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Décisions

CJCE, 5 mars 1999, n° C-153/98 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Guérin automobiles (EURL)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodriguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Kapteyn, Puissochet, Hirsch, Jann

Avocat général :

M. Cosmas

Juges :

MM. Mancini, Motinho de Almeida, Gulmann, Murray, Edward, Ragnemalm, Sevon, Wathelet (rapporteur)

Avocat :

Me Fourgoux.

CJCE n° C-153/98 P

5 mars 1999

Faits et procédure

1 Par requête déposée au greffe de la cour le 17 avril 1998, Guérin automobiles EURL (ci-après "Guérin automobiles") a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'ordonnance du tribunal de première instance du 13 février 1998, Guérin automobiles/Commission (T-275-97, Rec. p. II-253, ci-après l' "ordonnance attaquée"), par laquelle celui-ci a déclaré irrecevable son recours tendant à l'annulation de la décision de la Commission n° SG(97) D-3183, du 25 avril 1997, rejetant la plainte par laquelle Guértin automobiles avait mis en cause le contrat type de distribution des automobiles Nissan en France et son application.

2 Guérin automobiles était à l'origine concessionnaire, notamment, de la marque Nissan, dont le contrat à durée indéterminée avec l'importateur en France des véhicules de cette marque a été résilié le 8 janvier 1991.

3 Le 27 mai 1994, elle a adressé une plainte auprès de la Commission à l'encontre de Nissan France SA sur le fondement de l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Par cette plainte, elle contestait le système de distribution mis en place par le constructeur et demandait le retrait de l'exemption résultant du règlement (CEE) n° 123-85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85 du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16).

4 Guérin automobiles a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Alençon du 22 mai 1995. Me Lemée, mandataire judiciaire, a été désigné en qualité de liquidateur de la société.

5 Par lettre du 25 avril 1997, la Commission a définitivement rejeté la plainte de Guérin automobiles.

6 Par requête enregistrée au greffe du tribunal le 20 octobre 1997, Guérin automobiles a introduit un recours visant à l'annulation de la décision du 25 avril 1997.

L'ordonnance attaquée

7 Par l'ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme manifestement irrecevable au motif que ledit recours n'avait pas été introduit dans le délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité CE.

8 Il a notamment jugé, au point 17 de l'ordonnance attaquée, que l'ordre juridique communautaire n'imposait pas aux institutions communautaires, dans un cas comme celui de l'espèce, d'informer le destinataire d'un acte susceptible de faire grief des recours juridictionnels ouverts et des délais et modalités dans lesquels il pouvait les exercer.

Le pourvoi

9 A l'appui de son pourvoi, Guérin automobiles invoque un moyen unique, fondé sur les principes généraux du droit communautaire de la confiance légitime, de la sécurité juridique, du respect des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que sur les dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10 Elle fait valoir que le droit communautaire, né d'une source autonome sans rattachement aux droits nationaux, est d'assimilation lente. Il ne serait pas encore possible d'en avoir une connaissance suffisante pour tous les citoyens, qui seraient désemparés par sa terminologie, ses normes complexes et le fonctionnement abstrait des institutions communautaires.

11 C'est la raison pour laquelle, eu égard aux principes généraux du droit communautaire énoncés au point 9 de la présente ordonnance, l'indication des voies de recours disponibles et des délais dans lesquels ils peuvent être exercés serait nécessaire pour rendre effectif le droit au recours juridictionnel.

Appréciation de la cour

12 En vertu de l'article 119 du règlement de procédure de la cour, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la cour peut, à tout moment, le rejeter par voie d'ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

13 Il convient de relever que les articles 189, 190, 191 et 192 du traité CE, qui définissent précisemment la nature et le régime des actes juridiques adoptés par les institutions communautaires, n'imposent nullement à ces dernières une obligation générale d'informer les destinataires de ces actes des recours juridictionnels ouverts ni des délais dans lesquels ils peuvent être exercés.

14 Il est vrai que la plupart des Etats membres connaissent une telle obligation d'information à la charge de l'administration. Toutefois, en général, c'est une intervention du législateur qui l'a imposée et réglementée. La matière exigerait, en outre, que soient au préalable déterminés, notamment, les actes administratifs concernés, la teneur, la forme et la localisation, dans l'acte adopté ou dans un document distinct, des mentions obligatoires et les conséquences attachées au défaut des informations requises ou à l'inexactitude des renseignements donnés.

15 En l'absence de disposition expresse en droit communautaire, il ne saurait donc être reconnu, à charge des autorités administratives ou juridictionnelles de la Communauté, une obligation générale d'informer les justiciables des voies de recours disponibles ainsi que des conditions dans lesquelles ils peuvent les exercer.

16 Il convient dès lors, en application de l'article 119 du règlement de procédure, de déclarer le pourvoi manifestement non fondé.

Sur les dépens

17 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Guérin automobiles ayant succombé en son pourvoi, et la Commission ayant conlu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs, LA COUR, ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Guérin automobiles est condamnée aux dépens de l'instance.