CCE, 10 février 1999, n° 1999-198
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Ilmailulaitos-Luftfartsverket
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 3, vu la décision de la Commission du 5 mai 1997 d'engager une procédure dans cette affaire, après avoir donné à l'entreprise intéressée l'occasion de faire connaître son point de vue concernant les griefs formulés par la Commission, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
I - LES FAITS
a) Objet de la décision
(1) C'est dans le cadre d'une procédure d'office, faisant suite à la décision 95-364-CE de la Commission du 28 juin 1995, au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité CE, relative au système de rabais sur les redevances d'atterrissage mis en place à l'aéroport de Bruxelles-National (2), que la Commission enquête actuellement sur les systèmes de rabais sur les redevances d'atterrissage dans les aéroports de la Communauté.
b) Entreprise en cause
(2) Ilmailulaitos/Luftfartsverket (Administration de l'aviation civile, ci-après dénommée : "AAC") est, depuis 1991, une entreprise publique autofinancée opérant sous la tutelle du Ministre des Transports et des Communications. Auparavant, il s'agissait de l'Administration de l'aviation, service central du Ministère des Transports.
(3) La loi du 14 décembre 1990 (1123-90) portant statut et création de AAC, précise les modalités de fonctionnement et les objectifs de AAC. L'article 2 énumère les différentes missions confiées à AAC :
"L'Administration de l'aviation fournit des services pour assurer la sécurité et le bon fonctionnement de l'aéroport et des vols pour les besoins tant de l'aviation civile que de l'aviation militaire (...).
L'Administration de l'aviation est chargée de veiller à la sécurité aérienne générale et (...) de délivrer les autorisations et les licences nécessaires (...)".
(4) AAC perçoit ainsi des redevances en contrepartie des services liés à l'atterrissage et au décollage des appareils utilisant les infrastructures aéroportuaires gérées par elle.
c) Système en cause - Les redevances d'atterrissage
(5) L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) dans son Manuel sur l'économie des aéroports (3) recommande à ses membres de calculer les redevances en fonction de la masse maximale au décollage (Maximum take-off-weight [MTOW]). Elle définit ainsi la redevance d'atterrissage : "Droit et redevances perçus pour l'usage des pistes, voies de circulation et aires de trafic, y compris le balisage lumineux correspondant, ainsi que pour les services de contrôle d'approche et d'aérodrome".
(6) La redevance correspond à l'imputation des "coûts d'exploitation et de maintenance ainsi que les frais d'administration imputables à ces aires, ainsi qu'aux véhicules et au matériel associés, y compris les dépenses afférentes à la main-d'œuvre, au véhicule d'entretien, à l'électricité et aux carburants".
(7) Selon l'article 6 de la loi 1123-90, les redevances d'atterrissage dans les aéroports gérés par AAC peuvent, si nécessaire, être fixées par décret. Un tel décret n'ayant pas été pris, c'est donc AAC elle-même qui détermine le niveau des redevances d'atterrissage et les éventuels rabais pratiqués.
(8) Pour l'année 1998, les redevances d'atterrissage fixées par AAC ont été calculées comme suit :
- pour les vols intérieurs 17 ou 20 marks finlandais (4) (selon le poids de l'avion) par tonne de MTOW,
- pour les vols internationaux 50,50 marks finlandais par tonne de MTOW.
(9) Un coefficient de 1,3 est appliqué, pour des raisons environnementales, aux atterrissages ayant lieu entre 22 heures et 6 heures sur tous les aéroports finlandais à l'exception de l'aéroport de Helsinki-Vantaa.
(10) Un rabais lié à la fréquence a été mis en place et ce uniquement pour les vols internationaux selon le schéma suivant :
(11) Le 20 mai 1997, une communication des griefs a été envoyée à AAC. Deux mesures ont été retenues comme étant susceptibles de constituer une infraction à l'article 86 du traité : d'une part, le système de rabais de volume progressif (décrit au point 10) et, d'autre part, la modulation des redevances selon l'origine du vol (décrite au point 8).
d) Principaux arguments de AAC
(12) Tout en déclarant que les raisons de l'instauration, en 1977, du système de rabais lié à la fréquence ne sont pas connues, AAC fait d'abord valoir que les "grands usagers" présentent l'avantage d'offrir une garantie de paiement.
(13) Il apparaît ainsi selon AAC que :
"L'intérêt que présentent les grands usagers pour le détenteur de l'aéroport est aussi la garantie de paiement des clients. Les grands usagers n'ont jamais eu de difficultés de paiement et il n'a pas été nécessaire de prévoir des pertes de crédit"
(14) AAC fait toutefois valoir que les rabais en cause ont été considérablement réduits ces dernières années (de 20 % en 1989 à 4 % en 1998).
(15) Par ailleurs, dans sa réponse du 19 novembre 1997 à une demande de renseignements de la Commission du 28 octobre 1997, AAC a affirmé que ce système de rabais va être supprimé au 1er janvier 1999.
(16) Enfin, selon AAC, cette évolution a été approuvée par l'Association du transport aérien international (IATA) qui lors d'une réunion avec AAC, intervenue en avril 1996, "(...) a soutenu un changement progressif du système" et a demandé à AAC de ne pas modifier brutalement son système, pour ne pas entraîner de difficultés financières graves pour certaines compagnies.
(17) En ce qui concerne la modulation des redevances selon l'origine du vol, AAC fait remarquer que les exigences techniques et fonctionnelles imposées aux aéroports (longueur et résistance des pistes, heures d'ouverture et disponibilité des aéroports) sont différentes pour les vols intérieurs et les vols internationaux Ces exigences différentes expliqueraient la modulation en cause.
II - APPRÉCIATION JURIDIQUE
a) Dispositions juridiques et règlements de procédure applicables
(18) Il y a lieu de rappeler que l'inapplicabilité du règlement n° 17 au secteur des transports a été posée par le règlement n° 141 du Conseil (5), modifié en dernier lieu par le règlement 1002-67-CEE (6), afin de prendre en compte les aspects spéciaux du secteur des transports. Dès lors, le règlement n° 141 et, par conséquent, les règlements de procédure spécifiques au secteur des transports, ne couvrent que les pratiques anticoncurrentielles qui relèvent du marché des transports.
(19) Le règlement (CEE) n° 3975-87 du Conseil (7), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 2410-92 (8), détermine les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux services de transports aériens.
(20) Cependant, les services liés à l'accès aux infrastructures aéroportuaires ne font pas directement partie du service de transport aérien fourni aux voyageurs. Ces activités échappent donc au champ d'application des règlements de procédure spécifiques au secteur des transports et relèvent du règlement n° 17 pour l'application des articles 85 et 86 du traité.
b) Notion d'entreprise
(21) Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes (9) que la notion d'entreprise dans le droit communautaire de la concurrence comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement.
(22) Les articles 85 et 86 du traité s'appliquent aux comportements d'une entité publique lorsqu'il est établi que, à travers cette entité, l'État exerce des activités économiques de caractère industriel ou commercial consistant à offrir des biens ou des services sur le marché. Peu importe à cet égard que l'État agisse directement par le moyen d'un organe faisant partie de l'administration publique ou par le moyen d'une entité qu'il a investie de droits spéciaux ou exclusifs.Il est donc nécessaire d'examiner la nature des activités exercées par l'entreprise publique ou l'entité investie par l'État de droits spéciaux ou exclusifs (10).
(23) À cet égard, il n'y a pas de doute que AAC, dont l'activité principale (11) est la fourniture aux compagnies aériennes de services liés à l'accès aux infrastructures aéroportuaires civiles en contrepartie de redevances, est effectivement, selon la définition de la Cour, une entreprise au sens de l'article 86 du traité.
c) Marché en cause
(24) Ainsi que la Cour de justice l'a indiqué dans l'affaire "Port de Gènes" (12), l'organisation, pour le compte de tiers, d'opérations portuaires dans un seul port peut constituer un marché pertinent au sens de l'article 86.De même, la Cour dans l'affaire "Corsica Ferries II" (13) a pris en compte comme marché pertinent le marché du service du pilotage dans le port de Gênes.
(25) Transposant ce raisonnement aux aéroports, le marché pertinent en l'espèce est donc celui des services liés à l'accès aux infrastructures aéroportuaires pour lesquels la redevance est due. Il s'agit de la même définition du marché que celle qui avait été retenue dans la décision 95-364-CE de la Commission (14).
(26) Plus spécifiquement, il s'agit des services liés à l'exploitation et à la maintenance des pistes, à l'usage des voies de circulation et aires de trafic, et au guidage d'approche des avions civils.
(27) Par ailleurs, les marchés pour le transport des passagers et des marchandises sur les liaisons aériennes court et moyen-courriers intra-EEE constituent un marché voisin mais distinct qui est affecté par les effets d'un comportement abusif de l'entreprise sur le marché des services liés à l'atterrissage et au décollage. C'est donc aussi sur ce marché que les effets de l'exploitation abusive de la position dominante détenue par AAC peuvent se faire sentir.
(28) Des vingt-cinq aéroports gérés par AAC, seuls cinq aéroports ont un trafic international (Helsinki-Vantaa, Vaasa, Turku, Pori, Tampere) important. Mis à part Helsinki, ce trafic international se résume à quelques fréquences à destination de Stockholm, Hambourg, Copenhague, Petrozavodsk (Russie), Murmansk (Russie), Lulea (Suède) et à de nombreux vols charters.
(29) Les aéroports ayant un trafic international sont peu substituables, de sorte que chacun peut être considéré comme un marché géographique distinct.
(30) En effet, les compagnies aériennes exploitant des services aériens réguliers ou des services charters intérieurs et intra-EEE, à destination ou au départ de la Finlande sont dans l'obligation d'utiliser les aéroports gérés par AAC (des vingt-neuf aéroports que compte la Finlande, seulement quatre sont privés et ne sont pas gérés par AAC). Les autres aéroports sont distants de plusieurs centaines de kilomètres et situés dans d'autres États membres.
(31) Dès lors, aux yeux de nombreux passagers au départ ou à destination de la Finlande, les services aériens intérieurs ou intra-EEE utilisant les aéroports gérés par AAC ne sont pas interchangeables avec les services offerts dans d'autres aéroports de l'Espace économique européen.
(32) Les transporteurs aériens exploitant des services intérieurs ou intra-EEE au départ ou à destination de la Finlande n'ont donc pas d'autre choix que d'utiliser les aéroports gérés par AAC et les services d'accès aux infrastructures aéroportuaires qui sont offerts dans ces aéroports.
d) Position dominante
(33) Selon la jurisprudence de la Cour (15), une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal dans une partie substantielle du Marché commun peut être considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 86 du traité.
(34) Tel est le cas pour AAC, entreprise publique qui détient du fait du droit exclusif octroyé par la loi 1123-90, en sa qualité d'autorité aéroportuaire, une position dominante sur le marché des services liés à l'atterrissage et au décollage des avions pour lesquels est perçue la redevance en question, dans chacun des cinq aéroports finlandais ayant un trafic international.
e) Partie substantielle du Marché commun
(35) Les cinq aéroports finlandais exploitant des liaisons intra-EEE ont été utilisés par environ neuf millions de passagers au total en 1996 et ont traité plus de 91 000 tonnes de fret.
(36) On peut considérer dès lors que l'ensemble de ces aéroports exploitant des liaisons intra-EEE représente une partie substantielle du Marché commun si l'on transpose au cas d'espèce le raisonnement adopté par la Cour dans les arrêts rendus dans les affaires Crespelle (16) et Almelo (17). Dans l'arrêt rendu dans l'affaire "Crespelle", la Cour a en effet déclaré que, en "établissant ainsi, en faveur de ces entreprises, une juxtaposition de monopoles territorialement limités, mais couvrant, dans leur ensemble, tout le territoire d'un État membre, ces dispositions nationales créent une position dominante au sens de l'article 86 du traité sur une partie substantielle du Marché commun" (18).
(37) A fortiori, une juxtaposition de monopoles contrôlés par la même entreprise (ACC) est-elle susceptible de représenter une partie substantielle du Marché commun.
f) Abus de position dominante
Le système de rabais lié à la fréquence
(38) Compte tenu de l'annonce par AAC de la suppression du système au 1er janvier 1999 et de la pratique déjà établie par la Commission dans sa décision 95-364-CE, ce système qui constituait un grief au titre de l'article 86 du traité à l'encontre de AAC n'est plus examiné dans la suite du texte.
La différence du montant des redevances selon la nature des vols (intérieur ou intra-EEE)
(39) L'article 86 vise les comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Les dispositions de l'article 86 prévoient qu'une entreprise occupant une position dominante dans une partie substantielle du Marché commun ne peut appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.
(40) À cet égard l'arrêt rendu dans l'affaire "Corsica Ferries II" (19) est très clair. La Cour, dans cette affaire, a en effet dit pour droit :
"1) L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4055-86, du Conseil du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, s'oppose à l'application dans un État membre, pour des services de pilotage identiques, de tarifs différents, selon l'entreprise qui effectue des transports maritimes entre deux États membres, exploite un navire qui est admis ou non au cabotage maritime, lequel est réservé aux navires battant pavillon de cet État.
2) L'article 90, paragraphe 1, et l'article 86 du traité interdisent à une autorité nationale, en approuvant les tarifs arrêtés par une entreprise investie du droit exclusif d'offrir des services de pilotage obligatoire dans une partie substantielle du Marché commun, d'amener celle-ci à appliquer des tarifs différents aux entreprises de transport maritime, selon que ces dernières effectuent des transports entre États membres ou entre des ports situés sur le territoire national, dans la mesure où le commerce entre États membres est affecté"
(41) Dans ses conclusions dans la même affaire, l'avocat général Van Gerven faisait valoir que (20) :
"Ce qui importe, c'est qu'il n'existe aucun lien entre ces différences tarifaires et la nature du service de pilotage qui est proposé et qui est absolument identique dans les deux cas ( ). Nous estimons, pour notre part, que nous sommes ici clairement en présence d'un cas d'application de la forme d'abus de position dominante qui est prévue par l'article 86, deuxième alinéa, point c), du traité et qui consiste à "appliquer à l'égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence" (*).
(42) Transposant cette argumentation au domaine des aéroports, on s'aperçoit que ce système différencié de redevances d'atterrissage (redevances plus élevées pour les vols intra-EEE), mis en place par AAC, a pour effet d'appliquer à l'égard de compagnies aériennes des conditions inégales à des prestations équivalentes, liées à l'atterrissage et au décollage en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, et constitue par conséquent un abus de position dominante au sens de l'article 86, deuxième alinéa, point c), du traité.
(43) Il est clair qu'un tel système a pour effet direct de créer un désavantage pour les compagnies qui assurent des vols intracommunautaires en modifiant artificiellement les éléments du coût de revient des entreprises, selon qu'elles opèrent des liaisons intérieures ou intra-EEE.
(44) Au sujet de cette infraction au traité, AAC a fait valoir que la mise en place d'un tel système se justifiait au motif que "les exigences techniques et fonctionnelles imposées aux aéroports, et par conséquent les coûts, sont différents pour les vols intérieurs et pour les vols internationaux notamment pour les raisons suivantes :
i) les exigences concernant la longueur des pistes sont différentes
ii) les exigences concernant la résistance des pistes sont différentes
iii) les exigences concernant les heures d'ouverture des aéroports sont différentes
iv) les exigences concernant la disponibilité des aéroports sont différentes"
(45) En particulier, AAC avance les arguments suivants :
i) Les exigences concernant la longueur des pistes
- La longueur des routes aériennes à l'intérieur de la Finlande est en moyenne d'environ 300 à 400 kilomètres, tandis que la longueur des routes aériennes entre la Finlande et les autres États membres est en moyenne de 1 500 à 2 000 kilomètres et au maximum de 3 000 kilomètres (Helsinki-Madrid),
- pour le trafic aérien intérieur, la flotte utilisée est plus petite que pour le trafic intra-EEE,
- le poids réel des avions pour le trafic intérieur est plus faible car le trajet est plus court que dans le trafic international,
- la taille de l'avion et la longueur du trajet déterminent la longueur nécessaire des pistes,
- pour le trafic aérien intérieur, il suffit que la longueur des pistes soit de 2 000 mètres, alors que pour le trafic aérien intra-EEE il est nécessaire que la longueur des pistes soit au moins de 2 400 mètres. Pour le trafic entre la Finlande et le reste de l'Europe, les pistes doivent être donc d'environ 25 % plus longues que pour le trafic intérieur,
- pour recevoir une flotte importante, les aéroports doivent faire partie d'une catégorie supérieure en matière de sécurité et d'organisation des secours. Ceci requiert des ressources humaines importantes et est coûteux.
En conclusion : les coûts d'entretien et de capital seraient plus élevés pour le trafic intra-EEE que pour le trafic intérieur.
(46) Ces arguments avancés par AAC sont discutables, pour les raisons suivantes :
- de nombreuses routes intérieures ont des longueurs du même ordre que les vols intra-EEE. C'est le cas, notamment des routes Helsinki-Vantaa/Ivalo, ou Maarianhamina/Kittilä, ou Turku/Rovaniemi,
- parmi les liaisons intra-EEE, certaines sont relativement courtes : Helsinki/Stockholm (environ 405 kilomètres), Helsinki/Goteborg (environ 810 kilomètres), ou Helsinki/Oslo (environ 810 kilomètres) ou Helsinki/Copenhague (environ 910 kilomètres),
- la longueur de la route à parcourir n'est pas le seul critère pris en compte par une compagnie pour le choix de la flotte,
- AAC a indiqué qu'une longueur de 2 000 mètres était suffisante pour les vols intérieurs. Les vols intra-EEE ou internationaux requerraient un ajout de 400 mètres. Or cet effort a déjà été fait par la majeure partie des aéroports finlandais puisque sur l'ensemble des vingt-cinq aéroports gérés par AAC, seulement six ont des pistes d'une longueur inférieure à 2 400 mètres (21).
(47) Par ailleurs, selon les données dont la Commission dispose, il apparaît que parmi les aéroports dont la piste d'atterrissage est inférieure à 2 400 mètres, certains ont quand même un trafic intra-EEE. Il s'agit, en particulier, des aéroports suivants : Lappeenranta (2 000 mètres), Maarianhamina (1 900 mètres), Pori (2 000 mètres) et Vaasa (2 000 mètres) (22). Cet argument n'est donc pas pertinent.
(48) En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle les appareils utilisés pour le trafic aérien sont plus petits par rapport à ceux utilisés pour le trafic intra-EEE, la Commission relève que tel n'est pas toujours le cas. Par exemple la compagnie Finnair utilise les mêmes avions (MD-80) pour des routes intérieures (Helsinki-Oulu, par exemple) que pour les routes intracommunautaires Helsinki-Alicante ou Helsinki-Barcelone.
(49) AAC fait valoir en outre que "depuis 1994 elle a suivi le calcul des coûts des produits notamment les coûts des services liés à l'aire de manœuvre" et que "selon les coûts des produits de 1995, les coûts par tonne (MTOW) des prestations liées à l'aire de manœuvre du trafic international ont été environ 50 % plus élevés que les coûts correspondants pour le trafic intérieur". Par conséquent, selon AAC, "les redevances d'atterrissage basées uniquement sur le MTOW ne satisfont pas aux exigences de la fixation des prix basée sur les coûts et donc les redevances d'atterrissage pour le trafic international doivent être plus élevées".
(50) Toutefois AAC elle-même a reconnu que le prétendu écart entre les coûts engendrés par un atterrissage intra-EEE et les coûts engendrés par un atterrissage intérieur est inférieur à l'écart entre la redevance d'atterrissage pour les vols intra-EEE et celle pour les vols intérieurs.
ii) Les exigences concernant la résistance des pistes
(51) Selon AAC, étant donné que des avions plus lourds sont utilisés pour le trafic international, indique que "la superstructure des pistes doit être d'environ 10 % plus solide pour le trafic international".
(52) À cet argument il peut être répondu que le facteur résistance de la piste est déjà pris en compte, étant donné que la redevance est calculée selon le poids de l'appareil.
iii) Les exigences liées aux heures d'ouverture des aéroports et à la disponibilité des aéroports
(53) AAC soutient que, compte tenu du fait que 90 % du trafic aérien international passe par l'aéroport d'Helsinki et que les horaires des vols internationaux sont fixés le matin et le soir, les aéroports de province sont obligés, pour assurer les correspondances, de rester ouverts le matin et le soir. Par conséquent, "les frais de fourniture des services doivent être pris en considération lors du calcul basé sur les coûts des redevances "passagers"
(54) AAC fait valoir que "le trafic international exige plus d'espace pour les terminaux passagers et les aires de stationnement ainsi qu'un niveau de prestations plus élevé que pour le trafic intérieur. De ceci il résulte que AAC doit prendre en considération les frais de production lors de la fixation des redevances "passagers"
(55) Les deux derniers arguments n'ont pas de lien avec le système en question : étant donné que, selon AAC, les coûts engendrés par les exigences liées aux heures d'ouverture des aéroports ou à la disponibilité des aéroports sont pris en considération lors de la fixation des redevances passagers, ils ne peuvent dont pas être intégrés dans l'assiette des redevances d'atterrissage.
(56) À la lumière de ce qui précède, la Commission estime qu'aucun des arguments avancés par AAC n'est de nature à justifier la mise en place d'un système de redevance discriminatoire selon l'origine du vol (intérieur ou intra-EEE) tel que celui adopté par l'entreprise en cause.
g) Effet sur le commerce entre États membres
(57) Dans son arrêt dans l'affaire "Corsica Ferries II" (23), la Cour a reconnu que des pratiques discriminatoires "sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres en ce qu'elles touchent des entreprises effectuant des transports entre deux États membres".
(58) Suite à une demande de renseignements adressée à AAC sur base de l'article 11 du règlement n° 17, il s'est avéré qu'il n'existe pas de statistiques aéroport par aéroport distinguant le trafic à destination de l'Espace économique européen du reste du trafic international.
(59) S'agissant de l'aéroport d'Helsinki qui a connu en 1996 un trafic de passagers de 7,7 millions, l'effet sur le commerce entre États membres du système en cause ne fait pas de doute.
(60) Concernant les autres aéroports finlandais exploitant des liaisons intra-EEE (Vaasa, Turku, Tampere et Pori), outre le trafic charter à destination des États membres du bassin méditerranéen et des îles Canaries, ces aéroports desservent Stockholm au moyen de six fréquences par jour (Vaasa et Turku), cinq fréquences par jour (Tampere) et deux fréquences par jour (Pori). Ces vols à destination de Stockholm sont en correspondance avec les vols à destination d'Amsterdam, Billund, Bruxelles, Copenhague, Düsseldorf, Francfort, Göteborg, Hambourg, Londres, Manchester, Milan, Munich, Paris et Vienne soit par l'Alliance Lufthansa/SAS soit par Finnair (en code-sharing avec ses partenaires).
Le tableau mentionné ci-après indique la part des vols internationaux dans le trafic total des aéroports concernés mesurée en passagers transportés.
(61) Il est dès lors légitime de considérer que le système en cause appliqué dans ces cinq aéroports affecte le commerce entre États membres.
h) Conclusion
(62) L'analyse précédente établit que le système de calcul des redevances d'atterrissage, appliqué par AAC, implique, pour le même service de guidage d'approche et d'utilisation des voies de circulation et aires de trafic, le versement de redevances différentes selon l'origine du vol (intérieur ou intra-EEE) sans justification objective.
(63) En conséquence, la Commission estime que le système en cause est discriminatoire et fausse le jeu de la concurrence sur le marché en cause, en violation des dispositions de l'article 86, deuxième alinéa, point c), du traité,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Ilmailulaitos/Luftfartsverket a enfreint les dispositions de l'article 86 du traité en utilisant sa position dominante d'exploitant des aéroports finlandais pour imposer des redevances d'atterrissage discriminatoires selon la nature de vol, intérieur ou intra-EEE, dans les aéroports de la Finlande.
Article 2
Ilmailulaitos/Luftfartsverket est tenu de mettre fin à l'infraction visée à l'article 1er et d'informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'il aura prises à cet effet.
Article 3
Ilmailulaitos/Luftfartsverket, PL 50 FIN-01531 Vantaa, Finlande, est destinataire de la présente décision.
(1) JO 13 du 21 2 1962, p. 204-62.
(2) JO L 216 du 12 9 1995, p. 8.
(3) Document 95621991 OACI.
(4) 1 FIM =0,1681 EUR.
(5) JO 124 du 28 11 1962, p. 2751-62.
(6) JO 306 du 16 12 1967, p. 1.
(7) JO L 374 du 31 12 1987, p. 1.
(8) JO L 240 du 24 8 1992, p. 18.
(9) Voir notamment arrêt du 23 avril 1991, affaire C-41-90 : Höfner & Elser, Recueil 1991, p. I-1979, 2016 point 21 des motifs arrêt du 17 février 1993, affaires jointes C-159 et 160-91 : Poucet, Recueil 1993, p. I-637, point 17 des motifs.
(10) Voir arrêt du 16 juin 1987, affaire 118-85 : Commission contre Italie, Recueil 1987, p. 2599, 2621, points 7 et 8 des motifs arrêt du 18 mars 1997, affaire C-343-95 : Diego Cali & Figli Srl contre Servizi ecologici Porto di Genova SpA (SEPG), Recueil 1997, p. I-1547, points 16, 17 et 18 des motifs. *
(11) Voir considérants 2, 3 et 4.
(12) Arrêt du 10 décembre 1991, affaire C-179-90 : Merci convenzionali porto di Genova contre Siderurgica Gabrielli SpA (Port de Gênes, Recueil 1991, p. I-5889.
(13) Arrêt du 17 mai 1994, affaire C-18-93 : Corsica Ferries Italia Srl contre Corpo dei piloti del porto di Genova (Corsica Ferries II), Recueil 1994, p. I-1783.
(14) Voir note 2.
(15) Arrêt du 23 avril 1991, affaire C-41-90 : Höfner et Elser, Recueil 1991, p. I-1979, point 28 des motifs arrêt du 18 juin 1991, affaire C-260-89, ERT), Recueil 1991, p. I-2925, point 31 des motifs.
(16) Arrêt du 5 octobre 1994, affaire C-323-93 : Société agricole du Centre d'insémination de la Crespelle/Coopérative d'élevage et d'insémination artificielle du département de la Mayenne (Crespelle), Recueil 1994, p. I-5077.
(17) Arrêt du 27 avril 1994, affaire C-393-92 : Commune d'Almelo et autres contre NV Energiebedrijf Ijsselmij Almelo, Recueil 1994, p. I-1477.
(18) Point 17 des motifs.
(19) Voir note 13.
(20) Voir point 34.
(*) Sur ce point un parallèle peut être établi avec la situation qui était en cause dans l'affaire United Brands contre Commission (arrêt du 14 février 1978, affaire C-27-76) : la Cour a estimé que la politique des prix discriminatoires d'UBC qui facturait aux distributeurs-mûrisseurs des prix différents d'État membre à État membre pour la livraison de quantités et de types de bananes identiques en substance constituait un abus de position dominante dès lors que "ces prix discriminatoires selon les États membres constituaient autant d'obstacles à la libre circulation des marchandises" (point 232) et qu'ainsi était créé un cloisonnement rigide des marchés nationaux à des niveaux de prix artificiellement différents, entraînant pour certains distributeurs-mûrisseurs un désavantage dans la concurrence ainsi faussée par rapport à ce qu'elle aurait dû être (point 233) "Le même raisonnement peut être appliqué mutatis mutandis à la présente affaire : les tarifs différenciés appliqués par la Corporation constituent un obstacle à la libre prestation des services de transports maritime intracommunautaires et placent les compagnies qui assurent de tels services dans une position de concurrence désavantageuse"
(21) Source : ACI Europe Airport Database.
(22) Source : Statistic of Finnish Civil Aviation.
(23) Voir note 13.