Livv
Décisions

CCE, 26 janvier 1999, n° 1999-421

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

P&O Stena Line

CCE n° 1999-421

26 janvier 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil du 22 décembre 1986 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 12, paragraphe 4, deuxième alinéa, vu le résumé de la demande (2) publié conformément à l'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86, vu la notification de la Commission aux parties du 10 juin 1997 faisant état de doutes sérieux au sens de l'article 12, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4056-86 quant à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, à l'accord en question, vu l'essentiel du contenu de l'accord (3) publié conformément à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4056-86, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes, considérant ce qui suit :

I. FAITS

1. Demande

(1) Le 31 octobre 1996, The Peninsular and Oriental Steam Navigation Company (ci-après dénommée "P& O") et Stena Line Limited (ci-après dénommée "Stena") ont adressé à la Commission, conformément à l'article 12, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4056-86, une demande d'attestation négative sur l'applicabilité des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité ou, à défaut, d'exemption en application de l'article 85, paragraphe 3, en faveur de leur projet de création d'une entreprise commune unissant leurs activités respectives de transport maritime par transbordeur sur le Pas-de-Calais et le "détroit belge".

(2) Le 10 décembre 1996, SeaFrance SA (ci-après dénommée "SeaFrance") a adressé à la Commission une plainte contre le projet de création d'une entreprise commune.

(3) Le 13 mars 1997, conformément à l'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86, la Commission a publié un résumé de la demande au Journal officiel des Communautés européennes (4), en invitant les parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai de trente jours. Des observations ont été reçues de différentes sources, notamment de concurrents, de clients, d'associations professionnelles, de collectivités locales, de représentants du public, de particuliers et d'un État membre.

(4) Le 10 juin 1997, avant l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours prévu à l'article 12, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4056-86, la Commission a informé les parties qu'il existait des doutes sérieux au sens dudit article quant à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité à l'accord en question.

(5) Le 6 février 1998, conformément à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4056-86, la Commission a publié une communication (5) annonçant son intention d'exempter l'accord.

2. Parties et plaignant

(6) P& O est inscrite à la cote du London Stock Exchange et est la société mère d'un groupe diversifié dont les intérêts se situent dans les secteurs du transport par navire roulier, du transport maritime de marchandises conteneurisées ou en vrac, des services de croisière, de l'acheminement terrestre en Europe, de la gestion portuaire internationale, de l'organisation d'expositions, de la construction de biens immobiliers à usage commercial, du développement immobilier et de la vente d'immeubles résidentiels. Les activités de transport par navire roulier consistent dans des services de transport de passagers et de marchandises entre la Grande-Bretagne, le continent européen et l'Irlande.

(7) Stena exploite des services de transbordeurs entre la Grande-Bretagne, le continent européen et l'Irlande. Elle fait partie du groupe Stena Line AB, qui exploite des services de transbordeurs dans le nord de l'Europe occidentale, notamment des routes scandinaves et la ligne de Hoek van Holland vers Harwich. Stena Line AB est cotée à la Bourse de Stockholm et appartient au groupe de sociétés Stena Sphere, dont les intérêts se situent dans les secteurs des services de transbordeurs, des services en mer pour l'industrie pétrolière et gazière, du transport maritime, du forage, de l'immobilier, de la finance et de l'industrie métallurgique.

(8) P& O et Stena sont ci-après dénommées "les parties".

(9) Le plaignant, SeaFrance, exploite des services de transbordeurs sur la route Douvres-Calais. SeaFrance appartient à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).

3. Accord

(10) Les parties sont convenues de regrouper les activités respectives de P& O et de Stena dans le domaine des services de transbordeurs dans le Pas-de-Calais et le "détroit belge", dans le cadre d'une entreprise commune dénommée P& O Stena Line. P& O exploitait auparavant un service mixte de transport de passagers et de marchandises dans le Pas-de-Calais, entre Douvres et Calais, et un service de transport de fret uniquement dans le "détroit belge", sur la ligne Douvres-Zeebrugge. Stena exploitait auparavant des services mixtes de transport de passagers et de marchandises dans le Pas-de-Calais, entre Douvres et Calais et entre Newhaven et Dieppe.

(11) La société du groupe P& O qui assurait auparavant pour le groupe les services de transport maritime dans le Pas-de-Calais et le "détroit belge", P& O European Ferries (Dover) Limited, est devenue le vecteur de l'entreprise commune. Stena a transféré à l'entreprise commune tout l'actif et le passif qu'elle employait sur ses liaisons Douvres-Calais et Newhaven-Dieppe. Le capital social de la société est détenu à hauteur de 60 % par P& O et de 40 % par Stena, mais les droits de vote sont répartis à parts égales entre les deux parties. De même, la représentation et les droits de vote au sein du conseil d'administration de l'entreprise commune sont partagés de manière égale entre P& O et Stena.

(12) À l'origine, les parties avaient prévu que P& O Stena Line disposerait d'un actif d'environ 410 millions de livres sterling, dont quelque 100 millions de livres sterling financés sur fonds propres et le solde sur fonds empruntés, garantis pour partie par des hypothèques sur les navires et pour le reste par P& O. Par la suite, les parties ont informé la Commission que P& O Stena Line disposerait d'un actif de quelque [...] millions (6) de livres sterling, financé par une combinaison de fonds propres, d'emprunts obligataires et d'autres formes d'emprunts et de titres. Au moment de l'entrée en activité de la société, son actif comprenait au total quatorze navires : cinq transbordeurs polyvalents (assurant des services mixtes de transport de passagers et de marchandises) et trois navires exclusivement destinés au transport de marchandises qui appartenaient auparavant à P& O, auxquels s'ajoutaient cinq transbordeurs polyvalents et un navire à grande vitesse cédés par Stena.

(13) Il était prévu que l'entreprise commune exploiterait un service régulier entre Douvres et Calais, avec un départ toutes les 45 minutes, ce service étant assuré par six navires polyvalents. Trois navires polyvalents seraient retirés du service. L'entreprise commune devait reprendre le service de transport de fret uniquement assuré par P& O sur la route Douvre-Zeebrugge au moyen de navires spécialisés ainsi que le service assuré par Stena sur la route Newhaven-Dieppe au moyen d'un navire à grande vitesse et d'un navire polyvalent.

(14) L'entreprise commune a commencé à exploiter les services le 10 mars 1998. Par la suite, P& O Stena Line a informé la Commission qu'elle avait l'intention d'exploiter un septième navire polyvalent (le Pride of Bruges) sur la route Douvres-Calais au cours de la saison d'été 1998 (mai à septembre) et peut-être pour plus longtemps. P& O Stena Line a également informé la Commission qu'elle avait retiré le navire rapide de la route Newhaven-Dieppe le 16 octobre 1998 en vue d'une refonte, après quoi le navire n'a pas été remis en service sur la route, mais rendu à ses propriétaires le 30 octobre 1998 ; elle a aussi indiqué qu'une concertation était en cours avec ses salariés au sujet de l'avenir de son service sur cette route.

(15) Selon les prévisions des parties, l'entreprise commune devait permettre des réductions de coûts de 75 millions de livres sterling grâce aux économies réalisées sur le coût des navires et sur les frais généraux (coûts portuaires, administration et commercialisation). Ce chiffre tenait compte des économies devant résulter du retrait du navire à grande vitesse Pegasus de Stena de la route Newhaven-Dieppe, ainsi que du retrait de cette même route du navire Antrim de Stena, qui devait y être remplacé par le navire Pride of Bruges de P& O. En fait, Stena a retiré le Pegasus de la route Newhaven-Dieppe en octobre 1996, bien avant le début de l'activité de l'entreprise commune. En outre, celle-ci ne s'est pas défaite du Cambria comme cela était prévu au départ, mais l'a transféré de la route Douvres-Calais vers la route Newhaven-Dieppe, puisque le Pride of Bruges a été maintenu sur la route Douvres-Calais. En utilisant, pour le coût de ces navires, les chiffres fournis par les parties, on peut estimer les réductions de coûts résultant de la création de l'entreprise commune à [...] millions de livres sterling.

(16) Dans le cadre de l'accord, P& O et Stena s'engagent à ne pas participer de façon directe ou indirecte (par un moyen autre que l'entreprise commune) à la fourniture de services de transbordeurs faisant escale dans tout port situé sur la côte anglaise entre Newhaven (inclus) et Harwich (exclu) ou sur la côte du continent européen entre Dieppe (inclus) et Zeebrugge (exclu). Les activités de l'entreprise commune sont limitées à la fourniture de services de transbordeurs sur les lignes Douvres-Calais, Douvres-Zeebrugge et Newhaven-Dieppe.

(17) Les parties exploitent d'autres services de transbordeurs qui n'ont pas été cédés à l'entreprise commune.

(18) P& O exploite les services suivants :

a) dans la mer du Nord, la filiale de P& O, P& O North Sea Ferries, exploite des services mixtes passagers/marchandises sur les routes Hull-Zeebrugge et Hull-Rotterdam ainsi que des services de transport de marchandises uniquement sur les routes Teesport-Zeebrugge et Teesport-Rotterdam. P& O European Ferries exploitait des services de transport de marchandises uniquement sur les routes Felixstowe-Zeebrugge et Felixstowe-Rotterdam ; ces services sont maintenant exploités par P& O North Sea Ferries ;

b) dans la Manche Ouest, P& O European Ferries exploite des services mixtes passagers/marchandises entre Portsmouth et Le Havre, Cherbourg et Bilbao ;

c) dans la mer d'Irlande, P& O European Ferries exploite des services mixtes passagers/marchandises sur le couloir nord (Northern corridor). La filiale de P& O, Pandoro, exploite des services de transport de marchandises uniquement sur le couloir nord et le couloir central (central corridor).

(19) Stena exploite les services suivants :

a) dans la mer du Nord, Stena Line BV (qui fait partie du groupe Stena Line AB) exploite des services de transport de passagers et de marchandises sur la ligne Harwick-Hoek van Holland ;

b) dans la mer d'Irlande, Stena exploite des services mixtes passagers/marchandises sur les trois couloirs, ainsi que la ligne Holyhead-Dublin, en grande partie réservée au fret, sur le couloir central.

Stena n'exploite pas de services dans la Manche Ouest. Jusqu'en 1996, elle opérait sur la route Southampton-Cherbourg.

4. Marchés en cause

(20) La présente section examine les deux marchés en cause suivants, qui sont ceux sur lesquels l'entreprise commune opère :

a) le marché des services de transport de passagers en voyage d'agrément (passagers et véhicules de tourisme) sur les liaisons transmanche de courte distance comprenant les routes du Pas-de-Calais (entre Douvres, Folkestone, Ramsgate et Newhaven, d'une part ; et Calais, Dieppe, Boulogne et Dunkerque, de l'autre, ainsi que le tunnel sous la Manche) et les services traversant le "détroit belge" (Ramsgate-Ostende) ;

b) le marché des services de transport de marchandises unitarisées (services maritimes et services intermodaux de porte à porte) entre l'Angleterre et le continent européen (Manche Ouest, Pas-de-Calais, routes de la mer du Nord).

(21) La section 6 examine les services de transport de passagers en voyage d'agrément dans la Manche Ouest, la mer du Nord et la mer d'Irlande, routes sur lesquelles l'entreprise commune ne sera pas présente, mais où (comme sur le marché anglo-continental du transport de marchandises) les parties exploitent leurs propres services indépendants.

4.1. Passagers voyageant pour affaires

(22) Dans les décisions Night Services (7) et Eurotunnel (8), la Commission a constaté que le marché des passagers en voyage d'agrément et celui des passagers voyageant pour affaires étaient distincts, ces deux groupes de voyageurs ayant des exigences différentes. Les personnes voyageant pour affaires recherchent la rapidité, le confort et la fréquence, tandis que celles qui effectuent un voyage d'agrément accordent plus d'importance au prix. Les passagers voyageant pour affaires et les passagers en voyage d'agrément peuvent donc être considérés comme constituant des marchés distincts.

(23) La plupart des personnes voyageant pour affaires qui souhaitent se déplacer entre l'Angleterre et le continent européen recourront probablement aux services aériens réguliers ou aux liaisons ferroviaires à grande vitesse (Eurostar et les correspondances ferroviaires), car ces services offrent de meilleures conditions de rapidité et de confort que les transbordeurs ou Le Shuttle (service de navette pour voitures et camions par le tunnel de la Manche). Pour les passagers en voyage d'affaires, Eurostar et les services aériens peuvent se substituer aux transbordeurs et au service Le Shuttle. Dans la mesure où les personnes voyageant pour affaires utilisent les transbordeurs ou Le Shuttle, l'existence de services ferroviaires et aériens concurrents implique que l'entreprise commune et Le Shuttle (même s'ils devaient ne pas se faire concurrence) seraient confrontés à une concurrence effective pour les voyages d'affaires. En ce qui concerne les passagers, l'appréciation du projet d'entreprise commune peut, par conséquent, se limiter aux effets sur le marché des personnes en voyage d'agrément.

4.2. Passagers en voyage d'agrément

4.2.1. Le Shuttle et les services de transbordeurs peuvent se substituer l'un à l'autre

(24) Le plaignant, SeaFrance, met en doute la substituabilité entre les services maritimes et le service Eurotunnel. Il fait valoir que, en raison des caractéristiques très différentes de ces deux modes de transport, on assistera à une segmentation rapide de la demande entre la clientèle qui, pour des raisons liées à ces caractéristiques, préfère systématiquement le tunnel et celle qui préfère les services maritimes. Cette segmentation se produira, selon SeaFrance, lorsque tous les clients qui souhaitent essayer le tunnel l'auront fait.

(25) On a cependant des raisons de penser que les parts de marché respectives des services de transbordeurs et d'Eurotunnel varieront en fonction de l'évolution des prix relatifs. Entre février et mai 1996, la part de marché d'Eurotunnel pour le trafic transmanche de véhicules automobiles est tombée au fil des mois de 41 % en février à 35 % en mai. Eurotunnel a réduit ses tarifs avec effet à partir de juin 1996 et, jusqu'à l'incendie qui a eu lieu dans le tunnel en novembre 1996, sa part de marché a augmenté de mois en mois pour passer de 36 % en juin à 46 % en octobre.

(26) Si tant est qu'il existe des catégories de passagers qui n'utiliseraient jamais que les transbordeurs ou que le tunnel, ils ne constituent pas un marché séparé car les opérateurs ne peuvent avoir connaissance de leur préférence et leur appliquer des prix plus élevés.

4.2.2. Les services Eurostar ne peuvent se substituer aux services de transbordeurs

(27) Les parties considèrent que les services directs de centre-ville à centre-ville offerts par Eurostar ont une incidence "tant sur le segment des piétons que sur celui des véhicules de tourisme du marché des services de transbordeurs". Les parties doutent cependant qu'il soit utile ou pertinent, pour apprécier le projet d'entreprise commune, de faire la distinction entre les passagers voyageant à pied et ceux utilisant un véhicule.

(28) Les passagers à pied (c'est-à-dire ceux qui ne montent pas sur le navire à bord d'une voiture ou d'un autocar) représentaient respectivement 13 % et 17 % des passagers de P& O et de Stena en 1996 (janvier à octobre), ce qui, en chiffres absolus, correspond à respectivement 990 000 et 720 000 personnes. À titre comparatif, P& O et Stena ont transporté respectivement 3,1 millions et 1,4 million de passagers voyageant en autocar, tandis que les compagnies de transbordeurs opérant sur le Pas-de-Calais et Le Shuttle réunis ont transporté 25,3 millions de passagers au cours de la même période. Eurostar a transporté 4,9 millions de passagers sur l'ensemble de l'année 1996.

(29) Les services Eurostar ne constitueront, de toute évidence, pas une solution de remplacement pour certaines catégories d'utilisateurs des transbordeurs et du service Le Shuttle, tels que ceux qui voyagent [que ce soit à pied (en empruntant le transbordeur), en voiture ou en autocar] pour profiter des marchandises hors taxes ou des produits vendus moins cher en France. La vente hors taxes n'est pas pratiquée sur le système Eurostar et les services Eurostar conviennent moins pour les voyages d'une journée ayant pour objet d'effectuer des achats en France.

(30) Les principaux concurrents d'Eurostar sont les compagnies aériennes : en 1996, le nombre de passagers voyageant par Eurostar sur les lignes Londres-Paris et Londres-Bruxelles combinées a été plus élevé que celui des passagers voyageant par air (le nombre de passagers voyageant par air entre Londres et Paris a diminué de 18 % de janvier à octobre 1996 par rapport à la période correspondante de 1995). On peut supposer que le touriste voyageant de centre-ville à centre-ville entre Londres et Paris ou Londres et Bruxelles, qui considérerait l'Eurostar comme substituable aux services de transbordeurs et Le Shuttle aurait, en l'absence de l'Eurostar, préféré l'avion à ces services. La situation peut être différente dans le cas d'un touriste disposant d'un budget limité, qui peut considérer les services réguliers par autocar (qui utilisent les transbordeurs ou Le Shuttle) comme une solution alternative par rapport à l'Eurostar. Les services réguliers par autocar sont probablement, dans le trafic acheminé par les transbordeurs et Le Shuttle, l'une des catégories où la concurrence par les prix est la plus forte, en raison de la puissance d'achat des autocaristes et du manque de transparence du marché.

(31) Dans la pratique, il n'y a donc qu'une catégorie limitée de passagers en voyage d'agrément pour qui les services Eurostar peuvent se substituer aux transbordeurs et au service Le Shuttle. Pour la majeure partie de la clientèle, les services ne seront pas suffisamment interchangeables pour que l'Eurostar puisse être considéré comme relevant du même marché en cause que les services de transbordeurs et Le Shuttle.

4.2.3. Aspect géographique

(32) Le volume des services exploités dans le Pas-de-Calais ainsi que leur fréquence, leur temps de traversée et leur prix font que les lignes de la Manche Ouest et celles de la mer du Nord ne peuvent être considérées comme pouvant se substituer à ces services. Le temps de traversée réduit offert par les services de transbordeurs rapides sur les routes Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende fait de ces services une source de concurrence considérable pour les services offerts sur les routes Douvres-Calais et Folkestone-Calais ; ils doivent donc être inclus dans le marché du trafic transmanche de courte distance à prendre en considération.

(33) Le temps de traversée des services transmanche de courte distance est de 35 minutes pour Le Shuttle ou l'aéroglisseur Hoverspeed, de 50 à 55 minutes vers la France pour le transbordeur rapide Hoverspeed, de 75 à 90 minutes pour le transbordeur classique Douvre-Calais, de 100 minutes pour le transbordeur rapide Ramsgate-Ostende, de 125 minutes pour le transbordeur rapide Douvres-Ostende et de 135 minutes pour le transbordeur rapide Newhaven-Dieppe. La rapidité de la traversée rend ces lignes plus attrayantes, en particulier, pour les passagers qui voyagent essentiellement pour acheter des marchandises hors taxes ou des produits auxquels un taux d'imposition moins élevé est appliqué en France.

(34) À titre comparatif, les temps de traversée des autres services sont les suivants :

Harwich-Hoek van Holland Stena HSS (High Speed Sea Service) : 3 H 40

Poole-Cherbourg : 4 H 30

Portsmouth-Cherbourg : 5 H (7 à 8 H de nuit); (2 H 25 par transporteur rapide)

Portsmouth-Le Havre : 5 H 30 (7 H 30 à 8 H de nuit)

Portsmouth-Caen : 6 H

Hull-Zeebrugge : 13 à 15 H (de nuit).

(35) Les ports desservis par la route du Pas-de-Calais, en particulier Douvres, Folkestone et Calais, jouissent d'un bon accès autoroutier. Le Pas-de-Calais offre la plus grande variété de types de services (transbordeur classique, transbordeur rapide et tunnel) ainsi que des fréquences sensiblement plus élevées que celles offertes dans la mer du Nord et la Manche Ouest. Les fréquences élevées font que les passagers voyagent de plus en plus sans avoir réservé (turn-up and go).

(36) Ces caractéristiques des liaisons transmanche de courte distance ont attiré les utilisateurs. Il faudrait que les prix de ces services augmentent de façon très sensible pour que les clients les délaissent au profit des autres routes, dans la Manche Ouest ou la mer du Nord. Certaines catégories de clients (tels que les voyageurs d'un jour) réagiraient aux augmentations de prix en décidant de ne plus voyager du tout plutôt que d'emprunter d'autres routes.

4.3. Marché des transports de marchandises

(37) Les parties transportent des marchandises sur des transbordeurs rouliers (ro-ro). Les services rouliers sont en concurrence avec d'autres moyens de transport de cargaisons unitarisées (9). Les marchandises unitarisées (par opposition aux marchandises en vrac) sont stockées, aux fins du transport, sous l'une des diverses formes standardisées possibles, notamment dans des camions accompagnés d'un chauffeur, dans des remorques non accompagnées et dans des conteneurs. Les cargaisons unitarisées peuvent être transportées sur des navires ro-ro et sur des navires lo-lo (à manutention verticale), ainsi que via le tunnel sous la Manche, par les services de fret Le Shuttle et les trains de marchandises.

(38) Les services de fret transmanche de courte distance sont en concurrence avec d'autres services de fret anglo-continentaux, c'est-à-dire des services reliant l'Angleterre au continent européen (routes de la Manche Ouest, du Pas-de-Calais et de la mer du Nord) (10).

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

5. Article 85, paragraphe 1

(39) La création de l'entreprise commune constitue une restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, étant donné que les parties étaient des concurrents effectifs sur les marchés en cause sur lesquels l'entreprise commune exerce ses activités.

(40) Cette restriction de la concurrence est appréciable. Les parties détiennent ensemble une part de marché élevée (en dépit du recul de leur part cumulée du trafic dans le Pas-de-Calais consécutif à l'entrée sur le marché d'Eurotunnel). L'entreprise commune est une entreprise commune de plein exercice qui opère sur le même marché du transport de marchandises que ses entreprises fondatrices et sur un marché du transport de passagers voisin de ceux sur lesquels ses entreprises fondatrices exercent leurs activités.

(41) La création de l'entreprise commune a un effet sur les échanges entre États membres étant donné l'importance des parties sur le marché du trafic de tourisme transmanche de courte distance et sur le marché anglo-continental du fret (11).

6. Absence d'effet de contagion

(42) La Commission est arrivée à la conclusion qu'aucune restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, ne découle de la possibilité que la coopération entre les parties au sein de l'entreprise commune rejaillisse sur leurs services indépendants de transport de passagers en voyage d'agrément dans la mer du Nord, la Manche Ouest et la mer d'Irlande et sur leurs services indépendants de transport de marchandises sur le marché anglo-continental du fret.

6.1. Services de tourisme dans la mer du Nord

6.1.1. Marché

(43) En 1997, les services de la mer du Nord ont transporté 470 000 véhicules de tourisme et 2,32 millions de passagers. Les services de la mer du Nord comprennent ceux exploités sur les routes reliant des ports situés sur la côte est de l'Angleterre à des ports situés en Belgique et aux Pays-Bas. Les services vers Hambourg et Esbjerg (exploités par Scandinavian Seaways) ne sont pas considérés comme faisant partie du même marché : ils ne sont susceptibles de se substituer aux services de P& O et de Stena vers la Belgique et les Pays-Bas que pour une faible proportion des touristes empruntant ces derniers.

(44) Pour fixer leurs prix, les opérateurs desservant les routes de la mer du Nord doivent nécessairement tenir compte des prix en vigueur sur les routes transmanche de courte distance. Les données fournies par les parties montrent clairement que les taux appliqués dans la mer du Nord entre 1994 et 1996 suivaient très étroitement ceux en vigueur sur les routes transmanche de courte distance. Des études de marché confirment également l'argument selon lequel des passagers voyageant à destination et au départ des zones d'attraction traditionnelles des routes de la mer du Nord ont délaissé ces routes au profit des routes transmanche de courte distance au cours des dernières années. L'inverse n'est toutefois pas évident, ce qui semble indiquer une substituabilité à sens unique, en ce sens que la mer du Nord subit la loi des routes transmanche de courte distance, mais que l'inverse n'est pas vrai. Les services de tourisme empruntant les routes de la mer du Nord doivent donc être considérés comme relevant d'un marché en cause constitué des routes de la mer du Nord et des routes transmanche de courte distance.

(45) Dans la mer du Nord, P& O North Sea Ferries exploite des services sur les routes Hull-Zeebrugge et Hull-Rotterdam. Stena Line opère sur la route Harwich-Hoek van Holland, sur laquelle elle a introduit des transbordeurs rapides HSS en 1997. Scandinavian Seaways opère sur la route Newcaste-Ijmuiden (Amsterdam). Olau et ensuite Eurolink ont exploité jusqu'en 1996 un service sur la route Sheerness-Vlissingen et le service P& O European Ferries, sur la ligne Felixstowe-Zeebrugge, a transporté des véhicules de tourisme jusqu'en 1996. Les parts de marché pour le transport des véhicules de tourisme sur la mer du Nord sont les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

6.1.2. Appréciation

(46) Toute tentative de coordination des comportements à laquelle les parties se livreraient sur la mer du Nord serait déstabilisée par la concurrence des services transmanche de courte distance. Il n'y donc pas lieu de conclure que, avec la création de l'entreprise commune, il faudrait raisonnablement s'attendre à ce que les parties adoptent un comportement différent de ce qu'il était auparavant et qui serait de nature à restreindre sensiblement la concurrence entre elles. Il est donc peu probable que la coopération entre les parties dans le Pas-de-Calais rejaillisse sur leurs activités dans la mer du Nord.

6.2. Services de tourisme dans la Manche Ouest

6.2.1. Marché

(47) En 1997, les services de la Manche Ouest ont transporté 1,1 million de véhicules de tourisme et 4,22 millions de passagers. Les services de la Manche Ouest comprennent les services desservant la partie de la Manche située à l'ouest du Pas-de-Calais, entre des ports situés sur la côte sud de l'Angleterre et des ports situés sur la côte nord de la France.

(48) Comme pour la mer du Nord, les constatations faites tendent à indiquer que, pour fixer leurs prix, les opérateurs desservant les routes de la Manche Ouest doivent nécessairement tenir compte des prix en vigueur sur les routes transmanche de courte distance, mais que l'inverse n'est pas vrai. Les services de tourisme dans la Manche Ouest doivent donc être considérés comme relevant d'un marché en cause constitué des routes de la Manche Ouest et des routes transmanche de courte distance.

(49) Seules P& O European Ferries et Brittany Ferries exploitent des services sur les routes de la Manche Ouest. Jusqu'en 1996, Stena Line opérait sur la route Southampton-Cherbourg. Depuis, elle étudie la possibilité d'exploiter un transbordeur rapide sur cette même ligne. Le marché du transport de véhicules de tourisme dans la Manche Ouest se répartit comme suit entre les différents opérateurs.

EMPLACEMENT TABLEAU

6.2.2. Appréciation

(50) Les parties font valoir que toute coordination des activités de P& O et de Stena dans la Manche Ouest est exclue puisque Stena n'opère plus sur ces routes. Stena doit néanmoins être considérée comme un concurrent potentiel étant donné qu'elle a envisagé (et pourrait le faire à nouveau) de revenir sur la route Southampton-Cherbourg avec un transbordeur rapide.

(51) Les considérations avancées pour la mer du Nord valent cependant aussi pour la Manche Ouest. Toute tentative de coordination des comportements à laquelle les parties se livreraient dans la Manche Ouest serait déstabilisée par la concurrence des services transmanche de courte distance. Il est donc improbable que la coopération des parties sur les routes transmanche de courte distance rejaillisse sur leurs activités effectives ou potentielles dans la Manche Ouest.

6.3. Services de tourisme dans la Mer d'Irlande

6.3.1. Marché

(52) La mer d'Irlande peut être divisée en trois marchés du trafic de tourisme : les couloirs nord, central et sud (12). En 1997, les services offerts sur les trois couloirs ont transporté respectivement 590000, 460000 et 380000 véhicules de tourisme et 2,7 millions, 2,8 millions et 1,5 million de passagers. Les parts de marché sur les trois couloirs sont les suivantes.

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

(53) Stena offre des services mixtes fret/passagers sur les trois couloirs (ainsi que le service Holyhead-Dublin en grande partie réservé au fret sur le couloir central). P& O exploite des services de transport de passagers uniquement sur le couloir nord (en outre, la filiale Pandoro de P& O exploite des services réservés au fret sur les couloirs nord et central).

(54) Les exploitants de transbordeurs opérant dans la mer d'Irlande offrent des services par pont terrestre de l'Irlande vers le continent européen, qui combinent une traversée sur leur service dans la mer d'Irlande avec une traversée sur un service Angleterre/continent. Le tableau suivant indique la proportion du trafic exploitée par pont terrestre (trafic combiné) par les principaux opérateurs dans la mer d'Irlande et identifie leurs partenaires pour le tronçon entre l'Angleterre et le continent.

EMPLACEMENT TABLEAU

(55) Les billets combinés, du moins sur les couloirs central et sud, représentent une part appréciable, bien que peu élevée, du trafic de tourisme dans la mer d'Irlande et une proportion plus élevée du transport de fret. Les billets combinés ne représentent qu'une faible proportion (moins de 1 %) du trafic de tourisme transmanche à courte distance.

6.3.2. Appréciation

(56) Le seul couloir sur lequel les deux parties offrent des services de tourisme est le couloir nord. Le trafic de tourisme acheminé par ce couloir est presque exclusivement du trafic intérieur au Royaume-Uni.

EMPLACEMENT TABLEAU

(57) Compte tenu de l'importance limitée, en termes absolus et relatifs, du trafic interétatique de passagers sur les routes du couloir nord, on peut conclure à l'absence d'effet sensible sur le commerce entre États membres.

6.4. Marché anglo-continental du fret

6.4.1. Marché

(58) Le marché du transport de marchandises entre l'Angleterre et le continent se caractérise par une forte concurrence par les prix, de faibles barrières à l'entrée et la puissance d'achat des gros utilisateurs.

(59) Les parts de marché des exploitants de services de fret sur les routes anglo-continentales sont les suivantes.

EMPLACEMENT TABLEAU

6.4.2. Appréciation

(60) Sur la base des chiffres de 1997, l'entreprise commune aurait eu une part de marché de 30 %, P& O de 21 % et Stena de 3 %. Cette même année, Eurotunnel avait une part de marché de 7 % (contre 15 % pendant les dix mois qui ont précédé l'incendie du tunnel), la part de SeaFrance s'élevait à 10 % et huit autres opérateurs avaient des parts variant entre 2 et 5 %. Même si l'entreprise commune et les parties devaient coordonner leurs comportements, elles auraient peu de chances d'augmenter les prix sans perdre des clients au profit de leurs concurrents.

7. Article 85, paragraphe 3 : Le marché du trafic de tourisme transmanche de courte distance

7.1. Améliorer la production ou la distribution des produits, ou promouvoir le progrès technique ou économique

(61) Pour vérifier si l'accord remplit la première et la deuxième conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, il est nécessaire d'évaluer les gains d'efficience et autres effets bénéfiques que l'on peut escompter de la fusion des activités séparées des parties dans le secteur des services de transbordeurs transmanche de courte distance, et la mesure dans laquelle ces améliorations profiteront aux consommateurs.

(62)La création de l'entreprise commune aura des effets bénéfiques, notamment l'amélioration des fréquences et le chargement continu, ainsi que des économies de coûts estimées à [...] millions de livres sterling. L'effet global positif se produira même si l'entreprise commune devait décider de se retirer de la route Newhaven-Dieppe.

7.2. Réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte

(63)Les utilisateurs devraient bénéficier de l'amélioration des fréquences et du chargement continu. Ils devraient aussi tirer profit des réductions de coûts, dans la mesure où l'entreprise commune sera confrontée à une concurrence effective.

7.3. Sans imposer aux entreprises des restrictions qui ne sont pas indispensables

(64) La troisième condition d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, suppose que l'on examine s'il existe des solutions de rechange moins restrictives pour obtenir les effets bénéfiques du projet d'entreprise commune.

(65) La Commission considère qu'il est peu probable que des formes plus limitées de coopération entre P& O et Stena, telles que la fixation en commun des horaires, un système d'interligne ou un accord de pool, produisent les effets bénéfiques qui doivent résulter de l'entreprise commune. Aucune forme de coopération plus limitée qu'une entreprise commune ne permettrait, en particulier, de réaliser les économies sur les frais d'administration et de commercialisation, qui représentent une part importante ([...] millions de livres sterling) des économies de coûts estimées à [...] millions de livres sterling.

(66) Dans le cadre de l'accord, P& O et Stena s'engagent à ne pas prendre part de façon directe ou indirecte (par un moyen autre que l'entreprise commune) à la fourniture de services de transbordeurs faisant escale dans tout port situé sur la côte anglaise entre Newhaven (inclus) et Harwich (exclu) ou sur la côte du continent européen entre Dieppe (inclus) et Zeebrugge (exclu). Les activités de l'entreprise commune sont limitées à la fourniture de services de transbordeurs sur les lignes Douvres-Calais, Douvres-Zeebrugge et Newhaven-Dieppe. Ces restrictions peuvent être considérées comme nécessaires à la création de l'entreprise commune.

7.4. Sans éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause

(67) La quatrième condition d'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, suppose que l'on examine la question de savoir si l'entreprise commune sera confrontée à une concurrence effective sur le marché du trafic de tourisme transmanche de courte distance.

(68) Dans la lettre par laquelle elle a émis des doutes sérieux, la Commission faisait part de sa crainte que la création de l'entreprise commune conduise à une structure de marché duopolistique propice à l'adoption de comportements parallèles par l'entreprise commune et Eurotunnel. Ce problème est traité dans la section suivante.

8. Risque de création d'un duopole sur le marché du trafic de tourisme transmanche de courte distance

8.1. Concentration du marché avant et après la création de l'entreprise commune

8.1.1. Position des opérateurs sur le marché avant la création de l'entreprise commune

(69) Le changement le plus important survenu ces dernières années sur le marché des services de transbordeurs transmanche a été l'ouverture du tunnel sous la Manche en 1994. D'autres changements importants ont été la dissolution, le 31 décembre 1995, de l'accord de pool entre Stena et la Société nouvelle d'armement transmanche [ (SNAT), devenue SeaFranc], et celle, le 1er mars 1997, de l'accord de pool entre Sally Line et Regie Voor Maritiem Transport (RMT).

(70) Depuis 1993, les capacités et le volume du marché ont fortement augmenté et les consommateurs ont bénéficié de réductions des prix. Entre 1993 et 1996, le nombre de véhicules de tourisme a augmenté de 3,6 à 5,8 millions, et le nombre de passagers de 20,3 à 30,2 millions (dont 8,7 millions pour Eurotunnel). Au premier semestre de 1997, le nombre de véhicules de tourisme a augmenté de 11,6 % par rapport à la période correspondante de 1996.

(71) Le tableau 9 indique les parts de marché des exploitants de services touristiques dans le Pas-de-Calais à différentes périodes depuis 1994.

EMPLACEMENT TABLEAU

(72) Les parts de marché figurant au tableau 9 concernent le Pas-de-Calais et ne couvrent donc pas le service de Holyman Sally sur la route Ramsgate-Ostende. Cette compagnie a lancé un nouveau service de transbordeur rapide le 1er mars 1997. Ce service a été arrêté en mars 1998 et est remplacé, depuis le 6 mars 1998, par un service de transbordeur rapide entre Douvres et Ostende exploité conjointement par Holyman et Hoverspeed. Sally a ensuite continué d'exploiter un service de fret sur la route Ramsgate-Ostende (service qui a été ouvert aux passagers à la fin juin 1998) jusqu'à l'arrêt du service le 20 novembre 1998.

(73) Depuis l'ouverture du tunnel sous la Manche en 1994, Eurotunnel a gagné des parts de marché jusqu'à l'incendie survenu dans le tunnel en novembre 1996. Les gains de parts de marché enregistrés par Eurotunnel au fil des années masquent des fluctuations mensuelles inégales. Par exemple, Eurotunnel a perdu des parts de marché de février à mai 1996. Sa part de marché en 1997 (37 %) était inférieure à ce qu'elle était tout juste avant l'incendie (46 %). On peut s'attendre à ce que la part de marché d'Eurotunnel revienne à son niveau d'avant l'incendie et reprenne sa progression.

(74) La part de marché de P& O est tombée de 46 % en 1993 à 27 % en 1996 (dix premiers mois). En 1997, elle était de 27 % malgré les effets de l'incendie survenu dans le tunnel. Stena a maintenu sa part de marché à environ 20 % au cours de la période 1993-1996 (dix premiers mois), malgré une chute à 15 % en 1995. Si elle a atteint 20 % en 1996 (malgré la progression d'Eurotunnel), c'est parce qu'elle a réussi à attirer les clients du pool Stena/SNAT après la dissolution de celui-ci à la fin de 1995. Stena n'a pas vu sa part de marché augmenter autant que celles des autres exploitants de transbordeurs sur la route Douvres-Calais à la suite de l'incendie survenu dans le tunnel.

8.1.2. Degré de concentration sur le marché : importance et répartition des parts de marché

(75) La création de l'entreprise commune a réduit le nombre d'opérateurs présents sur le marché de six à cinq. Qui plus est, sur la base des parts de marché de 1997, l'arrivée de l'entreprise commune a fait passer la part de marché cumulée des deux plus grands opérateurs de 64 % (Eurotunnel et P& O) à 82 % (Eurotunnel et l'entreprise commune). En outre, l'opération modifie les écarts entre parts de marché : auparavant, un opérateur venait largement en tête (37 %), devant un groupe d'opérateurs plus petits dont les parts de marché se situaient dans une large fourchette (27 %, 18 %, 9 %, 8 %, 1 %). Après la création de l'entreprise commune, l'écart de taille entre les deux premiers opérateurs se réduit (de plus de 10 % à 8 %) et le marché se répartit entre deux leaders (45 % et 37 %) et trois autres opérateurs venant loin derrière (9 %, 8 % et 1 %).

8.1.3. Instabilité des parts de marché

(76) Les parties soulignent l'instabilité des parts de marché au cours des dernières années et le fait qu'il est peu probable qu'elles se stabilisent à l'avenir. Elles font observer que, dans un prospectus, Eurotunnel a fait part de son intention d'atteindre une part de marché de 70 % et indique que d'autres opérateurs ont investi en tablant sur une augmentation de leur part de marché. Elles en concluent que les exploitants de transbordeurs et Eurotunnel ne considèrent pas qu'il est de leur intérêt commun que les parts de marché et les prix restent stables.

(77) L'instabilité des parts de marché s'explique surtout par l'arrivée d'Eurotunnel sur le marché. La croissance de la part de marché d'Eurotunnel n'a pas été linéaire ; l'incendie survenu dans le tunnel a, en particulier, entraîné une baisse de la part de marché de l'entreprise. La dissolution du pool Stena/SNAT a également contribué à l'instabilité des parts de marché.

8.2. Facteurs influant sur la concurrence entre l'entreprise commune et Eurotunnel

8.2.1. Pratiques en matière de fixation des prix et transparence du marché

(78) Il existe trois grandes catégories de tarifs :

a) Les prix publiés dans la brochure. Les prix varient normalement selon la saison, l'heure, la longueur du séjour, le type de véhicule et le nombre de passagers. Les brochures contiennent des prix réduits applicables en cas de réservation longtemps à l'avance. Les prix de la brochure servent de base pour le calcul des réductions accordées aux groupes d'au moins dix personnes voyageant ensemble en minibus ou en autocar.

b) Les prix promotionnels. Il s'agit notamment d'offres exceptionnelles portant sur des voyages d'un jour ou des séjours plus longs faites conjointement avec des journaux, d'offres annoncées dans la presse nationale ou locale, de réductions sur les achats hors taxes, de remises offertes dans les brochures (y compris les réductions en cas de réservation longtemps à l'avance) et de remises offertes, par exemple, par l'intermédiaire d'organisations telles que les clubs automobiles. Én 1996, les parties ont mis en œuvre une stratégie consistant à offrir systématiquement des prix au moins aussi avantageux que ceux de leurs concurrents et le personnel chargé de la vente directe a reçu carte blanche pour négocier les prix à l'intérieur de certaines limites.

c) Les prix négociés applicables aux opérateurs ITX (c'est-à-dire les voyagistes offrant des vacances en "self drive" moyennant un prix forfaitaire comprenant une traversée et l'hébergement), aux organisateurs de voyages à prix forfaitaire en autocar et aux compagnies d'autocars offrant des services réguliers. Les prix applicables aux opérateurs ITX sont normalement négociés pendant l'été de l'année précédente.

(79) La situation sur le marché du tourisme est différente de celle qui prévaut sur le marché du fret, où les prix sont presque tous négociés individuellement entre l'opérateur et le transporteur routier.

(80) L'adoption de comportements parallèles est plus difficile lorsque les transactions sont importantes et peu fréquentes et qu'elles ne sont pas publiées. Les contrats passés par les compagnies de transbordeurs avec les opérateurs ITX et les grands autocaristes répondent à ces critères. Les prix publiés (prix brochure et prix promotionnels) restent cependant importants et la catégorie comprenant les opérateurs ITX et les autocaristes ne représente qu'une part limitée du trafic des opérateurs et du revenu qu'ils tirent de la vente de billets.

(81) Les voitures constituent la grande majorité des véhicules de tourisme transportés sur les routes du Pas-de-Calais : 94 % pour P& O (de janvier à octobre 1996), 96 % pour Stena (de janvier à octobre 1996) et 97 % pour Eurotunnel (1996). Mis à part les véhicules voyageant avec des réservations faites par l'intermédiaire d'opérateurs ITX ([...] % pour P& O en 1995 et [...] % pour Stena pendant la haute saison 1995) et le nombre limité de promotions "fermées" (c'est-à-dire des promotions limitées à une catégorie de personnes et qui ne sont donc pas annoncées au grand public), le transport de voitures de tourisme est un marché sur lequel les transactions sont petites et fréquentes et s'effectuent à des prix qui sont transparents pour les autres opérateurs. Ces caractéristiques témoignent de la transparence du marché.

(82) Il n'y a pas que les tarifs figurant dans la brochure qui soient transparents pour les autres opérateurs. Les promotions sont annoncées et peuvent donc être suivies de près par les concurrents. Les opérateurs ont également accès à des chiffres mensuels concernant les volumes transportés par leurs concurrents, ce qui leur permet de surveiller les effets de toute variation des prix relatifs.

8.2.2. Contraintes liées aux capacités

(83) Les parties soutiennent qu'Eurotunnel dispose d'une "vaste capacité inutilisée" qui constitue, avec ses fréquences élevées, l'un des facteurs qui lui confèrent une puissance de marché exceptionnelle sur le marché du trafic de tourisme du Pas-de-Calais. En outre, les parties font valoir que dans la mesure où Eurotunnel et les exploitants de transbordeurs ont des niveaux de capacités disponibles et des taux d'utilisation des capacités différents, ils auront tout intérêt à ajuster leur stratégie de fixation des prix de manière à augmenter les volumes, à remplir les capacités inutilisées et à maximiser la contribution aux frais fixes.

8.2.2.1. Nature et répartition des capacités

(84) La mise en service de la capacité d'Eurotunnel s'est accompagnée d'une augmentation des capacités offertes par les transbordeurs. Le tableau 10 indique les chiffres fournis pour 1996 par les différents opérateurs. Lorsqu'on examine ces données, il convient d'avoir plusieurs éléments à l'esprit : l'incendie survenu dans le tunnel en novembre 1996 a entraîné une réduction des capacités d'Eurotunnel par rapport à une année d'exploitation complète ; le faible taux d'utilisation des capacités de SeaFrance est dû au moins en partie au fait qu'elle n'a commencé son activité qu'en 1996 ; au premier semestre de 1997, son taux d'utilisation des capacités était de 59 %.

EMPLACEMENT TABLEAU

(85) Les capacités offertes sont de nature différente. Eurotunnel utilise des navettes réservées uniquement au transport de passagers ou uniquement au transport de marchandises. Elle a la possibilité de procéder à des réductions de capacité d'importance relativement limitée (pendant les périodes creuses) en supprimant des trains, sans altérer beaucoup la fréquence des départs. Les parties et SeaFrance utilisent des navires polyvalents qui peuvent transporter des passagers et des marchandises. La dimension de ces navires fait que la capacité se divise en parts beaucoup plus substantielles, de sorte qu'il est plus difficile à ces compagnies de procéder à des réductions de capacité pendant les périodes creuses tout en maintenant une fréquence acceptable.

(86) Les taux d'utilisation des capacités indiqués dans le tableau sont des chiffres nominaux, qui ont été obtenus en divisant le total des transports effectués par la capacité nominale totale des services de chaque opérateur. Dans la pratique, les opérateurs ne sont pas en mesure d'utiliser leur capacité nominale à 100 %, de sorte que les taux d'utilisation effectifs sont supérieurs à ceux indiqués.

(87) Selon les parties, Eurotunnel et l'entreprise commune devraient disposer de capacités de réserve considérables sur l'ensemble de l'année. Elles estiment qu'en 1997, si l'entreprise commune avait été mise en œuvre, elle aurait atteint, de même qu'Eurotunnel, un taux d'utilisation des capacités de 46 % [à titre comparatif, les taux d'utilisation des capacités effectivement enregistrés par les parties en 1996 ont été de 43 % (P& O) et de 39 % (Stem)]. Il convient cependant d'examiner l'utilisation des capacités pendant les périodes de pointe pour voir si, au cours de ces périodes, les opérateurs disposeront d'une marge suffisante pour attirer des passagers supplémentaires en réduisant les prix ; cette question est examinée aux considérants 91 à 99.

(88) La capacité d'Eurotunnel est déterminée par le système du tunnel. Pour offrir une fréquence compétitive, une compagnie de transbordeurs doit exploiter au moins trois transbordeurs classiques ou deux transbordeurs rapides. Un exploitant de transbordeurs a tout intérêt à maximiser la capacité de chaque navire pour faire baisser les coûts unitaires. Il doit donc fixer les prix de manière à maximiser le revenu tiré du niveau de capacité qu'il choisit d'exploiter (le revenu escompté entrera en fait aussi en ligne de compte dans sa décision initiale en matière de capacités). Les prix peuvent être modifiés plus rapidement et avec plus de souplesse que les capacités.

(89) Les entreprises confrontées à un excédent de capacités seront normalement tentées de diminuer les prix pour utiliser ces capacités excédentaires. Elles chercheront, dans la mesure du possible, à exercer une discrimination par les prix entre clients (p. ex. par des tarifs promotionnels) pour maximiser le revenu. Dans une situation de transparence des prix, toute réduction des prix provoque des représailles rapides. C'est apparemment ce qui s'est produit depuis fin 1995, lorsque l'augmentation des capacités des exploitants de transbordeurs a coïncidé avec la mise en service des capacités d'Eurotunnel. Le consommateur en a bénéficié puisque les prix ont baissé.

(90) Les exploitants de transbordeurs ont aussi eu intérêt à se faire concurrence pour signaler leur volonté de se maintenir sur le marché et se positionner en vue d'une rationalisation possible des services de transbordeurs.

8.2.2.2. Capacité pendant les périodes de pointe

(91) Eurotunnel et l'entreprise commune disposent de capacités suffisantes pour répondre à une demande double de celle enregistrée en 1996 sur l'ensemble de l'année. Il convient d'examiner la question de savoir si des problèmes d'insuffisance des capacités se posent aux moments critiques de l'année, tels que les périodes de pointe, auquel cas il y aurait davantage lieu de craindre que ces opérateurs augmentent les prix en parallèle plutôt que de se faire concurrence pour le volume.

(92) Eurotunnel considère qu'il y a restriction de capacité lorsqu'elle "ne peut accepter tout le trafic qui se présente sur la prochaine navette ou la suivante". Les "périodes de pointe" sont définies comme étant les week-ends des mois de juillet et août. Il n'est donc pas question d'une situation où la demande excéderait l'offre de manière structurelle. Eurotunnel a introduit un système de réservation pour éviter certains des problèmes de congestion rencontrés aux périodes de pointe en 1996 et indique que ce système fonctionne bien et qu'il couvre actuellement 50 % du trafic.

(93) Pour les services de transbordeurs, les périodes de pointe ne correspondent qu'à un nombre limité de jours par an - surtout les week-ends de la période allant de mai à août - et elles se limitent alors à quelques heures par jour. Même pendant les périodes de pointe, le consommateur a le choix des prix et les exploitants de transbordeurs appliquent des tarifs différenciés au cours d'une même journée. Pendant la haute saison, il reste possible d'obtenir au moins trois prix brochure différents selon le jour et l'heure du voyage, en plus des offres promotionnelles. Un voyageur capable de flexibilité - or les voyages d'agrément représentent l'essentiel du trafic Douvres-Calais - peut comparer les prix pour obtenir les meilleures conditions possibles et il ne sera pas confronté à des problèmes d'insuffisance des capacités.

(94) En outre, l'entreprise commune a indiqué qu'elle avait décidé d'exploiter un septième navire polyvalent sur la route Douvres-Calais pendant l'été 1998 car les taux de croissance du marché en 1997 et 1998 ont été supérieurs aux projections faites à l'origine par les parties sur la base des données de 1996. Il apparaît donc que l'entreprise commune a en fait choisi d'accroître sa capacité plutôt que d'avoir à faire face à des problèmes d'insuffisance des capacités.

(95) Eurotunnel et les exploitants de transbordeurs ont donc de bonnes raisons d'ajuster leur stratégie en matière de prix de manière à accroître les volumes plutôt que d'augmenter les prix. L'existence de capacités de réserve pourrait décourager toute tentative d'augmentation individuelle des prix de la part de l'un ou l'autre des opérateurs, car son concurrent disposerait des capacités de réserve nécessaires pour transporter les clients qui décideraient de changer de service.

(96) Cette conclusion vaut pour autant qu'Eurotunnel n'atteigne pas ses limites de capacité pour l'exploitation des services touristiques Le Shuttle. Sur la base des projections de l'entreprise elle-même, cela paraît peu probable. Les propositions de restructuration financière d'Eurotunnel contenaient des projections selon lesquelles l'entreprise continuerait d'accroître sa part du marché du transport de véhicules de tourisme sur la route de Douvres-Folkestone à Calais. Toujours selon ces projections, le trafic connaîtrait une croissance beaucoup plus faible au cours de la période 1996-1999 que pendant les trois années précédentes, avant de chuter en 2000 à cause de la suppression des ventes hors taxes et de retrouver ensuite une croissance annuelle inférieure à 5 %. Sur cette base, l'entreprise prévoyait que sa part de marché sur la route de Douvres-Folkestone à Calais continuerait d'augmenter, pour atteindre 63 % en 2000, 67 % en 2002 et 70 % en 2006. Eurotunnel n'a annoncé aucun plan d'investissement à court terme visant à accroître la capacité du service touristique Le Shuttle ; comme il est indiqué plus haut, elle cherche à rééquilibrer la demande touristique au profit des périodes creuses. À plus long terme, elle pourrait augmenter ses capacités en investissant dans une nouvelle signalisation (pour accroître les fréquences des sillons dans le tunnel) et dans de nouvelles navettes destinées au trafic de tourisme.

(97) Toutefois, si le marché devait connaître une croissance sensiblement plus forte que celle prévue par Eurotunnel, celle-ci pourrait voir les services touristiques Le Shuttle confrontés à des problèmes de capacité avant qu'elle n'ait décidé ou ne soit en mesure d'accroître ses capacités. Le facteur qui influencera le plus la demande sera probablement la suppression des ventes hors taxes, mais d'autres facteurs, tels que l'évolution du revenu disponible, les comportements des vacanciers et l'érosion des barrières culturelles entre les deux côtés de la Manche joueront également un rôle.

(98) Pendant les périodes creuses, tant l'entreprise commune qu'Eurotunnel auront clairement intérêt à augmenter les charges étant donné leur faible coefficient de remplissage. Une part considérable du revenu des exploitants de transbordeurs (60 %) est générée en dehors des périodes de pointe. Cela s'explique en grande partie par le montant des dépenses effectuées à bord par les passagers. Comme les coefficients de remplissage pendant ces périodes ne dépassent pas 50 %, augmenter les prix serait une stratégie risquée en ce qu'elle pourrait a) décourager les passagers qui auraient voyagé dans le seul but d'effectuer des achats hors taxes, et b) déplacer la demande vers des opérateurs concurrents. Les recettes réalisées au cours de la période de pointe allant de juin à août ne représentent que 40 % du revenu annuel total des exploitants de transbordeurs.

(99) Après 1999, si la demande chute à la suite de la cessation des ventes hors taxes, le marché connaîtra (dans l'hypothèse où aucune capacité n'est retirée) une surcapacité accrue. Pour autant que l'on puisse faire des prévisions, les dépenses à bord resteront importantes pour les exploitants de transbordeurs et il est possible qu'entre-temps, Eurotunnel ait aussi développé ses activités de vente au détail dans ses terminaux. Dans le cadre d'un tel scénario, les deux parties auraient par conséquent encore intérêt à maximiser les coefficients de remplissage pour accroître leurs revenus. Toutefois, la situation pourrait se présenter différemment si la demande de services de transport transmanche devait augmenter fortement en dépit de l'arrêt des ventes hors taxes. Dans cette hypothèse, Eurotunnel pourrait voir son service touristique Le Shuttle confronté à des problèmes de capacité.

8.2.3. Structures des coûts

(100) Des entreprises dont les structures des coûts diffèrent risquent moins d'agir en parallèle (13). Cette section est consacrée à l'examen de la structure des coûts du service Le Shuttle et des services transmanche de courte distance exploités par les parties.

(101) Les coûts d'exploitation du service Le Shuttle se présentaient comme suit en 1996.

EMPLACEMENT TABLEAU

(102) Les coûts d'exploitation des parties se présentaient comme suit en 1996.

EMPLACEMENT TABLEAU

(103) Les parties considèrent comme coûts variables les coûts qui varient selon le volume du trafic acheminé sur la base d'un niveau d'investissement donné. Les commissions des agences de voyage font partie de ces coûts aussi bien pour Le Shuttle que pour les exploitants de transbordeurs. En outre, les parties paieront des taxes portuaires ; sur la base des coûts réels supportés par P& O en 1996 sur la route Douvres-Calais, les parties évaluent ces taxes à environ [...] livres sterling par UVP transportée. Selon les parties, il est possible que Le Shuttle ait à supporter de très légers coûts variables supplémentaires. Sur cette base, les parties estiment à juste titre que les coûts variables supportés par Le Shuttle sont sensiblement inférieurs aux leurs (et donc aussi à ceux que l'on peut prévoir pour l'entreprise commune).

(104) Les coûts variables retenus par les parties sont ceux qui varient dans l'intervalle de temps le plus court ; on peut en fait les assimiler aux coûts marginaux. Les parties considèrent que ce sont ces coûts relatifs correspondant à l'acheminement d'un surcroît de trafic et donc variables à court terme qui sont importants, car ce sont eux qui détermineront la stratégie en matière de prix.

(105) Le tableau 13 indique la ventilation des coûts d'exploitation unitaires des opérateurs (calculés ci-dessus) en coûts variables à court terme (déjà définis), coûts semi-variables (pour les transbordeurs : frais de fonctionnement des navires et autres coûts liés au produit ; pour Le Shuttle : frais de terminal, salaires des équipages, frais de vente au détail et personnel de vente ; entretien du matériel roulant), frais généraux (administration et commercialisation ; pour Le Shuttle : participation aux frais d'électricité, de combustible, de vente au détail, d'entretien du tunnel, d'assurance et de fonctionnement). La contribution du service Le Shuttle à l'amortissement du tunnel ainsi que les frais de démarrage et autres frais exceptionnels du service ne sont pas pris en compte car ils peuvent être considérés respectivement comme coûts irrécupérables et comme coûts non récurrents.

EMPLACEMENT TABLEAU

(106) Si l'on additionne les coûts variables et semi-variables, les coûts d'exploitation unitaires du service Le Shuttle restent, à un niveau de [...] livres sterling en 1996, plus faibles que ceux de P& O, qui s'élèvent à [...] livres sterling, et nettement inférieurs à ceux de Stena, dont le niveau est de [...] livres sterling. Compte tenu de ces écarts, Eurotunnel dispose sans doute d'une plus grande marge de manœuvre que les exploitants de transbordeurs pour supporter des périodes de tassement des prix. En outre, la structure des coûts d'Eurotunnel est très différente de celles des exploitants de transbordeurs, notamment en raison des droits de port payés sur les navires. Cette divergence pourrait s'accentuer à l'avenir, selon l'évolution du marché. Eurotunnel peut par conséquent être tentée de chercher à accroître sa part de marché en appliquant des tarifs inférieurs à ceux des transbordeurs, comme elle l'a fait à partir du mois de mai 1996.

8.2.4. Conclusion quant à la concurrence entre l'entreprise commune et Eurotunnel

(107) À la lumière de ce qui précède, on peut conclure que les caractéristiques de l'entreprise commune et celles d'Eurotunnel font que ces opérateurs devraient normalement se faire concurrence plutôt que de chercher à augmenter les prix en parallèle.

8.3. Autres concurrents effectifs et potentiels

(108) Le degré de concurrence sur le marché sera aussi influencé par la présence d'autres concurrents effectifs ou potentiels de l'entreprise commune et d'Eurotunnel. La présente section porte d'abord sur la question de savoir si d'autres concurrents déjà présents sur le marché sont susceptibles d'exercer une concurrence effective. Ensuite, les barrières à l'entrée sont examinées pour déterminer si de nouveaux opérateurs pourraient entrer sur le marché.

8.3.1. Incidence de la concurrence d'opérateurs autres que Le Shuttle

(109) Lorsqu'elle a commencé son activité, l'entreprise commune était confrontée à quatre concurrents : Le Shuttle, SeaFrance, Hoverspeed et Holyman Hoverspeed.

(110) SeaFrance considère que la création de l'entreprise commune conduira à l'élimination progressive des exploitants de transbordeurs concurrents, en particulier SeaFrance, le seul concurrent direct sur la route Douvres-Calais, du fait de la fréquence des départs de l'entreprise commune et des avantages que celle-ci tirera de la renommée de ses entreprises fondatrices.

(111) Sea Containers (propriétaire de Hoverspeed) a déclaré que la création de l'entreprise commune pouvait être soutenue à condition que la position des autres opérateurs sur le marché soit clairement protégée. Elle craint que l'entreprise commune puisse à tout moment lancer des services de transbordeurs rapides qui feraient directement concurrence aux petits opérateurs exploitant un créneau, tels que Hoverspeed ou Holyman Sally, sans que cela n'entraîne de coûts indirects supplémentaires. Ainsi, en pratiquant des prix d'éviction, l'entreprise commune pourrait contraindre Hoverspeed et/ou Holyman Sally à se retirer du marché.

(112) Les parties déclarent que l'entreprise commune permettra de réaliser les économies de coûts nécessaires pour soutenir la forte concurrence d'Eurotunnel. Elles indiquent que, bien qu'Eurotunnel soit le principal concurrent de l'entreprise commune, celle-ci devra aussi répondre de manière compétitive aux initiatives des trois autres exploitants de transbordeurs. Les parties font valoir que les investissements effectués récemment par ces opérateurs témoignent de leur détermination à rester sur le marché.

(113) Dès lors que les projections faites par les parties montrent que la viabilité de leurs propres activités serait compromise si elles continuaient d'opérer de manière autonome, la question se pose de savoir dans quelle mesure la position de SeaFrance restera soutenable, en particulier après la suppression des concessions hors taxes en 1999.

(114) SeaFrance se plaint d'être désavantagée par l'horaire envisagé par l'entreprise commune, qui prévoit un départ toutes les 45 minutes pendant 18 heures par jour et toutes les heures le reste du temps. Actuellement, P& O ne propose un départ toutes les 45 minutes qu'en période de pointe. Un départ toutes les 45 minutes permet l'embarquement continu. SeaFrance fait valoir que pour soutenir la concurrence de l'entreprise commune, elle devrait envisager de porter sa flotte à quatre ou cinq navires, de manière à pouvoir offrir une fréquence compétitive.

(115) En tant qu'exploitant de transbordeur rapide, Hoverspeed est peut-être mieux placée pour réussir dans les conditions de marché plus difficiles qui prévaudront après 1999. Après la cessation des ventes hors taxes, il est possible que les clients se laissent davantage séduire par le gain de temps offert par les transbordeurs rapides que par les attractions et les boutiques que l'on trouve en plus grand nombre sur les grands navires polyvalents. Hoverspeed Holyman peut exploiter son créneau géographique vers la Belgique.

(116) Il est difficile de prévoir dans quelle mesure les autres exploitants de transbordeurs exerceront une concurrence effective après 1999. SeaFrance, qui serait le concurrent le plus direct de l'entreprise commune, est peut-être celui qui risque le plus de ne pas pouvoir rester sur le marché, malgré l'accroissement de sa part de marché en 1997. Hoverspeed, y compris Hoverspeed Holyman, peut avoir la possibilité de développer son créneau, mais il n'est pas certain qu'elle puisse exercer une concurrence effective étant donné sa capacité limitée.

(117) En conclusion, la probabilité que les autres opérateurs exercent une concurrence effective après 1999 est insuffisante pour conclure que leur seule présence garantit que la concurrence ne sera pas éliminée.

8.3.2. Concurrence potentielle : barrières à l'entrée

(118) La création de l'entreprise commune libère des postes d'accostage pour transbordeurs aussi bien à Douvres qu'à Calais, et l'accès aux postes ne constituerait donc pas, comme ce fut le cas dans le passé, une barrière à l'entrée.

(119) Les opérateurs considèrent que l'échelle d'exploitation minimale pour assurer la rentabilité des services sur le Pas-de-Calais correspond à trois transbordeurs classiques ou deux transbordeurs rapides. Les parties indiquent que, mis à part le transfert de transbordeurs adaptés à ce type de trafic qui seraient en service sur d'autres routes, la façon la moins coûteuse d'entrer sur le marché consisterait à affréter trois transbordeurs classiques (pour un prix unitaire de 5 à 10 millions de livres par an selon les parties) ou deux transbordeurs rapides (pour un prix unitaire de 3,5 à 4 millions de livres sterling selon les parties), ou à acheter deux transbordeurs rapides. D'autres solutions possibles consisteraient dans l'achat de transbordeurs d'occasion (dont les prix varient en fonction de l'âge du navire et de son type) ou, pour les compagnies qui exploitent déjà des transbordeurs, le transfert de transbordeurs actuellement en service sur d'autres routes. Les coûts pourraient encore être majorés du fait de l'obligation de mise en conformité avec les nouvelles normes de sécurité découlant de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) et de l'accord de Stockholm, et de la nécessité éventuelle de convertir des espaces aménagés en cabines sur des transbordeurs conçus pour des routes plus longues en espaces réservés aux boutiques, aux attractions et aux places assises, mieux adaptés à une liaison à courte distance.

(120) SeaFrance doute qu'il soit possible d'utiliser des navires d'occasion, car ils doivent être mis en conformité avec les normes SOLAS en cas de transfert sur une nouvelle route. Elle considère par conséquent que la seule façon possible d'entrer sur le marché avec des navires polyvalents consisterait à acheter au moins quatre navires au prix unitaire de 85 millions de livres sterling, soit un coût total de 340 millions de livres sterling.

(121) Les normes SOLAS sont applicables à tous les navires (anciens et nouveaux) en service sur les liaisons internationales. Le coût de mise en conformité aux normes ne représenterait un coût additionnel que si un transbordeur était transféré d'une route intérieure sur laquelle il n'est pas tenu de répondre aux normes SOLAS.

(122) Les parties reconnaissent que les investissements nécessaires dans des transbordeurs "sont manifestement substantiels et ne vont pas sans risque". Bien que le risque soit, selon les parties, limité par le fait que les transbordeurs pourraient être utilisés sur d'autres routes et auraient une valeur de revente, le fait de transférer ou retransférer des transbordeurs vers d'autres routes peut aussi occasionner des coûts.

(123) Les parties considèrent aussi que le fait que les trois autres opérateurs présents sur le marché ont tous investi dans de nouveaux navires montre que les coûts et les risques liés à un tel investissement ne constituent pas une barrière à l'entrée insurmontable. On ne peut, cependant, comparer utilement les coûts et les risques auxquels est confronté un nouveau venu potentiel aux investissements réalisés par un opérateur en place pour accroître sa capacité ou améliorer le service offert. Contrairement à un acteur existant qui se doterait, par exemple, d'un quatrième navire, un nouveau venu introduirait, pour atteindre l'échelle d'exploitation minimale, une masse de capacités nouvelles relativement importante par rapport au marché, ce qui rendrait les représailles plus probables et augmenterait ainsi le risque lié à l'entrée.

(124) Un nouveau venu devrait établir une structure commerciale. Les parties considèrent que le coût de la commercialisation pourrait varier entre 1 million et 2 millions de livres sterling par an. Au moins pendant la période de démarrage, les dépenses publicitaires rapportées aux ventes seraient probablement supérieures à la moyenne du secteur. Les coûts de commercialisation seraient moins élevés dans l'hypothèse où le nouveau venu est un exploitant de transbordeurs existant, dont la structure commerciale est déjà en place et dont le nom est connu.

(125) La création de l'entreprise commune ne devrait pas, en soi, modifier les coûts financiers (afférents tant aux transbordeurs qu'aux activités de commercialisation et de vente) liés à l'entrée sur le marché.

(126) En conclusion, les compagnies qui ne sont pas déjà présentes dans le secteur des transbordeurs se heurtent à des barrières à l'entrée que l'on peut considérer comme élevées, ce qui rend de telles entrées improbables. Les barrières à l'entrée seraient moindres pour un exploitant de transbordeurs existant, qui pourrait mettre en service sur le marché en cause des navires provenant d'autres routes et répondant déjà aux nouvelles normes de sécurité. Pour un tel opérateur, les coûts d'entrée se limiteraient aux coûts des transformations éventuellement nécessaires pour adapter le navire à un service à courte distance, ainsi qu'aux frais de commercialisation et de vente. Si une entrée devait avoir lieu, elle se ferait selon toute vraisemblance par le rachat d'un opérateur existant ou la création avec lui d'une entreprise commune (comme ce fut le cas pour Holyman Sally).

8.4. Conclusion quant au risque de création d'un duopole

(127) La Commission considère que les caractéristiques du marché font que l'entreprise commune et Eurotunnel devraient normalement se faire concurrence plutôt que d'augmenter les prix en parallèle. Premièrement, bien que la création de l'entreprise commune renforce la concentration sur le marché, Eurotunnel et l'entreprise commune détenant des parts considérables et d'un niveau comparable, on constate par ailleurs que la répartition des parts de marché n'a pas été stable au cours des dernières années. Deuxièmement, il est peu probable qu'Eurotunnel et l'entreprise commune soient toutes deux confrontées à des problèmes importants d'in suffisance des capacités et il s'agit d'opérateurs dont les structures des coûts sont différentes. Troisièmement, jusqu'en 1999 tout au moins, d'autres exploitants de transbordeurs devraient constituer une source de concurrence. L'entreprise commune devrait donc être confrontée à une concurrence effective sur le marché du trafic de tourisme à courte distance. La Commission considère par conséquent que la quatrième condition prévue à l'article 85, paragraphe 3, est remplie.

(128) La suppression des concessions hors taxes à la mi-1999 modifiera sensiblement les conditions du marché. Les effets de la perte du revenu généré par les ventes hors taxes sont difficiles à prévoir. Il semble probable que les prix des billets augmenteront (14), certains opérateurs ayant même envisagé une augmentation probable de l'ordre de 30 à 40 % (15). Les hausses de prix auraient cependant pour effet de diminuer le nombre de passagers en voyage d'agrément et les opérateurs ont tout intérêt à limiter les éventuelles augmentations de prix en réduisant les coûts et à développer d'autres sources de revenu.

(129) La suppression des concessions hors taxes peut provoquer un effet en chaîne sur la concurrence entre l'entreprise commune et Eurotunnel de l'une ou plusieurs des façons suivantes. Premièrement, Eurotunnel pourrait voir son service touristique Le Shuttle confronté à des insuffisances de capacité si la demande de voyages transmanche devait connaître une augmentation supérieure à ses prévisions, et cela malgré les augmentations des prix pouvant résulter de la perte du revenu généré par les ventes hors taxes. Deuxièmement, si les opérateurs ne réussissent pas à développer des sources de revenu susceptibles de remplacer les ventes hors taxes, ils seront moins portés à maximiser les coefficients de remplissage pour accroître les recettes. Troisièmement, on ne peut savoir avec certitude dans quelle mesure les autres exploitants de transbordeurs livreront une concurrence effective à l'entreprise commune et à Eurotunnel après 1999.

(130) En conséquence, la Commission considère qu'il convient, en l'espèce, de limiter la durée de l'exemption à une période de trois ans à compter de la date de mise en œuvre de l'accord, c'est-à-dire le 10 mars 1998. Cela permettra à la Commission d'apprécier l'incidence de l'entreprise commune sur le marché du trafic de tourisme transmanche de courte distance après la saison d'été 2000, donc à un moment où tous les effets de la suppression des concessions hors taxes sur les conditions du marché devraient être connus.

9. Article 85, paragraphe 3 - Le marché anglo-continental du fret

(131)L'entreprise commune ne risque pas d'éliminer la concurrence sur ce marché et les autres conditions d'exemption prévues à l'article 85, paragraphe 3, sont remplies.

9.1. Améliorer la production ou la distribution des produits, ou promouvoir le progrès technique ou économique

(132) La création de l'entreprise commune aura des effets bénéfiques, notamment des fréquences plus élevées, le chargement continu et les économies de coûts qui devraient en résulter. Les utilisateurs des services de fret devraient en tirer profit.

9.2. Réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte

(133) Les utilisateurs de services de fret devraient bénéficier de l'amélioration des fréquences et du chargement continu et ils devraient tirer profit des économies de coûts dans la mesure où l'entreprise commune sera confrontée à une concurrence effective.

9.3. Sans imposer aux entreprises des restrictions qui ne sont pas indispensables

(134) Comme on l'a constaté au considérant 65, des formes moins poussées de coopération, telles que la fixation des horaires en commun, l'interligne ou les accords de pool, ne permettraient vraisemblablement pas d'obtenir les bénéfices qui devraient résulter de l'entreprise commune. Aucune forme de coopération plus limitée qu'une entreprise commune ne permettrait, en particulier, de réaliser les économies escomptées dans les domaines de l'administration et de la commercialisation.

9.4. Sans éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause

(135) Le marché du transport de marchandises entre l'Angleterre et le continent se caractérise par une forte concurrence par les prix, de faibles barrières à l'entrée et la puissance d'achat par des gros clients. L'entreprise commune sera confrontée à la concurrence d'autres opérateurs, dont Eurotunnel, Sea France et les services conservés par les parties. La concurrence sur le marché anglo-continental du fret ne sera donc pas éliminée.

10. Conclusions

(136)Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission considère que le projet d'entreprise commune notifié par les parties tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, mais qu'il peut bénéficier d'une exemption en application de l'article 85, paragraphe 3.

(137) Conformément à l'article 13 du règlement (CEE) n° 4056-86, toute décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, devrait indiquer pour quelle période elle est applicable ; cette période ne devrait pas, en règle générale, être inférieure à six ans. En l'espèce, l'exemption devrait prendre effet à la date de mise en œuvre de l'accord et, pour les raisons indiquées aux considérants 128, 129 et 130, sa durée devrait être limitée à trois ans,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité, les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, sont déclarées inapplicables, pour la période allant du 10 mars 1998 au 9 mars 2001, à la création de l'entreprise commune P& O Stena Line telle qu'elle a été notifiée à la Commission par The Peninsular and Oriental Steam Navigation Company et Stena Line Limited.

Article 2

- The Peninsular and Oriental Steam Navigation Company 78 Pall Mall Londres SW1Y 5EH Royaume-Uni

et

- Stena Line Limited Charter House

Park Street

Ashford Kent TN24 8EX Royaume-Uni

sont destinataires de la présente décision.

(1) JO L. 378 du 31.12.1986, p. 4. (2) JO C 80 du 13.3.1997, p. 3. (3) JO C 39 du 6.2.1998, p. 21. (4) Voir note 2 de bas de page. (5) Voir note 3 de bas de page. (6) Dans la version de la présente décision destinée à la publication, certains éléments ont été omis pour des raisons de confidentialité. (7) Décision 94-663-CE de la Commission (JO L. 259 du 7.10.1994, p. 20), considérants 20 à 27. (8) Décision 94-894-CE de la Commission (JO L. 354 du 31.12.1994, p. 66), considérants 64 à 66. (9) Voir décision 97-84-CE de la Commission (JO L. 26 du 29.1.1997, p. 23), Compagnies de ferries - Surtaxes monétaires, considérant 5. (10) Voir note 8 de bas de page. Aux fins de cette décision, la Commission a considéré que, géographiquement, le marché des transports de marchandises en cause était limité aux services entre l'Angleterre et la France, la Belgique et les Pays-Bas. (11) Voir sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 décrivant l'effet que des pratiques restrictives concernant les transports maritimes internationaux peuvent avoir sur les ports de la Communauté. (12) Décision 94-19-CE de la Commission : Sea Containers contre Stena Sealink, considérants 11 et 13 (JO L. 15 du 18.1.1994, p. 8). (13) Notamment en raison du fait que si deux entreprises ont la même fonction de coût marginal, en fixant le coût correspondant à la maximisation du profit à un niveau où le coût marginal équivaut au revenu marginal, elles arrivent indépendamment l'une de l'autre à un prix qui maximise les bénéfices communs. Si les coûts marginaux diffèrent et que les écarts de prix entre les deux entreprises ne sont pas soutenables, elles éprouveront des difficultés à s'entendre sur un prix. Voir Scherer and Ross, Industrial Market Structure and Economic Performance, troisième édition, p. 238 à 244. (14) Voir, par exemple, les commentaires du directeur général de P& O Stena Line, M. Russ Peters : "Avec la suppression des ventes hors taxes, les prix augmenteront, mais ils devront toujours correspondre à un prix du marché que les gens sont disposés à payer" (Lloyd's List, 24 avril 1998). (15) Les propos suivants du président-directeur général de Sally, M. Bill Moses, ont été rapportés par la presse : "Il va falloir remplacer des dépenses moyennes à bord d'environ 18 livres sterling par passager et je pense qu'il faudra augmenter les prix du passage de pas moins de 45 %" (Lloyd's List, 23 mai 1998) ; le directeur général de SeaFrance, M Robin Wilkins, aurait prévu, pour sa part, que "les passagers devront payer 30 % de plus pour traverser la Manche lorsque les ventes hors taxes seront supprimées" (Lloyd's List, 5 mai 1998).