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Décisions

CCE, 3 mars 1999, n° 1999-242

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

TPS

CCE n° 1999-242

3 mars 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 2, 6 et 8, vu la demande d'attestation négative et la notification en vue d'une exemption présentées, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17, le 18 octobre 1996, par Télévision Française 1, France Télévision Entreprises, France Télécom, la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion, Métropole Télévision et Lyonnaise des Eaux, concernant des accords portant création de la société Télévision par satellite, vu l'essentiel du contenu de la demande et de la notification publiées (2) conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. Introduction

(1) La présente opération avait d'abord fait l'objet de contacts avec la Commission dans le courant de l'été 1996 en vue d'une notification au titre du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (3), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (4). Toutefois, les parties ayant été informées par la Commission que Télévision Par Satellite (TPS) ne constituait pas une entreprise commune au sens d'une entreprise soumise au contrôle conjoint de ses associés, le 18 octobre 1996, elles ont notifié l'opération à la Commission et sollicité une attestation négative ou une exemption au titre du règlement n° 17.

(2) Les accords concernant la création de l'entreprise TPS ont été notifiés à la Commission par les parties déjà citées: Télévision française 1 (TF1), France Télévision Entreprises, France Télécom, Métropole Télévision (M6), la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion (CLT) et la Lyonnaise des Eaux, désormais dénommée Suez Lyonnaise des Eaux. L'entreprise TPS a été créée sous forme de société en nom collectif de droit français. Son objet est le lancement et la gestion d'une plate-forme numérique de commercialisation de programmes et de services audiovisuels payants par satellite en France. L'objet social de cette société permet également l'extension de son activité aux zones linguistiques francophones européennes.

(3) Le 13 mars 1998, les parties ont notifié à la Commission un changement actionnarial intervenu après la date de notification des accords. La CLT s'étant retirée de la société TPS, ses actions ont été revendues à M6 Numérique et à Lyonnaise Satellite qui détiennent désormais chacune 25 % du capital de TPS.

Au moment de la notification, l'actionnariat de TPS était le suivant :

(tableau non communiqué)

Après le retrait de la Société pour le Numérique Francophone, les parts de TPS se répartissent comme suit :

(tableau non communiqué)

TF1 Développement est détenu à 100 % par TF1. Le capital de France Télévision Entreprises est réparti entre France Télécom (66 %) et France Télévision (34 %), dont, à leur tour, les télévisions publiques, France 2 et France 3, détiennent 50 % chacune. M6 Numérique et Lyonnaise Satellite sont des filiales à 100 % de M6 et Suez Lyonnaise des Eaux respectivement.

(4) Le 27 juillet 1998, les parties ont notifié à la Commission un avenant aux accords TPS portant suppression de la clause relative à l'engagement des câblo-opérateurs actionnaires de TPS de coordonner leur offre avec celle de la plate-forme numérique. La portée de la clause de non-concurrence a été délimitée, à la demande de la Commission, par deux avenants en date du 17 septembre 1998 et une disposition relative à une éventuelle diffusion exclusive des chaînes "Arte" et "La Cinquième" a été supprimée par avenant du 17 septembre 1998.

B. Les parties

1. TF1

(5) TF1 est la société exploitant le premier réseau hertzien français de télévision en clair. Elle bénéficie d'une autorisation d'utilisation de fréquence renouvelée en 1996. TF1 est également distribuée sur le câble en Belgique francophone et au Luxembourg.

(6) Avec une participation de 39 %, le groupe Bouygues, essentiellement actif dans le secteur de la construction et promotion immobilières, exerce le contrôle de fait de TF1.

(7) L'activité principale de TF1 est la télédiffusion en clair de type généraliste. TF1 est également active, par le biais de filiales, dans les secteurs de la régie et des prestations publicitaires, la production audiovisuelle et cinématographique, la commercialisation de droits audiovisuels, la diffusion de deux chaînes thématiques et l'édition et la distribution de produits et services dérivés.

(8) En 1996, le chiffre d'affaires mondial du groupe Bouygues s'est élevé à 11 180,5 millions d'écus, tandis que celui de TF1, pour la même période atteignait 1 475,8 millions d'écus.

2. France Télévision

(9) France Télévision regroupe France 2 et France 3, deux sociétés anonymes dont le capital est entièrement détenu par l'État français, qui exploitent les deuxième et troisième réseaux hertziens de télévision français, dans le respect d'un cahier des charges et de missions de service public confiées par la loi, qui définissent le cadre de leur activité. France 2 et France 3 sont diffusées en clair et financées, d'une part, par la redevance audiovisuelle acquittée par chaque foyer possédant un poste de télévision, et, d'autre part, par la publicité.

(10) France 2 et France 3 diffusent une programmation généraliste nationale en France, complétée par des programmes régionaux et locaux dans le cas de France 3. Les deux chaînes sont également distribuées sur le câble en Belgique et au Luxembourg.

(11) L'activité de diffusion généraliste des deux chaînes est complétée, par le biais de filiales et de participations, par les activités audiovisuelles suivantes: exploitation d'une régie publicitaire, production audiovisuelle et cinématographique, commercialisation de droits audiovisuels, diffusion de chaînes thématiques à vocation culturelle et éducative et édition et distribution de produits et services dérivés.

(12) En 1996, France 2 a réalisé un chiffre d'affaires de 760,3 millions d'écus, et France 3 de 784,7 millions d'écus.

3. France Télécom

(13) France Télécom est l'opérateur historique des télécommunications en France. Cette société ayant été partiellement privatisée en 1997, 25 % du capital se trouve actuellement entre les mains du grand public, des investisseurs institutionnels et des salariés. France Télécom exploite des services de téléphonie (vocale fixe et mobile), des réseaux ouverts au public, des terminaux (téléphones et télécopieurs, standards téléphoniques) et des réseaux câblés et offre des services télématiques et multimédias.

(14) France Télécom est le détenteur de la technologie d'accès conditionnel "Viaccess" utilisée par TPS et par la plate-forme concurrente AB-Sat.

(15) Dans le secteur de la câblo-distribution, France Télécom Câble, filiale de France Télécom, exploite un réseau de plus de 1,2 million de prises raccordables et présente un taux de pénétration commerciale (5) de 23 %. En termes d'abonnés, France Télécom Câble représente environ 29,5 % du secteur.

(16) En 1996, le groupe France Télécom a réalisé un chiffre d'affaires de 23 049,13 millions d'écus.

4. M6

(17) M6 est une société de droit français qui a été autorisée à émettre le 26 février 1987, exploitant une chaîne de télévision nationale terrestre, dont les principaux actionnaires sont la CLT et Suez Lyonnaise des Eaux. Son autorisation a été renouvelée en 1996, avec entrée en vigueur le 1er mars 1997.

(18) M6 est également active dans divers secteurs de l'audiovisuel par le biais de l'exploitation d'une régie publicitaire, la production cinématographique et d'œuvres audiovisuelles, la commercialisation de droits d'exploitation de programmes audiovisuels et de cinéma, l'exploitation de chaînes thématiques, l'édition de disques, de magazines et de vidéogrammes ainsi que le téléachat.

(19) En 1996, M6 a réalisé un chiffre d'affaires de 315,93 millions d'écus.

5. Suez Lyonnaise des Eaux

(20) Le capital de Suez Lyonnaise des Eaux était réparti, au mois d'octobre 1997, entre Electrafina (GBL) (10 %), le Crédit Agricole (7,6 %), AXA-UAP (6,2 %), la CDC (4,5 %), Saint-Gobain (4 %), Cogema (3 %), les salariés (1,1 %), le restant (63,6 %) étant disséminé dans le public.

(21) Suez Lyonnaise des Eaux développe ses activités dans les domaines de la distribution de l'eau, de la propreté, de l'énergie ainsi que des travaux publics, la concession d'infrastructure et les services financiers. Elle est également présente dans le secteur de la communication principalement par le biais de M6, dont elle détient 34,45 % du capital ainsi que par le biais de sa filiale Lyonnaise Communications, qui exploite un réseau câblé en France de plus de 1,5 million de prises raccordables et présente un taux de pénétration commerciale de 18,8 %. En termes d'abonnés, Lyonnaise Communications représente environ 26 % du secteur en France.

(22) En 1996, le chiffre d'affaires consolidé pro forma de Suez Lyonnaise des Eaux (la fusion ayant eu lieu le 19 juin 1997) est de 26 394,52 millions d'écus.

C. Les marchés en cause

1. Les marchés de produits

(23) L'opération notifiée affecte principalement le marché de la télévision à péage, où opère TPS. En tant qu'éditeur de certaines des chaînes thématiques incluses dans son offre, TPS est également active sur le marché de l'acquisition des droits de diffusion ainsi que sur celui de la commercialisation et l'exploitation de chaînes thématiques.

(24) Le marché des services techniques liés à la télévision à péage doit également être pris en compte, dans la mesure où l'objet statutaire de TPS inclut le développement, la commercialisation, l'achat, la vente de tous systèmes de contrôle d'accès ainsi que la gestion et commercialisation de systèmes d'abonnements.

1.1. Le marché de la télévision à péage

(25) Comme il découle de la décision 94-922 de la Commission (6), de la décision de la Commission du 7 octobre 1996 (Bertelsmann/CLT) (7) et de la décision 1999-153 de la Commission (Bertelsmann/Kirch/Premiere) (8), le marché de la télévision à péage constitue un marché de produit distinct de celui de la télévision de libre accès, qu'elle soit financée totalement ou partiellement par les revenus publicitaires. Alors que, dans le cas de la télévision en clair, la relation commerciale s'établit entre le radiodiffuseur et l'annonceur, dans le cas de la télévision à péage, il existe une relation commerciale entre le radiodiffuseur et le téléspectateur en tant qu'abonné. Par conséquent, les conditions de concurrence sont différentes pour ces deux types de télévision. Dans le cas de la télévision en clair, les paramètres-clés sont la part d'audience et les tarifs publicitaires, tandis que pour la télévision à péage, les éléments les plus importants résident dans une programmation qui doit être conçue pour attirer des groupes cibles et dont les piliers sont le cinéma en première diffusion et le sport ainsi que dans le tarif des abonnements. La télévision à péage se caractérise également par la nécessité de posséder un décodeur afin de décrypter les programmes; par une commercialisation qui se fait soit par le biais d'un réseau de distributeurs, soit par démarchage; par l'exigence d'une gestion administrative des abonnements et la disponibilité, pour l'opérateur, d'un système de contrôle d'accès.

(26) Le marché de produit en cause de la télévision à péage ne peut être subdivisé entre télévision analogique et télévision numérique, comme l'a déjà indiqué la Commission (9). La télévision à péage numérique ne constitue qu'un développement technologique de la télévision à péage analogique. Bien que ces deux technologies coexistent pour le moment sur le satellite et sur le câble en France, on doit s'attendre à la substitution de la technologie analogique par la numérique dans le futur. Le cas de CanalSatellite Analogique est intéressant à ce sujet: une partie de ses abonnés ayant migré vers la télévision à péage numérique, CanalSatellite a décidé d'arrêter les activités de son bouquet analogique en octobre 1998, soit un peu plus de deux ans et demi après le lancement de son bouquet numérique. Dans tous les cas, qu'elle utilise la technologie analogique ou numérique, la télévision à péage présente les mêmes caractéristiques: nécessité d'un système de contrôle d'accès, même type de commercialisation, gestion des abonnés, choix des programmes (10), etc.

(27) Les services de télévision payante peuvent être acheminés en France par voie hertzienne, par satellite ou sur le câble.

(28) Traditionnellement, les services de télévision à péage de Canal+ ont été transmis par voie hertzienne. À l'heure actuelle, c'est encore la chaîne Canal+ hertzienne qui enregistre de loin le plus grand nombre d'abonnés (environ 3,5 millions en septembre 1998), alors qu'elle est également accessible sur le satellite et le câble. Comme dans le cas du câble et du satellite, la télévision payante par voie hertzienne regroupe dans son offre des programmes essentiellement ciblés sur le cinéma et le sport, commercialise son offre par le biais d'un réseau de distribution, utilise un terminal associé à un système de décodage et nécessite un système de gestion des abonnés.

(29) En ce qui concerne le câble, les abonnements aux chaînes thématiques, que ce soit en analogique ou en numérique, se font, comme pour le satellite, sous forme de "paquets" : offre basique et série d'options. Les câblo-opérateurs commercialisant la plupart des chaînes reprises dans les offres des plates-formes satellite, on retrouve dans leur offre un mélange des chaînes diffusées sur CanalSatellite, TPS (11) et AB-Sat ainsi que Canal+, ce qui rend leur contenu similaire à celui de l'offre du satellite. Il convient de remarquer, en outre, que les plates-formes satellite pratiquent chacune la même politique de tarification dans tout le territoire français et qu'elles n'effectuent pas de différenciation selon qu'elles opèrent dans une zone câblée ou non.

(30) Le degré de pénétration du câble en France est faible : le taux de pénétration commerciale dans le secteur de la télévision à péage, excluant le "service antenne" qui ne reprend que les chaînes généralistes en clair, est d'un peu plus de 22 % (nombre d'abonnés/nombre de prises raccordables) et le taux de pénétration globale (nombre d'abonnés au câble/nombre de foyers TV) est d'environ 10 %. D'autre part, dans les zones câblées, où les consommateurs se trouvent face à l'alternative câble/satellite, c'est-à-dire dans les zones urbaines et péri-urbaines, la télévision par satellite est généralement soumise à une série de contraintes (règlements de copropriété, réglementation municipale) relatives à la pose de l'antenne parabolique, qui favorisent le câble. Toutefois, ces éléments ne constituent pas des justifications suffisantes pour effectuer une distinction entre un marché éventuel du câble et un marché du satellite. Le fait que, dans les zones câblées, le taux de pénétration du satellite soit faible ou très faible, tend à prouver au contraire que la télévision à péage par câble, là où elle existe, est un substitut de la télévision à péage par satellite, les consommateurs préférant la commodité de la connexion au câble aux formalités généralement exigées par la pose d'une antenne parabolique. On peut donc en conclure que le marché de la télévision à péage inclut pour le moment en France les trois modalités de diffusion : hertzienne, par satellite et par câble.

(31) Selon des données du Conseil supérieur de l'audiovisuel français, les trois bouquets satellite (CanalSatellite, TPS et AB-Sat) représentaient, en juin 1998, 15 % des abonnés en France, le câble, 28 % et Canal+ hertzien 57 %.

1.2. Le marché des services techniques liés à la télévision à péage

(32) Les opérations de télévision payante requièrent une infrastructure technique spéciale afin d'encoder les émissions et de les décrypter pour les téléspectateurs autorisés. Pour ce faire, il est nécessaire d'installer chez chaque abonné un terminal. S'agissant de télévision à péage numérique, le terminal réunit généralement des fonctionnalités qui permettent la démodulation du signal satellite ou câble, la décompression du signal numérique, le démultiplexage des différentes chaînes, le désembrouillage du signal crypté, la gestion du contrôle d'accès, une interface carte bancaire.

(33) L'opérateur de télévision payante doit en effet pouvoir disposer d'un système d'accès conditionnel qui permet la transmission de données encodées contenant des informations sur les programmes faisant l'objet d'abonnements et sur les abonnés autorisés à recevoir ces programmes, ainsi que les signaux de télévision. Le système comprend généralement aussi une carte à puce mise à disposition de l'abonné, qui permet de déchiffrer les données d'autorisation et de les transférer au terminal.

1.3. Le marché de l'acquisition de droits de diffusion, notamment de cinéma et de sport

(34) Il est admis et reconnu de tous que le cinéma et le sport constituent les deux produits phares de la télévision payante. Ces droits sont nécessaires pour confectionner des programmes suffisamment attrayants pour convaincre de futurs abonnés de payer pour la réception de services de télévision. Ce sont donc des produits d'appel de la télévision à péage. Aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de déterminer s'il existe des marchés distincts pour les droits de diffusion de cinéma et les droits sportifs.

(35) En ce qui concerne les films, les droits acquis se décomposent en droits de "télévision en clair", "pay- TV", "pay-per-view", "near video-on-demand" et "video-on-demand" (12). D'après la chronologie des médias en vigueur en France, les droits hertziens en clair peuvent être exploités au plus tôt 36 mois après la sortie en salle d'un film, alors que les droits de "pay-tv" sont accessibles 12 mois après la sortie en salle, ces durées étant écourtées dans le cas de coproductions. Pour ce qui concerne l'activité de télévision à péage par satellite ou par câble, les droits de pay-TV peuvent se décomposer en "1re fenêtre" et "2e fenêtre". Cette tendance a été lancée par les studios de Hollywood, mais ne s'est pas encore développée auprès des producteurs/distributeurs français. Il est à noter également qu'aucune distinction n'est effectuée selon que les droits sont destinés à l'exploitation en qualité analogique ou numérique.

(36) Les droits sportifs se décomposent également en droits de télévision en clair, "pay-TV" et "pay-per-view".

1.4. Le marché de la commercialisation et d'exploitation des chaînes thématiques

(37) Les chaînes thématiques sont indispensables à la constitution d'offres de télévision à péage. Même si le câble ou le satellite diffusent également certaines chaînes généralistes, françaises ou étrangères, il faut constater que ces dernières ne constituent pas une catégorie de programmes spécifiques à la télévision à péage.

(38) Ce marché est en pleine expansion en raison de l'introduction de la technologie numérique qui, grâce à la compression, permet la diffusion d'un nombre beaucoup plus élevé de chaînes et de services que la technologie analogique.

(39) Composé à l'origine de quelques chaînes éditées pour le câble en France, ce marché enregistre maintenant plus de 140 chaînes thématiques exploitées sur le satellite et le câble, tant françaises qu'européennes et non-européennes.

2. Marchés géographiques de référence

(40) Pour le moment, l'offre de TPS est commercialisée en France uniquement. Toutefois, il n'est pas exclu que la commercialisation en soit étendue à l'avenir aux pays européens francophones, comme le prévoient les accords notifiés. Il n'est cependant pas nécessaire, pour les besoins de cette affaire, de déterminer si le marché géographique doit être défini comme étant le marché français ou le marché européen francophone.

(41) Il en va de même pour le marché des services techniques liés à la télévision à péage, dont la Commission a déjà reconnu dans la décision 94-922 et dans la décision Bertelsmarm/Kirch/Premiere (13) qu'il est étroitement lié à l'offre de télévision payante.

(42) En ce qui concerne le marché de la commercialisation des chaînes thématiques, même si des chaînes étrangères sont commercialisées en France, il faut remarquer que leur reprise dans les bouquets satellite et sur le câble est négociée et organisée sur une base au plus nationale.

(43) En ce qui concerne le marché géographique de l'acquisition des droits de diffusion, bien que l'approvisionnement en droits puisse se faire à échelle mondiale et que certains opérateurs acquièrent ces droits pour plus d'un territoire à la fois, il faut également constater que l'acquisition des droits se fait encore essentiellement sur une base nationale ou tout au plus, linguistique. C'est ainsi que, dans la décision 89-536 de la Commission (14), celle-ci a constaté que les droits de diffusion pour les films sont généralement concédés pour une version linguistique et pour une zone de diffusion données. Il n'est pas nécessaire, pour les besoins de la présente affaire, de déterminer si le marché de l'acquisition des droits de diffusion doit être défini comme étant le marché français ou le marché européen francophone.

3. Structure des marchés

3.1. Marché de la télévision à péage

(44) Le concurrent le plus ancien sur le marché de la télévision à péage en France est Canal+. Lancé en 1984, ce service de télévision payante est essentiellement accessible en technologie analogique par voie herztienne, mais est aussi proposé dans une version numérique multiplexée (Canal+ bleu, jaune et vert) sur le satellite et en analogique et numérique sur le câble. Canal+ compte actuellement au total 4,3 millions d'abonnés. Sa programmation, en tant que chaîne "premium", met l'accent sur le cinéma en première exclusivité ainsi que sur le sport de première qualité. Canal+ bénéficie d'une image très fortement implantée en France ainsi que d'un savoir-faire très développé en matière de gestion de services de télévision à péage en raison de sa longue expérience dans ce domaine.

(45) Le groupe Canal+ opère également dans le domaine de la câblo-distribution puisqu'il contrôle le réseau câblé NumériCâble, qui représente environ 21 % du secteur câble en France.

(46) En 1992, CanalSatellite, société contrôlée à 70 % par Canal+, a lancé un bouquet de chaînes payantes par satellite, en qualité analogique. Les services de CanalSatellite Numérique ont été lancés en 1996. À la fin 1997, CanalSatellite Analogique comptait encore environ 100 000 abonnés alors que CanalSatellite Numérique en avait déjà recruté 650 000. CanalSatellite Analogique a décidé de cesser son activité en octobre 1998. Canal Satellite Numérique enregistrait 900 000 abonnés fin juin 1998 et comptait atteindre le million d'abonnés en automne 1998.

(47) En terme d'abonnés, le groupe Canal+, incluant la chaîne premium Canal+, CanalSatellite et le réseau NumériCâble, représentait, fin juin 1998, 70 % environ du marché français de la télévision à péage.

(48) Le groupe Canal+ est également présent sur plusieurs marchés étrangers de la télévision à péage: Espagne, Italie, pays nordiques, Belgique francophone, Flandre, Pays-Bas, Pologne et Afrique. Dans la plupart de ces pays, le groupe a lancé ou prépare le lancement de plates-formes numériques à côté de chaînes "premium". Le groupe totalisait, fin juin 1998, 10,3 millions d'abonnés en Europe (15).

(49) En avril 1996, le groupe AB, dont l'activité essentielle repose sur la production de programmes et la distribution de droits télévisés, a lancé sur le marché français un autre bouquet composé d'une vingtaine de chaînes payantes par satellite éditées par le groupe. Fin juin 1998, ce bouquet faisait état de 100 000 abonnés. En mars 1997, AB-Sat a conclu un accord de Simulcrypt avec CanalSatellite, permettant aux abonnés des deux bouquets de recevoir les programmes des deux opérateurs sur un seul et même terminal numérique avec une carte unique. AB-Sat et CanalSatellite ont également signé un accord par lequel certaines des chaînes d'AB-Sat, notamment la chaîne sportive, sont diffusées sur CanalSatellite. Un accord a également été conclu en juillet 1998 avec TPS pour la distribution d'une chaîne d'AB-Sat dans l'offre de base de TPS et de cinq chaînes en option.

(50) De son côté, TPS enregistrait 457 000 abonnés fin juillet 1998 et prévoyait 600 000 abonnés pour la fin de l'année.

(51) Sur le marché de la télévision à péage, les câblo-opérateurs les plus importants, participant au "Plan- Câble" lancé par le gouvernement français en 1982, sont France Télécom, Lyonnaise Câble, tous deux présents dans TPS, ainsi que NumériCâble, contrôlé par Canal+. Chacun de ces trois opérateurs enregistraient fin janvier 1998 un nombre d'abonnés de respectivement 442 000 (soit 6,22 % du marché de la télévision à péage) pour France Télécom, 439 212 (soit 6,18 % du marché de la télévision à péage) pour la Lyonnaise Communications et 357 210 pour NumériCâble (soit 5,1 %) (16). Ensemble, ces trois opérateurs totalisent environ 80 % du secteur câble. Les 20 % restants sont constitués par un certain nombre de plus petits câblo-opérateurs.

3.2. Marché des services techniques liés à la télévision à péage

(52) Les accords notifiés prévoient que TPS peut développer et commercialiser des systèmes de contrôle d'accès ainsi que des systèmes d'abonnements. Toutefois, pour ses opérations, TPS a retenu pour le moment le système d'accès Viaccess, qui fait l'objet d'un accord de licence avec France Télécom. D'autre part, TPS assure elle-même la gestion de ses abonnés.

(53) France Télécom est présent sur ce marché en tant que concepteur et propriétaire du système d'accès conditionnel Viaccess (version numérique du système Eurocrypt). Il y est en concurrence avec le Groupe Canal+, qui est propriétaire du système d'accès Mediaguard et a mis au point le terminal numérique Mediasat.

(54) Le système Viaccess est également utilisé par AB-Sat, qui a conclu un accord de licence avec France Télécom, ainsi que par le câblo-opérateur Lyonnaise Communications.

3.3. Marché de l'acquisition des droits de diffusion, notamment de cinéma et de sport

(55) La convention TPS prévoit la création de chaînes de cinéma et d'un service de pay-per-view ainsi que la création de leurs sociétés éditrices (17). Trois chaînes de cinéma ainsi qu'une chaîne pour enfants, diffusant presqu'exclusivement des films d'animation, sont actuellement éditées par "TPS Cinéma", filiale à 100 % de TPS. Les services de pay-per-view, qui diffusent des films et des événements sportifs, sont édités par la société Multivision, contrôlée à 78 % par TPS, aux côtés de France Télécom et Suez Lyonnaise des Eaux.

(56) Par le biais de ses deux filiales éditrices de chaînes et de services, TPS est donc amenée à opérer sur le marché de l'acquisition de droits télévisés, notamment en ce qui concerne les films et les sports.

(57) En ce qui concerne les droits de films, TPS a conclu des accords avec cinq grands studios américains pour l'acquisition des droits de pay-TV et pay-per-view; cependant, dans trois cas, ce sont des droits de "deuxième fenêtre pay-TV" (après diffusion sur Canal+) qui ont été acquis. TPS détient également les droits de pay-per-view du tournoi de tennis de Roland-Garros, de la Ligue européenne des clubs champions et de quelques matches de la Coupe de France de football.

(58) Ses concurrents principaux sur ce terrain, en particulier dans le domaine de l'achat de films, sont Canal+ et les chaînes thématiques dans lesquelles Canal+ a une participation, notamment par le biais de la société Multithématiques. Le groupe Canal+ a une position particulièrement forte sur ce marché. En tant que chaîne premium, dont l'image a été essentiellement construite autour du cinéma de qualité en première diffusion, Canal+ a signé des contrats avec cinq des sept studios les plus importants de Hollywood ainsi qu'avec Polygram pour l'obtention des droits exclusifs de pay-TV en première diffusion. Canal+ détiendrait des droits représentant environ 87 % de la production de Hollywood en termes d'entrées en salle (box office) en France (18). Il convient de signaler également que le prix payé par Canal+, sur la base de ses 4,3 millions d'abonnés, marque le prix plancher dans les négociations entre distributeurs et acheteurs de droits de pay-TV.

(59) En outre, le groupe Canal+ est propriétaire du catalogue de films UGC DA/CANAL+ DA, qui compte 4 800 films, ainsi que de la fiction, de l'animation et des documentaires.

(60) En ce qui concerne les droits sportifs, le groupe Canal+ dispose en exclusivité des droits cryptés et de pay-per-view pour le championnat de France de football ainsi que pour certains championnats de football de pays européens. Il détient également l'exclusivité des droits cryptés et de pay-per-view pour les épreuves de la Formule 1. En ce qui concerne les autres sports, les exclusivités détenues par Canal+ sont parfois limitées (partage des droits avec des chaînes en clair).

(61) Bien que l'activité essentielle du groupe AB se situe dans le secteur de la production de programmes et la distribution de droits télévisés et qu'il possède un catalogue de plus de 30 000 heures de programmes (19), AB-Sat a également recours au marché de l'acquisition de droits télévisés pour l'achat de droits de fiction et de droits sportifs.

(62) Les chaînes généralistes sont également actives sur ce marché, tant au niveau de l'acquisition de droits sportifs pour leur programmation en clair qu'en ce qui concerne l'acquisition de droits sur des films de catalogue ou sur de nouveaux films, notamment par le biais de la coproduction lorsqu'il s'agit d'œuvres cinématographiques françaises. Les chaînes généralistes sont surtout très présentes au niveau de la commande d'œuvres audiovisuelles (séries, téléfilms, films d'animation et programmes) (20).

(63) En ce qui concerne les nouveaux films français, sur un total de 163 films produits en 1997, les chaînes généralistes ont coproduit 73 films, Canal+ ayant pré-acheté les droits de pay-TV de 134 de ces films (21) et TPS les droits de 4 de ces films (22).

(64) En tant qu'éditeurs de chaînes thématiques, les associés de TPS sont également présents sur ce marché.

3.4. Marché de la commercialisation et de l'exploitation de chaînes thématiques

(65) Le marché de la commercialisation et de l'exploitation des chaînes thématiques est un marché en pleine expansion, notamment avec l'apparition des plates-formes numériques.

(66) Les chaînes historiques, dites "chaînes du câble" comptaient parmi leurs actionnaires les principaux opérateurs de télévision à péage: Canal+ et les trois câblo-opérateurs les plus importants : Lyonnaise des Eaux devenue Suez Lyonnaise des Eaux, Générale des Eaux et, dans une moindre mesure, France Télécom. La plupart des opérateurs de télévision en clair avaient également des participations dans des chaînes thématiques, bien que plus modestes.

(67) Depuis l'émergence des plates-formes satellite, les acteurs de la télévision à péage ont tous des participations dans les chaînes thématiques exploitées sur le marché.

(68) Le nombre de participations détenues par les principaux acteurs sur ce marché est assez homogène. Toutefois, le groupe Canal+ est un acteur important, car il détient des participations dans les chaînes les plus anciennes et qui bénéficient de la meilleure pénétration sur le câble et du plus grand nombre d'abonnés (23).

(69) Certaines sociétés étrangères sont également actives sur ce marché : chaînes américaines telles que CNN, ABC, NBC, et, depuis quelques temps, chaînes arabophones commercialisées sur TPS et certains réseaux câblés. Les studios de Hollywood (Disney, Fox, Paramount, Universal) sont également des fournisseurs de chaînes thématiques, dont la diffusion est généralement négociée et parfois imposée en "paquet" avec les droits de films.

D. L'opération: les accords notifiés

(70) Les accords notifiés sont au nombre de quatre. Les principes essentiels régissant le fonctionnement de TPS sont contenus dans la convention des 11 et 18 avril 1996; ils ont été concrétisés et structurés postérieurement dans le pacte d'associés signé le 19 juin 1996, ainsi que dans les statuts de la société TPS et TPS Gestion (TPSG), signés à la même date.

(71) La durée des accords ainsi que des dispositions contractuelles susmentionnées est de 10 ans.

1. Administration de TPS

(72) La gestion de TPS est confiée à une deuxième société, TPSG, dont la composition reflète exactement celle de TPS.

(73) TPSG est régie par un conseil d'administration, composé de douze administrateurs, dont trois sont désignés par TF1, trois par France Télévision Entreprises et six par M6 Numérique et Lyonnaise Satellite. Le conseil d'administration doit donner son autorisation préalable à toute décision concernant notamment des changements d'activité de TPS et TPSG, des modifications substantielles du plan de développement et d'exploitation prévisionnel de TPS, l'adoption des budgets annuels de fonctionnement et d'investissement, la politique générale de composition de l'offre numérique, la politique de tarification, etc. Le conseil d'administration statue à la majorité simple sur toutes les questions relatives à la politique commerciale de TPS, le président n'ayant pas de voix prépondérante.

(74) Il faut donc conclure de ces dispositions que les associés de TPS n'exercent pas de contrôle conjoint sur la politique commerciale de la société.

(75) En cas de cession de parts de TPS ou de TPSG, un mécanisme de préemption est mis en place afin de favoriser les partenaires initiaux.

2. Objectifs des accords TPS

(76) Aux termes des accords notifiés, TPS a pour objet de concevoir, développer et diffuser une offre de programmes et de services payants à destination des téléspectateurs européens francophones. Cette offre sera diffusée en mode numérique par satellite, à destination des antennes de réception directe et des réseaux câblés. L'objet de la société couvre toutes les opérations pouvant se rattacher à cette activité, et notamment:

- l'achat, la vente, la commercialisation, la promotion et la diffusion de programmes de télévision et de services télévisuels,

- l'acquisition, la location, la mise à disposition des services techniques nécessaires à l'acheminement et à l'accès à l'offre numérique,

- le développement, la commercialisation, l'achat, la vente de tous systèmes de contrôle d'accès, la gestion et la commercialisation des systèmes d'abonnements,

- la négociation d'accords relatifs à l'édition, la coédition et la création de programmes de télévision et de services destinés à TPS.

3. Dispositions contractuelles

3.1. Clause-de non-concurrence (avenants à l'article 11 de la convention des 11 et 18 avril 1996 et à l'article 5.3 du pacte d'associés du 19 juin 1996: "Exclusivité")

(77) Sauf pour les cas existant à la date de conclusion des accords et sauf pour vendre les programmes et services nouveaux qui n'auraient pas fait l'objet de contrats avec TPS, les parties s'engagent à ne pas participer, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, et aussi longtemps qu'elles demeureront actionnaires de TPS, à des sociétés ayant pour activité ou objet social la diffusion et la commercialisation d'une offre de programmes et de services audiovisuels payants en mode numérique et par satellite à destination des foyers européens francophones.

3.2. Clause concernant les programmes et services de TPS (article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996: "Programmes et services de l'Offre Numérique")

(78) 3.2.1. Afin de fournir à TPS les programmes nécessaires à son activité, chacune des parties s'engage à proposer en priorité à TPS les chaînes et services qu'elle exploite ou pour lesquels elle dispose effectivement du pouvoir de décision au sein de la société éditrice, ainsi que ceux qu'elle pourra créer. TPS dispose également d'un droit de dernier refus ou d'acceptation aux meilleures conditions proposées par des concurrents, sur tous les services ou chaînes que les actionnaires de TPS proposeraient à des tiers. En cas de reprise, qu'elle soit à titre exclusif ou non-exclusif, TPS appliquera à ces services des conditions financières et contractuelles au moins équivalentes à celles dont ces programmes et services pourraient bénéficier par ailleurs.

(79) Pour ce qui concerne la reprise de ces chaînes et services, TPS se déterminera librement en fonction de sa propre appréciation pour accepter ou refuser de contracter leur intégration dans son offre numérique, que ce soit à titre exclusif ou non-exclusif, étant entendu que les parties affirment leur objectif de pouvoir disposer de chaînes et services en exclusivité dans l'offre numérique de TPS.

(80) Comme les chaînes généralistes font l'objet du traitement spécifique détaillé ci-après, ces dispositions ne concernent que les chaînes thématiques et services télévisuels contrôlés par les associés de TPS.

(81) 3.2.2. Une disposition spécifique aux chaînes généralistes (TF l, France 2, France 3 et M6), prévoit d'ores et déjà qu'elles seront diffusées en exclusivité par TPS, qui prendra en charge les coûts techniques afférents à leur transport et diffusion, mais ne les rémunérera pas. La possibilité d'une diffusion exclusive des chaînes "Arte" et "La Cinquième" était également envisagée dans le contrat à l'origine. Cette disposition a été supprimée par les parties.

(82) Dans le cas où, en raison d'une contrainte extérieure de nature législative ou réglementaire, l'une des chaînes généralistes viendrait à ne plus être diffusée en exclusivité sur TPS, cette chaîne devrait alors prendre à sa charge les coûts satellitaires et de transport.

3.3. Clause concernant le câble (article 5 de la convention des 11 et 18 avril 1996: "Coordination avec l'offre sur le câble")

(83) Cette clause, par laquelle les câblo-opérateurs associés de TPS s'engageaient à intégrer de manière prioritaire sur leurs réseaux les programmes et services repris dans l'offre TPS, et notamment les services de paiement à la séance, et à se consulter sur la coordination de cette offre avec celle des programmes et des services sur le câble, a été supprimée par les parties à la demande de la Commission. Un avenant à la convention des 11 et 18 avril 1996 a été notifié à la Commission le 27 juillet 1998.

E. Observations des tiers

(84) À la suite de la publication de la communication conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, un certain nombre de tiers intéressés ont fait part de leurs observations. La majorité des commentaires portaient sur la clause relative au câble. Les tiers intéressés ont insisté sur le fait que l'application de cette clause a pour effet de fragiliser les chaînes indépendantes. Étant donné la taille réduite du secteur du câble en France et la position des deux câblo-opérateurs actionnaires de TPS qui détiennent ensemble 56 % de ce secteur, la restriction de l'accès des chaînes indépendantes à leur réseau mettrait sérieusement en danger leur viabilité.

(85) Comme indiqué plus haut, les parties à l'accord TPS ont supprimé la clause relative au câble et ont notifié à la Commission, le 27 juillet 1998, un avenant au contrat portant suppression de ladite clause à compter du 2 avril 1998.

(86) Certains tiers ont également émis des observations concernant le droit de préférence octroyé par ses associés à TPS sur les programmes et services qu'ils exploitent. Le terme "programmes" pouvant donner lieu à une interprétation extensive, cette clause aurait pour effet, en pratique, d'accorder à TPS non seulement un droit de préférence sur les chaînes nationales (objet d'une disposition spécifique), ainsi que sur les chaînes thématiques et services interactifs édités et exploités par les parties, mais encore sur l'ensemble des droits de diffusion détenus par les associés de TPS. Le droit de préférence sur les droits de diffusion aurait un clair effet d'éviction pour les éditeurs de chaînes thématiques qui ne sont pas liés à TPS.

(87) La Commission considère que cette clause doit faire l'objet d'une interprétation restrictive et ne s'appliquer qu'aux seuls services et chaînes audiovisuels édités et exploités par les associés de TPS. Les droits de diffusion détenus par les associés de TPS ne font donc l'objet d'aucun droit préférentiel en faveur de TPS. Cette interprétation a été confirmée par les parties aux accords par lettre du 9 octobre 1998.

(88) En ce qui concerne la disposition relative à la présence exclusive des chaînes généralistes sur TPS, les tiers intéressés ont souligné que cette présence dans l'offre du bouquet constitue un avantage concurrentiel considérable. En effet, selon une étude d'Audicabsat-Médiamétrie effectuée en janvier 1998, ces chaînes attirent traditionnellement en France la majeure partie de l'audience, soit 90 % de l'ensemble des téléspectateurs, toutes modalités confondues et 75,1 % de l'audience sur le câble. En outre, la qualité de réception souvent médiocre des chaînes hertziennes dans un grand nombre de foyers (estimé par certains à plus de 8 millions) donne à la réception de ces chaînes en qualité numérique un caractère particulièrement attrayant pour le public. Dans les zones de mauvaise réception hertzienne, il existerait donc un sérieux risque d'élimination de la concurrence au profit de TPS.

(89) Enfin, des tiers ont estimé que la composition du tour de table de TPS pouvait soulever des problèmes de concurrence. À ce sujet, il convient de remarquer que le projet n'a pu se réaliser que grâce à la présence de tous les actionnaires de TPS qui ont apporté non seulement leur capacité financière nécessaire aux investissements requis par le lancement de TPS et aux pertes qui en découlent, mais encore un maximum d'expérience et un savoir-faire indispensables à une bonne implantation sur le marché.

(90) La Commission a étudié ces observations, qui venaient confirmer des commentaires qui lui étaient parvenus antérieurement. Ces préoccupations avaient déjà fait l'objet de discussion avec les parties et avaient été prises en compte par la Commission dans son examen des accords notifiés. Aussi, à l'exception de la clause relative au câble, qui a été supprimée par les parties, ces observations n'ont-elles pas amené la Commission à modifier sur le fond sa position au sujet des accords notifiés, telle qu'elle est annoncée dans la communication précitée et présentée ci-après.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Application de l'article 85, paragraphe 1, à la création de TPS

(91) Par l'accord TPS, les parties créent une société qui n'est pas soumise au contrôle conjoint de ses associés. Or, l'accord de création d'une société n'est pas en tant que tel restrictif de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

(92) La Commission, qui a reçu des commentaires de tiers exprimant des préoccupations quant aux risques de comportements collusifs entre les associés de TPS et notamment les radiodiffuseurs, s'est toutefois livrée à l'examen de l'effet de la constitution de TPS sur les différents marchés de produits en cause pour conclure à l'absence de risques de coordination entre les différents associés de TPS.

(93) Sur le marché de la télévision à péage, les radiodiffuseurs associés de TPS ne sont pas présents en dehors de TPS. L'activité principale de ceux-ci se situe sur le marché de la télévision en clair, où ils continuent à se livrer à une concurrence très vive après la création de TPS. Les deux câblo-opérateurs parties à l'accord TPS ne sont pas non plus à considérer comme véritables concurrents sur le marché de la télévision à péage, dans la mesure où ils opèrent sur des zones géographiques différentes et où le chevauchement entre télévision à péage par câble et par satellite est très réduit en France, comme indiqué plus haut.

(94) Sur le marché des services techniques liés à la télévision à péage, France Télécom n'est pour l'instant en concurrence avec aucun autre actionnaire de TPS.

(95) Sur le marché de l'acquisition des droits télévisés, notamment de cinéma et de sport, où les radiodiffuseurs en clair actionnaires de TPS sont très actifs pour ce qui concerne l'achat de droits pour leur programmation en clair, il y a peu de risques de coordination, aussi longtemps que les opérations de télévision en clair - et la forte concurrence qui en découle - représenteront la partie la plus importante de leurs activités (24). Les associés de TPS acquièrent également des droits de pay-TV en tant qu'éditeurs de chaînes thématiques. Il convient toutefois de remarquer qu'aucun d'entre eux n'édite ou ne contrôle directement de chaînes de cinéma et, qu'en ce qui concerne les chaînes sportives, seule TF1 est actionnaire de la chaîne Eurosport, aux côtés de Canal+.

(96) Sur le marché de la commercialisation des chaînes thématiques, il existe, il est vrai, une certaine concurrence entre les actionnaires de TPS et TPS même, dans la mesure où elles ont toutes des participations, à des degrés divers, dans des chaînes thématiques. Toutefois, pour ce qui concerne le satellite, un risque de coordination de leur comportement est d'ores et déjà exclu en raison de la clause octroyant un droit de priorité à TPS sur les chaînes thématiques de ses associés. En ce qui concerne la commercialisation des chaînes thématiques sur le câble, une coordination des actionnaires de TPS est difficilement envisageable, notamment au niveau des prix, étant donné les différences existant entre la valeur commerciale des différentes chaînes: certaines sont, en effet, plus anciennes et plus populaires et ont par conséquent une valeur commerciale plus élevée que des chaînes plus récemment créées, dont la notoriété est encore faible. Les différences de tarif s'échelonnent en moyenne entre 6 FRF par mois/par abonné et 2 FRF selon les chaînes, le prix des chaînes cinéma pouvant s'élever jusqu'à 20 FRF.

B. Application de l'article 85, paragraphe 1, aux dispositions contractuelles

(97) Les clauses suivantes sont examinées ci-après:

1) la clause de non-concurrence (article 11 de la convention des 11 et 18 avril 1996 et article 5.3 du pacte d'associés modifiés par les deux avenants du 17 septembre 1998);

2) la clause octroyant à TPS un droit de priorité sur les programmes et services édités et exploités par ses actionnaires (article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996);

3) la disposition contenue à l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996 concernant la reprise exclusive des chaînes généralistes sur le bouquet TPS.

1. La clause de non-concurrence, telle que délimitée par les deux avenants du 17 septembre 1998, peut être considérée comme une restriction accessoire à la création de TPS pour la période estimée nécessaire au démarrage de l'entreprise.

(98) TPS a été choisie par ses actionnaires comme le moyen de pénétrer le marché de la télévision à péage en France. TPS, au moment de son lancement, a suscité de grands doutes quant à ses chances de succès. Les lourds investissements requis, la difficulté de s'implanter sur un marché dominé par un opérateur expérimenté, disposant déjà d'une base d'abonnés considérable, un accès malaisé à des programmes de qualité, de grandes incertitudes quant à la réponse des consommateurs à une augmentation de l'offre de services de télévision payante rendaient le projet TPS extrêmement risqué. Dans ces conditions, il est logique que les parties fassent porter tous leurs efforts sur ce projet pendant la phase de lancement, afin de permettre l'émergence de ce nouvel opérateur sur le marché de la télévision à péage.

(99)La clause de non-concurrence peut donc être considérée comme accessoire à la création de TPS pendant la période cruciale du lancement de la plate-forme et, par conséquent, comme pro-concurrentielle en ce qu'elle contribue à la création d'un nouvel entrant sur le marché de la télévision à péage en France pendant cette période.En fonction des données fournies par TPS sur le montant des investissements nécessaires au lancement de la plate-forme, les prévisions relatives aux pertes cumulées, à la date du point d'équilibre financier, au nombre d'abonnés nécessaires pour l'atteindre et au taux de désabonnement, ainsi qu'en fonction des résultats enregistrés par l'entreprise au cours des 18 premiers mois, la durée de la phase de lancement peut être estimée à trois ans. Dès lors, la clause ne tombe pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, pendant les trois premières années de son application.

2. La clause concernant les programmes et services (article 6 de la convention) impose aux parties de proposer par priorité à TPS l'ensemble des chaînes thématiques et services télévisuels qu'elles exploitent ou pour lesquels elles disposent effectivement du pouvoir de décision au sein de la société éditrice. Les parties s'engagent également à donner à TPS un droit de dernier refus ou d'acceptation aux meilleures conditions sur tous programmes et services proposés à des tiers, TPS ayant la possibilité de reprendre ces chaînes et services, sur une base exclusive ou non-exclusive.

(100) Cette disposition comporte quatre éléments distincts: un droit de priorité au profit de TPS, qui lie les parents à la société; un droit de dernier refus au profit de TPS qui lie également les parties à la société; l'obligation pour TPS d'accorder aux parties les meilleures conditions du marché, en cas d'acceptation d'une chaîne ou d'un service; enfin, la possibilité pour TPS de reprendre une chaîne ou un service en exclusivité, disposition qui lie les parties.

(101)On peut se demander si l'obligation des associés de proposer leurs chaînes thématiques en priorité à TPS ne constitue pas une clause accessoire à la création de la plate-forme; néanmoins, cette obligation, qui est imposée pour une durée de dix ans, conduit à une limitation de l'offre de chaînes thématiques et de services télévisuels. À ce titre, la clause examinée tombe dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1.

3. La disposition figurant à l'article 6 de la convention sur les programmes et services, qui concerne la diffusion exclusive des chaînes généralistes - TF1, France 2, France 3 et M6 - sur TPS, mérite une analyse particulière.

(102) Cette disposition confère à TPS le droit de diffuser en exclusivité les chaînes généralistes (appelées aussi "chaînes hertziennes") dans le mode crypté et en qualité numérique sur le satellite, les chaînes étant reprises sur le câble également où elles sont offertes dans le "service-antenne".

(103) Ces chaînes attirent traditionnellement en France la majeure partie de l'audience: 90 % de l'ensemble des téléspectateurs, toutes modalités de diffusion confondues et 75 % environ de l'audience sur le câble.

(104) Il existe aussi un attrait pour les chaînes généralistes diffusées en qualité numérique, qui s'expliquerait en grande partie par une particularité française concernant la réception des émissions hertziennes. Tout en étant de loin le mode de diffusion le plus répandu, la voie hertzienne présente parfois une qualité de réception médiocre et même déficiente dans certaines régions de France. D'après une étude de Médiamétrie portant sur la période novembre-décembre 1997 (25), 9 254 000 foyers des 22 330 000 foyers équipés d'un téléviseur se situeraient dans des zones de mauvaise qualité de réception des chaînes généralistes. Ces chiffres n'ont toutefois qu'une valeur indicative car, outre les quatre chaînes généralistes diffusées en exclusivité sur TPS, ces données concernent également "Arte" et "la Cinquième", dont le taux d'initialisation est de 80,6 % des foyers, ainsi que Canal+ hertzien, qu'environ [...] (26) de foyers recevraient dans de mauvaises conditions.

(105) L'attrait des chaînes généralistes sur le bouquet TPS a été estimé au cours d'enquêtes réalisées pour le compte de cette société: [...] des personnes interrogées auraient décidé de s'abonner en raison de la présence des chaînes généralistes.

(106) Bien que ne constituant pas une catégorie de programmes distincte ni un type de contenu essentiel pour la télévision à péage, puisque les deux autres bouquets numériques ont pu être lancés, avec grand succès dans le cas de CanalSatellite, sans offrir ces chaînes généralistes, ces chaînes présentent donc une importance et un attrait indéniables pour les téléspectateurs, dont TPS est la seule à bénéficier.

(107) L'exclusivité portant sur ces quatre chaînes pour la durée de l'accord, soit dix ans, même limitée au mode crypté et à la qualité numérique par satellite, constitue une restriction de la concurrence, car elle prive les concurrents de TPS de l'accès à des programmes attrayants.

(108) Il y a donc lieu de conclure que l'article 85, paragraphe 1, est applicable aux dispositions de l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996.

(109) En ce qui concerne la disposition relative à une éventuelle diffusion exclusive des chaînes "Arte" et "La Cinquième" sur TPS, elle n'a pas été appliquée, TPS ayant négocié avec ces chaînes un accord non-exclusif. D'autre part, les parties ont supprimé cette disposition par un avenant en date du 17 septembre 1998.

C. Effet sur le commerce entre les États membres

(110) Les accords de TPS prévoient que la plate-forme a pour vocation de desservir l'ensemble des foyers francophones européens: la France en premier lieu, mais également la Belgique et le Luxembourg par la suite. Cette offre inclut, en outre, un certain nombre de chaînes en provenance d'autres États membres. Les accords TPS auront donc un effet sensible sur les échanges entre États membres sur le marché de la télévision à péage.

(111) Le marché de l'acquisition des droits télévisés se trouvera également affecté par la création de TPS, dans la mesure où cette société, en tant qu'éditrice de chaînes thématiques, doit s'approvisionner en programmes auprès de détenteurs de droits européens.

D. Application de l'article 85, paragraphe 3

(112) Comme i1 a été démontré ci-dessus, les dispositions concernant les programmes et services contrôlés par les associés de TPS ainsi que la diffusion exclusive des chaînes généralistes sur TPS tombent sous le coup de l'article 85, paragraphe 1.

(113) Il y a donc lieu d'examiner si ces dispositions remplissent les conditions d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3.

AMÉLIORATION DE LA PRODUCTION ET DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS ET PROFIT POUR LES CONSOMMATEURS

1. Élargissement de l'offre - augmentation de la distribution et de la production

(114) En favorisant le lancement réussi d'une nouvelle plate-forme sur le marché de la télévision à péage, les dispositions relatives au droit de priorité de TPS sur les chaînes thématiques et services audiovisuels édités ou contrôlés par les associés et à l'exclusivité des chaînes généralistes permettent l'émergence d'un nouvel opérateur et élargissent l'offre de services de télévision payante pour les téléspectateurs français.

(115) D'autre part, la création d'une nouvelle plate-forme entraîne automatiquement le développement de nouvelles chaînes thématiques et de nouveaux services: TPS a édité quatre chaînes, ses actionnaires en ont créé quatre, des contrats ont été passés avec des chaînes étrangères, notamment arabophones, pour leur diffusion sur la plate-forme. Tant au niveau de la production de nouvelles chaînes, entraînant l'achat de droits et la production de programmes, qu'au niveau de la diffusion, la création de TPS a un effet clairement positif sur l'augmentation de la production et la distribution de produits.

(116) De façon générale, l'instauration de la concurrence sur le marché de la télévision à péage a pour effet de stimuler les opérateurs qui cherchent à développer et perfectionner toujours davantage la gamme de leurs programmes et services.

(117) L'augmentation du nombre de chaînes thématiques conduit également à un accroissement du contenu disponible pour le câble, les chaînes diffusées sur les bouquets satellite étant généralement reprises sur des réseaux câblés. La câblo-distribution s'en trouve donc également améliorée.

2. Bénéfices pour les consommateurs

(118) En permettant l'émergence d'un nouvel opérateur, les deux dispositions susmentionnées conduisent à une augmentation de l'offre et au développement de nouveaux services basés sur l'usage d'une nouvelle technologie, qui ne peuvent être que bénéfiques aux téléspectateurs.

(119) Il est, d'autre part, indéniable que la concurrence très vive qui s'est instaurée dès la création de TPS entre cette plate-forme et CanalSatellite/Canal+ a également bénéficié aux consommateurs. Le premier résultat tangible de cette concurrence s'est traduit par des offres promotionnelles et des conditions financières avantageuses pour les abonnés: l'abonnement à CanalSatellite Numérique qui était de 153 FRF en 1996 pour l'offre basique + chaînes cinéma + offre musique est passé au début de 1997, dans le cadre d'une promotion valable pour la première année d'abonnement, à 130 FRF pour l'offre basique + 4 chaînes cinéma + Disney Channel, ce qui correspondait au prix de lancement pour l'abonnement à "tout TPS" à la même époque; ou encore un abonnement à l'offre basique de CanalSatellite pour 50 FRF par mois au lieu de 98 FRF à tout abonné à Canal+ numérique en automne 1997. L'offre de lancement de TPS (quatre mois d'abonnement gratuits) a également donné lieu à d'autres actions de la part de CanalSatellite (par exemple, antenne parabolique gratuite, également proposée par TPS).

(120) L'entrée de TPS sur le marché et la concurrence qui en a résulté ont donc eu un effet bénéfique sur les prix et conditions pratiqués pour le consommateur final.

3. Caractère indispensable des restrictions

a) La clause concernant les chaînes et services télévisuels de TPS

(121) Afin de s'assurer un minimum de contenu, et notamment des chaînes thématiques pour pouvoir constituer son offre et la commercialiser, TPS a dû avoir recours aux chaînes et services édités ou contrôlés par ses actionnaires. C'est ainsi que des chaînes telles que LCI, Série Club, Teva, Festival, entre autres, ont été proposées par les différents actionnaires de TPS pour leur reprise dans le bouquet.

(122) Sans l'accès préférentiel à ces chaînes, TPS se serait vue contrainte d'éditer elle-même un grand nombre de chaînes, ce qui aurait accru de façon inconsidérée les coûts déjà très élevés du lancement de la plate-forme; ou bien TPS aurait dû se tourner vers d'autres chaînes. Or, les chaînes thématiques, parmi les mieux implantées en France, sont diffusées en exclusivité sur CanalSatellite et donc indisponibles, du moins pendant une certaine durée. D'autre part, s'il était théoriquement possible de reprendre les chaînes éditées par AB-Sat, propriété à 100 % de cette dernière, cela n'aurait eu aucun sens pour deux plates-formes se lançant en même temps sur le marché, qui devaient se façonner une image de marque, et donc différencier leur offre. Il est donc particulièrement important pour TPS, en tant que nouvel entrant sur le marché et confronté à la concurrence d'un premier opérateur déjà bien implanté et jouissant d'un contenu attirant et abondant, d'avoir un accès prioritaire aux chaînes thématiques de ses associés pendant la période de lancement, afin de se forger une identité et assurer une continuité de l'offre pendant cette période.Pour estimer la durée pendant laquelle TPS doit pouvoir bénéficier de ce droit de priorité, la Commission a pris en considération des prévisions et données fournies par les parties, telles que le montant des investissements nécessaires au lancement de TPS, les prévisions relatives aux pertes cumulées, à la date du point d'équilibre financier, au nombre d'abonnés nécessaires pour l'atteindre et au taux de désabonnement, ainsi que les résultats obtenus par TPS au cours des 18 premiers mois d'activité. Ces éléments, appréciés dans le contexte actuel du marché et en fonction du rapport de force existant entre TPS, d'une part, et Canal+ et CanalSatellite, de l'autre, ont conduit la Commission à considérer que la durée minimale pendant laquelle le droit de priorité sous examen est jugé indispensable à TPS est de trois ans.

b) Disposition relative à la diffusion exclusive des quatre chaînes généralistes

(123) En tant que nouvel entrant confronté à un opérateur, qui comptait à l'époque du lancement de TPS 4,2 millions d'abonnés à Canal+, 350 000 abonnés à CanalSatellite Analogique et avait lancé CanalSatellite Numérique dès février 1996, TPS souffre d'un handicap considérable pour s'installer sur le marché.

(124) Au niveau de l'acquisition des droits relatifs au cinéma et au sport en pay-per-view, TPS est également confrontée à la position de force de Canal+.

(125) En effet, vis-à-vis des studios américains, TPS se trouve dans une situation beaucoup plus faible que Canal+, interlocuteur unique des producteurs américains pendant douze ans en France. TPS a réussi à conclure un accord global avec deux studios et à négocier l'acquisition de droits télévisés pour ses chaînes cinéma, essentiellement en "2e fenêtre", après le passage des films sur Canal+. La situation est encore très déséquilibrée en terme de valeur des films (basés sur le nombre d'entrées en France), Canal+ détenant des droits représentant 85 % de la production de Hollywood contre 15 % pour TPS.

(126) Il est également nécessaire de rappeler que le coût pour les nouveaux entrants est très élevé puisque le prix des droits de "pay-TV" est fonction du nombre d'abonnés et que les 4,3 millions d'abonnés actuels de Canal+ sont pris en compte par les distributeurs de droits pour fixer le prix de référence en France.

(127) De son côté, AB-Sat dispose, en tant que producteur et distributeur de droits, d'un catalogue de plus de 30 000 heures de programmes et a conclu des accords de partenariat avec certains studios américains. Il convient de signaler à ce sujet qu'AB-Sat a fait le choix de ne pas lancer une plate-forme "premium",en concurrence frontale avec CanalSatellite basée sur des films en première exclusivité et du sport de qualité, mais plutôt une offre complémentaire.

(128) En ce qui concerne le sport, et notamment le football, sport particulièrement populaire en France, d'après une étude d'Eurostat, TPS disposerait des droits relatifs à 132 matches de football par an, alors que CanalSatellite disposerait des droits relatifs aux 242 matches du championnat de France de football (27).

(129) Afin de pouvoir constituer une offre attrayante, différente de celle de ses concurrents, et contourner la difficulté d'accès aux droits relatifs au cinéma et au sport, TPS s'est appuyée sur la présence exclusive des chaînes généralistes pour créer une offre "globale".

(130) La diffusion exclusive des chaînes généralistes constitue l'élément différenciateur du bouquet par rapport aux autres. Étant donné les problèmes de qualité de réception des émissions hertziennes dans certaines zones en France, elle représente également un produit d'appel important dans ces zones.

(131) Sans ce produit d'appel, il ne serait pas concevable que TPS puisse pénétrer avec succès le marché de la télévision à péage en France et constituer une véritable alternative à l'ensemble Canal+/CanalSatellite, notamment parce que l'offre cinéma de TPS présente moins de premières exclusivités que celle de Canal+ et que CanalSatellite diffuse en exclusivité la plupart des chaînes les plus anciennes et les plus connues en France, par conséquent celles qui sont capables de recruter le plus d'abonnés. À ce sujet, il convient de mentionner que CanalSatellite diffusait et continue à diffuser également des chaînes dont certains associés sont également associés de TPS [LCI, Eurosport et Paris Première, cette dernière n'étant pas diffusée sur TPS (28)].

(132) II convient donc d'en conclure que la diffusion exclusive des chaînes généralistes, en tant que produit d'appel et élément différenciateur de l'offre de TPS, est indispensable à l'implantation de cette dernière sur le marché français de la télévision à péage.

(133) Toutefois, le caractère indispensable de cette exclusivité va logiquement s'amenuiser au cours du temps, dans la mesure où TPS va recruter des abonnés, acquérir de l'expérience dans le domaine de la télévision à péage qui lui permettra d'améliorer son offre, de façon à satisfaire les attentes de ses téléspectateurs et les fidéliser, et accroître sa notoriété. Les bons résultats obtenus par TPS au cours des 18 premiers mois d'activité, se situant au-dessus des prévisions initiales (457 000 abonnés en juillet 1998 contre une prévision initiale de [...] confirment, d'une part, l'efficacité de la présence exclusive des quatre chaînes généralistes comme élément différenciateur et produit d'appel et, d'autre part, la capacité de TPS de s'implanter sur le marché plus tôt que prévu, il est vrai face à ses concurrents Canal+ et CanalSatellite, ce dernier atteignant lui aussi des résultats qui se situent nettement au-dessus des prévisions initiales.

(134) La durée de l'exclusivité pour les chaînes généralistes prévue pour dix ans dans la convention a été jugée excessive par la Commission, l'implantation de TPS devant se réaliser avant la fin de cette période. D'autre part, il est très important, pour que cette nouvelle plate-forme s'implante rapidement sur le marché et exerce effectivement ses fonctions de concurrent, qu'elle puisse se constituer une base d'abonnés le plus vite possible, notamment grâce à l'élément différenciateur que constituent les quatre chaînes généralistes. Bien qu'il soit difficile de prévoir quel va être le développement exact du marché et de ses opérateurs - ce que démontrent les résultats de CanalSatellite et TPS qui se situent actuellement au-dessus des prévisions -, la Commission s'est appuyée sur une série de données financières et commerciales afin d'estimer la période pendant laquelle il était raisonnable pour TPS de bénéficier de l'exclusivité des chaînes généralistes. Pour ce faire, elle a pris en compte, entre autres éléments, les investissements nécessaires au lancement de TPS, les prévisions relatives aux pertes cumulées, à la date du point d'équilibre financier et au nombre d'abonnés nécessaire pour l'atteindre ainsi qu'au taux de désabonnement de cette plate-forme. Ces éléments ont été appréciés dans le contexte actuel du marché et en fonction du rapport de force existant entre Canal+ et CanalSatellite, d'une part, et TPS de l'autre. La Commission est arrivée à la conclusion que trois ans constituent la durée minimale pendant laquelle l'exclusivité des quatre chaînes généralistes est jugée indispensable pour TPS.

4. Absence d'élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause

(135) L'accord TPS, loin d'éliminer la concurrence, la favorise. En effet, le développement du marché de la télévision à péage s'est trouvé fortement stimulé, notamment par l'instauration d'une concurrence très vive entre CanalSatellite et TPS, concurrence qui ne se serait pas créée entre CanalSatellite et AB-Sat: en effet, comme indiqué plus haut, en raison de sa politique de programmation, AB-Sat ne constitue pas un concurrent frontal de Canal+ et CanalSatellite.

(136) Les résultats enregistrés sur le marché de la télévision à péage prouvent que la concurrence est loin d'être éliminée: Canal+ a réussi à recruter 100 000 abonnés supplémentaires au cours de l'année 1997, alors que l'on pouvait penser que la chaîne premium avait atteint son plafond. De son côté, CanalSatellite se trouve bien au-delà de ses prévisions: 900 000 abonnés fin juin 1998, alors que ce résultat n'était prévu que pour [...]. Fin mai 1998, le total des abonnés à la chaîne Canal+, à CanalSatellite Analogique et Numérique ainsi qu'au réseau câblé NumériCâble, représentaient environ 70 % de la totalité des abonnés aux services de télévision à péage en France.

(137) Le nombre des abonnés au câble continue également à s'accroître: 358 456 abonnés pour Numéricâble en juillet 1998 (contre 235 680 en mai 1997); 504 162 abonnés pour France Télécom Câble (contre 258 310 en mai 1997) ; 416 665 abonnés pour Lyonnaise Câble (contre 300 156 abonnés en mai 1997)(29). Il est clair que le développement du secteur satellite a eu une répercussion particulièrement favorable sur celui du câble. L'effet des campagnes publicitaires massives en faveur du satellite augmente en particulier la notoriété des chaînes thématiques qui sont également disponibles sur le câble.

(138) Il n'existe donc aucun motif pour estimer que la création de TPS pourrait éliminer la concurrence sur le marché de la télévision à péage, ni sur les autres marchés de l'achat des droits ou de la commercialisation des chaînes thématiques où la situation concurrentielle s'est trouvée au contraire renforcée par l'apparition d'un nouvel entrant.

E. Durée de l'exemption

(139) Conformément à l'article 8 du règlement n° 17, une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité est arrêtée pour une durée déterminée. Conformément à l'article 6 dudit règlement, la date à partir de laquelle la décision prend effet ne saurait être antérieure au jour de la notification.

(140) Conformément à ces articles, pour ce qui concerne la clause relative aux chaînes thématiques et services télévisuels contenue à l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996 ainsi que la disposition relative à la diffusion exclusive des chaînes généralistes sur TPS, également contenue à l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996, la présente décision devrait sortir ses effets à partir de la date de notification pour la période de lancement d'une durée de trois ans, sur la base des estimations faites par la Commission en fonction des éléments mentionnés aux considérants 121 à 134. TPS ayant commencé à commercialiser son offre à la mi-décembre 1996, l'exemption est octroyée jusqu'au 15 décembre 1999,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Sur la base des informations dont elle dispose, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'égard de la création de TPS par TF1, France Télévision Entreprises, M6 et Suez Lyonnaise des Eaux.

Article 2

Il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité pendant la période de lancement, soit jusqu'au 15 décembre 1999, à l'égard de la clause de non-concurrence contenue à l'avenant modifiant l'article 11 de la convention des 11 et 18 avril 1996 et l'article 5.3 du pacte d'associés.

Article 3

Conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité, les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité sont déclarées inapplicables pour la période allant de la date de notification au 15 décembre 1999, à la clause concernant les chaînes thématiques et services télévisuels de TPS contenue à l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996 ainsi qu'à la disposition relative à la diffusion exclusive des quatre chaînes généralistes sur TPS, également contenue à l'article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996.

Article 4

La présente décision est destinée à :

1) Télévision Française 1

33, rue Vaugelas F - 75015 PARIS

2) France 2

Maison France Télévision

7, esplanade Henri de France F - 75907 PARIS CÉDEX 15

3) France 3

Maison France Télévision

7, esplanade Henri de France F - 75907 PARIS CÉDEX 15

4) France Télécom 6, place d'Alleray F - 75015 PARIS

5) Métropole Télévision 16, cours Albert 1er F - 75008 PARIS

6) Suez Lyonnaise des Eaux 72, avenue de la Liberté F - 92000 NANTERRE

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO C 65 du 28.2.1998, p. 5.

(3) JO L. 395 du 30.12.1989, p. 1. Rectificatif publié au JO L. 257 du 21.9.1990, p. 13.

(4) JO L. 180 du 9.7.1997, p. 1.

(5) Rapport du nombre d'abonnés sur le nombre de prises raccordables.

(6) JO L. 364 du 31.12.1994, p. 1, considérants 32 et 33; affaire n° IV-M.779 - Bertelsmann/CLT du 7 octobre 1996; affaire n° IV-M.993 - Bertelsmann/Kirch/Premiere du 27 mai 1998.

(7) JO C 364 du 4.12.1996, p. 3.

(8) JO L. 53 du 27.2.1999, p. 1.

(9) Voir la note 8.

(10) Une comparaison des tarifs pratiqués en 1996 montre que le prix de l'abonnement à Canal+ analogique par voie hertzienne [175 francs français (FRF)] était proche du tarif demandé pour un abonnement à CanalSatellite Numérique (98 FRF pour l'abonnement de base + 55 FRF pour l'offre cinéma + 30 FRF pour l'offre musique).

(11) Il est à noter toutefois que le réseau NumériCâble, contrôlé par Canal+, ne reprend pas les chaînes de cinéma TPS.

(12) On entend par pay TV, ou télévision à péage, la transmission cryptée de programmes audiovisuels, quel que soit le mode de transmission, contre le paiement d'un abonnement donnant accès à un ensemble de programmes ou à une chaîne. Le pay-per-view donne accès à des programmes cryptés individuels, contre paiement à la séance, à une heure programmée par l'opérateur. La near-video-on-demand consiste en un service de pay-per-view accessible sur plusieurs canaux (multiplex). Enfin, la video-on-demand permet au consommateur d'avoir accès à un programme, contre paiement à la séance, à une heure qu'il fixe lui-même.

(13) Voir les notes 6 et 8.

(14) JO L. 284 du 3.10.1989, p. 36.

(15) Satellifax du 24 juillet 1998.

(16) Publication Avica - janvier 1998. Les chiffres n'incluent que les abonnés ayant un contrat individuel avec le câblo-opérateur et excluent les abonnés au "service antenne". Ce service reprend les chaînes en clair et ne constitue pas un service de télévision à péage au sens propre du terme, dans la mesure où il n'existe pas de relation directe entre l'abonné et le câblo-opérateur, les frais de ce service étant facturés avec les charges de l'immeuble.

(17) Traditionnellement, une société éditrice de chaînes thématiques acquiert les droits de diffusion, conçoit les programmes et gère et commercialise les chaînes éditées.

(18) Avis 98-A-14 du Conseil de la concurrence, en date du 31 août 1998 relatif à la fusion-absorption de la société Havas par la Compagnie Générale des Eaux - Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 7.10.1998.

(19) Présentation du Groupe AB - septembre 1997.

(20) La réglementation française impose aux chaînes hertziennes l'obligation d'investir 15 % de leur chiffre d'affaires dans des commandes d'œuvres audiovisuelles d'expression originale française et de consacrer 3 % de leur chiffre d'affaires au développement de la production d'œuvres cinématographiques francophones et européennes.

(21) Canal+ est soumise à l'obligation d'investir 9 % de son chiffre d'affaires dans l'acquisition d'œuvres cinématographiques d'expression originale française.

(22) CNC Info n° 268 - avril 1998.

(23) Rapport du CSA - "La télévision à péage par satellite" - août 1997.

(24) Des tiers avaient fait parvenir à la Commission leurs préoccupations concernant une éventuelle collusion entre les radiodiffuseurs actionnaires de TPS en matière d'acquisition de droits de diffusion, en citant le cas de "TCM" comme exemple. La société TCM avait été créée par certains des radiodiffuseurs actionnaires de TPS (TF1, M6 et CLT qui s'est retirée par la suite) lors de la conclusion d'un accord global avec le studio Paramount. Cet accord, qui était d'importance vitale pour la création des chaînes de cinéma et donc pour le lancement de TPS, imposait en effet non seulement l'achat de droits de pay-TV et pay-per-view, mais également celui de droits en clair, qui ont été acquis par TCM et dont les actionnaires ont assumé la charge financière. L'accord portant création de TCM, qui a fait l'objet d'une procédure distincte de celle de TPS, a donné lieu à l'envoi d'une lettre administrative de la Commission, celle-ci estimant qu'il n'est pas restrictif de concurrence pour autant que les activités de TCM se limitent à la conclusion d'accords indispensables au fonctionnement de TPS, d'autant plus que les parties s'obligent à remettre tous les droits en clair sur le marché et à les revendre aux conditions du marché et sans discrimination.

(25) Médiamétrie - Suivi bimestriel de l'initialisation - novembre-décembre 1997.

(26) Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles; ces parties ont été mises entre crochets.

(27) Avis 98-A-14 du Conseil de la concurrence, en date du 31 août 1998, relatif à la fusion-absorption de la société Havas par la Compagnie Générale des Eaux.

(28) Paris Première, dont l'actionnaire principal est Suez Lyonnaise des Eaux, est diffusée en exclusivité sur CanalSatellite.

(29) Revue Écran Total, n°s 176 et 232.