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CCE, 30 avril 1999, n° 1999-485

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Europe Asia Trades Agreement

CCE n° 1999-485

30 avril 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil du 22 décembre 1986 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (1), modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 3, 11 et 12, vu la décision prise par la Commission le 6 avril 1994 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission et de présenter toute autre observation éventuelle conformément à l'article 23 du règlement (CEE) n° 4056-86 et au règlement (CEE) n° 4260-88 de la Commission du 16 décembre 1988 relatif aux communications, aux plaintes, aux demandes et aux auditions visées au règlement (CEE) n° 4056-88 du Conseil fixant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (2), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes, Considérant ce qui suit:

RÉSUMÉ

(1) Par la présente décision, la Commission examine si, en concluant un accord de non-utilisation de capacités et d'échange d'informations, les parties au Europe Asia Trades Agreement (EATA) ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, et examine leur demande d'exemption individuelle.

LES FAITS

I. La demande

(2) Le 2 septembre 1992, conformément à l'article 12, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4056-86, l'EATA, accord relatif aux services réguliers de transport maritime de marchandises conteneurisées d'Europe du nord vers l'Extrême-Orient, a été notifié à la Commission, avec une demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Le 19 septembre 1997, la Commission a été informée que les parties à l'EATA avaient mis fin à l'accord avec effet au 16 septembre 1997.

(3) Les compagnies maritimes suivantes étaient parties à l'EATA:

- CGM Orient SA (CGM),

- Hapag-Lloyd AG (Hapag-Lloyd),

- Kawasaki Kisen Kaisha Ltd (K Line),

- AP Mller - Maersk Line (Maersk),

- Malaysian International Shipping Corporation Bhd (MISC),

- Mitsui OSK Lines Ltd (MOL),

- Nedlloyd Lijnen BV (Nedlloyd),

- Neptune Orient Lines Ltd (NOL),

- Nippon Yusen Kabushiki Kaisha (NYK),

- Oriental Overseas Container Line (OOCL),

- P & O Container Line (P&OCL),

- Cho Yang Shipping Co Ltd (Cho Yang),

- Deutsche Seereederei Rostock GmbH (DSR),

- Evergreen Marine Corp (Taiwan) Ltd (Evergreen),

- Hanjin Shipping Co Ltd (Hanjin),

- Hyundai Merchant Marine Co Ltd (Hyundai),

- Senator Linie GmbH (Senator),

- Yangming Marine Transport Corp (Yangming) (4).

(4) Le 6 avril 1993, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes (5) un résumé de cette demande, dans lequel elle déclarait qu'elle estimait, de prime abord, que l'accord tombait sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, mais qu'elle n'avait pas encore pris position quant à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3. Le 14 juin 1993, la Commission a informé les anciennes parties à l'EATA qu'elle doutait fortement qu'aucune des quatre conditions énoncées à l'article 85, paragraphe 3, fût remplie.

(5) La Commission a été saisie de plusieurs plaintes de tiers relatives à l'EATA, notamment du BSC (Conseil des chargeurs britanniques), de l'ESC (Conseil des chargeurs européens), du CNUT (Conseil national des usagers des transports), représentant les chargeurs français, et du JSC (Conseil des chargeurs japonais). Les parties à l'EATA ont eu la possibilité de soumettre leurs observations à propos de ces plaintes.

II. L'accord notifié

i) Les parties

(6) Les anciennes parties à l'EATA sont toutes des compagnies maritimes. Certaines sont membres de la Far Eastern Freight Conference (FEFC), alors que les autres sont des compagnies maritimes indépendantes desservant les mêmes routes (voir considérant 66).

(7) Hyundai est devenue partie à l'EATA le 12 mars 1993. Le 23 juillet 1993, la Commission a été informée que East Asiatic Company Ltd et EACBen Container Line Ltd s'étaient retirées de l'EATA du 30 juin 1993. Ces deux compagnies maritimes n'exploitent plus de navires sur les routes en question, mais les navires qu'elles y exploitaient ont été maintenus en service pendant quelque temps sur les mêmes routes par Maersk ; CGM s'est retirée du trafic Europe du nord/Extrême-Orient en 1994 et a, de ce fait, cessé d'être partie à l'EATA.

ii) résumé de l'accord

a) Dispositions générales

(8) L'article 2 de l'EATA disposait que l'objet de l'accord était d'établir un programme de régulation des capacités, afin de parvenir:

"a) the optimum use of available capacity on deep sea vessels owned, operated or controlled by the [EATA] Parties ... ; and

b) the improvement of revenue to a level consistent with a reasonable rate of return on investment for the services provided, and to maintain the viability of such services in the future... "

"a) à une utilisation optimale de la capacité disponible sur les navires de haute mer que possèdent, exploitent ou contrôlent les parties [à l'EATA] ... ; et

b) à une augmentation des recettes..., pour atteindre un niveau assurant un rendement raisonnable des investissements réalisés pour les services fournis et afin de préserver la rentabilité de ces services à l'avenir..."

(9) Selon les considérants de l'EATA (6), cette "augmentation des recettes" devait être obtenue en remédiant aux "taux de fret constamment à la baisse" mentionnés au considérant b). Ainsi, l'EATA avait pour objet de provoquer une augmentation des taux de fret sur les services exploités par les parties à l'EATA entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient.

(10) L'un des moyens d'atteindre ces objectifs consistait à attribuer à chacune des parties une "capacité maximale autorisée", c'est-à-dire à déterminer le volume de capacité maximal que chaque partie était autorisée à offrir sur le marché pour le transport de marchandises [article 5 (a)]. Ces capacités pouvaient être attribuées pour un secteur particulier, pour plusieurs secteurs ou globalement [article 16 (e)]. Elles pouvaient concerner certaines ou l'ensemble des parties [article 6 (e)]. L'accord contenait des dispositions pour le calcul et la révision de ces quotas.

(11) La capacité maximale autorisée pour chaque partie devait être calculée en fonction du nombre de cellules disponibles sur chaque navire voyageant vers l'est déclaré par chacune des parties [article 16 (b)]. Dans la pratique, on a calculé le total qui aurait été disponible en l'absence de l'EATA et on l'a réduit d'un certain pourcentage. Ce maximum a ensuite été subdivisé en quatre périodes de trois mois chacune.

(12) Si une partie dépassait sa capacité maximale autorisée au cours de l'une de ces périodes, elle était passible d'une "taxe de capacité" calculée en fonction du nombre d'EVP (7) dépassant son quota pour la période en question (article 22). Les parts de la capacité maximale autorisée qui n'auraient pas été utilisées ne pouvaient être ni reportées ni transférées [(article 18 (c)].

b) Dispositions administratives

(13) L'accord était géré par un "comité de politique générale", un "comité d'observation du marché" et un "secrétariat" [article 5 (b)].

(14) Le comité de politique générale, qui comprenait des représentants de chacune des parties, déterminait le niveau des capacités maximales autorisées attribué à chaque compagnie, en se fondant sur les recommandations faites par le comité d'observation du marché (article 6). Il fixait également le montant des taxes de capacité imposées lorsqu'une compagnie dépassait sa "capacité maximale autorisée", et prenait toute autre mesure nécessaire à la réalisation des objectifs de l'accord, par exemple en organisant l'échange d'informations sur la situation du marché et en fixant le montant des amendes à payer en cas de non-communication d'informations (article 6).

(15) Le comité d'observation du marché était également composé de représentants des parties (article 7). Il avait pour fonction d'étudier la situation du marché et de faire rapport au comité de politique générale. Le secrétariat lui transmettait les déclarations des parties sur la capacité de leur flotte et leurs chargements mensuels (article 14). L'accord stipulait que les parties étaient tenues de fournir au secrétariat l'ensemble des données, rapports ou documents nécessaires à la mise en œuvre de l'accord (article 12).

(16) Les parties à l'EATA avaient pour usage de déclarer la capacité individuelle de chacun de leurs navires, deux fois par an et à l'avance. Elles communiquaient également chaque mois au secrétariat de l'EATA les données suivantes:

i) le nom du navire ;

ii) la date d'entrée dans le canal de Suez ;

iii) la capacité maximale déclarée, en EVP ;

iv) le nombre total de cellules effectivement remplies, en EVP ;

v) le fret hors EATA embarqué, en EVP (8) ;

vi) l'utilisation de la capacité en pourcentage ;

vii) une prévision de la capacité pour chaque navire pour les deux mois suivants ;

viii) une estimation des totaux mensuels pour les quatre mois suivants.

(17) Les parties communiquaient donc au secrétariat les chargements effectifs du mois précédent ainsi que des prévisions pour les six mois suivants. Chacune des parties à l'EATA a participé à cet échange d'informations depuis sa mise en place en 1992 jusqu'en mai 1997 : un certain nombre d'entre elles ont continué d'échanger des informations jusqu'en juillet 1997. CGM a cessé de communiquer les informations requises à partir d'octobre 1994.

(18) Le secrétariat était également chargé de surveiller le respect des dispositions de l'accord (article 20). Celui-ci prévoyait que le directeur général et le personnel de la FEFC assureraient le secrétariat de l'EATA pendant toute la durée de validité de l'accord, sauf décision contraire des parties, prise à l'unanimité (article 30).

(19) L'accord s'appliquait aux services réguliers internationaux de transport maritime de marchandises conteneurisées reliant l'Europe du nord à l'Asie par le canal de Suez. Aux fins de l'accord notifié, le terme "Asie" ne couvrait pas le Pakistan, le Sri Lanka, l'Inde et le Bangladesh ni, dans certains cas, la république populaire de Chine (article 3).

(20) Le trafic est-ouest n'était pas directement concerné par les dispositions notifiées, mais les parties à l'EATA ont admis qu'il était possible que certains effets s'exercent également dans ce sens, sur les capacités et les taux de fret, du fait de la réorganisation des services ouest-est, avec une réduction de la fréquence, de la taille des navires ou du nombre d'escales (9).

(21) L'article 4 de l'accord disposait que rien dans l'accord ne devait supprimer, limiter ou affecter en aucune manière le droit des parties de fixer leurs taux en toute indépendance. Cette disposition doit être considérée à la lumière des observations faites ci-après sous le titre "Structure du marché" (considérants 66 à 79).

(22) Toute partie pouvait se retirer de l'accord, à condition de donner un préavis d'au moins quatre-vingt-dix jours [article 33 (d)]. Toutefois, même en cas de retrait, les parties étaient tenues de continuer à respecter leur "capacité maximale autorisée" pendant une période pouvant aller jusqu'à douze mois, sauf si elles cessaient de posséder, d'exploiter ou d'entretenir des navires en tant que transporteur maritime agréé (common carrier) (article 18). Le non-respect de la "capacité maximale autorisée" pouvait entraîner la non-restitution d'une garantie financière ou l'application d'autres sanctions financières (article 18). L'adhésion de nouvelles parties à l'accord devait être approuvée à l'unanimité par les parties en place (article 33).

(23) Les paiements effectués pour retrait anticipé, non-respect de la capacité maximale autorisée ou non-communication d'informations étaient affectés à un fonds et distribués à parts égales aux parties à la fin de chaque année (article 25). Les frais administratifs et autres relatifs à l'EATA devaient être supportés à parts égales par les parties à l'accord (article 31).

(24) L'EATA était réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée ; il devait y être mis fin par l'ensemble des parties une fois que les problèmes structurels, qui existaient selon elles sur les routes reliant l'Europe du nord à l'Extrême-Orient auraient été résolus de façon durable (10).

III. Mise en œuvre de l'accord

(25) Le 26 novembre 1992, les parties sont convenues de réduire la capacité offerte par chacune d'entre elles pendant une période allant du 1er janvier 1993 au 31 mars 1993, dans une proportion variant entre 6,25 % et 12,25 %, le calcul étant effectué sur la base d'une échelle mobile, de façon à ce que les petites compagnies (c'est-à-dire celles ayant les capacités les plus faibles sur les routes concernées) se voient imposer une réduction moindre que les grandes. Cette réduction a été fixée à un niveau initial de 10 % de la capacité offerte par les parties à l'EATA sur les services ouest-est.

(26) Le 12 mars 1993, les parties ont décidé de limiter encore la capacité offerte par chacune d'elles sur les services ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient, en portant les réductions (toujours calculées sur la base d'une échelle mobile) à un niveau variant entre 11 et 17 % pour la période allant du 1er avril 1993 au 30 juin 1993. Les parties à l'EATA ont affirmé que cela représentait une réduction globale de 15 % au maximum.

(27) La même réduction globale et la même échelle mobile ont été maintenues au cours du troisième trimestre de 1993. Le 5 octobre 1993, la réduction globale maximale a été ramenée à 5 % pour le quatrième trimestre de 1993 (toujours sur la base de l'échelle mobile), mais le 27 octobre 1993, elle a été supprimée. Tous les détails sur ces réductions et sur l'échelle mobile figurent à l'annexe II. Aucune réduction n'a été imposée entre le 27 octobre 1993 et la date d'abandon de l'accord.

(28) Au cours du deuxième trimestre de 1993, cinq parties à l'EATA ont transporté plus de marchandises que leurs quotas ne le leur permettaient.

IV. Accords de non-utilisation de capacités dans les transports maritimes réguliers

(29) Un programme de régulation des capacités (capacity management programme) est un accord en vertu duquel les parties conviennent de ne pas utiliser une proportion de l'espace disponible sur leurs navires pour le transport de marchandises sur un trafic donné. La proportion non utilisée correspond à une part de l'excédent prévu de l'offre par rapport à la demande.

(30) Les parties décident que cet espace ne peut être utilisé pour des cargaisons relevant de la couverture géographique de l'accord ("fret EATA"), mais qu'il peut l'être pour du fret provenant d'ailleurs et transbordé sur les navires relevant du programme ("fret hors EATA"). Dans la présente décision, le terme "accord de non-utilisation" est utilisé pour désigner les accords ayant pour objet la non-utilisation d'espace pour du fret EATA.

(31) Il existe trois exemples de programmes de régulation des capacités: le Trans-Atlantic Agreement, le Trans-Pacific Stabilization Agreement et le EATA. Chacun de ces accords a été mis en œuvre sur l'une des trois grandes routes commerciales mondiales, et tous réunissaient non seulement les membres de la conférence opérant sur le trafic, mais aussi les plus importants transporteurs hors conférence.

(32) Les quinze parties au Trans-Pacific Stabilization Agreement (11) ont mis en œuvre un programme de non-utilisation de capacités de 1989 à 1995, après quoi il a été suspendu pour une durée indéterminée. Au cours de cette période, ces parties exploitaient quelque 80 % des capacités disponibles sur les trafics entre l'Asie et les Etats-Unis. Le niveau des capacités qu'elles étaient convenues de ne pas utiliser variait de 6 % à 15 %. Selon Drewry (12), cela équivalait en 1994 au retrait artificiel d'une capacité annuelle correspondant à sept porte-conteneurs Panamax de 4000 EVP chacun.

(33) Lorsque les parties au Trans-Pacific Stabilization Agreement ont demandé à la US Federal Maritime Commission en 1996 l'autorisation de rétablir le programme de non-utilisation de capacités, la Federal Maritime Commission a procédé à une enquête approfondie au terme de laquelle l'autorisation n'a pas été accordée et la demande a été retirée en mars 1997.

(34) Les parties au Trans-Atlantic Agreement (TAA) ont mis en œuvre leur accord de non-utilisation de capacités d'août à septembre 1994. L'accord prévoyait la non-utilisation de l'espace pour du fret couvert par l'accord à raison de 25 % au maximum, mais dans la pratique, 15 % seulement des capacités est-ouest ont été retirées de la vente. Le 19 octobre 1994, la Commission a adopté la décision 94-980-CE (13) interdisant le Trans-Atlantic Agreement.

(35) Sur le trafic Europe/Extrême-Orient, les membres de la Far Eastern Freight Conference étaient liés jusqu'en 1990 par un accord de partage du marché, qui déterminait la part maximale du trafic qui pouvait revenir à chaque consortium opérant dans le cadre de la conférence. Les membres n'avaient pas conclu d'accord de non-utilisation d'une part des capacités.

(36) Selon les parties à l'EATA, la part de la Far Eastern Freight Conference sur le trafic Europe/Extrême-Orient était tombée à environ 59 % en 1990, et il avait été mis fin à l'accord de partage du marché principalement en raison du fait que "the parties to it no longer had a sufficient critical mass in the NE/FE trades to regulate reserve capacity in a way that would contribute to the stabilisation of the trades. (14)"

"[les parties à l'accord ne disposaient plus sur le trafic EN/EO d'une "masse critique" suffisante pour gérer les capacités de réserve de façon à contribuer à la stabilisation du trafic). (15)]"

(37) Drewry a estimé (16) qu'en 1993, l'EATA se serait traduit, sur une année entière, par la non-utilisation de quelque 13500 EVP de capacités, soit l'équivalent d'environ 3,33 navires de 4000 EVP. Sur la base d'une durée de 63 jours par voyage aller-retour, chaque navire pourrait en principe réaliser 5,8 voyages aller-retour par an. Drewry estime (17) les coûts fixes par voyage aller-retour d'un navire de 4000 EVP sur le trafic Europe/Extrême-Orient en 1996 à environ 4,1 millions de dollars des États-Unis (USD). Comme le montre le tableau 1, sur une période de douze mois, les coûts fixes totaux afférents à l'exploitation des capacités que les parties à l'EATA sont convenues de ne pas utiliser auraient été de l'ordre de 80 millions d'USD.

EMPLACEMENT TABLEAU

V. Le marché de produits en cause

(38) Le marché de produits à prendre en considération aux fins de l'évaluation de l'EATA est celui des services réguliers de transport maritime de fret conteneurisé d'Europe du nord vers l'Extrême-Orient. Cette définition couvre les ports du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Allemagne, du nord de la France, de la Norvège, de la Finlande, du Danemark, de la Suède et de l'Islande, d'une part, et ceux du Japon, de la Corée du Nord et de la Corée du Sud, de Taïwan, de Hong Kong, de Singapour, de la Malaisie et des Philippines, d'autre part.

(39) Les parties estiment qu'il existe plusieurs façons, qui peuvent se substituer les unes aux autres, de transporter des marchandises d'Europe du nord vers l'Extrême-Orient.

i) La première est d'avoir recours à des navires spécialisés qui peuvent transporter certains des produits homogènes volumineux qui circulent comme marchandises diverses.

ii) La deuxième consiste à utiliser des vraquiers ou des navires spécialisés, qui peuvent également transporter un certain nombre de conteneurs.

iii) La troisième est le transport aérien ou le transport combiné air-mer pour les marchandises devant être acheminées plus rapidement.

iv) La quatrième est le transport ferroviaire par le Transsibérien.

v) La cinquième possibilité est offerte par les transporteurs opérant en direction de l'ouest à partir de l'Europe du nord, qui peuvent également desservir l'Extrême-Orient, soit en utilisant les ponts terrestres ferroviaires traversant les États-Unis, soit en transbordant les marchandises dans des ports de la côte ouest des États-Unis sur des services desservant le Pacifique (c'est-à-dire Europe/côte est des États-Unis/côte ouest des États-Unis/Extrême-Orient).

vi) Enfin, les parties considèrent que les services à partir de la Méditerranée et de la mer Noire représentent une source de concurrence importante pour les opérateurs desservant le trafic de l'Europe du nord vers l'Extrême-Orient.

(40) Pour les raisons exposées ci-après, aucune de ces possibilités n'est considérée comme faisant partie du même marché que celui des services réguliers de transport maritime de marchandises conteneurisées d'Europe du nord vers l'Extrême-Orient.

(41) Dans l'affaire Tetra Pak (18), la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la stabilité de la demande pour un produit donné constitue un critère pertinent pour définir un marché en cause et que le fait que des produits différents sont, dans une mesure marginale, interchangeables, n'empêche pas de conclure à l'appartenance de ces produits à des marchés de produits distincts.

(42) La Commission considère, en outre, que, pour la très grande majorité des catégories de marchandises et des utilisateurs des services de transport maritime par conteneur, les autres formes de transport maritime - compris le transport de ligne classique (break-bulk) - ne constituent pas une solution de remplacement des services de transport par conteneur que l'on peut raisonnablement envisager sur les routes relevant du marché géographique en cause et que ces services constituent un ou plusieurs marchés à part entière.

(43) L'effet de la concurrence marginale exercée par d'autres moyens de transport pour certaines catégories de marchandises peut être limité. Les compagnies maritimes de ligne sont, en effet, capables d'identifier les chargeurs de ces marchandises et peuvent, grâce à la structure différenciée des tarifs du transport de ligne, offrir à ces chargeurs des prix moins élevés sans nécessairement affecter le niveau général des prix.

i) Services non réguliers

(44) Premièrement, les services réguliers de transport maritime, ou services de ligne, constituent un marché différent de celui des services de tramp (19). D'une manière générale, la nature des relations entre les chargeurs et les compagnies maritimes est très différente selon que ces dernières assurent des services réguliers ou des services de tramp. Dans les services réguliers, l'opérateur est un common carrier, c'est-à-dire un fournisseur de services de transport qui offre de transporter toutes les cargaisons qui lui sont présentées. Les services de tramp, en revanche, sont généralement assurés sur la base de contrats ad hoc négociés individuellement.

(45) L'affrètement n'est une solution valable pour les marchandises conteneurisables (20) qu'à condition que le chargeur ait une cargaison suffisamment importante ou qu'il puisse combiner sa cargaison avec celle d'autres chargeurs pour chaque voyage. En outre, l'affrètement et les services de transport en vrac ou spécialisés n'offrent généralement pas la fréquence, la régularité et la fiabilité exigées par de nombreux chargeurs, et ils ne peuvent pas non plus assurer le service porte-à-porte souvent requis.

ii) Services de transport en vrac

(46) Il est clair que de nombreuses marchandises en vrac peuvent être conteneurisées et qu'avant l'avènement de la conteneurisation (à la fin des années cinquante) toutes les marchandises étaient transportées en vrac d'une manière ou d'une autre. En l'espèce, pour déterminer les conditions de la concurrence sur le marché en cause, il suffit de prendre en considération les possibilités de substituer le transport en vrac au transport en conteneur: il apparaît qu'il n'existe pas de substitution durable du vrac au conteneur dans la grande majorité des cas.

(47) Presque toutes les marchandises peuvent être conteneurisées et, avec le temps, il est probable que le degré de conteneurisation sur la plupart des marchés maritimes où les États membres sont présents sera très élevé. Sur les marchés arrivés à maturité, comme les marchés Europe du nord/États-Unis ou Europe du nord/Extrême-Orient, l'évolution vers la conteneurisation est quasiment achevée et il ne reste pour ainsi dire aucune marchandise susceptible d'être conteneurisée qui ne l'ait pas été.

(48) En outre, à partir du moment où un type de marchandise est régulièrement conteneurisé, il est quasiment exclu qu'il soit encore transporté sous une autre forme. Les raisons en sont que les chargeurs s'habituent à expédier les marchandises en plus petites quantités mais plus fréquemment et prennent conscience du fait qu'une fois les marchandises chargées dans un conteneur, il est plus facile de les acheminer du port de livraison jusqu'au destinataire final par le transport multimodal.

(49) Ainsi, à mesure que le degré de conteneurisation augmente, les chargeurs de marchandises non conteneurisées se tournent vers les services conteneurisés, mais une fois qu'ils se sont habitués au transport par conteneur, ils ne reviennent pas aux expéditions son conteneurisées. Les exemples d'une telle substituabilité à sens unique ne sont pas rares (21).

(50) Drewry (22) estime, avec une certaine prudence, que la proportion conteneurisée du fret général transporté à l'échelle mondiale est passée de 20,7 % en 1980 à 35,1 % en 1990 et à 41,6 % en 1994. Toujours selon Drewry, cette part atteindra 53,8 % d'ici l'an 2000. Le passage du vrac au conteneur ne reflète pas seulement une évolution dans la nature des marchandises transportées (caractérisée essentiellement par le remplacement des matières premières par des produits manufacturés), mais aussi les caractéristiques inhérentes aux transports maritimes réguliers par conteneur.

(51) Ces caractéristiques tiennent notamment au fait que des expéditions en moins grandes quantités mais plus fréquentes, comme c'est normalement le cas pour le transport par conteneur, réduisent les frais de stockage, que les marchandises conteneurisées risquent moins d'être endommagées ou volées et que les marchandises conteneurisées se prêtent mieux au transport multimodal. Pour ces raisons, une fois qu'une marchandise passe du vrac au conteneur, ce qui peut se faire route par route, les différences observées dans la nature du service fourni font qu'au terme de ce processus de transition, il est très peu probable que le chargeur revienne au transport en vrac.

(52) Dans ce contexte, le fait que certaines marchandises voyagent encore sous les deux formes importe peu: la question essentielle pour établir la substituabilité de la demande est de savoir si le choix du mode s'effectue sur la base des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi, le fait que certains produits sidérurgiques voyagent en vrac et d'autres en conteneur n'indique pas que les deux modes soient substituables puisqu'il ne tient pas compte de la diversité de la nature (et de la valeur) des produits sidérurgiques ni des exigences des clients en matière de livraison. Cela vaut aussi pour les autres produits au sujet desquels ses parties allèguent la substituabilité entre vrac et conteneurs.

(53) Si tant est que les transports frigorifiques en conteneur puissent se substituer aux transports frigorifiques en vrac (23), cela n'implique pas, pour les raisons invoquées plus haut, que les transports frigorifiques en vrac soient substituables aux transports frigorifiques par conteneur. Outre les avantages offerts par les services de ligne par conteneur, tels que les volumes réduits et la rapidité de transfert vers d'autres moyens de transport, davantage de produits se prêtent au transport en conteneurs réfrigérés qu'au transport frigorifique en vrac. Parmi ces produits figurent les fourrures et les peaux, les produits pharmaceutiques, les produits électroniques et, compte tenu des températures constantes et de la possibilité de contrôler le mûrissement, les fruits à baie.

(54) Dans ces conditions, si un certain degré de substitution entre le transport classique et le transport par conteneur n'est pas exclu dans des circonstances exceptionnelles, il n'a pas été démontré qu'il existait, dans la grande majorité des cas, une tendance durable à la substitution du vrac au conteneur.

(55) Du côté de l'offre, les parties ont fait valoir que les transporteurs de divers et de néo-vrac pourraient facilement convertir leurs navires pour entrer sur le marché en cause et devraient, de ce fait, être considérés comme des concurrents potentiels.

(56) En principe, tout navire peut transporter des conteneurs. L'effet de la concurrence potentielle d'exploitants de navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux ne pourrait être substantiel que si les deux conditions suivantes étaient remplies. Il devrait être démontré, premièrement, que les fournisseurs de ces services pourraient concurrencer les parties sur un pied d'égalité dans des conditions normales de rentabilité et, deuxièmement, que les clients considèrent le transport par un navire qui n'est pas un porte-conteneurs intégral comme interchangeable, sur le plan fonctionnel, avec le transport par porte-conteneurs intégral.

(57) Pour examiner si le premier de ces critères cumulatifs est rempli, il est essentiel de noter que les caractéristiques et les performances des navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux diffèrent sensiblement de celles des porte-conteneurs intégraux:

"Il est tout à fait clair, et presque implicitement contenu dans la terminologie, que la capacité d'un porte-conteneurs cellulaire est plus efficace et plus productive que l'espace non cellulaire pour le transport de marchandises unitarisées [c'est-à-dire conteneurisées] et donc plus importante sur le plan de l'équilibre entre l'offre et la demande. Chaque slot d'un navire celluaire fournit en un an une plus grande capacité de transport de conteneurs qu'un slot d'un navire non cellulaire, étant donné que le navire cellulaire

- passe moins de temps au port ;

- a généralement une vitesse de croisière beaucoup plus élevée ;

- est exploité selon des horaires réguliers.

Alors que la productivité d'un roulier peut être égale ou supérieure à 80 % de celle d'un navire cellulaire, un porte-conteneurs mixte ou un porte-conteneurs vraquier sera nettement moins efficient en raison à la fois de la vitesse et de la durée de manutention de la cargaison au port. Globalement, on peut raisonnablement estimer les ratios de productivité relatifs des capacités cellulaires et non cellulaires à 2:1 (24)".

(58) Outre les caractéristiques de performance, un certain nombre de caractéristiques techniques jouent aussi contre la conversion au niveau de l'offre. La première tient au fait que, pour transporter des conteneurs sur des navires qui n'ont pas été spécifiquement conçus comme des porte-conteneurs, certaines dépenses supplémentaires sont nécessaires. Ces coûts sont à la fois non récurrents, dans la mesure où ils sont liés à l'achat des chaînes et accessoires (coût s'élevant, selon Dynamar BV Shipping Consultants, à quelque 150 euros par cellule) et variables, le coût de la main-d'œuvre étant plus élevé pour le chargement des conteneurs sur un navire non porte-conteneurs que sur un porte-conteneurs. Il faut aussi tenir compte des coûts portuaires supplémentaires qu'implique le transport de conteneurs sur ce type de navire en raison de la durée plus longue du chargement et donc du séjour au port.

(59) La seconde raison, pour laquelle la capacité potentielle des navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux est moins grande que le soutiennent les parties, tient au fait que les exploitants de ces navires ne détiennent pas les mêmes parcs de conteneurs que les exploitants de porte-conteneurs intégraux Les parties détiennent normalement chacune trois conteneurs parcellule exploitée. De nombreux exploitants de services classiques ne possèdent aucun conteneur. Ce facteur est particulièrement important, étant donné que "le stock mondial de conteneurs a rarement été suffisant, et il ne l'a certainement pas été depuis au moins dix ans, pour permettre l'utilisation de toute la capacité porte-conteneurs nominale de la flotte non cellulaire" (25). À cela, s'ajoute que les exploitants de navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux ne possèdent généralement pas les mêmes installations à terre que les exploitants de porte-conteneurs intégraux.

(60) En ce qui concerne la clientèle, la Commission ne peut admettre que la grande majorité des clients des parties considéreraient le transport par navire vraquier ou transporteur de néo-vrac comme étant substituable au transport par porte-conteneurs intégral. Les différences, du point de vue de la clientèle, sont l'absence de départs hebdomadaires réguliers et le fait que, dans de nombreux cas, les navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux utilisent des terminaux portuaires ou des postes d'accostage différents de ceux utilisés par les porte-conteneurs intégraux, avec pour conséquence des pertes d'efficience dans les opérations de transport multimodal.

iii) Transports aériens

(61) Les services de transport aérien (ou les services combinés air-mer) ne sont adaptés qu'aux marchandises devant être transportées rapidement, et dont la valeur élevée permet de supporter des coûts de transport plus importants.

(62) Tout chargeur étant soucieux de réduire ses coûts de transport au strict minimum, il ne sera disposé à supporter le surcoût lié au transport aérien que s'il est indispensable que ses marchandises soient livrées plus rapidement qu'elles ne pourraient l'être si elles étaient transportées par mer et si la valeur des marchandises est suffisamment élevée pour qu'il puisse supporter le coût plus élevé du transport. Dans ce cas, il serait inexact de dire que le transport maritime peut se substituer au transport aérien. Il convient de noter que la majeure partie des marchandises transportées dans le sens ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient (l'objet de l'EATA) sont considérées par les parties à l'EATA comme des marchandises de faible valeur.

iv) Transports terrestres

(63) Les parties ont souligné dans la notification que le Transsibérien ne constituait pas une solution de remplacement efficace en ces temps d'instabilité économique et politique que connaissait la Communauté des États indépendants. Il semble que les volumes transportés par le Transsibérien aient considérablement diminué depuis l'effondrement de l'Union soviétique. De toute façon, un seul navire de 4000 EVP transporte environ autant que cinquante trains de 2,4 kilomètres de long.

v) Services transpacifiques

(64) Les parties n'ont pas apporté la preuve que les transbordements dans les ports américains ou les ponts terrestres ferroviaires comptent pour beaucoup dans les quantités de marchandises transportées d'Europe du nord vers l'Extrême-Orient.

vi) Services à partir de la Méditerranée ou de la mer Noire

(65) Les parties ont également fait valoir que les services à partir de la Méditerranée et de la mer Noire représentent une source de concurrence importante pour les opérateurs desservant le trafic de l'Europe du nord vers l'Extrême-Orient. Elles n'ont cependant pas fourni le moindre exemple de fret passant effectivement d'une région à l'autre, que ce soit dans la demande d'exemption ou dans la réponse à la communication des griefs. En outre, Drewry considère que:

"En faisant demi-tour dans la Méditerranée, les navires assurant la liaison Europe-Extrême-Orient pourraient gagner au moins deux semaines sur la durée du voyage aller-retour qui est en moyenne de neuf semaines (soit une augmentation de 22 % de la productivité des navires), mais cela paraît peu probable dans un avenir prévisible, étant donné les limites, sur le plan des infrastructures, des ports méridionaux et du réseau ferroviaire européen (26)".

VI. Structure du marché

(66) Dans le cas de l'EATA, il convient d'examiner non seulement les parts de marché que détenaient à l'époque les parties à l'accord (voir considérants 80 et 81), mais aussi la structure du marché. Le fait que de nombreuses parties à l'EATA étaient aussi membres de la FEFC et que toutes les parties à l'EATA, à l'exception de Hyundai, étaient également parties au Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (FETTCSA) revêt une importance particulière. La participation des parties à l'EATA à chacun de ces accords est indiquée dans le tableau 2(27).

EMPLACEMENT TABLEAU

i) La Far Eastern Freight Conference (FEFC) (28)

(67) La FEFC est une association regroupant des compagnies maritimes assurant des services de transport réguliers entre l'Europe et l'Extrême-Orient La FEFC ne propose pas elle-même de services de transport et ne conclut pas elle-même de contrats avec des chargeurs ou d'autres clients. Elle réglemente un certain nombre de conditions, notamment les tarifs sur la base desquelles les compagnies membres offrent leurs services. La FEFC est utilisée par ses membres comme organe central pour publier leurs décisions et communiquer avec d'autres organisations, parmi lesquelles les conseils de chargeurs.

(68) Afin de répondre aux conditions fixées pour l'exemption des conférences maritimes (29), les membres de la FEFC son tenus, conformément à l'article 1er, paragraphe 3, point b), du règlement (CEE) n° 4056-86, d'appliquer des taux de fret uniformes ou communs.

(69) Ainsi qu'il ressort du considérant 80, les membres de la FEFC détenaient, en 1991, une part de 58 % du trafic entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient. En d'autres termes, plus de 50 % du fret représentant le marché en cause naviguait, en principe, entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient à des taux uniformes ou communs fixés par les compagnies maritimes constituant la majorité des membres de l'EATA.

ii) Le Far East Trade Tariff Charges and Surcharges Agreement (FETTCSA)

(70) Le FETTCSA était un accord conclu le 5 mars 1991 entre les principales compagnies maritimes desservant les routes Europe/Extrême-Orient (à l'exception de Hyundai), parmi lesquelles figuraient douze membres de la FEFC et les six compagnies indépendantes desservant ces routes. Selon le secrétaire de l'EATA (30), le FETTCSA a vu le jour à la suite de discussions entre différentes compagnies maritimes sur l'accord qui a précédé l'EATA, le European Stabilisation Agreement (ESA).

(71) Le FETTCSA prévoyait que les parties discutent du calcul et de la fixation des taxes et surtaxes autres que celles couvrant le transport maritime et l'acheminement terrestre:

i) en établissant ou en appliquant des règles uniformes concernant la structure et les conditions d'application des tarifs de transport

et

ii) en fixant ou en appliquant des prix et conditions forfaitaires pour l'organisation et l'exécution d'opérations successives ou supplémentaires de transport maritime.

(72) Le FETTCSA prévoyait que les parties procèdent à des échanges de vues et d'informations sur tous les sujets entrant dans le cadre de l'accord et fixent les modalités de gestion de l'accord.

(73) Selon les déclarations du Conseil des chargeurs européens (ESC) et du Conseil national des usagers des transports (CNUT) (31), qui ont été confirmées par le secrétariat du FETTCSA (32), les taxes facturées en sus du fret maritime, telles que les surtaxes, représentent souvent près de 35 % du coût total du transport pour les chargeurs ou jusqu'à 60 % du taux de fret effectif. Le Conseil des chargeurs japonais a précisé que les taxes et les surtaxes étaient beaucoup plus élevées que les dépenses correspondantes et qu'elles constituaient donc une partie du revenu global des compagnies maritimes.

(74) Un accord, qui permet à des concurrents de discuter de la façon dont les prix sont fixés et des éléments qui doivent être inclus dans ces prix, est de nature à porter atteinte à la liberté de tarification. Il s'agit non de simples méthodes de calcul, mais d'une tentative de fixation des prix qui fait que ceux-ci diffèrent de ce qu'ils seraient normalement.

(75) Les parties au FETTCSA ont mis fin à l'accord à la suite de l'adoption d'une communication des griefs par la Commission en 1994.

iii) Effets combinés de la FEFC, du FETTCSA et de l'EATA

(76) L'objet déclaré de l'EATA était de permettre aux parties de majorer leurs taux de fret (voir considérant 9). Bien que certains membres de la FEFC ne fussent pas parties à l'EATA, le système de fixation des prix pratiqué par la FEFC et le fait que les principaux membres de la FEFC étaient parties à l'EATA auraient permis à tous les membres de la FEFC, opérant dans l'aire géographique couverte par l'EATA, de bénéficier des majorations des taux, qu'ils fussent ou non parties à l'EATA.

(77) La combinaison de la FEFC et des deux accords conclus entre celle-ci et des compagnies indépendantes - l'EATA et le FETTCSA - est susceptible d'avoir eu un effet sensible sur la concurrence par les prix entre les membres de la conférence FEFC (qui appliquent des taux de fret communs ou uniformes et ne se livrent donc aucune concurrence par les prix) et les compagnies maritimes hors conférence. Tant l'EATA que le FETTCSA risquaient, en effet, de donner lieu à des hausses des prix coordonnées.

(78) Indépendamment de l'effet direct que l'EATA aurait eu sur les taux de fret des parties, il est aussi possible que les taux de fret des compagnies indépendantes qui n'étaient pas parties à l'accord auraient également été majorés du fait de la mise en œuvre de celui-ci. Cette possibilité, qui tiendrait d'un comportement commercial normal et légitime de la part des compagnies maritimes qui n'étaient pas parties à l'EATA, est liée au fait que ces compagnies indépendantes tiennent compte du tarif de la FEFC (33) pour fixer leurs prix et que ce tarif aurait lui-même été relevé du fait de la mise en œuvre de l'EATA.

(79) Les accords EATA et FETTCSA contenaient des dispositions chargeant le directeur général et le personnel de la FEFC d'assurer le secrétariat de ces accords, qui sont, pour l'essentiel, identiques. Leur rôle d'administrateurs des trois accords était de nature à renforcer les liens étroits et à favoriser les échanges d'informations entre les membres appartenant à la conférence et les compagnies indépendantes.

VII. Parts de marché

(80) D'après les estimations fournies par l'EATA à la Commission dans la demande d'exemption (et qui se rapportent donc à la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'EATA), les parties à l'accord assuraient, en 1991, environ 86 % du trafic régulier ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient. La part de marché qui échappait ainsi théoriquement à l'accord s'élevait donc à 14 %. Ces chiffres comprennent une marge représentant la part du fret transportée par le Transsibérien. Pour les raisons indiquées au considérant 63, la Commission considère que le Transsibérien ne fait pas partie du même marché mais, compte tenu des quantités relativement peu importantes (environ 2 %) transportées de cette manière, elle n'a pas jugé utile de corriger les chiffres fournis par l'EATA de façon à exclure le Transsibérien.

EMPLACEMENT TABLEAU

(81) Les parties à l'EATA ont estimé qu'en ce qui concerne leur part de marché, les chiffres comparables à ceux fournis en 1991 dans le tableau 3 étaient de 83,5 % en 1993, 80 % en 1994 et 78 % en 1995.

VIII. Taux de fret

(82) L'EATA n'est pas une conférence maritime (voir considérant 180) et il ne comprend aucun mécanisme direct permettant de décider l'application de majorations des taux de fret. Toutefois, les majorations des taux annoncées par l'Eastbound Management Agreement (EMA - organe exécutif de la FEFC, qui fixe les taux FEFC pour les services ouest-est) depuis la mise en œuvre de l'EATA ont été de 100/200 USD par EVP/EQP en avril 1993 et de 75/100 USD par EVP/EQP à partir de juillet 1993. En novembre 1993, après que la réduction du volume des capacités offertes eut été ramenée à zéro, l'EMA a annoncé qu'il procéderait à une nouvelle augmentation des taux de 150/225 USD par EVP/EQP, avec effet au 1er janvier 1994.

(83) Selon Drewry (34), les taux de fret ouest-est sur le trafic Europe/Extrême-Orient ont connu en moyenne les augmentations suivantes comme indiqué dans le tableau 4:

EMPLACEMENT TABLEAU

(84) Le 7 juin 1993, les compagnies membres de l'Asia Westbound Rate Agreement (AWRA - autre organe exécutif de la FEFC, qui couvre les trafics est-ouest à destination de l'Europe et de la Méditerranée occidentale) ont annoncé qu'elles avaient décidé d'appliquer un "réaménagement des taux" de 150/300 USD par EVP/EQP, avec effet au 1er juillet 1993. Dans ce contexte, un "réaménagement des taux" signifie un accord visant à réduire le niveau des rabais entre tous les membres (across the brand) ; il ne s'agit donc pas d'une majoration des tarifs de la conférence (qui sont appelées majorations générales des taux), mais d'une tentative de rapprocher les prix effectifs des taux publiés.

(85) D'après le secrétaire de l'EATA, les parties à l'EATA ont examiné, lors d'une réunion qui s'est tenue à Paris en mars 1993, une proposition visant à étendre la portée de l'EATA de façon à donner aux parties le pouvoir de discuter des taux et "cette proposition n'a abouti à aucune décision, mais certains membres ont estimé que cette question méritait d'être approfondie" (35).

IX. Utilisation des capacités

(86) L'utilisation des capacités sur le trafic ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient est caractérisée par le fait que les limitations du port en lourd peuvent entraîner une réduction de la capacité de transport d'un navire pouvant aller jusqu'à 20 %, de telle sorte qu'une capacité d'utilisation de 80 % correspond, dans la pratique,à des navires pleins (36). Elle se caractérise aussi par le fait qu'en raison des variations saisonnières, la demande est beaucoup plus élevée au cours du troisième et, plus encore, du quatrième trimestre de l'année civile.

(87) Tous ces éléments signifient que les volumes et les recettes seraient plus faibles sur les routes ouest-est que sur les routes est-ouest, même si le degré d'utilisation des capacités et les taux de fret étaient les mêmes dans les deux sens. En outre, le fait que la demande soit beaucoup plus élevée en fin d'année a pour conséquence qu'une certaine sous-utilisation des capacités est inévitable en début d'année, si les compagnies veulent pouvoir disposer d'une capacité suffisante pour faire face à la demande ultérieure. La tendance à des recettes plus faibles sur les routes ouest-est est renforcée par le fait qu'une grande partie des marchandises expédiées de l'Europe du nord vers l'Extrême-Orient sont de moindre valeur que celles expédiées dans l'autre sens et qu'elles sont généralement plus sensibles au coût du transport.

(88) Un autre facteur, qui peut contribuer à expliquer la faiblesse apparente des recettes sur les services ouest-est, est le désir des compagnies d'utiliser des navires "de capacité quasiment similaire". En d'autres termes, les compagnies tentent de faire en sorte que tous les navires composant une flotte aient la même taille. Il en résulte que la capacité globale d'une flotte est déterminée non seulement par la régularité et la rapidité du service souhaitées par la compagnie, mais aussi par le fait que la taille des navires qui la composent est déterminée par le niveau le plus élevé de la demande escomptée pour l'un d'entre eux. Ainsi, la capacité mise en place pour faire face à la demande de novembre sera toujours disponible en janvier, lorsque la demande aura probablement baissé.

(89) Un autre facteur, influant sur l'utilisation des capacités sur le trafic ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient, est le nombre très élevé d'opérations de repositionnement de conteneurs. Le repositionnement de conteneurs vides d'une partie du monde vers une autre (ou d'une région vers une autre) est le résultat du déséquilibre entre les courants commerciaux ; ainsi, par exemple, il y a plus de conteneurs pleins transportés à partir du Japon vers l'ouest que vers l'est à destination du Japon, et les conteneurs excédentaires doivent donc être ramenés à vide. D'après les chiffres communiqués à la Commission par les parties à l'EATA, environ 18 % de tous les conteneurs transportés dans le sens ouest-est par les parties à l'EATA en 1992 (y compris le fret hors EATA) étaient vides. En 1991, cette proportion était de 24 %.

(90) D'après les informations dont dispose la Commission, au cours de la période considérée, la capacité dans le sens est-ouest était très supérieure à la capacité dans le sens ouest-est (37), les services ayant été réorganisés pour tenir compte du déséquilibre de la demande dans un sens par rapport à l'autre. Pour cela, les compagnies ont offert des services "tour du monde" dans le sens ouest-est, utilisant des navires plus petits et moins nombreux que les services "tour du monde" dans le sens est-ouest.

(91) Le tableau 5 fournit des chiffres d'utilisation des capacités qui représentent une moyenne pour les parties à l'EATA et pour la période de quatre ans de 1989 à 1992.

EMPLACEMENT TABLEAU

(92) Les chiffres cumulés pour la période janvier/août 1993 concernant l'utilisation des capacités dans le sens ouest-est, conteneurs vides non compris, indiquent qu'au cours de cette période, les parties à l'EATA ont atteint en moyenne un niveau d'utilisation des capacités de 80,2 %. Si l'on tient compte du fret hors EATA, ce chiffre était de 83,2 %. En août 1993, le taux d'utilisation des capacités était de 86,3 % (conteneurs vides non compris).

(93) L'un des conseillers économiques des parties au TACA a écrit ceci:

"A titre d'observation générale, toutefois, les conversations avec les exploitants de navires nous amènent à penser que le coefficient de chargement d'équilibre pour un voyage aller-retour peut varier entre 55 et 80 % ... (38)".

(94) En outre, l'augmentation des capacités disponibles dans les deux sens au cours des quatre années qui ont précédé la mise en œuvre de l'EATA a coïncidé avec l'accroissement de la demande. Le tableau 6 se fonde sur le volume des capacités offertes et celui des marchandises transportées par les parties à l'EATA dans les sens ouest-est et est-ouest en 1989. Pour permettre la comparaison avec les années ultérieures, les chiffres ont été convertis en indices (1989 = 100).

EMPLACEMENT TABLEAU

(95) Le tableau 6 montre que, pour la période de 1989 à 1992 prise dans son ensemble, le taux d'augmentation des capacités disponibles dans le sens ouest-est a été le même que celui de la demande et, dans le sens est-ouest, les capacités disponibles ont également enregistré un taux d'augmentation similaire à celui de la demande. On peut donc déduire du tableau 6 que l'argument avancé par les parties à l'EATA, selon lequel, dans le sens ouest-est, les capacités avaient augmenté plus que la demande, n'est pas fondé.

(96) D'après les informations dont dispose la Commission, la demande de services ouest-est a été beaucoup plus forte que prévu au cours du quatrième trimestre de 1993, ce qui a entraîné une suspension "temporaire" du programme de non-utilisation de capacités de l'EATA (voir considérant 27), qui n'a en fait jamais été réintroduit. Les allégations des parties à l'EATA concernant le caractère structurel de la prétendue surcapacité sur le trafic ouest-est entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient (voir considérant 24) étaient donc dénuées de fondement. Quoi qu'il en soit, la pertinence de ces allégations est examinée plus loin au considérant 230.

(97) En outre, l'affirmation selon laquelle la surcapacité qui aurait existé à l'époque était de nature structurelle est contredite par les arguments avancés par les parties dans la demande d'exemption individuelle. Pour prouver que cette prétendue surcapacité est structurelle, les parties devraient démontrer qu'elle ne pourrait jamais, pendant toute sa durée de vie, être utilisée efficacement. Or, les parties à l'EATA ont précisément fait valoir le contraire:

"Even allowing for the present degree of overcapacity ... capacity will have to grow substantially over a ten year period.

Taking a ten year view, the maritime transport industry will have to meet substantial demands for additional capacity, as well as a certain level of replacement, at high newbuilding prices (39)"

"[En dépit de la surcapacité actuelle ..., la capacité devra fortement augmenter au cours des dix années à venir.

Si l'on considère les dix années à venir, le secteur des transports maritimes devra faire face à une forte demande de capacités supplémentaires et il faudra aussi procéder à certains remplacements à un coût de construction élevé (40)]".

(98) À la lumière de ces commentaires, qu'elle n'a aucune raison de mettre en doute, la Commission estime que les parties n'ont pas réussi à prouver le bien-fondé de leurs allégations selon lesquelles il existait un problème structurel de surcapacité sur les routes entre l'Europe du nord et l'Extrême-Orient.

(99) Enfin, selon Drewry, la situation de l'offre et de la demande sur le trafic Europe du nord/Extrême-Orient se présentait comme suit au cours de la période de 1992 à 1997:

EMPLACEMENT TABLEAU

(100) Les chiffres fournis pour la demande dans le tableau 7 excluent le trafic militaire et le fret en transbordement acheminé via les grands ports commerciaux ainsi que les conteneurs vides. Ils sous-estiment, par conséquent, l'utilisation réelle des navires. La capacité est calculée déduction faite de la capacité non utilisée par l'EATA en 1993 et d'une réduction des cellules de 20 % résultant des limitations du port en lourd.

(101) Le tableau 7 fait non seulement apparaître une croissance continue de la demande dans les deux sens, mais il démontre aussi que, pendant la période au cours de laquelle l'EATA était en vigueur, l'augmentation de l'offre a largement devancé la demande, ce qu'illustre le tableau 8. En conséquence, si tant est qu'il y ait eu des problèmes de surcapacité, on peut déduire de ce qui précède que ces problèmes auraient été provoqués par l'introduction de nouvelles capacités et qu'ils ne seraient pas dus à l'existence d'une surcapacité de la mise en œuvre de l'EATA.

EMPLACEMENT TABLEAU

(102) On peut encore tirer deux conclusions de ce qui précède. En premier lieu, aucune raison manifeste n'explique pourquoi le gel des capacités n'a été appliqué qu'aux services ouest-est, c'est-à-dire aux exportations en provenance de l'Europe du nord. En second lieu, rien ne permet de penser que le gel des capacités était nécessaire en 1993, alors qu'il ne l'a pas été de 1994 à 1997. Le tableau 9 confirme ces conclusions.

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(103) Le tableau 9 répond également à l'argument des parties à l'EATA selon lequel les conteneurs vides ne doivent pas être inclus dans les chiffres concernant la demande au motif que, dans l'ensemble, ils ne produisent aucun revenu. Quelle que soit la valeur de cet argument, le fait est que les conteneurs vides réduisent l'espace disponible sur les navires pour les conteneurs pleins. Ainsi, la capacité disponible est calculée dans le tableau 9 en soustrayant de la capacité totale le nombre de conteneurs vides transportés.

X. La notion de stabilité

(104) Une conférence maritime contribue à assurer la stabilité des trafics qu'elle couvre en fixant un tarif uniforme servant de point de référence au marché. Les prix fixés de la sorte ont des chances de rester inchangés plus longtemps que s'ils étaient fixés individuellement par les compagnies maritimes. Cette limitation des fluctuations de prix qui se produiraient sur un marché normalement concurrentiel peut être profitable aux chargeurs, car elle réduit les incertitudes quant aux conditions commerciales futures (41).

(105) La stabilité des taux prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86 a pour effet indirect de garantir aux chargeurs des services fiables. Les services de ligne sont par nature réguliers, en ce sens qu'ils reposent sur un horaire régulier. Par services fiables, il faut entendre des services de qualité raisonnable dans le cadre desquels les marchandises confiées par les chargeurs ne subissent aucun dommage et dont le prix reste identique, quels que soient le jour et la compagnie choisis pour le transport du fret. En matière de transports, la fiabilité tient au maintien dans la durée d'un service régulier qui garantisse aux chargeurs des prestations adaptées à leurs besoins.

(106) Pour ces raisons, les clients des membres des conférences maritimes sont considérés comme obtenant une part équitable du profit qui résulte des restrictions de concurrence imputables à ces ententes. En conséquence, pour autant que les membres de la conférence restent soumis à une concurrence effective, les accords conclus entre eux quant à la fixation commune des taux bénéficient d'une exemption par catégorie.

(107) Toutefois, les parties à l'EATA se fondent sur la thèse selon laquelle le marché des transports maritimes réguliers diffère tellement de tous les autres marchés de biens et de services qu'il doit échapper aux règles normales de concurrence applicables à ces autres marché. Elles font valoir que :

"a competitive equilibrium does not exist in liner shipping" and that "if a competitive equilibrium does not exist, attempts to attain it via competition policy will be in vain". (42)

["il n'existe pas d'équilibre concurrentiel dans les transports maritimes réguliers" et que "s'il n'existe pas d'équilibre concurrentiel, toute tentative de le réaliser par le biais de la politique de concurrence sera vaine". (43)]

(108) Selon les parties à l'EATA, la notion de stabilité impliquerait que toute compagnie maritime opérant sur un trafic donné devrait avoir l'assurance d'un rendement de son capital suffisant pour que ses propriétaires ne soient pas tentés d'investir ce capital ailleurs.

(109) Leur principal argument est le suivant: le secteur des transports maritimes de ligne ayant des coûts fixes élevés, mais évitables, l'existence d'une capacité de réserve provoque une concurrence à court terme par les prix à des niveaux proches du coût marginal ; il en résulte un retrait de capacités, les exploitants n'ayant d'autre choix que de transférer leurs navires vers des trafics plus rentables sous peine d'être acculés à la faillite. En théorie (44), cela pourrait conduire à une pénurie de capacités qui provoquerait une forte augmentation des prix susceptible d'attirer de nouvelles capacités et de nouveaux opérateurs sur le marché. Les capacités gonfleraient alors jusqu'à atteindre un niveau de réserve adéquat (le niveau indispensable pour fournir des services fiables) et le cycle recommencerait.

(110) Ces fluctuations potentiellement importantes des prix et des capacités disponibles seraient l'expression d'un dysfonctionnement du marché, celui-ci étant intrinsèquement instable. Pour rompre ce cycle, il est indispensable de s'en tenir à une stricte discipline des prix sur le marché, de manière à empêcher les compagnies maritimes d'offrir des services à des prix que les champions de cette thèse considèrent comme trop bas ("concurrence ruineuse"). C'est, à leur avis, ce que reconnaît le règlement (CEE) n° 4056-86, lorsqu'il exempte certaines pratiques de fixation des prix des conférences maritimes.

(111) De plus, une simple fixation des prix ne suffit pas selon eux, des mesures supplémentaires telles que des accords de non-utilisation des capacités sont nécessaires pour limiter le volume des marchandises que chaque compagnie est autorisée à transporter, de manière à éviter que les compagnies ne soient tentées de transporter des marchandises supplémentaires à un prix proche du coût marginal. De telles mesures, ajoutent-ils, ne donnent pas aux conférences le pouvoir de majorer les prix à volonté, car des prix supérieurs à ceux pratiqués dans une situation concurrentielle normale attireraient sur le marché des concurrents potentiels.

(112) Cette analyse illustre les arguments invoqués dans de nombreuses affaires de concurrence par les membres d'une entente cherchant à établir une distinction entre concurrence "loyale" et concurrence "ruineuse" (45). En fait, la plupart des facteurs invoqués à l'appui de la thèse selon laquelle le marché des transports maritimes de ligne n'est pas équilibré ne sont pas propres à ce secteur. L'existence de capacités de réserve est un trait commun à la plupart des secteurs à forte intensité de capital, où les coûts irrécupérables sont importants, alors que les coûts de production variables marginaux sont faibles. Dans certains cas, il est tentant de baisser les prix pour accroître le chiffre d'affaires en augmentant le volume.

(113) Les arguments invoqués par les tenants de la thèse de l'instabilité intrinsèque reposent sur deux théories très controversées que Pirrong (46), Sjostrom et Davies (47), en particulier, ont cherché à appliquer aux transports maritimes: la théorie du noyau et celle des marchés contestables. Les hypothèses indispensables à l'application de ces modèles théoriques (présence de coûts fixes mais évitables, impossibilité d'aligner les capacités sur la demande et attitude suicidaire des armateurs lors de la fixation de leurs prix) semblent irréalistes aux yeux de la plupart des commentateurs. Il n'est donc guère surprenant que les travaux des économistes, qui appliquent ces modèles théoriques hétérodoxes n'aient pas été acceptés par la plupart des analystes des transports maritimes (48).

i) La théorie du noyau et la théorie des marchés contestables

(114) Selon la théorie du noyau (49), le maintien d'une capacité de réserve, permettant d'assurer un service régulier et fiable en dépit des fluctuations de la demande, pourrait amener les armateurs à oublier la raison d'être de cette capacité de réserve (qui devrait normalement rester inutilisée sauf en situation d'augmentation exceptionnelle de la demande à prix constants, par exemple une demande saisonnière) et à décider d'abaisser leurs prix de façon à pouvoir utiliser cette capacité de réserve en attirant des clients supplémentaires. Une telle stratégie commerciale vise à maximiser l'utilisation des navires.

(115) La décision d'abaisser les taux amènerait d'autres armateurs à se livrer à une guerre des prix aboutissant à des niveaux de prix très bas, correspondant ou presque au coût marginal à court terme du transport d'un conteneur supplémentaire, puisque les armateurs ne seraient pas capables d'adapter rapidement leurs capacités à la demande. C'est ainsi que s'enclencherait la spirale des fluctuations excessives des prix et de la qualité du service décrite plus haut, qui serait à l'origine de l'instabilité intrinsèque du secteur.

(116) Sans approfondir la question de savoir si la théorie du noyau est plus qu'une théorie abstraite, il ne fait aucun doute que les hypothèses qui la sous-tendent sont inapplicables au secteur des transports maritimes réguliers.

(117) En premier lieu, la notion de capacité de réserve se ramène au problème de l'indivisibilité des facteurs de production dans le secteur des transports réguliers (50). Ainsi, du point de vue de la compagnie maritime, les coûts liés à la capacité des navires sont des coûts communs à l'ensemble du fret transporté et ils ne sont pas imputables par expédition. Ils ne sont donc pas inclus dans le calcul d'un taux de fret donné et ce sont les coûts directs de manutention qui constituent le plancher de tarification. L'opinion selon laquelle les coûts liés à la capacité ne sont pas imputables se complique encore si l'on tient compte de la discrimination par les prix entre marchandises, qui fait que le prix à payer pour le même service peut être cinq fois plus élevé pour une marchandise que pour une autre.

(118) Toutefois, comme le font observer Jansson et Schneerson, il existe un problème général des marchés de transport à chargement partagé, qu'il s'agisse de passagers ou de fret: lorsque le chargement partagé porte sur de faibles quantités (par exemple, un seul conteneur sur un cargo de ligne), un problème d'indivisibilité peut se poser, qui conduit à la conclusion que le coût lié à la capacité ne devrait pas être inclus dans le coût marginal. Si tant est que ce problème se soit jamais posé, il est clair qu'il existe maintenant des moyens d'en minimiser les effets négatifs sur la rentabilité et qu'ils sont bien connus du secteur des transports maritimes de ligne. Les prix marginaux raisonnables sont définis en appliquant les principes d'optimisation du revenu global (Yield management) bien connus dans le domaine de la fixation des tarifs aériens. Aujourd'hui, les principales compagnies maritimes recourent à ces principes de fixation des prix marginaux pour prévenir toute pollution de leurs taux normaux par les ventes marginales (51).

(119) Le rapport Drewry 1991 (52) soulignait que des prix fixés au niveau du coût variable marginal seraient de l'ordre de 20 à 400 USD par conteneur de 40 pieds (suivant que l'armateur est propriétaire ou locataire de l'équipement), ce qui est bien au-dessous de tous les taux enregistrés à l'époque. L'analyse faite dans le rapport Drewry montre l'absurdité de l'idée avancée par les défenseurs de la théorie de la concurrence ruineuse qui veut que certains taux occasionnels consentis sur des chargements marginaux (à un niveau proche du coût variable marginal) auraient pour effet de contaminer l'ensemble des taux. Comme toutes les autres entreprises, les compagnies maritimes se rendent bien compte qu'il est impossible de rentabiliser leurs opérations en offrant des taux en moyenne inférieurs au coût total moyen.

(120) En deuxième lieu, l'hypothèse de la fluctuation des capacités est essentielle à l'application de la théorie du noyau. Elle n'est cependant pas compatible avec l'existence de gros investissements irrécupérables consentis par les compagnies maritimes. Les investissements, par exemple dans des navires porte-conteneurs spécifiques pour chaque service et des installations portuaires et terminales, ainsi que dans les structures commerciales et administratives nécessaires à la constitution d'une clientèle suffisante, impliquent nécessairement des pertes, si la compagnie décide brusquement d'abandonner une ligne. Comme l'abandon d'une ligne intervient généralement en période difficile, la compagnie doit s'attendre à devoir revendre ses actifs à des prix extrêmement bas.

(121) La débâcle de US Line en 1986 fournit un remarquable exemple de coûts irrécupérables consentis dans des navires. Selon les estimations, une part d'environ 40 % à 50 % de la valeur résiduelle des investissements n'a, en l'occurrence, pas été récupérée (53). Les investissements en jeu sont si importants que les compagnies maritimes n'ont pas intérêt à se retirer du marché au premier dérapage des prix. Par conséquent, les concurrents potentiels doivent aussi s'attendre à une réaction commerciale vigoureuse de la part des compagnies déjà présentes sur le marché en cas de modification de la structure concurrentielle du trafic. L'existence de coûts irrécupérables limite donc le risque d'entrées/sorties éclair qu'implique la théorie du noyau.

(122) En troisième lieu, la théorie du noyau suggère que le retrait de capacités entraîne une baisse de la qualité du service (fréquence et capacité), suivie d'une hausse des prix propre à attirer de nouveaux concurrents sur le marché. Cette hypothèse part du principe que les services et capacités exploités par les compagnies présentes sur le marché sont définis de manière rigide, sans possibilité d'adaptation à la demande. Cette hypothèse correspond à une vision erronée de la stabilité des services, selon laquelle la stabilité des transports reviendrait à protéger tous les services en place et exigerait une protection contre toute forme de concurrence, celle-ci étant considérée comme ruineuse. Cette hypothèse ne reflète pas les caractéristiques des principales routes maritimes.

(123) Pour les raisons invoquées ci-dessus, la Commission ne peut admettre l'idée selon laquelle la théorie du noyau serait applicable à l'étude du secteur des transports maritimes de ligne. De plus, hormis le fait que la théorie du noyau n'offre pas un cadre théorique satisfaisant, il convient de noter que les spécialistes de cette théorie ne sont pas capables de proposer des solutions concrètes. Selon Pirrong (54), "D'autres systèmes peuvent aussi corriger les problèmes de noyau vide, à savoir les monopoles, les contrats à long terme et l'intégration verticale".

(124) En conséquence, une stratégie commerciale, reposant sur une différenciation de la qualité du service en fonction du client et sur la conclusion de contrats de services individuels, permet de résoudre tout problème d'"instabilité intrinsèque" du secteur. Comme ces stratégies commerciales sont bien connues des compagnies maritimes, il faut en conclure que la théorie du noyau, même si elle était applicable, ne saurait justifier les ententes.

(125) Les armateurs invoquent aussi la théorie du marché contestable pour soutenir que l'existence d'une concurrence potentielle garantit des services efficaces à des prix concurrentiels. La menace de l'entrée soudaine de concurrents soumettrait les compagnies présentes sur le marché à certaines contraintes d'efficacité. L'applicabilité de cette théorie aux compagnies maritimes est toutefois contestée par de nombreux économistes (55).

(126) Outre l'existence d'importants coûts irrécupérables limitant les possibilités d'entrée rentable sur le marché, il convient de noter qu'une condition d'applicabilité de la théorie du marché contestable est qu'il ne doit pas nécessairement y avoir d'entrée ou de sortie, la menace d'une concurrence potentielle étant suffisante. Selon cette théorie, ce n'est que si la concurrence potentielle n'exerce pas de véritable pression concurrentielle que les prix risquent d'être élevés ou l'offre inefficiente au point d'attirer de nouveaux venus espérant tirer profit de cette inefficacité.

(127) Jankowski a souligné qu'un nombre élevé de cas d'allées et venues sur le marché, qui ne sont généralement pas rentables et mènent à la faillite, indiquait au contraire le manque de contestabilité du marché. Dans son étude de 1986 (56), Davies a soutenu que le trafic de ligne entre l'Europe et le Canada était contestable en raison précisément du nombre d'entrées enregistrées, mais il n'a pas analysé la rentabilité de ces mouvements. Ses conclusions quant à la contestabilité du marché sont donc discutables.

(128) Il convient de noter, par ailleurs, que la majorité sinon la totalité des entrées et sorties dont parle Davies concernait des décisions de redéploiement de navires de la part de compagnies présentes sur des trafics voisins. Aucune analyse de ces redéploiements n'a été faite pour déterminer s'il s'agissait en fait d'entrées-sorties éclair.

(129) Le concept de mobilité et de flexibilité dans le positionnement des navires est accepté par la plupart des spécialistes et par les armateurs eux-mêmes (57). Les observations de Davies concernant les entrées et sorties sur le trafic Europe-Canada viennent davantage étayer l'idée de la flexibilité dans le redéploiement des navires que celle d'une réelle contestabilité du marché:

"Toutes les analyses susmentionnées relatives aux entrées et sorties ont été faites sur la base de la création ou de la disparition des services et non des compagnies. Le déplacement des navires par une société d'un trafic vers un autre implique nécessairement le retrait d'un service et l'introduction d'un autre (facteur qui influencera en soi l'environnement concurrentiel propre à chaque trafic), mais ne modifie pas obligatoirement le nombre de compagnies présentes sur le marché en général. Le [tableau 4] montre la rotation des compagnies assurant les services de ligne sur le trafic canadien, mais, là aussi, les mêmes problèmes se posent: une compagnie nouvelle au Canada peut ne pas l'être pour le reste du monde et une sortie du Canada peut ne pas signifier la disparition pure et simple de cette compagnie, mais son déplacement vers une route non canadienne. C'est ainsi que sur les 49 sorties mentionnées au tableau 4, six seulement sont dues à la faillite complète de la compagnie concernée, six autres sont dues à une prise de contrôle ou à une fusion, les sorties restantes étant liées à un déplacement de services (Abbott et al, 1984). De même, la presque totalité des 60 sociétés entrées sur le trafic canadien pendant cette période n'étaient en fait pas de nouvelles sociétés, mais des sociétés étrangères qui procédaient à un redéploiement de leurs capacités, sans doute en raison des possibilités de bénéfices qu'elles avaient détectées". (58)

(130) Dans sa conférence de Tarporley, le professeur Gilman a également critiqué l'idée de la contestabilité et celle d'une instabilité intrinsèque sur les principaux axes mondiaux dans les termes suivants:

"Il n'est toutefois pas nécessaire de disposer de preuves concrètes de pertes dans des cas bien précis pour critiquer le principe de faibles coûts irrécupérables. Tout revient en fait à une question de structure du secteur concerné, étant donné que c'est cela qui détermine les relations entre les marchés: les principaux axes maritimes se composent de trois grands marchés: l'Atlantique, le Pacifique et la liaison Europe/Extrême-Orient. La disponibilité de capacités pour entrer sur un de ces axes et le niveau des coûts irrécupérables en cas de sortie dépendent clairement des conditions qui prévalent sur les deux autres. Si les trois routes étaient plus ou moins en équilibre, il serait tout simplement impossible de disposer de la capacité voulue pour le remplacement total et instantané des opérateurs en place sur n'importe lequel de ces marchés. Dès que les navires commenceraient à quitter les deux autres, les prix grimperaient - plus ou moins fort en fonction de l'élasticité de la demande - et le processus se gripperait rapidement. Ainsi, même en l'absence de barrières à l'entrée et à la sortie, le marché ne pourrait être enlevé aux opérateurs en place au point de les supplanter totalement.

Des entrées massives par la construction de nouveaux navires seraient tout aussi impossibles. Remplacer tous les navires sur l'axe Europe/Extrême-Orient coûterait, par exemple, plus de 10 milliards d'USD. De plus, même dans l'hypothèse la plus optimiste, cinq ans s'écouleraient entre la décision de construire ces navires et leur entrée en service. Les prix des navires grimperaient (ce qui signifie que les nouveaux venus potentiels ne pourraient pas obtenir leurs navires au prix payé par les opérateurs en place) et toute tentative de construction à cette échelle provoquerait un déséquilibre majeur dans le secteur maritime au niveau mondial.

La concentration de la propriété des grands navires porte-conteneurs affecte aussi les possibilités d'entrée. La flotte mondiale est dominée par une vingtaine de très gros transporteurs dont beaucoup opèrent sur deux des grands axes, voire sur les trois, de sorte qu'ils comptent comme opérateurs en place. Ces deux dernières décennies, la tendance a été à la concentration et bon nombre d'observateurs s'attendent à ce que cette tendance se poursuive au cours des dix prochaines années. Toute nouvelle entrée dans cette grande confrérie risque d'être assez limitée et le cercle de nouveaux venus potentiels fort restreint.

En ce qui concerne les sorties, les possibilités d'un redéploiement même limité des navires dépendent des conditions du marché dans le secteur visé. En admettant qu'un des trois grands axes soit en surtonnage, les deux autres marchés étant fermes, il serait possible de redéployer certains navires. Si tous les axes souffrent au contraire des effets d'une récession mondiale, les possibilités seront assez limitées. Le fait est que, dans la mesure où les marchés subissent un même type d'influences, la sortie sera relativement aisée (pour un nombre modéré de navires) quand les marchés sont fermes, mais beaucoup plus difficile quand ils sont faibles. Il sera donc relativement facile de sortir quand cette sortie ne présente guère d'intérêt. Un redéploiement à très grande échelle serait toutefois impossible et la capacité excédentaire serait vouée au désarmement.

L'analyse faite ci-dessus montre clairement qu'un certain nombre d'hypothèses implicites, concernant la structure et la performance d'un ensemble de marchés apparentés, sous-tendent l'idée d'un marché unique s'inscrivant dans cet ensemble où les coûts fixes ne sont pas irrécupérables. La première est que ce marché unique est de taille réduite par rapport à la taille globale du secteur concerné, la deuxième est que l'ensemble des marchés fonctionne de manière rentable et la troisième que la structure de la propriété est suffisamment diversifiée pour qu'il existe un groupe de nouveaux venus potentiels. Ce n'est qu'à ces conditions qu'une capacité suffisante pour remplacer celle des opérateurs en place pourrait être facilement et rapidement trouvée et aisément réabsorbée au cas où ces derniers décideraient de riposter. Pour chaque marché géographique important par rapport à la taille globale du secteur, comme le sont les trois grands axes maritimes, on ne peut guère envisager que le niveau des coûts irrécupérables soit faible, sauf pour de modestes incursions sur le trafic. Pour en revenir à la réalité actuelle, des incursions même modestes sur un marché dont il n'est pas facile de sortir risquent de déchaîner une concurrence féroce, en particulier parce que les capacités de transport sont un produit périssable.

Dans certains cas, y compris celui du secteur des transports, la mobilité physique du capital est directement liée à la mobilité économique, mais cela ne garantit pas un faible niveau de coûts irrécupérables. Dans d'autres cas, la production est transportable et le capital peut très bien rester en un seul endroit. Une entreprise de fabrication établie sur un site unique, mais ayant une stratégie diversifiée qui lui permet de couvrir tout un éventail de marchés mondiaux pourrait très facilement réorienter sa production (et par conséquent le déploiement d'une bonne partie de son capital fixe) d'un marché vers un autre sans bouger d'un pouce".

(131) Même cette analyse de la contestabilité sous-estime l'importance de la distinction entre la mobilité des navires et la contestabilité des marchés. En effet, les compagnies maritimes qui offrent des services de transport multimodal doivent consentir des investissements à terre dans des domaines tels que la gestion et la commercialisation. Ces actifs sont beaucoup moins mobiles que les navires, si tant est qu'ils le soient. En tout état de cause, les coûts irrécupérables de transfert ou de cessation de ces fonctions de gestion et de commercialisation peuvent être considérables.

(132) Procéder à une analyse économique des transports maritimes de ligne, c'est donc aborder un terrain d'étude complexe. Le présent examen aboutit à la conclusion que les accords entre compagnies maritimes en matière de taux (conférences) ou de capacités (consortiums) ou encore au sein d'ententes qui restreignent encore davantage la concurrence, en particulier celles qui conjuguent fixation des taux et régulation des capacités, ne peuvent pas être analysés exclusivement et de manière simpliste sur la base de la théorie du noyau ou de celle des marchés contestables.

ii) La question de la concurrence ruineuse

(133) Certaines armateurs distinguent deux types de concurrence ruineuse: le type A qui peut exister dans les secteurs présentant certaines caractéristiques, dont des coûts marginaux très inférieurs aux coûts moyens, des capacités excédentaires ou inutilisées et la présence de coûts irrécupérables, le type B qui peut exister en l'absence d'équilibre concurrentiel, dans des situations telles que celles décrites par les théories du noyau ou du marché contestable.

(134) L'examen qui précède a montré que les conditions requises pour qu'il puisse être question de concurrence ruineuse du type B ne sont pas réunies, notamment en raison de l'existence de coûts irrécupérables et de l'absence d'entrées-sorties éclair rentables. En ce qui concerne la concurrence ruineuse de type A, le professeur Yarrow (conseiller économique des parties à l'EATA) admet qu'elle n'exige pas de mesures particulières en ce qui concerne l'application des règles de concurrence, notamment pour les raisons suivantes:

"La plupart des économistes spécialisés dans le domaine de la politique de la concurrence, au nombre desquels je me range, ne considèrent toutefois pas cette situation comme un argument suffisant en soi pour justifier une dérogation aux dispositions générales du droit de la concurrence en faveur des accords de prix. La principale raison en est que, si les sociétés sont susceptibles de subir des pertes comptables prolongées, les clients profitent pour leur part de prix peu élevés. De plus, étant donné que les coûts fixes sont irrécupérables, les consommateurs profitent plus que les sociétés ne souffrent: il est économiquement rentable que les prix soient inférieurs aux coûts moyens dans des situations de capacité excédentaire."

(135) Il est par conséquent impossible de différencier cette situation de concurrence "ruineuse" d'une situation de concurrence normale. Par ailleurs, les thèses de l'instabilité intrinsèque laissent délibérément de côté certaines caractéristiques qui viennent les démentir. Ainsi, la possibilité de redéployer les navires sur les grands axes mondiaux, décrite par le professeur Gilman, permet à l'offre de s'adapter aux fluctuations importantes de la demande afin d'éviter le maintien prolongé de capacités excédentaires et d'arriver ainsi à un équilibre entre l'offre et la demande. Dans le rapport de 1989 de la US Federal Trade Commission, M. Reitzes résume la situation en ces termes:

"Les marchés de l'armement au long cours ne présentent pas les coûts irrécupérables élevés propres au marché (par opposition aux investissements irrécupérables propres à la société) qui sont une condition clé pour que l'on puisse parler de concurrence ruineuse (il existe du reste peu de preuves étayant la thèse selon laquelle les marchés des transports maritimes sont des monopoles naturels vulnérables à toute entrée, aussi limitée et inefficace soit-elle). Aucune des études empiriques consacrées à ce secteur n'a été poussée à un niveau de détail suffisant pour donner une bonne idée du sujet. On trouvera une illustration de la manière dont ce problème peut être abordé chez Evans et Heckman (1984). Les navires constituent un capital mobile qui peut, dans certaines circonstances, être transféré de marchés géographiques peu rentables vers des marchés géographiques qui le sont davantage en réaction à des fluctuations de la demande. Le rapport de la FMC note que les transporteurs actifs sur certains marches régionaux peuvent facilement modifier leurs scénarios d'escale si les conditions du marché changent (rapport de la FMC, p 165). De plus, les transporteurs et les chargeurs peuvent négocier des contrats à long terme pour réduire autant que possible les risques liés à l'incertitude des conditions de l'offre et de la demande (bien que la théorie du noyau mette l'accent sur les "coûts évitables" plutôt que sur les coûts irrécupérables, la différence n'est pas importante en l'espèce). Du fait que les navires sont un capital mobile et qu'il est possible de passer des contrats à long terme, les transporteurs martimes ont toute latitude de décider s'ils exploitent ou non leurs navires et où ils comptent les exploiter. C'est pourquoi il est vraisemblable qu'ils exploiteront leurs navires sur les routes moins encombrées par des capacités excédentaires, ce qui rend improbable qui l'apparition d'une concurrence ruineuse".

(136) La mise en équilibre de l'offre et de la demande par le jeu des forces du marché garantit la prise en compte des intérêts des utilisateurs dans la détermination du niveau des services et le maintien de la stabilité des taux. Si, en revanche, des ententes viennent rigidifier l'offre des services de transport, les intérêts des utilisateurs, l'efficacité des prestations et la stabilité des taux sont mis en péril E. Benathan et A. Walters ont tiré les conclusions suivantes de leur première étude sur la coopération dans le secteur des transports maritimes de ligne:

"La mise en commun des ressources, telle qu'elle se pratique, par exemple, dans le secteur des transports maritimes, est toutefois généralement considérée comme la forme d'entente la plus anticoncurrentielle. Nos conclusions vont dans le même sens pour ce qui est de la fixation de prix compétitifs. Étant donné qu'il s'agit d'une formule plus flexible que les systèmes de quotas, la mise en commun des recettes devrait apporter une plus grande stabilité aux ententes. En effet, elle permet à l'entente dans son ensemble d'exploiter les possibilités de bénéfices de manière plus complète et plus continue. Elle permet donc d'éviter les crises perturbatrices que risque d'occasionner le système plus rigide des quotas. Si, par ailleurs, une entente est autorisée (comme c'est le cas des ententes maritimes dans la plupart des pays maritimes), la mise en commun permet une meilleure répartition du trafic au sein de l'entente. Elle permet l'expansion d'entreprises à faibles coûts et efficaces au sein de l'entente au détriment des sociétés inefficaces. Elle devrait donc être moins préjudiciable au progrès technique du trafic de ligne que de simples régimes de quotas". (59)

(137) Par conséquent, lorsque l'adaptation de l'offre de services et des taux à la demande est empêchée par la conclusion d'ententes, en particulier sous la forme d'accords de stabilisation impliquant un gel de l'utilisation des capacités et l'imposition d'une discipline tarifaire artificielle, la stabilité et l'efficacité des services et par conséquent les intérêts des utilisateurs sont menacés. Dans ces circonstances, l'offre de capacités peut être réduite artificiellement par un gel partiel des capacités pouvant conduire à de fortes hausses des taux ou à tout le moins au maintien d'un niveau de taux artificiel qui ne favorise pas l'élimination des services moins efficients et d'éventuelles surcapacités (c'est-à-dire des capacités qui dépassent un niveau raisonnable de capacité de réserve nécessaire pour fournir un service adapté aux besoins des utilisateurs).

(138) En ce qui concerne les "accords de stabilisation" comportant un gel partiel des capacités, le rapport Drewry de 1991 (60) faisait les remarques suivantes:

"Une utilisation inférieure à l'utilisation optimale n'est pas en soi synonyme de faible rentabilité pour autant que les taux soient maintenus à des niveaux raisonnables et que les coûts soient comprimés. En effet, le caractère structurellement inévitable du surtonnage dans un trafic ouvert et concurrentiel produira presque à coup sûr une insuffisance de la demande se situant entre 15 % et 35 %. Il est clair qu'il est plus probable d'arriver à un niveau de rentabilité acceptable si ce taux est plus proche de 15 % que de 35 %, mais pour autant qu'une forme d'organisation du secteur (qu'il s'agisse d'une conférence ou d'un accord de stabilisation) se charge de la régulation des capacités et/ou des taux, le marché peut être manipulé à tout niveau raisonnable d'insuffisance de la demande".

(139) Le principal risque lié aux ententes restrictives réside dans le fait que la concurrence entre transporteurs est limitée à la seule qualité des services. Les compagnies présentes sur le trafic se trouvent alors engagées dans une compétition qui les contraint à exploiter de plus en plus de navires ayant des capacités de plus en plus grandes (effet Averch-Johnson). Le problème du gaspillage induit par la situation de monopole a été étudié par Scherer and Ross (61):

"Les accords de fixation des prix, la formation de collusions oligopolistiques tacites et la tarification monopolistique peuvent aussi stimuler l'accumulation stérile de capacités excédentaires. Il existe quatre principaux mécanismes.

Premièrement, le fait d'offrir de grandes capacités de réserve confère un autre type d'avantage concurrentiel hors prix: par exemple, les usagers des transports aériens utilisent les services des compagnies qui offrent le plus de vols et de sièges disponibles au dernier moment, ou les acheteurs industriels favorisent les fournisseurs capables de répondre à leurs besoins sur des marchés gris anormalement étroits. Deuxièmement, si l'entente comporte un système de contingentement des ventes en proportion des capacités, comme c'était le cas dans le cadre du système de répartition de la demande de pétrole brut en vigueur aux États-Unis jusqu'au début des années 1970, l'investissement dans des capacités excédentaires pour obtenir un contingent plus élevé est encouragé. Troisièmement, des capacités excédentaires peuvent être maintenues pour renforcer la crédibilité de l'effet de dissuasion exercé par un groupe monopolistique sur les candidats à l'entrée. Quatrièmement, la fixation monopolistique des prix protège la survie de capacités dans des secteurs en déclin.

Il existe des raisons de penser que la relation entre le pouvoir monopolistique et certaines de ces tendances est non linéaire. Ainsi, les ententes maritimes qui ont parachevé leur monopole en contrôlant l'accès, l'investissement et les horaires étaient moins enclines au maintien coûteux de capacités excédentaires ou au "surtonnage" que les ententes "ouvertes" moins structurées qui desservent les lignes américaines".

(140) Pour illustrer ce phénomène, Drewry (62) a retracé de la manière suivante l'évolution du trafic transatlantique dans les années 1980:

"Toutes les compagnies membres d'une conférence offrent leurs différents services sur une base hebdomadaire, fréquence qu'assurent également toutes les grandes compagnies indépendantes, seuls quelques-uns des petits opérateurs offrant une moindre qualité de service. En 1987, la moitié des 46 services distincts fonctionnaient selon une fréquence hebdomadaire ; il y a donc eu une avancée considérable dans la qualité du service généralement offert. Il en résulte qu'il est de plus en plus difficile aux services moins fréquents de se faire accepter par le marché".

(141) Un tel accroissement des capacités, qui s'accompagne logiquement d'une baisse des taux, ne peut continuer sans que ceux-ci soient relevés pour compenser l'augmentation des coûts de production. L'offre s'éloigne alors de plus en plus du point d'équilibre et les utilisateurs paient cette course à la qualité du service par des taux qui sont plus élevés qu'ils ne le souhaiteraient. Le cycle se poursuit jusqu'au moment où il est impossible de résister aux forces du marché. Le retour à la réalité commerciale du trafic provoque alors un ajustement brutal des taux qui peut amener certains transporteurs à se retirer du marché et affecter ainsi l'offre de capacités. Ce cycle est manifestement une source d'instabilité pour le marché. Il ne s'agit pas, cependant, d'un problème d'instabilité inhérente ou de noyau vide, mais simplement de la conséquence de la perturbation des conditions normales du marché imputable au fait que l'entente maritime abuse de sa puissance de marché (63).

(142) De plus, les solutions proposées dans le règlement (CEE) n° 4056-86 pour instaurer la stabilité reconnue par ce règlement, à savoir la stabilité des taux, ne sont pas et n'ont jamais été destinées à résoudre les problèmes provoqués par des décisions d'investissement déraisonnables des compagnies maritimes.

XI. Plaintes

(143) Le Conseil des chargeurs britanniques (British Shippers' Council - BSC) a écrit à la Commission le 20 avril 1993 pour lui faire part de sa crainte que l'EATA ne crée des conditions permettant aux parties à l'accord d'éliminer toute concurrence effective sur le marché. Le BSC s'est déclaré préoccupé par le fait que, sous l'effet conjugué de l'EATA et du Trans-Atlantic Agreement, les exportateurs européens risquaient d'éprouver des difficultés pour exporter vers leurs deux principaux marchés étrangers, les États-Unis et l'Extrême-Orient.

(144) Le BSC a également souligné que, l'EATA ayant pour objet de contrôler les prix et les capacités sur ce marché, il ne répondait pas aux conditions énoncées à l'article 85, paragraphe 3, du traité, puisqu'il n'était pas dans l'intérêt des utilisateurs, à qui il n'apportait aucun profit, tant du point de vue du service que sous l'angle économique. Le BSC a demandé à la Commission de rejeter la demande d'exemption présentée par l'EATA.

(145) Le Conseil des chargeurs maritimes français (CNUT) a écrit à la Commission le 27 avril 1993 pour lui faire savoir qu'il estimait que l'EATA ne répondait pas aux conditions énoncées à l'article 85, paragraphe 3, pour les raisons suivantes:

a) l'objet de l'EATA n'était pas de stabiliser le marché, mais de restreindre la concurrence entre les membres de la conférence et les indépendants ;

b) l'EATA n'avait pas pour but de réduire durablement les capacités, et la non-utilisation des capacités signifiait que les chargeurs devraient continuer à supporter le coût de l'intégralité des capacités et

c) les utilisateurs ne tireraient aucun bénéfice de l'EATA, mais devraient subir des majorations des taux qui porteraient atteinte à leur capacité d'exportation.

(146) Le Conseil des chargeurs européens (ESC) a écrit à la Commission le 28 avril 1993 pour exprimer ses préoccupations à propos de l'EATA. Il estimait que l'EATA ne répondait à aucune des quatre conditions énoncées à l'article 85, paragraphe 3. Il soulignait que le fait qu'un grand nombre des parties à l'EATA étaient membres de la FEFC revêtait une importance majeure. En effet, les majorations de taux appliquées par la FEFC seraient suivies non seulement par les parties à l'EATA qui ne sont pas membres de la FEFC, mais aussi par d'autres parties, telles que les transporteurs maritimes non-exploitants de navires.

(147) Le Conseil des chargeurs japonais (JSC) a écrit à la Commission le 25 mai 1993 pour exprimer la crainte que l'EATA ne réduise la concurrence aux dépens des chargeurs et des consommateurs. La raison invoquée par le JSC pour justifier cette crainte était qu'un accord de régulation des capacités entre des parties détenant une part de marché de 85 % (voir considérant 80) entraînerait des augmentations de prix excessives. Il a également exprimé la crainte qu'une réduction des capacités sur le trafic ouest-est n'en provoque également une dans le sens est-ouest. Le JSC a également indiqué qu'étant donné que les chargeurs japonais étaient toujours liés par des contrats de fidélité les obligeant à recourir exclusivement à des transporteurs membres de conférences (64) et qu'il leur était donc impossible de faire appel à des compagnies maritimes indépendantes, ils ressentiraient durement toute réduction des capacités sur les services est-ouest.

APPRÉCIATION JURIDIQUE

XII. Article 85, paragraphe 1

i) Restriction de concurrence

(148) Pour les raisons exposées ci-après, la Commission considère que les dispositions de l'EATA relatives à la non-utilisation de capacités et à l'échange d'informations relevaient du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

(149) L'accord prévoyant la non-utilisation de capacités (tel qu'il est décrit aux considérants 8 à 24) et l'échange d'informations conclu entre les parties à l'EATA pour ce qui concerne leurs activités dans le domaine des transports maritimes était un accord entre entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

(150) L'EATA avait pour objectif de réduire la concurrence par les prix entre les parties à l'accord en limitant artificiellement la capacité de transport maritime offerte aux chargeurs souhaitant faire transporter leurs marchandises de l'Europe du nord vers l'Extrême-Orient. Les parties à l'EATA ont admis que l'accord avait eu pour effet "to arrest the rate of decline in average freight revenue" ["d'arrêter le déclin des recettes de fret moyennes" (65)].

(151) L'EATA avait pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence car il permettait de limiter ou de contrôler la production au sens de l'article 85, paragraphe 1, point b). II permettait, en particulier, aux parties à l'EATA de restreindre substantiellement la capacité concurrentielle de chacune d'entre elles vis-à-vis des autres en limitant le volume mis sur le marché par chacune. Compte tenu de la relation existant entre l'offre et le prix, l'EATA avait également un effet sur les prix.

(152) Le niveau très élevé des parts de marché détenues par les parties à l'EATA (environ 86 % en 1991 - voir considérant 80) impliquait que la mesure, dans laquelle la concurrence était ainsi empêchée, restreinte ou faussée, pouvait être appréciable. L'effet restrictif de l'EATA est susceptible d'avoir été renforcé par l'application de sanctions financières aux compagnies qui transportaient des volumes de fret supérieurs à ceux auxquels elles avaient droit en vertu de l'accord (voir considérants 12 et 28).

(153) L'EATA doit aussi être apprécié à la lumière des observations faites au sujet de la structure du marché (voir considérants 66 à 79), ce qui implique qu'il ne peut être envisagé sans prendre aussi en considération les restrictions de la concurrence résultant de la FEFC (celle-ci ayant pour objet de maintenir ou d'élever les tarifs à un niveau supérieur à celui qu'ils atteindraient autrement) et celles qui ont découlé du FETTCSA lorsqu'il était en vigueur.

(154) En outre, chaque mois, par l'intermédiaire du comité d'observation du marché (Market Review Committee), qui était composé de représentants des différentes compagnies, le secrétariat de l'EATA communiquait aux parties les informations suivantes:

i) la capacité maximale déclarée, en EVP ;

ii) le nombre total de cellules effectivement remplies, en EVP (mensuellement) ;

iii) le fret hors EATA embarqué, en EVP ;

iv) l'utilisation de la capacité en pourcentage ;

v) une prévision de la capacité pour chaque navire pour les deux mois suivants ;

vi) une estimation des totaux mensuels pour les quatre mois suivants.

(155) Chacune des parties à l'EATA a participé à cet échange d'informations depuis sa mise en place en 1992 jusqu'en mai 1997: un certain nombre d'entre elles ont continué d'échanger des informations jusqu'en juillet 1997. Les informations échangées n'étaient pas agrégées, mais faisaient clairement apparaître à quelle partie à l'EATA elles se rapportaient. Ainsi, pendant cinq ans, chaque partie à l'EATA a reçu chaque mois toutes les informations concernant les chargements de fret EATA et hors EATA réalisés par ses principaux concurrents, leurs capacités, leur niveau d'utilisation des capacités, ainsi que leurs prévisions concernant le fret hors EATA et les capacités. La communication de ces informations aurait garanti le respect de toute décision de non-utilisation de capacités.

(156) Au cours de la procédure administrative menée en l'espèce, les parties à l'EATA ont fait valoir le droit à la confidentialité vis-à-vis des plaignants et des autres tiers pour ce qui concerne leurs niveaux individuels de capacité et d'utilisation des capacités. La raison en était de toute évidence qu'ils ne souhaitaient pas que leurs clients aient accès à des informations à caractère commercialement sensible et susceptibles d'avoir une incidence sur les prix. On pourrait s'attendre à ce que des informations qui ont un caractère commercialement sensible vis-à-vis des clients l'aient aussi vis-à-vis des concurrents. Le caractère sensible des informations confirme le contexte anticoncurrentiel dans lequel l'échange s'inscrivait.

ii) Effets sur les échanges entre États membres

(157) Les parties à l'EATA ont fait valoir dans leur demande d'exemption individuelle (66) qu'il était "wholly improbable" ["tout à fait improbable"] que l'EATA ait un effet sensible sur le commerce entre la Communauté et les pays tiers couverts par les trafics concernés en raison de l'insignifiance des augmentations des taux de fret par rapport au prix rendu global des marchandises transportées dans les pays tiers en question.

(158) Les parties à L'EATA considèrent également que "it is axiomatic that any effect on trade between Member States, on the one hand, and a third state, on the other, is not an effect on trade between Member States for the purposen, of Article 85 (1) and must therefore be disregarded for the present purpose" (67) ["il est évident que tout effet sur les échanges entre des États membres, d'une part, et un pays tiers, de l'autre, n'est pas un effet sur les échanges entre États membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, et ne doit donc pas être pris en considération aux fins de la présente demande" (68)] Elles en concluaient que l'EATA ne relevait absolument pas de l'article 85, paragraphe 1.

(159) Selon la jurisprudence de la Cour, le critère de l'effet sur le commerce entre États membres est rempli dès lors qu'il apparaît de façon suffisamment certaine, sur la base d'un ensemble de facteurs juridiques ou empiriques objectifs, que l'accord ou la pratique concertée en question peut avoir une influence, directe ou indirecte, effective ou potentielle, sur la structure des échanges de biens ou de services entre les États membres (69).

(160) Il n'est pas nécessaire de constater l'existence d'un effet actuel et réel sur le commerce interétatique. Cette condition d'application doit être réputée remplie dès lors qu'il est établi que les échanges intracommunautaires ont été effectivement affectés ou qu'ils l'ont été, au moins potentiellement, de façon significative (70).

(161) Lorsque l'on examine si l'EATA pouvait affecter les échanges entre États membres, il convient de souligner que les marchés en cause sur lesquels les effets s'exerçaient directement concernent la fourniture de services de transport et de services intermédiaires et non l'exportation de marchandises vers des pays tiers (71).

(162) Il est bien établi que les arrangements entre entreprises de différents États membres ayant pour objet de partager des marchés, de fixer les prix (y compris les prix cibles) ou d'allouer des quotas ont un effet sur le commerce interétatique, étant donné qu'outre leur effet sur la structure de la concurrence dans la Communauté, ils établissent une forme de réglementation privée qui va à l'encontre de l'objectif du traité consistant à éliminer les droits de douanes, les restrictions quantitatives aux importations et aux exportations et toute autre mesure d'effet équivalent (72). On peut conclure à l'existence d'un effet sur le commerce entre États membres lorsqu'un accord a pour effet de cloisonner les marchés nationaux à l'intérieur du Marche commun (73).

(163) Les parties à l'EATA font valoir dans la réponse à la communication des griefs (annexe 12, point 6), qu'étant donné que le règlement (CEE) n° 4056-86 ne s'applique pas au transport terrestre, les services qu'elles offrent ne concernent pas des marchandises passant physiquement d'un État membre à l'autre. Cet argument est erroné, car il crée une confusion entre la question de droit qui est celle du règlement applicable au mode de transport en question et la question de fait qui consiste à savoir si une réduction de la concurrence entre entreprises de pays différents est susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

(164) La Commission considère que l'EATA était de nature à affecter sensiblement le commerce entre États membres des diverses façons décrites ci-après.

(165) L'EATA regroupait des compagnies maritimes opérant dans au moins sept États membres et il restreignait la concurrence entre ces compagnies pour ce qui est des services offerts et des prix pratiqués par chacune. Les restrictions frappant l'utilisation des capacités étaient des restrictions des services offerts et elles ont été instituées dans le but de réduire la concurrence par les prix.

(166) L'élimination ou la réduction de la concurrence par les prix et les services entre ces compagnies était susceptible de réduire fortement les avantages qui reviendraient normalement aux plus efficaces d'entre elles, ce qui risquait d'altérer le scénario normal de pertes et de gains de parts de marché auquel on aurait pu s'attendre en l'absence de l'EATA. Cette restriction de la concurrence entre armateurs opérant dans de nombreux États membres a, par conséquent, influencé et altéré les courants commerciaux dans le secteur des services de transport à l'intérieur de la Communauté, lesquels auraient été différents en l'absence de cet accord.

(167) Cette altération du schéma concurrentiel normal, selon lequel les entreprises les plus performantes ont des chances d'accroître leur part de marché, peut aussi avoir influencé la concurrence entre les ports des différents États membres, en étendant ou en réduisant artificiellement leur zone d'attraction (74) et donc en agissant sur les parts de marché des compagnies maritimes opérant à partir de ces ports. Les compagnies maritimes opérant à partir de ports plus performants se seraient ainsi trouvées dans l'impossibilité de faire bénéficier leurs clients des économies résultant de l'amélioration du fonctionnement de ces ports. Par ses répercussions sur le jeu normal des forces concurrentielles, l'EATA peut aussi avoir modifié la capacité disponible dans chaque port et avoir provoqué ainsi des détournements du trafic de certains ports vers d'autres en Europe du nord, ce qui le rend susceptible d'avoir affecté le commerce entre États membres.

(168) Les effets sur la fourniture de services de transport maritime décrits dans les considérants précédents se sont probablement aussi répercutés sur la prestation de services annexes au transport maritime, qui comprennent notamment les services fournis par les transitaires, les services portuaires, les services de transport terrestre et la manutention. Les effets sur ce type de services auraient surtout été imputables à l'altération des flux des services de transport entre États membres.

(169) La Commission considère donc que l'EATA a affecté le commerce entre États membres dans le secteur des services de transport maritime et des services attachés au transport maritime.

(170) En limitant la capacité offerte dans le sens ouest-est par chacune des parties à l'accord et en tendant à maintenir ou à augmenter les taux de fret, l'EATA peut avoir entraîné une réduction (ou freiné le développement) du trafic entre l'Europe et l'Extrême-Orient et avoir affecté de ce fait le commerce entre États membres. La raison en est, d'une part, que certaines marchandises exportées de l'Europe du nord vers l'Extrême-Orient sont particulièrement sensibles aux augmentations des taux de fretet, d'autre part, que les parties à l'EATA détiennent des parts de marché très élevées, ce qui réduit l'offre de services de transport concurrents.

(171) Si des marchandises qui, en l'absence de l'EATA, auraient été exportées par un État membre vers un pays tiers ont, du fait de la hausse du prix du transport, été vendues par cet État membre à d'autres États membres, la position concurrentielle des exportateurs intracommunautaires qui vendaient déjà des marchandises dans ces autres États membres peut avoir été affectée.

(172) Les restrictions portant sur les services de transport ont, par conséquent, eu un effet indirect sur les échanges de marchandises entre États membres. Cet effet aura probablement été plus sensible dans les États membres où les parties à l'EATA avaient une part de marché particulièrement élevée.

(173) La Cour de justice a considéré qu'une entente fixant le prix d'un produit semi-fini (eaux de vie), qui n'était normalement pas exporté tel quel mais servait de matière première pour fabriquer un autre produit exporté dans l'ensemble de la Communauté, affectait le commerce entre États membres du produit fini (75). De même, la Commission considère qu'un accord tel que l'EATA, qui était destiné à influencer le prix des services de transport de marchandises exportées, peut avoir altéré le commerce des ces marchandises entre États membres.

(174) Cette opinion concorde avec l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire Commercial Solvents, dans lequel la Cour souligne que l'expression qui, à l'article 86 du traité, contient l'obligation de démontrer qu'il y a effet sur le commerce entre États membres "vise à délimiter la sphère d'application des règles communautaires par rapport aux législations nationales, qu'on ne saurait donc l'interpréter comme restreignant le champ d'application de l'interdiction énoncée aux seules activités industrielles et commerciales tendant à approvisionner les États membres". (76)

(175) La Commission considère, par conséquent, que l'EATA a également eu un effet indirect sur les échanges de marchandises entre États membres puisqu'il a pu avoir un effet sur les marchandises exportées par les États membres vers des pays tiers.

iii) Conclusion quant à l'article 85, paragraphe 1

(176) L'accord relatif à la non-utilisation de capacités et à l'échange d'informations conclu entre les parties à l'EATA en ce qui concerne leurs activités dans le domaine des transports maritimes était un accord restreignant la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

XIII. Article 85, paragraphe 3

i) Article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86

(177) L'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 exempte les membres des conférences maritimes de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, pour les accords portant sur la fixation de taux de fret uniformes ou communs et sur toute autre condition relative à la fourniture de services réguliers de transport maritime. L'exemption s'étend à un nombre limité d'autres pratiques maritimes auxquelles peuvent recourir les membres d'une conférence maritime en plus de la fixation des prix et des conditions du transport maritime.

(178) Dans la décision TAA (77), la Commission a expliqué que la régulation des capacités au sens de l'article 3, point d), du règlement (CEE) n° 4056-86 a toujours été vue comme permettant:

"i) des ajustements de capacités opérés en vue de faciliter l'organisation des voyages et des escales des membres des conférences, et ce afin d'améliorer la régularité, la fiabilité et la fréquence des services sur tous les ports desservis ;

ii) des ajustements de capacités opérés en vue de tenir compte des changements saisonniers (ou conjoncturels) de la demande."

(179) La Commission ajoutait que: "La régulation des capacités est exemptée par l'article 3, point d), quand elle consiste à modifier la capacité physique disponible par des ajustements temporaires, tels que le retrait d'un navire ou l'abaissement de la fréquence d'un service, correspondant à une réduction saisonnière de la demande. L'article 3, point d), n'exempte pas les accords de non-utilisation de la capacité parce que leur seul effet est de relever des prix et ils n'introduisent pas d'amélioration aux services offerts."

(180) En vertu de l'exemption par catégorie, les conférences sont autorisées à la fois à appliquer un tarif commun ou uniforme et à recourir à un certain nombre d'autres restrictions de la concurrence spécifiées par les dispositions d'exemption, y compris la régulation des capacités de transport offertes par chaque membre de la conférence. L'EATA ne constituait pas un accord ou un arrangement dans le cadre duquel les parties opéraient en appliquant des taux de fret uniformes ou communs. L'EATA n'était donc pas une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, point b) du règlement (CEE) n° 4056-86. L'exemption par catégorie prévue à l'article 3 dudit règlement n'était pas applicable car elle ne vaut que pour les conférences maritimes telles qu'elles sont définies à l'article 1er, paragraphe 3, point b).

ii) Conditions d'octroi d'une exemption individuelle

(181) Lorsqu'elle examine si un accord entre entreprises, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée remplit les conditions d'exemption, la Commission doit prendre pleinement en considération le fait que l'un des principes fondamentaux du droit communautaire institué par le traité veut que les États membres et la Communauté agissent conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, de manière à favoriser une répartition efficace des ressources et conformément aux principes définis à l'article 3 A du traité.

(182) Nonobstant l'abandon de l'EATA, il est de l'intérêt de la Communauté d'examiner si cet accord remplissait les conditions d'octroi d'une exemption individuelle pour les raisons exposées ci-dessous.

(183) Premièrement, la sécurité juridique accrue qui résultera d'une décision formelle de la Commission concernant les pratiques en question est susceptible de bénéficier aux parties à l'EATA, qui ont continué à soutenir que les conditions pour une exemption étaient satisfaites, d'autant plus qu'un grand nombre d'entre elles ont été, dans le passé, destinataires de décisions de la Commission constatant l'existence d'infractions au droit communautaire de la concurrence.

(184) Deuxièmement, le règlement (CEE) n° 4056-86 prévoit que les parties ne doivent pas nécessairement notifier un accord ou un arrangement pour que celui-ci soit exempté par la Commission: d'autres compagnies maritimes pourront ainsi bénéficier de la sécurité juridique accrue résultant d'une décision formelle de la Commission concernant les pratiques en question.

(185) Troisièmement, il peut être utile, pour les juridictions et les autorités nationales, que la position de la Commission soit clairement exprimée, au cas où une tierce partie chercherait à obtenir réparation en application du droit national, pour tout dommage subi du fait des pratiques en question.

(186) Enfin, la Commission ayant pour usage d'alourdir les sanctions infligées en cas de nouvelle infraction au droit de la concurrence communautaire, il est important qu'une décision formelle soit adoptée, en l'espèce, aux fins des mesures d'exécution ultérieures.

(187) Le Tribunal de première instance a dit pour droit que: "on ne saurait perdre de vue que, en cas de demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, l'entreprise demanderesse a la charge de prouver qu'elle satisfait à chacune des quatre conditions prescrites par cette disposition et est tenue d'exposer dans le formulaire introductif A/B sa position sur chacune de ces conditions. Il convient également de rappeler que la Commission, compte tenu du caractère cumulatif des conditions requises, peut, à tout moment et jusqu'au stade de l'adoption finale de la décision, constater que l'une des conditions, peu importe laquelle, fait défaut." (78)

Étant donné que la Commission conclut que la première condition de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas remplie, il n'est pas vraiment nécessaire d'examiner si les trois autres conditions le sont. Quoiqu'il en soit, la Commission a fait cet exercice dans l'intérêt d'une plus grande clarté juridique et afin de répondre aux arguments de l'EATA.

(188) Bien qu'une part de marché élevée n'exclue pas automatiquement l'octroi éventuel d'une exemption individuelle, l'obligation de démontrer que les quatre conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, sont remplies est un aspect important dans le cas de l'EATA, étant donné que les parties à cet accord détenaient une part de marché cumulée d'environ 86 % (voir considérant 80) l'année qui a précédé la demande d'exemption.

(189) Les parties ont fait valoir que l'EATA était nécessaire pour maintenir la structure du secteur sur les trafics en question. L'acquisition de nouvelles capacités considérables au milieu de la décennie 80 conjuguée à une baisse ultérieure de la demande aurait entraîné une importante surcapacité structurelle (79).

(190) Les parties ont indiqué qu'à moins que la tendance à la baisse des taux de fret ne s'inverse, la concurrence serrée qui résultait du prétendu déséquilibre entre l'offre et la demande conduirait à des faillites et à une contraction du secteur. À moyen et long terme, le développement du commerce mondial devait absorber la capacité disponible à l'époque et l'important volume de capacités nouvelles qui était en commande. Toutefois, si l'industrie s'était restreinte à l'époque pour répondre à la demande du moment aux prix en vigueur, elle n'aurait pas été en mesure de se développer assez rapidement pour répondre à la demande escomptée, ce qui aurait pu entraîner des problèmes d'insuffisance des capacités, qui se seraient répercutés sur les taux de fret.

(191) Selon les parties, si le système de conférence procurait encore certains avantages aux chargeurs, il n'était plus en mesure de garantir la stabilité nécessaire du trafic et des prix. L'accord EATA procurait cette stabilité des échanges et les prix propices au maintien d'un secteur viable, capable de continuer d'investir, de s'adapter sans heurts au niveau des coûts auquel il serait confronté au milieu des années 1990 et d'offrir des services réguliers de transport maritime adéquats et performants.

(192) Les parties ont fait valoir que l'EATA ne contrôlait pas directement les taux et qu'il n'entraînerait pas une réduction permanente des capacités, qui se serait également traduite par une baisse des capacités dans le sens est-ouest et aurait affecté les services FDW (hebdomadaires à jour fixe) et "tour du monde". Il était censé restreindre les capacités dans le sens ouest-est en évitant d'avoir pour seul effet un transfert de parts de marché au bénéfice des compagnies maritimes indépendantes.

(193) Les parties ont fait valoir que, puisqu'ils ne concernaient ni la fixation des prix ni la qualité des opérations d'exploitation et des services, les arrangements n'élimineraient pas la concurrence en dépit du fait qu'ils couvraient une part substantielle du trafic.

a) Amélioration de la production ou de la distribution ou de la promotion du progrès technique ou économique

(194) En ce qui concerne la première condition d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, les parties à l'EATA ont fait valoir que "A healthy industry would need to respond [to the needs of the second half of the 1990s] with an active investment programme, meeting the needs and anticipated needs for more capacity with new orders, and allowing for an acceleration in the rate of scrapping in order to accommodate new technological requirements. An impoverished industry would become much more risk adverse and inclined to make do with existing capital stock". (80)

["Une industrie saine devrait répondre [aux besoins de la seconde moitié de la décennie 90] par un programme d'investissement actif, qui réponde aux besoins actuels et escomptés de capacités supplémentaires par de nouvelles commandes et permette d'accélérer le taux de mise au rebut de manière à être en mesure de répondre aux nouvelles exigences technologiques. Une industrie anémiée deviendrait beaucoup plus timorée et aurait tendance à se contenter des équipements existants". (81)]

(195) Dans la demande, les parties ont fait valoir qu'en contrant les effets de la surcapacité et des faibles taux de rendement, EATA leur permettrait de continuer d'investir dans de nouvelles capacités, de nouveaux conteneurs et des améliorations technologiques telles que l'EDI (échange de données informatisées). Elles ont déclaré, en particulier, que le bon fonctionnement de l'EATA permettrait aux parties de commander de nouveaux tonnages de la catégorie la plus grande et la plus performante (82).

(196) Dans la réponse à la communication des griefs, les parties ont modifié leur argument de manière à invoquer plutôt la stabilité et la notion de concurrence ruineuse ; elles ont fait valoir qu'il convenait de prévenir une telle concurrence pour permettre aux parties d'obtenir un rendement de l'investissement suffisant pour envisager de réaliser de nouveaux investissements sur le trafic Europe du nord/Extrême-Orient.

(197) Les raisons pour lesquelles la Commission n'accepte pas les arguments des parties axés sur la stabilité et la concurrence ruineuse sont exposées aux considérants 104 à 142. En ce qui concerne les investissements, il est vrai pour tous les secteurs, et pas seulement pour le transport maritime, que les fonds disponibles à des fins d'investissement sont toujours potentiellement plus élevés lorsque les prix et les recettes sont gonflés artificiellement par des accords de fixation des prix. Le fait que les entreprises réalisent des bénéfices ne conduit pas nécessairement à des investissements et certainement pas à un type particulier d'investissement (83).

(198) Plutôt que de tenter de résoudre les véritables problèmes de surcapacité qui pouvaient se poser, qu'ils soient de caractère structurel ou temporaire, l'EATA permettait aux armateurs de maintenir leur capacité sur le trafic Europe du nord/Extrême-Orient à un niveau supérieur à ce qui était nécessaire pour répondre à la demande. Les parties n'ont pas apporté la preuve que l'EATA contribuerait à faire en sorte qu'à long terme, le niveau des capacités soit mieux adapté à celui de la demande.

(199) En outre, le gel temporaire de certaines capacités n'encourage pas le retrait réel et durable des capacités plus anciennes, mais il a principalement pour effet de provoquer une hausse des taux de fret en réduisant temporairement l'offre de capacités sur le marché. La Commission considère que cette approche ne réglerait pas les problèmes structurels à long terme de l'industrie dont les parties allèguent l'existence dans la demande d'exemption.

(200) Il est aussi possible que, plutôt que d'encourager la mise en œuvre de nouvelles technologies, les restrictions de la concurrence résultant de l'EATA aient eu pour effet de la freiner en réduisant les possibilités pour certaines compagnies d'acquérir un avantage concurrentiel. Cela tient au fait que la restriction ou l'élimination de la concurrence par les prix, qui était l'objectif de l'EATA, était de nature à empêcher les compagnies maritimes de faire bénéficier leurs clients des économies résultant de l'utilisation des nouvelles technologies. De même, dans la mesure où les compagnies les plus performantes étaient moins en mesure de tirer parti de leur efficacité et, de ce fait, d'accroître leur part de marché, elles avaient moins tendance à investir dans de nouvelles technologies.

(201) Enfin, il n'est pas prouvé que les services, exploités par les parties à l'EATA pendant la période au cours de laquelle l'accord était en vigueur, aient été en quoi que ce soit améliorés par les accords de non-utilisation de capacités et d'échange d'informations.

(202) En outre, les parties ont fait valoir que l'accord d'échange d'informations avait pour seul but de leur permettre de mettre en application l'accord de non-utilisation de capacités et elles n'ont avancé aucune raison expliquant en quoi cet accord aurait pu, en soi, contribuer à promouvoir le progrès technique ou économique ou à améliorer la production ou la distribution des services de transport maritime. Étant donné que l'accord de non-utilisation de capacités n'a pas eu cet effet, on peut en déduire qu'il en est de même pour l'accord d'échange d'informations.

(203) Pour toutes ces raisons, la Commission considère que les accords de non-utilisation de capacités et d'échange d'informations conclus entre les parties à l'EATA n'ont pas contribué à promouvoir le progrès technique ou économique ou à améliorer la production ou la distribution des services de transport maritime.

b) Question de savoir si les utilisateurs ont perçu une part équitable du profit résultant de l'accord

(204) Les parties à l'EATA ont déclaré que:

"...capacity management agreements such as the EATA would provide support to the existing structure since they would tend to have an upward effect on rates which currently do not provide an adequate return on capital (84)"

"[...des accords de régulation des capacités tels que l'EATA soutiendraient la structure existante car ils tendraient à faire augmenter des taux qui n'assurent pas actuellement un rendement suffisant de l'investissement (85)]"

(205) Les parties considéraient que toute augmentation des taux qui résulterait de la mise en œuvre de l'EATA profiterait aux chargeurs, car elle permettrait aux transporteurs concernés de s'adapter plus naturellement au niveau futur des coûts, de continuer d'investir et de fournir un service régulier de transport maritime adéquat et efficace.

(206) Au point 4.3.3, les parties à l'EATA faisaient valoir que:

"...any increase in ocean freight rates resulting from the EATA will be insignificant in comparison with the overall delivered price, in the third countries concerned, of the goods carried".

"[...toute augmentation des taux de fret maritime résultant de l'EATA sera insignifiante par rapport au prix rendu global, dans le pays tiers concerné, des marchandises transportées]".

(207) Dans la réponse à la communication des griefs, les parties ont à nouveau centré leur argumentation sur ce qu'elles considèrent être la stabilité et elles ont fait valoir que le profit qui en résultait pour les chargeurs était suffisant pour que soit remplie la deuxième condition d'application de l'article 85, paragraphe 3.

(208) Comme il est expliqué aux paragraphes 8 et 9, le programme de régulation des capacités visait à agir sur le prétendu déséquilibre entre l'offre et la demande sur le parcours ouest-est du trafic en question, de manière à permettre aux parties à l'EATA d'augmenter, collectivement et individuellement, leurs taux de fret. Il s'agit là d'un profit pour les armateurs et non pour les chargeurs.

(209) À court terme, l'EATA avait pour objectif de relever les prix et les taux de fret, comme en témoignent les augmentations annoncées avec effet au 1er avril 1993, 1er juillet 1993 et 1er janvier 1994 (voir paragraphes 82 à 85). Ces augmentations allaient directement à l'encontre des intérêts des chargeurs, qui étaient obligés d'en tenir compte dans leur prix de vente ou leur marge, sans que cela leur rapporte aucun avantage du point de vue de la fréquence, de la régularité ou de la fiabilité du service.

(210) L'EATA a empêché l'utilisation d'une partie des capacités existantes pour certaines cargaisons (c'est-à-dire celles relevant de la couverture géographique de l'accord), mais n'en a pas entraîné l'élimination. Ce faisant, il n'a pas réduit les frais de transport et a fait supporter aux clients la charge des capacités inutilisées.

(211) Le proportion des coûts fixes d'exploitation (équipements, main d'œuvre, énergie et assurance) est très élevée par rapport aux coûts variables, cela vaut en particulier pour les dépenses d'équipement, qui, selon les parties à l'EATA, sont un élément particulièrement important des coûts globaux. Le programme de régulation des capacités a retiré du marché des capacités qui, sur une année entière, auraient représenté l'équivalent de près de 3 navires et demi de 4 000 EVP voyageant à vide. Comme il est indiqué au considérant 37, les coûts fixes d'exploitation de ce volume de capacités auraient été très substantiels.

(212) Une réduction artificielle de l'utilisation des capacités (par opposition à une réduction permanente des capacités) a pour effet direct de répartir les coûts fixes d'exploitation entre un nombre de conteneurs moins élevé. L'EATA n'a en rien réduit les coûts fixes d'exploitation. Une réduction des capacités pourrait profiter aux chargeurs si le coût du transport était réduit, c'est-à-dire si des capacités étaient réellement retirées du trafic Europe du nord/Extrême-Orient par le retrait progressif de certains navires ou de certains opérateurs qui y sont actuellement présents.

(213) La Commission a reçu des plaintes au sujet de l'EATA d'organismes représentant un grand nombre d'utilisateurs de services de transport maritime. Elle n'a reçu des chargeurs aucune observation indiquant qu'ils considéraient que l'EATA leur a été profitable. Rien ne prouve qu'avant la mise en œuvre de l'EATA, les conditions du trafic Europe du nord/Extrême-Orient étaient telles que les chargeurs risquaient de ne pas avoir accès aux services fiables dont le règlement (CEE) n° 4056-86 reconnaît qu'ils constituent pour eux un avantage.

(214) Un accord tel que l'EATA, et en particulier l'accord de non-utilisation de capacités et l'échange d'informations, qui avait pour but de relever les taux de fret sans pour autant améliorer la qualité du service, ne peut être considéré comme réservant aux utilisateurs une part équitable du profit qui en résulte. En conséquence, la Commission considère que l'EATA ne permettait pas de faire bénéficier les utilisateurs d'une part équitable du profit qui en est résulté.

c) Caractère indispensable des restrictions de concurrence

(215) Dans la demande d'exemption individuelle, les parties ont fait valoir que l'EATA était l'accord de coopération le plus souple et le moins restrictif que l'on puisse conclure pour faire face à la situation de surcapacité et de faiblesse des taux qui prévalait à l'époque. Elles soutenaient, en outre, que l'effet conjugué de la surcapacité et des taux de fret réduits qui faisait tomber les taux de rendement au-dessous du seuil de rentabilité constituait "a threat to the future financial viability and stability of scheduled liner services from North Europe to Asia" (86) ["une menace pour la rentabilité future et la stabilité de services maritimes réguliers de l'Europe du nord vers l'Asie" (87)].

(216) Au point 6.1.10 de leur demande d'exemption individuelle, les parties à l'EATA ont fait valoir que seul celui-ci pouvait assurer la stabilité prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86. La raison en était apparemment que la puissance de marché de la FEFC n'aurait plus été suffisante pour contrôler l'utilisation des capacités par l'intermédiaire de la structure de conférence. Des restrictions de l'utilisation des capacités appliquées uniquement par les membres de la conférence auraient dès lors fait perdre à ceux-ci des parts de marché au profit des compagnies indépendantes. Les parties à l'EATA ont également soutenu (88) que cet accord restreignait beaucoup moins la concurrence que les conférences maritimes traditionnelles.

(217) Selon les parties à l'EATA, si une conférence qui fixe les prix et contrôle les capacités remplit les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, on peut en déduire qu'un accord tel que l'EATA, qui ne prévoit en fait que la régulation des capacités, remplit nécessairement les conditions d'exemption.

(218) La Commission considère que l'EATA doit être placé dans le contexte du marché sur lequel il est mis en œuvre pour examiner la question de son caractère indispensable. À cet égard, la Commission considère comme important le fait que les parties à l'EATA étaient, dans leur majorité, membres de la FEFC et que toutes sauf une étaient parties au FETTCSA, étant donné l'effet cumulatif des restrictions de concurrence découlant des trois accords.

(219) Comme il est expliqué aux points 66 et 79, l'effet que l'EATA était susceptible d'avoir était déterminé dans une très grande mesure par la structure du marché sur lequel il était mis en œuvre. La combinaison des deux types d'accord restrictif - restrictions de l'offre résultant de l'EATA et restrictions portant sur les prix imposées par la FEFC - est susceptible d'avoir eu un effet fortement restrictif sur la concurrence.

(220) L'assertion selon laquelle l'EATA était moins restrictif qu'une conférence maritime traditionnelle est inexacte dans le contexte dans lequel l'EATA s'inscrivait: cette conclusion ne vaudrait qu'à condition d'ignorer les effets conjugués de l'EATA, de la FEFC et du FETTCSA.

(221) En tout état de cause, la Commission n'admet pas la thèse selon laquelle un accord entre des compagnies maritimes membres d'une conférence et des compagnies indépendantes sur un trafic donné serait nécessairement moins restrictif de la concurrence qu'un accord de conférence. En effet, un arrangement plus souple qu'un accord de conférence peut être destiné à étendre la puissance de marché des membres d'une conférence en permettant l'adhésion de compagnies maritimes qui ne souhaitent pas appliquer des taux communs ou uniformes (89).

(222) L'exemption par catégorie en faveur des accords de conférence maritime prévue à l'article 3 du règlement(CEE) n° 4056-86 est octroyée pour autant que les conférences sont soumises à une concurrence réelle ou potentielle effective. La stabilité prévue par le règlement doit donc pouvoir exister dans un environnement caractérisé par une concurrence effective. En conséquence, la Commission réfute l'argument selon lequel l'existence d'une concurrence exclut ce type de stabilité. En effet, si ce type de stabilité ne pouvait exister qu'en l'absence de concurrence effective, l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes ne pourrait remplir les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3.

(223) La stabilité prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86 garantit aux chargeurs des services fiables. Un service fiable est un service régulier, c'est-à-dire assuré selon un horaire équilibré, d'un niveau de qualité raisonnable, dans le cadre duquel les marchandises confiées par les chargeurs ne subissent aucun dommage, et dont le prix reste identique, quels que soient le jour et la compagnie choisis pour le transport du fret. Une conférence contribue aussi à assurer la stabilité des trafics qu'elle couvre en fixant un tarif uniforme servant de point de référence au marché.

(224) Dans la communication faite par la Commission dans l'affaire Irish Club Rules (90), il est indiqué que, lors des discussions avec les représentants des parties à l'accord en question, la Commission a informé ces représentants que: "les Irish Club Rules ne pourraient être exemptées sur la base de l'argumentation de la stabilisation, qui a été reconnue suffisante pour les seules conférences maritimes par le règlement (CEE) n° 4056-86 un tel accord ne pourrait procurer le rôle stabilisateur visé au huitième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86, rôle qui résulte principalement d'une coopération entre compagnies maritimes en matière de taux de fret se concrétisant par l'adoption d'un tarif commun (qui fait défaut en l'espèce)".

(225) La Commission considère que des services de transport maritime réguliers et fiables auraient continué d'être offerts avec ou sans l'EATA.

(226) En ce qui concerne l'argument selon lequel le trafic devait être presque entièrement cartellisé pour éviter que les membres des conférences ne cèdent des parts de marché aux compagnies indépendantes, il convient de souligner que le choix du consommateur joue un rôle fondamental pour garantir le fonctionnement efficace des marchés. Dans la mesure où l'EATA était destiné à priver les chargeurs de la possibilité de choisir entre les membres de la conférence et un transporteur indépendant, il faut en conclure qu'il avait pour objet d'empêcher une répartition efficace des parts de marché entre les membres de la conférence et les compagnies indépendantes ; une telle répartition avait, en effet, davantage de chances de résulter du jeu normal de l'offre et de la demande que de l'EATA. Même si cette restriction était indispensable aux fins de l'EATA, elle n'aurait certainement pas servi les intérêts des consommateurs ni rempli les autres conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3.

(227) En tout état de cause, les parties à l'EATA n'ont pas démontré qu'il existait réellement, pendant la période à prendre en considération, une surcapacité constante sur les trafics couverts par l'accord. Si les problèmes alléguées par les parties à l'EATA n'existaient pas réellement, les restrictions de la concurrence provoquées par l'EATA ne pouvaient être indispensables pour résoudre ces problèmes dont l'existence n'a pas été prouvée.

(228) Même s'il existait une surcapacité (voir paragraphes 86 à 93) et que celle-ci occasionnait aux armateurs les pertes considérables qu'ils ont alléguées, il n'a pas été prouvé que la qualité du service était sérieusement menacée.

(229) Des accords sur les capacités entre membres d'une conférence et compagnies indépendantes ayant pour effet de limiter l'offre d'un service ne peuvent être considérés comme indispensables pour réaliser l'objectif de stabilité au sens du règlement (CEE) n° 4056-86, lorsque de tels accords sont mis en œuvre conjointement avec des accords de fixation directe des prix comme c'est le cas pour l'EATA.

(230) En conséquence, la Commission considère que les restrictions de concurrence résultant de l'accord de non-utilisation de capacités et de l'échange d'informations ne remplissaient pas la troisième condition prévue à l'article 85, paragraphe 3.

d) Élimination de la concurrence pour une partie substantielle des services en question

(231) Les parties ont soutenu que, puisque les dispositions de l'EATA ne concernaient ni la fixation des prix ni la qualité des opérations d'exploitation et du service, elles n'élimineraient pas la concurrence en dépit du fait qu'elles couvraient une partie substantielle du trafic.

(232) Cette assertion ne tient pas compte du fait que la non-utilisation de certaines capacités dans le cadre de l'EATA était destinée à influer sur les prix en réduisant l'offre de services de transport sur le marché. Cet aspect doit, une fois encore, être envisagé dans le contexte des restrictions portant sur les prix qui résultent de la FEFC et en tenant compte du niveau très élevé des parts de marché détenues par les parties à l'EATA.

(233) Il ressort clairement du règlement (CEE) n° 4056-86 que la concurrence extérieure s'exerçant sur les conférences est un facteur essentiel pour l'octroi de l'exemption par catégorie. Un accord tel que l'EATA, qui permet aux membres d'une conférence d'étendre leur puissance de marché en adoptant un comportement anticoncurrentiel conjointement avec des compagnies maritimes qui ne sont pas membres de la conférence, est, en général, destiné à éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services fournis sur le marché en question.

(234) En l'espèce, bien qu'il soit probable que telle ait été l'intention des parties à l'EATA, le fait que le programme de non-utilisation de capacités n'a été mis en œuvre que pendant une période relativement courte et que les trois premières conditions d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, ne sont, en tout état de cause, pas remplies, permet de conclure qu'il n'est pas nécessaire pour la Commission de prendre formellement position quant à la quatrième condition énoncée à l'article 85, paragraphe 3.

(235) Enfin, les parties à l'EATA soutiennent que:

"Since it is clear that a liner conference comprising all the members of EATA would qualify for the block exemption under Regulation (EEC) n° 4056-86, the EATA parties can only conclude that an agreement with less extensive cooperation between the parties would also satisfy the fourth condition of Article 85 (3) (91)".

"[Comme il est clair qu'une conférence maritime comprenant toutes les parties à l'EATA pourrait bénéficier de l'exemption par catégorie en application du règlement (CEE) n° 4056-86, les parties à l'EATA en concluent naturellement qu'un accord prévoyant une coopération plus limitée entre les parties remplirait également la quatrième condition d'application de l'article 85, paragraphe 3 (92)]".

(236) La Commission n'accepte pas cet argument qui comporte au moins deux défectuosités. Premièrement, il revient à soutenir que l'absence de limite de part de marché dans l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes rend inapplicable la quatrième condition prévue à l'article 85, paragraphe 3: il ne s'agit pas là d'une interprétation raisonnable du règlement. Deuxièmement, il ignore l'article 7 du règlement (CEE) n° 4056-86, qui impose expressément à la Commission l'obligation de retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie dans des circonstances entraînant l'absence d'une concurrence effective.

iii) Conclusion quant à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3

(237) La Commission considère que, envisagé dans son contexte économique global et, en particulier, à la lumière des autres restrictions de concurrence auxquelles les parties à l'accord se sont livrées, l'EATA ne remplissait pas les conditions d'exemption prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité.

XIV. Conclusions

(238) L'EATA tombait sous le coup de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, applicable aux accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Il ne remplissait pas les conditions d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1.

(239) L'infraction a duré de septembre 1992 à mai 1997. CGM a cessé de participer à l'infraction à partir d'octobre 1994,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'accord entre les parties, énumérées ci-dessous, au Europe Asia Trades Agreement (EATA) portant sur la non-utilisation de capacités et l'échange d'informations constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1:

- CGM SA,

- Hapag-Lloyd Container Linie GmbH,

- Kawasaki Kisen Kaisha Ltd,

- AP Mller - Maersk Line,

- Malaysian International Shipping Corporation Bhd,

- Mitsui OSK Lines Ltd,

- Neptune Orient Lines Ltd,

- Nippon Yusen Kaisha,

- Oriental Overseas Container Line,

- P & O Nedlloyd Container Line Limited,

- Cho Yang Shipping Co Ltd,

- DSR/Senator Linie GmbH,

- Evergreen Marine Corp (Taiwan) Ltd,

- Hanjin Shipping Co Ltd,

- Hyundai Merchant Marine Co Ltd,

- Yangming Marine Transport Corp.

Article 2

La demande visant à faire déclarer que l'article 85, paragraphe 1, du traité est inapplicable à l'EATA est rejetée.

Article 3

Chacune des entreprises énumérées à l'article 1er est, par conséquent, tenue de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique similaire qui aurait pour objet ou serait susceptible d'avoir un effet similaire à celui de l'infraction visée à l'article 1er.

Article 4

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont destinataires de la présente décision..

Annexe 1

EMPLACEMENT TABLEAU

Annexe 2

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

(1) JO L 378 du 31.12.1986, p. 4.

(2) JO L 376 du 31.12.1988, p. 1.

(3) Règlement abrogé depuis lors et remplacé par le règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission (JO L 354 du 30.12.1998, p. 18) et le règlement (CE) n° 2843-98 de la Commission (JO L 354 du 30.12.1998, p. 22).

(4) CGM SA est le successeur légal de CGM Orient SA DSR-Senator Linien GmbH est le successeur légal de Deutsche Seereederei Rostock GmbH et de Senator Linie GmbH. En 1996, CGM a été acquise par Compagnie Maritime d'Affrètement. En 1997, Nedlloyd Lijnen BV et P & O Containers Limited ont fusionné pour constituer P & O Nedlloyd, Hapag Lloyd AG a transféré ses activités dans le domaine du transport maritime de ligne par conteneur à Hapag Lloyd Container Linie GmbH et Hanjin a pris le contrôle de DSR/Senator.

(5) JO C 97 du 6.4.1993, p. 2.

(6)

"WHEREAS:

a) The Parties operate scheduled international maritime transport services between North Europe and Asia ;

b) the economic and trading environment in the Eastbound North Europe to Asian Trades has resulted in a combination of overcapacity and consistently depressed freight rates ;

c) the economic imbalances described in recital (b) above have led to consistently uneconomic rates of return on investment for the parties...

d) the said economic imbalances and their consequences as described in recitals (b) and (c) above are continuing to deteriorate, leading to a threat to the future financial viability and stability of scheduled liner services from North Europe to Asia ;

e)... "

["CONSIDÉRANT QUE:

a) les parties assurent des services réguliers de transport maritime international entre l'Europe du nord et l'Asie ;

b) le climat économique et commercial sur le trafic ouest-est reliant l'Europe du nord à l'Asie est caractérisé à la fois par des surcapacités et par des taux de fret en baisse constante ;

c) du fait des déséquilibres économiques décrits au considérant b) ci-dessus, les investissements des parties n'ont jamais été rentables ;

d) lesdits déséquilibres économiques et leurs conséquences, décrits aux considérants b) et c) ci-dessus, continuent à s'aggraver, menaçant ainsi la rentabilité et la stabilité financière futures des services réguliers d'Europe du nord vers l'Asie ;

e)... "].

(7) EVP/EQP sont les abrévitions couramment utilisées par le secteur pour "équivalent vingt pieds/équivalent quarante pieds", unités de mesure des conteneurs.

(8) Le fret hors EATA est celui embarqué dans des ports qui ne relèvent pas de la couverture géographique de l'accord.

(9) Voir point 4.2.7 de la demande d'exemption. Voir aussi les observations du conseil des chargeurs japonais au considérant 147.

(10) Voir la demande d'exemption, point 1.5.

(11) Parties: APL, Evergreen, Hanjin, Hapag-Lloyd, Hyundai, Maersk, Mitsui OSK, Nedlloyd, NOL, NYK, OOCL, P&OCL, Sea-Land, Yangming.

(12) Drewry, Global Container Markets, Londres 1996, p. 72.

(13) JO L 376 du 31.12.1994, p. 1.

(14) Voir réponse à la communication des griefs, point 2.51.

(15) Voir réponse à la communication des griefs, point 2.51.

(16) Drewry, Global Container Markets, p. 73.

(17) Drewry, Global Container Markets, p. 162.

(18) Arrêt rendu par la Cour de justice le 14 novembre 1996 dans l'affaire C-333-94 P, Tetra Pak International SA/Commission des Communautés européennes, Recueil 1996, p. I-5951, points 13 à 15 des motifs.

(19) Voir la définition des "services de tramp" à l'article 1er, paragraphe 3, point a), du règlement (CEE) n° 4056-86, qui souligne le caractère librement négocié des taux de fret.

(20) Il convient de noter que les conteneurs ont généralement des dimensions extérieures de vingt pieds ou quarante pieds sur huit pieds et que les cellules des navires sont dimensionnées pour les recevoir. En conséquence, les cargaisons qui excèdent ces dimensions en largeur ou en longueur n'occupent pas les cellules d'une manière optimale.

(21) Cette substituabilité à sens unique ne se limite pas aux transports maritimes: ainsi, si les boissons rafraîchissantes sans alcool ne peuvent pas se substituer aux eaux embouteillées, le contraire n'est pas nécessairement vrai ; voir décision 92-553-CEE de la Commission dans l'affaire IV-M.190 - Nestlé/Perrier (JO L 356 du 5.12.1992, p. 1).

(22) Drewry, Global Container Markets, p. 38 à 48.

(23) Selon Mats Jansson, président d'Unicool and Cool Carriers, "La capacité de réfrigérés déployée est encore limitée et, jusqu'à présent, l'incidence négative sur la demande de transport frigorifique spécialisé est faible" (Fairplay, 371997).

(24) Drewry, Global Container Markets, p. 69 et p 71.

(25) Drewry, Global Container Markets, p. 70.

(26) Drewry, Global Container Markets, p. 76.

(27) EACBen était partie aux trois accords. DSR/Senator et Yangming sont devenues membres de la FEFC en 1996. Hyundai est devenue membre de la FEFC en 1998.

(28) La Far Eastern Freight Conference réunit Europe/Japan & Japan/Europe Freight Conferences, Hong Kong/Europe Freight Conference, Philippines/Europe Conference, Sabah, Brunei & Sarawak Freight Conference.

(29) Article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(30) Voir la lettre du secrétaire de l'EATA à la Commission, datée du 19 octobre 1993.

(31) Voir la lettre du CNUT à la Commission, datée du 27 septembre 1991.

(32) Voir la lettre du secrétariat du FETTCSA à la Commission datée du 19 octobre 1993.

(33) "Il est généralement admis que, sur le trafic Europe-Asie, le tarif de la FEFC sert de point de référence au secteur et les indépendants livrent une concurrence agressive à la FEFC, en offrant des taux qui sont fixés à un niveau inférieur à celui du tarif de la FEFC". (Réponse de la FEFC à la communication des griefs dans l'affaire IV/33.218 - DSVK/FEFC, 31.3.1993, p. 23) qui a conduit à la décision 94-985-CE de la Commission (JO L 378 du 31.12.1994, p. 17).

(34) Drewry, Global Container Markets, p. 110.

(35) Voir la lettre susmentionnée du secrétariat du FETTCSA à la Commission, datée du 19 octobre 1993, note 31 en bas de page.

(36) Drewry, Container Market Profitability to 1997, Londres, décembre 1992, p. 87.

(37) Selon des chiffres fournis à The American Shipper par NYK et publiés dans l'édition d'août 1993, les capacités est-ouest (2,42 millions d'EVP) dépassaient à l'époque les capacités ouest-est (1,75 million d'EVP) d'environ 38 %.

(38) An Analysis of Cost and Supply Conditions in the Liner Shipping Industry, JE Davies, The Journal Of Industrial Economics, juin 1983, p. 425.

(39) Voir la demande d'exemption individuelle, points 2.5.46 et 2.5.47.

(40) Voir la demande d'exemption individuelle, points 2.5.46 et 2.5.47.

(41) Voir la proposition de la Commission de règlement du Conseil déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes et l'exposé des motifs qui l'accompagne, COM (81) 423 final (JO C 282 du 5.11.1981, p. 4).

(42) Voir réponse à la communication des griefs, point 1.6.

(43) Voir réponse à la communication des griefs, point 1.6.

(44) Les parties à l'EATA n'ont fourni aucun exemple de pénurie de capacités résultant du retrait de navires d'un trafic.

(45) Voir, par exemple, l'affaire T-29/92, SPO/Commission des Communautés européennes, Recueil 1995, p. II-289, point 294 des motifs, où le Tribunal de première instance a estimé que l'on ne pouvait pas distinguer la concurrence normale de la concurrence ruineuse. L'appel a été rejeté comme étant manifestement irrecevable par ordonnance de la Cour de justice du 21 mars 1996 (dans l'affaire C-137-95 P, Recueil 1996, page I-1611).

(46) Dr Pirrong, "Core Theory and Liner Shipping Markets" (Journal of Law and Economics 1992, note de bas de page, p. 11).

(47) Davis' Competition, Contestability and the Liner Shipping Industry, 1996, p. 310.

(48) Voir par exemple l'article "The Development of Liner Shipping Conferences" de Jankowski paru dans International Journal of Transport Economics en octobre 1989 ; Jansson et Schneerson dans leur ouvrage Liner Shipping Economics publié en 1987 ; l'analyse de la US Federal Trade Commission "An Analysis of the Maritime Industry and the Effects of the 1984' Shipping Act" publiée en novembre 1989 ou encore l'analyse du ministère américain de la justice "Analysis of the Impact of the Shipping Act of 1984" de mars 1990 et la conférence donnée par S. Gilman à Tarporley en février 1994.

(49) Les partisans de la théorie du noyau vide font valoir qu'un équilibre concurrentiel ne peut être maintenu que s'il n'existe pas, entre consommateurs et producteurs (existants ou potentiels), une coalition que l'on peut optimiser en s'écartant de l'équilibre en question et en concluant un accord particulier. Selon la théorie, toute situation dans laquelle les entreprises ont des capacités excédentaires, ou dans laquelle le marché ne pourrait s'équilibrer qu'à condition que les entreprises opèrent à des niveaux de production excédant leurs coûts moyens minimaux, serait potentiellement de nature à susciter un comportement opportuniste de la part d'une coalition comprenant une entreprise en place, ou un candidat à l'entrée, et un groupe de consommateurs. Ce comportement opportuniste apparaît lorsque des entreprises cherchent à éliminer leurs capacités excédentaires ou lorsque des candidats à l'entrée détournent les clients des entreprises en place offrant des prix supérieurs au coût moyen. En pareilles circonstances, les entreprises se retireront du secteur plutôt que de s'engager dans une concurrence par les prix qui, si elle est durable, fait baisser les prix à un niveau inférieur au seuil de rentabilité. Le marché se caractérise donc par une instabilité constante, étant donné que les entreprises ne cessent d'y entrer et d'en sortir en fonction des conditions de prix qui prévalent.

(50) Voir par exemple Jansson et Schneerson, voir note 45 en bas de page, chapitre 102 "Common Costs and Indivisibility".

(51) Voir l'article intitulé "Sea-Lands Computer Wars" dans Containerisation International, août 1995 et l'article intitulé "Market Share Isn't Everything" dans American Shipper, juillet 1995 ; voir aussi le rapport Drewry de 1991, pp. 104-106 Par exemple, dans l'article paru dans American Shipper, on peut lire, à propos d'Atlantic Container Line: "the company developed a contribution model which works off equipment flows. The model serves as a cargo-acceptance guideline. As a result sales staff is much more aware these days of the overall value of a business prospect". Voir aussi The Liner Industry: Structural Changes and Future Outlook, revue trimestrielle de la Industrial Bank of Japan (1995 IV), p. 43: "There has been a fundamental shift from the profit management system by ship or route to management by cargo unit. The profit for each cargo unit yields the net contribution of each container per voyage. The introduction of unit management has resulted in one container having the same meaning that one ship had in the past" (page 43) et Drewry, "Strategy and Profitability in Global Container Shipping", Londres 1991, pp. 105-106.

(52) Voir note 48, pp. 105-106.

(53) Voir notamment la conférence de Gilman, citée dans la note 45.

(54) Voir note 45.

(55) Voir notamment Jankowski: "Notes and Comments: Competition, Contestability and the Liner Shipping Industry, Journal of Transport Economics and Policy, mai 1989, ou Jankowski The Development of Liner Shipping Conferences, cité dans la note 45 et la conférence du Pr. S. Gilman, citée dans la note 45.

(56) Voir note 44.

(57) Voir notamment le rapport de la US Federal Trade Commission cité dans la note 45, p. 20 Jansson et Schneerson, cité dans la note 45, ainsi que l'article "Sea-Lands Computer Wars" cité dans la note 48.

(58) Voir note 44.

(59) Revenue Pooling and Cartel, p. 173 Voir aussi The Economics of Ocean Freight Rates, Bennathan & Walters, 1969, Praeger.

(60) Voir note 48, p. 69.

(61) Scherer and Ross, Industrial Market Structure and Economic Performance, 1990, Houghtlin Mifflin, p. 674.

(62) Voir note 48, p. 120.

(63) Voir aussi Jansson et Schneerson cité dans la note 44, chapitre 10.2 et annexe A.

(64) De tels accords sont soumis aux obligations des compagnies maritimes énoncées à l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86.

(65) Voir réponse à la communication des griefs, point 2.102.

(66) Voir la demande d'exemption individuelle, point 4.3.3.

(67) Voir la demande d'exemption individuelle, point 4.3.4.

(68) Voir la demande d'exemption individuelle, point 4.3.4.

(69) Affaires jointes 56 et 58-64, Grundig et Consten, arrêt du 13 juillet 1966, Recueil 1966, p. 322.

(70) Affaire C-41-90, Höfner et Elser/Macrotron, arrêt du 23 avril 1991, Recueil 1991, p. I-1979, points 32 et 33 des motifs, et affaire T-65-89, BPB Industries et British Gypsum contre Commission, arrêt du 14 avril 1993, Recueil 1993, p. II-389, point 134 des motifs.

(71) Affaires jointes T-24, 25, 26 et 28-93, CEWAL, Compagnie maritime belge transports SA et autres contre Commission des Communautés européennes, arrêt du 8 octobre 1996, Recueil 1996, p. II-1201, point 205 des motifs.

(72) Décision 86/398/CEE de la Commission du 23 avril 1986 dans l'affaire IV/31-149 Polypropylène, JO L 230 du 18 août 1986, p. 1, considérant 30.

(73) Décision 92/262/CEE de la Commission du 1er avril 1992 dans l'affaire IV/32-50, Comités armatoriaux franco-ouest-africains, JO L 134 du 18 mai 1992, p. 1, considérant 43.

(74) Voir sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86. Voir aussi l'affaire Compagnie maritime belge transports SA et autres contre Commission des Communautés européennes, citée dans la note 67.

(75) Affaire 136/86 BNIC/Aubert, arrêt du 3 décembre 1987, Recueil 1987, p. 4789, point 18 des motifs. De même, dans les affaires jointes 67, 68 et 70-85 "Gaz naturel - Tarif préférentiel à l'égard des horticulteurs néerlandais", arrêt du 2 février 1988, Recueil 1988, p 219, point 59 des motifs, la Cour statuant en vertu de l'article 92 a déclaré que le tarif préférentiel ([-]5,5 %) accordé aux horticulteurs néerlandais pour leur consommation de gaz naturel affectait les échanges entre États membres en raison non seulement de l'importance des coûts énergétiques (25-30 % du prix de vente), mais aussi de la part de marché (65 %) et des exportations (91 %) des entreprises bénéficiant de cette aide d'État.

(76) Affaires jointes 6 et 7-73, Commercial Solvents/Commission, arrêt du 6 mars 1974, Recueil 1974, pp. 223/252. Les parties à l'EATA ont fait valoir dans la réponse à la communication des griefs (annexe 12, point 13) que la jurisprudence de la Cour de justice se rapportant à l'article 86 n'est pas pertinente dans la présente procédure d'application de l'article 85. Selon la Commission, le critère de l'effet sur le commerce entre États membres est le même aux fins de l'article 85 et de l'article 86. En outre, il ressort clairement des deux points qui suivent celui cité ci-dessus que les principes examinés par la Cour dans l'affaire Commercial Solvents sont applicables tant à l'article 85 qu'à l'article 86.

"qu'en effet, les interdictions des articles 85 et 86 sont à interpréter et à appliquer à la lumière de l'article 3, lettre f, du traité, prévoyant que l'action de la Communauté comporte l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun et de l'article 2 du traité, qui donne pour mission à la Communauté de "promouvoir le développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble du Marché commun" ; qu'en interdisant l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, l'article 86 vise dès lors tant les pratiques susceptibles de causer un préjudice direct aux consommateurs, que celles qui leur causent préjudice indirect en portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle qu'envisagée à l'article 3, lettre f, du traité ;

que les autorités communautaires doivent donc considérer le comportement incriminé dans toutes les conséquences pour la structure de la concurrence dans le Marché commun sans distinguer entre les productions destinées à l'écoulement à l'intérieur du Marché commun et celles destinées à être exportées ; que lorsque le détenteur d'une position dominante établi dans le Marché commun tend par l'exploitation abusive de celle-ci à éliminer un concurrent également établi dans le Marché commun, il est indifférent de savoir si ce comportement concerne les activités exportatrices de celui-ci ou ses activités dans le Marché commun, dès qu'il est constant que cette élimination aura des répercussions sur la structure de la concurrence dans le Marché commun".

(77) Voir note 13, considérants 341 à 366.

(78) Affaire T-66-89, Publishers Association/Commission, arrêt du 9 juillet 1992, Recueil 1992, p. II-1995, point 69 des motifs. Le même principe s'applique au formulaire de demande MAR.

(79) Les parties à l'EATA ont décrit, quelque peu confusément, la prétendue surcapacité comme étant à la fois structurelle et cyclique.

(80) Voir la demande d'exemption individuelle, point 6.1.22.

(81) Voir la demande d'exemption individuelle, point 6.1.22.

(82) Voir la demande d'exemption individuelle, point 6.1.28.

(83) Voir "Interim Report of the Multimodal Group", au point 65, rapport publié en mars 1996 par l'Office des publications officielles des Communautés européennes sous la référence ISBN 92-827-6964-X.

(84) Voir la demande d'exemption individuelle, point 2.5.43.

(85) Voir la demande d'exemption individuelle, point 2.5.43.

(86) Voir note 4 de bas de page.

(87) Voir note 4 de bas de page.

(88) Voir réponse à la communication des griefs, point 6.3.4.

(89) Voir note 13, considérants 345 et suivants.

(90) Communication faite conformément à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CEE) 4056-86 du Conseil concernant l'affaire IV/33677 - Irish Club Rules (JO C 263 du 29.9.1993, p. 6, point 7).

(91) Voir réponse à la communication des griefs, point 3.7.7.

(92) Voir réponse à la communication des griefs, point 3.7.7.