de relever que la Commission a retenu en tant que circonstance atténuante le fait que les parties ont mis fin à l'infraction le 1er janvier 1992, soit avant que la communication des griefs ne leur soit adressée, le 12 mai 1993.

158. Enfin, on ne saurait reprocher à la défenderesse de ne pas avoir pris en compte en tant que circonstance atténuante la situation financière éventuellement difficile de la requérante. En effet, cela reviendrait à lui procurer un avantage concurrentiel injustifié par rapport aux entreprises mieux adaptées aux conditions du marché (arrêt IAZ e.a./Commission, précité, point 55).

159. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission, en fixant à 2 700 000 écus le montant de l'amende infligée à la requérante, n'a pas dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lors de la détermination du montant des amendes.

160. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de la requérante doivent être rejetées dans leur intégralité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner celles visant au remboursement des frais liés à la caution bancaire qui garantit le paiement de l'amende.

Sur les dépens

161. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs, LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.