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Décisions

CCE, 25 novembre 1998, n° M.1225

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Enso/Stora

CCE n° M.1225

25 novembre 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), et notamment son article 57, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision prise par la Commission, le 31 juillet 1998, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), considérant ce qui suit :

(1) Le 18 juin 1998, la Commission a reçu la notification, en vertu de l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 (ci-après dénommé "règlement sur les concentrations"), d'un projet de fusion complète entre Enso Oyj ("Enso") et Stora Kopparbergs Bergslags AB ("Stora"). La société issue de la fusion aura pour raison sociale Stora Enso Oyj ("Stora Enso").

(2) Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relevait du règlement sur les concentrations. Le 31 juillet 1998, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

I. LES PARTIES

(3) Enso est un groupe industriel opérant dans le secteur forestier, notamment dans les produits à base de fibres de bois. Ses activités comprennent l'approvisionnement en bois, la fabrication de papier et de carton, la fabrication de pâte à papier et l'exploitation de scieries. Enso opère également dans le secteur du négoce. La société a son siège social en Finlande, où se situent ses principales activités. Enso possède aussi des sites de production dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne et dans les Etats baltes, ainsi qu'en Asie.

(4) Stora est un groupe industriel exerçant des activités, notamment dans le secteur forestier. Stora produit de la pâte à papier, du papier et du carton et exploite également des scieries. Le groupe a son siège social en Suède, où se situent ses principales activités. Il possède également des sites de production dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne, ainsi qu'au Canada.

II. L'OPERATION

(5) L'opération est une "fusion entre pairs" et sera réalisée au moyen d'une offre publique d'achat des actions de Stora, annoncée le 2 juin 1998, au terme de laquelle les actionnaires de Stora recevront de nouvelles actions Enso.

(6) A la suite de cette OPA, Stora deviendrà une filiale à 100 % d'Enso. Les deux principaux actionnaires de Stora Enso seront l'Etat finlandais, avec environ 17,6 % des parts et 21 % des droits de vote, et Investor AB, actuellement le principal actionnaire de Stora, avec environ 10,6 % des parts et 11,3 % des droits de vote.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(7) Enso et Stora ont un chiffre d'affaires mondial total supérieur à 5 000 millions d'écus (Enso : 4 976,3 millions d'écus ; Stora : 5 139,7 millions d'écus). Chacune d'entre elles réalise dans la Communauté un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'écus (Enso : [...] (*) millions d'écus ; Stora : [...] * millions d'écus), mais aucune ne réalise plus des deux tiers du total de son chiffre d'affaires communautaire dans un seul Etat membre. L'opération notifiée a donc une dimension communautaire, mais ne constitue pas un cas de coopération relevant de l'accord EEE.

(*) Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles ; ces parties ont été mises entre crochets et signalées par un astérisque.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Marchés de produits en cause

Généralités

(8) Selon les parties, les marchés horizontaux en cause sont les suivants : papier journal, papier pour magazines, papiers fins, matériaux pour carton ondulé, emballages pour produits de consommation et pâte à papier.

(9) Les activités des parties dans le domaine des matériaux pour carton ondulé ne se chevauchent que de façon limitée. Il existe deux types de matériaux pour carton ondulé : le papier à canneler, qui est la couche intermédiaire du carton ondulé, et les doublures, qui sont les couches de carton lisse collées de chaque côté du papier à canneler. Ces matériaux sont utilisés pour fabriquer le carton ondulé et, par la suite, les boîtes et conteneurs en carton ondulé, qui sont utilisés essentiellement pour les emballages de transport. Le seul chevauchement entre les activités des parties dans ce secteur intervient au stade de la production et de la vente de papier à canneler à des transformateurs indépendants. Stora détient une part de marché de 2,1 % dans l'EEE, se situant loin derrière des groupes internationaux comme SCA (11,9 %) et Jefferson Smurfit (10,6 %). La part d'Enso sur le marché des matériaux pour carton ondulé est négligeable. Par conséquent, ce marché ne fera pas l'objet d'un examen plus approfondi.

(10) Tant Enso que Stora produisent de la pâte à papier. La société issue de la fusion détiendra environ 20,6, % du marché de la production de pâte à papier dans l'EEE, son principal concurrent en détenant 15,2 %. Une grande part de la pâte à papier produite par les parties est utilisée par celles-ci dans leurs propres unités de production de papier et de carton, mais ces ventes sont incluses dans les statistiques. On peut donc en conclure que la production de pâte à papier des parties, si l'on exclut la production "captive", ne leur permettra pas d'obtenir des parts de marché importantes ni dans l'EEE, ni au niveau mondial. Ce marché ne sera donc pas examiné plus en détail.

(11) Dans des décisions antérieures, la Commission avait identifié quatre sous-marchés pour les papiers fins. Il s'agissait des papiers non couchés contenant du bois, des papiers non couchés sans bois, des papiers couchés contenant du bois et des papiers couchés sans bois. La Commission a, jusqu'à présent, laissé en suspens la définition exacte du marché de produits (4). La définition précise peut également être laissée en suspens dans la présente affaire, car, quelle que soit la définition du marché considérée, il n'y aurait pas d'entraves sensibles à une concurrence effective ni dans l'EEE, ni dans une partie importante de celui-ci. C'est pourquoi, ce marché ne sera pas examiné plus en détail.

a) Papier journal

(12) Le papier journal est essentiellement utilisé pour la publication de journaux. La production de papier journal nécessite de la pâte mécanique ou de la pâte recyclée représentant au moins 65 % en poids. Il existe différentes qualités de papier journal, selon, par exemple, que le papier est fini ou calandré, blanc ou en couleur. La luminosité diffère selon la qualité.

(13) D'après les parties, les différences de qualité, de caractéristiques et de prix entre les différents types de papier journal ne suffisent pas à faire de chaque qualité un marché de produits distinct. C'est pourquoi, les parties considèrent le papier journal comme un marché de produits unique. D'après elles, il existe une forte substituabilité entre les différentes qualités, tant sur le plan de la demande que sur celui de l'offre, et la plupart des imprimeurs sont en mesure de traiter les différentes qualités sans devoir procéder à des ajustements coûteux sur leurs machines à imprimer.

(14) La Commission avait déjà examiné le papier journal dans une précédente décision (5), dans laquelle elle avait notamment relevé qu'il existait une forte substituabilité tant au niveau de la demande qu'à celui de l'offre, et que les différences de prix étaient faibles. La Commission avait donc considéré le papier journal comme un marché de produits unique. En outre, dans la présente affaire, même si le marché devait être subdivisé en marchés distincts, par exemple pour le papier journal amélioré et pour le papier journal standard, l'évaluation de l'opération notifiée ne s'en trouverait pas sensiblement modifiée. Par conséquent, aux fins de la présente affaire, le papier journal peut être considéré comme un seul marché de produits en cause.

b) Papier pour magazines

(15) Le papier pour magazines nécessite de la pâte à papier mécanique, chimique et recyclée, des produits chimiques, des charges et des pigments. Les parties ont identifié deux grandes qualités de papier pour magazines : le papier pour impression super-calandré avec bois non couché et le papier couché avec bois en bobines. Elles ont en outre subdivisé le papier couché en trois autres catégories : papier couché de faible grammage (LWC), papier couché de grammage moyen (MWC) et papier couché de grammage élevé (HWC). Les parties estiment que le papier couché sans bois en bobines est en concurrence avec le papier couché avec bois.

(16) D'après les parties, il existe une forte substituabilité sur le plan de la demande entre les différentes qualités de papier pour magazines. Toutefois, la réaction globale à l'enquête menée par la Commission indique que cette substituabilité est plus limitée. La décision sur le type de papier qui sera utilisé pour une publication dépend d'un certain nombre de critères, notamment le type de publication concerné, le groupe cible et le prix qu'il est disposé à payer, l'équilibre entre la qualité et le prix du papier, etc. En outre, les éditeurs ne changent pas souvent le type de papier utilisé pour leurs publications.

(17) Toutefois, il n'est pas nécessaire de définir le marché de produits en cause de façon plus précise, dans la mesure où même si des marchés plus restreints étaient pris en considération, l'évaluation de l'opération ne s'en trouverait pas affectée. Aux fins de la présente affaire, le marché de produits en cause sera donc le papier pour magazines.

c) Cartons d'emballage pour produits de consommation

(18) Dans le secteur des cartons d'emballage pour produits de consommation, il existe un vaste éventail de types et de qualités de carton. Les cartons sont fabriqués soit à partir de fibres entièrement vierges ou à partir d'un mélange de fibres vierges et recyclées. On distingue normalement quatre grandes catégories de cartons : les cartons pure pâte blanchis, les cartons pour boîtes pliantes, les cartons pure pâte non blanchis et les cartons gris blanchis sur une face. Les trois premières catégories sont fabriquées à partir de fibres vierges, alors que la dernière est produite à partir de fibres recyclées. La matière première produite est transformée en cartons, boîtes pliantes et gobelets, qui sont vendus à des fabricants de produits de consommation alimentaires et non alimentaires, comprenant des produits alimentaires non liquides et liquides, des cigarettes, des cosmétiques et des produits pharmaceutiques. Les cartons sont également utilisés, dans une mesure limitée, pour des applications graphiques.

(19) Les parties ont identifié deux marchés de produits en cause pour les cartons d'emballage de produits de consommation. La première catégorie comprend à la fois les cartons à base de fibres vierges et de fibres recyclées, c'est-à-dire les quatre catégories mentionnées au point précédent. Les parties appellent ce marché le "marché vierge et recyclé". Le second marché est celui des cartons à base de fibres vierges, qui comprend uniquement les cartons pure pâte, blanchis et non blanchis, et les cartons pour boîtes pliantes. Les parties appellent ce marché le "marché vierge".

(20) D'après les parties, le carton à base de fibres vierges peut être utilisé pour emballer les produits liquides et non liquides, alors que le carton à base de fibres recyclées ne peut être utilisé que pour l'emballage de produits non liquides. Le carton gris blanchi sur une face ne peut être utilisé que pour emballer certains produits liquides non alimentaires, tels que les détergents liquides. Toutefois, les parties estiment que ces volumes sont insuffisants pour justifier l'inclusion de ce type de carton dans le "marché vierge".

Substituabilité sur le plan de la demande

Pas de substituabilité entre les cartons à base de fibres vierges pour produits liquides et non liquides

(21) Les parties affirment qu'il existe une forte substituabilité sur le plan de la demande entre les différentes qualités de carton à base de fibres vierges, notamment en raison du fait que les matières premières et les techniques de fabrication sont les mêmes. Les parties reconnaissent que, pour chaque qualité, le carton est produit pour répondre aux spécifications définies par chaque transformateur et que ces spécifications sont, au moins en partie, fonction de l'usage auquel l'emballage est destiné. C'est pour cette raison, selon les parties, qu'il existe des différences dans les caractéristiques physiques des diverses qualités de carton, qui sont le résultat de différences dans les mélanges de pâtes à papier, le nombre de couches et les additifs chimiques utilisés. Néanmoins, selon les parties, les transformateurs sont en mesure de changer de qualité de carton en fibres vierges, et le font d'ailleurs fréquemment.

(22) Dans le domaine de l'emballage des produits liquides, les applications portent sur des produits finis tels que les emballages pour le lait et les jus de fruits. Les cartons sont remplis sur des machines de remplissage spéciales. Il existe deux grands types de systèmes d'emballage de produits liquides : les systèmes d'emballage aseptiques et les systèmes d'emballage de produits frais. Les emballages aseptiques ont une durée de conservation longue, puisqu'elle peut aller jusqu'à deux ans, alors que les emballages non aseptiques doivent être conservés au frais et n'ont une durée de conservation que de deux semaines au maximum.

(23) D'après les parties, la principale différence technique entre le carton utilisé pour emballer les produits liquides et celui utilisé pour tous les autres produits est l'application d'un enduit plastique ou d'une stratification en aluminium sur le carton. Si l'emballage est utilisé pour des liquides frais, le carton doit être enduit d'une couche plastique (en polyéthylène). Le carton utilisé pour l'emballage aseptique de liquides doit être stratifié. La stratification consiste à encoller un mélange d'aluminium et de plastique sur le carton. D'après les parties, les caractéristiques physiques du carton de base utilisé pour l'emballage de produits alimentaires liquides et d'autres produits sont pratiquement les mêmes. Par conséquent, les parties soutiennent que la possibilité d'utiliser le carton pour emballer des liquides résulte essentiellement de l'application de l'enduit plastique ou de la combinaison d'un enduit plastique et d'une stratification en aluminium. Les parties estiment que le rôle du fabricant de carton est donc limité à la production du carton de base, qui peut être utilisé pour emballer tant des produits liquides que des produits non liquides.

(24) Les réponses à l'enquête de la Commission ont toutefois montré que la finition du carton ne suffisait pas, à elle seule, pour produire du carton d'emballage de liquides, et que les spécifications imposées au carton de base lui-même étaient sensiblement différentes de celles des autres types de cartons à base de fibres vierges. Tant les acheteurs que les producteurs de carton pour l'emballage de liquides contactés par la Commission ont indiqué que l'emballage des liquides était une activité extrêmement exigeante et que les spécifications imposées pour plusieurs des caractéristiques des cartons d'emballage de liquides étaient plus strictes que pour les autres types de cartons à base de fibres vierges. D'une manière générale, le carton pour l'emballage de liquides doit répondre à de nombreux critères de performances, liés notamment à sa capacité à être utilisé dans une machine de remplissage et à garantir les meilleurs résultats possibles en termes d'emballage. Le carton doit résister à la lumière, à la fissuration et aux fuites. Il doit résister à l'humidité liée au processus de remplissage et doit répondre à des exigences particulières en matière de transportabilité du produit rempli, telles que le respect de la chaîne du froid pour les produits frais. Les résultats de l'enquête de la Commission seront examinés plus en détail ci-dessous.

(25) Lors de son enquête, la Commission a tout d'abord découvert que l'une des principales différences entre le carton pour l'emballage de liquides et le carton destiné à d'autres usages était que le premier devait avoir une résistance particulièrement élevée à l'absorption. Afin d'éviter toute pénétration du liquide, il est nécessaire de procéder à une opération de collage (6). La Commission a découvert que le collage devait être réalisé avec un soin particulier sur les cartons utilisés pour l'emballage de liquides.

Le collage est ajouté à la pâte avant que celle-ci ne soit introduite dans la caisse de tête de la machine à carton.

(26) Le carton pour l'emballage de liquides doit également répondre à des exigences plus strictes sur le plan bactériologique, sur le plan de la législation alimentaire et aussi sur le plan de l'environnement. L'industrie suit généralement les règles de la FDA américaine (7) et du BgVV allemand (8). D'après les clients, certaines directives communautaires (9) sont également applicables. D'après les clients et certains producteurs, les règlements applicables au conditionnement de liquides sont plus restrictifs que ceux prévus pour les produits non liquides et il leur semble qu'ils sont aussi plus difficiles à appliquer.

(27) Pour l'emballage aseptique de produits alimentaires, le carton doit être stérilisé. La stérilisation se fait généralement par traitement du carton avec du peroxyde (10). Le peroxyde est une substance agressive qui impose des exigences supplémentaires très strictes en matière de collage, puisque celui-ci devra être conçu de façon à rendre les fibres imperméables à la solution de peroxyde. A cet égard, le collage ne constitue pas, selon les clients et certains producteurs, une opération aussi délicate dans le cas des emballages pour produits alimentaires non liquides.

(28) L'enquête a également montré que la résistance à la fissuration constituait un paramètre plus sensible dans le cas du carton pour l'emballage de liquides que pour les autres types de cartons. La capacité du carton à être plié est également importante, dans la mesure où les liquides s'échapperont facilement à travers les plus petites fissures, ce qui n'est pas le cas avec des produits solides. Les fissures réduiront l'étanchéité au gaz de l'emballage et exposeront les matières non stérilisées, par exemple les fibres, ce qui peut entraîner la dissolution de matières non stériles dans les liquides. En outre, dans le cas des emballages aseptiques, la durée de conservation prolongée (jusqu'à deux ans) impose des exigences particulières en ce qui concerne le carton, dans la mesure où l'emballage devra être apte à ne pas se fissurer pendant toute la durée de conservation du produit.

(29) Des tiers ont également indiqué que les caractéristiques organoleptiques, telles que les odeurs, étaient plus difficiles à respecter dans le cas du carton pour l'emballage de produits alimentaires liquides que pour d'autres types de cartons. Les aliments liquides, notamment le lait, sont très sensibles à cet égard et absorberont facilement les odeurs, alors que les aliments solides résistent mieux aux matières non stériles que les aliments liquides.

(30) Les parties reconnaissent que l'emballage d'aliments liquides, constitue l'un des usages les plus exigeants pour le carton, et admettent l'importance des caractéristiques mentionnées aux considérants 25 à 29, auxquelles il doit répondre.Elles font néanmoins valoir qu'un certain nombre des exigences mentionnées ci-dessus s'appliquent également aux cartons utilisés pour l'emballage d'autres types de produits. Si la Commission admet que les exigences organoleptiques peuvent fort bien être les mêmes pour le carton utilisé pour l'emballage de cigarettes et de chocolat que pour celui destiné à l'emballage de liquides, il convient néanmoins de noter que ce dernier doit posséder certaines autres caractéristiques spécifiques, notamment la résistance à l'absorption des liquides. Pour aucun autre usage, le carton d'emballage des produits de consommation ne doit répondre à un tel ensemble d'exigences, et avec des tolérances aussi faibles.

(31) Compte tenu de ce qui précède, la Commission est parvenue à la conclusion que le carton pour l'emballage de liquides constitue, du point de vue de la substituabilité au niveau de la demande, un marché de produits en cause distinct de celui du carton destiné à l'emballage de produits non liquides.

Pas de substituabilité entre le carton pour l'emballage de liquides et les autres matériaux d'emballage

(32) D'après les parties, il existe une forte substituabilité sur le plan de la demande entre le carton utilisé pour l'emballage de produits liquides et les autres matériaux d'emballage, tels que le verre et le plastique. Toutefois, cette affirmation a été clairement démentie par les utilisateurs de carton d'emballage.

(33) Les clients des producteurs de carton d'emballage de liquides sont des transformateurs, tels que Tetra Pak, SIG Combibloc et Elopak, et non les clients finals, par exemple les laiteries. Or, les transformateurs ne sont pas en mesure de passer à d'autres matériaux d'emballage avec les systèmes de conditionnement actuels. Plus précisément, le remplacement du carton par d'autres matériaux ne constituerait pas une solution viable, compte tenu notamment des techniques de production et des équipements utilisés actuellement. Tout changement du produit d'emballage nécessiterait des investissements importants pour transformer les machines de remplissage et d'emballage actuelles. C'est pourquoi, les utilisateurs de carton pour l'emballage de liquides ne peuvent pas changer sans cesse de matériau d'emballage (carton, plastique et verre) pour répondre à des mouvements de prix à court terme.

(34) Les parties font valoir qu'une modification de la demande des clients situés en aval dans la chaîne de distribution, par exemple les laiteries ou les détaillants, contraindrait les transformateurs à passer au plastique. Toutefois, la Commission estime que toute décision prise par un fabricant de produits alimentaires de passer d'un conditionnement en carton à un conditionnement en plastique, constituerait une opération globale. En d'autres termes, la décision de changement serait normalement prise pour l'ensemble de l'application et signifierait une modification durable de la demande. C'est pourquoi, la Commission pense que la demande de carton pour l'emballage de liquides ne pourra être affectée par le plastique qu'à long terme et de façon durable. Par conséquent, le plastique n'est pas considéré comme un substitut direct du carton pour l'emballage de liquides aux fins de la définition du marché de produits en cause.

(35) Les conclusions tirées dans la présente affaire sont conformes à des décisions antérieures (11) relatives au conditionnement de produits alimentaires et de boissons, dans lesquelles la Commission n'avait pas estimé que le marché de produits en cause comprenait l'ensemble des matériaux d'emballage.

(36) Compte tenu de ce qui précède, la Commission ne considère pas que les autres matériaux d'emballage appartiennent au même marché de produits en cause que le carton pour l'emballage de liquides.

Substituabilité sur le plan de l'offre

Pas de substituabilité entre les différents types de carton à base de fibres vierges pour l'emballage de produits liquides et non liquides

(37) Les parties affirment qu'il existe une forte substituabilité sur le plan de l'offre entre les différentes qualités de carton à base de fibres vierges, du fait notamment que ce sont les mêmes matières premières et les mêmes techniques de production qui sont utilisées. D'après les parties, le fait que la même machine puisse être utilisée pour la production de plusieurs types différents constitue une preuve de substituabilité sur le plan de l'offre. En outre, les parties font valoir qu'il n'existe pas d'entraves techniques importantes à la production de carton pour l'emballage de liquides et que les autres producteurs de carton à base de fibres vierges seraient en mesure de produire du carton pour l'emballage de liquides.

(38) L'enquête a montré qu'il était effectivement théoriquement possible, d'un point de vue technique, de produire différentes qualités de carton à base de fibres vierges sur la même machine. Toutefois, elle a également montré qu'il existait un degré élevé de spécialisation parmi les fournisseurs, notamment pour certains types particuliers de carton pour l'emballage de liquides. Les principaux producteurs de carton ont tendance à se spécialiser dans certaines catégories d'utilisation finale, soit pour des raisons stratégiques, soit parce qu'ils ont l'habitude de produire pour certains transformateurs. Tant les parties que les clients ont confirmé que la raison à l'origine de la rationalisation de l'utilisation des machines à carton était qu'elle permettait d'éviter les coûts de passage à d'autres productions et, par conséquent, de réaliser des économies d'échelle [...] *.

(39) L'enquête a également montré que le passage à la production de nouvelles qualités de carton pour l'emballage de liquides n'était pas simple et prenait du temps, même pour les producteurs ayant une bonne expérience dans ce domaine. Par exemple, d'après les utilisateurs de carton pour l'emballage de liquides, trouver un nouveau producteur capable de produire un nouveau type de carton nécessiterait des procédures complexes de planification, de développement, de test, de production à l'essai et de tests en situation réelle, avant que la production commerciale puisse être lancée. D'après les clients, un tel processus pourrait prendre jusqu'à trente-six mois. Il n'y a aucune raison de penser que les délais nécessaires pour lancer la production commerciale d'un type donné de carton pour l'emballage de liquides seraient plus courts pour un producteur actuel de carton d'emballage de produits non liquides, dans la mesure où il devrait passer par les mêmes étapes. Les parties font valoir qu'un producteur qui n'a jamais fabriqué de carton pour l'emballage de liquides pourrait commencer la production commerciale de ce type de produit dans un délai de douze à dix-huit mois. L'enquête de la Commission a en outre montré que les producteurs actuels de carton pour l'emballage de produits non liquides ne pourraient passer à un autre type de production qu'à un coût très élevé.

(40) Il faut conclure de ce qui précède qu'une réaction rapide sur le plan de l'offre ne serait pas possible. Par conséquent, la Commission estime qu'il n'y a pas substituabilité au niveau de l'offre dans la définition du marché, mais choisit au contraire de considérer ces éléments dans le cadre de la concurrence potentielle (voir ci-dessous).

Conclusion

(41) En raison de la faible substituabilité sur le plan de la demande entre le carton pour l'emballage de produits liquides et non liquides et les autres matériaux d'emballage, et de la faible substituabilité sur le plan de l'offre entre le carton pour l'emballage de produits liquides et non liquides, le marché de produits en cause aux fins de la présente affaire sera celui du carton pour l'emballage de liquides.

(42) En ce qui concerne le carton pour l'emballage de produits non liquides, il ne peut être exclu qu'il faille également inclure dans cette catégorie le carton à base de fibres recyclées. En outre, il n'est pas inconcevable qu'une subdivision supplémentaire en fonction des différentes applications, telles que les cartons pour cigarettes, gobelets, cosmétiques, applications graphiques, etc., soit justifiée. Toutefois, ces questions peuvent être laissées en suspens, dans la mesure où l'opération n'entraînerait pas la création ou le renforcement d'une position dominante, même si l'on retenait la définition du marché la plus étroite possible, dans le secteur du carton pour l'emballage de produits non liquides.

Marchés géographiques en cause

a) Papier journal

(43) D'après les parties, le marché géographique en cause pour le papier journal est de dimension mondiale. Elles font valoir que le papier journal est un produit qui s'échange au niveau international et que les importations et les exportations vers et à partir de l'EEE sont importantes. Elles estiment que la majorité des clients s'approvisionne auprès de fournisseurs tant nationaux qu'internationaux, sans tenir compte de leur implantation réelle. Enfin, elles affirment qu'il n'y a pas de différences sensibles de prix d'un continent à l'autre et qu'il n'y a pas non plus d'entraves particulières aux échanges.

(44) Dans des affaires antérieures (12), la Commission avait estimé que dans le secteur du papier journal, la concurrence intervenait au moins au niveau de l'EEE. Dans une affaire récente concernant le producteur canadien Abitibi Consolidated, la Commission avait découvert des indices probants de l'existence d'un marché s'étendant à l'EEE (13). L'enquête réalisée par la Commission dans la présente affaire confirme la thèse selon laquelle le marché s'étend plutôt à l'EEE qu'à l'ensemble du globe. Les importations de papier journal vers l'EEE, notamment, ont été faibles et relativement stables au cours des dix dernières années. En 1997, elles ont été de 744 000 tonnes, soit 7,6 % seulement de la consommation, et elles provenaient essentiellement du Canada et, dans une mesure moindre, de Russie et des Etats-Unis d'Amérique (14).

(45) Les observations transmises par les acheteurs de papier journal montrent que la situation des usines de production par rapport à celle de l'imprimerie constitue un facteur important et que, d'une manière générale, les importations provenant de pays situés hors d'Europe ont été négligeables. Les droits et le coût du transport sont considérés comme un facteur d'augmentation du prix du papier journal et une barrière à l'approvisionnement hors d'Europe. En outre, les qualités utilisées dans l'EEE ne sont pas exactement les mêmes que celles produites en Amérique du Nord. Il y a, par exemple, quelques importations en provenance du Canada, mais la qualité du produit est jugée inférieure à la qualité européenne et "bon marché". En ce qui concerne les importations en provenance de Russie, les clients ont déclaré que la qualité fournie n'était pas adéquate pour eux. Enfin, ils ont également déclaré que l'évolution des prix n'indiquait pas que l'Amérique du Nord et l'EEE se situaient sur le même marché géographique en cause, dans la mesure où les prix, selon eux, peuvent varier très fortement d'un continent à l'autre.

(46) Les parties ont fait valoir que, en cas de surcapacité temporaire et, de ce fait, d'offre excédentaire dans d'autres parties du monde, ces excédents seraient proposés à la vente sur le marché de l'EEE. D'après elles, cela indique qu'il existe bien un marché mondial. Or, la Commission pense, quant à elle, que de telles ventes n'indiquent pas nécessairement qu'il y ait un marché mondial. En outre, au stade actuel de son enquête, rien ne prouve qu'un tel phénomène se soit jamais produit, et l'argument des parties semble donc purement hypothétique.

(47) C'est pourquoi, compte tenu de ce qui précède et aux fins de la présente décision, le marché géographique en cause pour le papier journal ne sera pas considéré comme s'étendant au-delà des frontières de l'EEE.

b) Papier pour magazines

(48) D'après les parties, il existe des exportations substantielles à partir de l'EEE. Elles considèrent donc que le marché du papier pour magazines est de dimension mondiale.

(49) Les exportations à partir de l'EEE représentent, selon les parties, environ 13 % de la production totale. Toutefois, les importations sont actuellement limitées et la part des importations dans l'EEE est négligeable. Dans une précédente décision (15), la Commission avait défini le marché géographique en cause comme s'étendant au moins à l'EEE. Les informations obtenues de tiers confirment que c'est également le cas dans la présente affaire.

(50) C'est pourquoi, compte tenu de ce qui précède et aux fins de la présente affaire, le marché géographique en cause pour le papier pour magazines sera considéré comme s'étendant au moins à l'EEE.

c) Carton pour l'emballage de produits non liquides

(51) Tout semble indiquer que le marché du carton pour l'emballage de produits non liquides s'étend au moins à l'EEE. Toutefois, il n'est pas nécessaire de définir ce marché aux fins de la présente affaire, dans la mesure où l'opération n'entraînerait pas la création ni le renforcement d'une position dominante, même si la définition la plus étroite possible du marché était retenue.

d) Carton pour l'emballage de liquides

(52) D'après les parties, les courants d'échanges mondiaux dans le secteur du carton pour l'emballage de liquides sont importants et elles estiment donc que le marché géographique en cause est de dimension mondiale.

(53) Les parties estiment que le niveau élevé des exportations à partir de l'EEE indique l'existence d'un marché mondial. Elles citent en exemple leurs propres exportations de carton pour l'emballage de liquides, qui se sont élevées à environ [20 à 30 %] * de leur production totale en 1997. Toutefois, l'importance des exportations de carton par les parties ne peut pas, à elle seule, être considérée comme la preuve de l'existence d'un marché mondial. D'après les informations fournies par les parties, les exportations totales à partir de l'EEE ont représenté seulement 10 % environ du marché total en 1997. Il convient de noter que, dans le cas du carton pour l'emballage de liquides, les exportations sont essentiellement destinées à l'Asie, où il n'y a pratiquement aucune production de ce type de carton.

(54) Les parties font valoir que les acheteurs de carton pour l'emballage de liquides importent des quantités importantes d'Amérique du Nord. D'après les informations fournies par les parties, les importations totales de carton pour l'emballage de liquides d'Amérique du Nord vers l'Europe de l'Ouest ont représenté environ 8 % du marché total en 1997. Les importations sont inégalement réparties entre les acheteurs, dans la mesure où certaines sociétés achètent des quantités substantielles et d'autres pratiquement rien. Si cela peut sembler indiquer que les importations ne sont pas excessivement coûteuses ni difficiles, la Commission a également découvert que c'était plutôt pour des raisons stratégiques que du carton était importé d'Amérique du Nord.

(55) Les parties font également valoir que dans sa décision 92-163-EEC (16) (Tetra Pak II), la Commission a admis que dans le secteur du carton pour l'emballage de liquides, la concurrence se déroulait au niveau mondial. Toutefois, dans la décision en question, ce n'était pas le marché du carton pour l'emballage de liquides qui faisait l'objet de l'enquête de la Commission, mais le marché situé en aval. En outre, le marché géographique en cause n'a pas été défini explicitement dans cette décision, et la Commission n'a pas non plus examiné des facteurs tels que les importations/exportations, les droits ou les barrières non tarifaires aux échanges. Voilà pourquoi la Commission ne peut accepter l'allégation des parties selon laquelle elle aurait déjà admis que le marché géographique en cause était de dimension mondiale.

(56) L'opinion générale exprimée par les clients est que les approvisionnements hors d'Europe ne sont pas intéressants, en raison des droits, du coût du transport et des réglementations environnementales en vigueur dans certains Etats membres. Le coût des fibres est plus faible en Amérique du Nord que dans l'EEE. Toutefois, les droits sur les importations de carton pour l'emballage de liquides se situent actuellement entre 4 et 6,6 %. Ils seront éliminés progressivement d'ici fin 2003. En outre, d'après les informations fournies par les parties, le coût du transport à partir des Etats-Unis d'Amérique est supérieur de plus de [5 à 15 %] *, ce qui se traduit par un accroissement supplémentaire des prix d'environ [1 à 5 %] * par tonne.

(57) La Commission a également constaté que les qualités de carton vendues dans l'EEE avaient été conçues pour répondre à certaines exigences environnementales, ce qui n'est pas nécessairement le cas hors d'Europe. En ce qui concerne le carton pour l'emballage de liquides, la Commission a observé, au cours de son enquête, qu'il existait des différences considérables entre les types vendus aux Etats-Unis d'Amérique et dans l'EEE. Les fournisseurs américains produisent une qualité qui n'est utilisée que de façon limitée en Europe, notamment en raison de son poids supérieur à celui des qualités européennes. Cet aspect présente de l'importance dans les Etats membres où la réduction des déchets constitue une question environnementale de poids, par exemple en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Scandinavie. En Allemagne et aux Pays-Bas, notamment, les règlements environnementaux sont basés sur le poids du carton. En Allemagne, le "DSD Duales System Deutschland" perçoit une taxe de recyclage par kilogramme de carton. Aux Pays-Bas, le "Integratiecovenant Verpakkingen" impose une réduction à la source de tous les emballages, y compris le carton, de 10 % d'ici 2001. La réduction à la source vise à réduire le poids du carton tout en maintenant les mêmes exigences de qualité. Dans ces deux cas, l'utilisation de carton américain présentera des inconvénients sur le plan économique. D'après les données fournies par les parties, le carton nord-américain vendu dans l'EEE est plus cher au mètre carré.

(58) La structure de la demande, alliée aux droits et à la réglementation environnementale dans l'EEE, rend difficiles les exportations de produits américains vers l'EEE, même s'il semble que le coût des fibres soit inférieur pour les producteurs américains par rapport à ceux de l'EEE. Le fait que les importations en provenance des Etats-Unis aient été stables au cours des sept dernières années, se situant à moins de 10 % de la consommation totale de l'EEE, confirme ces difficultés. Enfin, l'enquête de la Commission a mis en évidence le fait que les approvisionnements en Europe de l'Est étaient en général considérés comme non viables, en raison de la qualité inférieure du carton. Il n'y a actuellement pas d'importations de carton pour l'emballage de liquides en provenance d'Europe de l'Est.

(59) Compte tenu du niveau relativement faible des importations, des droits, des coûts de transport, des barrières non tarifaires dans le domaine de la législation sur l'environnement et du fait qu'il existe une structure de l'offre différente en Amérique du Nord, en Europe de l'Est et dans l'EEE, la Commission estime que le marché géographique en cause en ce qui concerne le carton pour l'emballage de liquides ne s'étend pas au-delà de l'EEE.Certains des facteurs examinés ci-dessus, tels que la suppression progressive des droits de douane, peuvent signifier que le marché s'élargira peu à peu. Toutefois, ces facteurs ne sont pas suffisants pour prouver avec certitude, à l'heure actuelle, que le marché s'étend au-delà de l'EEE. Néanmoins, le rôle joué par les importations provenant de pays situés hors de l'EEE sera examiné dans la partie de l'appréciation consacrée à la concurrence potentielle.

V. APPRECIATION

a) Papier journal

Concurrence actuelle

(60) Les parties estiment la consommation totale de papier journal dans l'EEE à 9,7 millions de tonnes. Leur part de marché cumulée dans l'EEE est estimée à [20 à 30 %] * (Enso : [10 à 15 %] * ; Stora : [10 à 15 %] *). Les parties n'ont pas été en mesure d'indiquer les parts de marché de leurs concurrents calculées sur la base des ventes, ni en volume, ni en valeur. En revanche, elles ont pu fournir les parts concernant la capacité installée dans l'EEE. A l'aide des chiffres confidentiels fournis par les principaux concurrents des parties, la Commission a pu vérifier que les parts relatives à la capacité reflétaient, dans une large mesure, les parts en termes de ventes. En outre, les statistiques publiées par la Confédération des industries papetières européennes (CEPI) confirment que la capacité globale et la consommation sont, dans l'ensemble, équilibrées dans l'EEE. Compte tenu de tous ces éléments, le tableau repris ci-dessous représente donc la position relative des principaux fournisseurs dans l'EEE.

EMPLACEMENT TABLEAU

Il convient de noter qu'il existe un certain nombre de fournisseurs de moindre importance dans l'EEE, tels que SCA, Myllykoski, Palm, etc. En outre, les importations de papier journal dans l'EEE, essentiellement en provenance du Canada et de Russie, ont représenté environ 7,6 % de la consommation en 1997.

(61) Ainsi qu'il ressort de ce qui précède, l'offre de papier journal semble très concentrée. Les six principaux producteurs représentent environ 75 % de la capacité. Le plus important des petits producteurs représente moins de 5 % de la capacité et sa taille est inférieure de plus de la moitié à celle du plus petit des six grands producteurs.

(62) Les concurrents n'ont exprimé aucune préoccupation par rapport à l'opération en cause. Un certain nombre de clients se sont déclarés en général assez préoccupés par la tendance à une concentration dans le secteur du papier journal, mais sans exprimer de préoccupations particulières à propos de la présente concentration.En outre, certains d'entre eux ont même indiqué qu'ils estimaient que le marché était actuellement manipulé.

(63) Dans la présente affaire, la Commission a observé que la concurrence entre les six principaux fournisseurs présentait une importance cruciale pour la situation générale du marché.Du côté de la demande, on trouve quelques très gros acheteurs, tels que le groupe Murdoch et les éditions Axel Springer, ainsi qu'un grand nombre de petits et moyens acheteurs. D'après les parties, les principaux clients représentent environ [25 à 35 %] * du marché. Certains des plus importants d'entre eux achètent des volumes de papier journal qui correspondent à la capacité totale de certains des grands producteurs.

(64) Pour les fournisseurs, les plus gros acheteurs représentent une source de stabilité, et donc de sécurité, dans la mesure où si un fournisseur perd, en totalité ou en partie, un gros client, il aura beaucoup de mal à faire tourner ses installations à pleine capacité. Les fournisseurs sont donc très sensibles à la perte des gros clients. Par ailleurs, pour les plus gros acheteurs, les six grands fournisseurs constituent en réalité la seule source d'approvisionnement. Cela a été mis en évidence par l'enquête de la Commission, qui a montré que les gros clients s'approvisionnent essentiellement auprès des grands producteurs, et considèrent en fait ces sociétés comme leurs seuls fournisseurs réels ou potentiels.

(65) Les conditions obtenues lors des négociations contractuelles entre les gros clients et les six grands fournisseurs ont des répercussions importantes sur le reste du marché, essentiellement parce que ces six fournisseurs détiennent 75 % du marché, mais également en raison simplement de la taille de ces acheteurs et des volumes qu'ils commandent. De ce fait, les négociations contractuelles entre les fournisseurs et les gros clients jouent un rôle déterminant dans le fonctionnement du marché du papier journal. Les six plus grands fournisseurs (UPM-Kymmene, Enso, Stora, Norske Skog, MoDo et Haindl) constituent un oligopole de fait et la concurrence entre les membres de cet oligopole pour les gros contrats est d'une importance cruciale pour la situation globale du marché.Par conséquent, il y ad bonnes raisons de penser que si l'oligopole réussissait à accroître les prix facturés aux principaux clients, cela se traduirait par une augmentation du niveau général des prix sur le marché. La Commission a donc examiné si l'opération était susceptible d'entraîner la création ou le renforcement d'une position dominante oligopolistique.

Position dominante oligopolistique

(66) Dans sa décision 97-26-CE (17) (Gencor/Lonrho), la Commission a déclaré ceci : "Les effets défavorables qui découlent d'une position dominante qui serait détenue par une seule entreprise sont identiques dans le cas d'une position dominante détenue par un oligopole. Un tel cas de figure peut se produire lorsque les membres d'un oligopole, en s'adaptant simplement aux conditions du marché, adoptent un comportement parallèle anticoncurrentiel, qui place l'oligopole en situation de position dominante. Il ne serait donc pas nécessaire que les membres de l'oligopole se livrent à une collusion active pour acquérir une position dominante et adopter un comportement indépendant, dans une large mesure, de celui de leurs autres concurrents, de leurs clients et, en fin de compte, des consommateurs".

(67) Dans la présente affaire, la Commission a découvert que les caractéristiques du marché du papier journal indiquaient qu'il s'agissait d'un marché sur lequel les membres de l'oligopole étaient peu incités à entrer en concurrence. Ce marché présente au contraire plusieurs des caractéristiques d'un marché oligopolistique anticoncurrentiel: il n'y a qu'une croissance modérée du côté de la demande, l'offre est fortement concentrée, le produit est homogène, les techniques de production sont arrivées à maturité, les barrières à l'entrée sont élevées et les structures de coûts sont semblables. La Commission a également noté que l'opération entraînerait une augmentation de 313 points dans l'indice de Herfindahl-Hirschman, ce qui constitue un changement important.

(68) Toutefois, après avoir procédé à un examen détaillé du marché, la Commission est parvenue à la conclusion que l'opération n'entraînerait pas la création ni le renforcement d'une position dominante oligopolistique.En effet, d'après les parties,le marché du papier journal n'est notamment pas transparent en ce qui concerne des paramètres importants tels que les livraisons et les prix. En ce qui concerne les prix, plus particulièrement, les rabais secrets accordés montrent bien que le marché manque de transparence. En outre, la Commission a noté qu'il y avait apparemment une certaine concurrence potentielle, notamment en provenance du Canada. Il semble également qu'il y ait une certaine puissance d'achat compensatrice chez les principaux acheteurs. C'est pourquoi, globalement, la Commission a estimé que le fait que l'oligopole ne comprenne plus six membres, mais cinq, n'était pas de nature à entraîner la création ou le renforcement d'une position dominante oligopolistique dans les circonstances actuelles.

b) Papier pour magazines

(69) Les parties évaluent la consommation totale de papier pour magazines dans l'EEE à 7,94 millions de tonnes. La part de marché cumulée des parties est estimée à [20 à 25 %] * (Enso : [5 à 10 %] * ; Stora : [5 à 10 %] *) . Les parties n'ont pas été en mesure de fournir les parts de marché de leurs concurrents calculées sur la base des ventes, ni en volume, ni en valeur. Elles ont en revanche pu fournir les parts relatives à la capacité installée dans l'EEE. Sur cette base, le tableau suivant représente la position relative des principaux producteurs dans l'EEE sur le plan de la capacité.

EMPLACEMENT TABLEAU

(70) Après la concentration, les deux principaux fournisseurs de papier pour magazines détiendraient 45 % de la capacité dans l'EEE et les trois principaux fournisseurs, environ 60 %.

(71) Pour les mêmes raisons que dans le cas du papier journal, la Commission a examiné la question de la position dominante oligopolistique pour le marché du papier pour magazines. Elle est parvenue à la conclusion, essentiellement pour les mêmes raisons qu'en ce qui concernait le papier journal, que la présente opération n'entraînera pas la création ni le renforcement d'une position dominante oligopolistique sur le marché du papier pour magazines.

c) Carton pour l'emballage de produits non liquides

(72) Sur ce marché, les parties n'obtiendraient qu'environ [25 à 35 %] * du marché dans l'EEE. Si le marché devait être subdivisé en marchés plus restreints pour des applications telles que les cigarettes, les gobelets, etc., il n'y aurait pas de chevauchements entre les parties, ou seulement des chevauchements limités pour certaines applications, dans la mesure où Stora et Enso produisent du carton pour l'emballage de produits de consommation non liquides qui n'est pas destiné exactement aux mêmes applications. Par conséquent, la concentration n'entraînera pas la création ni le renforcement d'une position dominante sur le marché du carton pour l'emballage de produits non liquides.

d) Carton pour l'emballage de liquides

Parts de marché

(73) Les parties n'ont pas été en mesure de fournir une estimation du marché total du carton pour l'emballage de liquides. La Commission estime la valeur du marché global des fibres vierges dans l'EEE à environ 2 à 2,5 milliards d'écus, dont le carton pour l'emballage de liquides constitue une partie substantielle.

(74) Le volume total du marché du carton pour l'emballage de liquides en 1997 a été, d'après l'estimation des parties, de 1 062 700 tonnes, en termes de livraisons. La Commission a vérifié l'estimation des parties à l'aide de chiffres confidentiels fournis par des tiers et en a conclu que ces chiffres la recoupaient en grande partie. Les parties ont estimé que leurs livraisons conjointes se situaient [entre 500 000 et 1 000 000 de tonnes] * en 1997. Elles détiendraient ainsi [de 50 à 70 %] * du marché du carton pour l'emballage de liquides, ce qui les placerait loin devant les autres acteurs sur ce marché. D'après les estimations des parties, la part de marché correspondante de Korsnaes serait de [10 à 20 %] * et celle de AssiDomaen de [10 à 20 %] *. La Commission a vérifié les estimations des parts de marché transmises par les parties à l'aide de chiffres de vente confidentiels fournis par les clients.

Concurrence potentielle

i) Barrières à l'entrée

(75) Les barrières à l'entrée sur le marché du carton à base de fibres vierges sont élevées. Les coûts de construction d'une machine à carton, notamment, sont très élevés. Les parties les estiment à environ [300 à 400 millions d'écus] *. L'importance des économies d'échelle constitue également un risque : le niveau minimal viable des ventes est évalué à environ 50 000200 000 tonnes par an, selon les installations. De plus, la croissance modeste de la demande (environ 1 à 2 % par an) rend la pénétration sur ce marché encore moins intéressante.

(76) En outre, il existe des barrières supplémentaires sur le marché du carton pour l'emballage de liquides. La plus importante d'entre elles est le fait que la production de ce type de carton nécessite une usine de pâte à longues fibres intégrée. Les parties ont aussi cité d'autres équipements et processus techniques nécessaires pour la production de carton destiné à l'emballage de produits liquides : capacités renforcées pour le lavage et le raffinage de la pâte, modification du circuit d'eau blanche et installation d'un système de contrôle du pH.

(77) En raison du coût élevé des investissements et du fait que la production de carton pour l'emballage de liquides nécessite un certain niveau de capacité de production et de vente, tout nouvel arrivant potentiel devrait avoir signé des contrats sûrs avec des clients avant même d'investir dans les équipements. Compte tenu des problèmes liés aux changements de fournisseurs et du fait que les relations entre les producteurs existants et les acheteurs de carton pour l'emballage de liquides tendent à être solides et généralement durables, cela semblerait difficile. Au cours des dix dernières années, aucune nouvelle société ne s'est implantée sur le marché du carton pour l'emballage de liquides dans l'EEE.

ii) Concurrents potentiels

(78) Compte tenu du fait que la construction d'une nouvelle usine à carton prend plusieurs années et que le coût des investissements est substantiel, aucun nouvel arrivant n'est susceptible de s'implanter sur le marché général des cartons à base de fibres vierges ou sur le marché du carton pour l'emballage de liquides dans un proche avenir.

(79) Les parties ont cité l'usine d'International Paper de Svetogorsk, en Russie, comme concurrent potentiel viable sur le marché du carton pour l'emballage de liquides. Toutefois, l'enquête de la Commission a montré que le carton produit dans cette usine était de qualité inférieure et n'était pas adapté au marché de l'Europe occidentale. Actuellement, l'usine produit essentiellement du carton destiné au marché russe. L'enquête de la Commission a confirmé que la production de carton pour le marché de l'Europe de l'Ouest à l'usine de Svetogorsk nécessiterait des investissements considérables et prendrait plusieurs années.

(80) Les parties ont fait valoir que l'usine de Kwidzyn, en Pologne, qui appartient également à International Paper, livrait du carton pour l'emballage de liquides à un transformateur implanté en France. Toutefois, la Commission sait que cette usine ne produit pas de carton pour l'emballage de liquides et ne sera pas en mesure d'exporter ce type de produit dans l'EEE dans un proche avenir.

(81) Les parties prétendent également que l'accroissement actuel de la capacité de production de deux de leurs concurrents, Korsnaes et AssiDomaen, renforcerà la concurrence dans l'EEE. D'après elles, la capacité dépasse actuellement la demande. Toutefois, les observations transmises par des tiers montrent que les récentes augmentations de capacité correspondent simplement à une augmentation de la demande de carton pour l'emballage de liquides. L'enquête a notamment mis en évidence qu'une partie considérable de cette nouvelle capacité avait déjà des acheteurs.

(82) La Commission a consulté d'autres fabricants de papier et de carton, tels que MoDo et Metsae-Serla, afin de savoir s'ils envisageaient de pénétrer sur le marché du carton pour l'emballage de liquides. Ces sociétés produisent actuellement du carton pour l'emballage de produits non liquides. MoDo et Metsae-Serla pourraient théoriquement commencer à produire du carton pour l'emballage de liquides à moyen terme sur leurs machines actuelles. Toutefois, après avoir consulté MoDo et Metsae-Serla, la Commission est parvenue à la conclusion qu'aucun de ces producteurs n'était susceptible de pénétrer sur ce marché dans un proche avenir.

(83) La Commission note que les possibilités d'un renforcement des importations en provenance des Etats-Unis d'Amérique font peser une pression concurrentielle limitée, mais pas négligeable, sur le marché. Cette pression est susceptible d'augmenter à l'avenir, en raison de la suppression progressive des droits sur les importations au cours des années à venir. L'engagement pris par les parties de ne pas s'opposer à une éventuelle demande de quota en franchise pour le carton destiné à l'emballage de produits liquides pourrait contribuer à rendre cette évolution plus rapide, si un tel quota était adopté (voir ci-dessous).

Puissance d'achat compensatrice

(84) Le marché du carton pour l'emballage de liquides est caractérisé par la présence de quelques grands producteurs et de quelques grands acheteurs. Outre Stora et Enso, Korsnaes et AssiDomaen sont les seuls producteurs de carton pour l'emballage de liquides en Europe. Les acheteurs de ce type de carton sont également peu nombreux et le marché est dominé par Tetra Pak, dont la part est, d'après les estimations, proche de [60 à 80 %] *. Les autres grands acheteurs de carton pour l'emballage de liquides sont Elopak et SIG Combibloc, qui détiennent chacun environ [10 à 20 %] * du marché. Après la concentration, la structure de l'offre reflétera celle de la demande sur le marché du carton pour l'emballage de liquides, avec un grand fournisseur et deux fournisseurs de moindre importance faisant face à un grand acheteur et deux acheteurs plus petits.

(85) D'après les parties, les trois grands clients, notamment Tetra Pak, possèdent une puissance d'achat considérable, qui empêche les producteurs d'augmenter les prix.

(86) L'enquête a montré que les fournisseurs et les clients étaient unis par une relation de dépendance mutuelle. Sur le marché du carton pour l'emballage de liquides, les relations entre fournisseurs et acheteurs sont des relations à long terme, et il est rare que les clients changent de fournisseur. En effet, d'après eux, un tel changement entraînerait des retards, et il serait coûteux et techniquement difficile, en raison du fait que le processus d'évaluation pour le carton destiné à l'emballage de liquides est complexe et prend du temps. L'enquête a notamment montré que le fait de devenir le fournisseur d'un type spécial de carton pour l'emballage de liquides nécessitait des investissements considérables de la part tant du producteur que du client, en termes d'équipement, d'assistance technique et d'essai des produits, ainsi qu'en termes de ressources humaines.

(87) Le fait qu'Enso soit en relation avec son plus ancien client depuis quarante ans témoigne du caractère durable des relations entre producteurs et acheteurs. Une autre preuve des relations à long terme et de dépendance mutuelle qu'entretiennent les fournisseurs et les acheteurs dans ce secteur est le fait qu'Enso ait subdivisé ses activités de recherche et de développement en unités, spécialisées dans le développement de carton pour Tetra Pak, Elopak et SIG Combibloc respectivement.

(88) Un examen de chacun des principaux acheteurs confirme le fait que la demande possède une puissance d'achat compensatrice.

(89) Tetra Pak achète environ [>500 000 tonnes] * par an de carton pour l'emballage de liquides destiné à être utilisé dans l'EEE. Les sociétés auprès desquelles elle achète ce produit sont Enso, Stora, AssiDomaen et Korsnaes. Tetra Pak a également recours à certains producteurs locaux en dehors de l'EEE. Dans le passé, Tetra Pak a joué un rôle déterminant pour inciter plusieurs de ses fournisseurs à devenir des producteurs de carton pour l'emballage de liquides.

(90) Tetra Pak couvre environ [>50 %] * de ses besoins dans l'EEE auprès de Stora Enso. Les achats de Tetra Pak représentent la production totale de plusieurs machines à carton et environ [>50 %] * de la production totale des parties pour l'EEE. En outre, il faut tenir compte du fait que la production de carton de l'emballage de liquides est un secteur dans lequel les coûts fixes sont élevés et où des taux élevés d'utilisation des capacités sont nécessaires pour atteindre des niveaux de rentabilité satisfaisants. La perte des quantités importantes achetées par Tetra Pak signifierait donc pour les parties la nécessité de trouver d'autres clients pour utiliser leurs capacités, ce qui ne serait pas une tâche aisée à court terme.

(91) Tetra Pak, quant à elle, achète de telles quantités de carton pour l'emballage de liquides qu'elle aurait la possibilité de développer de nouvelles capacités auprès d'autres fournisseurs, existants ou nouveaux, au cas où les parties tenteraient de faire usage de leur puissance sur le marché. En outre, grâce à l'étroite coopération qu'elle entretient avec les producteurs, Tetra Pak connaît très bien la structure des coûts des parties. De plus, le carton pour l'emballage de liquides représente environ [>50 %] * du coût des découpes livrées par Tetra Pak à ses clients. La Commission a également pris note du fait que le plastique pourrait, dans une certaine mesure, remplacer à long terme le carton pour l'emballage de liquides sur le marché de l'emballage des liquides situé en aval. Tetra Pak a donc toutes les raisons de tenter d'exercer sa puissance d'achat compensatrice.

(92) Par conséquent, pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, la Commission est parvenue à la conclusion que Tetra Pak disposait d'une puissance d'achat compensatrice telle qu'elle neutraliserà l'augmentation potentielle de la puissance de marché consécutive à la concentration entre Stora et Enso.

(93) Elopak et SIG Combibloc achètent des volumes de carton pour l'emballage de liquides beaucoup plus faibles que Tetra Pak. En outre, Elopak gère actuellement, conjointement avec Pakenso, une filiale d'Enso, des installations de transformation à Lahti, en Finlande [...] *. Ces installations de transformation conjointe traitent une partie importante du nombre total de cartons transformés par Elopak. Ce lien avec les parties pourrait affaiblir la puissance d'achat d'Elopak après la concentration.

(94) Toutefois, il convient également de considérer que les commandes passées par ces deux sociétés sont suffisamment importantes pour couvrir la capacité de production d'une machine à carton. Ne serait-ce que pour cette raison, Elopak et SIG Combibloc éprouveraient des difficultés à changer de fournisseur pour une partie importante de leurs besoins à court terme. Toutefois, cela signifie aussi que si ces sociétés tentaient d'exercer leur puissance sur le marché en passant une partie importante de leurs commandes à d'autres fournisseurs, tels que AssiDomaen et Korsnaes, qui pourraient en principe convertir leurs installations en vue de la production de cartons destinés à l'emballage de liquides, Stora Enso pourrait en souffrir. Elopak et SIG Combibloc achètent également toutes deux des volumes stratégiques aux Etats-Unis d'Amérique, ce qui renforce leur puissance en tant qu'acheteurs. En outre, elles possèdent des activités importantes en dehors de l'EEE. Enfin, tout comme Tetra Pak, Elopak et SIG Combibloc connaissent très bien la structure des coûts des parties. C'est aussi pour les mêmes raisons que Tetra Pak qu'elles pourraient vouloir exercer leur puissance d'achat sur le marché.

(95) Toutefois, par rapport à Tetra Pak, ces deux sociétés se trouvent dans une position plus faible, à court et moyen termes, vis-à-vis de Stora Enso, dans la mesure où elles n'auront plus qu'un seul fournisseur dans l'EEE après la concentration, alors que Tetra Pak en aura trois. En outre, Elopak et SIG Combibloc achètent des quantités beaucoup plus faibles que Tetra Pak. C'est pourquoi, s'il est vrai qu'Elopak et SIG Combibloc disposent effectivement de certains moyens pour contrer d'éventuelles augmentations de prix, il semble que le projet de concentration déplacerà l'équilibre des pouvoirs vers Stora Enso pour ce qui est de ses relations avec Elopak et SIG Combibloc.

(96) En outre, en ce qui concerne Elopak et SIG Combibloc, il faut également tenir compte du fait que les parties auront tout intérêt à ce que ces deux sociétés demeurent des acteurs importants sur le marché, afin de ne pas devenir complètement dépendantes de Tetra Pak. C'est pourquoi, bien que l'on ne puisse pas totalement écarter le fait qu'Elopak et SIG Combibloc puissent être plus défavorisées que Tetra Pak par la concentration, il faut reconnaître que, pour cette raison même, la puissance d'achat compensatrice de Tetra Pak se répercutera également, dans une certaine mesure, sur Elopak et SIG Combibloc. De plus, les parties ont tenté de répondre à ces préoccupations par les engagements qu'elles ont pris (voir considérant 101). Il convient en particulier de noter que la cession, par Enso, de la participation qu'elle détient dans la société de transformation qu'elle gère conjointement avec Elopak à Lahti, en Finlande, mettra fin aux préoccupations qui ont été exprimées à propos du fait que ce lien pourrait donner aux parties des moyens de pression accrus sur Elopak.

(97) En conclusion, la concentration donnera naissance à une structure de marché comprenant un grand fournisseur et deux fournisseurs plus petits, qui seront confrontés à un grand acheteur et à deux acheteurs plus petits. II s'agit d'une structure de marché très exceptionnelle. Tout compte fait, la Commission considère que les acheteurs, compte tenu des conditions particulières qui règnent sur ce marché, possèdent une puissance d'achat compensatrice suffisante pour empêcher les parties d'exercer leur puissance de marché.

Réactions de tiers

(98) Les clients, en particulier, ont eu des réactions neutres ou positives. D'après eux, l'une des principales questions stratégiques qui se posera à long terme dans le secteur du carton pour l'emballage de liquides est la possibilité que le plastique remplace peu à peu le papier, pour un nombre toujours plus grand d'applications. L'industrie du carton pour l'emballage de liquides devrait donc devenir de plus en plus compétitive. La concentration entre Stora et Enso devrait permettre une production plus efficace de ce type de carton et, par conséquent, contribuer à améliorer la compétitivité à long terme du carton par rapport au plastique comme matériau pour l'emballage de liquides.

(99) Une organisation finlandaise, l'Union centrale des producteurs agricoles et propriétaires forestiers ("MTK"), a exprimé des préoccupations en ce qui concerne les effets de la concentration sur le marché de l'achat du bois en Finlande. La MTK considère que l'opération de concentration renforcerà la position des parties, dans la mesure où celles-ci auront plus de possibilités pour s'approvisionner en bois en dehors de l'EEE, notamment dans les Etats baltes, mais également en Suède. D'après la MTK, cela entraînerait des pressions considérables sur le marché finlandais de la fourniture de bois et permettrait aux parties de contrôler le niveau des prix. La Commission ne partage pas cet avis. Elle estime notamment que la concentration n'aurait pratiquement aucun effet sur le marché finlandais de la fourniture de bois.

Conclusion

(100) Compte tenu de ce qui précède, on peut conclure que les parties occuperont une grande partie du marché du carton pour l'emballage de liquides. Elles ne seront confrontées qu'à une concurrence potentielle limitée. Toutefois, la demande est aussi concentrée que l'offre et, du fait de la puissance compensatrice des principaux acheteurs, notamment Tetra Pak, l'opération n'entraînera pas la création ni le renforcement d'une position dominante sur le marché du carton pour l'emballage de liquides.

Engagements pris par les parties

(101) La Commission note que, à la suite de la communication des griefs, les parties ont proposé les engagements suivants :

a) les parties ont pris l'engagement de mettre en place un mécanisme de protection des prix pour leurs petits clients, pendant une période de cinq ans à compter de la date de réalisation de la concentration. Elles se sont notamment engagées à ne pas appliquer à leur principal client des augmentations de prix inférieures, en pourcentage, aux augmentations facturées aux petits clients. De même, les réductions de prix accordées à leur plus gros client ne devront pas être supérieures, en pourcentage, à celles consenties aux petits clients. Il leur sera possible de s'écarter de cette règle dans les limites d'une marge de tolérance donnée et aussi lorsque certains facteurs particuliers, tels que des différences de coûts objectives, justifient une différence dans l'augmentation ou la diminution de prix appliquées aux grands et aux petits clients. Les parties notifieront à la Commission toute différence dans le pourcentage d'augmentation ou de diminution des prix qui se situe hors de la marge de tolérance ou n'est pas justifiée par des différences de coûts objectives. Ce mécanisme de protection des prix sera vérifié chaque année par un commissaire aux comptes indépendant qui sera soumis à une stricte obligation de confidentialité ;

b) au cas où un ou plusieurs transformateurs ou fabricants de la Communauté demanderaient l'octroi d'un quota d'importation en franchise pour le carton destiné à l'emballage de liquides, les parties se sont engagées à tout mettre en œuvre pour faciliter l'octroi de ce quota et à ne pas s'y opposer. En outre, les parties ont fourni des lettres émanant des gouvernements finlandais et suédois dans lesquelles ceux-ci déclarent qu'ils ne s'opposeront pas à l'octroi d'un tel quota ;

c) Enso possède certaines activités conjointes de transformation avec Elopak à Lahti, en Finlande. Enso s'est engagée à vendre l'intégralité de sa participation dans ces activités à Elopak. Cette vente mettrait fin à toutes les préoccupations relatives au fait que ce lien pourrait éventuellement diminuer la puissance d'achat compensatrice d'Elopak. Au cas où Elopak et Enso ne parviendraient pas à un accord sur cette vente, Enso s'est engagée à ne pas prolonger l'accord en cours lorsqu'il viendra à expiration. Dans ce cas, ces activités seront vendues à Elopak aux conditions prévues par le contrat signé entre Elopak et Enso.

VI. CONCLUSION

(102) En conclusion, l'opération notifiée n'entraînera pas, sur aucun marché, la création ni le renforcement d'une position dominante ayant pour effet d'entraver de façon sensible une concurrence effective dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci. Cette opération est donc compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

L'opération de concentration entre Stora Kopparbergs Bergslags AB et Enso Oyj, notifiée par les parties le 18 juin 1998, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

Les entreprises suivantes :

Enso Oyj, Kanavaranta 1, FIN-00160 Helsinki

Stora Kopparbergs Bergslags AB, Group Head Office, S-79180 Falun

sont destinataires de la présente décision.

(*) Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles ; ces parties ont été mises entre crochets et signalées par un astérisque.

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1 ; version rectifiée JO L 257 du 21.9.1990, p. 13.

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 275 du 27.9.1999.

(4) Décision du 24 février 1962 (IV-M.166 - Torras/Sarrio), JO C 58 du 5.3.1992, p. 20 ; décision du 19 septembre 1994 (IV-M.499 - Jefferson Smurfit/Saint-Gobain), JO C 284 du 12.10.1994, p. 3 ; décision du 20 février 1995 (IV-M.549 - Svenska Cellulosa/PWA Papierwerke), JO C 57 du 7.3.1995, p. 6 ; décision du 11 juin 1998 (IV-M.1006 UPM-Kymmene - April), JO C 219 du 15.7.1998, p. 9.

(5) Décision du 30 octobre 1995 (IV-M.646 - Repola/Kymmene), JO C 318 du 29.11.1995, p. 3.

(6) Le collage est un processus d'imprégnation du carton avec une sorte de colle qui lie les fibres du carton.

(7) Food and Drug Administration : Federal Food, Drug and Cosmetic Act (services responsables des produits alimentaires et des médicaments : loi fédérale sur les produits alimentaires, les médicaments et les produits cosmétiques).

(8) BGA (Bundesgesundheitsamt), Bundesinstitut für gesundheitlichen Verbraucherschutz in Veterinaermedizin (Office fédéral de la santé : institut responsable de la protection de la santé des consommateurs en médecine vétérinaire).

(9) Par exemple la directive 92-46-CEE du Conseil du 16 juin 1992 arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (JO L 268 du 14.9.1992, p. 1).

(10) Le peroxyde est appliqué en submergeant le matériau d'emballage dans un bain chaud de peroxyde ou en vaporisant du peroxyde sur le carton formé.

(11) Décision du 6 juin 1991 (IV-M.081 - VIAG/Continental Can) (JO C 156 du 14.6.1991, p. 10) ; décision 96-222-CE (IV-M.603 - Crown Cork & Seal/Carnaud Metalbox) (JO L 75 du 23.3.1996, p. 38) ; décision du 21 avril 1998 (IV-M.1109 - Owens Illinois/BTR Packaging), (JO C 165 du 30.5.1998, p. 7).

(12) Décision du 12 mai 1992 (IV-M.210 - Mondi/Frantschach) (JO C 124 du 16.5.1992, p. 19) ; également affaire IV-M.646 - Repola/Kymmene - voir note 5 de bas de page.

(13) Décision du 14 septembre 1998 (IV-M.1296 - Norske Skog/Abitibi/Hansol Paper) (JO C 306 du 6.10.1998, p. 11).

(14) Les importations sont soumises à un droit de 3,5 %, qui sera progressivement réduit d'ici à 2002. Il existe un quota en franchise de 630 000 tonnes pour les importations en provenance du Canada.

(15) IV-M.646 - Repola/Kymmene - voir note 5 de bas de page.

(16) Affaire IV-31.043 (JO L 72 du 18.3.1992, p. 1).

(17) Affaire IV-M.619 (JO L 11 du 14.1.1997, p. 30, point 140).