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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 4 mars 1999, n° T-87/96

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Assicurazioni Generali (SpA), Unicredito (SpA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Juges :

MM. Bellamy, Moura Ramos, Pirrung, Mengozzi

Avocats :

Mes Pappalardo, Tesauro.

Comm. CE, du 25 mars 1996

25 mars 1996

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Faits et procédure

1 Par décision du 25 mars 1996, la Commission a constaté, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous a) du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifiée, JO 1990, L. 257, p. 14, ci-après "règlement n° 4064-89"), que la création d'une entreprise commune dénommée Casse e Generali Vita SpA (ci-après "CG Vita" ou "entreprise commune"), en exécution des accords qui lui avaient été notifiés le 9 février 1996 par Assicurazioni Generali SpA (ci-après "Generali") et Unicredito SpA (ci-après "Unicredito"), ne constituait pas une concentration au sens de l'article 3 du règlement n° 4064-89 - tel qu'il était libellé lors de l'adoption de cette décision, avant d'être amendé par le règlement (CE) n° 1310-97 du Conseil, du 30 juin 1997, modifiant le règlement n° 4064-89 (JO L. 180, p. 1, ci-après "règlement n° 1310-97") - et ne relevait donc pas du champ d'application de ce règlement (affaire n° IV-M.711 - Generali-Unicredito, ci-après "décision attaquée"). Les accords susmentionnés se présentaient sous la forme d'une lettre d'intention du 10 janvier 1996 complétée par une lettre du 9 février 1996 et d'accords para-sociaux signés à cette même date.

2 En conséquence, la Commission a traité, à la demande des parties notifiantes, la notification susvisée comme une demande (d'attestation négative) au sens de l'article 2 ou une notification au sens de l'article 4 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), conformément à l'article 5 du règlement (CE) n° 3384-94 de la Commission, du 21 décembre 1994, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064-89, qui était en vigueur au moment des faits (JO L. 377, p. 1, ci-après "règlement n° 3384-94"). Par lettre du 1er avril 1996, elle a informé les parties du classement de l'affaire, au motif que l'article 85 du traité n'était pas applicable dans la mesure où les accords notifiés n'étaient pas susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre les États membres.

3 Au moment de la notification à la Commission des accords susmentionnés prévoyant le contrôle conjoint de la société CG Vita par Unicredito et Generali, cette société était dénommée Quercia Vita SpA et exclusivement contrôlée par Unicredito. D'après les indications contenues dans la lettre d'intention susvisée ainsi que dans le formulaire portant notification de l'opération en cause, conformément au règlement n° 4064-89 (ci-après "formulaire CO"), elle n'était pas en activité et ne disposait pas encore de l'autorisation de l'Istituto per la Vigilanza sulle Imprese di Assicurazione Private e di Interesse Collettivo (ci-après "ISVAP") (organe de surveillance des assurances privées d'intérêt collectif) requise par le décret-loi italien n° 174, du 17 mars 1995, subordonnant l'exercice d'une activité dans le secteur de l'assurance à une telle autorisation, dans un but de protection des consommateurs.

4 L'entreprise CG Vita est destinée à exercer son activité dans le secteur de l'assurance, dans les branches "vie", "capitalisation" et "fonds de retraite", dans les limites, pour cette dernière branche, des activités que la réglementation italienne réserve exclusivement aux compagnies d'assurance (point 1.1.1 de la lettre d'intention). Plus précisément, aux termes de l'article 4 de ses statuts, elle a pour objet l'exercice de l'assurance et de la réassurance dans les branches visées aux points A et B du tableau annexé au décret législatif n° 174, du 17 mars 1995, en Italie et à l'étranger, et la participation à des sociétés ayant le même objet. Le premier programme quinquennal d'activité de CG Vita, établi en application de la réglementation italienne susvisée en vue de son examen par l'ISVAP, prévoit que l'entreprise commune opérera essentiellement, au moins initialement, dans le secteur des assurances individuelles, avec des produits très simples (ci-après "programme d'activité").

5 En vertu des articles 6 et 7 de ses statuts, CG Vita dispose d'un capital social de 2 milliards de LIT, qui pourra être porté à 20 milliards ou, d'après le formulaire CO et la lettre d'intention susvisés, à un niveau supérieur en fonction du plan industriel. Aux termes des observations du gouvernement italien mentionnées dans la décision attaquée, l'engagement financier initial de Generali se limitait alors à 300 millions de LIT. L'effectif de l'entreprise commune, composé au départ de quinze personnes - dont un directeur responsable, un responsable commercial (dirigeant) et un responsable technico-administratif -, sera régulièrement augmenté pour atteindre 23 personnes au cours du cinquième exercice, selon l'organigramme contenu dans le programme d'activité. D'après l'article 5 de ses statuts, l'entreprise commune est constituée pour une période devant s'achever le 31 décembre 2050, mais dont la durée pourra être prolongée.

6 Selon la lettre d'intention et le formulaire CO, la société Generali est une compagnie d'assurance exerçant une activité d'assurance et de réassurance dans toutes les branches "dégâts" et dans la branche "vie". Elle contrôle le groupe Generali qui, d'après la décision attaquée, est le premier groupe d'assurance en Italie.

7 Unicredito est une société financière ayant pour objet, notamment, la prise de participations et la gestion de celles-ci dans des sociétés du secteur de la banque, de la finance et de l'assurance. Elle se trouve à la tête du groupe bancaire Unicredito, composé des sociétés Cassa di Risparmio di Verona Vicenza Belluno e Ancona (ci-après "Cariverona") et Cassa di Risparmio della Marca Trivigiana (ci-après "Cassamarca"), ainsi que des sociétés contrôlées par celles-ci.

8 Dans la lettre d'intention du 10 janvier 1996, susvisée, Generali et Unicredito font liminairement état de leur intention de conclure des accords de nature participative et coopérative dans les secteurs de la banque, de la finance, de l'assurance et des activités para-bancaires, en vue de réaliser une intégration mutuelle de leurs activités. Elles soulignent, en substance, que cette initiative s'inscrit dans la logique des évolutions les plus récentes dans le secteur de la banque et de l'assurance, lesquelles tendent à favoriser les processus d'intégration intersectorielle dans la perspective d'un élargissement de l'offre de produits bancaires, financiers, d'assurance et para-bancaires en général, par une utilisation meilleure et plus étendue des réseaux de distribution respectifs des opérateurs, et à mettre l'accent sur l'économie, l'efficacité et les synergies.

9 Dans ce cadre, et dans le but de "consolider ultérieurement leurs relations de coopération", elles précisent qu'elles entendent développer leurs relations de "participation-collaboration", d'une part, en créant l'entreprise commune CG Vita et, d'autre part, en prévoyant des "activités opérationnelles" (point 1 de la lettre d'intention).

10 Seule la création de l'entreprise CG Vita a fait l'objet de la notification susvisée. Cette opération s'est réalisée, conformément à la lettre d'intention (point 1.1.1), au moyen de l'acquisition par Generali de 50 % du capital de CG Vita, jusqu'alors entièrement détenu par Unicredito. Les accords para-sociaux susmentionnés précisent que le conseil d'administration se compose à parité de membres nommés pour moitié par Cariverona et Cassamarca et pour moitié par Generali. D'après l'article 14 des statuts de CG Vita, l'assemblée générale extraordinaire délibère, en matière commerciale, à la majorité absolue du capital social.

11 La lettre d'intention indique que le portefeuille de polices d'assurance d'Eurovita placées par Cariverona et Cassamarca et détenu par la société Eurovita sera, en vertu d'un accord entre ces trois sociétés, transféré d'Eurovita à CG Vita (point 1.1.2).

12 Par ailleurs, la lettre d'intention (point 1.1.1) prévoit que CG Vita commercialisera ses propres produits à travers le réseau d'agences des banques contrôlées par Unicredito. Des accords pourront également être conclus avec d'autres réseaux, bancaires ou non. Selon les indications contenues dans le programme d'activité et confirmées par les sociétés-mères dans leurs réponses du 29 février et du 12 mars 1996 à des demandes d'information de la Commission, le réseau bancaire d'Unicredito assurera la distribution des produits de CG Vita dans le cadre de contrats d'agence et non de contrats de distribution.

13 La lettre d'intention précise aussi que les banques du groupe Unicredito confieront à CG Vita toutes les couvertures relatives à l'assurance vie, y compris celles qui concernent leurs employés (point 1.1.1). Par ailleurs, les fonds de cette entreprise commune seront déposés auprès de banques du groupe Unicredito, lesquelles géreront également les valeurs mobilières investies au regard des réserves techniques (point 1.1.3).

14 S'agissant des "activités opérationnelles" susvisées, Generali s'engage, en substance, à faire appel progressivement de manière privilégiée aux services bancaires et financiers du groupe Unicredito, qui lui seront fournis aux meilleures conditions du marché. Quant à la société Unicredito, elle s'engage à adresser des instructions aux banques qu'elle contrôle afin qu'elles souscrivent toutes les nouvelles polices d'assurance, dans la branche "dégâts", auprès de Generali, aux meilleures conditions du marché. En outre, les banques du groupe Unicredito et Generali étudieront la possibilité d'adopter des initiatives communes visant à définir et à placer des produits d'assurance de la branche "dégâts", également destinés à la clientèle des banques contrôlées par Unicredito, sans exclure la constitution en commun d'une nouvelle compagnie dans ce secteur spécifique (point 1.2 de la lettre d'intention).

15 Unicredito et Generali conviennent d'instituer une commission d'étude chargée de développer ces initiatives communes et d'en mettre au point de nouvelles telles que, notamment, l'installation, auprès des agences de Generali, d'instruments de paiement automatisés ; l'établissement d'une coopération dans le domaine des cartes de crédit et de la monétique en général ; dans le segment des services bancaires aux entreprises, la mise en commun des services offerts par les banques du groupe Unicredito et par Generali ; l'examen de l'opportunité de réaliser une contiguïté entre les agences bancaires d'Unicredito et les bureaux ou les agences de Generali (point 3 de la lettre d'intention).

16 Pour ce qui est de la formation professionnelle, la lettre d'intention indique que Generali collaborera étroitement à la mise en place des structures de formation du personnel d'Unicredito chargé de la promotion et de la vente des produits d'assurance. D'après le programme d'activité de CG Vita, des accords entre cette entreprise et ses sociétés-mères prévoient à cette fin l'institution de cours coordonnés par des professeurs ("esperti docenti") de l'École de formation professionnelle des assurances Generali (Scuola di Formazione Professionale delle Assicurazioni Generali). Le coût de cette formation, à la charge de l'entreprise concernée, s'échelonnera de 500 millions de LIT, durant le premier exercice, à 243 millions au cours du cinquième exercice, selon les données figurant dans le programme d'activité.

17 La lettre d'intention contient également des accords d'exclusivité, qui s'appliquent uniquement, d'après la réponse de Generali et d'Unicredito à une demande formelle de renseignements de la Commission, à la constitution de l'entreprise CG Vita par l'acquisition de 50 % de son capital par Generali et à la distribution des produits de cette entreprise par le réseau bancaire d'Unicredito. Generali renonce expressément, dans la lettre d'intention, à conclure, sans l'accord d'Unicredito, des accords de coopération et-ou de participation de contenu similaire avec d'autres banques dans les régions italiennes dans lesquelles les banques de ce groupe sont présentes en nombre suffisamment important.

18 Unicredito prend un engagement similaire envers Generali. Plus précisément, elle renonce à acquérir directement ou indirectement, sans l'accord de Generali, des participations dans d'autres compagnies d'assurance à titre d'investissement permanent et fonctionnel. Sont exclues de cet engagement d'éventuelles prises de participation dans des sociétés et-ou des holdings bancaires disposant, à leur tour, de participations directes ou indirectes dans des compagnies d'assurances.

19 S'agissant plus spécialement de la distribution des produits de CG Vita, il est précisé, dans la lettre complémentaire du 9 février 1996, susmentionnée, que la durée de l'exclusivité imposée à Unicredito pour cette distribution est limitée à une période de cinq ans.

20 Enfin, le programme d'activité prévoit que les sociétés fondatrices apporteront leur assistance, à prix coûtant, à l'entreprise commune dans un certain nombre de domaines. Selon ces prévisions, le montant des remboursements aux sociétés-mères s'élèvera à 800 millions de LIT pour le premier exercice et augmentera annuellement de 5 %. CG Vita bénéficiera dans la mesure la plus large possible des services informatiques de ses sociétés-mères. Les procédures de caractère technique et administratif relatives aux polices d'assurance vie (émission des polices, comptabilité, liquidation, calcul des réserves de bilan, etc.) seront celles de Generali. En conséquence, au moins aussi longtemps que le volume du portefeuille ne permettra pas d'absorber les coûts d'un service de révision interne, l'activité de contrôle interne sera exercée par le service d'audit interne de Generali (Ufficio di Internal Auditing). De plus, pour l'évaluation médicale et professionnelle des risques proposés, CG Vita pourra, "au moins durant la première période d'exercice de son activité", recourir au service de sélection médicale de Generali. Enfin, l'assistance technico-actuarielle lui sera également fournie par Generali, qui mettra à sa disposition un actuaire. Le programme d'activité souligne cependant "la volonté de rendre la gestion de la société autonome, dans le temps, [ce qui] se réalisera progressivement, parallèlement à la croissance du volume des affaires".

21 A la suite de la notification des accords qui viennent d'être décrits, la procédure s'est déroulée de la manière suivante : le 23 février 1996, la Commission a transmis aux parties, en application de l'article 11 du règlement n° 4064-89, une première demande formelle de renseignements. Elle soulignait la nécessité, pour pouvoir qualifier CG Vita d'entreprise commune de plein exercice, a) "d'obtenir de manière générale des précisions et des explications supplémentaires relatives au caractère autonome et de plein exercice de [cette] entreprise, notamment en ce qui concerne [ses] ressources, et une indication du `timing' prévu pour l'exercice effectif de son activité" ; b) de prendre connaissance de son projet industriel ; c) de disposer d'informations supplémentaires concernant Eurovita et d) de spécifier le portefeuille de contrats qui sera transmis à CG Vita. Les sociétés-mères ont communiqué le programme d'activité à la Commission et ont répondu à cette demande de renseignements par lettre du 29 février 1996, précisant notamment que la distribution des produits de CG Vita serait assurée par les agences d'Unicredito opérant en qualité d'agents.

22 Le 4 mars 1996, l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (l'autorité italienne compétente en matière de concurrence) a adressé à la Commission une communication demandant le renvoi de l'affaire au titre de l'article 9 du règlement n° 4064-89. Generali et Unicredito ont été informées de cette communication par la Commission qui leur a adressé, le 6 mars 1996, une seconde demande formelle de renseignements destinée essentiellement à préciser leur position sur le marché, à décrire le réseau de distribution de Generali pour les produits d'assurance vie et à indiquer les éventuels accords en vigueur entre Generali et d'autres entreprises bancaires. Elles ont répondu à cette demande par lettre du 12 mars 1996 et, après une réunion informelle avec les fonctionnaires de la task-force "contrôle des opérations de concentration entre entreprises" de la direction générale Concurrence (DG IV) de la Commission (ci-après "task-force concentration") le 13 mars 1996, elles ont apporté, dans une lettre à la Commission du 15 mars suivant, des précisions concernant notamment le caractère accessoire de l'accord de distribution exclusive des produits de l'entreprise commune.

23 Le 25 mars 1996, la Commission a adopté la décision attaquée, constatant que l'opération notifiée ne constitue pas une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89, au motif que CG Vita ne possède pas "une autonomie fonctionnelle effective et présente une série d'éléments de coopération qui conduisent à la conclusion que, dans son ensemble, l'opération est de nature coopérative" (points 21 et 22).

24 Pour ce qui est tout d'abord de l'autonomie fonctionnelle, la Commission déclare, dans la décision attaquée, que "les éléments d'information et de preuve dont elle dispose ne lui permettent pas de conclure, avec un degré de probabilité suffisant, à l'existence d'une autonomie fonctionnelle effective et suffisante de l'entreprise commune" (point 13). Cette affirmation se fonde sur deux constatations. En premier lieu, "en dépit de la volonté déclarée des parties de rendre la gestion de l'entreprise progressivement autonome [...] la quasi-totalité des services associés à l'activité de production et de gestion des polices d'assurance (procédures d'émission, de comptabilité, de liquidation, de calcul des réserves de bilan, d'évaluation des risques, d'assistance en matière de technique actuarielle, etc.) [sera] assurée par les structures organisationnelles de Generali, au moins jusqu'au moment (évidemment impossible à préciser) où le développement du portefeuille d'assurances [sera] tel qu'il permettra à l'entreprise commune d'absorber les coûts liés à l'exercice indépendant des activités et des services en question" (point 16). En second lieu, à la différence notamment de l'affaire Zurigo-Banco di Napoli (IV-M.543), "le fait que les produits d'assurance de CG Vita ne [présentent] pas de caractéristiques telles qu'ils puissent être distingués de manière non équivoque, quant à leur nature et à leur contenu, de ceux qui sont déjà mis au point et commercialisés par Generali par l'intermédiaire du système bancaire [semble] affaiblir encore plus les arguments tendant à étayer le caractère autonome [...] de l'entreprise commune" (point 17).

25 La Commission évalue ensuite, "en ce qui concerne l'ensemble de l'opération, l'importance économique des éléments de coopération entre les entreprises fondatrices pour ce qui est de l'accès privilégié au marché des produits d'assurance de la branche vie par le canal bancaire" (point 18). Elle relève, en premier lieu, que l'opération envisagée s'inscrit dans un projet plus vaste de coopération entre Generali et Unicredito dans le secteur de la banque, de la finance, de l'assurance et des activités para-bancaires, esquissé dans la lettre d'intention et dont l'opération en cause ne constitue qu'une des étapes. De surcroît, l'existence d'un intérêt des parties à la réalisation de larges formes de coopération, dans les secteurs de la finance et de l'assurance, semble encore renforcée par les accords d'exclusivité réciproque - prévus dans la lettre d'intention - qui couvrent, selon la Commission, l'ensemble des secteurs faisant l'objet de la coopération (point 19). En second lieu, la Commission constate, en substance, que l'opération s'inscrit "dans un contexte de marché, relatif à la distribution de produits d'assurance sur la vie en Italie", déjà caractérisé, d'une part, par une très large diffusion des accords d'exclusivité liant, en qualité de mandataires uniques, des réseaux d'agences aux diverses compagnies d'assurance, et, d'autre part, par la croissance rapide de l'activité d'intermédiaire exercée par les banques en ce qui concerne la distribution des produits d'assurance vie. Dans ce contexte, le canal bancaire représenterait de plus en plus un système de distribution privilégié, voire, dans certains cas, essentiel, pour accéder au marché de l'assurance vie, en raison des difficultés et des coûts liés à la création de réseaux de distribution suffisamment répandus et variés (point 20).

26 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 5 juin 1996, Generali et Unicredito ont demandé l'annulation de la décision attaquée.

27 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 28 février 1997, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la troisième chambre élargie a admis cette intervention par ordonnance du 21 avril 1997.

28 A la suite de l'entrée en fonction d'un nouveau membre du Tribunal, l'affaire a été réattribuée, le 4 mars 1998, à la première chambre élargie et un nouveau juge rapporteur a été nommé.

29 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale, sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont produit certains documents, avant la date de l'audience, à la demande du Tribunal, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues par l'article 64 de son règlement de procédure. La procédure orale s'est déroulée le 14 juillet 1998.

Conclusions des parties

30 Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- condamner la partie défenderesse aux dépens.

31 La partie défenderesse et la partie intervenante concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme irrecevable ;

- à titre subsidiaire, rejeter le recours comme dénué de fondement ;

- condamner les parties requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

32 La Commission excipe de l'irrecevabilité du recours, au motif que la décision attaquée ne produit pas d'effets juridiques immédiats de nature à affecter les intérêts des parties requérantes. La décision attaquée présenterait le caractère d'un simple acte intermédiaire, dans la mesure où elle détermine uniquement la procédure à suivre et les dispositions matérielles applicables, lors de l'examen de l'opération en cause. En effet, elle se limiterait à constater qu'une telle opération ne relève pas du champ d'application du règlement n° 4064-89 et à indiquer que la notification sera considérée, conformément à la demande des parties notifiantes, comme une demande d'attestation négative au sens de l'article 2 du règlement n° 17 ou une notification au sens de l'article 4 de ce règlement. Seule la décision ultérieure de la Commission sur la compatibilité de l'opération en cause avec l'article 85 du traité arrêterait la position définitive de cette institution, en ce qui concerne la question de savoir si cette opération peut être réalisée selon les modalités proposées par les parties notifiantes ou selon des modalités différentes.

33 Sous cet aspect, l'institution défenderesse établit une distinction entre deux types de décisions prises au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064-89. En adoptant, comme en l'espèce, une décision constatant que l'opération notifiée ne constitue pas une concentration, la Commission conserverait sa compétence. La régularité de cette décision intermédiaire pourrait être examinée dans le cadre d'un recours formé contre la décision finale de la Commission, au terme de la procédure d'application de l'article 85 du traité, sans priver les entreprises notifiantes du bénéfice de la protection du droit communautaire. En effet, ce n'est que si la Commission estimait que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas et qu'il n'y a donc pas lieu d'adopter une décision d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du même traité que les autorités nationales redeviendraient compétentes pour examiner l'opération.

34 A l'inverse, alors que la Commission est exclusivement compétente pour examiner les concentrations de dimension communautaire, une décision de cette institution, au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064-89, constatant qu'une opération constitue une concentration mais ne présente pas de dimension communautaire, impliquerait automatiquement l'incompétence de cette institution et entraînerait l'applicabilité des règles nationales de la concurrence. Une telle décision serait susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, comme l'a jugé le Tribunal dans son arrêt du 24 mars 1994, Air France-Commission (T-3-93, Rec. p. II-121).

35 La République italienne fait sienne l'argumentation de la Commission. La décision attaquée ne constituerait pas l'acte final de la procédure initiée par la notification visée à l'article 4 du règlement n° 4064-89. En effet, cette procédure comprendrait deux phases. La première, nécessaire, tendrait à vérifier si l'opération notifiée constitue une concentration et relève donc du champ d'application de ce règlement. La seconde, uniquement entamée à la suite d'une décision négative à l'issue de la première phase, viserait à apprécier cette opération au regard de l'article 85 du traité et aboutirait à la décision finale.

36 Les parties requérantes estiment, pour leur part, que la décision attaquée constitue un acte juridique définitif, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, conformément à une jurisprudence bien établie (arrêt Air France-Commission, précité).

Appréciation du Tribunal

37 Selon une jurisprudence constante, une décision présente la nature d'un acte attaquable dès lors qu'elle modifie de façon caractérisée la situation juridique des entreprises concernées en produisant des effets juridiques définitifs (voir l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM-Commission, 60-81, Rec. p. 2639, ainsi que les arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec-Commission, T-64-89, Rec. p. II-367, et Air France-Commission, précité, points 43 et 50).

38 La qualification d'une opération économique dans une décision formelle de la Commission, adoptée à l'issue d'une procédure particulière - instituée, en l'occurrence, par le règlement n° 4064-89 - et impliquant le choix par cette institution d'une procédure de contrôle, ne constitue pas une simple mesure préparatoire à l'égard de laquelle les droits des requérantes pourraient être protégés de manière adéquate par un recours en annulation de la décision mettant fin à la procédure, lorsque cette décision ou le recours ouvert contre elle ne permettraient pas d'effacer les conséquences irréversibles de cette qualification sur la situation juridique des requérantes (voir notamment, dans un sens similaire, les arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne-Commission, C-312-90, Rec. p. I-4117, points 19 à 24, et Italie-Commission, C-47-91, Rec. p. I-4145, points 26 à 30, dans lesquels la Cour a jugé qu'une décision qualifiant de nouvelle une aide constitue un acte attaquable, en tant qu'elle implique l'application d'une procédure de contrôle particulière, caractérisée par la suspension du versement de l'aide, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, aussi longtemps qu'elle n'a pas été déclarée compatible avec le traité).

39 Dans la présente espèce, comme le prévoit expressément l'article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064-89, la décision attaquée met fin à la procédure d'application de ce règlement, entamée par la notification des accords prévoyant la création de l'entreprise CG Vita, en constatant que cette opération ne constitue pas une concentration au motif qu'elle présente une nature coopérative.

40 Or, aux termes de son article 22, paragraphes 1 et 2, tel qu'il était libellé à la date d'adoption de la décision attaquée, le règlement n° 4064-89 est seul applicable aux opérations de concentration définies à l'article 3, qui sont de ce fait soustraites à l'application du règlement n° 17.

41 La décision attaquée, qui constate que la création de CG Vita ne constitue pas une concentration et est de ce fait exclue du champ d'application du règlement n° 4064-89, a donc pour effet, notamment, de soumettre cette opération à l'interdiction des ententes énoncée par l'article 85 du traité et à la procédure autonome et distincte instaurée par le règlement n° 17.

42 Elle détermine les critères d'appréciation de la régularité de l'opération en cause, ainsi que la procédure et les sanctions éventuelles qui lui sont applicables. Elle modifie de la sorte la situation juridique des requérantes en les privant de la possibilité de faire examiner la régularité de l'opération en cause sous le seul angle structurel, dans le cadre de la procédure accélérée instaurée par le règlement n° 4064-89, afin d'obtenir une décision définitive de compatibilité avec le droit communautaire.

43 Dans ces conditions, contrairement aux allégations de la Commission, la décision attaquée ne constitue pas une simple mesure préparatoire contre l'irrégularité de laquelle une protection juridictionnelle adéquate pourrait être assurée aux requérantes dans le cadre d'un recours formé contre la décision relative à l'application de l'article 85 du traité. Elle constitue une décision définitive susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, au titre de l'article 173 du traité, en vue d'assurer la protection juridictionnelle des droits découlant pour les requérantes du règlement n° 4064-89.

44 Pour l'ensemble de ces raisons, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée.

Sur le fond

45 Les arguments des parties requérantes peuvent être regroupés en trois moyens, tirés, respectivement, de la nature prétendument concentrative de l'entreprise CG Vita, de la méconnaissance de leur droit d'être entendues durant la procédure administrative de l'absence ou de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée.

Sur le premier moyen, tiré de l'erreur d'appréciation de l'opération en cause

Argumentation des parties

46 Les parties requérantes soutiennent que CG Vita présente une nature concentrative. Cette entreprise commune disposerait d'une autonomie fonctionnelle et n'aurait ni pour objet ni pour effet de coordonner le comportement concurrentiel des entreprises fondatrices. Elle remplirait ainsi les deux conditions énoncées par l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064-89, tel qu'il était libellé lors de l'adoption de la décision attaquée, avant d'être modifié par le règlement n° 1310-97, et explicitées par la Commission dans sa communication de 1994 relative à la distinction entre entreprises communes concentratives et entreprises communes coopératives établie par ce règlement, applicable à l'époque (JO C 385, p. 1, ci-après "communication").

- Sur la condition relative à l'autonomie fonctionnelle

47 S'agissant tout d'abord de la condition relative à l'autonomie fonctionnelle, les requérantes soulignent au préalable que cette notion doit être appréciée en tenant compte des caractéristiques du marché concerné, qui serait en l'occurrence celui de l'assurance vie, et des modalités selon lesquelles les entreprises de taille réduite - comme CG Vita - présentes sur ce marché fonctionnent normalement.

48 En l'espèce, CG Vita disposerait, en premier lieu, de ressources suffisantes, en termes de financement, de personnel et d'actifs, pour exercer son activité dans le secteur de l'assurance vie de manière durable. En attesterait l'autorisation d'exercer son activité dans le secteur de l'assurance que l'ISVAP lui aurait accordée le 17 décembre 1996, à la suite, notamment, d'une augmentation de son capital social de 2 à 15 milliards de LIT, en application d'une décision de son conseil d'administration du 2 septembre 1996. Quant à l'organigramme de cette entreprise commune, il comporterait initialement quinze personnes. Cet effectif serait porté à 23 personnes au cours des cinq premières années.

49 En deuxième lieu, CG Vita accomplirait les fonctions normalement exercées par les autres entreprises présentes sur le marché de l'assurance vie, et serait à même de définir de manière indépendante sa propre politique commerciale. En effet, l'assistance technique et de gestion apportée par les sociétés-mères à CG Vita ne la priverait pas de son autonomie fonctionnelle. Les prestations que Generali lui fournit à prix coûtant relèveraient des services pour lesquels les compagnies d'assurance de dimension comparable auraient l'habitude de s'adresser à des sociétés externes. En particulier, il serait d'usage que les compagnies d'assurance vie recourent à la sélection médicale du réassureur même pour les contrats non soumis à cession. Or, CG Vita confierait à Generali notamment la réassurance, à concurrence de l'excédent, des risques supérieurs à un seuil fixé à 100 millions de LIT, dans le cadre d'une convention d'excédent avec prime de risque, correspondant à une pratique courante. De plus, l'utilisation du service de sélection médicale de Generali n'affecterait en rien l'autonomie décisionnelle de CG Vita en matière d'acceptation des risques. Par ailleurs, le programme d'activité (p. 17) aurait estimé le coût initial de l'ensemble de l'assistance en matière actuarielle, de sélection des risques, de contrôle interne de la société et de procédures informatiques à 800 millions de LIT. Selon ces prévisions, ce coût augmenterait de 5 % par an pour atteindre 942 millions de LIT au cours de la cinquième année d'activité. Enfin, cette assistance présenterait un caractère purement provisoire. Elle ne dépasserait pas les trois premières années d'activité, d'après le programme d'activité.

50 Sous cet aspect, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir effectué une enquête suffisante sur la portée et la durée du soutien des entreprises mères. Elles indiquent, dans la requête, que CG Vita engagera, avant la fin du premier semestre d'activité, un actuaire indépendant, qui sera assisté au cours de la première année par un conseiller de Generali. L'assistance de cette société-mère en matière de contrôle interne prendrait fin "à la clôture du bilan de la première-deuxième année d'activité". Quant aux procédures informatiques, le programme d'activité prévoirait le coût relatif à l'acquisition par CG Vita d'un système informatique indépendant de gestion destiné aux compagnies d'assurance vie, lorsque ce système, acheté par les sociétés du groupe Generali et en voie de personnalisation, sera disponible au cours de l'année 1997.

51 Pour ce qui est de l'assistance dans la distribution, fournie par Unicredito, la décision attaquée ne contiendrait aucune explication. Or, CG Vita utiliserait, pour commercialiser ses propres produits, le réseau de vente de cette société-mère, agissant en qualité d'agent de l'entreprise commune. Selon une pratique bien établie, l'utilisation d'un tel système de distribution ne porterait pas atteinte à l'autonomie fonctionnelle d'une entreprise commune (voir, notamment, les décisions de la Commission du 15 juin 1995, affaire n° IV-M. 586 - Generali-Comit-Flemings, et du 22 février 1995, affaire n° IV-M. 543 - Zurigo-Banco di Napoli). En outre, la lettre du 9 février 1996 complétant la lettre d'intention aurait expressément limité à cinq ans la durée de l'engagement d'exclusivité pris par Unicredito.

52 En troisième lieu, il serait en toute hypothèse impossible de créer des produits innovateurs sur le marché de l'assurance vie. A cet égard, les produits simplifiés, dans le seul but de faciliter la tâche du vendeur, commercialisés par l'intermédiaire du réseau bancaire, seraient fondamentalement identiques, pour l'assuré, à ceux vendus par les réseaux de distribution traditionnels. Dans le secteur de l'assurance vie, les produits nouveaux - pour lesquels l'engagement d'exclusivité pris par la société-mère chargée de leur distribution serait justifié parce qu'il s'avérerait indispensable pour accéder au marché - seraient dès lors ceux qui sont mis sur le marché pour la première fois par une nouvelle entreprise.

53 C'est ainsi qu'il conviendrait d'ailleurs d'interpréter la position adoptée par la Commission dans ses décisions antérieures. En particulier, dans la décision Zurigo-Banco di Napoli, susvisée, la "nouveauté" du produit de l'entreprise commune, par rapport à ceux offerts par la compagnie d'assurance mère, serait contestable, dans la mesure où, d'après les requérantes, cette "nouveauté" serait limitée à la forme de paiement de la prime d'assurance. Dans le même sens, la Commission se serait référée, dans la décision Toro Assicurazioni-Banca di Roma, affaire n° IV-M. 707, au fait que "l'entreprise commune commercialisera[it] des produits sous sa propre marque", sans se soucier de la différence de nature et de contenu entre ses produits et ceux de Toro (point 8 de la décision).

54 En tout état de cause, en l'espèce, CG Vita commercialiserait ses produits sous son propre label. Après une période normale et limitée de rodage, ceux-ci seraient "personnalisés" en vue de les orienter vers certaines catégories déterminées de clientèle.

55 En outre, les requérantes réfutent l'affirmation de la Commission selon laquelle CG Vita commercialiserait les produits déjà distribués par Generali. A la seule exception des assurances temporaires en cas de décès, à capital et prime annuelle constants - qui représenteraient le produit le mieux vendu - les produits de CG Vita seraient modelés sur les polices d'assurance de la compagnie Eurovita et auraient été projetés et réalisés de manière tout à fait indépendante des structures techniques de Generali. De surcroît, un nouveau produit - l'assurance temporaire en cas de décès du solde dû à titre de prime annuelle - aurait été créé de manière autonome par CG Vita et ne serait vendu sous forme individuelle par aucune autre société du groupe Generali.

56 Il ressortirait de l'ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a procédé, en l'espèce, à une application rigide de la condition relative à l'autonomie fonctionnelle. Elle aurait traité différemment, sans aucune justification, une situation fondamentalement identique à celles qu'elle avait examinées dans des décisions antérieures. Elle aurait ainsi méconnu les principes de sécurité juridique et celui de non-discrimination et aurait commis un abus de pouvoir.

57 Les requérantes se fondent, sur ce point, sur une série de décisions dans lesquelles la Commission aurait admis l'autonomie fonctionnelle d'entreprises communes dont les liens économiques avec les sociétés-mères auraient été bien plus profonds que ceux de CG Vita [décision 93-247-CEE de la Commission, du 12 novembre 1992, déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (affaire n° IV/M.222 - Mannesmann/Hoesch) (JO 1993, L. 114, p. 34) ; décisions du 5 février 1996, affaire n° IV/M.686 - Nokia/Autoliv ; du 22 novembre 1992, affaire n° IV/M.266 - Rhône Poulenc Chimie/SITA ; du 22 décembre 1993, affaire n° IV/M.394 - Mannesmann-Rewe/Deutsche Bank, et du 27 novembre 1995, affaire n° IV/M.648 - Mc Dermott /ETPM].

58 Pour sa part, la Commission, soutenue par la République italienne, estime que CG Vita est privée d'autonomie fonctionnelle, en raison de l'ampleur et de l'importance économique de l'assistance que Generali et Unicredito continueront à lui apporter, ainsi que du caractère tout à fait aléatoire de la limitation de cette assistance dans le temps.

59 En outre, dans le cas d'une entreprise commune non encore opérationnelle, comme CG Vita, il conviendrait de vérifier, pour apprécier sa capacité d'opérer de manière indépendante sur son propre marché, qu'elle est en mesure de mettre sur ce marché des produits qui ne sont pas encore commercialisés par l'une des sociétés-mères ou qui, après la création de l'entreprise commune, cesseront de figurer dans le portefeuille de produits de cette société. A cet égard, la nouveauté d'un produit ne pourrait pas résider dans un simple changement de la marque sous laquelle il est commercialisé par l'une des sociétés-mères.

- Sur la condition relative à l'absence de coordination des comportements concurrentiels

60 Les requérantes contestent que la création de l'entreprise CG Vita constitue un instrument de coopération entre Generali et Unicredito. Elles allèguent d'abord que les autres formes de coopération envisagées dans la lettre d'intention ne présentent aucun lien avec l'activité de CG Vita. Elles se référeraient à des relations mutuelles privilégiées, dans les principaux secteurs d'activité de Generali et d'Unicredito. En outre, elles seraient purement hypothétiques.

61 Ensuite, comme une seule des deux entreprises mères exercera son activité sur le marché de CG Vita, toute hypothèse de coordination des comportements concurrentiels de ces entreprises mères serait exclue. En effet, Generali et Unicredito exerceraient leur activité sur des marchés totalement distincts et, à la suite de la création de CG Vita, Unicredito ne conserverait aucune participation dans des sociétés actives sur les marchés de l'assurance vie.

62 A cet égard, les requérantes contestent en particulier la thèse du gouvernement italien selon laquelle, "pour une multiplicité de segments, les banques et les assurances fournissent des produits et des services largement substituables". En toute hypothèse, CG Vita n'opérerait dans aucun des secteurs (corporate banking et gestion de l'épargne) dans lesquels la concurrence entre banques et assurances se développerait.

63 La Commission souligne que la décision attaquée n'est nullement fondée sur le fait que l'opération en cause s'inscrit dans un contexte de coopération plus vaste entre les sociétés-mères. En effet, les projets plus vastes de collaboration future envisagés dans la lettre d'intention n'auraient été appréciés qu'en tant qu'éléments marginaux par rapport à l'argumentation principale, relative à l'autonomie fonctionnelle de CG Vita. La Commission aurait uniquement tenu compte de ces projets, en raison de l'absence d'indications suffisantes sur l'autonomie fonctionnelle de CG Vita. En effet, d'après cette institution, l'analyse de l'ensemble des rapports entre les entreprises mères exposés dans la lettre d'intention pouvait fournir, avec d'autres éléments, de meilleures indications pour établir, le cas échéant, l'existence d'une autonomie fonctionnelle. En particulier, plus l'entreprise commune serait susceptible d'être uniquement un instrument de coopération entre les sociétés-mères opérant sur des marchés liés verticalement, plus il y aurait lieu de douter de son autonomie.

64 D'après le gouvernement italien, la lettre d'intention fait apparaître que l'entreprise commune représente en l'espèce un moyen de coordination du comportement concurrentiel des sociétés-mères. Selon les évolutions les plus récentes du marché, d'une part, les banques deviendraient des concurrentes directes des compagnies d'assurance, en fournissant une multiplicité de produits et de services à contenu financier largement substituables aux produits d'assurance. D'autre part, elles représenteraient un réseau de distribution privilégié de ces produits. En l'occurrence, la coordination entre les entreprises fondatrices revêtirait donc une importance stratégique particulière en termes d'élimination de la concurrence potentielle sur ces marchés contigus et d'occupation d'un débouché privilégié de ces produits.

Appréciation du Tribunal

65 L'article 3 du règlement n° 4064-89 définit les opérations de concentration visées par ce règlement. La qualification des entreprises communes est régie par le paragraphe 2 de cet article, énonçant, dans sa version en vigueur avant le 1er mars 1998, applicable en l'espèce :

"2. Une opération, y compris la création d'une entreprise commune, qui a pour objet ou effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes, ne constitue pas une concentration au sens du paragraphe 1, point b).

La création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, et qui n'entraîne pas une coordination du comportement concurrentiel soit entre entreprises fondatrices, soit entre celles-ci et l'entreprise commune, constitue une opération de concentration au sens du paragraphe 1, point b)."

66 Les dispositions précitées de l'article 3 doivent être interprétées à la lumière du vingt-troisième considérant du règlement n° 4064-89, ainsi libellé :

"(23) considérant qu'il est indiqué de définir le concept de concentration de telle manière qu'il ne couvre que les opérations qui aboutissent à une modification durable de la structure des entreprises concernées ; qu'il y a dès lors lieu d'exclure du champ d'application du présent règlement les opérations qui ont pour objet ou effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes, celles-ci devant être examinées au regard des dispositions appropriées des règlements d'application des articles 85 et 86 du traité ; qu'il y a notamment lieu d'opérer cette distinction en cas de création d'entreprises communes".

67 Il ressort des termes de l'article 3 qu'une opération de création d'une entreprise commune n'est couverte par le règlement n° 4064-89 que si, d'une part, celle-ci dispose d'une autonomie fonctionnelle et, d'autre part, cette création n'a pas pour objet ou effet la coordination du comportement concurrentiel des entreprises concernées. Si l'une de ces conditions fait défaut, l'entreprise commune est qualifiée de coopérative et assimilée à une entente.

68 Toutefois, le règlement n° 4064-89 ne clarifie pas les critères permettant de déterminer dans quelle mesure ces deux conditions peuvent être considérées comme satisfaites.

69 Lors de l'interprétation desdites conditions il y a lieu de tenir compte avant tout de leur finalité, qui est de délimiter le champ d'application respectif du règlement n° 4064-89 et du règlement n° 17, lesquels s'excluent mutuellement, en application de l'article 22, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4064-89. Dans le cadre de l'ancienne version du règlement n° 4064-89, applicable en l'espèce, cela conduit à évaluer l'importance économique des éléments de coopération par rapport aux aspects structurels.

70 En l'espèce, eu égard à l'argumentation des parties et aux éléments du dossier, il appartient au Tribunal de vérifier si l'entreprise CG Vita dispose ou non d'une autonomie fonctionnelle, dans le contexte dans lequel s'inscrit sa création. Cette question doit être examinée sur la base des éléments dont disposait la Commission au moment de l'adoption de la décision.

71 La décision attaquée conclut à l'absence d'autonomie fonctionnelle de CG Vita, en raison, notamment, de l'ampleur et de l'importance économique particulière de l'assistance qui lui serait fournie de manière durable par ses sociétés-mères en matière de production, de gestion et de distribution des polices d'assurance (points 15 et 16 de la décision attaquée).

72 A cet égard, force est de relever que certains arguments invoqués par les requérantes à l'encontre des appréciations émises dans la décision attaquée se fondent sur des données qui ne figuraient pas dans la lettre d'intention ou dans le programme d'activité et qui n'avaient pas été fournis à la Commission, lors de son examen de l'opération en cause. Tel est, en particulier, le cas des arguments relatifs à la limitation dans le temps de l'assistance des sociétés-mères en matière actuarielle et en matière de contrôle interne (voir, ci-dessus, point 50). De tels éléments ne sauraient être pris en considération dans le cadre de l'appréciation de la légalité de la décision attaquée, qui doit être examinée sur la base des éléments dont disposait la Commission au moment de son adoption.

73 Par ailleurs, pour apprécier l'incidence du soutien des sociétés-mères sur l'autonomie fonctionnelle de CG Vita, il convient de tenir compte des caractéristiques du marché concerné et de vérifier dans quelle mesure CG Vita exerce les fonctions qui sont normalement exercées par les autres entreprises présentes sur le même marché.

74 En l'espèce, le marché concerné a été défini, dans la décision attaquée, comme celui de l'assurance sur la vie, considéré non pas de manière statique mais dans sa dimension dynamique, c'est-à-dire comme un marché de l'assurance sur la vie recourant largement au canal bancaire pour la distribution. Cette évolution du marché concerné est d'ailleurs confirmée par le fait que la part des primes d'assurance vie placées par l'intermédiaire du secteur bancaire est passée, au cours de la période comprise entre 1991 et 1995, de 4 à 20 % des recettes engendrées par les primes d'assurance vie au niveau national (point 20 de la décision attaquée).

75 Compte tenu de cette caractéristique du marché concerné, les requérantes font valoir qu'une entreprise existante mais non encore opérationnelle faisant appel, comme CG Vita, pour la distribution de ses produits, aux services d'un groupe bancaire ne saurait être considérée comme privée d'autonomie fonctionnelle, du seul fait qu'une clause d'exclusivité a été imposée au groupe bancaire pour une période limitée, en l'espèce, à cinq ans. Par ailleurs, il serait conforme à la pratique du secteur concerné que les compagnies d'assurance vie de dimension comparable à celle de CG Vita s'adressent à des sociétés externes, en ce qui concerne notamment la distribution et l'assistance en matière actuarielle, de contrôle interne, de sélection médicale et de procédures informatiques.

76 Si la thèse des requérantes pourrait être admise en ce qui concerne l'utilisation de chacun des services susmentionnés considérés isolément, tel n'est pas le cas lorsque l'entreprise commune dépend de ses sociétés-mères pour la fourniture de l'ensemble de ces services, au-delà d'une période initiale de démarrage au cours de laquelle cette assistance peut être considérée comme justifiée afin de permettre à l'entreprise commune d'entrer sur le marché.

77 Or, en l'espèce, le Tribunal constate que le caractère opérationnel de l'entreprise commune a été assuré au moyen de la fourniture par les entreprises fondatrices de la quasi-totalité des services se rapportant à l'activité de production, de gestion et de commercialisation des polices d'assurance. En particulier, d'après le programme d'activité, CG Vita ne sera pas en mesure, au moins durant ses cinq premières années d'activité, de gérer de manière autonome les services liés à l'activité de production et de gestion des polices d'assurance. Generali interviendra dans les procédures comptables, les procédures d'émission de polices d'assurance, les procédures de liquidation, le calcul de réserve de bilan, la gestion technico-administrative du portefeuille et, enfin, le contrôle interne de l'entreprise commune. Quant à Unicredito, elle mettra à la disposition de CG Vita les structures et les services informatisés nécessaires en vue de la commercialisation des produits d'assurance, afin de canaliser les mouvements de fonds. De plus, même si la lettre d'intention prévoit la possibilité théorique, pour l'entreprise commune, de recourir à d'autres canaux de distribution, le programme d'activité se réfère uniquement au réseau d'agences du groupe Unicredito.

78 En outre, d'après les documents - versés au dossier - dont disposait la Commission lors de l'adoption de la décision attaquée, les interventions des sociétés-mères n'étaient pas limitées dans le temps. Seule la clause d'exclusivité imposée à Unicredito pour la distribution des produits de CG Vita était limitée à une période de cinq ans. Les requérantes ont indiqué pour la première fois devant le Tribunal (au stade de la réplique) que ces interventions des sociétés-mères, dans l'activité de production et de gestion de CG Vita, se limiteraient aux trois premières années d'activité.

79 Pour l'ensemble de ces raisons, la Commission a pu constater à bon droit, dans la décision attaquée, que les éléments dont elle disposait ne lui permettaient pas de conclure avec un degré de probabilité suffisant à l'existence d'une autonomie fonctionnelle effective de l'entreprise commune.

80 Dans ces conditions, le grief selon lequel la Commission aurait traité les requérantes de manière discriminatoire ne saurait être accueilli. La présente espèce se distingue, en effet, des décisions antérieures de la Commission, invoquées par les requérantes, notamment par l'ampleur de l'assistance dispensée à CG Vita par les sociétés-mères à tous les stades de son activité et par la durée de cette assistance, qui n'était pas limitée à une phase initiale normale de lancement au moment de l'adoption de la décision attaquée.

81 De plus, la Commission a pu constater à bon droit que, en l'absence d'éléments permettant d'établir que CG Vita bénéficiait d'une autonomie fonctionnelle suffisante, le contexte de la création de cette entreprise commune confirmait l'absence d'autonomie de celle-ci.

82 A cet égard, il suffit de relever que la lettre d'intention indique clairement que la création de CG Vita s'inscrit dans le contexte d'une coopération plus large de ses deux sociétés-mères, même si, comme le font observer les requérantes, le projet de collaboration envisagé dans ce document n'est pas précis et détaillé. En effet, ce projet de collaboration est expressément mentionné dans la lettre d'intention (voir, ci-dessus, points 9 et 14 à 18). Celle-ci contient notamment l'engagement des deux sociétés-mères de recourir de manière privilégiée à leurs services respectifs, l'engagement d'Unicredito de s'abstenir d'acquérir des participations dans d'autres compagnies d'assurance et celui de Generali de s'abstenir de conclure des accords similaires de coopération et-ou de participation avec d'autres établissements bancaires. Plus généralement, elle fait état de la volonté des parties de "réaliser une intégration réciproque [de leurs] activités dans le cadre et avec l'apport [de leurs] compétences respectives", sans toutefois envisager une telle intégration au moyen de la concentration des deux sociétés-mères.

83 Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que, à défaut d'autonomie fonctionnelle de CG Vita, celle-ci ne saurait être considérée comme présentant une nature concentrative. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de procéder à l'examen des aspects relatifs à la coopération entre les entreprises concernées, visés à l'article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 4064-89, tel qu'il était libellé avant sa modification par le règlement n° 1310-97.

84 Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la prétendue méconnaissance du droit des requérantes d'être entendues

Argumentation des parties

85 Les requérantes font grief à la Commission d'avoir omis de leur faire part de ses "doutes sérieux" sur l'autonomie fonctionnelle de CG Vita, après avoir reçu leurs réponses à sa première demande de renseignements. En s'abstenant de demander des explications supplémentaires, par exemple à l'occasion de la deuxième demande de renseignements du 6 mars 1996 ou de la rencontre informelle du 13 mars suivant, l'institution défenderesse aurait suscité auprès des entreprises concernées la conviction qu'elles avaient apporté des réponses exhaustives. Ces entreprises n'auraient, de ce fait, pas été mises en mesure de faire valoir leur position sur l'importance et la durée de leur assistance à CG Vita et de modifier, le cas échéant, leur accord.

86 La Commission estime avoir suffisamment averti les requérantes de ses doutes sur la nature concentrative de l'opération en cause dans sa première demande formelle de renseignements, datée du 23 février 1996. Dans ces conditions, les requérantes auraient pu défendre leur position, en lui fournissant tous les éléments utiles dans leur réponse à cette première demande de renseignements, ou lors de la réunion du 13 mars 1996, au cours de laquelle les fonctionnaires de la task-force "concentration" les auraient informées que l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato avait également formulé des doutes sur la nature concentrative de l'entreprise commune.

Appréciation du Tribunal

87 Le règlement n° 4064-89 consacre expressément, en son article 18, le droit des entreprises intéressées - parmi lesquelles figurent les entreprises notifiantes - d'être entendues avant l'adoption d'un certain nombre de décisions qu'il spécifie. Il ne mentionne pas les décisions constatant, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous a), que l'opération notifiée ne relève pas du règlement n° 4064-89, comme en l'espèce.

88 Toutefois, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire (voir l'arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin-Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 7, ainsi que l'arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter-Commission, T-260-94, Rec. p. II-997, point 59) et s'impose, dès lors, avant l'adoption de toute décision susceptible de faire grief aux entreprises concernées. En conformité avec ce principe, l'article 11 du règlement n° 4064-89 rappelle d'ailleurs que, dans une demande de renseignements, la Commission doit indiquer notamment le but de sa demande. Par ailleurs, le règlement n° 3384-94 indique, en son huitième considérant, que, après la notification d'une opération de concentration, la Commission "maintiendra des relations avec les parties en question dans la mesure nécessaire pour examiner avec elles et, si possible, résoudre à l'amiable les problèmes de fait ou de droit qu'elle peut avoir découverts lors d'un premier examen de l'affaire".

89 En l'espèce, la Commission a clairement souligné, dans sa première demande de renseignements, la nécessité d'obtenir de plus amples précisions relatives à l'autonomie fonctionnelle de CG Vita, afin de pouvoir la qualifier d'entreprise commune de plein exercice (voir, ci-dessus, point 21).

90 Dans ces conditions, la Commission a suffisamment attiré l'attention des requérantes, durant la procédure administrative, sur les difficultés soulevées par cette qualification. Il n'est pas nécessaire de vérifier, à cet égard, si, comme le suggère la Commission et contrairement aux allégations des requérantes, elle a réitéré ses doutes quant à l'autonomie de CG Vita lors de la réunion informelle du 13 mars 1996.

91 Au surplus, le règlement n° 3384-94 (article 3, troisième considérant) prévoyait qu'il appartient aux parties notifiantes de révéler à la Commission de manière exacte et complète les faits et circonstances qui sont pertinents pour la décision à prendre sur la concentration notifiée.

92 A la lumière de cette obligation, les exigences liées au respect des droits de la défense ne sauraient imposer à la Commission, en cas de réponse insuffisante à une demande de renseignements, de réitérer sa demande.

93 Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de l'absence ou de l'insuffisance alléguée de motivation

Argumentation des parties

94 Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir motivé la décision attaquée, en se limitant à déclarer que "les éléments d'information et de preuve dont elle dispose ne lui permettent pas de conclure, avec un degré de probabilité suffisant, à l'existence d'une autonomie fonctionnelle effective et suffisante de l'entreprise commune" (point 13). L'insuffisance de l'instruction se trouverait à l'origine de ce défaut de motivation.

95 Selon la Commission, la motivation de la décision attaquée est conforme à l'article 190 du traité. En l'occurrence, ce sont les éléments fournis par les requérantes durant la procédure administrative qui ne lui auraient pas permis d'établir avec une probabilité suffisante que l'entreprise commune disposait d'une autonomie fonctionnelle.

96 La République italienne estime que la Commission a émis, dans la décision attaquée, une appréciation définitive et suffisamment motivée sur l'opération en cause, en se fondant sur les informations d'ailleurs suffisantes qu'elle avait recueillies.

Appréciation du Tribunal

97 S'agissant, en l'espèce, du contrôle préventif d'une opération qui, par définition, n'avait pas encore été réalisée, la Commission ne pouvait vérifier si l'entreprise CG Vita disposerait d'une autonomie fonctionnelle que sur la base des données qui lui avaient été fournies par les requérantes. C'est au regard des informations et des documents dont disposait cette institution lors de l'adoption de la décision attaquée qu'il y a lieu de vérifier si celle-ci est motivée à suffisance de droit.

98 A cet égard, il ressort clairement du point 17 de la décision attaquée que, pour apprécier l'autonomie fonctionnelle de CG Vita, la Commission s'est fondée sur l'analyse de l'étendue et de la durée de l'assistance fournie à cette entreprise commune par ses sociétés-mères, d'après les indications et les documents, versés au dossier, qui lui avaient été fournis par les requérantes (voir, ci-dessus, point 24). C'est sur la base de cette analyse, exposée dans la décision attaquée, que la Commission a estimé qu'il ne lui était pas possible de conclure avec un degré de probabilité adéquate à l'existence d'une autonomie fonctionnelle suffisante de l'entreprise commune. Compte tenu de ce qui précède, la décision attaquée doit être considérée comme motivée à suffisance de droit.

99 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

Sur les dépens

100 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie défenderesse ayant conclu en ce sens et les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens. La partie intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(première chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens.

3) La partie intervenante supportera ses propres dépens.