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Décisions

CCE, 16 septembre 1998, n° 1999-243

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Trans-Atlantic Conference Agreement

CCE n° 1999-243

16 septembre 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 3 et 15, vu le règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil du 19 juillet 1968 portant application des règles de concurrence au secteur des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable(2), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 11 et 22, vu le règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil du 22 décembre 1986 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (3), modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 11 et 19, vu la décision prise par la Commission, le 24 mai 1996, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission et de présenter toutes autres observations éventuelles conformément à l'article 19 du règlement n° 17, à l'article 26 du règlement (CEE) n° 1017-68 et à l'article 23 du règlement (CEE) n° 4056-86, en liaison avec les règlements n° 99-63-CEE (4), (CEE) n° 1630-69 (5) et (CEE) n° 4260-88 (6) de la Commission, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports et du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes, considérant ce qui suit :

LES FAITS

I. LA DEMANDE

(1) Le 5 juillet 1994, les parties énumérées ci-après (pour plus de détails à cet égard, il y a lieu de se référer à l'annexe I) ont adressé à la Commission, conformément à l'article 12, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4056-86, une demande d'exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord sur l'espace économique européen (EEE) concernant le "Trans-Atlantic Conference Agreement" (accord de conférence transatlantique, ci-après dénommé TACA) :

AP Møller-Maersk Line (Maersk)

Atlantic Container Line AB (ACL)

Hapag-Lloyd AG (Hapag Lloyd)

Nedlloyd Lijnen BV (Nedlloyd)

P&O Containers Limited (P&O)

Sea-Land Service, Inc (Sea-Land)

Mediterranean Shipping Co (MSC)

Orient Overseas Container Line (UK) Ltd (OOCL)

Polish Ocean Lines (POL)

DSR/Senator Lines (DRS/Senator)

Cho Yang Shipping Co, Ltd (Cho Yang)

Neptune Orient Lines Ltd (NOL)

Nippon Yusen Kaisha (NYK)

Transportación Marítima Mexicana SA de CV (TMM)

Tecomar SA de CV (Tecomar)

(2) Tecomar est une filiale de TMM depuis janvier 1994. En 1997, Nedlloyd Lijnen BV et P& O Containers Limited ont fusionné pour constituer P& O Nedlloyd. La même année, Hapag Lloyd AG a transféré ses activités dans le domaine des transports maritimes réguliers par conteneur à Hapag Lloyd Container Linie GmbH et Hanjin Shipping Co Ltd (Hanjin) a pris le contrôle de DSR/Senator.

(3) Conformément à l'article 4, paragraphe 8, du règlement (CEE) n° 4260-88, les parties au TACA ont été informées de ce que la Commission entendait aussi examiner la demande d'exemption individuelle en application du règlement (CEE) n° 1017-68, car certaines des activités notifiées ne relevaient pas du champ d'application du règlement (CEE) n° 4056-86, et elles ont été invitées à présenter leurs observations à ce sujet.

(4) Le TACA a remplacé le Trans-Atlantic Agreement (TAA), accord qui avait été notifié à la Commission le 28 août 1992. Le 19 octobre 1994, la Commision a arrêté la décision 94-980-CE 7) interdisant le TAA ("la décision TAA"). La décision TAA interdisait aux parties qui en étaient destinataires de se livrer, entre autres, à des pratiques de fixation des prix ayant un objet ou un effet identique ou similaire aux dispositions contenues dans l'accord TAA.

(5) Les anciennes parties au TAA sont toutes parties au TACA. Hanjin est devenue partie au TAA le 26 août 1994 et au TACA le 31 août 1994. Hyundai Merchant Marine Co Ltd (Hyundai) a adhéré au TACA le 31 août 1995.

(6) Le 15 décembre 1994, le directeur général adjoint de la direction générale de la concurrence de la Commission a écrit aux parties au TACA pour les informer de l'appréciation préliminaire selon laquelle certaines dispositions du TACA ne remplissaient apparemment pas les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, et pour les inviter à présenter leurs observations à ce sujet.

(7) Le 21 juin 1995 et le 1er mars 1996, la Commission a adopté respectivement une communication des griefs et une communication des griefs complémentaire qu'elle a adressées aux parties au TACA (à l'exception de Hyundai, qui n'était pas partie au TACA au moment de l'adoption de la première communication des griefs) et qui précisaient qu'elle envisageait d'adopter une décision retirant l'immunité à l'égard des amendes qui pouvait résulter de la notification du TACA pour ce qui concerne l'accord entre les parties portant sur la fixation des prix des services de transport terrestre assurés sur le territoire de la Communauté. Une décision dans ce sens a été arrêtée le 26 novembre 1997 (8).

(8) Le 24 mai 1996, la Commission a adopté une communication des griefs (9) qu'elle a adressée aux parties au TACA, dans laquelle elle déclarait notamment considérer que le TACA tombait sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'un certain nombre d'éléments contenus dans l'accord n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Dans sa communication des griefs, la Commission précisait qu'elle envisageait d'adopter une décision déclarant les parties au TACA en infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et exigeant qu'elles mettent fin aux pratiques qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3. Il était également indiqué dans la communication des griefs que la Commission considérait que les parties au TACA avaient abusé de leur position dominante en infraction à l'article 86 du traité.

(9) Le 11 avril 1997, la Commission a adopté une communication des griefs complémentaire, dans laquelle elle indiquait que malgré la notification du système TACA de noyaux et lignes de collecte et de distribution (système "hub and spokes") (voir considérant 47), la Commission envisageait toujours d'adopter une décision déclarant les parties au TACA en infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et exigeant qu'elles mettent fin aux pratiques considérées dans la communication des griefs du 24 mai 1996 comme ne relevant pas du champ d'application de l'article 85, paragraphe 3, y compris la pratique consistant à fixer les prix des services d'acheminement par le transporteur maritime assurés sur le territoire de la Communauté lorsque ces services ne relèvent pas du système "hub and spokes" du TACA.

(10) Les parties au TACA ont présenté leur point de vue lors d'auditions tenues le 6 mai 1996 et le 25 octobre 1996. L'annexe II contient une chronologie des principales étapes de la procédure dans les affaires TAA et TACA.

II. L'ACCORD NOTIFIÉ

(11) Dans leur notification du TACA à la Commission, les parties alléguaient qu'il s'agissait d'une conférence maritime pouvant bénéficier de l'exemption par catégorie applicable aux conférences maritimes en vertu du règlement (CEE) n° 4056-86. À défaut, elles demandaient une exemption individuelle. Bien qu'il ait été notifié à la Commission le 5 juillet 1994, le TACA n'est entré en vigueur que le 24 octobre 1994, la loi américaine ne le permettant pas avant cette date.

(12) Deux semaines avant la notification du TACA, Lord Sterling de Plaistow, en sa qualité de président du TACA, a écrit à M. Van Miert, membre de la Commission responsable de la concurrence, en ces termes :

"Il me semble que les changements que nous proposons sont si importants qu'ils déboucheront sur un nouvel accord plutôt que sur une modification de l'ancien.

Dans ces conditions, je pense que la meilleure façon de procéder consiste à communiquer à la Commission l'abandon du TAA par les compagnies maritimes et à lui notifier le nouvel accord."

(Lettre datée du 21 juin 1994).

(13) Le TACA prévoit que ses membres s'accordent sur les taux de fret, les taxes et les autres conditions de transport applicables dans le cadre de son tarif commun, y compris les taux de port à port, les taux applicables aux segments terrestres des services de bout en bout et les tarifs multimodaux. Le tarif commun contient une grille des prix pour le transport de fret entre des points définis : vingt-six catégories de marchandises sont prévues, un taux étant fixé pour chacune d'entre elles. Le tarif est publié par le TACA et est à la disposition de tous les chargeurs.

(14) Le TACA couvre les lignes maritimes dans les sens ouest-est et est-ouest entre, d'une part, les ports d'Europe situés à des latitudes comprises entre celle de Bayonne (France) et celle du Cap nord (Norvège) (à l'exception des ports russes non situés sur la Baltique, des ports de la Méditerranée et des ports de l'Espagne et du Portugal), ainsi que les points d'Europe desservis via ces ports (en dehors de l'Espagne et du Portugal) et, d'autre part, les ports des quarante-huit États contigus des États-Unis d'Amérique et du District de Columbia, ainsi que les points des États-Unis d'Amérique desservis via ces ports ("le trafic").

(15) Mise à part l'augmentation du nombre des membres, qui est passé de onze à dix-sept (puis à seize avec la fusion de P& O et Nedlloyd), les principales différences entre le TAA et le TACA sont les suivantes :

a) les parties au TACA ont renoncé à leurs arrangements complexes en matière de non-utilisation d'une partie de leurs capacités maritimes (programme de régulation des capacités) ;

b) les parties au TACA ont renoncé formellement aux différentes catégories de membres et à la structure tarifaire à deux niveaux, qui caractérisaient le TAA ;

c) les parties au TACA ont renoncé aux dispositions détaillées sur l'échange de cellules et d'équipements ;

d) les parties au TACA ont modifié leurs règles en matière d'actions indépendantes(10);

e) les parties au TACA ont modifié leurs règles relatives aux contrats de services de manière à permettre les actions unilatérales (11) à l'égard des contrats de services TACA et la conclusion de contrats de services individuels ;

f) les parties au TACA sont convenues de se retirer des accords de discussion Eurocorde et Gulfway (12).

(16) Le TACA contient des dispositions identiques à celles du TAA en matière de fixation des prix des services de transport terrestre assurés sur le territoire de la Communauté.

A. Version de juillet 1994 du TACA

(17) La version de juillet 1994 du TACA contenait les principales dispositions ci-après :

a) un accord sur les taux de fret, les charges et autres conditions de transport applicables sur la base de son tarif commun, y compris les tarifs de port à port, les tarifs applicables aux segments terrestres des services de bout en bout et les tarifs multimodaux ;

b) le droit de s'écarter de tous les taux de fret applicables aux segments maritimes et terrestes en menant une action indépendante (13) à l'expiration d'un préavis de cinq jours ouvrables notifié par écrit. La période de préavis pour mener une action indépendante sur d'autres tarifs et charges est dix de jours ;

c) un accord sur les taux des contrats de services, les taux des contrats de fidélité et les taux et charges des services de transport terrestre et autres services liés au transport maritime de fret sur le trafic ; parmi ces charges, on peut citer à titre d'exemples les frais de manutention au terminal, les coefficients d'ajustement monétaire et surtaxes de soutage, les taxes de remise du matériel/redevances d'usage, ainsi que les autres frais liés à l'utilisation de conteneurs à terre, tels que les taxes d'immobilisation et droits de stationnement ;

d) un accord sur les taux et autres conditions des contrats de services (y compris les charges pour les services fournis en plus des services de transport maritime) conclus entre les chargeurs et une ou plusieurs parties au TACA selon le mécanisme suivant :

i) les membres du TACA peuvent, à condition d'obtenir l'accord de la majorité (moins deux voix) des parties votant selon les règles fixées par l'accord, conclure des contrats de services avec tout chargeur qui s'engage pour un volume de fret minimal de 100 EVP ou des recettes nettes de fret de port à port de 100 000 dollars des États-Unis ;

ii) toute partie au TACA, qui ne souhaite pas participer à un contrat de services donné, peut décider de mener une "action unilatérale" (14) portant sur au moins 100 EVP en plus du volume minimal convenu dans ce contrat de services, pour autant que la durée de cette action unilatérale soit identique à celle du contrat de services,

et que

- si le volume minimal convenu dans le cadre du contrat de services ne dépasse pas 1 000 EVP, l'action unilatérale ne porte pas sur plus de 100 EVP

ou

- si le volume minimal convenu est supérieur à 1000 EVP, l'action unilatérale ne porte pas sur plus de 10 % de ce volume minimal, jusqu'à concurrence de 200 EVP ;

e) un accord sur les taux des contrats de services intermodaux et sur les actions indépendantes ou unilatérales à l'égard de ces taux ;

f) la limitation de tous les contrats de services (autres que pour certaines marchandises saisonnières ou ne pouvant pas être transportées par conteneur) à une période maximale d'une année civile [article 14.2 a)]. Aucune des parties au TACA ne peut participer, individuellement ou conjointement avec une autre partie, à plus d'un contrat de services à la fois avec n'importe quel chargeur pour le fret à transporter sur le trafic [article 14.2 d)] ;

g) l'interdiction d'insérer dans les contrats de services toute clause prévoyant une réduction du taux payable en vertu desdits contrats en se référant aux conditions convenues avec d'autres chargeurs dans le cadre d'autres conventions [article 14.2 b)]. Ces dispositions, qui sont appelées "contingency clauses" (clauses conditionnelles) par le TACA, seront examinées aux considérants 489 et 490 ;

h) la régulation des capacités disponibles pour le transport de fret dans les secteurs ouest-est et est-ouest du trafic selon les principes suivants :

i) les parties au TACA évaluent en permanence l'offre et la demande sur le trafic, en se concertant, pour ce faire, avec les services de la Commission et les utilisateurs des services de transports ;

ii) la capacité agrégée à fournir équivaut à 125 % de la demande prévue de fret à transporter entre les ports et les points du trafic, sous réserve d'un ajustement trimestriel. Sur cette capacité agrégée, 85 % sont répartis entre les différentes parties au TACA, les 15 % restants n'étant pas attribués. La capacité des navires des parties au TACA qui dépasse 125 % de la demande prévue ne peut être offerte sur le marché.

(18) Le TACA est conclu pour une durée indéterminée (article 9). Les parties peuvent se retirer sans pénalité moyennant remise d'un préavis écrit de 90 jours (article 7.3).

(19) La notification faisait également état de vingt-cinq autres dispositions de l'accord qui risquaient, aux yeux des parties, d'affecter leur liberté de décision sur le plan commercial. Il s'agissait de dispositions relatives :

a) aux accords concernant les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, y compris les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant faire office de courtiers [article 5.1 c) 3]

b) aux prix minima et maxima à payer aux transporteurs ferroviaires, aériens, routiers ou fluviaux pour le segment terrestre, en Europe, des services de transport de bout en bout [article 5.1 c) 6]

et

c) à la possibilité de rencontres entre parties et avec des tiers en vue de négocier et de conclure d'autres accords, notamment des accords d'échange d'informations [article 5.1 f)].

(20) La version de juillet 1994 du TACA contenait aussi des dispositions détaillées sur l'affrètement d'espaces ou des lots et sur l'échange d'équipements, bien que les parties n'aient pas fait figurer ces dispositions sur la liste des clauses de l'accord qui risquaient, selon elles, d'affecter leur liberté de décision sur le plan commercial. Ces dispositions permettaient à chacune des parties d'informer les autres de tout besoin ou de toute disponibilité de capacités de réserve à des fins d'affrètement. Les parties au TACA étaient également autorisées à louer à d'autres parties au TACA de l'espace ou des lots sur les navires assurant des services réguliers ainsi que sur les navires de ravitaillement ou de transbordement utilisés pour transporter du fret relevant de l'accord TACA (annexe B, section 3).

(21) L'article 10 du TACA prévoit l'instauration d'une autorité de contrôle ("Enforcement Authority"), les parties convenant à cet égard d'instituer et de financer un organe indépendant chargé de veiller au respect des droits et obligations des parties à l'accord. Le rôle et le champ d'action de l'autorité de contrôle sont définis à l'annexe C du TACA ("Règles régissant la discipline interne des conférences maritimes"). En vertu des ces règles, l'autorité de contrôle peut, sur plainte ou d'office, mener des enquêtes sur toute infraction présumée aux dispositions de l'accord.

(22) L'autorité de contrôle a "un accès illimité... à l'ensemble des documents liés aux activités d'un transporteur sur le trafic" et est autorisée à examiner les dossiers et les biens, à interroger des personnes et à recueillir leurs dépositions. Elle est aussi habilitée à infliger des amendes allant de 100000 à 150000 dollars des États-Unis pour sanctionner toute infraction aux accords, en particulier les accords de fixation des prix. De plus, toute partie qui fait l'objet d'une enquête et qui refuse d'accorder l'accès demandé se voit infliger d'office une amende de 75000 dollars des États-Unis pour le premier refus, 150000 dollars des États-Unis pour le deuxième et 250000 dollars des États-Unis pour chaque nouveau refus sur une période de deux ans. Pour toutes les infractions, les récidives intervenant dans une période d'un an sont sanctionnées par des amendes d'un montant maximal de 300000 dollars des États-Unis. Les sommes collectées de la sorte sont redistribuées aux autres parties.

(23) Dans leur notification du 5 juillet 1994, les parties au TACA ont également proposé de prendre devant la Commission les engagements ci-après, qui prendraient effet si la Commission accordait au TACA l'exemption individuelle ou déclarait que le TACA relève de l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes.

Les parties au TACA s'engageaient à :

a) communiquer à la Commission un rapport intermédiaire sur la capacité réelle et la demande prévue en vue de rationaliser les services de la manière la plus efficace possible ;

b) consulter les services de la Commission et les utilisateurs de transports, afin d'évaluer les besoins de ces derniers et, en particulier, de prévoir la demande future ;

c) notifier les plans d'exploitation et les modifications de taux trois mois (y compris les mois en cours) avant leur entrée en vigueur ;

d) examiner sur demande les modifications de taux qui désavantagent gravement certains chargeurs du point de vue de la concurrence ; si le chargeur lésé n'obtenait pas satisfaction après cet examen, l'affaire pourrait être portée devant une commission, composée de représentants du TACA et des chargeurs, qui recommanderait une solution ;

e) se retirer de l'Eurocorde Discussion Agreement et/ou de l'accord Gulfway si elles en faisaient partie ;

f) ne pas échanger d'informations commerciales confidentielles avec d'autres transporteurs desservant le trafic Europe/Canada et Europe/États-Unis d'Amérique via les ports du Canada, sauf pour rationaliser leurs services ;

g) communiquer à la Commission des rapports trimestriels sur l'exécution de l'accord ;

h) informer la Commission de tout contact entre le TACA et d'autres transporteurs ayant pour objet la fixation des prix ou la régulation des capacités.

B. Version d'octobre 1994 du TACA

(24) Le 17 octobre 1994, les parties au TACA ont notifié à la Commission les modifications à cet accord décrites ci-après.

(25) Les dispositions détaillées concernant la non-utilisation de capacités étaient supprimées. Le TACA continuait néanmoins de prévoir la possibilité pour les parties de coopérer dans le but de réguler la capacité de transport offerte par chacune d'entre elles (article 5.3). La notification ne précisait pas quelles mesures les parties au TACA entendaient prendre à cet effet.

(26) L'article 5.1 c) 6), prévoyant des accords communs avec les transporteurs ferroviaires, aériens, routiers ou fluviaux pour le segment terrestre en Europe des services de transport multimodaux ainsi que les prix minima/maxima à verser à ces transporteurs pour ces services de transport, était supprimé.

(27) L'article 5.1 f), concernant les activités menées avec des tiers, y compris l'échange d'informations, de statistiques et autres données liées aux accords interconférenciels et aux arrangements pratiques exclusifs, préférentiels ou coopératifs avec des opérateurs de terminaux marins ou des transporteurs exploitant ou non des navires, était supprimé.

(28) La période de préavis pour mener des actions indépendantes sur les taux des tarifs maritimes et des segments terrestres [conformément à l'article 13.1 a) était ramenée de cinq à trois jours ouvrables.

(29) L'engagement portant sur un volume minimum pour les contrats de services [conformément article 14.2 b)] était réduit. Une nouvelle disposition était ajoutée, selon laquelle l'action unilatérale devait faire l'objet d'un accord avec le chargeur, qui devait être déposé au secrétariat du TACA pour notification (à la "Federal Maritime Commission", FMC) dans les quinze jours suivant la notification du contrat initial et avoir la même date d'expiration que celui-ci.

(30) La formule permettant aux parties au TACA de conclure des contrats de services (à une majorité moins deux voix) était remplacée par l'approbation de cinq des parties à l'accord [article 14, paragraphe 3, lettre b)]. Les modalités de négociation des contrats de services sont décrites au considérant 132.

C. Version de février 1995 du TACA

(31) Le 3 février 1995, les parties au TACA ont informé la Commission qu'elles avaient passé un accord de règlement conditionnel avec la FMC. En contrepartie de l'accord de la FMC de mettre fin à plusieurs enquêtes sur des infractions présumées au US Shipping Act de 1984 par les parties au TACA, ces dernières acceptaient de renoncer à leur plan d'exploitation de 1995 de revenir aux taux de 1994 et d'apporter un certain nombre de modifications à l'accord TACA. Les principales dispositions prévues par cet accord de règlement étaient les suivantes :

a) l'annulation de plusieurs autres accords entre compagnies maritimes portant sur le trafic (y compris Eurocorde et Gulfway) ;

b) un certain nombre de modifications techniques aux dispositions du TACA concernant les actions indépendantes, par lesquelles étaient imposées les obligations suivantes :

i) le secrétariat devait publier immédiatement les déclarations d'intention de procéder à une action indépendante ;

ii) les parties au TACA devaient avoir le droit mais non l'obligation de discuter préalablement d'une action indépendante avec les autres parties ;

iii) chaque compagnie devait adopter sa propre ligne de conduite pour déterminer qui, au sein de l'organisation, est en droit d'autoriser les actions indépendantes ;

c) la conclusion d'accords d'affrètement d'espace en dehors du champ d'application du TACA (autres que les accords ad hoc) (15) : les accords de transport "de connexion" (16) étaient annulés ;

d) la promotion d'une participation accrue des transporteurs aux négociations sur les contrats de services (mais les dispositions en matière d'approbation étaient maintenues et le secrétariat du TACA pouvait participer à la négociation des contrats de services avec les chargeurs) ; l'élimination de certaines pratiques discriminatoires à l'encontre des transporteurs maritimes non exploitants de navires ;

e) la modification des pratiques d'un certain nombre de parties au TACA en ce qui concerne les frais d'accès aux parcs de conteneurs situés sur le territoire des États-Unis d'Amérique ;

f) le retrait des hausses de prix de 1995 avec retour aux tarifs de 1994 (coût estimé pour les compagnies du TACA : 60 à 70 millions de dollars des États-Unis).

(32) Le 9 mars 1995, les parties au TACA ont informé la Commission que la FMC leur avait imposé une condition supplémentaire, en vertu de laquelle elles devaient modifier leur accord de façon à permettre aux différents signataires de passer des contrats de services en 1996 sans avoir reçu l'approbation des autres parties, pour autant que ces contrats respectent les conditions de l'article 14, paragraphe 2, du TACA.

D. Version d'octobre 1995 du TACA

(33) En octobre 1995, les parties au TACA ont informé la Commission d'une série de modifications concernant "les dispositions terrestres relatives aux opérations d'acheminement combinées importation/exportation dans le cadre des systèmes d'acheminement terrestre par le transporteur et par le chargeur" entrées en vigueur le 20 juillet 1995. Ces modifications reflètent les recommandations de l'IMC (Intra-Industry Intermodal Committee) sur les mesures à prendre pour "éliminer des tarifs de la conférence toute disposition ou réglementation discriminatoire concernant le transport terrestre" (17). L'IMC avait été mis en place par les transporteurs maritimes pour coordonner leur réaction à l'application, par la Commission, des règles communautaires de concurrence à la fixation des tarifs terrestres.

(34) Selon les parties au TACA,

"Les modifications introduites auraient les effets suivants :

1) Tant qu'une partie assume la responsabilité globale de la totalité de l'opération d'importation/exportation, les chargeurs utilisant concrètement ces services pour la partie importation et la partie exportation peuvent ne pas être les mêmes.

2) À partir du moment où la partie importation et la partie exportation peuvent commencer et finir, respectivement, dans des ports différents, et que les points terrestres de déchargement de l'importation et de rechargement de l'exportation peuvent ne pas être les mêmes, les chargeurs seront plus nombreux à estimer qu'une opération combinée d'importation/exportation pourrait répondre à leurs besoins.

3) Ces combinaisons importation/exportation évitent de devoir prendre un conteneur vide dans un port pour l'y ramener ensuite. Elles réduisent donc en même temps les déplacements de conteneurs vides et les coûts incombant aux chargeurs" (18).

E. Version de novembre 1995 du TACA

(35) Le 24 novembre 1995, les parties au TACA ont informé la Commission que des modifications avaient été apportées à l'article 14, paragraphe 2, lettres a) et f) du TACA concernant les contrats de services. Ces modifications portaient la durée maximale d'un contrat de services TACA d'un à deux ans (19) et prévoyaient de limiter les variations des coefficients d'ajustement monétaire pendant la durée des contrats de services.

(36) Le 29 novembre 1995, les parties au TACA ont notifié à la Commission l'adoption d'un accord intitulé "European Inland Equipment Interchange Arrangement" (EIEIA), ci-après dénommé "accord sur les échanges d'équipement".

(37) Selon elles, l'objectif de l'accord est d'améliorer la gestion des conteneurs vides en Europe en encourageant l'échange de ces conteneurs entre les parties. L'accord prévoit la mise en place d'un système informatisé dans lequel tout transporteur membre du TACA peut indiquer l'état de son stock de conteneurs (excédentaire ou déficitaire) en divers endroits d'Europe et permettre ainsi aux autres membres de savoir rapidement s'ils peuvent utiliser les conteneurs disponibles pour répondre à la demande d'un client donné à l'endroit en question ou dans ses environs.

(38) Par exemple, l'accord permet à un transporteur membre du TACA qui a besoin d'un conteneur vide dans un port ou à un point intérieur donné de vérifier dans les informations stockés sur le système si l'un quelconque des autres membres possède ou compte bientôt avoir du matériel disponible à cet endroit ou à proximité. Inversement, il permet à un transporteur, dont le stock de conteneurs à un endroit donné est excédentaire ou en passe de l'être, de prendre contact avec un transporteur, dont le stock est signalé comme déficitaire, pour lui demander s'il aurait l'usage du matériel en excédent.

(39) Ce système informatisé est entré en service le 1er août 1995, avec un premier communiqué destiné à la région du Benelux, avant de s'étendre aux États membres géographiquement couverts par le TACA par étapes successives jusqu'au 10 octobre 1995 (20). Les principaux sites sont essentiellement des ports et des grandes villes (par exemple : Anvers ou Paris), chaque fois avec leurs environs, mais aussi dans certains cas des régions entières (par exemple le Rhin ou la Ruhr). Comme le TACA, cet accord sur les échanges d'équipements est conclu pour une durée indéterminée, mais les parties peuvent se retirer à tout moment.

(40) Chaque partie indique :

a) sa raison sociale ;

b) les semaines sur lesquelles porte le communiqué ;

c) tout excédent ou déficit de chaque type d'équipement, à savoir l'équipement standard (conteneurs pour marchandises solides et conteneurs à grand volume) sur les principaux sites ;

et

d) les coordonnées de la personne que les transporteurs intéressés peuvent contacter pour négocier un échange d'équipement au cas par cas.

(41) Les comptes rendus utilisent des codes normalisés : les déséquilibres sont signalés, suivant le cas, comme un excédent important ["++"] (lorsqu'un transporteur dispose d'un surplus important de conteneurs), excédent moyen ["+"] ou déficit ["-"]. Les rapports sont établis tous les quinze jours et contiennent chaque fois des projections sur l'état des stocks au cours des deux semaines suivantes. Les échanges effectivement réalisés dans le cadre de cet accord sont déclarés toutes les quatre semaines au secrétariat du TACA.

(42) Les parties ont adopté des documents normalisés, qui peuvent être utilisés par les transporteurs qui s'échangent du matériel lorsqu'ils n'ont pas négocié ou ne comptent pas négocier de conditions bilatérales spécifiques pour ces échanges. Les documents en question consistent en un recueil de conditions standard applicables aux échanges ("Pro-Forma Terms") et un contrat d'échange ("Shortform Agreement"). Les conditions normalisées figurant dans le recueil traitent de questions telles que l'entretien et l'assurance des conteneurs ou encore leur livraison et leur réexpédition. Le contrat d'échange reprend les conditions normalisées du recueil et spécifie les modalités de l'échange en question.

(43) Les parties se sont entendues, à titre indicatif, sur des indemnités journalières pour chaque type d'équipement, mais seraient libres de négocier d'autres tarifs. Les indemnités fixées à titre indicatif refléteraient les taux normalement pratiqués sur le marché pour les échanges ponctuels ou occasionnels.

(44) Les parties au TACA ont déclaré (21) que, pendant les sept premiers mois de fonctionnement de l'accord sur les échanges d'équipements, plus de 3600 conteneurs ont été échangés, "ce qui a eu pour effet de réduire le nombre de mouvements terrestres de conteneurs et d'en accroître l'efficacité". Toutefois, les parties ont nuancé ces informations par la déclaration suivante :

"Ce chiffre représente le nombre total d'échanges de conteneurs auxquels [les parties au TACA] ont procédé. Outre la clause prévue dans l'accord sur les échanges d'équipements, certains des sociétés sont également parties à d'autres accords prévoyant une clause similaire" (22).

(45) Le chiffre de 3600 échanges de conteneurs ne correspond donc pas au nombre des échanges résultant directement de l'accord sur les échanges d'équipements. En effet, il porte sur tous les échanges entre les parties au TACA, y compris ceux effectués dans le cadre d'accords bilatéraux conclus avant l'entrée en vigueur de l'accord sur les échanges d'équipements. La Commission n'a reçu aucune information concernant les effets pratiques de cet accord. Lors de l'audition du 6 mai 1996, le conseil des parties au TACA a déclaré qu'il était impossible de chiffrer la proportion des 3600 échanges de conteneurs à imputer directement à l'accord sur les échanges d'équipements (23).

(46) Les parties au TACA n'ont donc fourni aucune information concernant le nombre d'échanges de conteneurs vides résultant de l'accord sur les échanges d'équipements. Elles n'ont pas précisé non plus lesquelles d'entre elles ont participé à ces échanges. Elles n'ont fourni aucune indication concernant les économies de coûts et autres avantages en résultant, ni aucune information sur la manière dont ces avantages ont été répercutés sur les chargeurs. Comme il est expliqué ci-après, les parties au TACA n'ont fourni aucun élément de preuve pour étayer la conclusion, selon laquelle la fixation des prix pour le transport terrestre serait indispensable au fonctionnement de l'accord sur les échanges d'équipements.

F. Version de janvier 1997 du TACA

(47) Le 10 janvier 1997, les parties au TACA ont notifié la mise en œuvre à titre expérimental, à Francfort/Mayence, Lyon et Munich, à partir du 1er janvier 1997, d'un système de coopération pour le transport terrestre du type "hub and spoke". Selon la notification, les parties au TACA pourraient étendre le système à un maximum de quinze plates-formes.

(48) Les parties au TACA ont fait valoir qu'avec cette nouvelle coopération, qui s'ajoute aux autres formes déjà établies entre elles, les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité pour l'obtention d'une exemption en faveur de la fixation collective des prix pour tous les services de transport terrestre étaient remplies.

(49) Dans le cadre du système "hub and spoke", le prix fixé par les parties au TACA pour l'acheminement entre un port maritime et une destination intérieure est calculé sur la base de deux mouvements terrestres :

a) l'acheminement entre le port maritime et la plate-forme intérieure (parcours principal ou "trunk leg")

et

b) l'acheminement entre la plate-forme intérieure et les locaux du chargeur (parcours local ou "local leg").

(50) Pour 1997, les parties au TACA auraient fixé les taux applicables au parcours principal dans le cadre du tarif "hub and spoke" (taux dits "basic hub rates") à un niveau correspondant au coût moyen auquel leur revient la fourniture du service terrestre ou à un niveau proche de celui-ci. Les "basic hub rates" se composent de quatre éléments :

a) Le coût moyen du transport en charge dans un sens supporté par les parties au TACA

Ce poste refléterait les taux que doivent payer les parties au TACA à l'opérateur terrestre national concerné. Par exemple, lorsque le parcours principal entre un port allemand et Munich est réalisé par fer, le tarif applicable reflétera le taux moyen auquel le service d'acheminement intérieur est acheté par les parties au TACA à l'opérateur intérieur concerné, en l'occurence Transfracht ; de même, les taux facturés entre Le Havre et la plate-forme de Lyon refléteront les taux payés par les membres du TACA à la compagnie française de transport de marchandises par chemin de fer, la CNC. Les parties soutiennent que l'introduction de taux simples réduira considérablement le montant à payer par les chargeurs et les transitaires pour le repositionnement des conteneurs vides. (Dans le cadre du tarif existant, le taux terrestre est un taux aller-retour correspondant à 100 % du coût du transport d'un conteneur plein du port maritime au point de destination, plus 85 % de ce montant pour couvrir le coût de repositionnement du conteneur vide au port) ;

b) Manutention terrestre

Ce volet couvrirait les éléments de coût suivants :

- remise et réception du conteneur au terminal,

- inspection du conteneur et rapport sur l'état du matériel,

- chargement du conteneur par levage sur une remorque/une barge/un wagon de chemin de fer ou son déchargement,

- déplacement du conteneur vers/depuis l'aire de gerbage

et

- entreposage des conteneurs vides/pleins ;

c) Positionnement à vide/facteur de déséquilibre

Ce poste correspondrait au coût moyen pour les parties au TACA du positionnement de conteneurs vides au plates-formes en cas de déséquilibre des flux de fret.

d) Administration

Il s'agit d'une redevance forfaitaire destinée à couvrir les formalités administratives, telles que l'établissement éventuel de documents douaniers.

(51) Dans le cadre du système "hub and spoke", le parcours principal d'un mouvement de conteneur doit s'effectuer par rail ou voie navigable intérieur. Le "basic hub rate" est fixé à un niveau unique applicable à tous les transporteurs, indépendamment de l'adresse du terminal désigné et du choix du transporteur concerné d'exécuter ce parcours par fer ou par barge.

(52) Lorsque le chargeur ou le transitaire choisit de recourir aussi à l'acheminement par le transporteur pour le parcours local, le tarif prévoit un taux rail/route ou barge/route que combine le "basic hub rate" et le taux tarifaire pour le transport intérieur routier entre la plate-forme et les locaux du chargeur. Un chargeur peut toutefois recourir à l'acheminement par le transporteur pour le parcours principal et passer à l'acheminement par le chargeur pour le parcours local. Ce chargeur aura alors accès au dépôt intérieur moyennant paiement du "basic hub rate" et de frais de manutention. Le chargeur qui opte pour cette formule ne doit payer aucun autre droit supplémentaire, pour autant que le conteneur soit enlevé et restitué à la même plate-forme. Le chargeur qui importe des marchandises des États-Unis d'Amérique pourra enlever un conteneur plein à la plate-forme et restituer par la suite le conteneur vide et un chargeur qui exporte des marchandises pourra enlever un conteneur vide à la plate-forme et le restituer plein.

(53) Bien qu'il soit allégué dans la notification que les "basic hub rates" ont été fixés par les parties au TACA "à un niveau correspondant au coût moyen auquel leur revient la fourniture du service terrestre ou à un niveau proche de celui-ci" (24), des informations fournies par la suite par les parties à l'accord ont révélé que les taux applicables au parcours principal avaient été calculés sur la base des coûts moyens supportés non pas par toutes les parties au TACA, mais seulement par sept d'entre elles. En outre, il ressort clairement de ces informations que c'est un montant nominal et non une estimation des frais réels qui a été retenu pour les coûts administratifs. Si les taux en vigueur pour Francfort et Munich semblent proches de la moyenne des sept compagnies, il ressort des informations fournies par les parties au TACA que, pour la plate-forme de Lyon via les ports du Benelux, les "basic hub rates" peuvent être supérieurs de [Secrets d'affaires] aux coûts moyens des sept compagnies sur la base desquels ils sont prétendument calculés.

EMPLACEMENT TABLEAU

(54) Dans leur demande d'exemption individuelle en faveur du système "hub and spoke", les parties au TACA ont fait valoir que les accords notifiés à la Commission contribuent à l'amélioration des services de transport et remplissent donc l'un des critères auxquels est subordonné l'octroi d'une exemption individuelle en faveur des accords notifiés. Elles ont indiqué que "dans le cadre du système 'hub and spoke', le parcours principal d'un mouvement de conteneur s'effectue soit par rail soit par voie navigable intérieure". Ainsi, l'utilisation du système "hub and spoke" du TACA "contribuerait à réduire le transport routier", si bien qu'elle allégerait la circulation et aurait des effets bénéfiques sur l'environnement.

(55) Le 17 février 1997, la Commission a adressé aux parties TACA une demande de renseignements en application des dispositions de l'article 16 du règlement (CEE) n° 4056-86 et de l'article 19 du règlement (CEE) n° 1017-68, dans laquelle elle demandait confirmation que les plates-formes de Munich et de Lyon pouvaient être desservies par barge porte-conteneurs. Le 10 mars 1997, les parties au TACA ont répondu à la Commission en confirmant que les deux plates-formes pouvaient être desservies par rail ou par barge. "Les parties au TACA confirment que les plates-formes de Munich et de Lyon peuvent être desservies par rail ou par barge."

(56) En outre, les parties au TACA ont déclaré que "le système 'hub and spoke' est applicable au transport de conteneurs par barge à destination et au départ des plates-formes de Munich et de Lyon. Les 'basic hub rates' indiqués pour les plates-formes de Munich et de Lyon à l'annexe 5 à la notification du 10 janvier valent également pour les transports par barge."

(57) Le 12 mars 1997, la Commission a adressé aux parties au TACA une nouvelle demande de renseignements [également en application des dispositions de l'article 16 du règlement (CEE) n° 4056-86 et de l'article 19 du règlement (CEE) n° 1017-68] pour obtenir des précisions sur les mouvements de barges à Munich et à Lyon. Dans leur réponse du 26 mars 1997, les parties au TACA ont déclaré qu'il n'existait pas de service de transport par barge entre les ports de l'Europe du nord et les plates-formes de Lyon et Munich.

(58) Dans une lettre à la Commission datée du 14 avril 1997, les parties au TACA ont indiqué que, à moins qu'il en soit expressément convenu autrement, lorsqu'une plate-forme est établie par les parties au TACA, une grille de taux unique sera applicable à destination et au départ de la plate-forme ; ces taux seront également applicables au transport par rail et par barge et le mode de transport à utiliser ne sera généralement pas spécifié. Ainsi, le fait que les taux sont également applicables au transport par rail et par barge n'implique pas nécessairement que, géographiquement, les deux modes de transport soient envisageables pour la plate-forme concernée. Les parties au TACA ont également expliqué que les barges porte-conteneurs ne pouvaient emprunter certaines sections des voies navigables intérieures reliant les plates-formes de Munich et de Lyon aux ports de l'Europe du nord.

(59) Enfin, les taux fixés pour le parcours principal entre les ports du Benelux et la plate-forme de Francfort/Mayence ne valent que pour le transport par barge.

III. LE MARCHÉ EN CAUSE

(60) Dans la demande qu'ils ont adressée à la Commission, les membres du TACA allèguent qu'ils doivent faire face à la concurrence externe effective :

a) d'autres exploitants de services de ligne par conteneur sur les trafics directs ;

b) d'exploitants de services de ligne par conteneur sur d'autres liaisons ;

c) d'autres exploitants de services réguliers ;

d) d'exploitants hors lignes régulières ;

e) d'exploitants de service de transport aérien.

(61) Dans son arrêt du 14 novembre 1996, dans l'affaire C-333-94 P, Tetra Pak (25), la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la stabilité de la demande pour un produit donné constitue un critère pertinent pour définir un marché en cause et que le fait que des produits différents sont, dans une mesure marginale, interchangeables, n'empêche pas de conclure à l'appartenance de ces produits à des marchés de produits distincts.

A. Le marché de produits en cause - Transports maritimes

(62) La Commission estime que les transports aériens constituent un marché distinct de celui des transports maritimes par conteneur, notamment parce qu'il n'a pas été établi qu'une proportion importante du fret transporté par conteneur pourrait facilement passer des transports maritimes aux transports aériens (26). Sur l'Atlantique nord, le transport de fret par voie aérienne est jusqu'à vingt fois plus coûteux et jusqu'à neuf fois plus rapide que le transport maritime. Ces chiffres ne tiennent pas compte des retards dus à l'engorgement des ports ni des coût supplémentaires qui en résultent ; ces retards, qui affectent particulièrement le déchargement des gros navires, peuvent aller jusqu'à huit jours de part et d'autre (27).

(63) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties aux TACA n'ont pas maintenu leur argument selon lequel les services de transport aérien étaient substituables aux services de transport maritime.

(64) La Commission considère en outre que, pour la très grande majorité des catégories de marchandises et des utilisateurs des services de transport maritime par conteneur, les autres formes de transport maritime - y compris le transport de ligne classique ("break-bulk") - ne représentent pas une solution de remplacement envisageable pour les services de transport par conteneur sur les routes relevant du marché géographique en cause, et elle estime que ces services constituent un ou plusieurs marchés à part entière.

(65) Il est clair que de nombreuses marchandises en vrac peuvent être conteneurisées et qu'avant l'avènement de la conteneurisation toutes les marchandises étaient transportées en vrac d'une manière ou d'une autre. En l'espèce, pour déterminer les conditions de la concurrence sur le marché en cause, il est nécessaire de prendre en considération les possibilités de substituer le transport en vrac au transport en conteneur : la substitution du conteneur au vrac n'entre pas en ligne de compte.

(66) Presque toutes les marchandises peuvent être conteneurisées et, avec le temps, il est probable que le degré de conteneurisation sur la plupart des marchés maritimes où les États membres sont présents sera très élevé. Sur les marchés arrivés à maturité, comme les marchés Europe du nord/États-Unis d'Amérique ou Europe du nord/Extrême-Orient, l'évolution vers la conteneurisation est quasiment achevée et il ne reste pour ainsi dire aucune marchandise susceptible d'être conteneurisée que ne l'ait pas été.

(67) En outre, à partir du moment où un type de marchandise est régulièrement conteneurisé, il est quasiment exclu qu'il soit encore transporté sous une autre forme. Les raisons en sont que les chargeurs s'habituent à expédier les marchandises en plus petites quantités mais plus fréquemment et prennent conscience du fait qu'une fois les marchandises chargées dans un conteneur, il est plus facile de les acheminer du port de livraison jusqu'au destinataire final par le transport multimodal.

(68) Ainsi, à mesure que le degré de conteneurisation augmente, les chargeurs de marchandises non conteneurisées se tournent vers les services conteneurisés, mais une fois qu'ils se sont habitués au transport par conteneur, ils ne reviennent pas aux expéditions non conteneurisées. Les exemples d'une telle substituabilité à sens unique ne sont pas rares.

(69) Drewry(28) estime, avec une certaine prudence, que la proportion conteneurisée du fret général transporté à l'échelle mondiale est passée de 20,7 % en 1980 à 35,1 % en 1990 et à 41,6 % en 1994. Toujours selon Drewry, cette part atteindra 53,8 % d'ici, à l'an 2000. Le passage du vrac au conteneur ne reflète pas seulement une évolution dans la nature des marchandises transportées (caractérisée essentiellement par le remplacement des matières premières par des produits manufacturés), mais aussi les caractéristiques inhérentes aux transports maritimes réguliers par conteneur.

(70) Ces caractéristiques tiennent notamment au fait que des expéditions en moins grandes quantités, mais plus fréquentes, comme c'est normalement le cas pour le transport par conteneur, réduisent les frais de stockage, que les marchandises conteneurisées risquent moins d'être endommagées ou volées et qu'elles se prêtent mieux au transport multimodal. Pour ces raisons, une fois qu'une marchandises passe du vrac au conteneur, ce qui peut se faire route par route, les différences observées dans la nature du service fourni font que, au terme de ce processus de transition, il est très peu probable que le chargeur revienne au transport en vrac(29).

(71) Dans ce contexte, le fait que certaines marchandises voyagent encore selon les deux modes importe peu : la question essentielle pour établir la substituabilité de la demande est de savoir si le choix du mode s'effectue sur la base des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi, le seul fait que certains produits sidérurgiques voyagent en vrac et d'autres en conteneur n'indique pas que les deux modes soient substituables puisqu'il ne tient pas compte de la diversité de la nature (et de la valeur) des produits sidérurgiques ni des exigences des clients en matière de livraison. Cela vaut aussi pour les autres produits au sujet desquels les parties au TACA allèguent la substituabilité entre vrac et conteneurs.

(72) Le seul exemple spécifique fourni par les parties au TACA ([secrets d'affaires]) est intéressant, car, comme il est expliqué aux considérants 210 à 213, il prouve que les parties au TACA ont la possibilité de recourir à la discrimination par les prix pour détourner des produits marginaux des transporteurs de vrac sans affecter les taux de fret en général. Rien n'indique que les transporteurs de vrac soient eux aussi en mesure d'opérer une discrimination entre clients.

(73) Pour ce qui concerne les services frigorifiques, les parties au TACA font valoir que les conteneurs réfrigérés sont substituables aux transports frigorifiques en vrac. Pour autant qu'il en soit ainsi (30), cela n'implique pas, pour les raisons indiquées plus haut, que les transports frigorifiques en vrac soient substituables aux transports frigorifiques en conteneur. Outre les avantages offerts par les services de ligne par conteneur, tels que les volumes réduits et la rapidité de transfert vers d'autres modes de transport, davantage de produits se prêtent au transport en conteneur réfrigéré qu'au transport frigorifique en vrac. Parmi ces produits figurent les fourrures et les peaux, les produits pharmaceutiques, les produits électroniques et, compte tenu des températures constantes et de la possibilité de contrôler le mûrissement, les fruits à baie.

(74) Dans ces conditions, si un certain degré de substitution entre le transport classique et le transport par conteneur n'est pas exclu dans des circonstances exceptionnelles, il n'a pas été démontré qu'il existait, dans la grande majorité des cas, une tendance durable à la substitution du vrac au conteneur.

(75) Du côté de l'offre, les parties au TACA ont fait valoir que les transporteurs de divers et de néovrac pourraient facilement convertir leurs navires pour entrer sur le marché concerné et devraient, de ce fait, être considérés comme des concurrents potentiels. Elles ont également fait valoir qu'un nombre important de très grands exploitants de services réguliers avaient l'intention d'entrer dans le trafic transatlantique. Ces problèmes de concurrence potentielle (et le document produit par les parties au TACA à l'appui de leur point de vue - le rapport Dynamar) sont examinés aux considérants 278 à 282.

B. Le marché géographique en cause - Transports maritimes

(76) De même, si certains chargeurs considèrent que les ports de l'Europe du nord sont substituables à certains ports de la Méditerranée, il en est peu, voire aucun, pour considérer que les ports de la Méditerranée sont substituables à ceux de l'Europe du nord.

(77) En premier lieu, alors que les parties au TACA soutiennent que tous les ports de la Méditerranée sont substituables aux ports de l'Europe du nord relevant de la couverture géographique de l'accord, on ne peut raisonnablement envisager et il n'a pas été prouvé que les ports méditerranéens situés à l'est du degré de latitude 20 ou au sud du degré de longitude 36 (ce qui englobe, en tout ou en partie, la Grèce, la Turquie, le Liban, Israël, Chypre, l'Égypte, la Libye, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc) puissent, à l'exception possible d'Algeciras en Espagne, être utilisés par des chargeurs établis en Europe du nord en remplacement des ports de cette région (et inversement d'ailleurs).

(78) En second lieu, la preuve qu'il existe un phénomène de substitution de ports situés en France, en Espagne, en Italie et en Croatie ne conduit pas à la conclusion que les ports de ces pays sont suffisamment substituables, si tant est qu'ils le soient, pour que l'on puisse en déduire qu'ils font partie du même marché que les ports de l'Europe du nord. Les parties au TACA ont fourni la preuve suivante d'un phénomène de substitution, de la part des chargeurs, de ports de la Méditerranée à des ports de l'Europe du nord :

"[secrets d'affaires] a transféré une part importante de son volume vers les ports méditerranéens en 1994-1995. Alors que les compagnies membres du TACA continuent de transporter une part du volume total de ce chargeur, [secrets d'affaires] expédie encore environ [secrets d'affaires] EVP par an via la Méditerranée."

"[secrets d'affaires] expédie aussi un volume de fret estimé à [secrets d'affaires] EVP via les ports de la Méditerranée, en recourant aussi bien à des transporteurs membres de la SEAC qu'à des compagnies indépendantes. Une partie de ce fret était expédiée auparavant via l'Europe du nord. D'après les informations disponibles, le fret provenant de l'usine [secrets d'affaires] située [secrets d'affaires] continue d'emprunter aussi bien les ports de l'Europe du nord que ceux de la Méditerranée."

"[secrets d'affaires] a fait passer environ [secrets d'affaires] EVP de fret des services TACA aux services méditerranéens exploités par Evergreen."

(79) Sur la base de cet élément (la prétendue substituabilité de quelque 8000 à 10000 EVP), les parties au TACA considèrent qu'un volume d'environ 48000 EVP devrait être inclus dans le marché global sur lequel elles opèrent. Cela aura, selon elles, pour effet d'accroître le marché total de 2 %. Comme elles n'incluent pas dans la part de marché du TACA le fret transporté par les parties à l'accord sur des trafics ne relevant pas de la couverture géographique de celui-ci, la part du marché en cause détenue par les parties aux TACA s'en trouverait réduite d'environ 1 %.

(80) La Commission ne considère pas que les éléments avancés par les parties au TACA l'emportent sur les preuves attestant que les ports de la Méditerranée ne sont pas substituables aux ports de l'Europe du nord. Premièrement, le fait que les parties au TACA qui participent aussi à des accords de type VSA exploitent deux ou trois services de navette ferroviaire aller-retour par semaine entre Milan et Rotterdam est là pour démontrer que les ports méditerranéens ne suffisent pas à assurer les expéditions vers l'Amérique du nord : les parties au TACA n'ont fourni aucune preuve qu'un chargeur aurait acheminé des quantités importantes de fret de l'Europe du nord vers des ports de la Méditerranée avec comme destination finale l'Amérique du nord.

(81) Deuxièmement, rien ne prouve que les cargaisons spécifiques en question auraient pu être expédiées via les ports de l'Europe du nord. Troisièmement, sur les trois exemples fournis par les parties au TACA, il semblerait que, dans deux cas, les expéditions en question ont été effectuées en recourant au service méditerranéen de l'une des parties au TACA.

(82) Dans ce contexte, il a lieu de noter que les ports méditerranéens ne semblent pas substituables aux ports de l'Europe du nord, même pour les services Europe Extrême-Orient, pour lesquels ils présentent pourtant des avantages géographiques beaucoup plus grands que pour les services transatlantiques. Ainsi, selon Drewry :

"En faisant demi-tour dans la Méditerranée, les navires assurant la liaison Europe-Extrême-Orient pourraient gagner au moins deux semaines sur la durée du voyage aller-retour, qui est en moyenne de neuf semaines (soit une augmentation de 22 % de la productivité des navires), mais cela paraît peu probable dans un avenir prévisible, étant donné les limites, sur le plan des infrastructures, des ports méridionaux et du réseau ferroviaire européen" (31).

(83) Enfin, pour certaines catégories de marchandises, il est possible de limiter l'effet de la concurrence marginale provenant des autres moyens de transport. Les compagnies maritimes de ligne sont, en effet, capables d'identifier les chargeurs de ces marchandises et peuvent, grâce à la structure différenciée des tarifs du transport de ligne, leur offrir des prix moins élevés sans nécessairement affecter le niveau général des prix (voir considérants 203 à 213).

C. Conclusions quant au marché des transports maritimes en cause

(84) Pour les raisons indiquées ci-dessus, la Commission considère que le marché des services maritimes auquel le TACA s'adresse est celui des transports maritimes réguliers par conteneur entre l'Europe du nord et ceux des États-Unis et du Canada (32).

D. Parts du marché des transports maritimes en cause

(85) Les chiffres fournis par les parties au TACA concernant leurs parts de marché figurent aux tableaux 2 et 3 ci-après. Ces chiffres incluent dans le marché de produits une certaine quantité de marchandises en vrac et diverses passant par les ports canadiens ("Canadian Gateway"), et ils englobent dans le marché géographique l'Islande et Puerto Rico, alors que ces marchandises et ces pays ne sont pas couverts par le TACA : les chiffres fournis ci-dessous sous-estiment par conséquent la part de marché du TACA, bien que ce ne soit probablement pas dans une mesure significative. L'incidence de la concurrence potentielle est examinée aux considérants 276 à 306.

EMPLACEMENT TABLEAU

(86) Ces chiffres peuvent être répartis en quatre segments distincts selon la côte sur laquelle le port d'entrée nord-américain est situé : on distingue ainsi les ports de la côte est, ceux du golfe du Mexique et ceux de la côte ouest des États-Unis d'Amérique et les ports de la côte est du Canada pour le fret à destination du Midwest ("Canadian Gateway").

EMPLACEMENT TABLEAU

(87) Le graphique ci-dessous montre l'importance relative de chacun de ces segments.

EMPLACEMENT TABLEAU

(88) On peut tirer les conclusions suivantes des tableaux 2 et 3 et du graphique ci-dessus. De 1994 à 1996, la part de marché des parties au TACA s'est élevée chaque année à 60 %. Au cours de ces trois années, elles ont détenu des parts de marché supérieures à 55 % sur chacun des segments du marché pour le trafic direct entre l'Europe du nord et les États-Unis, et leur part sur le segment Europe du nord-Côte est des États-Unis d'Amérique, segment quatre fois plus important que le deuxième en dimension, s'est maintenue à environ 70 %.

(89) Selon Drewry (33), la demande de services de transport maritime entre les ports de l'Europe du nord et les ports des États-Unis d'Amérique, du Canada et du Mexique a augmenté de plus de 7 % entre 1993 et 1994 et de près de 6 % entre 1994 et 1995. Le 1er octobre 1997, le "Journal of Commerce" a indiqué que le traffic "connaissait une augmentation annuelle de 6 à 9 %".

(90) Le 13 octobre 1997, les parties au TACA ont publié leur plan d'exploitation pour 1998 : ce document prévoit, pour 1998, une croissance "d'environ 8 à 9 % dans le sens est-ouest et 3 à 4 % dans le sens ouest-est". Le plan indique en outre que "la croissance enregistrée sur le marché en 1997 a absorbé les capacités introduites par les nouveaux venus sur le trafic, que ce soit pour les liaisons directes avec les États-Unis d'Amérique ou pour les services passant par le Canada. La poursuite de la croissance en 1998 se traduira donc par une croissance réelle pour les transporteurs TACA".

E. Le marché des transports terrestres en cause

(91) Les services de transport terrestre qui entrent en ligne de compte dans la présente décision sont ceux qui sont fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services, dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique. Ces services ne font pas partie du marché des transports maritimes décrit plus haut : ils relèvent d'un marché distinct.

(92) Ces services de transport terrestre peuvent être fournis de deux manières :l'acheminement par le chargeur ("merchant haulage") et l'acheminement par le transporteur ("carrier haulage"). Dans le cas de l'acheminement par le transporteur, ils sont fournis par l'une des compagnies maritimes présentes sur le marché des services maritimes décrit ci-dessus. En 1995, les parties au TACA ont fourni des services d'acheminement par le transporteur sur le territoire de la Communauté pour une part d'environ 48 % du fret qu'elles ont transporté entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique.

IV. CONFÉRENCES MARITIMES

(93) En gros, on peut définir les conférences maritimes comme des associations d'armateurs bénéficiant des services d'un secrétariat. Leurs membres se concertent pour fixer des taux de fret communs ou uniformes et pour s'entendre sur les rabais et les ristournes qui peuvent être offerts à certains chargeurs. Selon le trafic, les conférences peuvent répartir le fret entre leurs membres de différentes manières, coordonner les horaires des départs, mettre les recettes en commun et adopter d'un commun accord des mesures de lutte contre la concurrence des compagnies hors conférence. Elles statuent aussi sur les demandes d'adhésion (34).

(94) Contrairement aux consortiums de compagnies maritimes de ligne, les conférences n'impliquent pas l'exploitation en commun d'un service de transport maritime régulier. Mis à part les horaires, les aspects opérationnels ne relèvent pas du champ d'activité de la conférence. Il n'est pas rare qu'un ou plusieurs consortiums opèrent au sein d'une même conférence.

(95) Le secrétariat de la conférence organise la réunion des membres et surveille les conditions du trafic. Pour ce faire, il collationne les statistiques sur les volumes transportés et les prix qui lui sont fournies par les membres. Dans le cas du TACA, le secrétariat de la conférence a vu son rôle renforcé, puisqu'il a, entre autres, participé directement aux négociations sur les contrats de services et qu'il a veillé au respect par les parties des règles de la conférence.

V. LE TARIF DU TACA

(96) Comme c'est le cas pour de nombreux autres tarifs de conférence, le tarif du TACA comprend cinq parties indiquant des taux séparés pour chacun des services suivants :

a) transport terrestre jusqu'au port ;

b) manutention de la cargaison au port (transfert du moyen de transport terrestre vers le navire) ;

c) transport maritime (transport d'un port à l'autre) ;

d) manutention de la cargaison au port de destination (transfert du navire vers le moyen de transport terrestre) ;

e) transport terrestre du port de destination au lieu de la destination finale.

(97) Le premier et le cinquième de ces services sont facturés au chargeur en monnaie locale. Le deuxième, le troisième et le quatrième sont facturés en dollars des États-Unis.

(98) Le tarif contient également un barème pour les frais suivants : service conteneur, opérations de transit et de dédouanement (Royaume-Uni/Irlande), service CFS/divers, manutention au terminal, service CFS/appontement, empotage/dépotage, livraison/déchargement à option, suppléments, déviation de fret, frais administratifs, camionnage au port (coton en conteneurs), avances sur frais, droits de reprise, dispositif d'isolation temporaire, droits d'enlèvement, droits d'enlèvement des sacs ou "flexitanks/flexibags" de la compagnie, frais de surestaries, frais d'arrêt, marchandises de groupage, frais de ramassage, frais globaux, droits de quai et frais de manutention.

(99) Le tarif du TACA se fonde sur celui du TAA, qui a été introduit en 1993. Le tarif du TAA a remplacé les tarifs appliqués auparavant par les conférences sur les trafics Europe du nord-États-Unis. Le tarif est-ouest qui a été remplacé par le tarif TAA a été décrit comme suit par le secrétariat du TAA : "publié en six volumes, compte près de 2500 pages, couvre environ 10000 positions tarifaires, représente une épaisseur de 25 centimètres et pèse plus de 12 kilogrammes."(35) Selon les parties au TACA, le tarif du TACA en vigueur actuellement comprend plusieurs milliers de pages, ce qui fait que, lorsque la Commission en a demandé un exemplaire, elles ont préféré le fournir sous forme électronique.

VI. LA FOURNITURE DE SERVICES DE TRANSPORT TERRESTRE PAR LES PARTIES AU TACA

(100) L'extension des activités des compagnies maritimes de ligne au transport terrestre a été examinée aux considérants 12 à 29 de la décision 94-985-CE de la Commission (36) [IV-33.218 - Far Eastern Freight Conference (la décision FEFC).] Les commentaires qui y sont faits valent également pour les parties au TACA ; dix des quinze membres du TACA sont, du reste, également membres de la FEFC.

(101) Ainsi, mis à part la fixation collective des prix et des conditions d'acheminement par le transporteur, aucune activité de transport terrestre n'est directement ou indirectement organisée par l'intermédiaire du TACA. Les compagnies membres du TACA négocient individuellement les conditions auxquelles elles achètent le transport terrestre. Jusqu'à présent, seules certaines de ces compagnies ont investi dans de infrastructures (par exemple des dépôts) ou des équipements (par exemple des tracteurs) destinés au transport terrestre et en sont propriétaires ; on peut citer, à cet égard, les dépôts intérieurs de P&O au Royaume-Uni et les différentes sociétés de transport routier appartenant à des transporteurs (par exemple Nedlloyd, Maersk).

(102) Comme il est expliqué plus haut, les parties au TACA ont mis en place deux systèmes qui rendent leur situation différente de celle décrite dans la décision FEFC et en faveur desquels ils ont demandé une exemption : l'accord sur les échanges d'équipements et le système "hub and spoke".

VII. CONTRATS DE SERVICES

A. La différence entre les tarifs et les contrats

(103) La caractéristique essentielle des accords de conférence consiste dans le fait que les membres de la conférence appliquent des taux de fret uniformes. Ces taux constituent le tarif de la conférence, qui est publié et distribué à tous les chargeurs. Le tarif de la conférence fixe plusieurs taux différents : les taux ordinaires, les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée et les taux des contrats de fidélité. Il arrive que les membres de la conférence accordent en secret des rabais sur le tarif de la conférence pour gagner des parts de marché au détriment des autres membres.

(104) Selon la législation américaine, le droit des membres d'une conférence exemptée de mener des actions indépendantes est obligatoire en ce qui concerne les taux : en d'autres termes, tout membre d'une conférence a le droit de s'écarter du tarif fixé par la conférence pour une catégorie donnée de marchandises à condition d'en aviser les autres membres de la conférence.

(105) Les accords tarifaires couvrent non seulement les taux de fret normaux, mais aussi les accords de fidélité et les accords prévoyant des taux dégressifs en fonction du volume et de la durée, en vertu desquels les marchandises voyagent aussi à des taux tarifaires, mais qui sont inférieurs au niveau normal. Dans le cadre des accords tarifaires, certaines conditions de la relation sont déterminées par le tarif.

(106) Les transporteurs opérant dans le cadre d'accords tarifaires sont censés se présenter au public en tant que "common carriers" (transporteurs agréés). En bref, un "common carrier" est un transporteur qui opère entre des endroits fixes, n'exerce aucune discrimination parmi les chargeurs qui font appel à ses services et est tenu d'accepter de transporter toute marchandise qui lui est proposée, pour autant qu'elle s'y prête et qu'il dispose de l'espace nécessaire. Peu de compagnies maritimes de ligne sont légalement tenues d'opérer en tant que "common carriers", mais on s'attend néanmoins qu'elles en aient le comportement (37). Dans le cadre de la législation américaine, les membres d'une conférence sont tenus d'opérer en tant que "common carriers" pour bénéficier de l'immunité à l'égard des dispositions antitrust.

(107) Il convient d'opérer une distinction majeure entre accords tarifaires et accords contractuels. Les accords contractuels ne dépendent pas des conditions du tarif et les parties sont libres de négocier les conditions qu'elles jugent appropriées.

(108) La principale différence est que, dans le cas des accords tarifaires, le prix n'est pas un prix négocié cas par cas, mais celui du tarif. Dans le cas du transport sous contrat (par exemple un contrat de services), le prix ne provient pas du tarif. Les parties au TACA ont admis cette distinction dans une lettre qu'elles ont adressée à la Commission le 10 août 1995, où elles précisent qu'elles "utilisent le terme 'tarif' pour désigner le document dans lequel les taux de la conférence sont publiés".

B. Contrats de services en droit américain

(109) Le US Shipping Act de 1984 autorise spécifiquement pour la première fois une forme de transport sous contrat utilisable par les "common carriers" sur les trafics américains : les contrats de services. Bien qu'ils ne fussent pas inconnus aux États-Unis d'Amérique avant 1984, leur développement avait été entravé par l'insécurité juridique quant à la question de savoir s'ils avaient ou non, au regard de la législation américaine, un caractère discriminatoire illégal.

(110) L'article 3 (21) du US Shipping Act de 1984 définit le contract de services comme étant

"un contrat conclu entre un chargeur et un transporteur maritime ou une conférence par lequel, d'une part, le chargeur s'engage à faire transporter une quantité minimale de fret sur une période donnée et, d'autre part, le transporteur maritime ou la conférence s'engage à appliquer un certain taux ou une certaine grille de taux ainsi qu'à fournir un certain niveau de service (espace réservé, délai de transit, rotation portuaire ou autres prestations similaires)".

(111) Les contrats de services ont été introduits à la suite de l'interdiction des "contrats de fidélité" collectifs décrétée par le US Shipping Act (38). Au moment de l'adoption de ce texte, les tarifs de quelque trente-trois conférence exploitant les trafics américains contenaient des taux applicables aux contrats de fidélité. Les contrats de fidélité collectifs ou de conférence ont été considérés comme trop anticoncurrentiels par les États-Unis d'Amérique, car ils peuvent entraîner une discrimination préjudiciable aux petits chargeurs. Le législateur a également considéré que les contrats de services serviraient les intérêts à long terme du secteur d'exportation américain et constitueraient l'un des deux contrepoids (l'autre étant l'action indépendante) garantissant que l'immunité à l'égard des dispositions antitrust accordée aux conférences maritimes n'entraîne pas une réduction excessive de la concurrence par les prix entre compagnies maritimes régulières.

(112) En vertu de la législation américaine, les contrats de services peuvent être conclus par les chargeurs avec des transporteurs individuels ou avec des conférences. Ces contrats doivent être notifiés à titre confidentiel à la FMC, à laquelle doit aussi être remis un résumé des conditions essentielles (39) de ces contrats. Ce résumé est publié par la FMC et les mêmes conditions doivent être offerts "à tous les chargeurs se trouvant dans une situation analogue".

C. Accords de fidélité

(113) Le transport de fret dans le cadre du système tarifaire n'exclut pas la conclusion entre le chargeur et l'armateur d'un contrat additionnel relatif à des accords de fidélité. Ce type de contrat est, pour les raisons exposées plus haut, d'une tout autre nature qu'une relation strictement contractuelle comme un contrat de services. La définition du contrat de services utilisées par le US Shipping Act (voir considérant 110) ne s'étend pas aux contrats portant sur un pourcentage ou une part du fret d'un chargeur.

(114) Contrairement aux contrats de services, les accords de fidélité sont expressément mentionnés dans les règlement (CEE) n° 4056-86, dont l'article 5, point 2, assortit l'exemption par catégorie d'un certain nombre d'obligation précises en matière d'accords de fidélité. Le dixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 indique :

"qu'il convient également de n'admettre des accords de fidélité que selon des modalités qui ne restreignent pas de manière unilatérale la liberté des usagers et donc la concurrence dans le secteur des transports maritimes, cela sans préjudice du droit pour la conférence de sanctionner ceux d'entre eux qui éluderaient abusivement l'obligation de fidélité qui est la contrepartie de ristournes, taux de fret réduits ou commissions qui leur sont accordés par la conférence".

(115) Les dispositions du règlement (CEE) n° 4056-86 concernant les accords de fidélité doivent être considérées à la lumière du code de la Cnuced (40). Le règlement (CEE) n° 954-79 du Conseil (41) permettait aux États membres, mais ne leur imposait pas l'obligation de ratifier le code, qui est finalement entré en vigueur le 6 octobre 1983, mais qui n'a jamais été ratifié par les États-Unis d'Amérique. Le code de la Cnuced, en particulier son chapitre III ("Relations avec les chargeurs"), ne reconnaît manifestement aucune forme de contrat entre les chargeurs et les conférences autre que le contrat de fidélité, qui est traité spécifiquement à l'article 7.

(116) Il existe trois types d'accords de fidélité : le système des rabais différés, le contrat de fidélité et le contrat à double tarification.

(117) Dans le cadre du système des rabais différés, un chargeur, qui utilise exclusivement les navires des compagnies membres d'une conférence pour le transport de fret entre les ports desservis par la conférence, paie au départ le taux de fret plein, mais il a droit à un rabais différé correspondant à un certain pourcentage du total des paiements effectués. Les rabais est calculé pour une période donnée ("shipment period"), normalement de trois à six mois, mais il est payé au terme d'une période consécutive de la même longueur ("deferment period"), à la condition que le chargeur ait réservé ses expéditions à la conférence pendant ces deux périodes. La récompense de la fidélité du chargeur au cours de la période écoulée est donc subordonnée à la persistance ultérieure de ce comportement. Le chargeur n'a pas légalement droit au rabais, puisque le paiement de celui-ci n'est prévu par aucune disposition contractuelle.

(118) Dans le cadre du contrat de fidélité, le transporteur offre un rabais immédiat au chargeur qui signe un contrat par lequel il s'engage à réserver la totalité de ses envois aux compagnies membres de la conférence. Le "General Cargo Contract" de la Far Eastern Freight Conference (FEFC) en est un exemple : en contrepartie d'une réduction de 9,5 % sur les taux tarifaires de la conférence, les chargeurs qui signent le "General Cargo Contract" s'engagent "à réserver la totalité de leurs envois aux transporteurs [membres de la conférence]", à "faire en sorte que tous les contrats de transport de fret relevant du champ d'activité de la conférence ('Conference Cargo') soient passés avec un ou plusieurs transporteurs [membres de la conférence]" et à "s'abstenir de participer directement ou indirectement à tout accord relatif au transport de fret relevant du champ d'activité de la conférence par tout navire qui ne serait pas exploité par l'un des transporteurs [membres de la conférence]". Est considéré comme fret relevant du champ d'activité de la conférence celui qui relève de la couverture géographique de celle-ci, à l'exclusion d'un petit nombre de produits généralement transportés en vrac.

(119) La troisième forme d'accord de fidélité est le contrat à double tarification. Dans le cadre de ce type de contrat, les chargeurs qui ne passent pas avec les compagnies de la conférence un "exclusive patronage contract" (contrat de clientèle exclusive) paient le taux normal, alors que ceux qui signent un tel contrat bénéficient d'un taux réduit.

D. Taux dégressifs en fonction du volume et de la durée

(120) Les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée font partie du tarif de la conférence : inférieurs aux taux ordinaires, ils sont calculés en fonction du volume de fret proposé sur une période donnée. Pour une marchandise donnée, les taux diffèrent donc en fonction des volumes que le chargeur s'engage à faire transporter (42). Ces taux n'impliquent pas de prestations supplémentaires. Ils constituent en fait, tout comme les taux des contrats de fidélité, des rabais sur les taux ordinaires destinés à protéger la part de marché globale de la conférence en liant les chargeurs aux transporteurs qui en sont membres.

(121) Dans le cadre de la législation américaine, la possibilité de mener des actions indépendantes sur les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée doit obligatoirement exister, puisqu'il s'agit de taux tarifaires : en d'autres termes, tout membre d'une conférence a le droit de s'écarter du tarif fixé par la conférence pour une catégorie donnée de marchandises à condition d'en aviser les autres membres de la conférence.

E. Les contrats de services dans la pratique

(122) Sur le trafic transatlantique, on estime qu'environ 50 à 60 % du fret est transporté dans le cadre de contrats de services (43), même si la majeure partie des marchandises de groupage (44) est transportée sur la base de taux dégressifs en fonction du volume et de la durée (qui font partie du tarif de la conférence). Le pourcentage élevé de contrats de services sur le trafic transatlantique est dû au fait que les contrats de fidélité sont interdits aux États-Unis d'Amérique, interdiction qui n'existe pas dans d'autres droits de la concurrence.

(123) Sur le trafic transpacifique, sens est-ouest, entre les États-Unis d'Amérique et l'Extrême-Orient, très peu de contrats de services avaient été conclus jusqu'à une date récente, car la conférence s'y opposait, mais ceux qui existaient portaient sur des quantités très importantes(45). Dans le sens inverse, il y a apparemment plusieurs centaines de contrats de services. Sur le trafic Europe du nord - Extrême-Orient, où les accords de fidélité ne sont pas interdits, il n'existe pas de contrats de services semblables à ceux que connaît le trafic américain. Les accords sont soit passés avec la FEFC sur la base d'un accord de fidélite, soit négociés individuellement, sur la base d'une réduction en fonction du volume, sans l'intervention du secrétariat de la FEFC. Il est possible de négocier des taux "tout compris" (c'est-à-dire des prix qui incluent déjà tous les suppléments éventuels) sur ce trafic.

(124) Comme le montre le nombre de dossiers notifiés à la FMC, la popularité des contrats de services a augmenté d'une manière spectaculaire après leur introduction en 1984 pour atteindre un sommet en janvier 1986. Les chargeurs passaient des contrats de services pour obtenir un prix inférieur aux taux normaux du tarif. Si les transporteurs les proposaient, c'est parce qu'ils constituaient la meilleure solution de remplacement des contrats de fidélité devenus illégaux ;leur principal intérêt réside dans la possibilité de lier les chargeurs à un transporteur ou à une conférence donnés, bien qu'ils soient également utiles aux compagnies maritimes pour planifier leurs activités.

(125) En 1986, de nombreux contrats de services n'exigeaient guère de prestations supplémentaires de la part des transporteurs : les chargeurs y recouraient simplement pour obtenir un taux inférieur au tarif normal de la conférence, étant donné que le US Shipping Act interdisait l'octroi de rabais ad hoc sur le tarif de la conférence. Il semblerait que certains contrats de services ne couvraient pas plus de trois EVP en volume et sept jours en durée.

(126) Pour contenir les effets négatifs qu'ils avaient sur les recettes, les conférences desservant le trafic transpacifique ont commencé à interdire les contrats de services individuels à partir du début de l'année 1986 (46). De plus, comme le droit de mener des actions indépendantes sur les contrats de services n'est pas impératif en droit américain, ces conférences ont aussi commencé à interdire toute action indépendante sur les contrats de services communs. Les conférences opérant sur le trafic transatlantique n'avaient jamais autorisé ouvertement les contrats de services individuels jusqu'à leur introduction par les parties au TACA en 1996.

F. Les contrats de services TACA

(127) La Commission a examiné environ trois cent cinquante contrats de services communs TACA relatifs à l'année 1995. Presque aucun de ces contrats ne contient de conditions négociées sur une base individuelle concernant les services. Ils se limitent à fixer un taux inférieur au tarif normal en fonction du volume transporté. Les parties au TACA ont contesté la conclusion tirée par la Commission dans la communication des griefs selon laquelle très peu des contrats de services de 1995 contiennent des services négociés individuellement, en faisant valoir que quatre-vingt-dix-huit de ces contrats contenaient un ou plusieurs des quarante-huit différents types de services supplémentaires.

(128) Selon la Commission, seules seize des quarante-huit clauses différentes recensées par les parties pouvaient être considérées comme se rapportant aux services et non au prix. Sur ces seize clauses, douze n'apparaissaient que dans un contrat chacune et ne concernaient en tout que sept chargeurs : quatre n'apparaissent que dans le contrat [secrets d'affaires], deux dans le contrat [secrets d'affaires] et deux dans le contrat [secrets d'affaires]. Les contrats [secrets d'affaires] ne contenaient tous qu'une clause de ce type. Sur les quatre autres types de clause, deux concernaient l'acheminement par le chargeur, un, la livraison contre remboursement et le dernier, l'entreposage en transit.

(129) Le droit, obligatoire selon la législation américaine, de mener des actions indépendantes sur les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée (mesure destinée à encourager la concurrence) explique probablement le fait que les compagnies maritimes desservant le trafic transatlantique ont préféré proposer des contrats de services plutôt que des taux dégressifs en fonction du volume et de la durée (47). L'attitude des parties au TACA à l'égard des actions indépendantes ressort d'une note d'instruction du TACA datée du 15 février 1996, où elle est décrite comme un "instrument utilisable en dernier ressort".

(130) Dans son rapport de 1989 sur le US Shipping Act, la Federal Maritime Commission faisait l'observation suivante :

"La loi de 1984 autorise expressément les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée, qu'elle définit comme des taux pouvant varier en fonction du volume de fret proposé sur une période donnée. Toutefois, avec la promulgation des dispositions concernant les contrats de services et l'utilisation à grande échelle de ce type de contrat qui s'est en suivie, peu de transporteurs et de conférences ont eu recours aux dispositions concernant les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée."

(131) L'absence d'actions indépendantes sur les contrats de services et les règles du TACA relatives aux conditions de ce type de contrats, y compris l'obligation de les divulguer aux autres membres, signifient que la concurrence par les prix entre les parties au TACA est moindre que ce ne serait le cas si les compagnies offraient de véritables taux dégressifs en fonction du volume et de la durée plutôt que ces mêmes taux déguisés en contrats de services.

(132) Jusqu'à l'introduction des contrats de services individuels, tous les contrats de services entre un chargeur et les parties au TACA étaient négociés pour le compte de celles-ci par le secrétariat du TACA. Les contrats de services négociés par le secrétariat du TACA sont ensuite soumis au vote des parties. Tout membre qui ne souhaite pas participer à un contrat de services conclu dans ces conditions peut mener, à cet égard, une "action unilatérale". Le champ d'application de l'"action unilatérale" est soumis à un certain nombre de limitations importantes susceptibles de décourager le recours à ce type d'action.

(133) Premièrement, l'action unilatérale doit faire l'objet d'un accord avec le chargeur et être déposée au secrétariat du TACA pour notification (à la FMC) dans les quinze jours suivant la notification du contrat de services initial. Ce "créneau" est conçu de manière à limiter sensiblement la possibilité des chargeurs de négocier avec des compagnies maritimes qui ne souhaitent pas participer aux contrats de services TACA. Cette procédure a aussi pour effet de priver les chargeurs de la possibilité de profiter de l'évolution des conditions du marché.

(134) La deuxième limitation importante du champ d'application des "actions unilatérales" sur les contrats de services tient au fait que ce type d'action ne peut porter que sur du fret venant s'ajouter au volume minimal convenu dans le cadre du contrat de services. De plus, le membre du TACA qui s'engage dans une "action unilatérale" n'est plus autorisé à participer au contrat de services.

(135) Les conséquences de cette limitation sont doubles. Les chargeurs essaient, en principe, d'obtenir un contrat de services portant sur le plus gros volume possible dont ils estiment avoir besoin, puisque cela leur permet d'obtenir un rabais plus important sur le tarif normal (48). Étant donné que l'"action unilatérale" ne peut porter que sur les volumes qui dépassent la quantité minimale prévue, le chargeur sait que, s'il négocie une petite quantité minimale, il obtiendra un rabais moindre sur le tarif, sans avoir la certitude d'obtenir un taux moins élevé pour couvrir le reste de ses besoins dans le cadre d'une "action unilatérale". Il est donc peu probable que les chargeurs trouvent l'"action unilatérale" suffisamment avantageuse pour qu'elle se traduise par une augmentation sensible de la concurrence entre les parties au TACA.

(136) La deuxième conséquence de cette limitation réside dans le fait qu'elle rend l'"action unilatérale" inintéressante aux yeux des transporteurs, puisqu'ils ne peuvent plus transporter aucune partie du volume minimal et sont obligés de transporter les marchandises exclusivement au taux convenu dans le cadre de l'"action unilatérale". De plus, l'"action unilatérale" doit obligatoirement porter sur toute la durée du contrat de services. Le système de l'"action unilatérale" manque donc de souplesse du point de vue des transporteurs et a peu de chances d'encourager la concurrence de manière significative entre les membres du TACA.

(137) La troisième limitation importante tient au fait que les quantités qui peuvent être transportées dans le cadre d'une "action unilatérale" sont trop faibles pour rendre cette action réellement utile. Le volume à transporter dans le cadre du contrat de services doit être inférieur aux besoins totaux du chargeur, et le reste de ses besoins doit être réparti entre plusieurs autres transporteurs. Cette limitation peut être aggravée par le fait que les parties au TACA sont probablement à même d'anticiper les besoins annuels globaux des différents chargeurs sur la base de leurs relations commerciales passées.

(138) La quatrième limitation importante est liée au fait que l'"action unilatérale" intervient dans le contexte du contrat de services TACA et ne peut donc porter sur une durée supérieure à celle dudit contrat.

(139) Le 17 novembre 1995, les parties au TACA ont informé la Commission qu'à la date du 10 novembre 1995, aucune action unilatérale n'avait été menée sur des contrats de services TACA en 1995 (49).

(140) Il est important de noter, par ailleurs, qu'aux termes du TAA les parties qui n'étaient pas membres du comité des contrats (50) étaient libres de signer des contrats de services individuels à des taux négociés directement entre le chargeur et la compagnie maritime. Dans la version du TACA notifiée en juillet 1994, cette possibilité avait disparu et toutes les parties étaient liées par les restrictions imposées par l'accord en matière de contrats de services.

(141) Comme il est indiqué au considérant 32, le 9 mars 1995, les parties au TACA ont informé la Commission qu'elles avaient modifié le TACA de façon à permettre aux différents signataires de l'accord de passer des contrats de services en 1996 sans avoir reçu l'approbation d'au moins cinq autres parties à l'accord, pour autant que ces contrats respectent les conditions de l'article 14, paragraphe 2, du TACA.

(142) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont indiqué que, au 28 août 1996, une soixantaine de contrats de services individuels avaient été conclus avec des parties à l'accord. Ces contrats n'avaient pas été soumis au vote des parties au TACA, bien que leurs conditions aient été portées à la connaissance de celles-ci.

(143) Ces soixante contrats représentaient 3,2 % du fret des parties au TACA sur le trafic direct États-Unis d'Amérique-Europe du nord au cours des deux premiers trimestres de 1996. Quelque 75 % des volumes transportés en vertu de ces contrats l'ont été par six transporteurs (51), qui opéraient tous hors conférence dans le passé et dont aucun n'était membre du comité des contrats du TAA.

(144) Cela signifie que les anciens membres du comité des contrats du TAA n'assuraient au total que moins de 1 % (0,8 %) du fret total du TACA sur le trafic direct dans le cadre de contrats de services individuels, chiffre qu'il convient de comparer aux 59,4 % du fret transportés dans le cadre de contrats de services TACA.

(145) Les représentants des chargeurs ont fait valoir que, avant le TAA et le TACA, les contrats de services sur le trafic transatlantique étaient négociés sur une base individuelle et incluaient une très grande variété de services différents. Ils étaient ensuite soumis au secrétariat de la conférence pour information/approbation et notification à la FMC. Il n'y avait pas de contact direct entre le secrétariat et le chargeur.

(146) Lorsque le TAA et le TACA sont entrés en vigueur, la possibilité de négocier des contrats de services comprenant différents services a apparemment disparu. Le rôle du secrétariat du TAA/TACA a été sérieusement renforcé et constitue, au dire des chargeurs, le principal obstacle à la signature de contrats négociés sur une base individuelle. Il a été rapporté à la Commission que les représentants commerciaux des compagnies maritimes prétendent que les clauses du TAA/TACA ne les autorisent pas à offrir autre chose qu'un contrat de services standard, à savoir un contrat dépendant du volume sans services supplémentaires.

(147) Bien que les conférences couvrant le trafic transatlantique n'aient jamais ouvertement autorisé la conclusion de contrats de services individuels, les représentants des chargeurs ont signalé à la Commission que, avant le TAA, il existait des contrats de services individuels non notifiés, de même que des contrats de services de conférence dont les clauses n'étaient pas toutes notifiées. Les règles TAA/TACA en matière de contrats de services ont apparemment mis fin au recours à de telles clauses. Au nombre de ces clauses non notifiées figuraient notamment les suivantes :

a) restitutions en espèces sur des comptes séparés ;

b) classification du fret dans une catégorie où le taux est inférieur ;

c) absence de facturation pour des services tels que le transport terrestre ;

d) gratuité des équipements spéciaux ;

e) taux inférieurs pour les services de la même compagnie sur un trafic différent ;

f) non-application des clauses d'indemnité forfaitaire en cas d'inexécution partielle d'un contrat de services.

(148) Dans une note d'instruction du TACA datée du 15 février 1996, il est indiqué que les "taux intermodaux forfaitaires ("single factor")" et les "taux tout compris - CSC, THC, CAF, etc." sont les "pierres angulaires du TAA/TACA". Cela trouve confirmation dans le fait que les contrats de services passés avec Neusara et Usanera (prédécesseurs du TAA/TACA) pouvaient être négocies sur la base d'un taux tout compris (52).

(149) Outre les règles applicables en matière de négociation des contrats de services, le TACA impose aussi un certain nombre de "lignes directrices" contraignantes (article 14.2) concernant le contenu des contrats de services et les circonstances dans lesquelles il peuvent être conclus. Les restrictions imposées en ce qui concerne le contenu des contrats de services incluent, notamment, des limitations quant à la durée, l'interdiction des clauses conditionnelles et des contrats multiples, des impératifs de non-confidentialité et un accord quant au niveau des indemnités forfaitaires en cas d'inexécution du contrat.

(150) Il ressort d'une analyse des contrats de services TACA relatifs à l'année 1995 qu'un très grand nombre des contrats de services passés avec des transporteurs maritimes non exploitants de navires (NVOCC) n'ont été conclus que par les parties au TACA (53) qui étaient auparavant des membres non structurés du TAA (54) (note 84). Ces compagnies maritimes étaient les anciennes compagnies indépendantes opérant hors conférence sur le trafic transatlantique.

(151) Les parties au TACA ont expliqué que les anciens membres structurés s'abstiennent délibérément de faire concurrence aux anciens membres non structurés pour ce type de fret (55). Il faut considérer cela à la lumière du fait que, selon l'étude "Contrats entre les chargeurs et les conférences maritimes", réalisée pour le compte de la direction générale des transports de la Commission par Brinkman-ship Ltd en février 1996, "sur l'Atlantique nord, environ 23 % de l'ensemble du fret serait réservé par des transporteurs maritimes non exploitants de navires".

(152) Enfin, une étude des contrats de services TACA relatifs à l'année 1995 fait aussi apparaître qu'un grand nombre de ces contrats (environ un tiers) contiennent une grille de taux à deux niveaux, en vertu de laquelle les anciens membres "non structurés" du TAA appliquent, dans le cadre d'un même contrat de services, des taux moins élevés que les anciens membres "structurés" du TAA. Cette réduction oscille généralement entre 50 et 100 dollars des États-Unis par EQP, mais atteint 150 dollars des États-Unis dans un cas au moins. Cette double tarification se retrouve dans les contrats de services TACA relatifs à 1996 et 1997.

(153) Les parties au TACA ont expliqué comme suit l'existence d'une grille à deux niveaux dans les contrats de services :

"A la lumière de la décision TAA de la Commission, des offres de contrats de services TACA pour l'année 1995 ont été faites à des candidats chargeurs à des taux uniformes, c'est-à-dire à des taux applicables de la même manière à toutes les compagnies maritimes participantes. Suivant en cela les conseils juridiques qui leur ont été donnés et en vue de se conformer à la décision TAA sur ce point, les parties au TACA sont convenus que les offres de contrats de services ne devaient pas inclure ou refléter une grille à deux niveaux, en d'autres termes une échelle de taux prédéterminée. Ainsi, pour les offres de contrats de services, comme pour le tarif, un taux pour un produit déterminé ou une catégorie déterminée de produits s'applique à toutes les parties (participant) au TACA, ce qui est logique puisque le TACA ne comprend qu'une seule catégorie de membres.

Par la suite, lors de la négociation d'un certain nombre d'offres de contrats de services, les candidats chargeurs ont demandé des taux inférieurs pour certaines compagnies participantes en fonction de la perception qu'ils avaient des différents niveaux de services offerts. Chaque demande de ce type a été examinée par les compagnies cas par cas. Les conditions définitives négociées avec chaque chargeur ont ensuite été mises aux voix selon la procédure applicable aux contrats de services de la conférence." (56).

(154) Aucune preuve n'a été fournie pour étayer l'affirmation selon laquelle, dans chaque cas, l'initiative d'un contrat de services à deux niveaux de taux provenait du chargeur partie au contrat. En tout état de cause, il est clair que cette grille à deux niveaux a été adoptée d'un commun accord par les membres du TACA. Le mécanisme d'accord sur les taux des contrats de services est décrit au point 4.2.2 de la demande d'exemption datée du 5 juillet 1994. Toutefois, ni à cet endroit ni ailleurs dans le dossier de notification, il n'est fait mention du fait que les parties au TACA considéraient que leur accord les autorisait à conclure des contrats de services contenant une grille à deux niveaux. Ce fait hautement significatif n'a été mis en lumière qu'une fois que la Commission a formellement demandé que des copies de contrats de services TACA lui soient communiquées.

(155) Comme il est expliqué au considérant 256, le fait de réserver les contrats de services NVOCC aux anciens membres non structurés du TAA et d'inclure systématiquement une grille à deux niveaux dans les contrats de services au bénéfice de ces mêmes compagnies a pour effet d'élargir la participation au TACA à un nombre beaucoup plus important de compagnies maritimes que ce ne serait normalement le cas.

VIII. INTERMÉDIAIRES NON EXPLOITANTS DE NAVIRES

(156) Pour se procurer des services de transport maritime, les chargeurs ont trois possibilités : la première consiste à prendre directement contact avec les transporteurs, la deuxième à recourir aux services d'un transporteur non exploitant de navires et la troisième à faire appel à un transitaire. Les parties au TACA considèrent que "la fourniture de services de transport multimodal par les parties au TACA et la fourniture de tels services par les intermédiaires non exploitants de navires, à savoir les transitaires et les transporteurs non exploitants de navires, peuvent se substituer l'une à l'autre" (57).

(157) Il s'agit là d'un argument nouveau, qui n'apparaît pas dans la demande d'exemption, où les parties au TACA ont défini le marché en cause de la manière suivante :

"Les parties sont confrontées, pour le transport de fret conteneurisable entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique dans les secteurs est-ouest et ouest-est, à la concurrence venant : a) d'autres exploitants de services de ligne par conteneur sur le trafic direct ; b) d'exploitants de services de ligne par conteneur sur d'autres liaisons ; c) d'autres exploitants de services réguliers ; d) d'exploitants hors lignes régulières ; e) d'exploitants de services de transport aérien et f) de nouveaux venus ('entrants' et 'cross-entrants') potentiels sur le trafic transatlantique." (58).

A. Non-exploitants de navires

(158) Il convient de distinguer deux types différents de non-exploitants de navires sur le trafic transatlantique nord. Le premier est celui qui n'exploite pas de navire sur le trafic en question (et qui fait appel, pour répondre à ses besoins, à des exploitants réels, en traitant généralement à long terme), mais qui exploite des navires sur d'autres trafics. Des parties au TACA, dont Hanjin et Hyundai, appartiennent à cette catégorie. Les prix auxquels ces non-exploitants de navires achètent les services de transport maritime aux parties au TACA qui exploitent effectivement des navires sur l'Atlantique nord ne sont pas fixés collectivement par les parties au TACA, mais ils sont établis sur une base bilatérale. Le niveau de ces prix est considéré par les parties au TACA comme un secret d'affaires, dont seules ont connaissance les parties à l'accord bilatéral.

(159) Le second type de non-exploitant de navire sur le trafic de l'Atlantique nord est celui qui n'exploite de navire nulle part. Le groupe Kühne & Nagel, Danzas, Schenker International et Panalpina Welttransport en sont des exemples. En plus d'assurer l'expédition des marchandises, ces opérateurs fournissent aussi d'autres services dans le secteur du transit, tels que l'établissement de documents, le dédouanement et l'entreposage. Ces non-exploitants de navires acquièrent leurs services de transport maritime auprès des parties au TACA de la même manière que les autres chargeurs, soit aux taux prévus par le tarif, soit (plus fréquemment) sur la base d'un contrat de services TACA.

(160) De toute évidence, aucun des deux types de non-exploitants de navires n'est en concurrence avec le transporteur effectif pour ce qui est de la qualité du service de transport maritime fourni. En ce qui concerne la concurrence par les prix, les non-exploitants de navires appartenant à la première catégorie (c'est-à-dire ceux qui exploitent des navires sur d'autres trafics) sont en mesure de s'y livrer, pour autant qu'ils n'aient pas volontairement restreint cette liberté en devenant partie à un accord tel que le TACA et en acceptant de ne pas pratiquer la concurrence par les prix.

(161) Les non-exploitants de navires appartenant à la deuxième catégorie (c'est-à-dire ceux qui n'exploitent de navire nulle part) ne livrent absolument aucune concurrence par les prix aux parties au TACA. Si ce type de non-exploitant de navires peut disposer d'une certaine puissance d'achat et donc obtenir des prix pour les contrats de services (mais non des tarifs) inférieurs à ceux payés par d'autres chargeurs, ces prix sont néanmoins fixés par les parties au TACA.

B. Transitaires

(162) Les transitaires se chargent d'organiser le transport de marchandises pour le compte de tiers. Ils choisissent généralement entre deux types de relation possibles avec les compagnies maritimes régulières. Tout d'abord, ils peuvent agir eux-mêmes en tant que chargeur, en s'engageant auprès de l'expéditeur ou du destinataire des marchandises à assurer la livraison de celles-ci au lieu de destination convenu. Les marchandises en question peuvent représenter moins d'un conteneur complet ou plusieurs conteneurs complets : dans un cas comme dans l'autre, le transitaire traite avec la compagnie maritime en tant que commettant et non en tant qu'agent. Le transitaire est rémunéré, en l'occurrence, par la marge qu'il perçoit entre le montant qu'il paie au transporteur pour le transport du conteneur et le prix qu'il obtient de l'expéditeur ou du destinataire (auquel s'ajoute l'éventuelle rémunération de tout autre service rendu). Les transitaires opérant de cette façon peuvent même se présenter comme des transporteurs maritimes non exploitants de navires (NVOCC) et publier un tarif.

(163) Le transitaire peut aussi jouer le rôle d'agent pour un chargeur. Dans ce cas, sa tâche consiste principalement à organiser le transport des marchandises par un transporteur et à négocier les conditions auxquelles le transport sera effectué. Il peut aussi rendre d'autres services, tels que l'établissement des documents et le dédouanement. L'aspect essentiel est que, lorsqu'il opère en cette qualité, le transitaire agit en tant qu'agent du chargeur et non en tant que commettant. Les transitaires qui jouent le rôle d'intermédiaire pour assurer la fourniture, par les compagnies maritimes, de services de transport maritime aux chargeurs reçoivent généralement de la compagnie maritime une commission correspondant à environ 2,5 à 5 % du coût de ces services (à l'exclusion des frais annexes), qui vient s'ajouter à la rémunération qui leur est versée par les chargeurs.

(164) En vertu de l'article 5.1 c) 3 du TACA, les parties au TACA s'accordent sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, y compris les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant servir de courtiers. Les parties au TACA ont fait valoir que la pratique, consistant, pour les membres de la conférence, à fixer le niveau des commissions versées aux transitaires agissant en qualité d'agents des chargeurs est établie de longue date et que, dans certaines parties de la Communauté, elle remonte au début du siècle. Les parties au TACA ont déclaré qu'aucun transporteur maritime desservant les secteurs d'exportation britannique et irlandais n'avait coutume de payer une commission ou une indemnité aux transitaires fournissant des services au Royaume-Uni et en Irlande (59).

C. Arguments présentés à la Commission par les non-exploitants de navires

(165) Les transitaires, par l'intermédiaire de leur association professionnelle paneuropéenne Clecat, ont déclaré être clients, et non concurrents, des parties au TACA pour les services de transport maritime. C'est un fait que reconnaissent les parties au TACA lorsqu'elles décrivent les non-exploitants de navires comme "de gros acheteurs, puissants et bien informés, de capacités de transport maritime" (60).

(166) Indépendamment du Clecat, une association professionnelle dénommée FreightForward Europe (FFE) a, elle aussi, présenté des arguments à la Commission. Les membres de FFE sont les neuf plus grands transitaires d'Europe, qui sont tous également membres du Clecat.

(167) Le 10 juillet 1996, FFE a adressé à la Commission une lettre exposant la position de ses membres à l'égard du TACA, dans laquelle ils se déclaraient favorables aux accords de conférence entre compagnie maritime et soutenaient les arguments du TACA concernant la fixation des tarifs terrestres. Les parties au TACA ont fait référence à cette lettre dans la réponse à la communication des griefs (61) envoyée à la Commission le 6 septembre 1996 et l'ont jointe en annexe à cette réponse.

(168) Le 1er août 1996, les parties au TACA ont mis en œuvre un "plan d'incitation temporaire pour les transporteurs non-exploitants de navires sur le trafic entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique dans le sens est-ouest". Ce plan prévoyait une réduction des taux applicables aux non-exploitants de navires de 75 dollars des États-Unis par EVP et de 125 dollars des États-Unis par EQP.

(169) Le 9 octobre 1996, en réponse à une demande formelle de renseignements, les parties au TACA ont fourni notamment les précisions suivantes concernant les contacts et les réunions qu'elles avaient eus avec FFE.

(170) Le 12 octobre 1995, le secrétariat du TACA a écrit en ces termes aux parties à l'accord au sujet d'une réunion ayant eu lieu le 6 octobre 1995 entre le TACA et les membres de FFE : "Les membres de FFE étaient particulièrement satisfaits d'être considérés comme clients dans leurs relations commerciales avec le TACA". La nature de ces relations se reflète également dans une lettre datée du 9 octobre 1995, envoyée par Charles F. McCann, président de Cho Yang (America) Inc, aux transitaires qui ont assisté à la réunion du 6 octobre 1995, dans laquelle il est indiqué que "la politique d'entreprise [de Cho Yang] est centrée sur l'association vitale avec vous et d'autres transitaires/groupeurs mondiaux. Nous nous emploierons à protéger vos intérêts, qui sont aussi ceux de Cho Yang."

(171) Le 21 juin 1996, P& O a diffusé une note interne concernant une réunion qui a eu lieu entre TACA et les membres de FFE le 20 juin 1996 :

"FFE soutiendra la cause de la 'stabilisation'. Ses membres ne souhaitent pas que les transporteurs subventionnent l'acheminement terrestre à l'aide des recettes provenant du transport maritime. FFE fera feu, mais c'est au TACA de fournir les munitions. En conséquence, il a été convenu que J. Pheasant [conseiller spécial pour l'Europe des parties au TACA] aidera à l'élaboration d'un 'document de tavail' bien argumenté qui mentionne la nécessité de stabilité pour les petits chargeurs autant que pour FFE."

(172) Le 1er juillet 1996, FFE a écrit à John Pheasant en ces termes : "Cher John, veuillez trouver ci-joint, en vue de notre réunion du 3 juillet à 8 heures dans vos bureaux, un projet de position pouvant servir de base à nos discussions. Sincères salutations, Kurt Vandenberghe", en joignant en annexe un projet de la lettre qui a été envoyée à la Commission le 10 juillet 1996. À la lecture de la version définitive de la lettre de FFE envoyée à la Commission et du projet adressé à M. Pheasant, des différences considérables apparaissent. Comme on peut s'y attendre, elles tiennent à l'introduction d'un certain nombre d'arguments clés avancés par les parties au TACA et dont aucun n'est accepté par la Commission :

"les conférences ne sont pas incompatibles avec des taux de fret réduits,"

"bien que le trafic transatlantique ait toujours connu un environnement de conférence, les taux n'ont cessé du diminuer au fil du temps,"

"les conférences ne freinent ni l'innovation ni l'investissement dans le développement de nouveaux services,"

"si les contrats de services étaient invisibles, les gros chargeurs obtiendraient des avantages disproportionnés au détriment des petits,"

"il est important pour les conférences de fixer des taux communs pour les contrats de services," "si la libre concurrence était de rigueur pour les taux forfaitaires ou les tarifs terrestres, les compagnies maritimes subventionneraient leurs tarifs terrestres en abaissant les taux maritimes à des niveaux ruineux."

(173) En octobre 1996, à la suite d'un désaccord parmi ses membres au sujet du soutien ainsi apporté aux parties au TACA, FFE a écrit à la Commission pour retirer la lettre.

IX. CONCURRENCE ENTRE LES PARTIES AU TACA

(174) En ce qui concerne la concurrence au sein du TACA, le premier point à examiner se rapporte à la législation américaine. En application de l'US Shipping Act 1984, les conférences exemptées de la législation antitrust américaine sont tenues de notifier officiellement leurs tarifs à la "Federal Maritime Commission" et d'adhérer à ces taux déclarés.

(175) Les transporteurs ne peuvent accorder aucun rabais spécial ni exonérer un chargeur d'aucune taxe pour quelque raison que ce soit, et cela en dépit du caractère commercialement opportun ou de la nécessité apparente d'un tel geste dans une situation donnée (62). L'obligation d'adhérer aux tarifs déclarés a notamment pour conséquence (voire pour objectif) que les membres d'une conférence exemptée en application de la législation américaine ne peuvent exercer de discrimination en faveur des gros chargeurs. La différence de puissance d'achat entre gros et petits chargeurs s'en trouve considérablement réduite.

(176) Toute infraction à cette règle est punissable d'une amende civile d'un montant maximal de 25 000 dollars des États-Unis. C'est donc une autorité américaine de réglementation qui se charge de lutter contre les irrégularités pour une part substantielle des activités du TACA. Les activités de contrôle et de répression de la "Federal Maritime Commission" sont exercées par son "Bureau of Enforcement", qui emploie sept juristes et huit enquêteurs pour accomplir cette tâche.

(177) Le respect des règles du TACA est aussi assuré à l'aide des nombreuses mesures disciplinaires décrites aux considérants 21 et 22. Ce dispositif consiste aussi bien dans le paiement de garanties substantielles et d'amendes en cas de dépassement des quotas, que dans la désignation d'un organe indépendant appelé à jouer le rôle d'autorité de contrôle ("Enforcement Authority") ayant "un accès total et illimité à tous les documents pouvant concerner les activités d'un transporteur sur le trafic".

(178) L'organe indépendant ainsi désigné est dénommé "The Adherence Group bv". Parmi les tâches qui lui sont dévolues figure celle d'expliquer aux parties au TACA les règles complexes de l'accord. On en trouve un exemple dans une lettre adressée par The Adherence Group bv à Hanjin en date du 28 avril 1995, dans laquelle il est indiqué qu'"il n'existe AUCUNE possibilité [en application des règles du TACA] d'appliquer un taux SC [contrat de services] conjointement avec un tarif terrestre IA [action indépendante]."

(179) Les parties au TACA ont aussi adopté des mesures leur permettant de se présenter sur le marché comme une entité unique et de réduire ainsi la pression exercée par les clients pour obtenir des réductions de prix. Le rôle du secrétariat du TACA et la publication de plans d'exploitation annuels ont été particulièrement importants à cet égard (voir annexe 3). Le secrétariat du TACA assume des fonctions administratives et financières très étendues. Il est habilité à remplir la fonction d'agent des membres du TACA en passant des contrats de transport en leur nom, et a le droit d'assister à la négociation des contrats de services entre les chargeurs et tout membre du TACA.

(180) L'esprit de coopération qui règne au sein du TACA est mis en évidence par une lettre adressée par POL à Hanjin le 28 décembre 1995 au sujet des contrats de services avec les transporteurs maritimes non exploitants de navires (NCOCC), dans laquelle il est dit ceci :

"toutes les questions relatives aux NVOCC sont très délicates et sensibles. Elles ne peuvent être traitées convenablement qu'en parfaite harmonie au sein du TACA, collectivement, sans aucun individualisme, car toute démarche indépendante risque de détruire totalement cette partie du marché, qui a été si soigneusement construite par le groupe au fil des années. Nous vous invitons par conséquent à régler ce problème avec POL dans le souci d'éviter toute concurrence mutuelle au sein du TACA (soulignement ajouté)."

A. Autres accords restrictifs affectant le trafic transatlantique

(181) En dehors du TACA, il est nécessaire de prendre en considération les autres facteurs susceptibles de réduire la pression concurrentielle.

(182) Un grand nombre de parties au TACA n'exploitent pas leurs propres navires sur le trafic entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique : P&O, Nedlloyd, OOCL, NYK, NOL, POL, Hanjin, Hyundai. Ces compagnies utilisent par conséquent de l'espace sur les navires exploités par d'autres membres du TACA. En outre, même les parties au TACA, qui exploitent des navires sur le trafic entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique, utilisent de l'espace sur les navires d'autres parties. Aucune des parties au TACA n'utilise d'espace sur les navires exploités par des compagnies maritimes qui ne sont pas partie à l'accord.

(183) Les parties au TACA ont été invitées par la Commission à lui fournir des précisions sur tous les autres accords, en vigueur ou prévus, qui portent sur le trafic transatlantique et auxquels elles participent, que ce soit ou non sous les auspices (au sens le plus large) du TACA. Elles ont répondu à cette demande en transmettant à la Commission les renseignements figurant à l'annexe IV. Les parties au TACA ont exclu des informations fournies tout renseignement concernant les accords auxquels elles participent mais qui ne relèvent pas de la couverture géographique du TACA (63).

(184) Ces accords semblent être exclusivement des accords d'affrètement d'espace et de calendrier, en vertu desquels les parties au TACA s'engagent à coopérer en vue de s'attribuer mutuellement de l'espace sur leurs navires.

(185) Il ressort des informations figurant à l'annexe IV que les compagnies maritimes opérant sur le trafic transatlantique se sont rassemblées en trois grands groupements comme suit :

a) P& O, Nedlloyd, Sea-Land, Maersk, OOCL ("les accords de type VSA et les accords connexes") ;

b) Hapag-Lloyd, MSC, TMM, Tecomar, Hyundai, NYK, NOL, POL ("les accords ACL/Hapag Lloyd et autres") ;

c) Cho Yang, DSR/Senator, Hanjin ("l'accord Hanjin/Tricon").

(186) Le premier aspect de ces accords qu'il convient de relever est qu'ils ne concernent pas le TACA en tant que tel, mais différents groupements de compagnies maritimes agissant indépendamment du TACA et de son secrétariat. Le deuxième aspect réside dans le fait que le premier et le troisième groupements agissent dans le cadre d'une intégration beaucoup plus poussée que le deuxième.

(187) Le VSA est un consortium de compagnies maritimes de ligne établi en mars 1988 par Sea-Land, P& O et Nedlloyd, qui opère sur les trafics entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique et entre la Méditerranée et les États-Unis d'Amérique. Les parties au VSA exploitent conjointement neuf navires, dont Sea-Land est propriétaire et armateur. Les parties au VSA sont collectivement partie aux autres accords avec OOCL et Maersk. En vertu de ces accords, OOCL obtient chaque semaine des parties au VSA des emplacements représentant une capacité de 1 450 EVP dans chaque sens et de Maersk une capacité de 400 EVP. Les parties au VSA se fournissent mutuellement des emplacements représentant une capacité de 180 EVP par semaine (64). Pour les besoins du VSA, Sea-Land a consenti des investissements considérables dans l'achat de navires et P& O et Nedlloyd ont contribué à leur financement. En outre, P& O, Nedlloyd et OOCL ont accepté de retirer leurs navires et d'utiliser ceux de Sea-Land.

(188) Dans le cadre des accords ACL/Hapag Lloyd et autres, cinq services de transport maritime régulier (A-Service, PAX Service, GUMEX Service, North Atlantic Service et South Atlantic Service) sont actuellement fournis entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique. L'un d'entre eux est fourni par ACL, deux par MSC, un par Hapag Lloyd, NOL et NYK et un par Hapag Lloyd et TMM/Tecomar. Le tableau 4 ci-dessous précise quelles compagnies exploitent les différents services et lesquelles affrètent de l'espace sur ces services.

EMPLACEMENT TABLEAU

(189) Dans le cadre de l'accord Tricon, DSR/Senator et Cho Yang fournissent conjointement des services internationaux de transport maritime régulier sur trois trafics au départ et à destination de la Communauté, à savoir :

a) le trafic Europe du nord-États-Unis d'Amérique ("Trafic de l'atlantique nord") ;

b) le trafic Europe du nord/Extrême-Orient

et

c) le trafic Asie/Méditerranée/Amérique (trafic "AMA").

(190) Le trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique/Extrême-Orient est exploité en "tour du monde", une flotte de navires opérant dans le sens ouest-est et l'autre dans le sens est-ouest. À l'heure actuelle, DSR/Senator et Cho Yang exploitent onze navires dans le sens ouest-est et onze dans le sens est-ouest sur leur service "tour du monde" et treize navires au total sur leur service AMA. DSR/Senator et Cho Yang coopèrent avec Hanjin sur le trafic de l'Atlantique nord depuis le 1er janvier 1995, conformément à l'accord Hanjin/Tricon. En vertu de cet accord, Hanjin affrète des emplacements sur le service de l'Atlantique nord de Tricon. Le 25 février 1997, Hanjin a acquis une participation majoritaire dans DSR/Senator.

(191) Outre les accords décrits plus haut concernant les trafics Europe du nord/États-Unis d'Amérique, certaines des parties au TACA sont également partie à des accords portant sur les trafics Europe du nord/Canada et Méditerranée/États-Unis d'Amérique. Ainsi, OOCL et DSR/Senator sont toutes deux parties aux accords avec Canada Maritime (voir à cet égard les considérants 265 à 273) concernant des services exploités entre des ports situés en Europe, d'une part, et au Canada, d'autre part. Hapag Lloyd affrète de l'espace sur le service exploité par Canada Maritime/OOCL entre Montréal et l'Europe du nord.

(192) Les accords conclus par ces groupements ne contiennent pas de dispositions contraignantes en matière de tarification ; ils favorisent toutefois la coordination et le respect d'une certaine discipline entre les parties. C'est ainsi que, en 1995, les parties aux accords de type VSA n'ont mené en tout que quatre-vingt-douze actions indépendantes sur le trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique. Sur le trafic transpacifique, où le VSA n'est pas applicable, les parties à cet accord (autres que P& O, qui n'exploitait pas à l'époque de service transpacifique) ont mené la même année 4 880 actions indépendantes. La US Federal Maritime Commission a déclaré publiquement qu'aucune action indépendante importante sur les taux n'avait été menée sur le trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique en 1994.

(193) L'effet de ces accords a donc été de restreindre la concurrence à l'intérieur du TACA, en particulier en réduisant le nombre d'actions indépendantes. En outre, dans la présente affaire, la combinaison des deux types d'accords restrictifs (conférences et consortiums) entre les parties (y compris l'accord VSA concernant le maintien de clauses essentielles communes) est de nature à restreindre toute concurrence autre que par les prix entre les parties au TACA.

(194) La cause en est l'utilisation considérable d'espace sur les navires des autres membres du TACA, qui fait que chaque membre est nettement moins encouragé à concurrencer les autres sur le plan de la rapidité de la traversée et de la sécurité du fret et est moins à même de le faire. En fait, le "produit" offert par chaque transporteur ne se distingue plus des autres. Cet effet est renforcé par le fait que sept des parties au TACA n'exploitent pas leurs propres navires sur le trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique. L'identité du propriétaire du navire sur lequel les marchandises sont transportées n'est pas un secret pour le chargeur, puisque le nom du navire (65) apparaît non seulement sur le calendrier des départs de chaque transporteur, mais aussi sur le connaissement.

(195) On peut tirer deux conclusions de cette analyse : en premier lieu, les effets bénéfiques et autres des accords de partage des navires et d'échange d'emplacements ne dépendent pas du TACA, mais d'accords passés entre les compagnies maritimes elles-mêmes. Leurs avantages éventuels ne peuvent être imputés au TACA. Toutefois, même si on pouvait les mettre à son actif, les restrictions de concurrence qu'entraîne le TACA ne sont pas indispensables à la réalisation des objectifs visés par les accords de partage de navires et d'échange d'emplacements.

(196) En second lieu, que chaque catégorie d'accords puisse ou non bénéficier d'une exemption, leur impact global sur les restrictions de concurrence découlant du TACA proprement dit doit être pris en considération pour déterminer si le TACA lui-même peut bénéficier d'une exemption individuelle. L'effet sur la concurrence entre les parties au TACA est particulièrement important.

(197) D'autres autorités de contrôle que la Commission ont exprimé leurs préoccupations quant à l'effet que peuvent avoir ces types d'accords (généralement connus sous le nom de VSA ou accords de partage de navires). Ainsi, Karen Gregory, économiste à la US Federal Maritime Commission, a déclaré sous serment ce qui suit :

"Si les VSA peuvent être un moyen de gérer les capacités, les horaires et la fréquence des services, il affectent aussi la concurrence entre transporteurs. La coordination des services et des investissements nécessite une certaine dose de coopération. La coordination inhérente aux VSA favorise la solidarité entre transporteurs, laquelle diminue à son tour la concurrence par les prix entre membres de la conférence. Dans un article traitant d'un VSA récemment conclu sur le trafic transpacifique, un responsable de la Mitsui OSK Lines a fait le commentaire suivant : "Il reste encore un grand nombre d'actions indépendantes, mais nous espérons que ce type d'accord va arranger les choses" (66).

(198) Selon la Commission, le commentaire du représentant de Mitsui OSK Lines visait à suggérer que les consortiums tels que les accords de partage de navires ont pour effet de réduire le nombre d'actions indépendantes engagées par leurs membres.

B. Preuves de concurrence interne

a) Données concernant les prix

(199) Les parties au TACA allèguent que les restrictions de la concurrence interne ont été sensiblement réduites par rapport au TAA. Elles font valoir que les actions indépendantes, les contrats de services, les actions unilatérales portant sur les contrats de services, les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée et les actions indépendantes sur ces taux sont autant de preuves de l'existence d'une concurrence interne ou extérieure. Elles soutiennent aussi être en concurrence sur d'autres terrains, en particulier en ce qui concerne le service offert.

(200) Les parties au TACA font valoir, en outre, que le fait que certaines marchandises voyagent aux prix des contrats de services et que d'autres bénéficient de réductions par rapport aux taux normaux prouve "qu'il existe une concurrence significative par les prix entre les parties au TACA" (67). Elles soutiennent encore que, "en l'absence de pressions concurrentielles au sein de la conférence, les parties au TACA ne seraient pas incitées à transporter le fret à d'autres prix que les taux par catégorie du tarif TACA" (68).

(201) On peut s'interroger sur la nature le l'argument économique invoqué ici par les parties au TACA. Quoi qu'il en soit, la Commission ne retient pas comme preuve de concurrence le fait que des prix différents sont facturés à des chargeurs différents. Le simple fait que d'autres prix que ceux du tarif sont pratiqués ne prouve pas plus l'existence d'une concurrence qu'il n'en prouve l'absence.

(202) En outre, le fait que certains clients n'acceptent pas ou ne soient pas en mesure de payer le prix visé par un cartel n'est pas la preuve d'une concurrence interne mais peut être celle que le prix visé est trop élevé pour maximiser le profit. Un cartel ne pouvant recourir à la discrimination entre clients abaisserait alors les prix du cartel à un niveau permettant de maximiser le profit. Toutefois, comme on le verra plus loin, les parties au TACA sont en mesure de pratiquer la discrimination entre clients.

Discrimination par les prix

(203) La première observation à faire est que la stratégie de fixation des prix du TACA a pour objectif de maximiser le profit : tel est l'objectif premier de toute stratégie de fixation des prix et pour l'atteindre, la méthode consiste à s'approprier la plus-value perçue par le consommateur ("consumer surplus") et à la convertir en profit supplémentaire pour l'entreprise. La tarification est un moyen de parvenir à cette fin et non la fin en soi.

(204) Pour mieux saisir ce point, il faut comprendre que le tarif est la concrétisation d'une politique de fixation des prix fondée sur la discrimination entre clients. En d'autres termes, les prix appliqués diffèrent d'un chargeur à l'autre et ces variations ne reflètent pas toujours les différences de coût. Les autres mécanismes de fixation des prix, tels que les rabais sur le tarif normal et les prix des contrats de services ne sont qu'un raffinement d'un système de fixation des prix déjà complexe.

(205) Fondamentalement, le système de tarification discriminatoire du TACA suppose qu'à des chargeurs différents correspondent des élasticités-prix différentes de la demande - les parties au TACA visent à facturer ce que chaque chargeur est en mesure de supporter. Chaque prix est fixé de manière à ce que son écart en pourcentage par rapport au coût marginal soit inversement proportionnel à l'élasticité-prix de la demande de l'article.

(206) La discrimination par les prix est profitable car elle permet à l'entreprise d'accroître son revenu sans augmenter ses coûts. Il en existe trois principales catégories, dont chacune correspond à un degré. La discrimination du premier degré consiste à faire payer à un client un prix donné pour un article ou un service donné et un prix différent pour les articles ou services achetés par la suite.

(207) La discrimination par les prix du second degré consiste à fixer les prix en fonction de la quantité achetée. Cette forme de discrimination est pratiquée par les parties au TACA sous la forme de taux dégressifs en fonction du volume et de la durée et de contrats de services.

(208) La troisième forme de discrimination par les prix, celle du troisième degré, est qualitativement différente des deux premières. Elle existe dès lors qu'une entreprise répartit ses clients en plusieurs catégories et fixe un prix différent pour chaque catégorie. Le tarif maritime du TACA établit deux mille quatre-vingts catégories différentes de clients. Ces catégories sont divisées selon les critères exposés ci-après.

(209) Un numéro de code est attribué à chaque marchandise transportée dans le cadre du TACA. Ainsi, les produits laitiers figurent dans l'index des marchandises sous le numéro de code 0400. De même, les tissus portent le numéro de code 6000 et les armes à feu le 9300. Le mécanisme de tarification de base du TACA consiste à faire entrer chacune de ces marchandises dans l'une des vingt-six catégories pour lesquelles un prix de base est établi par les parties.

(210) Cette troisième forme de discrimination par les prix permet aussi aux parties au TACA de discriminer entre les chargeurs en adaptant le code attribué aux marchandises d'un chargeur donné. Par exemple, le code normal pour le papier bible ("Biblious Paper") est le 4803 : la catégorie tarifaire pour le transport de ce type de marchandise du golfe du Mexique au continent est 14. De même, le code normal pour la couverture kraft ("Kraft Linerboard") est le 4808 et la catégorie pour le même trajet est aussi 14. Pourtant, dans le contrat de service 96-EC3 ([secrets d'affaires]), le papier bible et la couverture kraft portent tous deux le numéro de code 4804, pour lequel la catégorie applicable pour un voyage du golfe du Mexique au continent est la 8. Sur la base du tarif de 1998, un tel ajustement du code revient à appliquer un prix par EQP de 1 535 dollars des États-Unis au lieu de 1 985 dollars des États-Unis, soit une différence de près de 25 %.

(211) La raison d'être de ces ajustements apparaît dans une note du secrétariat du TACA aux parties datée du 12 octobre 1995 : "Il a également été souligné que l'on avait eu recours aux ajustements de catégorie tarifaire de manière sélective les années précédentes pour maintenir un climat commercial équilibré" (mise en évidence ajoutée).

(212) La troisième forme de discrimination par les prix est aussi facilement reconnaissable dans les actions indépendantes qui sont parfois menées par les parties au TACA et sont limitées dans le temps (par exemple, trente jours), en volume et en nombre de ports couverts. Il s'agit en fait de stratégies de fixation des prix ponctuelles destinées à obtenir des lots de marchandises spécifiques d'un chargeur donné, qui constituent l'équivalent d'un achat sur le marché spot. Cette discrimination peut avoir pour objectif d'éviter que les marchandises soient transportées par une compagnie hors conférence ou, sur certains trafics, comme fret non conteneurisé.

(213) Toutefois, la catégorie dans laquelle la marchandise est rangée (et donc le prix de base applicable) n'est pas fixe. D'abord, une marchandise peut être rangée dans des catégories différentes selon qu'elle est transportée dans le sens ouest-est ou dans le sens est-ouest. Ensuite, la catégorie dans laquelle une marchandise est rangée diffère selon son origine et sa destination. Les marchandises expédiées d'Europe se répartissent en cinq catégories : continent, Royaume-Uni, Danemark, Suède/Norvège/Finlande, Pologne. Les marchandises transportées à partir des États-Unis d'Amérique se divisent en seize catégories : Nord vers continent, Sud vers continent, Golfe vers continent, Pacifique vers continent, etc.

Actions indépendantes

(214) Dans la mesure où les actions indépendantes peuvent être considérées comme une preuve de concurrence, un certain nombre de commentaires s'imposent.

(215) Premièrement, une action indépendante peut porter sur une période très courte. Elle est alors comparable à une offre de prix sur le marché spot, où, faute d'avoir la certitude qu'une capacité est disponible pour transporter ses marchandises, le client se voit offrir un prix moins élevé. Il s'agit d'une autre forme de discrimination par les prix, qui pourrait être comparée aux prix "stand-by" offerts par la plupart des compagnies aériennes.

(216) Deuxièmement, il est prouvé que des actions indépendantes à court terme peuvent servir de solution provisoire pendant la négociation des contrats de services (69).

(217) Troisièmement, il est clair que de nombreuses actions indépendantes menées par les parties au TACA ne le sont pas en réaction à la concurrence interne mais sont des réponses légitimes à la concurrence extérieure. Ainsi, cinq compagnies ont mené une action indépendante en 1996 pour le transport de cacahuètes dans le sens est-ouest. Les cacahuètes, en raison des toxines mortelles qu'elles produisent dans certaines circonstances, sont représentatives du type de produits qui doivent voyager en vrac ou en conteneurs ventilés ou à taux d'humidité réglable. Comme ce type de conteneurs n'est devenu disponible que récemment, les cacahuètes semblent faire partie des produits visés plus haut (voir considérants 66 à 71), qui sont en voie de conteneurisation mais pour le transport desquels il subsiste une concurrence résiduelle des transporteurs de vrac.

(218) Parmi les produits qui sont comparables aux cacahuètes en ce qu'ils nécessitent une ventilation et évoluent vers le transport par conteneur, on peut aussi citer le café. En 1996, quatorze parties au TACA ont mené une action indépendante conjointe pour le transport d'est en ouest de café vert décaféiné à partir de l'Europe continentale.

(219) Il existe aussi d'autres produits pour lesquels le recours intensif aux actions indépendantes par les parties au TACA porte à penser que ces actions étaient destinées à faire face à la concurrence extérieure plutôt qu'interne. Ainsi, en 1996, huit parties au TACA ont mené une action indépendante pour le transport de papier dans le sens est-ouest à partir du Royaume-Uni et neuf pour le transport de pains croustillants dans la même sens, à partir du continent et de la Suède.

(220) Enfin, pour illustrer l'importance du recours aux actions indépendantes par les parties au TACA, le tableau 5 fournit des chiffres comparatifs relatifs aux actions indépendantes menées par les parties au TACA qui sont aussi membres du Asia North America Eastbound Rate Agreement et du Transpacific Westbound Rate Agreement.

EMPLACEMENT TABLEAU

(221) Comme le montrent ces chiffres, même si l'on tient compte du fait que le trafic transpacifique est plus important que le trafic transatlantique, le nombre d'actions indépendantes menées sur le trafic de l'Europe du nord par les parties au TACA qui sont aussi membres des conférences transpacifiques est comparativement insignifiant.

(222) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont fait valoir que "Quoi qu'il en soit, une analyse de l'importance des actions indépendantes sur les taux au sein d'une conférence doit tenir compte non seulement du nombre d'actions individuelles sur les taux mais aussi du volume total de fret transporté à ces taux". Cette déclaration contredit catégoriquement les vues exprimées par le secrétariat du TACA dans une note d'instruction datée du 15 février 1996, selon laquelle "le problème ne tient pas tant au nombre d'actions indépendantes et/ou de contrats de services individuels ni à la couverture en EVP, mais plutôt à la couverture, à la structure et aux segments de marché visés en termes de marchandises". Les parties au TACA n'ont avancé aucun argument axé sur la couverture, la structure ou les segments de marché visés en termes de marchandises.

b) Autres preuves de concurrence interne

La fréquence des contrats de services

(223) Les parties au TACA ont fait valoir que le fait qu'un grand nombre de leurs clients ont conclu des contrats de services prouve l'existence d'une concurrence interne puisque ces contrats prévoient un prix qui est inférieur au taux normal pour les mêmes marchandises (bien qu'il ne puisse trop s'écarter du taux dégressif en fonction du volume et de la durée prévu au tarif pour les marchandises en question).

(224) À la différence des possibilités qui existent pour les actions indépendantes et les contrats de services individuels, il est clair qu'il n'y a pas de concurrence interne par les prix entre les membres du TACA qui sont parties à un contrat de services commun. En outre, du point de vue du transporteur, la conclusion de contrats de services avec les chargeurs comporte des avantages considérables qui compensent le fait que le prix du contrat de services est inférieur au taux du tarif. En premier lieu, les contrats de services sont généralement conclus pour un ou deux ans. Étant donné la fréquence des contrats de services sur le trafic transatlantique (environ 60 % du total du fret transporté par le TACA l'a été dans le cadre de contrats de services), ce système, à relativement long terme, aide les compagnies maritimes à planifier leurs besoins de capacité et leur garantit un renvenu stable.

(225) Le second principal avantage du contrat de services du point de vue du transporteur tient au fait que, bien qu'il ne soit pas aussi efficace que le contrat de fidélité (ou exclusif) comme barrière à l'entrée, il constitue néanmoins un excellent moyen de dissuader les concurrents potentiels (70).

(226) Les conditions nécessaires pour obtenir cet effet sont remplies facilement dans le cas des contrats de services. En premier lieu, il existe une asymétrie des capacités entre l'opérateur établi et les nouveaux venus potentiels et une échelle de production minimale est nécessaire. En second lieu, les contrats de services TACA contiennent des clauses d'indemnité forfaitaire en cas d'inexécution partielle du contrat par le chargeur. Le niveau des indemnités forfaitaires a été fixé par les parties au TACA à 250 dollars des États-Unis par EVP, soit un montant supérieur à ce que le chargeur peut espérer gagner en rompant le contrat pour faire appel à un nouveau venu.

(227) Ainsi, les clauses d'indemnité forfaitaire en cas d'inexécution partielle équivalent, pour le client, au coût lié au changement de fournisseur, dont il est universellement reconnu qu'il constitue une barrière à l'entrée. Les chargeurs qui achètent les services dans le cadre du tarif échappent à ce type de coût, bien qu'ils puissent avoir à supporter des frais d'étude du marché.

(228) En conséquence, il apparaît que, loin de constituer la preuve d'une concurrence interne effective, l'existence de contrats de services cadre parfaitement avec la politique de maximisation du profit propre à une entreprise ayant un pouvoir de marché.

(229) Une lettre écrite par Hanjin au TACA le 19 août 1994, dans la perspective de son entrée sur le trafic transatlantique, témoigne de l'intérêt que présente pour un nouveau venu le fait d'être partie à des contrats de service : "Pour nous préparer à notre activité commerciale, nous souhaiterions avoir accès à tous les documents et statistiques du TACA (tarif, contrats de services, escales, chargements et résultats)".

(230) Dans le compte rendu d'une réunion des dirigeants du TACA ("TACA PWSC meeting n° 95-8"), on peut lire que le directeur général a rapporté que "Hyundai a cherché à adhérer à des contrats de services pour 1995 auxquels trois membres ou plus participent actuellement pour le secteur ouest-est, trois ou plus pour le secteur est-ouest et trois ou plus sur la base de contrats de services communs ouest-est/est-ouest, et ce aux niveaux de taux applicables à la majorité des membres dans ce type de contrats. À cet égard, il a confirmé que le nécessaire était fait pour notifier cette adjonction, qui prendra effet au moment des premiers voyages transatlantiques de Hyundai, aux chargeurs qui sont partie aux contrats de services".

Passage d'un transporteur à l'autre

(231) Le tableau 26 de la réponse à la communication des griefs est décrit comme étant une "comparaison de la part du fret des différents chargeurs transportée par le principal transporteur TACA en 1994 et au premier trimestre de 1996". Il est censé prouver que les parties au TACA se font concurrence pour le fret à transporter dans le cadre de contrats de services TACA. Il vise à démontrer, en particulier, que même lorsqu'un chargeur donné a conclu un contrat de services TACA, il ne fait pas appel au même transporteur ou aux mêmes transporteurs tous les ans mais "répartit son fret entre les transporteurs participants sur la base de son appréciation commerciale fondée sur l'évaluation des offres concurrentes des différents transporteurs" (71).

(232) Dans le cadre d'un contrat de services TACA, il n'est pas question de concurrence par les prix une fois que le contrat a été conclu : le prix a été convenu au préalable. Il subsiste une possibilité de concurrence sur la qualité du service, dont les principales caractéristiques sont, pour une opération de transport maritime, la fiabilité du service et la commodité des horaires. Lorsqu'un transporteur est partie à un accord tel que le VSA, ces formes de concurrence sont exclues car les parties à de tels accords partagent les navires et opèrent selon un calendrier commun.

(233) Pour démontrer l'existence d'une concurrence intérieure, il serait par conséquent nécessaire de montrer que des chargeurs ont transféré leur fret d'un groupement de transporteurs à l'autre et pas simplement à l'intérieur d'un même groupement. L'annexe V indique que "même si l'on prend pour base les chargeurs sélectionnés par les parties au TACA", les parts détenues par les groupements de transporteurs sont restées très stables et, sauf dans quelques cas, les transferts qui ont été opérés ne l'ont pas été d'un groupement à l'autre.

Fluctuations des parts de marché

(234) Dans la réponse des parties à la communication des griefs, il est dit, au point 222 : "Il ressort du tableau 37 que les parts de marché respectives des parties au TACA ont subi des variations considérables. Ces fluctuations indiquent clairement l'existence d'une concurrence entre les parties au TACA."

(235) Toutefois, les chiffres fournis par les parties au TACA au tableau 37 ("% d'augmentation/de diminution : du maximum au minimum pour la période") ne donnent pas une image exacte des fluctuations des parts de fret respectives des parties au TACA.

(236) Par exemple, les parties au TACA soutiennent que la part de NOL a varié de 33,3 % pendant la période de référence. Pour replacer ce chiffre dans son contexte, il convient de noter que NOL a transporté 935 conteneurs en 1994, 1 169 en 1995 et 217 au premier trimestre de 1996. Étant donné que les parties au TACA ont transporté en tout sur le trafic direct plus de 1,3 million de conteneurs aussi bien en 1994 qu'en 1995, le fait que NOL a transporté 234 conteneurs de plus en 1995 qu'en 1994 n'a aucune signification. Il ne constitue certainement pas une preuve incontestable de concurrence entre les parties au TACA.

(237) En outre, le relevé des variations trimestrielles ne tient pas compte du fait que le transport maritime de ligne étant une activité tirée par la demande, chaque compagnie est sujette aux fluctuations de la demande de sa propre clientèle, qui résultent des variations saisonnières et autres de la demande des produits des chargeurs concernés. Ainsi, il est possible qu'un chargeur donné, qui a une préférence pour un transporteur en particulier, ait des besoins de transport beaucoup plus importants pendant certains trimestres. On observe, par exemple, de telles variations de la demande pour les boissons en été et pour les biens de consommation à l'approche de Noël.

(238) Les fluctuations annuelles globales des parts de marché respectives des parties au TACA donnent une image exacte de la situation. Ces informations sont fournies dans le tableau 6.

EMPLACEMENT TABLEAU

(239) L'attitude du TACA à l'égard des fluctuations des parts de marché transparaît dans une note d'instruction datée du 15 février 1996, dans laquelle le secrétariat du TACA recommande au président d' "encourager et d'amener tous les transporteurs à trouver collectivement un moyen de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic sans provoquer une réaction en chaîne négative". Quoi qu'il en soit, il ressort du tableau 6 que les parts de marché des parties au TACA sont restées remarquablement stables.

Concurrence par la qualité

(240) Dans la réponse du TAA (datée du 17 mars 1995) aux questions soulevées en application de l'article 85 dans la communication des griefs datée du 10 décembre, les parties au TAA ont déclaré ceci :

"3.10. Chaque partie au TAA opère en tant qu'entité commerciale séparée : elle est dotée d'une organisation commerciale et d'une renommée sur le marché qui lui sont propres.

3.11. L'annexe 6 contient des exemples d'annonces publiées dans la presse spécialisée pour chacune des parties au TAA. Ces annonces montrent que chaque partie au TAA se présente sur le marché comme une entité commerciale distincte et que les parties au TAA sont aussi en concurrence, entre elles et avec d'autres, sur le plan de la qualité, c'est-à-dire la nature et l'éventail des services offerts aux chargeurs, notamment en termes de fréquence et de fiabilité du service, les ports desservis, les temps de transit, le transport intermodal, les équipements spécialisés, l'entretien et l'état des conteneurs, les documents, le service-clientèle, etc."

(241) Ces allégations ont disparu de la réponse à la communication des griefs concernant le TACA (voir chapitre 6 : "Concurrence autre que par les prix"). Les parties au TACA cherchent, en revanche, à créer une confusion entre deux questions distinctes. La première consiste à savoir si les parties au TACA se font concurrence en jouant sur la qualité des services qu'elles fournissent aux taux du tarif. La seconde est celle de savoir si, dans le cadre des contrats de services TACA, certains éléments du service font l'objet de négociations individuelles.

(242) Comme il a été expliqué au considérant 127, peu de contrats de services TACA contiennent des dispositions personnalisées concernant le type de service offert. Dans le cadre des accords tarifaires, ce type de dispositions est tout à fait exclu. Ce n'est pas pour autant que les parties au TACA ne cherchent pas à différencier leurs produits par le biais d'annonces publicitaires dans la presse ou en fournissant des informations concernant leurs horaires sur Internet.

X. CONCURRENCE EXTERNE

(243) Les membres du TACA considèrent qu'ils doivent faire face à la concurrence externe réelle d'autres exploitants de services de ligne par conteneur sur le trafic direct et d'exploitants de services de ligne par conteneur sur d'autres itinéraires. La question de la concurrence du transport en vrac et frigorifique et du transport aérien a été examinée aux considérants 66 à 75.

A. Autres exploitants de services de ligne par conteneur sur le trafic direct

(244) Les parties au TACA soutiennent qu'elles sont confrontées à cinq grands concurrents sur le trafic transatlantique direct : Evergreen (10,2 %), Lykes (5,7 %), Atlantic Cargo Service (3,2 %), Independent Container Line (2,7 %) et Carol Line (1,0 %) (les parenthèses contiennent les parts de marché en 1995). La Commission décrit ci-après la position concurrentielle de ces différents transporteurs. Outre ces foyers de concurrence, plusieurs nouveaux opérateurs sont entrés sur le trafic transatlantique en 1998 (Mitsui OSK, APL), sans cependant introduire la moindre nouvelle capacité. Toutefois, sur un plan général, il convient d'abord d'examiner si chacun d'eux dispose d'une capacité suffisante pour accroître sensiblement sa part de marché au détriment des parties au TACA.

(245) Le tableau 7 ci-dessous fournit une comparaison des capacités sur le trafic direct Europe du nord/États-Unis d'Amérique au milieu de l'été 1995 (72).

EMPLACEMENT TABLEAU

(246) L'importance des contraintes auxquelles les concurrents directs du TACA sont confrontés en matière de capacités tient au fait que, pour soustraire des volumes importants aux parties au TACA, ils devraient introduire de nouvelles capacités. Le coût de l'introduction de nouvelles capacités est examiné plus en détail aux considérants 288 à 299.

Evergreen

(247) Le tableau 8 ci-dessous indique la part de marché d'Evergreen sur le trafic direct Europe du nord/États-Unis d'Amérique en 1993, 1994, 1995 et au premier trimestre de 1996. Ces chiffres révèlent une part globale du trafic direct de 11 % pour le sens ouest-est et de 14 % pour le sens est-ouest en 1995.

EMPLACEMENT TABLEAU

(248) Au cours de trois années de 1993 à 1995, les membres du TACA détenaient plus de 70 % des capacités disponibles sur le trafic direct Europe du nord/États-Unis d'Amérique (respectivement 76 %, 74 % et 75 %)(73). Pendant la même période, Evergreen détenait une part des capacités de 8 % dans le sens ouest-est et de 12 % dans le sens est-ouest, la différence s'expliquant par le fait qu'Evergreen exploite un service "tour du monde" en utilisant des navires de taille différente selon le sens.

(249) Quoi qu'il en soit, l'impossibilité de stocker les capacités et le délai nécessaire pour introduire de nouvelles capacités sur le marché signifient que, en l'absence de surcapacités importantes, les compagnies indépendantes comme Evergreen auront davantage tendance à suivre les augmentations de prix du leader du marché qu'à essayer de gagner des parts de marché au détriment de celui-ci. Dans le cas d'Evergreen, la preuve en est apportée par le fait que cette compagnie a annoncé des hausses de prix identiques à celles du TACA pour 1996 (74).

(250) Le fait qu'Evergreen, la plus grande des compagnies maritimes indépendantes, était partie à l'Eurocorde Discussion Agreement (EDA) et est membre de la Southern Europe America Conference (SEAC) indique que la communauté d'intérêts résultant de ces réseaux limite l'étendue réelle de cette concurrence. Evergreen est actuellement partie au TransPacific Stabilisation Agreement et elle était partie au Europe Asia Trades Agreement jusqu'à ce que celui-ci prenne fin en septembre 1997. Le TransPacific Stabilisation Agreement et le Europe Asia Trades Agreement étaient tous les deux des accords de non-utilisation des capacités.

(251) En outre, la pression concurrentielle exercée par Evergreen est limitée par le fait que, étant donné les taux actuellement élevés d'utilisation des capacités sur le trafic transatlantique, cette compagnie n'aurait d'autre solution, pour tenter d'accroître sa part de marché, que la mise en service de nouveaux navires.

Lykes

(252) Le deuxième opérateur important hors TACA est Lykes, société qui a demandé le bénéfice d'un règlement judiciaire conformément à la loi américaine le 11 octobre 1995. Cette situation serait due aux effets conjugués d'une mauvaise gestion et du fait que ses recettes étaient libellées en dollars des États-Unis, alors que ses emprunts l'étaient en yens japonais. Ce dernier facteur s'est révélé dommageable en raison des importants changements de parités intervenus entre ces deux monnaies. Ces circonstances risquent fort d'entraver la liberté commerciale de Lykes sur le marché en cause. Lykes a été acquise récemment par Canada Maritime.

Atlantic Cargo Service

(253) Atlantic Cargo Service (Atlanticargo) exploite un service hebdomadaire entre l'Europe du nord et le golfe du Mexique. Contrairement aux autres concurrents directs des parties au TACA, Atlanticargo exploite des navires qui transportent essentiellement des produits en vrac mais aussi un nombre limité de conteneurs. La capacité des exploitants de ce type de navires de faire concurrence aux exploitants de porte-conteneurs intégraux est examinée aux considérants 300 à 306.

Independent Container Line

(254) Independent Container Line (ICL) exploite actuellement quatre navires, qui sont tous affectés à un service hebdomadaire à jour fixe entre Anvers et les ports américains de Chester et Richmond. En passant, en avril 1995, d'un service à intervalle de neuf jours assuré par trois navires à la formule actuelle, ICL a porté sa capacité totale annualisée d'environ 80000 EVP à environ 110000 EVP.

(255) La part de marché d'ICL était de 2,5 % en 1994 et de 2,7 % en 1995. Selon Drewry, la compagnie détenait 2,6 % des capacités disponibles en 1994 et 3,1 % en 1995. Sur la base de la capacité dont elle dispose, sa part de marché potentielle maximale en 1995 aurait été de 4,3 %, même en supposant que la part de sa capacité inutilisable pour cause de transport de conteneurs vides ait été nulle.

(256) Pour dépasser ce niveau relativement faible de part de marché, ICL devrait introduire de nouvelles capacités. Compte tenu de la nécessité d'offrir aux chargeurs un service hebdomadaire à jour fixe, cela supposerait l'introduction de quatre navires de même taille. Comme ICL ne possède pas d'autre navire que ceux qu'elle exploite actuellement sur le service d'Anvers à Chester et Richmond, ces capacités devraient être achetées ou affrétées. La première année, les frais fixes afférents à l'établissement d'un nouveau service de ce type seraient de l'ordre de 20 à 30 millions de dollars des États-Unis.

(257) En outre, il existe des raisons de penser que le trafic entre Anvers et les ports de Chester et Richmond ne serait pas suffisant pour absorber une flotte de navires supplémentaire. Les deux ports américains sont considérés comme des "niches" et ICL représente actuellement une forte proportion de leur trafic par conteneur.

(258) En conséquence, étant donné que ICL manque de capacités disponibles et qu'une augmentation progressive des capacités est difficilement envisageable, et compte tenu de la nécessité de desservir de nouveaux ports, on peut raisonnablement tenir pour peu probable que cette compagnie adopte une stratégie de fixation des prix agressive à l'égard des parties au TACA.

Carol Line

(259) Les parties au TACA soutiennent (75) que Carol Line est l'un des principaux opérateurs hors-TACA sur le trafic transatlantique direct. Selon Piers, en 1995, Carol Line a transporté 2,8 % de fret conteneurisé de l'Europe du nord à la côte est des États-Unis d'Amérique et elle n'était présente sur aucun autre trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique (pas même le trafic de la côte est des États-Unis d'Amérique à l'Europe du nord).

(260) Les parties au TACA ont omis de mentionner que Carol Line est en fait un consortium, dénommé "New Caribbean Service" depuis 1993 et qui opère entre l'Europe du nord et des ports des Caraïbes et de la côte est de l'Amérique latine. L'une de ses escales est Ponce à Puerto Rico : Puerto Rico est un État libre associé aux États-Unis d'Amérique, dont le chef d'État est le président des États-Unis d'Amérique (76).

(261) Les parties au TACA omettent également de signaler que deux d'entre elles, Hapag Lloyd et P&O Nedlloyd, détiennent une part de 43 % des activités du New Caribbean Service. Les membres du New Caribbean Service sont également parties aux deux accords de fixation des prix en vigueur dans les zones géographiques couvertes par le consortium. Ces deux accords sont l'Association of West Indies Trans-Atlantic Steam Ship Lines (WITASS) et le New Caribbean Service Rate Agreement (NCSRA). Ce dernier a pour objectif de satisfaire à l'exigence de l'US Shipping Act de 1984 selon laquelle, pour bénéficier de l'exemption de la législation antitrust, les accords de fixation des prix dans le secteur du transport maritime de ligne doivent être limités aux marchandises entrant aux États-Unis d'Amérique ou quittant ce pays par un port national.

(262) Ainsi, dans la mesure où Puerto Rico peut être considéré comme faisant partie du marché en cause, (77), la Commission n'estime pas que Carol Line (ou plus exactement le "New Caribbean Service") puisse être considérée comme exerçant une pression concurrentielle significative sur les parties au TACA. En effet, ses deux membres les plus importants sont tous deux membres du TACA et le New Caribbean Service est lui-même soumis à deux accords de fixation des prix.

Cosco/K Line/Yangming

(263) Cosco est entré sur le trafic États-Unis d'Amérique/Europe du nord le 16 février 1997, dans le cadre d'accords de consortium avec K Line and Yangming, qui étaient tous deux également nouveaux venus sur ce trafic. Dans le cadre de ces accords, Cosco fournit deux navires et les autres compagnies chacune un pour offrir un service hebdomadaire à jour fixe. Cosco gère ainsi 900 EVP par semaine dans chaque sens et les deux autres compagnies 450 EVP chacune (78).

(264) Sur la base des capacités exploitées sur le trafic à la mi-1995, cette nouvelle capacité aurait donné à Cosco une part de 2,8 % dans le sens ouest-est et de 2,7 % dans le sens est-ouest sur le trafic direct et des parts de respectivement 2,3 % et 2,2 % si l'on inclut le trafic passant par le Canada. Les autres compagnies auraient eu exactement la moitié de ces parts chacune.

B. Exploitants de services de ligne par conteneur sur d'autres itinéraires

Canada

(265) Le fret provenant du Mid-West ou destiné à cette région des États-Unis d'Amérique peut voyager vers l'Europe du nord ou en venir en passant soit par les ports américains, soit par les ports canadiens (principalement Montréal et Halifax), ce second itinéraire étant connu sous le nom de "Canadian Gateway". Le fret transitant par le Canadian Gateway est exclu du champ d'application des exemptions de la législation antitrust aussi bien aux États-Unis d'Amérique qu'au Canada (bien que dans le cadre du droit communautaire, il soit traité de la même manière que le fret direct). Les transporteurs n'étant par conséquent pas légalement autorisés à fixer les prix du transport maritime ou de l'acheminement terrestre de ce fret, celui-ci est exclu du champ d'activité des conférences canadiennes.

(266) Pour certains chargeurs, la Canadian Gateway peut être substituable aux ports de la côte est des États-Unis d'Amérique. L'effet de la concurrence potentielle représentée par la Canadian Gateway est cependant limité par le fait que OOCL, Hapag Lloyd, ACL et POL (toutes parties au TACA) sont membres des conférences canadiennes. CAST et CanMar (qui font partie du même groupe de compagnies) sont les seules qui ne soient pas membres du TACA et CanMar s'est constituée en entreprise commune avec OOCL sur ce trafic (79). Hapag Lloyd affrète de l'espace à OOCL et CanMar sur leur service SLCS.

(267) Maersk, un autre membre du TACA, exploite aussi des routes empruntant la Canadian Gateway, mais n'est pas membre des conférences canadiennes. En septembre 1997, Maersk et Sea-Land on lancé un service spécialisé Europe du nord/Canada à l'aide de trois navires affrétés de relativement petite dimension.

(268) Les autorités canadiennes responsables de la concurrence se sont préoccupées des conditions de la concurrence sur le trafic Europe du nord/Canada. On trouvera ci-dessous un extrait de l'avis de requête déposé en date du 19 décembre 1996 auprès du Tribunal canadien de la concurrence concernant l'acquisition de Cast par Canadian Pacific :

"Conclusion

(129) Le directeur [des enquêtes et recherches au Bureau canadien de la concurrence] estime que la concentration [entre CP et Cast] empêchera ou réduira, ou est susceptible d'empêcher ou de réduire, la concurrence de façon substantielle sur le marché des services de transport par conteneur non réfrigéré entre l'Ontario et le Québec, d'une part, et l'Europe du nord continentale et le Royaume-Uni, d'autre part. Eu égard aux caractéristiques restreintes du service et compte tenu des frais de conversion, les services de transport en vrac et classique (break-bulk) ne sont pas des substituts acceptables des services de transport par conteneur.

(130) Le directeur estime que la concentration confère une puissance de marché à Canada Maritime en lui assurant une part de marché d'environ 63 % sur un marché qui était déjà très concentré et peu ouvert. La concentration a pour effet de porter la part de marché du SLCS à près de 85 %. L'existence du SLCS améliore la capacité de Canada Maritime d'exercer la puissance de marché que lui confère l'opération."

(269) Les services d'Hapag Lloyd, d'ACL et de POL ne sont pas des services séparés puisqu'ils font escale à Halifax comme premier ou dernier port d'escale lorsqu'ils desservent les ports de la côte est des États-Unis d'Amérique. Les mêmes slots sont donc utilisés pour les expéditions directes et celles transitant par les ports canadiens. La Commission considère qu'il est irréaliste de croire qu'une même compagnie se fera concurrence pour vendre le même slot en fonction de la voie d'acheminement terrestre des marchandises. S'il n'est pas exclu qu'une certaine concurrence puisse exister, elle est sans doute restreinte, car certaines des parties au TACA ont également une influence importante sur les conditions de la concurrence sur le trafic entre l'Europe du nord et le Canada.

(270) Même si les services étaient distincts, cela ne prouverait pas qu'ils sont en concurrence dans des conditions normales de marché. Le fait qu'une compagnie donnée peut facturer un prix différent pour un transport de fret, par exemple entre Birmingham et Chicago, selon que le fret transite ou non par le Canadian Gateway ne prouve pas qu'il existe une concurrence entre ces deux services, le transporteur pouvant très bien avoir d'autres raisons d'appliquer des niveaux de prix différents. Ce qui importe, c'est l'élasticité-prix croisée entre les deux services et non le niveau des prix. Les parties au TACA n'ont fourni aucun élément attestant le degré d'élasticité-prix croisée entre les deux itinéraires.

(271) Les extraits reproduits ci-après de la correspondance (mise en évidence ajoutée) adressée par le secrétariat des conférences canadiennes à des membres du Joint Inland Committee (le "comité") de ces mêmes conférences témoigne de l'influence du TACA sur les activités des conférences canadiennes. Cette correspondance démontre également que les membres des conférences canadiennes sont parfaitement informés des pratiques des parties au TACA en matière de fixation des prix. Lorsqu'il est question d'un "trafic adjacent", il s'agit sans aucun doute du TACA.

"19/05/93

Suite à notre fax d'hier, une compagnie a demandé que les DIC/DOC soient ajoutés à l'ordre du jour de la réunion du 25 mai [1993] comme suit : Demande de DIC/DOC - Coatbridge suggère que l'on examine la demande de surtaxes/suppléments en liaison avec les DIC/DOC ex Coatbridge lors de la prochaine réunion du comité. HL [Hapag Lloyd] propose de n'appliquer les surtaxes/suppléments qu'aux grilles originales et d'exempter les DIC/DOC de tout supplément, ce qui serait conforme aux procédures du TAA. Veuillez ajouter ce point à l'ordre du jour pour examen approfondi.

07/06/93

Par une majorité de quatre contre un, le comité a décidé qu'à l'instar d'un trafu=ic adjacent, la surtaxe de risque de 10 % devrait être applicable uniquement au taux de base et non au taux "tout compris", y compris des DIC/DOC de respectivement 120 CAD/20' et 175 CAD/40'.

09/05/94

Le comité est convenu, à l'instar d'un trafic adjacent, que toutes les mentions des terminaux à barges devraient être supprimées du tarif et que lorsque plusieurs taux sont fournis pour un code postal donné, le taux le plus bas disponible devrait être inscrit au tarif.

07/11/95

Suite à nos fax du 31 octobre et du 3novembre, nous avons maintenant obtenu les taux révisés, qui figurent au second projet de la page 23-6 ci-joint. Ils ont été vérifiés avec les compagnies opérant sur un trafic adjacent et sont maintenant conformes à leur tarif.

26/02/96

Alors que le comité s'aligne en principe sur les taux appliqués sur un autre trafic, dans le cas présent, trois compagnies ont estimé que s'il devait en être ainsi elles subiraient des pertes considérables.

26/02/96

Il apparaît que sur un trafic adjacent, il a été convenu de procéder à une augmentation générale de 2 % des tarifs actuels [pour la liaison avec la France], sous réserve d'un accord définitif concernant la date de mise en œuvre. Nous suggérons donc que nos taux augmentent dans la même proportion, sous réserve de l'accord du comité et, ultérieurement, des propriétaires.

29/02/96

Nous nous référons à notre message électronique du 26: la proposition d'augmenter les taux de 2 % a été déclinée par les propriétaires hier. Cela fait suite à une mesure similaire sur un trafic adjacent".

(272) Enfin, il convient de noter qu'en octobre 1995, la Continental Canadian Westbound Freight Conference et la Canadian North Atlantic Westbound Freight Conference (80) ont annoncé pour 1996 des hausses de prix identiques à celles annoncées par les parties au TACA (voir annexe III).

(273) Pour toutes les raison exposées ci-dessus, la Commission considère que la part de marché des parties au TACA pour les services fournis via le Canadian Gateway doit être agrégée à celle qu'elles détiennent pour les services directs et non traitée comme si elle revenait à un concurrent.

Méditerranée

(274) Pour les raisons exposées aux considérants 76 à 83, la Commission ne considère pas que les services méditerranéens relèvent du marché en cause.

XI. CONCLUSIONS QUANT À LA SITUATION DE LA CONCURRENCE EFFECTIVE SUR LE TRAFIC TRANSATLANTIQUE

(275) Le fait que les parts de marché des membres du TACA sont restées stables en 1994, 1995 et 1996 en dépit de l'augmentation régulière, bien que modeste, des prix montre que la concurrence externe effective est limitée. Cette stabilité ne peut avoir pour explication que les taux seraient toujours bas, puisque des nouveaux venus sont entrés sur le trafic transatlantique, en particulier en tant que membres du TAA/TACA. En outre, la stabilité relative de la part de marché globale des membres du TACA, malgré l'augmentation du nombre de parties à l'accord, s'explique par le fait que, à l'exception de TMM et de Tecomar, les nouveaux membres du TACA sont des nouveaux venus sur le trafic, où ils n'avaient pas encore de clientèle. Elle s'explique aussi par le fait que ces nouveaux venus sont entrés sur le marché sans y amener de capacités.

XII. CONCURRENCE POTENTIELLE : AUTRES EXPLOITANTS DE SERVICES RÉGULIERS

(276) Les membres du TACA allèguent que la concurrence potentielle est un facteur important sur le trafic transatlantique. Cette concurrence proviendrait, d'une part, des transporteurs déjà actifs sur ce trafic, qui peuvent, sans grosses dépenses ni difficultés techniques, augmenter le nombre de conteneurs qu'ils transportent et, d'autre part, de la pénétration d'opérateurs de conteneurs pas encore présents sur le trafic transatlantique.

(277) Avant d'examiner tour à tour ces deux sources de concurrence, il convient de se pencher, à titre préliminaire, sur le rapport d'export produit par les parties au TACA comme élément d'appréciation.

A. Rapport Dynamar

(278) Étant donné le crédit accordé par les parties au TACA à un rapport joint à la réponse à la communication des griefs, la Commission leur a adressé, le 18 septembre 1997, une demande formelle de renseignements ainsi libellée :

Un rapport établi par Dynamar et daté du 30 août 1996 est joint, en annexe 10, à la réponse. Veuillez nous communiquer toutes les instructions qui ont été données à Dynamar par ou pour le compte des parties au TACA aux fins de l'élaboration de ce rapport. Dans la mesure où l'on peut trouver de telles instructions dans de la correspondance ou d'autres documents concernant l'élaboration par Dynamar de rapports antérieurs, veuillez également nous communiquer des copies de ces documents.

(279) En réponse à cette demande, les parties au TACA ont invoqué le "legal professional privilège" couvrant "des instructions données à un témoin expert par ou pour le compte d'une partie à une procédure administrative ou judiciaire". Cet argument a été réitéré lors de l'audition orale tenue le 6 mai 1996.

(280) Selon la Commission, il n'est pas établi que, dans le cadre du droit communautaire, le "legal professional privilege" s'attache à d'autres rapports que ceux élaborés dans le cadre de la relation client/avocat. Même si de tels rapports bénéficiaient de la protection conférée par la doctrine du privilège, la Commission ne saurait admettre que celui-ci s'applique à des instructions données au témoin lorsque le défendeur fait fond sur un rapport établi par cet expert.

(281) Dans ce contexte, la Commission note que sa propre pratique à cet égard a été clarifiée récemment.

Remarque particulière concernant les études :

Il convient de souligner que les études commandées dans le cadre d'une procédure ou d'un dossier spécifique, qu'elles soient utilisées directement ou indirectement dans la procédure, doivent être rendues accessibles, quelle que soit la valeur intrinsèque de l'étude. Dans ce cas, il y a lieu de donner accès non seulement au résultat de l'étude (rapports, statistiques, etc.) mais aussi à la correspondance de la Commission avec le contractant, ainsi qu'au cahier des charges et à la méthodologie de l'étude. En revanche, la correspondance relative aux aspects financiers de l'étude et aux références du contractant est gardée confidentielle dans l'intérêt de celui-ci (81).

(282) Du point de vue de la Commission, l'extension de l'accès à ces informations complémentaires a pour but de permettre à toutes les parties d'apprécier la fiabilité des conclusions tirées par l'expert et, en l'absence de ces informations complémentaires, il est difficile d'apprécier la force probante d'un rapport quel qu'il soit. En l'espèce, les parties au TACA n'ont pas cherché à expliquer leur refus de fournir les informations demandées et, dans ces conditions, on peut raisonnablement en inférer que les conclusions du rapport ont été orientées par les instructions données à l'expert.

B. Mobilité des flottes

(283) Le règlement (CEE) n° 4056-86 souligne tout particulièrement l'importance de la concurrence potentielle pour contenir le pouvoir de marché des conférences maritimes : "[considérant] que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transports maritimes, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause ; "

(284) Il est généralement admis (voir considérant 365) que, sur un trafic majeur comme l'Atlantique nord, le fait de ne pouvoir offrir un service hebdomadaire, de préférence à jour fixe, constitue un handicap concurrentiel énorme pour un transporteur.

(285) Les services hebdomadaires sont devenus un élément essentiel de la chaîne d'approvisionnement qui va du fabricant au consommateur final. Des intervalles plus longs entre les services peuvent accroître les coûts supportés par les chargeurs, notamment parce qu'ils obligent les opérateurs à tenir des stocks plus importants aux deux extrémités de la chaîne. Ce surcoût peut être encore plus élevé dans le cas de produits périssables. Il en résulte non seulement un ralentissement de la chaîne de l'offre, ce qui entraîne des retards de paiement des produits fabriqués, mais aussi des coûts de stockage et, dans certains cas, une perte de valeur des marchandises due au retard de livraison.

(286) La raison pour laquelle le service hebdomadaire à jour fixe est préféré à un service à intervalle de dix, douze ou même quatre jours est qu'il permet aux chargeurs de planifier plus aisément leurs expéditions sans devoir vérifier si un navire sera disponible au moment voulu. Ce phénomène est bien connu des fournisseurs et des clients des services de transport réguliers. De même, les passagers, en particulier ceux qui voyagent pour affaires, attendent des compagnies aériennes qu'elles assurent un service quotidien, voire d'heure en heure ; les usagers des chemins de fer et les passagers des transbordeurs attendent un service qui ne soit pas seulement régulier mais aussi prévisible, ce qui implique que les horaires soient assez simples à comprendre et à mémoriser.

C. Coût d'augmentation des capacités

(287) D'une manière générale, les caractéristiques du trafic transatlantique réduisent sensiblement les probabilités d'une concurrence potentielle. Le trafic transatlantique est très dense et nécessite des services réguliers à grande capacité. Les compagnies maritimes doivent disposer d'un nombre suffisant de navires modernes de grande taille et doivent assurer un service hebdomadaire faisant escale dans un nombre suffisant de ports. On estime que le coût par slot serait de 30 à 40 % moins élevé sur un navire de 4 000 EVP que sur un navire de 2 500 EVP.

(288) Pour pouvoir assurer un service hebdomadaire à jour fixe faisant escale dans trois ou quatre ports de l'Europe du nord et de même aux États-Unis d'Amérique, il faut disposer d'une flotte de cinq navires de vitesse et de capacité similaires ainsi que d'un stock de conteneurs d'une capacité triple de celle de la flotte. Le coût de l'introduction d'un tel service serait de l'ordre de 500 millions de dollars des États-Unis auxquels il faut ajouter les frais à terre de gestion et d'administration.

D. Pénétration de porte-conteneurs

(289) Les observations générales de la Commission sur la mobilité des flottes et sur la contestabilité des marchés des transports maritimes réguliers sont présentées aux considérants 350 à 357. On peut néanmoins démontrer que, dans le cas du TACA, la concurrence potentielle représentée par la mobilité des flottes n'a guère de chances d'être effective.

(290) Cette situation est due, en premier lieu, au fait que presque toutes les grandes compagnies maritimes sont déjà présentes sur les trafics transatlantiques (des précisions concernant celles qui ne le sont pas sont fournies ci-après) et, en second lieu, au fait que l'entrée de petits armateurs est peu probable.

"L'époque où des entrepreneurs ambitieux et opportunistes lançaient régulièrement des services transatlantiques à petite échelle, généralement avec des capacités affrétées de moins de 1 000 EVP, est depuis longtemps révolue : l'implacable logique économique du marché a anéanti cette volonté d'entreprendre." (82)

(291) En outre, la chronologie des adhésions au TACA montre que, jusqu'à l'introduction du service Cosco/KLine/Yangming en 1997 (voir considérant 263), chaque concurrent potentiel important qui est entré sur le trafic transatlantique depuis les débuts du TAA l'a fait en adhérant au TAA/TACA (83).

Version I (28/08/92) - 11 compagnies

ACl

Hapag Lloyd

P&O

Nedlloyd

Sealand

Maersk

MSC

OOCL

POL

DSR/Senator

Cho Yang

Version II (12/03/93) - 12 compagnies

NYK

Version III (31/03/93) - 13 compagnies

NOL

Version IV (07/04/93) - 15 compagnies

TMM

Tecomar

Version V (26/08/94) - 16 compagnies

Hanjin

Version VI (31/08/95) - 17 compagnies

Hyundai

(292) Le 30 janvier 1996, Olav Rakkenes, président du TACA (qui est également président de ACL) a écrit à Hanjin en ces termes :

"Comme je l'ai dit à chaque compagnie qui cherchait à entrer sur le marché, venez me voir et discuter avec moi et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider à parvenir à vos fins."

(293) Il est particulièrement significatif qu'aucun des quatre transporteurs asiatiques entrés sur le trafic entre 1992 et 1996 (NYK, NOL, Hanjin et Hyundai) ne l'a fait en qualité de transporteur indépendant venant concurrencer les parties au TACA. En outre, différents accords passés avec les parties au TACA ont permis à chacun de ces transporteurs de s'introduire et de s'établir sur le marché sans devoir faire face à la concurrence à laquelle on s'attendrait normalement dans de telles circonstances. Cela indique que l'entrée sur le trafic transatlantique peut être relativement facile si elle s'effectue avec l'accord des parties au TACA.

(294) Hanjin et Hyundai, en particulier, ont pu pénétrer sur le marché en affrétant de l'espace sans devoir investir dans des navires pour les besoins de ce trafic. Les membres du TAA/TACA avaient fait valoir que ces transporteurs étaient des concurrents potentiels importants du TAA/TACA : en réalité, le TAA a pu faire en sorte que ces transporteurs n'entrent pas sur le trafic transatlantique en tant que compagnies indépendantes, mais en tant que membres du TACA.

(295) La Commission ne prétend pas qu'entrer dans un trafic déterminé sur la base d'accords d'affrètement de slots sans introduire un tonnage effectif soit nécessairement une pratique anticoncurrentielle. La question qui se pose ici est de savoir si les avantages d'une telle coopération s'accompagnent de modifications de la structure concurrentielle du marché, telles que l'élimination de la concurrence potentielle.

(296) Cette capacité d'absorber les concurrents potentiels est due en partie à la pratique du TACA, qui consiste à offrir aux chargeurs des contrats de services contenant une grille de prix à deux niveaux et au fait que la majorité des membres du TACA ne se font pas concurrence pas pour participer à des contrats de services avec les transporteurs maritimes non exploitants de navires (NVOCC) (voir considérants 150 et 151). Pour ce qui est des tarifs à deux niveaux et de l'élimination de la concurrence, les effets sont en gros les mêmes que ceux qui sont décrits dans la décision TAA aux considérants 341, 342 et 343 (84).

(297) Deux transporteurs réguliers importants sont entrés récemment sur le trafic transatlantique mais sans devenir partie au TACA : American President Lines Ltd (APL) et Mitsui OSK Lines Ltd (Mitsui). Tous deux sont cependant liés à des transporteurs du TACA sur d'autres trafics.

(298) APL et Mitsui sont déjà partenaires d'OOCL sur le trafic transpacifique (85). APL est membre du Transpacific Westbound Rate Agreement, de la Trans-Pacific Conference of Japan, du Asia North America Eastbound Rate Agreement et du TransPacific Stabilization Agreement. APL et Mitsui OSK sont tous deux membres de la Far Eastern Freight Conference, conférence opérant sur les trafics Europe du nord/Extrême-Orient, à laquelle appartiennent également les parties au TACA suivantes : DSR, Hapag Lloyd, Maersk, NOL, NYK, OOCL, P& O Nedlloyd et Sea-Land.

(299) Enfin, comme il est expliqué aux considérants 355 et 356, le coût d'un retrait du trafic transatlantique - avec les répercussions dommageables qui en découlent pour la réputation de l'intéressé et sa position concurrentielle sur d'autres trafics, ainsi que les maigres perspectives qu'il a de revenir un jour sur ce trafic - diminue l'incitation à y entrer.

E. Concurrence de navires autres que des porte-conteneurs

(300) Les parties au TACA ont fait valoir qu'elles étaient confrontées à la concurrence potentielle des exploitants de navires autres que des porte-conteneurs, qui pouvaient transformer ces navires pour transporter des conteneurs ou accroître le nombre de conteneurs transportés. Leur conclusion est que les exploitants de navires autres que les porte-conteneurs sur le marché en cause sont en mesure d'accroître immédiatement leur capacité de charge de quelque 200 000 EVP, ce qui équivaut à environ 15 % de la capacité des parties au TACA. À l'appui de cette allégation, les parties au TACA n'invoquent que le rapport Dynamar, dont la force probante est examinée aux considérants 278 à 282.

(301) En principe, tout navire peut transporter des conteneurs et les chiffres relatifs aux parts de marché des parties au TACA fournis aux considérants 85 et 86 incluent les conteneurs transportés par des navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux. L'effet de la concurrence potentielle d'exploitants de navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux ne pourrait être substantiel que si les deux conditions suivantes étaient remplies. Il devrait être démontré, premièrement, que les fournisseurs de ces services pourraient concurrencer les parties au TACA sur un pied d'égalité dans des conditions normales de rentabilité et, deuxièmement, que les clients considèrent le transport par un navire qui n'est pas un porte-conteneurs intégral comme interchangeable, sur le plan fonctionnel, avec le transport par porte-conteneur intégral.

(302) Pour examiner si le premier de ces critères cumulatifs est rempli, il est essentiel de noter que les caractéristiques et les performances des navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux diffèrent sensiblement de celles des porte-conteneurs intégraux :

"Il est tout à clair, et presque implicitement contenu dans la terminologie, que la capacité d'un porte-conteneurs cellulaire est plus efficace et plus productive que l'espace non cellulaire pour le transport de marchandises unitarisées [c'est-à-dire conteneurisées] et donc plus importante sur le plan de l'équilibre entre l'offre et la demande. Chaque slot d'un navire cellulaire fournit en un an une plus grande capacité de transport de conteneurs qu'un slot d'un navire non cellulaire, étant donné que le navire cellulaire

- passe moins de temps au port,

- a généralement une vitesse de croisière beaucoup plus élevée,

- est exploité selon des horaires réguliers (86).

Alors que la productivité d'un roulier peut être égale ou supérieure à 80 % de celle d'un navire cellulaire, un porte-conteneurs mixte ou un porte-conteneurs vraquier sera nettement moins performant en raison à la fois de la vitesse et de la durée de manutention de la cargaison au port. Globalement, on peut raisonnablement estimer les ratios de productivité relatifs des capacités cellulaires et non cellulaires à 2:1" (87).

(303) Outre les caractéristiques de performance, un certain nombre de caractéristiques techniques jouent aussi contre la conversion au niveau de l'offre. La première tient au fait que, pour transporter des conteneurs sur des navires qui ne sont pas spécifiquement conçus comme des porte-conteneurs, certaines dépenses supplémentaires sont nécessaires. Ces coûts sont à la fois non récurrents, dans la mesure où ils sont liés à l'achat des chaînes et accessoires (coût s'élevant, selon Dynamar, à quelque 150 écus par cellule) et variables, le coût de la main-d' œuvre étant plus élevé pour le chargement des conteneurs sur un navire non porte-conteneurs que sur un porte-conteneurs. Il faut aussi tenir compte des coûts portuaires supplémentaires qu'implique le transport de conteneurs sur ce type de navire en raison de la durée plus longue du chargement et donc du séjour au port.

(304) La seconde raison, pour laquelle la capacité potentielle des navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux, est moins grande que le soutiennent les parties au TACA tient au fait que les exploitants de ces navires ne détiennent pas les mêmes parcs de conteneurs que les exploitants de porte-conteneurs intégraux. Les parties au TACA détiennent normalement chacune trois conteneurs par cellule exploitée. De nombreux exploitants de services classiques ne possèdent aucun conteneur. Ce facteur est particulièrement important étant donné que "le stock mondial de conteneurs a rarement été suffisant, et il ne l'a certainement pas été depuis au moins dix ans, pour permettre l'utilisation de toute la capacité porte-conteneurs nominale de la flotte non cellulaire" (88). À cela s'ajoute que les exploitants de navires qui ne sont pas des porte-conteneurs intégraux ne possèdent géneralement pas les mêmes installations à terre que les exploitants de porte-conteneurs intégraux.

(305) En ce qui concerne la clientèle, la Commission ne peut admettre que la grande majorité des clients des parties au TACA considéreraient le transport par navire vraquier ou transporteur de néo-vrac comme étant substituable au transport par porte-conteneurs intégral. Ce fait est démontré par l'extrait suivant d'une publicité pour ACL datant de janvier 1997 :

"Si votre transporteur actuel vous dit que votre cargaison sera installée en toute sécurité sur le pont, n'en croyez rien. La cargaison peut vraiment en voir de toutes les couleurs pendant sa traversée de l'Atlantique Nord. Le fret conteneurisé d'ACL est aussi placé en toute sécurité dans des glissières cellulaires de conception unique, contrairement aux conteneurs de certains transporteurs, qui sont simplement arrimés."

(306) Les autres différences, du point de vue de la clientèle, sont l'absence de départs hebdomadaires réguliers et le fait que, dans de nombreux cas, les navires qui ne sont pas de porte-conteneurs intégraux utilisent des terminaux portuaires ou des postes d'accostage différents de ceux utilisés par les porte-conteneurs intégraux, avec pour conséquence des pertes d'efficience dans les opérations de transport multimodal.

XIII. FLUCTUATIONS DES PRIX

A. Revenus et prix moyens

(307) Dans la réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont fait valoir que, contrairement aux indications fournies par les associations européennes de chargeurs et auxquelles il est fait référence dans la communication des griefs, "pour de nombreux chargeurs, les taux des contrats de services de 1996 sont inférieurs à ceux de 1994". Les parties au TACA ont également allégué dans la réponse à la communication des griefs que "les taux par catégorie du tarif ont été réduits en août 1996".

(308) Pour apprécier ces allégations et les mettre en perspective, la Commission a examiné le revenu moyen par EVP des parties au TACA (dans leur ensemble et individuellement), ainsi que l'évolution des prix figurant dans un certain nombre de contrats de service. Tous les chiffres fournis ci-dessous sont des chiffres réels, qui n'ont pas été ajustés pour tenir compte de l'inflation.

(309) Avant d'examiner ces données, il convient de faire un certain nombre d'observations générales concernant l'évolution des prix des services de transport maritime régulier fournis par les parties au TACA. La première de ces observations est que, en raison principalement de la complexité de la structure tarifaire discriminatoire du TACA, il est très difficile de suivre l'évolution des prix pour chaque marchandise. En examinant les revenus moyens, on ne tient par conséquent pas compte du fait que l'assortiment de marchandises est d'une importance fondamentale pour le résultat final.

(310) Deuxièmement, les revenus moyens ne tiennent pas compte de la forte disparité des degrés d'utilisation des capacités entre les parties au TACA. Ainsi, un revenu moyen d'un niveau donné pourrait être très avantageux pour une compagnie mais pas pour une autre.

(311) Troisièmement, il importe d'avoir à l'esprit que les conditions commerciales différaient fortement entre les trois principaux trafics mondiaux ces dernières années. Sur les trafics transpacifique et Europe du nord/Extrême-Orient, la pression sur les taux a été très forte. Dans le "Journal of Commerce" du 18 octobre 1996, on peut lire ceci :

"L'Atlantique est le seul grand trafic à ne pas avoir connu de véritable guerre des prix cette année. Alors que sur les trafics Pacifique et Europe-Asie les prix ont diminué sensiblement l'année dernière, sur le trafic Atlantique, les taux de fret sont restés relativement stables."

(312) Selon Drewry (89)

"Le transatlantique était le parent pauvre des grands trafics au début des années 1990, privé d'une croissance élevée du fait de sa plus grande maturité et de son incapacité à accéder au magique 'Asian x-factor'. En 1992, les transporteurs ont déclaré sur cette route des pertes agrégées de 400 millions de dollars des États-Unis (rentabilité commerciale estimée à - 22 %), mais depuis lors, les efforts conjugués des transporteurs au sein du TAA/TACA ont conduit à un redressement spectaculaire et, en 1996, le trafic devrait générer un excédent agrégé de 350 millions de dollars des États-Unis, représentant une marge très confortable de 10,1 % (+ 9,1 % en 1995), ce qui en fera le trafic le plus rentable des marchés est-ouest. Il est possible que le TAA et le TACA aient occasionné beaucoup de mauvaise publicité aux transporteurs, sans parler des frais de justice, mais étant donné l'ampleur du redressement du marché, il ne fait aucun doute que ce n'était pas trop cher payé. Les perspectives de rentabilité pour le reste de la décennie semblent tout à fait satisfaisantes pour les transporteurs (mise à part l'insécurité réglementaire), le risque d'instabilité des taux ou des volumes étant apparemment très réduit."

(313) Quatrièmement, il est significatif que, entre mars 1993 et août 1995, quatre des plus puissantes compagnies maritimes mondiales (NYK, NOL, Hanjin et Hyundai) sont entrées sur le trafic Europe du nord/États-Unis d'Amérique sans que cela n'ait apparemment eu d'effet négatif sur les prix.

(314) Enfin, avant d'examiner les augmentations réelles des prix, il convient de rappeler que le 9 mars 1995, les parties au TACA sont convenues avec l'US Federal Maritime Commission de ramener les taux du tarif et des contrats de services pour le reste de l'année aux niveaux en vigueur au 31 décembre 1994. Ce recul des taux a pour conséquence que l'augmentation globale des prix des services fournis par les parties au TACA dans le contexte du TAA et du TACA est inférieure à ce qu'elle aurait été en l'absence d'intervention réglementaire des autorités américaines.

(315) Le coût du recul des taux pour les compagnies membres du TACA a été estimé par la FMC à environ 60-70 millions de dollars des États-Unis. En ce qui concerne les différents chargeurs, les parties au TACA ont déclaré dans leur réponse à la communication des griefs que la remise à niveau des prix s'était traduite par l'annulation, à compter de la date du règlement (et donc sans qu'il y ait d'effet pour les dix premières semaines de 1995), d'augmentations des ordres de grandeur suivants :

EMPLACEMENT TABLEAU

(316) Les parties au TACA ont refusé de fournir à la Commission les prix de port à port au motif que cela était difficilement faisable. En conséquence, le tableau 9 suivant indique le revenu moyen par EVP pour les parties au TACA dans leur ensemble au cours de la période de 1992 à 1996.

EMPLACEMENT TABLEAU

(317) Il ressort du tableau 9 que le revenu moyen par EVP dans le sens ouest-est a augmenté d'environ 7 % en 1994 par rapport à 1993. En 1995, le revenu moyen par EVP dans les sens est-ouest a augmenté d'environ 11 % par rapport à 1994 et il aurait augmenté davantage encore si les parties au TACA n'avaient pas été forcées par la Federal Maritime Commission de ramener leurs taux de 1995 aux niveaux de 1994. Malgré ces augmentations de prix, les parties au TACA ont augmenté le volume total de leur fret sur le marché en cause de 5,4 % en 1995 par rapport à 1994.

(318) En moyenne, les parties au TACA ont augmenté leur revenu par EVP (c'est-à-dire le prix moyen payé par les chargeurs pour le transport maritime d'un EVP) de 8 % dans le sens ouest-est et de 18 % dans le sens est-ouest entre 1992 et 1996. Ce chiffre moyen masque cependant le fait que, en cours de cette période, comme on peut le voir au tableau 10, nombre des parties au TACA ont pu faire mieux que la moyenne.

EMPLACEMENT TABLEAU

(319) Le tableau 10 doit être lu en liaison avec le tableau 6 (Fluctuations des parts de marché), car il démontre que plusieurs parties au TACA ont pu accroître sensiblement leur revenus moyen par EVP sans que leur part de marché n'en souffre. Inversement, un certain nombre de parties au TACA ont vu baisser leur revenu moyen par EVP, sans que cela n'ait d'effet favorable sur leur part de marché.

B. Analyse statistique de l'évolution des prix pour le parcours maritime et le parcours terrestre dans la Communauté des contrats de services TAA/TACA de 1992 à 1997

Méthodologie

(320) Une liste de contrats de services de 1996 comportant des prix pour des parcours terrestres sur le territoire de la Communauté a été établie. Sur la base de cette liste, une étude des contrats des autres années a été réalisée afin de sélectionner un groupe de contrats pouvant servir de base à l'analyse. Pour entrer dans le champ de l'analyse, un jeu de contrats entre un chargeur donné et les conférences maritimes devait comprendre au moins un contrat de 1992 et un contrat de 1996 répondant aux critères prévus ou, à défaut, un contrat de 1993 et un contrat de 1996. Tous les contrats disponibles pour 1992 et pour lesquels il existait un contrat comparable pour 1996 et environ 40 % des contrats disponibles pour 1993 répondant au même critère ont été examinés. Dans l'étude des contrats de 1993, la limite a été déterminée par l'ordre chronologique dans lequel ils apparaissaient par rapport à la liste des contrats de 1996 ; l'étude s'est ainsi achevée à un point correspondant à environ 40 % de la liste des contrats retenus.

(321) Le critère de sélection des contrats couverts par l'étude était le suivant : des taux maritimes est-ouest non tarifaires et des taux terrestres applicables dans la Communauté devaient être offerts séparément pour au moins une marchandise ou un groupe de marchandises identiques et pour au moins un itinéraire identique dans le contrat de chaque année. Seuls les taux est-ouest ont été analysés de manière à concentrer l'étude sur les effets des pratiques des parties au TACA sur les exportateurs européens. Lorsque plus de deux itinéraires terrestres dans la Communauté apparaissaient dans tous les contrats entre le chargeur concerné et la conférence, deux itinéraires ont été choisis au hasard et les monnaies dans lesquelles les taux étaient libellés ont été laissées inchangées pour autant que la même monnaie ait été utilisée chaque année pour chaque itinéraire. Les monnaies n'ont pas été converties pour éviter les distorsions dues aux fluctuations des taux de change. Toutes les marchandises et tous les itinéraires apparaissant dans les contrats de 1992/1993 et dans ceux de 1996 ont été examinés pour tous les types et toutes les dimensions de conteneurs considérés ; ainsi, les gros contrats (par exemple [secrets d'affaires]), pouvaient contenir jusqu'à 144 prix différents par an et totaliser 576 prix pour l'ensemble de la période couverte par l'étude.

(322) Les prix ne comprenaient pas, sauf indication contraire, les frais annexes tels que suppléments arbitraires, coefficients d'ajustement monétaire, participation temporaire aux frais de carburant, frais de service par conteneur, frais de manutention au terminal, etc.

(323) Alors que l'étude touchait à sa fin, les contrats de service de 1997 ont été communiqués à la Commission. Tous les prix qui répondaient aux critères définis plus haut ont été ajoutés aux chiffres tirés des contrats utilisés.

Analyse

(324) La conclusion la plus évidente que l'on peut tirer de l'étude est que les augmentations de prix de 1993 à 1996 pour les parcours maritimes ont été supérieures de 10,4 points de pourcentage à celles enregistrées pour les parcours terrestres dans la Communauté. Comme le montre le tableau 11, les prix des parcours maritimes ont augmenté globalement de 15,5 % de 1993 à 1996, contre une augmentation de 5,1 % pour les parcours terrestres dans la Communauté. Sans la forte augmentation des taux terrestres payés par [secrets d'affaires] (24,3 %), cette hausse serait encore plus faible (2,1 %). Comme la période de 1993 à 1996 est celle qui offre le plus grand nombre de contrats, de marchandises et d'itinéraires à analyser, les données concernant cette période peuvent être considérées comme les plus représentatives que l'on puisse tirer de l'étude. Si des réductions de taux ont été enregistrées pour les parcours terrestres au cours de cette période, pour le parcours maritime on ne constate, en revanche, que des augmentations, dont les plus faibles étaient de l'ordre de 7 %. Le tableau 11 se fonde sur les informations figurant à l'annexe VI.

EMPLACEMENT TABLEAU

(325) Cette conclusion vient étayer le point de vue de la Commission selon lequel le service maritime offert par les parties au TACA est la partie de leur champ d'activité où elles exercent la plus forte domination et sont le moins soumises à la pression concurrentielle. Inversement, l'acheminement terrestre est un marché où les parties au TACA sont soumises à une pression concurrentielle plus forte.

(326) Pour la période contractuelle de 1992 à 1996, l'éventail de contrats à analyser était beaucoup plus restreint, seuls trois contrats étant disponibles. Deux d'entre eux étaient antérieurs au TAA (il s'agissait de contrats de la conférence Neusara) et les hausses des prix des parcours tant maritimes que terrestres entre ces contrats de 1992 et les contrats de la période TAA/TACA reflètent les fortes augmentations des taux que les parties au TAA/TACA ont été en mesure d'exiger. Les contrats [secrets d'affaires] et [secrets d'affaires] font respectivement apparaître des augmentations des taux de 133,6 % et de 36 % pour les parcours terrestres entre 1992 et 1996. Le contrat [secrets d'affaires] révèle également une augmentation de 64,2 % du taux maritime au cours de la même période. Le troisième contrat de 1992, qui a été conclu après la création du TAA, fait apparaître des augmentations des taux beaucoup plus modérées entre 1992 et 1996, mais les taux terrestres ont, en l'occurrence, augmenté plus que les taux maritimes (respectivement 5 et 2 %).

(327) Si l'on prend en considération l'éventail restreint de chiffres provenant des contrats de 1997, le tableau est légèrement différent. En ce qui concerne les parcours terrestres, les taux globaux ont diminué ou sont restés stables entre 1993 et 1997. L'exception est le contrat [secrets d'affaires], où l'on observe une faible augmentation de 4 % entre 1996 et 1997, ce qui porte à 40 % l'augmentation cumulée des taux de ce contrat entre 1992 et 1997. Globalement, les taux des parcours terrestres ont cependant diminué de 4 % entre 1993 et 1997. Si la période sélectionnée est 1992-1997, on constate en revanche des augmentations sensibles sur toute la ligne, du fait du passage de la période antérieure à la période postérieure au TAA. Pour les parcours maritimes, on observe une augmentation globale de 8 % entre 1993 et 1997, bien que pour quatre contrats, les taux globaux aient diminué une fois inclus les prix de 1997.

(328) On peut tirer de cette analyse les conclusions suivantes. Des augmentations substantielles des taux maritimes ont été enregistrées entre 1993 et 1996 sur les traversées est-ouest. Au cours de la même période, les hausses des taux applicables aux parcours terrestres dans la Communauté ont été inférieures de dix points de pourcentage, ce qui tend à indiquer une moindre puissance de marché sur ces parcours. Lorsque des prix de 1992 provenant de contrats antérieurs au TAA sont inclus, les augmentations sont sensiblement plus importantes aussi bien pour les parcours maritimes que pour les parcours terrestres, ce qui tend à démontrer que la création du TAA/TACA a permis aux parties d'imposer des hausses de taux substantielles sur les deux parcours. Lorsque les prix de 1997 sont inclus, les hausses globales des taux maritimes sont moins importantes que pour la période de 1993 à 1996 et les taux applicables aux parcours terrestres sont même globalement en diminution. De même, les augmentations sont moins importantes entre 1992 et 1997 qu'entre 1992 et 1996. Cela permet de penser que, pour la période contractuelle 1997, les parties au TACA ont adopté une attitude plus réservée en matière de hausse des taux.

XIV. NOTION DE STABILITÉ

(329) Une conférence maritime contribue à assurer la stabilité des trafics qu'elle couvre en fixant un tarif uniforme servant de point de référence au marché. Les prix fixés de la sorte ont des chances de rester inchangés plus longtemps que s'ils étaient fixés individuellement par les compagnies maritimes. Cette limitation des fluctuations de prix qui se produiraient sur un marché normalement concurrentiel peut être profitable aux chargeurs, car elle réduit les incertitudes quant aux conditions commerciales futures (90).

(330) La stabilité des taux prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86 a pour effet indirect de garantir aux chargeurs des services fiables. Les services de ligne sont par nature réguliers, en ce sens qu'ils reposent sur un horaire régulier. Par services fiables, il faut entendre des services de qualité raisonnable dans le cadre desquels les marchandises confiées par les chargeurs ne subissent aucun dommage et dont le prix reste identique, quels que soient le jour et la compagnie choisis pour le transport du fret. En matière de transports, la fiabilité tient au maintien dans la durée d'un service régulier qui garantisse aux chargeurs des prestations adaptées à leurs besoins.

(331) Pour ces raisons, les clients des membres des conférences maritimes sont considérés comme obtenant une part équitable du profit qui résulte des restrictions de concurrence imputables à ces ententes. En conséquence, pour autant que les membres de la conférence restent soumis à une concurrence effective, les accords de fixation commune des taux conclus entre eux bénéficient d'une exemption par catégorie.

(332) Une thèse, souvent défendue par les compagnies maritimes de ligne présentes sur les grands axes mondiaux (y compris par les membres du TACA, notamment dans leur demande d'exemption), est toutefois que le marché des transports maritimes réguliers diffère tellement de tous les autres marchés de biens et de services qu'il doit échapper aux régles normales de concurrence applicables à ces autres marchés. Selon elles, la notion de stabilité impliquerait en effet que toute compagnie maritime opérant sur un trafic donné devrait avoir l'assurance d'un rendement de son capital suffisant pour que ses propriétaires ne soient pas tentés d'investir ce capital ailleurs.

(333) Leur principal argument est le suivant : le secteur des transports maritimes de ligne ayant des coûts fixes élevés, mais évitables, l'existence d'une capacité de réserve provoque une concurrence à court terme par les prix à des niveaux proches du coût marginal ; il en résulte un retrait de capacités, les exploitants n'ayant d'autre choix que de transférer leurs navires vers des trafics plus rentables sous peine d'être acculés à la faillite. En théorie (91), cela pourrait conduire à une pénurie de capacités qui provoquerait une forte augmentation des prix susceptible d'attirer de nouvelles capacités et de nouveaux opérateurs sur le marché. Les capacités gonfleraient alors jusqu'à atteindre un niveau de réserve adéquat (le niveau indispensable pour fournir des services fiables) et le cycle recommencerait.

(334) Ces fluctuations potentiellement importantes des prix et des capacités disponibles seraient l'expression d'un dysfonctionnement du marché, celui-ci étant intrinsèquement instable. Pour rompre ce cycle, il serait indispensable de s'en tenir à une stricte discipline des prix sur le marché, de manière à empêcher les compagnies maritimes d'offrir des services à des prix que les tenants de cette thèse considèrent comme trop bas (concurrence ruineuse). C'est, à leur avis, ce que reconnaît le règlement (CEE) n° 4056-86, lorsqu'il exempte certaines pratiques de fixation des prix des conférences maritimes.

(335) De plus, selon eux, une simple fixation des prix n'est pas suffisante ; des mesures supplémentaires telles que des accords de non-utilisation des capacités sont nécessaires pour limiter le volume des marchandises que chaque compagnie est autorisée à transporter, de manière à éviter que les compagnies ne soient tentées de transporter des marchandises supplémentaires à un prix proche du coût marginal. De telles mesures, ajoutent-ils, ne donneraient pas aux conférences le pouvoir de majorer les prix à volonté, car des prix supérieurs à ceux pratiqués dans une situation concurrentielle normale attireraient sur le marché des concurrents potentiels.

(336) Les partisans de la thèse d'un déséquilibre conduisant à une instabilité intrinsèque du marché vont encore plus loin. Ils prétendent que la fixation des prix en commun doit s'étendre aux segments terrestres des services de transport multimodaux, faute de quoi les compagnies pourraient, en facturant moins que le coût du transport terrestre, pratiquer des taux inférieurs au tarif de la conférence maritime. Cela implique que les mesures de restriction de la concurrence soient étendues à tout service fourni ne serait-ce que par un seul membre de la conférence, de crainte que les membres ne soient tentés de priver d'effet leur accord de fixation commune des prix maritimes en se faisant concurence par d'autres moyens.

(337) Cette analyse illustre les arguments invoqués dans de nombreuses affaires de concurrence par les membres d'une entente cherchant à établir une distinction entre concurrence "loyale" et concurrence "ruineuse" (92). En fait, la plupart des facteurs invoqués à l'appui de la thèse selon laquelle le marché des transports maritimes de ligne n'est pas équilibré ne sont pas propres à ce secteur. L'existence de capacités de réserve est un trait commun à la plupart des secteurs à forte intensité de capital, où les coûts irrécupérables sont importants, alors que les coûts de production variables marginaux sont faibles. Dans certains cas, il est tentant de baisser les prix pour accroître le chiffre d'affaires en augmentant le volume.

(338) Les arguments invoqués par les défenseurs de la thèse de l'instabilité intrinsèque reposent sur deux théories très controversées que Pirrong (93), Sjostrom et Davies (94), en particulier, ont cherché à appliquer aux transports maritimes : la théorie du noyau et celle des marchés contestables. Les hypothèses indispensables à l'application de ces modèles théoriques (présence de coûts fixes mais évitables, impossibilité d'aligner les capacités sur la demande et l'attitude suicidaire des armateurs lors de la fixation de leurs prix) semblent irréalistes aux yeux de la plupart des commentateurs. Il n'est donc guère surprenant que les travaux des économistes qui appliquent ces modèles théoriques hétérodoxes n'aient pas été acceptés par la plupart des analystes des transports maritimes (95).

A. Théorie du noyau et théorie des marchés contestables

(339) Selon la théorie du noyau, le maintien d'une capacité de réserve, permettant d'assurer un service régulier et fiable en dépit des fluctuations de la demande, pourrait amener les armateurs à oublier la raison d'être de cette capacité de réserve (qui devrait normalement rester inutilisée sauf en situation d'augmentation exceptionnelle de la demande à prix constants, par exemple une demande saisonnière), de sorte qu'ils décideraient d'abaisser leurs prix de façon à pouvoir utiliser cette capacité de réserve en attirant des clients supplémentaires. Une telle stratégie commerciale vise à maximiser l'utilisation des navires.

(340) Cette décision d'abaisser les taux amènerait d'autres armateurs à se livrer à une guerre des prix aboutissant à des niveaux de prix très bas, proches du coût variable marginal, puisque les armateurs ne seraient pas capables d'adapter rapidement leurs capacités à la demande. C'est ainsi que s'enclencherait la spirale des fluctuations excessives des prix et de la qualité du service décrite plus haut, qui serait à l'origine de l'instabilité intrinsèque du secteur.

(341) Sans approfondir la question de savoir si la théorie du noyau est plus qu'une théorie abstraite, il ne fait aucun doute que les hypothèses qui la sous-tendent sont inapplicables au secteur des transports maritimes réguliers.

(342) En premier lieu, la notion de capacité de réseve correspond au problème de l'indivisibilité des facteurs de production dans le secteur des transports réguliers (96). Ainsi, du point de vue de la compagnie maritime, les coûts liés à la capacité des navires sont des coûts communs à l'ensemble du fret transporté et ils ne sont pas imputables par expédition. Ils ne sont donc pas inclus dans le calcul d'un taux de fret donné et ce sont les coûts directs de manutention qui constituent le plancher de tarification. L'opinion selon laquelle les coûts liés à la capacité ne sont pas imputables pose encore d'autres difficultés si l'on tient compte de la discrimination par les prix entre marchandises, qui fait que le prix à payer pour le même service peut être cinq fois plus élevé pour une marchandise que pour une autre.

(343) Toutefois, comme le font observer Jansson et Schneerson, il existe un problème général des marchés de transport à chargement partagé, qu'il s'agisse de passagers ou de fret : lorsque le chargement partagé porte sur de faibles quantités (par exemple un seul conteneur sur un cargo de ligne) un problème d'indivisibilité peut se poser, qui conduit à la conclusion que le coût lié à la capacité ne devrait pas être inclus dans le coût marginal. Si tant est que ce problème se soit jamais posé, il est clair qu'il existe maintenant des moyens d'en minimiser les effets négatifs sur la rentabilité et qu'ils sont bien connus du secteur des transports maritimes de ligne. Les prix marginaux raisonnables sont généralement définis en appliquant les principes d'optimisation du revenu global (Yield management), bien connus dans le domaine de la fixation des tarifs aériens. Aujourd'hui, les principales compagnies maritimes recourent à ces principes de fixation des prix marginaux pour prévenir toute pollution de leurs taux normaux par les ventes marginales (97).

(344) Le rapport Drewry de 1991 (98) soulignait que des prix fixés au niveau du coût variable marginal seraient de l'ordre de 20 à 400 dollars des États-Unis par conteneur de 40 pieds (suivant que l'armateur est propriétaire ou locataire de l'équipement), ce qui est bien au-dessous de tous les taux enregistrés à l'époque. L'analyse faite dans le rapport Drewry montre l'absurdité de l'idée avancée par les défenseurs de la théorie de la concurrence ruineuse qui veut que certains taux occasionnels consentis sur des chargements marginaux (à un niveau proche du coût variable marginal) auraient pour effet de contaminer l'ensemble des taux. Comme toutes les autres entreprises, les compagnies maritimes se rendent bien compte qu'il est impossible de rentabiliser leurs opérations en offrant des taux en moyenne inférieurs au coût total moyen.

(345) En deuxième lieu, l'hypothèse de la fluctuation des capacités est essentielle à l'application de la théorie du noyau. Elle n'est cependant pas compatible avec l'existence de gros investissements irrécupérables consentis par les compagnies maritimes. Les investissements, par exemple dans des navires porte-conteneurs spécifiques pour chaque service et des installations portuaires et terminales, ainsi que dans les réseaux commerciaux et administratifs nécessaires à la constitution d'une clientèle suffisante, impliquent nécessairement des pertes si la compagnie décide brusquement d'abandonner une ligne. Comme l'abandon d'une ligne intervient généralement en période difficile, la compagnie doit s'attendre à devoir revendre ses actifs à des prix extrêmement bas.

(346) La débâcle de US Line en 1986 fournit un remarquable exemple de coûts irrécupérables consentis dans des navires. Selon les estimations, une part d'environ 40 à 50 % de la valeur résiduelle des investissements n'a, en l'occurrence, pas été récupérée (99). Les investissements en jeu sont si importants que les compagnies maritimes n'ont pas intérêt à se retirer du marché au premier dérapage des prix. Par conséquent, les concurrents potentiels doivent aussi s'attendre à une réaction commerciale vigoureuse de la part des compagnies déjà présentes sur le marché en cas de modification de la structure concurrentielle du trafic. L'ampleur des coûts irrécupérables limite donc le risque d'entrées/sorties éclair qu'implique la théorie du noyau.

(347) En troisième lieu, la théorie du noyau suggère que le retrait de capacités entraîne une baisse de la qualité du service (fréquence et capacité), puis une hausse des prix propre à attirer de nouveaux concurrents sur le marché. Cette hypothèse part du principe que les services et les capacités exploités par les compagnies présentes sur le marché sont définis de manière rigide, sans possibilité d'adaptation à la demande. Cette hypothèse correspond à une vision erronée de la stabilité des services, selon laquelle la stabilité des transports reviendrait à protéger tous les services en place et exigerait une protection contre toute forme de concurrence, celle-ci étant considérée comme ruineuse. Cette hypothèse ne reflète pas les caractéristiques des principales routes maritimes.

(348) Pour les raisons invoquées ci-dessus, la Commission ne peut admettre l'idée selon laquelle la théorie du noyau serait applicable à l'étude du secteur des transports maritimes de ligne. De plus, outre le fait que la théorie du noyau n'offre pas un cadre théorique satisfaisant, il convient de noter que les spécialistes de cette théorie ne sont pas en mesure de proposer des solutions concrètes. Selon Pirrong (100), "D'autres systèmes peuvent aussi corriger les problèmes de noyau vide, à savoir les monopoles, les contrats à long terme et l'intégration verticale." Comme il été souligné au considérant 122, environ 60 % des activités du TACA s'accomplissent dans le cadre de contrats de service conclus pour des périodes pouvant aller jusqu'à deux ans.

(349) En conséquence, une stratégie commerciale reposant sur une différenciation de la qualité du service en fonction du client et sur la conclusion de contrats de services individuels permet de résoudre tout problème d'"instabilité intrinsèque" du secteur. Comme ces stratégies commerciales sont bien connues des compagnies maritimes, il faut en conclure que la théorie du noyau, même si elle était applicable, ne saurait justifier les ententes.

(350) Les armateurs invoquent aussi la théorie du marché contestable pour soutenir que l'existence d'une concurrence potentielle garantit des services efficaces à des prix concurrentiels. La menace de l'entrée soudaine de concurrents soumettrait les compagnies présentes sur le marché à certaines contraintes d'efficacité. L'applicabilité de cette théorie aux compagnies maritimes est toutefois contestée par de nombreux économistes (101).

(351) Outre l'existence d'importants coûts irrécupérables limitant les possibilités d'entrée rentable sur le marché, il convient de noter qu'une condition d'applicabilité de la théorie du marché contestable est qu'il ne doit pas nécessairement y avoir d'entrée ou de sortie, la menace d'une concurrence potentielle étant suffisante. Selon cette théorie, ce n'est que si la concurrence potentielle n'exerce pas de véritable pression concurrentielle que les prix risquent d'être élevés ou l'offre inefficiente au point d'attirer de nouveaux venus espérant tirer profit de cette inefficacité.

(352) Jankowski a souligné qu'un nombre élevé de cas d'allées et venues sur le marché, qui ne sont généralement pas rentables et mènent à la faillite, indiquait au contraire le manque de contestabilité du marché. Dans son étude de 1986, Davies a soutenu que le trafic de ligne entre l'Europe et le Canada était contestable en raison précisément du nombre d'entrées enregistrées, mais il n'a pas analysé la rentabilité de ces mouvements. Ses conclusions quant à la contestabilité du marché sont donc discutables.

(353) À cela s'ajoute que la majorité sinon la totalité des entrées et sorties dont parle Davies étaient dues à des décisions de redéploiement de navires de la part de compagnies présentes sur des trafics voisins. Aucune analyse de ces redéploiements n'a été faite pour déterminer s'il s'agissait en fait d'entrées-sorties éclair.

(354) Le concept de mobilité et de flexibilité dans le positionnement des navires est accepté par la plupart des spécialistes et par les armateurs eux-mêmes (102). Les observations de Davies concernant les entrées et sorties sur le trafic Europe-Canada viennent davantage étayer l'idée de la flexibilité dans le redéploiement des navires que celle d'une réelle contestabilité du marché :

"Toutes les analyses susmentionnées relatives aux entrées et sorties ont été faites sur la base de la création ou de la disparition des services et non des compagnies. Le déplacement des navires par une société d'un trafic vers un autre implique nécessairement le retrait d'un service et l'introduction d'un autre (facteur qui influencera en soi l'environnement concurrentiel propre à chaque trafic), mais ne modifie pas obligatoirement le nombre de compagnies présentes sur le marché en général. Le tableau 4 montre la rotation des compagnies assurant les services de ligne sur le trafic canadien, mais là aussi les mêmes problèmes se posent : une compagnie nouvelle au Canada peut ne pas l'être pour le reste du monde et une sortie du Canada peut ne pas signifier la disparition pure et simple de cette compagnie, mais son déplacement vers une route non canadienne. C'est ainsi que sur les quarante-neuf sorties mentionnées au tableau 4, six seulement sont dues à la faillite complète de la compagnie concernée : six autres sont dues à une prise de contrôle ou à une fusion, les sorties restantes étant liées à un déplacement de services (Abbott e.a., 1984). De même, la presque totalité des soixante sociétés entrées sur le trafic canadien pendant cette période n'étaient en fait pas de nouvelles sociétés, mais des sociétés étrangères qui procédaient à un redéploiement de leurs capacités, sans doute en raison des possibilités de bénéfices qu'elles avaient détectées" (103).

(355) Le professeur Gilman a également critiqué l'idée de la contestabilité et celle d'une instabilité intrinsèque sur les principaux axes mondiaux dans les termes suivants (Tarporley, février 1994) :

"Il n'est toutefois pas nécessaire de disposer de preuves concrètes de pertes dans des cas bien précis pour critiquer le principe de faibles coûts irrécupérables. Tout revient en fait à une question de structure du secteur concerné, étant donné que c'est cela qui détermine les relations entre les marchés. Les principaux trafics comprennent trois grands marchés : l'Atlantique, le Pacifique et la liaison Europe-Extrême-Orient. La disponibilité de capacités pour entrer sur un de ces marchés et le niveau des coûts irrécupérables en cas de sortie dépendent clairement des conditions qui prévalent sur les deux autres. Si les trois routes étaient plus ou moins en équilibre, il serait tout simplement impossible de disposer de la capacité voulue pour le remplacement total et instantané des opérateurs en place sur n'importe lequel de ces marchés. Dès que les navires commenceraient à quitter les deux autres, les prix grimperaient - plus ou moins fort en fonction de l'élasticité de la demande - et le processus se gripperait rapidement. Ainsi, même en l'absence de barrières à l'entrée et à la sortie, le marché ne pourrait être enlevé aux opérateurs en place au point de les supplanter totalement.

Des entrées massives par la construction de nouveaux navires seraient tout aussi impossibles. Remplacer tous les navires sur l'axe Europe-Extrême-Orient coûterait, par exemple, plus de 10 milliards de dollars des États-Unis. De plus, même dans l'hypothèse la plus optimiste, cinq ans s'écouleraient entre la décision de construire ces navires et leur entrée en service. Les prix des navires grimperaient (ce qui signifie que les nouveaux venus potentiels ne pourraient pas obtenir leurs navires au prix payé par les opérateurs en place) et toute tentative de construction à cette échelle provoquerait un déséquilibre majeur dans le secteur maritime au niveau mondial.

La concentration de la propriété des grands navires porte-conteneurs affecte aussi les possibilités d'entrée. La flotte mondiale est dominée par une vingtaine de très gros transporteurs dont beaucoup opèrent sur deux des grands axes, voire sur les trois, de sorte qu'ils comptent comme opérateurs en place. Ces deux dernières décennies, la tendance a été à la concentration et bon nombre d'observateurs s'attendent à ce que cette tendance se poursuive au cours des dix prochaines années. Toute nouvelle entrée dans cette grande confrérie risque d'être assez limitée et le cercle de nouveaux venus potentiels fort restreint.

En ce qui concerne les sorties, les possibilités d'un redéploiement même limité des navires dépendent des conditions du marché dans le secteur visé. En admettant qu'un des trois grands axes soit en surtonnage, les deux autres marchés étant fermes, il sera possible de redéployer certains navires. Si tous les axes souffrent au contraire des effets d'une récession mondiale, les possibilités seront assez limitées. Le fait est que, dans la mesure où les marchés subissent un même type d'influences, la sortie sera relativement aisée (pour un nombre modéré de navires) quand les marchés sont fermes, mais beaucoup plus difficile quand ils sont faibles. Il sera donc relativement facile de sortir quand cette sortie ne présente guère d'intérêt. Un redéploiement à très grande échelle serait toutefois impossible et la capacité excédentaire serait vouée au désarmement.

L'analyse faite ci-dessus montre clairement qu'un certain nombre d'hypothèses implicites concernant la structure et la performance d'un ensemble de marchés apparentés sous-tendent l'idée d'un marché unique s'inscrivant dans cet ensemble où les coûts fixes ne sont pas irrécupérables. La première est que ce marché unique est de taille réduite par rapport à la taille globale du secteur concerné, la deuxième est que l'ensemble des marchés fonctionne de manière rentable et la troisième que la structure de la propriété est suffisamment diversifiée pour qu'il existe un groupe de nouveaux venus potentiels. Ce n'est qu'à ces conditions qu'une capacité suffisante pour remplacer celle des opérateurs en place pourrait être facilement et rapidement trouvée et aisément réabsorbée au cas ou ces derniers décideraient de riposter. Pour chaque marché géographique important par rapport à la taille globale du secteur, comme le sont les trois grands axes maritimes, on ne peut guère envisager que le niveau des coûts irrécupérables soit faible, sauf pour de modestes incursions sur le trafic. Pour en revenir à la réalité actuelle, des incursions même modestes sur un marché dont il n'est pas facile de sortir risquent de déchaîner une concurrence féroce, en particulier parce que les capacités de transport sont un produit périssable.

Dans certains cas, y compris celui du secteur des transports, la mobilité physique du capital est directement liée à la mobilité économique, mais cela ne garantit pas un faible niveau de coûts irrécupérables. Dans d'autres cas, la production est transportable et le capital peut très bien rester en un seul endroit. Une entreprise de fabrication établie sur un site unique, mais ayant une stratégie diversifiée qui lui permet de couvrir tout un éventail de marchés mondiaux, pourrait très facilement réorienter sa production (et par conséquent le déploiement d'une bonne partie de son capital fixe) d'un marché vers un autre sans bouger d'un pouce."

(356) Même cette analyse de la contestabilité sous-estime l'importance de la distinction entre la mobilité des navires et la contestabilité des marchés. En effet, les compagnies maritimes qui offrent des services de transport multimodal doivent consentir des investissements à terre dans des domaines tels que la gestion et la commercialisation. Ces actifs sont beaucoup moins mobiles que les navires, si tant est qu'ils le soient. En tout état de cause, les coûts irrécupérables de transfert ou de cessation de ces fonctions de gestion et de commercialisation peuvent être considérables.

(357) Procéder à une analyse économique des transports maritimes de ligne, c'est donc aborder un terrain d'étude complexe. Le présent examen aboutit à la conclusion que les accords entre compagnies maritimes en matière de taux (conférences) ou de capacités (consortiums) ou encore au sein d'ententes qui restreignent encore davantage la concurrence, en particulier celles qui conjuguent fixation des taux et gestion des capacités, ne peuvent pas être analysés exclusivement et de manière simpliste sur la base de la théorie du noyau ou de celle des marchés contestables.

B. La question de la concurrence ruineuse

(358) Les éléments d'appréciation de caractère économique fournis par les anciens membres du TAA dans leur demande d'annulation de la décision TAA comprennent une annexe où le professeur Yarrow fait la synthèse des différentes notions de "concurrence ruineuse" qui apparaissent dans la théorie de l'instabilité (annexe 16 de la réplique). Le professeur Yarrow distingue deux types de concurrence ruineuse : le type A qui peut exister dans les secteurs présentant certaines caractéristiques, dont des coûts marginaux très inférieurs aux coûts moyens, des capacités excédentaires ou inutilisées et la présence de coûts irrécupérables ; le type B qui peut exister en l'absence d'équilibre concurrentiel, dans des situations telles que celles décrites par les théories du noyau ou du marché contestable.

(359) L'examen qui précède a montré que les conditions requises pour qu'il puisse être question de concurrence ruineuse du type B ne sont pas réunies, notamment en raison de l'existence de coûts irrécupérables et de l'absence d'entrées-sorties éclair rentables. En ce qui concerne la concurrence ruineuse de type A, le professeur Yarrow admet qu'elle n'exige pas de mesures particulières en matière d'application des règles de concurrence, notamment pour les raisons suivantes :

"La plupart des économistes, spécialisés dans le domaine de la politique de la concurrence, au nombre desquels je me range, ne considèrent toutefois pas ce résultat comme un argument suffisant en soi pour justifier une dérogation aux dispositions générales du droit de la concurrence en faveur des accords de prix. La principale raison en est que si les sociétés sont susceptibles de subir des pertes comptables prolongées, les clients profitent pour leur part de prix peu élevés. De plus, étant donné que les coûts fixes sont irrécupérables, les consommateurs profitent plus que les sociétés ne souffrent : il est économiquement rentable que les prix soient inférieurs aux coûts moyens dans des situations de capacité excédentaire."

(360) Il est par conséquent impossible de différencier cette situation de concurrence "ruineuse" d'une situation de concurrence normale. Par ailleurs, les thèses de l'instabilité intrinsèque laissent délibérément de côté certaines caractéristiques qui viennent les démentir. Ainsi, la possibilité de redéployer les navires sur les grands axes mondiaux décrite par le professeur Gilman permet à l'offre de s'adapter aux fluctuations importantes de la demande afin d'éviter le maintien prolongé de capacités excédentaires et d'arriver ainsi à un équilibre entre l'offre et la demande. Dans le rapport de 1989 de la Federal Trade Commission, M. Reitzes résume la situation en ces termes :

"Les marchés de l'armement au long cours ne présentent pas les coûts irrécupérables élevés propres au marché (par opposition aux investissements irrécupérables propres à la société) qui sont une condition clé pour que l'on puisse parler de concurrence ruineuse (il existe du reste peu de preuves étayant la thèse selon laquelle les marchés des transports maritimes sont des monopoles naturels vulnérables à toute entrée, aussi limitée et inefficace soit-elle). Aucune des études empiriques consacrées à ce secteur n'a été poussée à un niveau de détail suffisant pour donner une bonne idée du sujet. On trouvera une illustration de la manière dont ce problème peut être abordé chez Evans et Heckmann (1984). Les navires constituent un capital mobile qui peut, dans certaines circonstances, être transféré de marchés géographiques peu rentables vers des marchés géographiques qui le sont davantage en réaction à des fluctuations de la demande. Le rapport de la FMC note que les transporteurs actifs sur certains marchés régionaux peuvent facilement modifier leurs scénarios d'escale si les conditions du marché changent (rapport de la FMC, p. 165). De plus, les transporteurs et les chargeurs peuvent négocier des contrats à long terme pour réduire autant que possible les risques liés à l'incertitude des conditions de l'offre et de la demande (bien que la théorie du noyau mette l'accent sur les 'coûts évitables' plutôt que sur les coûts irrécupérables, la différence n'est pas importante en l'espèce). Du fait que les navires sont un capital mobile et qu'il est possible de passer des contrats à long terme, les transporteurs maritimes ont toute latitude de décider s'ils exploitent ou non leurs navires et où ils comptent les exploiter. C'est pourquoi il est vraisemblable qu'ils exploiteront leurs navires sur les routes moins encombrées par des capacités excédentaires, ce qui rend improbable l'apparition d'une concurrence ruineuse."

(361) La mise en équilibre de l'offre et de la demande par le jeu des forces du marché garantit la prise en compte des intérêts des utilisateurs dans la détermination du niveau des services et le maintien de la stabilité des taux. Si, en revanche, des ententes viennent rigidifier l'offre des services de transport, l'efficacité des prestations, la stabilité des taux et donc les intérêts des utilisateurs sont mis en péril. E. Benathan et A. Walters ont tiré les conclusions suivantes de leur première étude sur la coopération dans le secteur des transports maritimes de ligne :

"La mise en commun des ressources, telle qu'elle se pratique, par exemple, dans le secteur des transports maritimes, est toutefois généralement considérée comme la forme d'entente la plus anticoncurrentielle. Nos conclusions vont dans le même sens pour ce qui est de la fixation de prix compétitifs. Étant donné qu'il s'agit d'une formule plus flexible que les systèmes de quotas, la mise en commun des recettes devrait apporter une plus grande stabilité aux ententes. En effet, elle permet à l'entente dans son ensemble d'exploiter les possibilités de bénéfices de manière plus complète et plus continue. Elle permet donc d'éviter les crises perturbatrices que risque d'occasionner le système plus rigide des quotas. Si, par ailleurs, une entente est autorisée (comme c'est le cas des ententes maritimes dans la plupart des pays martimes), la mise en commun permet une meilleure répartition du trafic au sein de l'entente. Elle permet l'expansion d'entreprises à faibles coûts et efficaces au sein de l'entente au détriment des sociétés inefficaces. Elle devrait donc être moins préjudiciable au progrès technique du trafic de ligne que de simples régimes de quotas" (104).

(362) Par conséquent, lorsque l'adaptation de l'offre de services et des taux à la demande est empêchée par la conclusion d'ententes, en particulier sous la forme d'accords de stabilisation impliquant un gel de l'utilisation des capacités et l'imposition d'une discipline tarifaire artificielle, la stabilité et l'efficacité des services et par conséquent les intérêts des utilisateurs sont menacés. Dans ces circonstances, l'offre de capacités peut être réduite artificiellement par un gel partiel des capacités pouvant conduire à de fortes hausses des taux ou à tout le moins au maintien d'un niveau de taux artificiel qui ne favorise pas l'élimination des services moins efficients et d'éventuelles surcapacités (c'est-à-dire des capacités qui dépassent un niveau raisonnable de capacité de réserve nécessaire pour fournir un service adapté aux besoins des utilisateurs).

(363) En ce qui concerne les "accords de stabilisation" comportant un gel partiel des capacités, le rapport Drewry de 1991 faisait les remarques suivantes (p. 69) :

"Une utilisation inférieure à l'utilisation optimale n'est pas en soi synonyme de faible rentabilité pour autant que les taux soient maintenus à des niveaux raisonnables et que les coûts soient comprimés. En effet, le caractère structurellement inévitable du surtonnage dans un trafic ouvert et concurrentiel produira presque à coup sûr une insuffisance de la demande se situant entre 15 et 35 %. Il est clair qu'il est plus probable d'arriver à un niveau de rentabilité acceptable si ce taux est plus proche de 15 % que de 35 %, mais pour autant qu'une forme d'organisation du secteur (qu'il s'agisse d'une conférence ou d'un accord de stabilisation) se charge de la régulation des capacités et/ou des taux, le marché peut être manipulé à tout niveau raisonnable d'insuffisance de la demande."

(364) Le principal risque lié aux ententes restrictives réside dans le fait que la concurrence entre transporteurs est limitée à la seule qualité des services. Les compagnies présentes sur le trafic se trouvent alors engagées dans une compétition qui les contraint à exploiter de plus en plus de navires ayant des capacités de plus en plus grandes (effet Averch-Johnson). Le problème du gaspillage induit par la situation de monopole a été étudié par Scherer and Ross (105) :

"Les accords de fixation des prix, la formation de collusions oligopolistiques tacites et la tarification monopolistique peuvent aussi stimuler l'accumulation stérile de capacités excédentaires. Il existe quatre principaux mécanismes.

Premièrement, le fait d'offrir de grandes capacités de réserve confère un autre type d'avantage concurrentiel hors prix : par exemple, les usagers des transports aériens utilisent les services des compagnies qui offrent le plus de vols et de sièges disponibles au dernier moment, ou les acheteurs industriels favorisent les fournisseurs capables de répondre à leurs besoins sur des marchés gris anormalement étroits. Deuxièmement, si l'entente comporte un système de contingentement des ventes en proportion des capacités, comme c'était le cas dans le cadre du système de répartition de la demande de pétrole brut en vigueur aux États-Unis d'Amérique jusqu'au début des années 70, l'investissement dans des capacités excédentaires pour obtenir un contingent plus élevé est encouragé. Troisièmement, des capacités excédentaires peuvent être maintenues pour renforcer la crédibilité de l'effet de dissuasion exercé par un groupe monopolistique sur les candidats à l'entrée. Quatrièmement, la fixation monopolistique des prix protège la survie de capacités dans des secteurs en déclin.

Il existe des raisons de penser que la relation entre le pouvoir monopolistique et certaines de ces tendances est non linéaire. Ainsi, les ententes maritimes, qui ont parachevé leur monopole en contrôlant l'accès, l'investissement et les horaires, étaient moins enclines au maintien coûteux de capacités excédentaires ou au 'surtonnage' que les ententes 'ouvertes' moins structurées qui desservent les lignes américaines."

(365) Pour illustrer ce phénomène, le rapport Drewry de 1991 retrace de la manière suivante l'évolution du trafic transatlantique dans les années 80 (p. 120) :

"Toutes les compagnies membres d'une conférence offrent leurs différents services sur une base hebdomadaire, fréquence qu'assurent également toutes les grandes compagnies indépendantes, seuls quelques-uns des petits opérateurs offrant une moindre qualité de service. En 1987, la moitié des quarante-six services distincts fonctionnaient selon une fréquence hebdomadaire : il y a donc eu une avancée considérable dans la qualité du service généralement offert. Il en résulte qu'il est de plus en plus difficile aux services moins fréquents de se faire accepter par le marché."

(366) Un tel accroissement des capacités, qui s'accompagne logiquement d'une baisse des taux, ne peut continuer sans que ceux-ci soient relevés pour compenser l'augmentation des coûts de production. L'offre s'éloigne alors de plus en plus du point d'équilibre et les utilisateurs paient cette course à la qualité du service par des taux qui sont plus élevés qu'ils ne le souhaiteraient. Le cycle se poursuit jusqu'au moment où il est impossible de résister aux forces du marché. Le retour à la réalité commerciale du trafic provoque alors un ajustement brutal des taux qui peut amener certains transporteurs à se retirer du marché et affecter ainsi l'offre de capacités. Ce cycle est manifestement une source d'instabilité pour le marché. Il ne s'agit pas, cependant, d'un problème d'instabilité inhérente ou de noyau vide, mais simplement de la conséquence de la perturbation des conditions normales du marché imputable au fait que l'entente maritime abuse de sa puissance de marché (106).

(367) De plus, les solutions proposées dans le règlement (CEE) n° 4056-86 pour instaurer la stabilité reconnue par ce règlement, à savoir la stabilité des taux, ne sont pas et n'ont jamais été destinées à résoudre les problèmes provoqués par des décisions d'investissement déraisonnables des compagnies maritimes.

C. Fixation des tarifs terrestres en Europe

(368) Les parties au TACA ont affirmé dans leur demande d'exemption que "la possibilité qu'ont les compagnies maritimes de convenir de taux intermodaux forfaitaires contribue à l'effet stabilisateur de l'accord, étant donné que les parcours terrestres et maritimes sont des services complémentaires et qu'un accord limité au parcours maritime ne pourrait avoir un effet stabilisateur suffisant."

(369) En l'absence d'instabilité et de toute menace de concurrence ruineuse, il n'est manifestement pas nécessaire d'étendre les pratiques de fixation des prix. Aucune théorie économique ne justifie en particulier d'étendre le système de tarification maritime aux segments terrestres.

(370) La discussion qui précède sur l'inapplicabilité aux transports maritimes de ligne des théories du noyau et de la contestabilité tend à montrer l'improbabilité d'une déstabilisation des tarifs maritimes par une concurrence sur les tarifs multimodaux forfaitaires. Les considérants 131 à 137 de la décision FEFC donnent une description détaillée du risque de déstabilisation des tarifs maritimes des conférences qui résulterait d'une concurrence normale sur le segment terrestre.

(371) De plus, cette déstabilisation théorique par une sous-facturation du segment terrestre n'est guère probable en Europe. Les partisans de cette thèse prennent souvent en exemple la baisse des taux multimodaux entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique en 1983. Or, un glissement des taux de porte à porte par rapport aux tarifs maritimes d'une conférence doit faire l'objet d'un examen approfondi pour que l'on puisse en tirer des conclusions.

(372) Premièrement, une simple comparaison des taux facturés par certaines compagnies indépendantes avec les tarifs fixés par une conférence ne peut remplacer une analyse en bonne et due forme des conditions du marché à l'époque. On peut avancer que les taux de la conférence ont peut-être été fixés à des niveaux tellement élevés qu'ils n'étaient guère représentatifs et n'étaient même pas respectés par les membres de la conférence. Le glissement des prix ne serait alors qu'un retour aux conditions normales du marché et non le reflet d'une instabilité intrinsèque du secteur.

(373) De plus, on peut faire valoir que cette période a vu l'arrivée de nouveaux concurrents qui cherchaient à obtenir des parts de marché en pratiquant des taux inférieurs à ceux de la conférence (l'US Line est entrée sur le marché atlantique en 1982). Par conséquent, c'est la durée et l'étendue du bradage des prix (et non son intensité) qu'il faut prendre en considération. Des fluctuations cycliques de la demande, conjuguées à la mise en œuvre de capacités excédentaires, peuvent aussi expliquer une chute brutale, mais brève, des taux indépendants. Un certain nombre de conditions de marché normales et certaines stratégies spécifiques des transporteurs peuvent aussi expliquer une baisse des taux indépendants par rapport aux tarifs de la conférence sans pour autant étayer la thèse de l'instabilité intrinsèque.

(374) Deuxièmement, les années 1978 à 1984 ont été une période de grands changements pour les transports maritimes aux États-Unis d'Amérique ; en effet, la déréglementation du secteur ferroviaire, intervenue entre la fin des années 1970 et 1981, a été suivie par l'essor du transport de conteneurs par rail. Le rapport Drewry 1991 retrace cette évolution dans les termes suivants (p. 68) :

"L'introduction en 1984 des trains porte-conteneurs à deux niveaux en Amérique du nord a provoqué, pour une partie importante du trafic mondial par conteneur, un recul radical des capacités maritimes au profit des capacités de ferroutage. Les concepts de miniponts terrestres étaient bien ancrés aux États-Unis avant même l'introduction de la technologie de ces trains à deux niveaux (APL, par exemple, avait abandonné son service de transport 'exclusivement par eau' entre l'Asie et la côte est de l'Amérique du nord dès 1978), mais le bond quantitatif en efficacité et en service qu'a constitué l'introduction de ces trains sur le marché des conteneurs a totalement bouleversé les paramètres économiques des systèmes intermodaux et 'exclusivement par eau'. Ces dix dernières années, aucune autre percée dans le domaine des transports terrestres n'a modifié aussi fondamentalement la relation entre l'offre de slots et le volume du fret pour une partie importante du trafic mondial par conteneur, bien que l'augmentation des transbordements ait engendré un besoin d'espace supplémentaire sur les navires pour transporter le même volume. Dans le même temps, cette évolution en faveur des services de transbordement se traduit généralement par une utilisation plus intensive des navires de haute-mer, de sorte qu'on peut considérer que ces deux facteurs s'annulent mutuellement."

(375) Pour des raisons historiques, géographiques et institutionnelles, la situation est cependant très différente en Europe. Comme le rapport Drewry de 1991 le précise :

"En Europe, la pratique normale des conférences en trafic intermodal consiste à appliquer des taux par zone (établis sur la base d'un tarif fixé pour les transports terrestres) au fret de port à port. Historiquement, ces taux ont été fixés tout juste au-dessous du coût de revient pour inciter les clients à opter pour les services d'acheminement, tout en réduisant toute subvention au minimum. Étant donné que les choix portuaires sont nettement plus limités en Europe que sur les côtes est et ouest d'Amérique du nord, il y a moins de possibilités de concurrence sur les taux des services d'acheminement terrestre et donc moins de risque qu'un transporteur indépendant offre un taux de transport très différent. Du fait que les suppléments pour le segment terrestre sont facturés séparément, la transparence des taux est nettement meilleure que dans le système commercial américain où les tarifs forfaitaires de bout en bout ont tendance à occulter les coûts et n'offrent pas la même protection contre l'érosion." (p. 95).

"On s'est perdu en conjectures sur les possibilités d'un pont terrestre en Europe, notamment pour l'acheminement massif de fret en provenance et à destination de l'Europe du nord via les ports méditerranéens, mais des barrières physiques et politiques non négligeables viennent contrecarrer ces projets, en dépit de la stratégie française de création d'un réseau ferroviaire à grande vitesse qui pourrait accélérer le processus. Les Alpes constituent un obstacle incontournable aux mouvements massifs de marchandises par rail entre le nord et le sud de l'Europe et les conditions géographiques et démographiques qui caractérisent l'Europe empêchent le système économique des trains à deux niveaux adopté aux États-Unis de jouer le moindre rôle. Les ports méditerranéens - en particulier ceux d'Italie - ont aussi posé des problèmes dans le passé, ce qui leur a valu une réputation internationale peu enviable. Le problème majeur est toutefois que la gestion nationale et donc fragmentée des chemins de fer européens rend extrêmement difficile l'intégration de systèmes individuels et disparates en un tout cohérent à l'échelle qui serait nécessaire pour permettre d'acheminer de la sorte des volumes importants de conteneurs entre l'Europe et l'Extrême-Orient." (p. 162) (107).

(376) En raison des caractéristiques du secteur ferroviaire et de la configuration géographique différentes de l'Europe et des États-Unis, il est improbable que l'Europe connaisse une évolution des transports terrestres de conteneurs comparable à celle des États-Unis d'Amérique.

(377) Pour toutes ces raisons, la répétition soudaine d'une forte baisse des taux multimodaux par rapport aux tarifs maritimes de la conférence, semblable à celle de 1983 (pendant laquelle les taux sont restés largement au-dessus du niveau des coûts variables marginaux), n'est pas crédible.

APPRÉCIATION JURIDIQUE

XV. APPRÉCIATION PRÉLIMINAIRE AU REGARD DE L'ARTICLE 85, PARAGRAPHE 1

A. Restrictions, entraves ou distorsions affectant la concurrence

(378) Les parties au TACA sont des compagnies maritimes qui sont des entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (108).

(379) Le TACA comprend les éléments suivants ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE :

a) l'accord de prix entre les parties portant sur le transport maritime ;

b) l'accord de prix entre les parties portant sur la fourniture aux chargeurs de services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur ("services d'acheminement par le transporteur") entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique ;

c) l'accord entre les parties portant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs

et

d) l'accord entre les parties portant sur la fixation de plafonds de rémunération des transitaires.

(380) Ces accords ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence dans le Marché commun. Ils permettent, en particulier, aux membres du TACA de restreindre entre eux la concurrence en ce qui concerne les tarifs, les taux de fret et les conditions générales de transport. Ces accords relèvent du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE d'une manière générale, et plus particulièrement de l'article 85, paragraphe 1, point a), et de l'article 53, paragraphe 1, point a).

(381) Il n'est pas nécessaire d'attendre les effets concrets d'un accord dès lors qu'il apparaît que cet accord a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence (109). Les membres du TACA ne contestent pas le fait que les quatre accords mentionnés ci-dessus visent à restreindre la concurrence entre eux à l'intérieur du Marché commun.

(382) Dans la présente affaire, la restriction de concurrence entre les parties au TACA peut être importante en raison du très grand nombre de conteneurs concernés et des parts de marché substantielles détenues par les parties (voir considérants 85 et 86). Le caractère sensible des restrictions de la concurrence que l'accord de fixation des prix des services d'acheminement terrestre devait provoquer est illustré par le fait que, en 1995, les membres du TACA ont aussi assuré, sur le territoire de la Communauté, l'acheminement terrestre d'environ 48 % du fret qu'ils ont transporté entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique.

(383) Pour apprécier le caractère sensible des effets sur la concurrence, il faut aussi avoir à l'esprit que les membres du TACA participent en tout à une quarantaine d'autres conférences maritimes qui desservent des ports situés dans la Communauté et qui fixent aussi les prix du transport maritime et des services d'acheminement terrestre. Au nombre de ces conférences figurent notamment la Far Eastern Freight Conference, la Southern Europe America Conference (110), la Europe/Australia Conference, la Mediterranean-Canadian East Coast Conference, la Continental Canadian Westbound Freight Conference et la Canadian North Atlantic Westbound Freight Conference.

(384) Il est difficile de dire à ce stade si l'accord sur les échanges d'équipements ("European Inland Equipment Interchange Agreement") affecte sensiblement la concurrence. L'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à cet accord n'est donc pas abordée dans la présente décision.

(385) Le règlement (CEE) n° 4056-86 est le règlement de procédure applicable aux accords qui relèvent de l'article 85, paragraphe 1, et qui concernent les services de transport maritime. Le règlement (CEE) n° 1017-68 est le règlement de procédure applicable aux accords qui relèvent de l'article 85, paragraphe 1, et qui concernent les services de transport terrestre. Quand un accord concerne à la fois les transports maritimes et les transports terrestres, ces deux règlements de procédure sont applicables. Le règlement n° 17 est le règlement de procédure applicable aux accords qui relèvent de l'article 85, paragraphe 1, et qui ne concernent pas les services de transport.

B. Effet sur le commerce entre États membres - Article 85

(386) Le critère de l'effet sur le commerce entre États membres est rempli dès lors qu'il apparaît de façon suffisamment certaine, sur la base d'un ensemble de facteurs juridiques ou empiriques objectifs, que l'accord ou la pratique concertée en question peut avoir une influence, directe ou indirecte, effective ou potentielle, sur la structure des échanges de biens ou de services entre les États membres (111). En conséquence, il suffit de prouver que le comportement en question peut avoir un tel effet. Puisqu'un effet potentiel suffit, l'évolution future des échanges peut être prise en considération pour apprécier l'effet de l'accord restrictif sur le commerce entre États membres(112).

(387) Lorsque l'on examine si les restrictions de concurrence décrites au considérant 379 peuvent affecter les échanges entre États membres, il convient de souligner que les marchés en cause directement affectés sont ceux des services de transport et des services intermédiaires et non celui de l'exportation de marchandises à destination de pays tiers (113).

(388) La Commission considère que les accords entre les membres du TACA, qui consistent à fixer les prix des services de transport maritime et des services d'acheminement terrestre, à imposer des conditions restreignant la liberté des membres de passer des contrats de services et à fixer des plafonds de rémunération des transitaires sont de nature à affecter sensiblement et sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce entre États membres des diverses façons décrites ci-après.

(389) Le TACA concerne des compagnies maritimes opérant dans plusieurs États membres et il restreint la concurrence entre ces compagnies en ce qui concerne le prix auquel chacune d'entre elles propose ses services de transport, dont certains portent sur des segments terrestres, certains sont assurés dans le cadre d'un contrat de services et certains sont fournis par l'intermédiaire d'un transitaire. L'élimination ou la réduction de la concurrence par les prix entre ces compagnies pour la fourniture de services de transport est de nature à réduire fortement les avantages qui reviendraient normalement aux plus efficaces ou aux plus compétitives d'entre elles.

(390) L'élimination ou la réduction de la concurrence par les prix entre les membres du TACA affecte le nombre d'opérations de transport que chaque compagnie effectuerait normalement en l'absence d'un tel accord. Cette restriction de la concurrence entre armateurs opérant dans plusieurs États membres a donc pour résultat d'influencer et de fausser les échanges commerciaux de services de transport à l'intérieur de la Communauté (c'est-à-dire les échanges transfrontaliers dans la Communautè), qui se présenteraient différemment en l'absence de cet accord.

(391) Cette altération du jeu normal de la concurrence en vertu duquel les entreprises les plus efficaces accroissent leur part de marché risque aussi de fausser la concurrence entre les ports des différents États membres, en gonflant ou en réduisant artificiellement le volume de marchandises en transit (114) et les parts de marché des compagnies maritimes opérant à partir de ces ports.

(392) L'effet sur la fourniture des services de transport maritime et d'acheminement terrestre décrit aux considérants 386 à 391 risque aussi d'avoir des répercussions sur la prestation de services annexes au transport maritime et à l'acheminement, tels que les services portuaires et de manutention. L'effet sur ces services tiendra surtout à la modification du flux des services de transport entre États membres.

(393) La Commission estime par conséquent que l'accord en question affecte les échanges entre États membres en ce qui concerne la fourniture des services de transport proprement dits et des services annexes. Cet effet peut être sensible en raison du très grand nombre de conteneurs concernés. La valeur des services en cause se chiffre à quelque 2 milliards d'écus.

(394)Des accords comme ceux qu'ont conclus les membres du TACA concernant les prix des transports maritimes et de l'acheminement terrestre ainsi que les conditions auxquelles les contrats de services sont proposés et les conditions de rémunération des transitaires, qui ont un effet sur le coût d'exportation des marchandises produites dans la Communauté, sont susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire de ces marchandises. Cet effet provient du fait que les producteurs risquent de se tourner vers d'autres marchés, pour lesquels les coûts de transport sont moins élevés. Ces autres marchés incluent aussi bien le marché national du producteur que les marchés d'autres États membres de la Communauté(115).

(395) L'accord de fixation de plafonds de rémunération des transitaires (conjugué aux autres restrictions applicables aux intermédiaires) est susceptible d'affecter les échanges entre États membres de deux façons. Premièrement, en affectant la concurrence entre les parties au TACA elles-mêmes, il peut affecter le volume des marchandises que chacune d'elles transporte (ou se charge de faire transporter) par-delà les frontières intérieures de la Communauté. Deuxièmement, il risque de fausser la position concurrentielle des transitaires établis dans différents États membres et d'affecter le volume des services qu'ils fournissent. Il peut en résulter des déviations des courants d'échanges entre les ports de la Communauté.

(396) La Commission considère par conséquent que les accords entre les parties au TACA, consistant à fixer les prix des services de transport maritime et des services d'acheminement, à imposer des conditions restreignant la liberté des parties au TACA de passer des contrats de services et à fixer des plafonds de rémunération des transitaires, ont un effet sur les échanges de marchandises et de services entre États membres.

XVI. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT (CEE) N° 4056-86 : LA PORTÉE DE L'EXEMPTION PAR CATÉGORIE

(397) L'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 exempte les membres des conférences maritimes de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, pour les accords portant sur la fixation de taux de fret uniformes ou communs et sur toute autre condition relative à la fourniture de services réguliers de transport maritime. L'exemption s'étend à un nombre limité d'autres pratiques maritimes auxquelles peuvent recourir les membres d'une conférence maritime en plus de la fixation des prix et des conditions du transport maritime. Les raisons pour lesquelles l'exemption est accordée prennent en compte les avantages pour les chargeurs, tels que décrits dans les considérants du règlement (CEE) n° 4056-86, et notamment le fait que les conférences ont des effets stabilisateurs de nature à garantir des services fiables aux chargeurs.

Considérant qu'il est opportun de prévoir une exemption de groupe en faveur des conférences maritimes ; que ces conférences exercent un rôle stabilisateur de nature à garantir des services fiables aux chargeurs ; qu'elles contribuent généralement à assurer une offre de services de transport maritime réguliers, suffisants et efficaces et cela en prenant en considération les intérêts des usagers dans une mesure équitable ; que ces résultats ne peuvent être obtenus sans la coopération que les compagnies maritimes développent au sein desdites conférences en matière de tarifs et, le cas échéant, d'offre de capacité ou de répartition des tonnages à transporter, voire des recettes ; que, le plus souvent, les conférences restent soumises à une concurrence effective de la part tant des services réguliers hors conférence que, dans certains cas, de services de tramp et d'autres modes de transport ; que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transports maritimes, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause.

(398) Les pratiques qui ne sont pas expressément mentionnées à l'article 3 ne bénéficient pas de l'exemption par catégorie qui y est prévue(116). En outre, le fait que les conférences maritimes sont, d'une manière générale, considérées comme apportant certains avantages, qui justifient l'octroi des exemptions prévues par le règlement, ne saurait signifier que toute atteinte à la concurrence qui est le fait de conférences maritimes échappe à l'interdiction de principe édictée à l'article 85, paragraphe 1, du traite (117).

(399) Sans préjudice de l'examen de la question de savoir si d'autres aspects du TACA sont exclus du champ d'application de l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86, la Commission considère que les éléments suivants du TACA ne sont pas couverts par ladite exemption :

a) l'accord de prix entre les parties au TACA portant sur la fourniture aux chargeurs de services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur ("services d'acheminement par le transporteur") entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique ;

b) l'accord entre les parties au TACA portant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs ;

c) l'accord entre les parties au TACA portant sur la fixation de plafonds de rémunération des transitaires,

et

d) (pour autant qu'il relève de l'article 85, paragraphe 1, du traité) l'accord entre les parties aux TACA concernant l'échange d'équipements.

XVII. FIXATION DES TARIFS TERRESTRES ET ÉCHANGES D'ÉQUIPEMENTS

(400) Pour les raisons susmentionnées, la Commission estime que l'accord de fixation des prix entre les parties au TACA, portant sur la fourniture aux chargeurs de services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique, ne relève pas du champ d'application de l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(401) La Commission a examiné à diverses reprises la question des accords de fixation des prix pour la fourniture de services d'acheminement par le transporteur. Elle a présenté un rapport au Conseil concernant l'application des règles de concurrence de la Communauté au transport maritime (118), qui portait essentiellement sur cette question, et a adopté deux décisions dans lesquelles la fixation des prix des services d'acheminement a été examinée et interdite : la décision TAA et la décision FEFC.

(402) Les raisons pour lesquelles l'accord TAA fixant les taux applicables aux services d'acheminement par le transporteur n'entre pas dans le champ d'application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 ont été exposées aux considérants 371 à 378 de la décision TAA. Ce raisonnement s'applique mutatis mutandis à l'accord TACA de fixation des taux des services d'acheminement par le transporteur, dont les termes sont identiques à ceux de l'accord TAA correspondant.

(403) En outre, la Cour de Justice a examiné le champ d'application du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil (119) dans l'affaire Spediporto (120), où elle a conclu que :

"[...] Le règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil du 22 décembre 1986 [...] ne s'applique pas aux transports par route de marchandises débarquées du navire."

(404) La Commission considère que l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Spediporto confirme l'avis de la Commission, déjà exprimé dans les décisions TAA et FEFC, selon lequel le champ d'application de l'exemption par catégorie ne peut pas être plus étendu que le champ d'application du règlement proprement dit. Si le règlement (CEE) n° 4056-86, de même que le règlement (CEE) n° 4055-86, ne s'applique pas aux transports par route de marchandises débarquées du navire ou embarquées sur celui-ci, le champ d'application de l'exemption par catégorie ne peut pas couvrir la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur (121).

(405) Dans ce contexte, il convient de souligner le onzième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86, ainsi que le fait qu'au cours de la procédure de consultation qui a conduit à l'adoption dudit règlement, le Parlement européen avait proposé d'ajouter à l'article 3 de la proposition de règlement de la Commission les termes suivants :

"L'exemption précitée porte également sur le transport 'intermodal' (c'est-à-dire le transport maritime incluant le transport antérieur et postérieur) ; "(122).

(406) Cette proposition d'amendement n'a pas été adoptée par le Conseil, ce qui montre bien que ce dernier n'entendait pas que les accords de fixation des prix des services de transport terrestre soient couverts par l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(407) Il importe de souligner que le fait que la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur ou des services multimodaux ne relève pas du champ d'application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 n'empêche nullement les différents membres du TACA d'offrir individuellement des taux de bout en bout pour les services multimodaux puisque cette pratique n'entraîne aucune restriction de la concurrence.

(408) La Commission considère par conséquent que l'accord de prix entre les parties au TACA portant sur la fourniture aux chargeurs de services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique n'entre pas dans le champ d'application de l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

XVIII. POSSIBILITÉ D'UNE EXEMPTION INDIVIDUELLE

A. Fixation des tarifs terrestres

(409) Dans la décision TAA comme dans la décision FEFC, la Commission a examiné si la fixation des prix pour le segment terrestre d'une opération de transport multimodal remplissait les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3 [qui figurent également à l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68]. Dans les deux affaires, elle est arrivée à la conclusion que les accords concernés ne remplissaient pas les conditions d'octroi d'une exemption individuelle. Les dispositions du TACA relatives à la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur sont identiques à celles du TAA et en substance identiques à celles qu'applique la FEFC.

(410) Il n'est pas démontré que l'application d'un prix fixé collectivement pour la fourniture de services d'acheminement par le transporteur contribue à améliorer la qualité des services de transport terrestre. De plus, bien que le prix de l'acheminement soit fixé dans le cadre du TACA, chacun des membres négocie individuellement avec les transporteurs terrestres. Les améliorations apportées à la qualité du service pour répondre à la demande des chargeurs ne résultent pas des pratiques de tarification, mais des négociations menées à titre individuel entre les chargeurs et les compagnies maritimes.

(411) Les membres du TACA n'ont pas apporté la preuve que le marché des services d'acheminement par le transporteur se caractérisait par de fortes fluctuations de l'offre et de la demande dans le temps. Même s'il en était ainsi, il n'a pas été démontré que la tarification collective, par les membres du TACA, de services de transport terrestre contribuerait à la continuité et à la stabilité de ce marché.

(412) Les membres du TACA n'ont pas prouvé que la tarification des services d'acheminement par le transporteur a entraîné ou peut entraîner une augmentation de la productivité des entreprises concernées pour la fourniture de services de transport terrestre ou multimodal. Ils n'ont pas démontré non plus que cette tarification contribuait à promouvoir le progrès technique ou économique en matière de fourniture des services de transport terrestre ou multimodal.

(413) Pour ce qui est des fournisseurs effectifs des services de transport terrestre, la fixation de prix par le TACA n'a aucun effet direct sur les services qu'ils fournissent ou sur la façon dont ils les fournissent, puisqu'ils vendent leurs services aux membres du TACA aux prix du marché et non au prix fixé par la conférence. Pour leur part, les membres du TACA n'exercent généralement pas d'activités d'acheminement terrestre, si bien que l'accord fixant les tarifs de ces services n'a pas d'incidence directe sur les services qu'ils fournissent effectivement eux-mêmes. La fixation des prix des services d'acheminement ne contribue donc pas à améliorer la productivité ou à promouvoir le progrès technique ou économique dans ce domaine.

(414) Selon la Commission, dans la mesure où il concerne la tarification du transport terrestre, le TACA ne prend pas suffisamment en considération les intérêts des utilisateurs. La fixation collective pure et simple, par les membres du TACA, des prix des services d'acheminement par le transporteur ne tient pas assez compte des intérêts des chargeurs et autres utilisateurs des services de transport ; l'accord sert uniquement à maintenir les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils atteindraient normalement, ce qui est directement contraire aux intérêts des utilisateurs.

(415) Dans la décision FEFC, la Commission a déclaré au considérant 141 :

"que le développement du transport multimodal peut être un moyen d'améliorer les services de transport, mais que ce n'est pas le cas de la tarification collective des services de 'carrier haulage'. De plus, les utilisateurs des services de transport ne profitent pas dans une mesure équitable de cette fixation des prix et les restrictions de concurrence ne sont pas indispensables. En conclusion, les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 ne sont pas satisfaites."

(416) Les raisons pour lesquelles la Commission estime que la fixation de tarifs terrestres n'est pas indispensable au maintien de la stabilité des tarifs maritimes apportée par les conférences maritimes sont exposées aux considérants 127 à 137 de la décision FEFC, dont le contenu est résumé ci-après.

a) Selon la Commission, une conférence maritime permet d'assurer la stabilité des trafics qu'elle couvre en fixant un tarif uniforme servant de point de référence au marché. Les prix fixés de la sorte ont des chances de rester inchangés plus longtemps que s'ils étaient fixés individuellement par les compagnies maritimes. Cette limitation des fluctuations de prix qui se produiraient sur un marché normalement concurrentiel peut être profitable aux chargeurs, car elle diminue les incertitudes quant aux conditions commerciales futures.

b) Il n'a pas été prouvé que la tarification des services d'acheminement par le transporteur est indispensable pour préserver le rôle stabilisateur des conférences. Il n'a pas été démontré, en particulier, que la fixation des prix de l'acheminement par le transporteur est essentielle pour maintenir la discipline des taux sur le parcours maritime, dont découle la stabilité en question, ni qu'il n'existe aucune façon moins restrictive de le faire.

c) Dans ce contexte, il convient de rappeler que des conférences telles que la FEFC ne font pas exception à la règle générale selon laquelle tous les cartels sont exposés à la "tricherie" ou à l'application secrète de rabais lorsque les membres du cartel disposent de capacités de réserve. Il n'est donc pas nécessaire d'imposer une discipline absolue pour maintenir la stabilité que procure le système des conférences, et qui consiste dans la disponibilité de services fiables à des prix qui ne sont pas sujets à de fortes fluctuations à court terme. En particulier, l'octroi de rabais à des fins concurrentielles n'affecte pas la stabilité prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86, car il n'a pas été prouvé qu'il entraîne l'absence de services fiables ou de prix stables pendant un laps de temps.

(417) Les raisons pour lesquelles la Commission n'accepte pas la définition de la notion de stabilité avancée par les membres du TACA sont exposées aux considérants 329 à 377. Les raisons invoquées par la Commission dans la décision FEFC pour rejeter l'argument selon lequel la fixation du prix des services d'acheminement par le transporteur est essentielle pour préserver la stabilité apportée par la fixation, par les conférences, des prix des services de transport maritime valent également, selon les conclusions de la Commission, pour le TACA.

(418) Dans ce contexte, il est intéressant de relever qu'il "n'existe aucun accord sur les taux de fret entre les compagnies membres de la conférence canadienne empruntant la 'Canadian Gateway' pour le transport intermodal de fret américain" étant donné que "tout accord sur les taux applicables au transport intermodal de fret américain entre opérateurs empruntant la 'Canadian Gateway' ne bénéficierait pas [...] de l'immunité à l'égard des dispositions antitrust en application de la législation américaine" (123). Un accord de fixation des prix du transport terrestre n'est donc de toute évidence pas indispensable à la fourniture de services multimodaux empruntant la "Canadian Gateway".

(419) Il convient, en outre, de se reporter au rapport de la Commission au Conseil concernant le transport maritime (rapport qui traite de l'application des règles de concurrence à ce secteur), qui, tout en admettant le risque que l'interdiction de la fixation des prix terrestres puisse déstabiliser la partie maritime des services fournis par les conférences, contient aussi le passage suivant :

"Le seul fait que les armateurs offrent des services de porte à porte ou qu'ils souhaitent fixer les prix des services de porte à porte afin d'empêcher la pratique des réductions de prix pour les parties terrestres du trajet ne constitue pas en soi une raison suffisante pour justifier une exemption [pour la fixation des prix des services de transports multimodaux]."

(420) Comme l'indique ce rapport, les membres des conférences maritimes sous-traitent généralement la partie terrestre des opérations de transport multimodal à des transporteurs qui se chargent de l'acheminement. Les différentes compagnies organisent le transport terrestre pour le compte des chargeurs sans faire intervenir la conférence, sauf pour la fixation du prix, où elles s'en remettent au tarif des transports terrestres de la conférence.

(421) Le rôle des conférences en matière de transport terrestre diffère par conséquent de celui qu'elles jouent dans le domaine du transport maritime. Alors que les conférences interviennent dans l'organisation des services de transport maritime fournis par leurs membres, elles ne jouent aucun rôle dans l'organisation des services de transport terrestre qu'ils fournissent : elles se bornent à en fixer les prix.

(422) Dans son rapport au Conseil, la Commission a souligné que la fixation des prix des services multimodaux n'améliorait pas en soi la qualité des services rendus ni ne permettait de réduire les coûts. Or, une exemption individuelle ne peut se justifier que lorsque la coopération entre compagnies maritimes permet d'améliorer les services et de réduire les coûts. De plus, la fixation des prix doit être indispensable pour atteindre ces objectifs.

(423) L'analyse par la Commission de l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 aux accords de fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur qui est présentée ci-dessus vaut aussi mutatis mutandis pour ce qui est de l'applicabilité de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

(424) Pour les raisons susmentionnées, la Commission considère que l'accord de prix entre les parties au TACA, portant sur les services de transport terrestre fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique, n'améliore pas la qualité de ces services de transport, ne réserve pas aux chargeurs une partie équitable du profit qui en résulte et comporte des restrictions de la concurrence qui ne sont pas indispensables. En conséquence, il apparaît que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE, de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE ne sont pas remplies.

B. Le "European Inland Interchange Arrangement"

(425) Les parties au TACA soutiennent que l'accord sur les échanges d'équipements ("European Inland Equipment Interchange Arrangement", décrit aux considérants 36 à 46),

"dans la mesure où il ne pourrait pas être couvert par l'exemption par catégorie, remplit les conditions d'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, et justifie par ailleurs l'octroi d'une exemption à l'European Intermodal Authority (instance compétente en matière de fixation des tarifs terrestres) en vertu de l'article 85, paragraphe 3".

(426) Comme il a déjà été souligné, il est difficile de dire à ce stade si l'accord sur les échanges d'équipements affecte sensiblement la concurrence. L'applicabilité à cet acccord de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE n'est donc pas examinée dans la présente décision.

(427) La présente décision traite néanmoins le second des deux arguments avancés par les parties au TACA au sujet de l'accord sur les échanges d'équipements : la question de savoir si cet accord justifie l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord entre les parties au TACA portant sur la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur.

(428) Les parties au TACA allèguent que l'accord sur les tarifs multimodaux est une partie intégrante et nécessaire du "cadre" dans lequel elles coopèrent toutes sur le segment terrestre. La coopération entre les dix-sept membres du TACA en vue de promouvoir et de faciliter les échanges de conteneurs vides permet d'effectuer ces échanges à une échelle qui ne pourrait être atteinte en l'absence d'une telle coopération. Le nombre de transporteurs concernés accroît les possibilités d'échanges et les incitations à y participer : lorsque le marché géographique est plus vaste, les possibilités augmentent et les chances d'arriver à une adéquation entre les transporteurs ayant un déficit et ceux ayant un excédent de conteneurs à un endroit donné s'améliorent.

(429) Selon la Commission, l'introduction d'une forme limitée d'échange d'informations sur la localisation des conteneurs vides ne saurait remettre en question son analyse quant aux possibilités d'exemption de l'accord de fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur. L'accord se limite à prévoir l'échange d'informations sur la position des conteneurs vides, sans obliger les entreprises à mettre ceux-ci à la disposition des autres. En soi, il ne contribue pas directement à faire des économies ou à réduire le nombre de déplacements de conteneurs vides, et les parties n'ont pas montré dans quelle mesure il pourrait faciliter les échanges bilatéraux de conteneurs qui devraient en résulter.

(430) La Commission ne considère pas, en particulier, que la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur soit indispensable pour obtenir les avantages liés à l'accord sur les échanges d'équipements ou y contribue en quoi que ce soit. Elle n'estime donc pas que cet accord justifie l'exemption de cette tarification (124).

(431) Il n'y aucune raison de penser que la fixation des tarifs terrestres soit liée de quelque façon que ce soit au nouveau système d'échange de conteneurs. Il s'ensuit que la fixation des prix pour les segments terrestres n'est pas indispensable aux accords notifiés, dont le but est l'échange d'informations sur la localisation des conteneurs vides. Concrètement, l'absence de tout lien entre l'accord sur les échanges d'équipements et la fixation des tarifs terrestres est démontrée par le fait que les parties peuvent, soit convenir bilatéralement des tarifs applicables aux échanges d'équipements, soit appliquer les indemnités journalières prévues par le TACA (voir considérant 43). Quoi qu'il en soit, toute compagnie soucieuse de réduire à la fois ses coûts et les dommages causés à l'environnement peut y voir des raisons suffisantes de participer à un tel accord.

(432) Il n'est pas sûr que toutes les parties au TACA participent effectivement au nouveau système, bien que celui-ci ne consiste qu'en un échange d'informations. À la différence de propositions concrètes sur la création de facilités communes, personne n'est ici en mesure de juger si le nouveau système aura un impact réel. Rien ne garantit que les compagnies se serviront des informations ni que leurs homologues mettront les conteneurs vides à leur disposition si elles essaient de le faire.

(433) Le seul argument invoqué par les parties à l'appui du caractère indispensable de la fixation des prix est que "l'accord sur les tarifs multimodaux est une partie intégrante et nécessaire du 'cadre' de la coopération entre toutes les parties". Cet argument n'est absolument pas fondé. Les parties n'ont pas essayé de démontrer que la fixation des prix en commun était indispensable à l'accord sur les échanges d'équipements ou à l'obtention d'avantages pouvant résulter de cet accord.

(434) Ces conclusions quant à la nature du nouveau système sont largement confirmées par les commentaires formulés par Olav K. Rakkenes, président du TACA et de l'ACL dans l'édition d'octobre 1995 de "American Shipper" :

"C'est à chaque compagnie d'en décider".

(435) Il est aussi intéressant de relever les commentaires de Günther Casjens, membre du conseil d'administration de Hapag-Lloyd (l'une des parties au TACA), dont le "Journal of Commerce" du 6 décembre 1995 rapporte qu'il a décrit l'accord sur les échanges d'équipements comme

"un arrangement de pacotille, un tout petit pas dans la bonne direction".

(436) La Commission ne considère pas, par conséquent, que l'accord sur les échanges d'équipements justifie l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord entre les parties au TACA sur la fixation des prix des services d'acheminement par le transporteur.

C. Le système "Hub and Spoke"

(437) Dans le cadre des dispositions du TACA en matière d'acheminement terrestre telles qu'elles sont complétées par le système de noyaux et de lignes de collecte et de distribution (système "hub and spoke"), les parties au TACA continueront de fixer les prix de tous les services de transport terrestre relevant de l'acheminement par le transporteur. Ces services comprennent :

a) le transport par rail ou par barge entre le port et les trois plateformes ;

b) le transport routier entre la plateforme et les locaux du chargeur

et

c) toutes les opérations d'acheminement par le transporteur qui ne consistent pas dans un transport par rail ou par barge à destination ou en provenance des trois plateformes (125).

(438) La présente décision ne traite pas des mérites du système "hub and spoke" proprement dit (tel que décrit aux considérants 47 à 59), ni de la question de savoir si la fixation des taux applicables au parcours principal dans le cadre du tarif "hub and spoke" (taux dits "basic hub rates") et du prix du transport routier entre la plateforme et les locaux du chargeur est indispensable pour obtenir les bénéfices pouvant découler de la mise en œuvre de ce système.

(439) Les parties au TACA considèrent cependant non seulement que l'introduction du système "hub and spoke" rapporte des bénéfices substantiels, mais aussi que la fixation collective des prix pour toutes les activités de transport terrestre (figurant dans le tarif terrestre du TACA), est indispensable à la réalisation de ces bénéfices. Elles font valoir que les réductions de prix appliquées dans le cadre du système "hub and spoke" sont indispensables pour que ce système puisse faire concurrence au transport routier et que ce résultat ne pourrait être obtenu sans la coopération et la transparence en matière de fixation des prix terrestres qui résultent de l'accord des parties au TACA concernant la fixation des taux terrestres pour tous les services d'acheminement par le transporteur qu'elles fournissent dans le cadre du TACA.

(440) Les parties au TACA ont expliqué la façon dont on pourrait, en théorie, développer le système "hub and spoke" pour couvrir un nombre important de mouvements terrestres de conteneurs maritimes en France et en Allemagne. Elles n'ont cependant fourni aucun élément prouvant qu'un grand nombre de conteneurs sont passés de l'acheminement routier au transport par rail ou par barge du fait du système "hub and spoke", ni qu'il existe des plans concrets visant à étendre la couverture de ce système. Elles n'ont fourni aucune preuve à l'appui de leur argument, selon lequel elles ne participeraient ou ne pourraient participer au système "hub and spoke" qu'à condition d'être aussi autorisées à fixer les prix des opérations de transport terrestre qu'elles effectuent en dehors dudit système. En conséquence, la Commission considère que rien ne permet de conclure que la mise en œuvre du système "hub and spoke" justifie l'octroi d'une exemption en faveur de la pratique généralisée qui consiste, pour les parties au TACA, à fixer les prix de toutes leurs activités de transport terrestre (126).

(441) Enfin, s'il est vrai que l'existence de certaines dispositions du TACA discriminatoires à l'égard de l'acheminement terrestre par le chargeur (voir considérant 33) diminuerait sérieusement les chances du TACA d'obtenir le bénéfice d'une exemption individuelle, on ne peut affirmer pour autant que leur suppression, totale ou partielle, rendrait les autres restrictions de concurrence mentionnées dans la présente décision moins inacceptables.

XIX. CONTRATS DE SERVICES - APPLICATION DE L'ARTICLE 85, PARAGRAPHE 1

(442) Jusqu'en 1996, les parties au TACA avaient pour règle de ne pas permettre les contrats de services individuels (contrats passés entre un chargeur et un seul transporteur). En outre, tous les contrats de services communs (contrats de services entre un chargeur et certains ou l'ensemble des membres d'une conférence) étaient soumis au contrôle et à l'approbation de l'ensemble des parties au TACA (voir considérant 30). En dépit des modifications apportées aux règles du TACA, tous les contrats de services conclus par les parties à l'accord (qu'ils soient communs ou individuels) restent soumis aux règles en vigueur au sein du TACA, qui déterminent les conditions auxquelles ces contrats peuvent être conclus et en régissent le contenu [voir considérant 17, points f) et g), considérants 29, 31, point d) et considérants 32 et 35].

(443) Les contrats de services individuels, auxquels seul un transporteur est partie et pour lesquels les parties peuvent négocier les conditions librement, ne relèvent pas, en principe, du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1. Les contrats de services communs auxquels deux transporteurs ou plus sont parties peuvent restreindre la concurrence, notamment s'il existe, entre ces transporteurs, un accord exprès ou implicite par lequel ceux-ci s'engagent à ne pas conclure de contrat de services à titre individuel avec le chargeur concerné. On peut conclure à l'existence d'un tel accord lorsque l'analyse des comportements montre que les transporteurs en question passent systématiquement ou fréquemment des contrats de services conjointement avec d'autres alors qu'ils seraient en mesure de fournir individuellement les services requis conformément aux conditions du contrat. Il serait utile, aux fins de cette évaluation, de prendre en considération les autres accords de coopération existant sur les trafics en question, tels que les accords d'affrètement d'espace et de partage de navires, afin de déterminer si le transporteur concerné était capable de fournir seul les services en question. Cela vaut aussi lorsqu'un transporteur est partie à un contrat de services mais ne transporte aucun fret en vertu de ce contrat.

(444) Comme il est indiqué aux considérants 142, 143 et 144, en 1996, les anciens membres du comité des contrats du TAA n'assuraient au total que moins de 1 % (0,8 %) du fret total du TACA sur le trafic direct dans le cadre de contrats de services individuels. Sur les quarante-six contrats de services individuels conclus au cours du premier semestre de 1996, Sea-Land en a conclu un, de même que Maersk et NYK, Nedlloyd en a conclu deux et P & O cinq : trente-six ont été conclus avec des compagnies qui n'étaient pas des anciens membres du comité des contrats. En outre, comme il est indiqué aux considérants 181 à 188, les parties au TACA ont conclu un grand nombre d'accords de partage de navires et d'affrètement de slots sur le trafic Europe du nord-États-Unis d'Amérique et sont par conséquent en mesure de fournir à titre individuel une gamme extrêmement large de services maritimes.

(445) Les contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, puisqu'ils ont pour objet ou pour effet de réduire la concurrence sur les prix et sur d'autres conditions entre concurrents fournissant le même service et non d'offrir un nouveau service aux chargeurs. Les membres du TACA n'ont pas prouvé que les contrats de services communs conféraient aux chargeurs des avantages supplémentaires par rapport aux services que les compagnies pourraient leur offrir à titre individuel.

(446) Lorsque le service à fournir pourrait aussi bien l'être par une compagnie maritime à titre individuel, en l'absence des contrats de services communs, les transporteurs pourraient offrir des avantages supplémentaires tels qu'une franchise plus longue, un crédit plus important et une documentation gratuite ou des rabais sur les services fournis sur d'autres trafics (127). Les contrats de services communs sont donc susceptibles de contribuer à éliminer toute concurrence autre que par les prix.

(447) L'accord entre les parties au TACA visant à restreindre les conditions auxquelles les contrats de services individuels peuvent être conclus relève aussi de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, puisqu'il a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur les prix et sur d'autres conditions.

(448) Aux fins de la présente analyse, la Commission ne considère pas qu'il soit nécessaire de faire la distinction entre les lignes directrices contraignantes (c'est-à-dire celles auxquelles les parties conviennent d'adhérer) et celles qui ne le sont pas. Le simple fait que, dans certains cas, certaines des parties au TACA puissent ne pas suivre les lignes directrices n'empêche pas les autres de prévoir, avec un degré de certitude raisonnable, la politique généralement suivie (128). En outre, la Commission approuve l'analyse faite par le ministère des transports des États-Unis d'Amérique, selon laquelle "il est probable que ces lignes directrices ne serviront pas à offrir des taux réduits ou à procurer d'autres avantages aux chargeurs mais qu'elles seront, au contraire, utilisées comme moyen de contrecarrer les actions indépendantes des membres de la conférence" (129).

XX. CONTRATS DE SERVICES COMMUNS - APPLICATION DE L'ARTICLE 85, PARAGRAPHE 3

(449) L'exemption par catégorie s'appliquant aux conférences maritimes conformément au règlement (CEE) n° 4056-86 n'autorise pas :

a) les contrats de services communs ;

b) l'interdiction des contrats de services individuels et les restrictions, contraignantes ou non, qui frappent le contenu de ces contrats ;

c) l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services communs.

(450) Dans le cadre de l'exemption par catégorie, les membres d'une conférence exemptée peuvent offrir des accords de fidélité ou des taux dégressifs en fonction du volume et de la durée (ou d'autres taux liés au volume), pour autant que ces taux soient proposés à tous les chargeurs sur une base uniforme (130). Les tarifs des conférences prévoient généralement ce type de taux. Toute compagnie, membre d'une conférence, bénéficiant d'une exemption par catégorie, qui offre à titre individuel des services sensiblement différents de ceux qui sont normalement fournis aux chargeurs, payant les taux du tarif de la conférence, peut facturer des prix différents.

A. Les contrats de services communs et le champ d'application de l'exemption par catégorie

(451) Les parties au TACA ont fait valoir que les contrats de services du type de ceux qu'elles concluent font partie des pratiques traditionnelles des conférences et que, bien qu'il n'en soit pas fait mention dans le règlement (CEE) n° 4056-86, ils devraient être considérés comme implicitement exemptés en vertu dudit règlement.

(452) Logiquement, une telle inférence ne serait possible qu'en admettant l'une des trois hypothèses suivantes. Premièrement, ces contrats pourraient faire partie du tarif commun ou uniforme et donc relever du champ d'application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86. Deuxièmement, ils pourraient être assimilés aux accords de fidélité et donc relever de l'article 5 du règlement (CEE) n° 4056-86. Troisièmement, on pourrait considérer qu'il était dans l'intention du législateur de faire bénéficier les contrats de services du type de ceux conclus par les parties au TACA de l'exemption par catégorie, puisque s'il en était autrement, l'effet utile de la directive en aurait pâti.

(453) Aucune de ces hypothèses ne correspond à la réalité. Les prix des contrats de services ne correspondent pas aux taux tarifaires, mais ils reflètent une forme d'accord entre chargeurs et transporteurs tout à fait différente de ceux conclus sur la base des tarifs des conférences. Pour ces raisons et d'autres, les contrats de services sont différents des accords de fidélité. L'intention du législateur n'était pas d'inclure les contrats de services dans le champ d'application de l'exemption par catégorie.

a) Les contrats de services TACA contiennent-ils des taux communs ou uniformes ?

(454) En réponse à la question de savoir si les contrats de services communs conduisent ou non à l'application de taux "communs ou uniformes", les membres du TACA ont soutenu que ces contrats contenaient un "certain tarif ou une certaine grille" et relevaient à ce titre de l'exemption par catégorie. Cette réponse est développée dans une lettre adressé à la Commission en date du 3 mai 1995 :

"Premièrement, les dispositions de l'article 3 [du règlement (CEE) n° 4056-86] couvrent les accords entre membres d'une conférence ayant pour objet la fixation des taux : aucune distinction n'est faite entre taux du tarif, taux du contrat de fidélité, taux du contrat de services et taux dégressifs en fonction de la durée et du volume. Deuxièmement, dans la mesure où les taux du contrat de services diffèrent des taux correspondants du tarif, la procédure du contrat de services est applicable à tous les membres du TACA de la même manière que la procédure de l'action indépendante leur est applicable : en d'autres termes, l'application des taux du contrat de services est compatible avec la notion de 'commun ou uniforme' telle que la Commission l'interprète dans sa décision TAA."

(455) Cette interprétation n'est pas une interprétation raisonnable pour les motifs énoncés au considérant 349 de la décision TAA.

"Le raisonnement du TAA signifierait en fait que tout accord sur les prix entre des compagnies maritimes serait exempté, sous réserve qu'il soit établi 'en commun' (ce qui est une caractéristique évidente de tout accord de tout type) et que ces compagnies l'intitulent 'accord de conférence maritime'. Une telle interprétation équivaudrait à traiter l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 comme une dérogation automatique de l'article 85, paragraphe 1 pour tout type d'accord qui prévoit une certaine concertation sur les prix dans le transport maritime. Le même critère qui permet d'appliquer l'article 85, paragraphe 1, permettrait aussi automatiquement d'appliquer l'article 3 du règlement. Une telle interprétation est impossible puisqu'elle rendrait l'article 3 incompatible avec l'article 85, paragraphe 3, qui ne prévoit d'exemption que dans des circonstances bien définies qui n'existeraient pas dans les circonstances envisagées."

(456) Le fait qu'ils contiennent un prix fixé d'un commun accord par deux membres d'une conférence maritime ou davantage ne suffit pas à faire entrer les contrats de services dans le champ d'application de l'exemption par catégorie. Pour qu'il y ait tarif commun ou uniforme, un prix de conférence doit être commun ou uniforme non seulement d'une compagnie à l'autre, mais aussi à l'égard de tous les chargeurs expédiant la même marchandise. Les termes "commun ou uniforme" excluent non seulement toute possibilité d'application d'une grille de prix à deux ou plusieurs niveaux selon le transporteur, mais aussi la catégorisation des chargeurs.

(457) Si toutes les marchandises appartenant à la même catégorie et répondant à la même description sont transportées au même taux dans le cadre du tarif (131), dans les contrats de services, le taux ne fait pas partie du tarif normal publié, mais est déterminé quasiment au cas par cas sur la base d'une négociation entre le fournisseur et le client. Il en résulte que les chargeurs faisant transporter des marchandises répondant à la même description ne paient pas nécessairement tous le même taux de contrat de services. Les taux des contrats de services divergent des taux du tarif, mais pas de manière uniforme. En résumé, bien que chaque membre du TACA facture sans doute le même taux à un chargeur donné, différents chargeurs (faisant transporter la même catégorie de marchandises) paient des taux différents et non pas des "taux de fret uniformes ou communs".

(458) L'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 exige que, dans le cadre du tarif, toutes les marchandises appartenant à la même catégorie soient transportées au même taux. Ce n'est pas possible dans le cadre des contrats de services, parce que, en théorie, le prix est le résultat de négociations individuelles avec le chargeur. Le considérant 326 de la décision TAA précise :

"L'emploi par l'article 1er, paragraphe 3, point b), du règlement (CEE) n° 4056-86 des termes 'des taux de fret uniformes ou communs' vise à indiquer que les taux prévus dans le tarif doivent être identiques entre tous les membres d'une conférence pour un même produit ; " (mise en évidence ajoutée).

(459) Comme il ressort des considérants 120 et 121, les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée font partie du tarif et sont communs ou uniformes.

(460) Outre le fait que les contrats de services contiennent des prix qui ne proviennent pas du tarif et qui ne sont ni communs ni uniformes, il convient de rappeler qu'une part importante des contrats de services des parties au TACA contiennent une grille à deux niveaux en vertu de laquelle les transporteurs qui étaient auparavant des membres "non structurés" du TAA appliquent des taux sensiblement moins élevés que les anciens membres "structurés" du TAA.

(461) Contrairement à ce que soutiennent les parties au TACA, les accords entre transporteurs concernant les prix à facturer pour le transport sous contrat ne peuvent être assimilés à la faculté qu'ont les membres d'une conférence maritime exemptée de mener des actions indépendantes. L'action indépendante est le droit dont dispose tout membre d'une conférence de s'écarter exceptionnellement du tarif. Les autres membres sont informés de ces actions, mais celles-ci ne font l'objet d'aucun accord entre eux. Il n'existe, en particulier, aucun accord prévoyant l'application d'un taux différent de celui du tarif.

(462) Les contrats de services ne font donc pas partie du tarif et ils ne sont ni communs ni uniformes. Ils ne relèvent par conséquent pas du champ d'application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

b) Les contrats de services TACA sont-ils assimilables à des accords de fidélité ?

(463) Le règlement (CEE) n° 4056-86 traite explicitement des accords de fidélité, notamment à son article 5, paragraphe 2, qui prévoit des garanties détaillées pour les chargeurs. Ces dispositions ne couvrent pas les contrats de services, puisqu'il n'y est pas fait explicitement mention de ces contrats et que ceux-ci ne prévoient pas une obligation de fidélité (au sens d'"exclusivité") de la part du chargeur. Les accords de fidélité prévoient qu'une part ou un pourcentage du fret d'un chargeur doit être transporté par la conférence : ils sont expressément exclus de la définition des contrats de services donnée par la législation américaine. En outre, il n'est pas raisonnable de considérer que les contrats de services sont couverts par l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 en l'absence de garanties équivalentes à celles qui s'appliquent aux contrats de fidélité.

c) Quelle était l'intention du législateur ?

(464) Les contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA ne font pas partie des pratiques traditionnelles des conférences qui ont bénéfié d'une exemption par catégorie, puisqu'ils n'ont été introduits qu'après l'entrée en vigueur de l'US Shipping Act de 1984. Il en résulte aussi que les restrictions apportées à l'existence ou au contenu des contrats de services individuels ne bénéficient pas de l'exemption par catégorie et que les parties doivent prouver que ces dispositions remplissent les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE pour pouvoir bénéficier d'une exemption individuelle.

(465) Les parties au TACA ont fait valoir que les contrats du type de ceux qu'elles concluent avec les chargeurs "existent depuis les origines des conférences maritimes". Les éléments d'appréciation qu'elles ont fournis (paragraphes 250 à 302 de la réponse à la communication des griefs) ne confirment pas ce point de vue.

(466) D'une manière générale, les parties au TACA ont cherché à créer une confusion entre les notions distinctes d'accord de fidélité et de transport sous contrat en assimilant le type d'accord contractuel qu'elles concluent au contrat prévoyant un rabais en contrepartie de la fidélité au tarif de la conférence. Pour les raisons exposées ci-dessus aux considérants 107 et 108, il convient de faire clairement la distinction entre accords tarifaires et transport sous contrat. Presque tous les exemples cités par les parties au TACA à l'appui de leur argumentation se rapportent à des accords de fidélité.

(467) Ce n'est pas pour autant que les accords tarifaires ont entièrement supplanté les accords contractuels. Bien que le transport sous contrat ait quasiment disparu pour le fret transporté par les navires de ligne du fait de l'introduction du système de conférence et de l'omniprésence des accords tarifaires, certaines cargaisons peuvent toujours être transportées sur une base contractuelle. Ces cargaisons se distinguent généralement du fret transporté par les navires de ligne par leur taille : ainsi, des services ministériels ont pu expédier du fret vers les colonies sur une base contractuelle, des office d'exportation en situation de monopole concluent encore des accords contractuels pour le transport de leurs marchandises et des marchandises destinées à des chantiers peuvent être transportées sur une base contractuelle.

(468) Cela tient probablement au fait que, contrairement au fret transporté par les navires de ligne, ces marchandises ne sont pas expédiées en petites quantités à intervalles réguliers. Il s'agit de marchandises qui pourraient être transportées en vrac et que les services de ligne attirent en offrant des prix spéciaux. Il s'agit d'un nouvel exemple non seulement de discrimination par les prix, mais aussi de substituabilité à sens unique telle qu'elle est évoquée aux considérants 66 à 71.

(469) Une allégation particulière des parties au TACA appelle certains éclaircissements. Les parties au TACA ont cité un aide-mémoire envoyé à la sous-commission "Marine marchande" du Sénat des États-Unis d'Amérique par plusieurs gouvernements en 1981, à l'appui du point de vue selon lequel "onze des quinze États membres sont suffisamment convaincus de la nécessité de préserver les contrats de conférence pour avoir écrit au gouvernement des États-Unis d'Amérique pour exprimer leur soutien à ces contrats" (132). Cela est sans incidence en l'espèce et, en outre, l'argument avancé par les parties au TACA rend compte de manière inexacte de ce qui faisait l'objet de l'aide-mémoire en question.

(470) L'aide-mémoire parle d'"accords de services communs". Les parties au TACA soutiennent que cette expression désigne les contrats de conférence conclus pour le transport d'un volume spécifique de fret. En fait, il ressort clairement aussi bien de l'aide-mémoire proprement dit que de la littérature que, dans ce contexte, l'expression "accords de services communs" concerne la fourniture de services communs tels que ceux que pourrait offrir un consortium de compagnies maritimes de ligne. Comme l'a expliqué Daniel Marx :

"les accords de services communs [...] sont des accords conclus entre des compagnies maritimes indépendantes en vue de fournir un service régulier ; il peut aussi s'agir d'accords conclus entre des armateurs pour assurer l'exploitation de leurs navires en service régulier par un agent d'exploitation" (133).

(471) De tels accords n'ont rien à voir avec le type de contrats de services conclus par les parties au TACA. Il est vrai, par ailleurs, que les États membres ont reconnu l'importance de la fourniture de services en commun et que, en 1995, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 870-95 (134) prévoyant une exemption par catégorie en faveur de ce type d'arrangement.

B. Possibilité d'une exemption individuelle

(472) On peut considérer que les contrats de services offrent des avantages aux chargeurs pour deux raisons principales (135). Premièrement, l'amélioration de la qualité de la chaîne d'approvisionnement qui va du fabricant au consommateur final est un facteur essentiel du renforcement de la compétitivité du secteur concerné. Les industriels de la Communauté ont souvent attiré l'attention sur le fait qu'ils avaient besoin de services spécifiques adaptés à leurs besoins. À titre d'exemple (136), on peut citer les prestations suivantes :

a) préavis pour l'arrivée et l'enlèvement des conteneurs ;

b) traitement des marchandises dangereuses ;

c) respect de la norme ISO 9002 (gestion de la qualité) ;

d) livraison "juste à temps" garantie ;

e) fourniture d'équipements spéciaux.

(473) Deuxièmement, étant donné que le prix négocié est fixé d'avance et ne subit aucune fluctuation pendant une période prédéterminée pouvant couvrir plusieurs années, les contrats de services peuvent contribuer à la stabilité des prix, si tel est le souhait du chargeur. Ce type de stabilité est à double tranchant : elle est favorable aux transporteurs lorsque les taux chutent (demande peu soutenue et capacités excédentaires) et aux chargeurs lorsque les taux grimpent (demande soutenue et capacités très limitées) (137).

(474) Les contrats de services contribuent aussi à réduire les coûts d'étude du marché : le chargeur n'a pas besoin de partir à la recherche d'un espace disponible sur un marché saturé ni le transporteur de se mettre en quête de clients. Ce système aide aussi bien le chargeur que le transporteur à planifier leurs activités. Il devrait également contribuer à réduire les formalités administratives.

(475) Les contrats de services peuvent aussi proposer des prix "tout compris", ce qui réduit les incertitudes quant aux suppléments qui seront facturés. Les suppléments restent l'un des principaux sujets de réclamation des chargeurs, mais les conférences, à l'inverse des indépendants, cherchent en général à les exclure du champ des contrats de services.

(476) Le 30 avril 1997, John Clancey, président-directeur général de Sea-Land, a expliqué l'importance de ces contrats :

" À l'avenir, les usagers exigeront une chaîne de transport continue et intelligente - une chaîne de transport qui produise une valeur réelle, que ce soit sous forme de réduction du coût ou d'amélioration de la stratégie ou les deux. À l'heure actuelle, les chargeurs mondiaux sont confrontés à une concurrence plus vive ainsi qu'à un degré plus élevé de complexité de leur activité. L'industrie intermodale doit trouver les moyens d'aider nos clients à accroître leur efficience et leur productivité" (138).

a) Interdiction des contrats de services individuels

(477) Bien que les parties au TACA n'interdisent plus les contrats de services individuels, il est utile d'examiner la question de savoir si ce type d'accord est susceptible d'exemption, à la fois en raison du comportement des parties dans le passé et dans l'éventualité où elles conviendraient à nouveau de ne pas offrir ce type de contrats.

(478) Dans sa décision TAA (considérant 410), la Commission a considéré que l'une des raisons pour lesquelles le TAA ne remplissait pas les conditions de l'article 85, paragraphe 3, est qu'en interdisant la négociation commerciale directe et individuelle entre les membres structurés de l'accord et les chargeurs et en obligeant les clients à discuter des prix du transport avec le secrétariat du TAA, qu'il s'agisse d'anciens membres de la conférence ou d'anciens indépendants, le TAA limitait les possibilités de coopération directe ou de partenariat à moyen ou à long terme entre fournisseurs et clients.

(479) Au point 6.3.3 de leur demande d'exemption, les parties au TACA affirment :

"Toute réduction supplémentaire du niveau de contrôle de la tarification des contrats de services mettrait les compagnies maritimes dans l'impossibilité d'éviter que les taux ne s'effondrent jusqu'au niveau des coûts marginaux, ce qui saperait la rentabilité et, à long terme, le service".

(480) Bien que les parties au TACA aient allégué que les accords notifiés constituaient le strict minimum en la matière, le TACA a été modifié depuis lors pour atténuer l'effet restrictif des dispositions relatives aux contrats de services. Aucune déclaration selon laquelle ces nouveaux accords constitueraient le strict minimum n'a été faite.

(481) Contrairement aux allégations faites dans la demande d'exemption, il convient de noter que, dans le cadre de leur accord de règlement des différends avec la US Federal Maritime Commission, les parties au TACA ont accepté de supprimer l'interdiction des contrats de services individuels à partir de 1996. Les parties au TACA n'ont pas prouvé que cette "réduction du niveau de contrôle de la tarification des contrats de services" volontairement consentie ait mis les compagnies maritimes dans l'impossibilité d'éviter que les taux ne s'effondrent.

(482) Il y a lieu de noter aussi que les parties au TACA ne soutiennent apparemment pas qu'en l'absence de restrictions graves de la concurrence, les prix des contrats de services s'effondreraient jusqu'au niveau des coûts marginaux. Bien que les prix de ces contrats risquent de chuter (139), rien ne prouve que les contrats de services seraient régulièrement offerts à des prix correspondant au coût marginal ou proches de celui-ci. De plus, la Commission réfute catégoriquement l'argument selon lequel les taux du tarif risqueraient de s'effondrer jusqu'au coût marginal et surtout que ce phénomène pourrait résulter de la suppression de l'interdiction des contrats de services individuels.

(483) Dans ce contexte, il importe de noter qu'aussi opportuniste que puisse être le comportement d'une compagnie maritime cherchant à recueillir un profit à court terme, aucune explication rationnelle ne peut justifier qu'elle conclue avec un chargeur un accord à long terme à des prix qui ne lui seraient en rien profitables.

(484) L'importance des contrats de service n'est pas contestée. Ils sont au centre de la relation commerciale entre les chargeurs qui ont besoin de services réguliers et les armateurs qui les fournissent. L'interdiction des contrats de services individuels en vigueur au sein du TACA avant 1996 ne remplissait pas les conditions de l'article 85, paragraphe 3, pour les raisons suivantes :

a) elle ne permettait pas aux différents transporteurs de tirer parti des circonstances qui leur étaient propres, par exemple de se servir des contrats de services pour réduire leurs frais de repositionnement ;

b) elle risquait d'entraver le développement de relations commerciales à long terme entre chargeurs et transporteurs individuels ;

c) elle risquait de ramener le niveau du service assuré à celui fourni par le membre le moins performant de la conférence ;

d) elle risquait d'empêcher le développement de nouveaux services de transport "à valeur ajoutée" ;

e) elle risquait d'entraver la négociation de clauses contractuelles particulières pouvant être favorables aux chargeurs - par exemple la négociation de plafonds de responsabilité plus élevés pour les marchandises endommagées ou les indemnités forfaitaires ;

f) elle empêchait la négociation de contrats de services globaux (140).

(485) Contrairement aux allégations avancées par les membres du TACA dans leur demande d'exemption, l'interdiction des contrats de services individuels n'était pas indispensable, comme le montre du reste clairement le fait que les membres du TACA ont accepté de supprimer cette restriction de concurrence sur ordre de la FMC (voir considérant 32).

(486) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission considère que l'interdiction des contrats de services individuels n'a contribué ni à améliorer la productivité des compagnies maritimes concernées ni à promouvoir le progrès technique ou économique. En outre, elle n'a pas réservé aux chargeurs une part équitable des avantages qui en sont résultés et, en tout état de cause, il a été prouvé qu'elle n'était pas indispensable. En conséquence, la Commission ne considère pas que la décision prise d'un commun accord par les parties au TACA de ne pas conclure de contrats de services individuels remplissait les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3.

b) Autres restrictions frappant les contrats de services

(487) Les différentes restrictions frappant le contenu des contrats de services (restrictions en matière de durée, interdiction de prévoir des clauses conditionnelles et des contrats multiples, impératifs de non-confidentialité, accord sur le niveau des indemnités forfaitaire) sont destinées à restreindre la concurrence entre les membres du TACA et ne peuvent, elles non plus, bénéficier d'une exemption individuelle.

(488) Pour les raisons exposées ci-après, la Commission considère que les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, ne sont pas remplies. En outre, les parties au TACA n'ont avancé aucun argument susceptible de justifier l'exemption de ces restrictions.

Les clauses conditionnelles ("contingency clauses")

(489) Les clauses conditionnelles [voir considérant 17, point g)] peuvent procurer des avantages considérables aux chargeurs. Le rapport ACCOS (141) d'avril 1992, partant d'une analyse de David Butz, a conclu que :

"Si les chargeurs sont prêts à payer pour obtenir la garantie d'un taux maximal, l'insertion d'une clause dite 'anglaise' ('meet-or-release') ou d'une clause du 'client le plus favorisé' peut accroître les recettes et le volume de fret."

Butz lui-même a conclu que de telles dispositions profitent effectivement aux producteurs et aux chargeurs les plus faibles et a notamment déclaré que :

"En fait, les clauses du chargeur le plus favorisé servent de système d'indexation des prix flexible et efficace en garantissant que les termes du contrat du chargeur A avec le transporteur B s'ajustent aux changements des conditions du marché qui se reflètent ensuite dans les taux du tarif."

(490) Comme il est indiqué plus haut, les parties au TACA n'ont avancé aucun argument indiquant en quoi l'interdiction des clauses conditionnelles remplirait les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3. La Commission considère que ces clauses sont susceptibles de profiter à certains chargeurs et que les chargeurs ne tireront aucun bénéfice de leur interdiction. En conséquence, la Commission considère que l'interdiction des clauses conditionnelles ne remplit pas les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3.

Interdiction des contrats d'une durée supérieure à un an

(491) L'interdiction des contrats de services d'une durée supérieure à un an (portée depuis à deux ans et ensuite à trois ans) constitue incontestablement une restriction de concurrence et semble aller à l'encontre de la stabilité des prix. Les parties au TACA ont soutenu que l'interdiction des contrats de services d'une durée supérieure permettrait "des gains d'efficience sur le plan administratif", faute desquels certains chargeurs subiraient un "handicap concurrentiel" (142), mais sans fournir aucune précision sur ce que représenteraient ces bénéfices et sur la façon dont une part équitable en serait réservée aux chargeurs.

(492) Aucune explication suffisante n'a été avancée pour démontrer que cette interdiction remplissait les conditions d'exemption et la Commission ne discerne aucun profit pour les usagers, ni a fortiori de part équitable du profit revenant aux utilisateurs. La Commission en conclut que l'interdiction des contrats de services d'une durée supérieure à un an ou plus ne remplit pas les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

Interdiction des contrats multiples

(493) Les parties au TACA sont convenues de ne pas conclure plus d'un contrat à la fois avec un même chargeur, ce qui a pour effet qu'une partie au TACA qui est partie à un contrat de services commun ne peut conclure de contrat individuel et inversement. Il n'a été fourni à la Commission aucune raison valable pour justifier qu'une compagnie ne soit pas libre de passer un contrat individuel pour une quantité minimale donnée tout en participant à un contrat commun pour une autre quantité minimale (dans la mesure où la conclusion de ce contrat commun est conforme au droit communautaire).

(494) Il est probable que l'interdiction des contrats multiples a pour effet de favoriser la conclusion de contrats de services TACA en empêchant les compagnies de passer des contrats de services individuels. Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour restreindre la concurrence d'une manière aussi substantielle. Les contrats de services individuels peuvent être extrêmement importants pour les chargeurs et la Commission considère qu'on ne devrait pas empêcher les compagnies maritimes de passer de tels contrats. En conséquence, elle estime que cette restriction imposée aux contrats de services ne remplit pas les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'acccord EEE.

Indemnités forfaitaires

(495) Les parties au TACA s'accordent sur le niveau des indemnités forfaitaires prévues par les contrats de services qu'elles passent et ont tenté de justifier cet accord en se référant au droit américain (143). De l'avis de la Commission, le droit américain n'exige pas que les contrats de services contiennent des clauses d'indemnités forfaitaires (144) et spécifie encore moins à quel niveau elles doivent, le cas échéant, être fixées. En l'absence de toute justification, la Commission conclut que l'accord portant sur le montant des indemnités forfaitaires à inclure dans les contrats de services ne remplit pas les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

Confidentialité des contrats de services

(496) Les parties au TACA exigent actuellement que les conditions de tout contrat de services passé par l'une d'elles soient divulguées aux autres membres et mettent ces informations à la dispositon des transporteurs qui adhèrent au TACA (voir considérant 229).

(497) La Commission considère que la chaîne d'approvisionnement qui va du fabricant au consommateur est au coeur de la compétitivité industrielle. Pour les chargeurs, l'une des façons possibles d'améliorer cette chaîne consiste à discuter directement de leurs besoins de transports avec les armateurs. Les résultats de ces négociations devraient rester confidentiels à moins que les deux parties n'en décident autrement. Il est normal que le chargeur cherche à acquérir un avantage sur ses concurrents en améliorant sa chaîne d'approvisionnement. Quant à l'armateur, il est également normal qu'il tire un profit de l'investissement que représente le temps et l'énergie consacrés à fournir un service sur mesure à un client.

(498) En conséquence, la Commission ne considère pas que la pratique consistant à divulguer l'existence d'un contrat de services individuel ou, a fortiori, les conditions de ce contrat à des compagnies qui ne sont pas parties au contrat remplisse les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

(499) Cette analyse recueille apparemment le soutien d'au moins deux parties au TACA, Maersk et Sea-Land. Le 3 avril 1997, Maersk a écrit à la sous-commission "Transports terrestres et marine marchande" du Sénat des États-Unis d'Amérique pour affirmer clairement son soutien au droit

"des chargeurs et des transporteurs de conclure des contrats de services à titre individuel et de les garder secrets".

Maersk ajoutait :

"Il est particulièrement important, dans le contexte de notre partenariat mondial avec Sea-Land, que Maersk et Sea-Land puissent conclure des contrats confidentiels communs avec nos principaux chargeurs."

Interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services

(500) Les parties au TACA interdisent acutellement les actions indépendantes sur les contrats de services, mais elles n'ont pas expliqué en quoi cette interdiction remplissait les conditions d'exemption. Il convient de noter, à cet égard, que les actions indépendantes sur les contrats de services étaient autorisées par les conférences dans le passé (voir considérant 126).

(501) Étant donné l'existence d'actions indépendantes sur les taux du tarif (même dans la mesure limitée où elles sont exercées par les parties au TACA), l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services n'apparaît pas indispensable, en particulier si l'on tient compte du fait que, dans le passé, certaines conférences opérant sur des trafics américains les ont autorisées. En outre, cette interdiction ne procure aucun avantage aux consommateurs. En conséquence, la Commission ne considère pas que cette interdiction remplisse les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

Conclusion

(502) Pour les raisons exposées plus haut, la Commission considère que le fait d'imposer des restrictions aux contrats de services passés par les parties au TACA ne contribue ni à améliorer la productivité des compagnies maritimes concernées ni à promouvoir le progrès technique ou économique. En outre, les chargeurs ne retirent pas une part équitable du profit qui résulte de ces restrictions et, en tout état de cause, il n'a pas été prouvé que celles-ci étaient indispensables. En conséquence, la Commission estime que l'accord des parties au TACA ayant pour objet d'imposer des restrictions quant au contenu des contrats de services qu'elles concluent ne remplit pas les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

XXI. CONTRATS DE SERVICES ET FIXATION DES TARIFS TERRESTRES

(503) La fixation des prix des services d'acheminement terrestre fournis en vertu d'un contrat de services est exclue du champ d'application de l'exemption par catégorie prévue en faveur des conférences maritimes par le règlement (CEE) n° 4056-86 pour les mêmes raisons que la fixation des tarifs terrestres.

(504) Enfin, la fixation des prix des services d'acheminement terrestre fournis en vertu d'un contrat de services ne saurait bénéficier d'une exemption individuelle pour les mêmes raisons que celle des tarifs terrestres.

XXII. RÉMUNÉRATION DES TRANSITAIRES

A. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'accord ayant pour objet de fixer le niveau des commissions des transitaires

(505) Les parties au TACA s'entendent sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, sur les modalités de paiement de ces sommes et sur la désignation des personnes pouvant faire fonction de courtiers (voir considérant 19). Cet accord empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence non seulement entre les parties au TACA, mais aussi entre les transitaires et autres intermédiaires. Il relève par conséquent de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Les parties au TACA admettent, au point 326 de la réponse à la communication des griefs, qu'un accord visant à appliquer un plafond aux commissions payables aux transitaires a pour effet de réduire la concurrence pour la fourniture de services de transport maritime par les parties à cet accord.

(506) Il va de soi que la question de la rémunération des transitaires (en particulier l'accord des parties au TACA consistant à fixer les taux de commission maximaux) se limite au second des deux rôles que peut jouer le transitaire et qui sont examinés aux considérants 158 à 164, à savoir lorsqu'il intervient comme agent et non comme commettant.

(507) En principe, les services fournis par de tels intermédiaires ne sont pas des services de transport, de sorte qu'un accord consistant à fixer le prix à payer pour ces services relève du champ d'application du règlement n° 17. (Pour ceux de ces services qui ne relèvent pas du champ d'application du règlement n° 17, mais de celui de l'un des règlements relatifs aux transports, la Commission s'est conformée, lors de l'adoption de la présente décision, à toutes les règles de procédure découlant des règlements applicables en la matière. L'analyse faite en application des règlements concernant les transports est, en tout état de cause, identique à celle qui se fait en application du règlement n° 17.)

(508) Les raisons pour lesquelles l'accord consistant à fixer des plafonds de rémunération des transitaires risque de répondre au critère de l'effet sur le commerce entre États membres sont examinées au considérant 395.

B. L'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à l'accord ayant pour objet de fixer le niveau des commissions des transitaires

a) L'application de l'exemption par catégorie

(509) L'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 concerne la fixation des prix et des conditions du transport, c'est-à-dire des conditions auxquelles les services de transport maritime sont vendus aux chargeurs. Il ne s'applique pas explicitement - et aucun argument n'a été avancé à l'appui de la thèse selon laquelle il s'appliquerait implicitement - à un accord fixant les conditions de rétribution des services intermédiaires fournis par les transitaires ou autres intermédiaires aux membres d'une conférence.

(510) La fixation de plafonds de rémunération des transitaires est susceptible d'éliminer la concurrence que pourraient se livrer les parties au TACA pour obtenir la clientèle de ces intermédiaires en offrant des commissions plus élevées. Son effet sur la concurrence risque d'être particulièrement important dans les pays où la proportion d'affaires où les intermédiaires interviennent est élevée. Cet accord réduit aussi la concurrence entre intermédiaires, ceux-ci étant moins incités à fournir un meilleur service que leurs concurrents. On ne peut pas considérer qu'une telle restriction soit couverte par l'exemption par catégorie ni qu'elle constitue un accord technique au sens de l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(511) Si l'accord fixant des plafonds de rémunération des transitaires est destiné à avoir un effet sur les prix en réduisant ou en éliminant la concurrence, on ne peut considérer qu'il a comme objectif la fixation des taux et conditions du transport. S'il en était autrement, et que le fait qu'un accord a un effet sur les prix impliquait que cet accord a pour objectif la fixation de ces taux, il en résulterait que tout accord entre les parties au TACA relevant du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité relèverait automatiquement de celui de l'exemption par catégorie. Une telle interprétation serait en totale contradiction avec le principe général selon lequel le champ d'application des exemptions par catégorie doit faire l'objet d'une interprétation restrictive.

b) Possibilité d'une exemption individuelle

(512) Les parties au TACA n'ont avancé aucun argument pour justifier la fixation de plafonds de rémunération des transitaires. Elles ont simplement fait observer que les conférences opérant sur le trafic Europe du nord-États-Unis d'Amérique fixent "des niveaux de commissions payables aux transitaires européens [à l'exclusion des transitaire britanniques et irlandais] pour les opérations est-ouest" depuis le début des années 70. Elles ont également fait valoir que d'autres conférences, non spécifiées, fixent ce type de prix depuis le début du siècle.

(513) La Commission considère que cette pratique est destinée et de nature à restreindre la concurrence entre les parties au TACA. Des effets négatifs peuvent donc s'exercer sur la concurrence au niveau de la demande des services fournis par les transitaires aux parties au TACA. Ainsi, les consommateurs risquent d'être privés du profit qui résulterait de la concurrence entre les parties au TACA.

(514) Cette pratique peut aussi empêcher la concurrence entre les transitaires et décourager toute amélioration de la qualité des services fournis par ceux-ci, en les incitant à se concentrer sur le volume, et non sur la qualité des prestations. La concurrence peut donc aussi être affectée du côte de l'offre.

(515) La Commission ne considère pas que la suppression du plafond applicable aux commissions des transitaires (de même que celle des autres restrictions décrites plus haut) entraînerait une hausse générale des prix propre à justifier l'existence de cette restriction de concurrence. Il s'agit, en tout état de cause, d'un argument qui pourrait être avancé pour tout accord de fixation des prix du côté de la demande. Pour obtenir une répartition optimale du profit, les prix devraient refléter la valeur économique réelle des produits et services telle qu'elle est déterminée par chaque acheteur.

(516) Si le coût des services des transitaires augmentait trop brusquement aux yeux des chargeurs, ceux-ci changeraient sans doute très vite de tactique et traiteraient directement avec le transporteur. Toutefois, si le transitaire est perçu comme pouvant apporter une plus-value substantielle, il n'y a aucune raison que cela ne se reflète pas dans un niveau de prix plus élevé. Les transitaires se trouvent, à cet égard, dans la même situation que de nombreux autres intermédiaires : si le recours à un intermédiaire devient trop coûteux, le client cherchera d'autres canaux de distribution, tels que l'achat direct au fournisseur.

(517) Ces éléments prouvent que l'accord consistant à fixer des plafonds de rémunération des transitaires n'améliore ni la production ni la distribution des services en question. Il ne profite pas non plus aux consommateurs. Enfin, le fait qu'aucune commission n'est payée par les parties au TACA aux transitaires britanniques et irlandais tend à confirmer qu'un accord consistant à fixer des taux maximaux de commission n'est pas indispensable.

(518) En conséquence, la Commission ne considère pas que l'accord par lequel les parties au TACA s'entendent sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant assurer la fonction de courtier remplisse des conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

XXIII. APPRÉCIATION AU REGARD DE L'ARTICLE 86

A. Le marché en cause

(519) Le marché des transports maritimes en cause est décrit aux considérants 60 à 75. Le marché géographique correspond à la zone où les services de transport maritime définis plus haut sont commercialisés, à savoir, en l'espèce, les zones d'attraction des ports de l'Europe du nord. Ce marché géographique correspond au champ d'application du tarif terrestre du TACA et il représente une partie substantielle du Marché commun.

B. Position dominante collective

(520) La première question qui se pose est celle de savoir si les membres du TACA sont en mesure de détenir ensemble une position dominante et la deuxième, s'ils exercent une position dominante collective sur le marché géographique en cause pour la fourniture des services de transport maritime concernés.

a) Liens économiques

(521) Selon la jurisprudence, l'article 86 peut s'appliquer à des situations où plusieurs entreprises indépendantes détiennent ensemble une position dominante sur le marché en cause pour autant que ces entreprises soient unies par des liens économiques(145). Dans l'affaire Società Italiana Vetro (146), le Tribunal de première instance a explicitement pris les conférences maritimes comme exemples d'accords entre entités économiques indépendantes permettant la formation de liens économiques grâce auxquels lesdites entités détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le marché, en s'appuyant à cet égard sur le libellé de l'article 8 du règlement (CEE) n° 4056-86. Ce principe a été confirmé dans l'affaire CEWAL, dans laquelle il a été appliqué spécifiquement aux conférences maritimes (147).

(522) Il convient, toutefois, de noter que le Tribunal n'a pas retenu le critère proposé par le Royaume-Uni en qualité de partie intervenante, selon lequel il est nécessaire de constater l'existence entre les entreprises de liens institutionnels analogues à ceux qui existent entre société mère et filiale (148). Le Tribunal n'a donc pas admis que les entreprises doivent agir sur le marché en cause comme une seule entité économique pour détenir une position dominante collective. Il est donc clair que le maintien d'une certaine concurrence entre les parties n'exclut pas l'existence d'une position dominante collective.

(523) Dans l'affaire CEWAL, le Tribunal a examiné les liens économiques entre les membres de la conférence CEWAL qui justifiaient la conclusion selon laquelle la position des parties sur le marché devait être évaluée d'un point de vue collectif (149). Le Tribunal a explicitement mentionné le fait que la conférence était le cadre de divers comités auxquels ses membres appartenaient, tels que le Zaïre Pool Committee et le Special Fighting Committee.

(524) Le Tribunal a également mentionné la volonté d'établir et d'appliquer des taux de fret uniformes et d'autres conditions de transport communes et donc de se présenter sur le marché comme une seule et même entité. Enfin, le Tribunal a aussi observé que les pratiques reprochées aux membres de CEWAL traduisaient la volonté d'adopter ensemble une même ligne d'action sur le marché pour réagir unilatéralement à une évolution, jugée menaçante, de la situation concurrentielle du marché sur lequel ils opéraient. Ces pratiques constituaient les éléments d'une stratégie globale au service de laquelle les membres de CEWAL ont uni leurs forces.

(525) La Commission estime que les membres du TACA détiennent une position dominante collective du fait qu'il existe entre eux un nombre considérable de liens économiques qui ont sensiblement réduit leur capacité d'agir de manière autonome.

(526) Le premier de ces liens est le tarif. Comme il est indiqué au considérant 174, non seulement les parties au TACA conviennent d'adhérer à un tarif, mais elles sont tenues de le faire en vertu de la législation américaine : le non-respect du tarif peut entraîner des amendes d'un montant maximal de 25 000 de dollars des États-Unis par violation.

(527) L'adhésion aux règles du TACA est aussi assurée par les nombreuses mesures d'exécution décrites aux considérants 21 et 22. Ces mesures constituent l'arsenal disciplinaire le plus complet que la Commission ait jamais rencontré dans le secteur des transports maritimes de ligne. Elles vont du paiement de garanties substantielles et d'amendes en cas de dépassement des quotas à la désignation d'un organe indépendant appelé à jouer le rôle d'autorité de contrôle ("Enforcement Authority") ayant "un accès total et illimité [...] à tous les documents pouvant concerner les activités d'un transporteur sur le trafic".

(528) Ces restrictions de la capacité des membres du TACA d'agir indépendamment les uns des autres ont pour objet d'éliminer dans une large mesure la concurrence par les prix entre eux. Les parties au TACA ont aussi adopté des mesures leur permettant de se présenter sur le marché comme une seule et même entité et de réduire ainsi la pression exercée par les clients pour obtenir des réductions de prix. Le rôle du secrétariat du TACA et la publication de plans d'exploitation annuels sont particulièrement importants à cet égard.

(529)Le secrétariat du TACA assume des fonctions administratives et financières très étendues. Habilité à remplir le rôle d'agent des membres du TACA en passant des contrats de transport en leur nom, il peut assister à la négociation des contrats de services entre les chargeurs et les membres. Le secrétariat du TACA publie des communiqués de presse pour le compte des parties.

(530) Chaque année, les parties au TACA publient un "plan d'exploitation", dont des exemples figurent à l'annexe III. Ces documents prouvent que les membres du TACA apparaissent aux chargeurs comme ayant une stratégie commerciale commune sur le marché (150).

(531) Les liens économiques entre les parties au TACA sont renforcés par ceux qui unissent certaines d'entre elles dans le cadre de divers consortiums et qui sont décrits aux considérants 180 à 191. Les membres du TACA sont donc unis par des liens économiques très étroits, de sorte qu'ils sont en mesure d'exercer une position dominante collective.

b) Position dominante

(532) L'élément central d'une position dominante est le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective. La formulation la plus connue de ce pouvoir, qui s'applique également à la notion de position dominante collective, est celle que l'on trouve dans l'affaire des vitamines (151) :

"[...] une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui donnant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients, et, finalement, des consommateurs.

Une telle position, à la différence d'une situation de monopole ou de quasi-monopole, n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence, mais met la firme qui en bénéficie en mesure sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice."

(533) Comme il est indiqué aux considérants 85 à 88, les parties au TACA détenaient une part de marché d'environ 60 % en 1994, 1995 et 1996. Sur le segment le plus important du marché, leur part était d'environ 70 % au cours de la même période. Cette part de marché doit aussi être appréciée dans le contexte de l'accroissement de la demande sur le marché. Une part de marché aussi importante induit une forte présomption de position dominante(152). La présente décision n'examine pas la question de savoir si les parties au TACA ont maintenu leur position dominante en 1997. En tout état de cause, si le maintien de parts de marché peut être révélateur du maintien d'une position dominante, la réduction de parts de marché encore très importantes ne peut constituer, en elle-même, la preuve de l'absence de position dominante (153). Il s'ensuit, en principe, que l'on ne peut voir dans le fait qu'une entreprise n'occupe pas au moment présent une position dominante la preuve que cela n'a jamais été le cas.

(534) Cette présomption se trouve confirmée, entre autres, par le fait que les membres du TACA ont réussi à maintenir une grille de prix discriminatoire. Le tarif du TACA pour les services de transport maritime comporte des taux qui varient d'un produit à l'autre en fonction de la valeur du produit. Bien que la fourchette des tarifs soit nettement plus réduite que celle des valeurs des marchandises, les prix peuvent aller du simple au quintuple. En d'autres termes, alors que le coût du transport d'un conteneur n'a pratiquement rien à voir avec le type de marchandises transportées, les taux de fret sont jusqu'à cinq fois plus élevés pour les produits de forte valeur que pour ceux de faible valeur (154).

(535) Ce système de tarification différenciée, dont le but est de maximiser les recettes, ne se retrouve normalement que dans des situations où une ou plusieurs entreprises jouissent d'une importante puissance de marché. Sur des marchés des transports qui ne seraient pas caractérisés par une concentration significative de puissance de marché, il est probable que le prix du transport serait fixé en fonction du type de service offert et non des marchandises transportées, sur la base des coûts effectifs et selon le jeu des forces du marché (155).

(536) Un autre exemple de la discrimination imposée par le TACA au niveau des conditions de transport est celui du coefficient d'ajustement monétaire (caf) : il s'agit d'un supplément imposé par les parties au TACA et qui est destiné à compenser les fluctuations des taux de change. En 1997, le TACA a facturé un caf de 38 % pour les chargements à destination et en provenance des ports situés entre Hambourg et Le Havre, de 16 % pour les chargements à destination et en provenance des ports scandinaves et de 6 % pour les chargements à destination et en provenance des ports britanniques. Dans la mesure où ces différences de caf ne peuvent pas être justifiées économiquement, elles constituent un indice de plus de la tarification discriminatoire due à la puissance de marché (156).

(537) La Commission a demandé à plusieurs reprises aux membres du TACA de justifier les différences actuelles entre les niveaux de caf au regard non seulement des variations des parités des monnaies européennes par rapport au dollar des États-Unis, mais aussi des répercussions de ces fluctuations sur les coûts effectivement supportés. Par exemple, dans le cas de marchandises transportées par mer de New York à Rotterdam, les membres du TACA ont été invités à montrer comment les coûts supportés en florins néerlandais avaient augmenté par rapport aux taux de fret au point de justifier un supplément de 38 % au titre du caf. Aucune explication n'a été fournie.

(538) Le dernier élément venant démontrer la position dominante du TACA consiste dans les possibilités limitées qu'ont ses clients de se tourner vers d'autes fournisseurs, ce qui en fait un partenaire commercial obligé, même pour les clients mécontents. Comme la Cour l'a déclaré dans l'affaire United Brands (157), une part de marché doit aussi s'évaluer en fonction de la force et du nombre des concurrents en présence.

(539) Pour les trois années allant de 1993 à 1995, les membres du TACA détenaient plus de 70 % de la capacité disponible sur le trafic direct Europe du nord/États-Unis d'Amérique (respectivement, 76, 74 et 75 %). Dans le même temps, leur plus gros concurrent, Evergreen, en détenait 11 % (158). La capacité des autres principaux concurrents est examinée aux considérants 244 à 264. Il n'y a aucune raison de penser que ces chiffres aient été sensiblement différents en 1996.

(540) La possibilité de se tourner vers des transporteurs non membres du TACA doit aussi être examinée en tenant compte de l'importance que revêtent les contrats de services pour les chargeurs (voir considérant 122). Il est peu probable que les chargeurs qui ont besoin de services de transport maritime réguliers sur une période d'un an ou plus et qui trouvent, pour cette raison, que les contrats de services sont intéressants s'adressent aux petits transporteurs pour couvrir une partie de leurs besoins, car cela réduirait la quantité minimale qu'ils s'engagent à faire transporter dans le cadre du contrat de services TACA et, donc, le rabais qui leur est consenti.

(541) Cette concentration permet au TACA d'exercer une influence disproportionnée sur les systèmes de tarification de ses concurrents, lesquels seront très probablement enclins à suivre les augmentations de prix. Le leadership du TACA en matière de prix risque aussi d'être renforcé par le fait que cet accord, qui est l'un des plus restrictifs qui soient entre compagnies maritimes dans le monde, a acquis une réputation de leader en matière de prix sur le marché.

(542) Cette situation est encore renforcée par le fait que les grilles tarifaires et les structures des taux en vigueur sur ce marché sont compliquées et se sont développées sur une longue période. Les compagnies indépendantes fixent leurs taux en fonction du tarif du TACA et sont donc des suiveurs en la matière. Le TACA et ses membres peuvent ainsi agir en toute indépendance par rapport à leurs concurrents et à leurs clients.

(543) La capacité des parties au TACA d'imposer des augmentations de prix régulières, quoique modestes, au cours de la période allant de 1994 à 1996, par contraste avec les deux autres grands trafics (voir considérants 311 et 312), démontre qu'elles ont été en mesure de maintenir ou d'augmenter les prix. Cela a été possible du fait de l'élimination de la concurrence effective. Il n'est pas prouvé que les services en question n'aient pas été rentables depuis la mise en œuvre du TACA : quoi qu'il en soit, il est clair qu'un manque de rentabilité n'est pas un facteur déterminant lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'une position dominante (159).

(544) Rien ne prouve qu'Evergreen souhaite renoncer à son rôle de suiveur en matière de prix (considérant 249) ni qu'elle dispose d'une réserve de capacité suffisante pour le faire si elle le voulait. Dans la réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont fourni un tableau contenant des exemples de marchandises qui sont passées de l'une ou plusieurs des parties au TACA à Evergeen. Il ressort de l'examen des exemples choisis par les parties au TACA que, dans de nombreux cas, le fret transféré à Evergreen ne représentait qu'une part, parfois infime, des besoins du chargeur concerné.

(545) Un autre facteur important consiste dans les barrières à l'entrée considérables qui existent sur ce trafic. Elles tiennent, notamment, à l'obligation commerciale d'exploiter des services réguliers, ce qui implique de déployer un nombre appréciable de navires et d'acquérir un parc important de conteneurs. L'investissement nécessaire à cet effet, qui peut varier entre 400 millions et 2 milliards de dollars des États-Unis, constitue une barrière considérable à l'entrée.

(546) Il faut aussi tenir compte de la possibilité que des concurrents effectifs accroissent leurs capacités ou que des concurrents potentiels entrent sur le trafic. La contestabilité du trafic transatlantique pour des concurrents potentiels a été examinée plus haut. L'accroissement des capacités d'un concurrent effectif du TACA se prête à la même analyse, étant donné qui'il implique des coûts fixes importants dont certains sont irrécupérables.

(547) Les navires déployés sur ces routes sont très spécialisés. Comme il s'agit d'un des principaux axes commerciaux, il est indispensable d'y déployer des navires d'un niveau de performance relativement élevé, spécialisés dans le transport de conteneurs. Certains développements économiques, tels que le système de livraison "juste à temps" et la baisse du prix du carburant, ont accru l'importance que revêt la rapidité du service offert. Comme de nombreux navires ne peuvent pas répondre à ces exigences, le degré de mobilité des flottes s'en trouve sensiblement réduit, ce qui constitue également une barrière à l'entrée.

(548) Enfin, du fait que le TACA est leader en matière de prix, il est peu probable qu'un concurrent quel qu'il soit se risque à déstabiliser le marché en livrant au TACA une concurrence agressive par les prix.

(549) Eu égard à ce qui précède, la Commission considère que les membres du TACA ont détenu une position dominante collective au sens de l'article 86 du traité sur le trafic transatlantique direct entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique au cours de chacune des années 1994, 1995 et 1996. La présente décision n'examine pas la question de savoir si cette position dominante a été maintenue en 1997.

C. Abus de position dominante

(550) En principe, le fait que certaines des pratiques du TACA peuvent actuellement être autorisées en vertu d'une exemption par catégorie n'empêche pas l'article 86 du traité d'être applicable (160). La Commission considère que les membres du TACA ont abusé de leur position dominante collective en concluant un accord imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu et en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA.

a) Imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services

(551) L'importance des contrats de services pour les chargeurs est examinée en détail aux considérants 122 à 126 ainsi qu'aux considérants 472 à 476. Les parties au TACA ont conclu entre elles un accord visant à imposer un certain nombre de restrictions au contenu des contrats de services ; dans le passé, elles s'interdisaient également de passer des contrats de services individuels. L'imposition de ces restrictions avait notamment pour objectif d'empêcher la concurrence par les prix (voir considérant 479). On en trouve une description détaillée aux considérants 487 à 502.

(552) Dans le cadre d'un accord de règlement des différends avec l'US Federal Maritime Commission, les parties au TACA ont accepté, en 1995, de supprimer l'interdiction des contrats de services individuels, de sorte que les chargeurs pouvaient négocier directement avec les transporteurs pour les contrats de services couvrant les expéditions effectuées en 1996. Toutefois, même ces contrats de services individuels n'étaient pas négociés librement, car les parties au TACA étaient convenues d'en restreindre le contenu et de s'en divulguer mutuellement les conditions.

(553) Le refus de fournir peut revêtir plusieurs formes : il peut s'agir d'un refus de fournir pur et simple, d'un refus de fournir autrement qu'à des conditions dont le fournisseur sait qu'elles sont inacceptables (refus implicite) ou d'un refus de fournir autrement qu'à des conditions non équitables. Respecter un accord visant à restreindre le contenu des contrats de services revient à refuser de fournir des services en vertu de contrats de services si ce n'est conformément aux termes dudit accord et relève de la troisième des trois formes de refus de fournir définies ci-dessus. Respecter un accord visant à imposer des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu limite aussi la fourniture de produits de transport. Un tel comportement relève par conséquent du champ d'application de l'article 86 du traité, et en particulier de l'article 86, points a) et b), lorsque le fournisseur en cause détient une position dominante.

(554) Les parties au TACA ont refusé de fournir aux chargeurs des services de transport maritime et terrestre dans le cadre d'un contrat de services si ce n'est à certaines conditions qu'elles ont fixées collectivement. Ce refus couvrait les contrats de services communs pour les années 1994, 1995 et 1996 et les contrats de services individuels pour l'année 1996. Les parties au TACA ont également refusé en 1995 de fournir tout service de transport sur une base individuelle et donc de fournir cette année-là des services personnalisés, selon les capacités propres à chaque transporteur. Ce refus aurait privé les chargeurs de tout service supplémentaire que les parties au TACA pouvaient être en mesure de fournir à titre individuel.

(555) La Commission considère que l'accord, imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services communs et individuels et à leur contenu, et le refus, qui s'en est suivi en 1994, 1995 et 1996 de fournir des services de transport dans le cadre de contrats de services si ce n'est sur la base de certaines conditions fixées collectivement par les parties au TACA, constituaient un abus de la position dominante du TACA.

(556) La Commission considère que cet abus tient, en particulier, aux conditions imposées par les parties au TACA (et en l'absence desquelles elles refusaient de fournir des services de transport dans le cadre de contrats de services en 1994, 1995 et 1996) en ce qui concerne les clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires.

(557) La Commission considère que l'interdiction des contrats de services individuels en 1995 et le refus qui s'en est suivi cette même année de fournir à titre individuel tout service de transport dans le cadre d'un contrat de services a également constitué un abus de la position dominante du TACA. L'interdiction de passer des contrats de services individuels en 1995 est un abus particulièrement grave, compte tenu de l'empressement des parties au TACA à les autoriser en 1996. En outre, les arguments avancés par les parties au TACA dans la demande d'exemption n'étaient manifestement pas corrects (voir considérant 479).

(558) Ces abus peuvent avoir eu un effet sensible, compte tenu du très grand nombre de conteneurs concernés (voir considérant 85), de l'importance des parts de marché détenues par les membres du TACA et du fait que près de 60 % du fret transporté par conteneur par les membres du TACA entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique l'est dans le cadre de contrats de services.

b) Modification abusive de la structure concurrentielle du marché

(559) Dans l'affaire Continental Can, la Cour a estimé que le simple fait que la concurrence sur le marché en cause ait été substantiellement entravée par une entreprise dominante constituait un abus, quels que soient les moyens ou les procédés utilisés à cet effet (161). Dans l'affaire CEWAL, le Tribunal de première instance a estimé que l'article 86 couvre tout comportement d'une entreprise en position dominante qui est de nature à faire obstacle au maintien ou au développement du degré de concurrence sur un marché où, à la suite précisément de la présence de cette entreprise, la concurrence est déjà affaiblie (162).

(560) L'arrêt de la Cour dans l'affaire Continental Can vient confirmer la thèse selon laquelle l'élimination de la concurrence potentielle peut constituer un abus de position dominante. L'élimination de la concurrence potentielle peut, dans certaines ciconstances, avoir un impact économique plus fort que l'élimination de la concurrence effective. Tel peut être le cas, par exemple, lorsque le concurrent effectif est faible, alors que le concurrent potentiel est en mesure d'entrer sur le marché sans difficultés majeures et qu'il a la force et les ressources nécessaires pour exercer une pression concurrentielle sensible. Il n'est pas nécessaire que l'élimination de la concurrence potentielle ait abouti à une situation de monopole.

Cette disposition [l'article 86] énumère un certain nombre de pratiques abusives qu'elle interdit. Il s'agit d'une énumération à titre d'exemple qui n'épuise pas les modes d'exploitation abusive de position dominante interdits par le traité. Ainsi qu'il ressort des points c) et d) de l'article 86, paragraphe 2, cette disposition ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle que mentionnée à l'article 3, point f), du traité. Est dès lors susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré le domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante (163).

(561) Il ressort clairement des considérants du règlement (CEE) n° 4056-86 que l'existence de services concurrents hors conférence, et en particulier d'une concurrence potentielle sous la forme de compagnies maritimes de ligne qui ne sont pas actuellement présentes sur un trafic donné mais sont capables d'y entrer, est l'un des principaux facteurs justifiant l'octroi de l'exemption par catégorie. Dans ce contexte, il importe de prendre en considératon la déclaration du président du TACA citée au considérant 292.

"Comme je l'ai dit à chaque compagnie qui cherchait à entrer sur le marché, venez me voir et discuter avec moi et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider à parvenir à vos fins."

(562) Il est clair, cependant, que l'intention des parties au TACA n'était pas d'aider les concurrents potentiels à entrer sur le marché pour subir, de leur part, des pressions concurrentielles. Commercialement, une telle stratégie n'aurait eu aucun sens. L'intention des parties au TACA était, au contraire, de faire en sorte que si un concurrent potentiel souhaitait entrer sur le marché, il ne le fasse qu'après être devenu partie au TACA.

(563) Dans leur réponse à la communication des griefs dans l'affaire TAA (datée du 17 mars 1994), les parties au TAA ont spécifiquement désigné Hanjin et Hyundai comme armateurs indépendants exerçant une "pression concurrentielle sensible" sur les parties au TAA, car menaçant d'entrer sur le trafic couvert par celui-ci. Il apparaît cependant que les parties au TACA ont pris des mesures pour aider ces concurrents potentiels à s'introduire avec succès sur le marché en tant que parties au TACA. Cela ressort du fait que, dans la perspective de son entrée sur le trafic et avant de devenir partie au TACA, Hanjin a demandé à prendre connaissance de "tous les documents et statistiques pertinents émanant du TACA (tarif, contrats de services, escales, chargements et performances) [...]" (voir considérant 229). La communication d'informations de cette nature, dont beaucoup constituent des secrets d'affaires d'une valeur considérable (identité des clients, marchandises, prix, types de transport) et ne sont pas nécessaires à une compagnie maritime pour devenir membre d'une conférence maritime exerçant des activités qui relèvent du champ d'application de l'exemption par catégorie, aurait été un moyen d'incitation puissant pour amener Hanijin à s'introduire sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA et non en tant que transporteur indépendant.

(564) De même, comme il ressort du considérant 230, lorsque Hyundai est entrée sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA, elle est devenue partie aux contrats de services TACA auxquels elle souhaitait adhérer, et cela avec effet à son premier départ sur le trafic. Comme il est expliqué plus haut, l'existence de nombreux contrats de services peut constituer une barrière à l'entrée. L'accès immédiat à ces contrats aurait été une incitation puissante pour amener Hyundai à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA. Enfin, la déclaration du secrétariat du TACA citée au considérant 239 concernant Hanjin démontre une volonté collective de "permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic [...]". L'existence d'une telle volonté de la part des autres parties au TACA aurait considérablement réduit les risques commerciaux inhérents à l'entrée sur un nouveau marché et aurait, de ce fait, été un facteur d'incitation pour amener Hanjin à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA.

(565) Au nombre des mesures prises par les parties au TACA pour amener les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que parties au TACA figurent la conclusion d'un grand nombre de contrats de services à double tarification et le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les transporteurs maritimes non exploitants de navires (NVOCC). Comme la Commission l'a constaté dans l'affaire TAA (voir considérant 296 et note 84), la grille de prix à deux niveaux avait pour objet et pour effet de limiter la concurrence des armateurs indépendants en les faisant adhérer à la conférence. A la suite de l'interdiction du TAA en 1994, les parties au TACA ont renoncé à leur tarif à deux niveaux, mais elles ont néanmoins continué à offrir des contrats de services prévoyant des prix plus élevés pour les anciens membres de la conférence et des prix plus bas pour les anciens transporteurs indépendants et les nouveaux venus. En outre, les anciens membres de la conférence ont en fait réservé certaines cargaisons aux anciens transporteurs indépendants et aux nouveaux venus en s'abstenant de concourir pour en assurer le transport. Ce comportement aurait eu pour effet d'inciter les concurrents potentiels qui souhaitaient entrer sur le marché à le faire en tant que parties au TACA.

(566) Chacun de ces actes aurait été une mesure d'incitation destinée à amener les concurrents potentiels à entrer sur le trafic transatlantique non pas en tant que transporteurs indépendants mais en tant que parties au TACA. Dans la mesure où l'existence d'une concurrence potentielle peut avoir restreint la puissance de marché du TACA (théorie des marchés contestables), l'élimination de cette source de concurrence aurait eu un double effet : l'élimination de la concurrence potentielle et l'élimination par anticipation de la concurrence réelle. La Commission estime que ce comportement, qui n'a pas été révelé dans la demande d'exemption, a nui à la structure concurrentielle du marché et a constitué un abus de la position dominante collective des parties au TACA en 1994, 1995 et 1996.

(567)La Commission considère que le but poursuivi par les membres du TACA était d'éliminer la concurrence par les prix en portant atteinte à la structure du marché et en limitant l'offre de services de transport. Il convient de remarquer, dans ce contexte, qu'il incombe à toute entreprise occupant une position dominante "une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée"(164).

D. Effet sur le commerce entre États membres - Article 86

(568) En ce qui concerne l'effet sur le commerce entre États membres, pour que l'article 86 du traité soit applicable, il est à la fois nécessaire et suffisant, selon la jurisprudence communautaire, que le comportement abusif soit susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Il n'est donc pas nécessaire d'établir que le comportement en cause a effectivement affecté ce commerce. Cette condition d'application est réputée remplie dès lors que les échanges intracommunautaires ont été affectés au moins potentiellement de façon significative (165). Toute modification de la structure concurrentielle d'un marché est particulièrement susceptible d'affecter les échanges entre États membres (166).

(569) Il convient de noter que le sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 précise que le commerce entre États membres risque d'être affecté "lorsque ces [...] pratiques abusives concernent des transports maritimes internationaux [...] au départ ou à destination de ports de la Communauté" et que "de telles [...] pratiques abusives sont susceptibles d'influencer la concurrence, d'une part, entre les ports des différents États membres en modifiant leurs zones d'attraction respectives et, d'autre part, entre les activités se situant dans ces zones d'attraction et de perturber les courants d'échange à l'intérieur du Marché commun."

(570) Les pratiques abusives susmentionnées sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres pour les mêmes raisons que celles qui sont énoncées plus haut en ce qui concerne l'article 85, paragraphe 1, du traité.

(571) Le TACA regroupe des compagnies maritimes actives dans plusieurs États membres. Le refus de fournir tout service de transport dans le cadre de contrats de services ou le fait de ne les fournir qu'à certaines conditions fixées collectivement sont de nature à réduire fortement les avantages qui reviendraient aux plus performantes de ces compagnies. La modification abusive de la structure concurrentielle du marché, qui aboutit à la neutralisation de la concurrence potentielle, risque d'avoir le même effet.

(572) Le refus de fournir tout service de transport dans le cadre de contrats de services ou le fait de ne les fournir qu'à certaines conditions fixées collectivement et la modification abusive de la structure concurrentielle du marché affectent le nombre d'opérations de transport qu'effectuerait normalement chaque compagnie en l'absence d'un tel accord. Cette distorsion de la concurrence entre armateurs opérant dans plusieurs États membres a donc pour effet d'influencer et de fausser le commerce des services de transport à l'intérieur de la Communauté, un commerce qui se présenterait différemment en l'absence de l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services.

(573) Cette altération du schéma concurrentiel normal, où les entreprises les plus performantes accroissent leur part de marché, risque aussi de fausser la concurrence entre les ports des différents États membres, en augmentant ou en réduisant artificiellement le volume de marchandises en transit (167) et les parts de marché des compagnies maritimes opérant à partir de ces ports.

(574) L'effet sur l'offre des services fournis dans le cadre des contrats de services et la modification abusive de la structure concurrentielle du marché décrite dans les considérants précédents risque aussi de peser sur l'offre des services annexes, c'est-à-dire les services portuaires et de manutention. L'effet sur ce type de services tiendra surtout à la modification du flux des services de transport entre États membres.

(575) La Commission considère donc que l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services et la modification abusive de la structure concurrentielle du marché affectent les échanges entre États membres en ce qui concerne l'offre des services annexes aux services fournis dans le cadre des contrats de services. Cet effet peut être sensible en raison du très grand nombre de conteneurs concernés.

E. Conclusion quant à l'applicabilité de l'article 86

(576) La Commission considère que les membres du TACA ont abusé de leur position dominante collective en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu et en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA et qu'elles ont de ce fait enfreint l'article 86 du traité. La présente décision concerne certaines mesures prises par les parties au TACA visant à inciter des concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que membres du TACA. Elle ne traite ni ne préjuge donc de la capacité des conférences maritimes dont les activités relèvent de l'exemption de groupe de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 à admettre de nouveaux membres sur les mêmes bases que les anciens pas plus que de la capacité des membres de telles conférences maritimes à échanger les informations nécessaires pour des activités relevant de cette exemption de groupe.

XXIV. RÉSILIATION DES CONTRATS

(577) En vertu de l'article 5 de la décision TAA, les membres du TAA étaient "tenus d'informer [...] les clients avec lesquels ils ont conclu des contrats de services ou d'autres contrats dans le cadre du TAA qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, renégocier les clauses de ces contrats ou les résilier immédiatement". La Commission considère qu'il y a lieu d'imposer une obligation similaire aux parties au TACA pour les raisons exposées ci-dessous.

(578) Cette disposition se fonde principalement sur le principe évident selon lequel une partie ne saurait tirer profit des infractions qu'elle a commises, ni conserver les fruits de comportements illégaux. Une décision est arrêtée pour mettre complètement et définitivement fin à l'infraction concernée.

(579) Cela implique non seulement qu'il soit mis fin aux accords illégaux entre les parties, mais aussi aux "effets restrictifs" que comportent les contrats conclus avec des tiers sur la base de ces accords (168). Ces contrats perpétuent les effets restrictifs, car ils sont fixés dans des conditions de concurrence faussée. Pour éliminer lesdits effets restrictifs, il faut donner aux consommateurs un "droit de réajustement" (169).

(580) Dans le cas du TACA, les parties ont signé des contrats de services communs qui risquent d'être encore en vigueur après la date de la présente décision et qui spécifient des prix dont la fixation a été déclarée illégale par la décision. Bien que les contrats de services ne soient pas eux-mêmes nuls de plein droit en vertu de l'article 85, paragraphe 2, du traité, ils doivent néanmoins "être appréciés ensemble et dans le contexte de l'opération globalement considérée" (170).

(581) Les décisions de la Commission sont adoptées en vue d'assurer le respect du droit de la concurrence communautaire, et les contrats en question auraient été conclus à des conditions très différentes si l'infraction n'avait pas eu lieu. Ces contrats ne peuvent par conséquent rester en vigueur, bien que cela ne signifie pas qu'ils tombent sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "de par leurs liens avec les contrats horizontaux restrictifs de concurrence" (171).

(582) En conséquence, les chargeurs doivent se voir offrir la possibilité de renégocier ou de résilier tout contrat de services commun. Toute renégociation aboutira à un nouveau contrat fixant de nouvelles conditions qui prendront effet à la date de signature. Ce n'est pas à la Commission de décider du contenu de ces nouveaux contrats : celui-ci doit faire l'objet d'une nouvelle négociation entre les chargeurs et les parties. La présente décision n'impose pas aux chargeurs l'obligation de renégocier leurs contrats de services communs, pas plus qu'elle n'impose de délai pour l'éventuelle renégociation de ces contrats.

XXV. AMENDES

A. Dispositions servant de base pour infliger des amendes

(583) En vertu de l'article 19, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 écus au moins et de 1 million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité (172). Pour fixer le montant de l'amende, la Commission prend en considération la gravité et la durée de l'infraction. Les amendes infligées par la présente décision le sont en application de l'article 19, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86. Toutefois, dans la mesure où l'abus de position dominante en matière de contrats de services relève aussi du règlement (CEE) n° 1017-68, lesdites amendes sont également infligées en application de l'article 22 de ce règlement.

(584) Les amendes prévues à l'article 19, paragraphe 2, point a), du règlement (CEE) n° 4056-86 ne peuvent pas être infligées pour des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité postérieures à la notification à la Commission et antérieures à la décision par laquelle celle-ci accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour autant qu'elles restent dans les limites des actes décrits dans la notification. Il n'y a pas d'immunité possible en ce qui concerne les amendes infligées pour des infractions à l'article 86. De plus, eu égard au fait que la communication des griefs de la Commission dans l'affaire TAA mentionnait explicitement la possibilité d'infliger des amendes pour infraction à l'article 86 (y compris les infractions à l'article 86 portant sur les contrats de services), il n'y a aucune raison de penser que les membres du TACA n'étaient pas informés de cette possibilité, même si la Commission, dans cette affaire, n'a pas adopté une décision constatant que les parties au TAA avaient commis une infraction aux dispositions de l'article 86.

(585) L'abus d'une position dominante n'est susceptible d'aucune exemption, quelle qu'elle soit : un tel abus est purement et simplement interdit par le traité (173). De plus, l'abus de position dominante constitue un critère objectif : les intentions et les interprétations des parties sont sans objet pour la constatation d'une infraction à l'article 86 du traité.

(586) En l'espèce, la Commission considère que les membres du TACA ont abusé de leur position dominante collective en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu et en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA.

(587) La présente décision n'inflige des amendes que pour les infractions à l'article 86 du traité. Elle n'inflige pas d'amendes pour la fixation des tarifs terrestres, conformément à la déclaration faite par la Commission dans la décision TACA concernant l'immunité (174), selon laquelle la Commission n'entendait pas prendre de décision sur la question d'infliger ou non des amendes jusqu'à ce que la Cour de justice ou le Tribunal de première instance se soient prononcés sur la portée de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

B. Incidence des infractions

(588) En 1996 (dernière année au cours de laquelle ont eu lieu les infractions à l'article 86), la valeur des services directement affectés par les pratiques en question était de l'ordre de 3,2 milliards d'écus (chiffre d'affaires total relatif aux services de transport ayant pour objet le transport de fret conteneurisé et comportant un élément maritime relevant de la couverture géographique du TACA).

(589) Il est impossible d'estimer avec précision dans quelle mesure ce chiffre aurait été moins élevé en l'absence des infractions, mais il est clair que les restrictions frappant les contrats de services contribuent sensiblement à la hausse des prix (175). En outre, il convient aussi de tenir compte du fait que les parties au TACA ont pris des mesures de nature à amener les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que parties au TACA et donc à réduire encore la concurrence par les prix sur le marché.

(590) Dans ce contexte, il est utile de relever trois autres éléments :

a) en premier lieu, le trafic transatlantique est apparu relativement immunisé contre les forces concurrentielles qui, sur les autres principaux trafics (transpacifique et Europe-Asie), agissent en faveur de la baisse des prix, ce qui démontre l'effet anticoncurrentiel du TACA (176) ;

b) deuxièmement, depuis la mise en place du TAA/TACA, les membres de la conférence seraient passés d'une perte annuelle agrégée de 400 millions de dollars des États-Unis en 1992 (année d'introduction du TAA) à un bénéfice annuel agrégé de 350 millions en 1996( 177) ;

c) enfin, la US Federal Maritime Commission a calculé que les augmentations des prix imposées par les parties au TACA en 1995 étaient de l'ordre de 70 à 80 millions de dollars des États-Unis ; ces augmentations ont été annulées par la suite sous l'effet de pressions exercées par la US Federal Maritime Commission (voir considérant 31).

C. Contrats de services

(591) La Commission considère que, d'une façon générale, les pratiques visant à limiter la concurrence par les prix revêtent une gravité certaine (178). L'abus de position dominante en matière de contrats de services visait à élever le niveau général des prix en réduisant de façon substantielle le choix offert aux chargeurs. Cette infraction a consisté à refuser purement et simplement de traiter ou à n'accepter de le faire qu'à certaines conditions.

(592) La Commission considère qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une infraction grave. La durée des infractions portant sur les contrats de services s'étend sur une partie de l'année 1994 et sur l'ensemble des années 1995 et 1996.

D. Altération de la structure du marché

(593) Les mesures prises par les parties au TACA pour éliminer la concurrence et porter ainsi atteinte à la structure du marché sont également des restrictions de concurrence d'une gravité indiscutable. Les tentatives d'élimination de la concurrence potentielle doivent être considérées comme une restriction très grave de la concurrence, en particulier dans le secteur des transports maritimes de ligne où l'existence d'une concurrence potentielle est l'une des principales justifications de l'exemption par catégorie. Eu égard au fait qu'il s'agit d'un marché sur lequel la concurrence avait déjà été fortement restreinte, cette infraction doit être considérée comme très grave.

(594) La durée de cette infraction couvre également une partie de l'année 1994 et l'ensemble des années 1995 et 1996.

E. Calcul des amendes

(595) Pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à créer un dommage important et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, la Commission considère qu'il convient, vu les différences de taille considérables qui existent entre les parties au TACA, d'infliger des amendes plus élevées aux plus grandes d'entre elles. C'est pourquoi, elle a divisé les parties en quatre groupes en fonction de leur taille et tenu compte de cette catégorisation pour déterminer la gravité des infractions.

(596) Le tableau 12 indique les quatre groupes ainsi constitués et la taille relative de chacune des parties au TACA en 1996 (dernière année où ont été commises les infractions à l'article 86 du traité) par rapport à Maersk, la plus importante des parties. La comparaison se fonde sur le chiffre d'affaires afférent aux services de transport ayant pour objet le transport de fret conteneurisé et comportant un élément maritime. Le chiffre d'affaires afférent au transport maritime de ligne à l'échelle mondiale est une base appropriée pour comparer la taille relative des entreprises, car il permet à la Commission d'apprécier les ressources et l'importance réelles des entreprises concernées.

EMPLACEMENT TABLEAU

(597) Chacune des infractions ayant duré de deux à trois ans, le montant des amendes infligées doit être augmenté de 25 %.

(598) Le tableau 13 présente le calcul du niveau des amendes compte tenu des éléments définis ci-dessus. La colonne 1 indique les amendes de base pour les deux infractions, qui sont calculées en fonction de la nature et de la gravité de ces infractions. La colonne 2 indique l'amende supplémentaire infligée à chaque société pour tenir compte de la durée des infractions. La colonne 3 indique le montant final.

EMPLACEMENT TABLEAU

(599) La fusion entre P & O et Nedlloyd intervenue en 1997 et l'acquisition de DSR/Senator par Hanjin n'entrent pas en ligne de compte pour le calcul des amendes étant donné que les infractions ont eu lieu avant ces événements, même si dans le premier cas, où les compagnies n'existent plus juridiquement le commandement à payer doit être adressé à leur successeur dans l'affaire, P & O Nedloyd container Line Ltd. En revanche, il convient de prendre en considération le fait que Hyundai a adhéré au TACA au cours de l'année 1995 et qu'elle n'a donc pas participé aux infractions pendant une période aussi longue que les autres parties : l'amende infligée à Hyundai doit être ajustée en conséquence. Il faut également tenir compte du fait que Tecomar est une filiale de TMM depuis janvier 1994, ces deux transporteurs devant être considérés comme une seule entreprise aux fins de l'imposition des amendes.

(600) Les amendes indiquées dans la colonne 3 du tableau 13 n'excèdent en aucun cas 10 % du chiffre d'affaires du groupe de sociétés dont chaque entreprise fait partie.

F. Circonstances aggravantes et atténuantes

(601) Le but poursuivi par les membres du TACA était d'éliminer la concurrence par les prix en portant atteinte à la structure du marché et en limitant l'offre de produits de transport. Ils ne pouvaient donc ignorer que leurs pratiques avaient pour objet de restreindre la concurrence. En fait, la Commission a appris des parties au TACA qu'il leur avait été conseillé, du point de vue juridique, de ne pas inclure de grilles de prix à deux niveaux dans les contrats de service, puisque ce type de tarification avait été expressément interdit pas la décision TAA.

(602) D'autre part, les parties au TACA peuvent faire valoir (bien qu'elles ne l'aient pas fait en réalité) qu'elles avaient des doutes quant au champ d'application de l'exemption par catégorie et qu'elles se considéraient à l'abri des amendes puisqu'elles avaient notifié leurs règles en matière de contrats de services.

(603) Les parties au TACA savent depuis au moins le 10 décembre 1993 que la Commission a considéré que les parties au TAA occupaient une position dominante et qu'elle se proposait d'infliger à ces dernières des amendes notamment pour abus de position dominante en matière de contrats de services. Elles savent depuis octobre 1994 que la Commission considérait que l'interdiction des contrats de services individuels était une restriction de concurence grave (considérant 410 de la décision TAA).

(604) Dans ce contexte, il convient aussi de rappeler que le directeur général adjoint de la direction générale de la concurrence de la Commission a écrit aux parties au TACA le 15 décembre 1994 en exprimant clairement le point de vue selon lequel les règles du TACA relatives aux contrats de services ne relevaient pas du champ d'application de l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes. En ce qui concerne l'incertitude quant à l'immunité, toutes les parties au TACA avaient suffisamment accès au conseil juridique pour ne pas ignorer la possibilité que des amendes soient infligées pour infraction à l'article 86 du traité nonobstant la notification du TACA ni, en particulier, le point de vue de la Commission selon lequel la notification ne saurait conférer l'immunité à l'égard d'amendes pour infraction à l'article 86.

(605) Enfin, aucune des parties au TACA n'a avancé de raison justifiant qu'elle soit considérée comme ayant agi en tant que suiveur plutôt qu'en tant que meneur. De même, aucune d'entre elles n'a fourni d'élément attestant que l'une des autres parties aurait joué le rôle de meneur. En conséquence, rien ne justifie qu'une distinction soit faite entre les parties au TACA pour ce qui est de leur participation aux infractions, si ce n'est selon les critères décrits plus haut.

(606) À la lumière de ces facteurs, il n'est pas nécessaire d'ajuster le niveau des amendes pour tenir compte de circonstances aggravantes ou atténuantes.

XXVI. CONCLUSIONS

(607) Les éléments suivants du TACA tombent sous le coup de l'interdiction édictée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, à l'égard des accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun :

a) l'accord portant sur la fixation des prix des services d'acheminement terrestre fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté européenne en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique ;

b) l'accord entre les parties au TACA portant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs

et

c) l'accord portant sur la fixation des montants, des niveaux ou des taux des commissions de courtage et de rémunération des transitaires, les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant remplir la fonction de courtiers.

(608) Aucun de ces accords ne remplit les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

(609) La Commission estime par ailleurs que les membres du TACA ont abusé de leur position dominante collective :

a) en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu

et

b) en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA.

(610) D'un point de vue économique, eu égard au fait que la majorité des entreprises européennes qui exportent vers les États-Unis d'Amérique sont ou risquent d'être affectées par ces abus, la Commission considère que ces infractions sont graves et qu'il y a lieu d'infliger des amendes.

(611) La Commission a suivi, aux fins de l'adoption de la présente décision, les procédures prévues par les règlements (CEE) n° 4056-86 et (CEE) n° 1017-68 et, pour ce qui concerne l'accord consistant à fixer des plafonds de rémunération des transitaires, au règlement n° 17 du Conseil,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85 paragraphe 1, du traité, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 en s'entendant sur les prix des services d'acheminement terrestre fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du nord et les États-Unis d'Amérique. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 ne sont pas remplies.

Article 2

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en s'entendant sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant assurer la fonction de courtier. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE ne sont pas remplies.

Article 3

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en s'entendant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE ne sont pas remplies.

Article 4

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions visées aux articles 1er, 2 et 3 et de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée ayant un objet ou un effet identique ou similaire aux accords visés aux articles 1er, 2 et 3.

Article 5

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du "Trans-Atlantic Conference Agreement" (TACA).

Article 6

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu.

Article 7

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions visées aux articles 5 et 6 et de s'abstenir à l'avenir de tout acte ayant un objet ou un effet identique ou similaire auxdites infractions.

Article 8

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions aux dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE visées aux articles 5 et 6 :

AP Moller-Maersk Line : 27 500 000 écus

Atlantic Container Line AB : 6 880 000 écus

Hapag Lloyd Container Line GmgH : 20 630 000 écus

P&O Nedlloyd Container Line Limited : 41 260 000 écus

Sea-Land Service, Inc. : 27 500 000 écus

Mediterranean Shipping Co. : 13 750 000 écus

Orient Overseas Container Line (UK) Ltd : 20 630 000 écus

Polish Ocean LInes : 6 880 000 écus

DSR/Senator Lines : 13 750 000 écus

Cho Yang Shipping co., Ltd : 13 750 000 écus

Neptune Orient LInes Ltd : 13 750 000 écus

Nippon Yusen Kaisha : 20 630 000 écus

Transportacion Maritima Mexicana SA de CV/Tecomar SA de CV : 6 880 000 écus

Hanjin Shipping Co. Ltd : 20 630 000 écus

Hyndai Merchant Marine Co. Ltd : 18 560 000 écus

Article 9

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues d'informer, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, les clients avec lesquels elles ont conclu des contrats de services communs qu'ils ont le droit de renégocier les conditions de ces contrats ou de résilier ceux-ci immédiatement.

Article 10

Les amendes prévues à l'article 8 sont payables en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte bancaire de la Commission européenne : n° 310-0933000-43, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, Rond-Point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.

À l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,5 %.

Article 11

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du traité.

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO L 175 du 23.7.1968, p. 1.

(3) JO L 378 du 31.12.1986, p. 4.

(4) JO L 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.

(5) JO L 209 du 21.8.1969, p. 11.

(6) JO L 376 du 31.12.1988, p. 1.

(7) JO L 376 du 31.12.1994, p. 1.

(8) C(96) 3414 final.

(9) La communication des griefs se fondait sur l'article 3 du règlement n° 17, l'article 10 du règlement (CEE) n° 1017-68 et l'article 10 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(10) C'est-à-dire l'application d'un taux différent de celui prévu par le tarif. Conformément à la législation américaine, le droit, pour les membres d'une conférence exemptée, de mener une action indépendante est obligatoire pour les taux, ce qui signifie que tout membre d'une conférence a le droit de s'écarter du tarif fixé par la conférence pour une catégorie donnée de marchandises à condition d'en aviser les autres membres de la conférence.

(11) Soit l'équivalent des actions indépendantes.

(12) Il s'agissait d'accords conclus en 1985 selon lesquels les membres des conférences opérant entre les États-Unis d'Amérique et l'Europe du nord discutaient des prix et des conditions de transport avec les compagnies hors conférence présentes sur ces mêmes trafics.

(13) Voir note 10.

(14) C'est-à-dire d'appliquer un taux différent de celui prévu par le contrat de services.

(15) Après avoir reçu les observations préliminaires de la Commission (voir considérant 6), les parties au TACA ont écrit à la Commission le 24 janvier 1995 qu'elles envisageaient de limiter le champ d'application du TACA aux accords ad hoc d'affrètement de cellules et d'espace.

(16) Les accords de transport "de connexion" portent sur l'inclusion dans les accords de partage de navires (accords VSA) de dispositions telles que celle-ci :"Une partie peut utiliser de l'espace mis à sa disposition pour fournir (en vertu d'un autre accord) de l'espace à un transporteur maritime qui n'est pas partie à l'accord,... Une partie peut mettre à la disposition d'une autre partie de l'espace fourni (en vertu d'un autre accord) par un transporteur maritime qui n'est pas partie à l'accord,..." À titre d'exemple, le système fonctionne comme suit : les transporteurs A, B et C sont parties au TACA et les transporteurs A et B participent à différents VSA. En vertu de la "clause d'affrètement d'espace par connexion", le transporteur A peut mettre de l'espace à la disposition du transporteur C (espace qui est fourni au transporteur A sur un navire du transporteur B) sans que le transporteur C ne doive être partie au VSA entre les transporteurs A et B.

(17) Voir la lettre adressée par M. VL Bijvoets, président de l'IMC et directeur général de Nedlloyd, à la Commission, en date du 28 juillet 1995.

(18) Voir la lettre adressée par Lovell White Durrant (conseillers juridiques des parties au TACA) à la Commission, en date du 3 octobre 1995.

(19) D'après l'étude intitulée "Contrats entre les chargeurs et les conférences maritimes" effectuée pour le compte de la direction générale "Transports" de la Commission par la société Brinkman-ship Ltd en février 1996, "seuls 17 contrats d'une durée de deux ans ont été signés".

(20) 29 août 1995 - France, 12 septembre 1995 - Allemagne, 26 octobre 1995 - Royaume-Uni, Irlande, 10 octobre 1995 - Autriche, Italie, Danemark, Suède, Finlande.

(21) Paragraphe 3.17 de la réponse à la communication des griefs complémentaire.

(22) Voir la note 3 de l'annexe VIII de la réponse à la communication des griefs complémentaire.

(23) Quoi qu'il en soit, on peut noter que le chiffre de 3600 échanges sur une période de sept mois correspond à un échange par transporteur et par jour.

(24) Demande d'exemption, point 4.10.

(25) Recueil 1996, p. I-5951, points 13 à 15 des motifs.

(26) Les marchandises sont transportées sur des navires porte-conteneurs dans des caisses scellées, le plus souvent d'un équivalent vingt pieds (EVP) ou d'un équivalent quarante pieds (EQP).

(27) Voir "The Journal of Commerce", "Shipping Review & Outlook" 6 janvier 1997, page 73C. La durée d'acheminement par l'Allemagne nord est normalement de deux à trois semaines pour un service régulier.

(28) Drewry, "Global Container Markets", Londres, 1996, p. 38 à 48.

(29) Cette substituabilité à sens unique ne se limite pas aux transports maritimes : par exemple, si les boissons rafraîchissantes sans alcool ne peuvent se substituer aux eaux embouteillées, le contraire n'est pas nécessairement vrai - voir la décision 92-553-CEE de la Commission (IV-M.190-Nestlé Perrier), JO L 356 du 5.12.1992, p. 1.

(30) Selon Mats Jansson, président de Unicool and Cool Carriers, "La capacité de conteneurs réfrigérés déployée est encore limitée et, jusqu'à présent, l'incidence negative sur la demande de transport frigorifique spécialisé est faible." (Fairplay du 3. 7. 1997).

(31) Drewry, "Global Container Markets", p. 76.

(32) Ce marché est décrit plus en détail aux considérants 25 à 70 de la décision TAA : les parties au TACA font référence à la décision TAA au point 1.4 de la demande d'exemption concernant l'accord sur les échanges d'équipements.

(33) Drewry, "Global Container Markets", p. 88.

(34) Sur les trafics américains, les conférences sont dites "ouvertes" car l'adhésion n'est pas subordonnée au consentement des membres existants.

(35) Lettre du TAA aux conseils des chargeurs européens datée du 13 octobre 1992.

(36) JO L 378 du 31.12.1994, p. 17.

(37) Voir Cnuced, "The liner conference system", TD-B-C4-62 1970, point 10. La distinction entre "common carriage" (transport commun) et "contract carriage" (transport sous contrat) existait avant les conférences maritimes. On en trouve un exemple dans le UK Carriers Act de 1830 (11° Geo. IV.& 1° Gul. IV.), loi limitant la responsabilité des "common carriers", qui contient la disposition suivante : "Provided always, and be it further enacted, That nothing in this Act contained shall extend or be construed to annul or in anywise affect any special Contract between such Mail Contractor, Stage Coach Proprietor, or Common Carrier, and any other Parties, for the Conveyance of Goods and Merchandizes."

(38) L'article 3 (14) du US Shipping Act de 1984 définit le "contrat de fidélité" comme étant "[...] un contrat passé avec un transporteur maritime ou une conférence, autre qu'un contrat de services ou un contrat appliquant des taux dégressifs en fonction du volume et de la durée, par lequel un chargeur obtient des taux réduits en s'engageant à faire transporter la totalité ou un pourcentage donné de son fret par ce transporteur ou cette conférence."

(39) Les conditions essentielles d'un contrat de services comprennent a) les secteurs portuaires ou les zones géographiques d'origine et de destination, b) le ou les produits concernés, c) le volume minimal, d) le taux applicable au transport proprement dit, e) la durée, f) les prestations garanties et g) le cas echéant, l'indemnité forfaitaire en cas d'inexécution.

(40) Conférence des plénipotentiaires des Nations unies sur un code de conduite des conférences maritimes, "Actes finaux et annexes", Nations unies, Genève, doc. TD/Code/11/Rev 1, 9 mai 1974. Le troisième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 dit ceci : "[...] que le règlement d'application des règles de concurrence aux transports maritimes, prévu par le dernier considérant du règlement (CEE) n° 954-79, devrait tenir compte de l'adoption du code ; que, en ce qui concerne les conférences relevant du code de conduite, le règlement devrait compléter le code ou le préciser".

(41) JO L 121 du 17.5.1979, p. 1.

(42) Taux publié au tarif, dont l'application est surbordonnée à la réception d'un volume global déterminé de fret ou d'un montant global de recettes de fret sur une période donnée.

(43) Selon une présentation faite par le TACA à certains chargeurs le 6 juillet 1995, au premier trimestre de 1995, 59,5 % des transports effectués par le TACA l'ont été dans le cadre de contrats de services et 40,5 % aux taux tarifaires. D'après l'étude "Contrats entre les chargeurs et les conférences maritimes" réalisée pour le compte de la direction générale des transports de la Commission par Brinkman-ship Ltd en février 1996, "le TACA a signé quelque 450 contrats (est-ouest) pour l'année 1996, représentant près de 65 % du fret annuel de la conférence".

(44) C'est-à-dire des envois groupés par les transitaires en chargements par conteneurs de vingt ou quarante pieds.

(45) D'après Albert A. Pierce Jr, administrateur du Transpacific Westbound Rate Agreement (TWRA) (cité dans la revue American Shipper de décembre 1994), en octobre 1994, le TWRA était en train de négocier son troisième contrat de services et avait offert un rabais de 2 % sur le tarif normal à condition que l'autre partie s'engage à faire transporter un volume minimal de 5 000 EWP. L'édition d'octobre 1995 d'American Shipper précisait que ce contrat d'un an avait nécessité environ huit mois de négociations et que le volume minimal finalement convenu était de 9 100 EQP, pour lequel de l'espace était garanti. Dans l'édition de février 1996 de ce même magazine, on pouvait lire que, durant la première semaine de 1996, vingt autres contrats avaient été signés. Il semblerait que le nombre de ces contrats de services ait encore augmenté en 1997.

(46) L'interdiction de passer des contrats de services individuels imposée par le TWRA et par l'Asia North America Eastbound Rate Agreement (ANERA) à partir du 1er juillet 1986 a entraîné le retrait immédiat d'Evergreen de ces deux accords. Voir, à cet égard, l'étude intitulée "Service Contracts : a case study of unfulfilled promises", N. Shashikumar, Marit. Pol. Mgmt, 1986, vol. 16 n° 1, 13-26.

(47) Voir, à cet égard, "The Effectiveness of Collusion under Antitrust Immunity -The Case of Liner Shipping Conferences", Paul S. Clyde et James D. Reitzes, Bureau of Economics Staff Report, Federal Trade Commission, décembre 1995 : "A l'inverse d'une action indépendante sur les taux réguliers où le rabais doit être proposé à tous les chargeurs de ce produit sur cette route, les contrats [de services] pouvaient être rédigés d'une façon qui permettait effectivement au transporteur de la conférence d'offrir un rabais 'sélectif' à ce chargeur (ou à un petit groupe de chargeurs 'se trouvant dans une situation analogue'). Dans ces circonstances, le fait d'autoriser les actions indépendantes sur les contrats de services pourrait avoir incité davantage à la tricherie et empêché la conférence de détecter et de sanctionner ces cas de tricherie."

(48) Dans les contrats de services, les rabais consentis sur les différents taux par catégorie du tarif sont généralement déterminés par rapport à des tranches de volume minimal négocié ; ainsi, 500 à 749 EVP peuvent donner lieu à un rabais de, par exemple, 40 dollars des États-Unis par EVP.

(49) Lettre adressée par Lovell White Durrant à la Commission en date du 17 novembre 1995.

(50) Cho Yang, MSC, DSR/Senator, POL, OOCL.

(51) Cho Yang, DSR/Senator, Hanjin, Hyundai, POL, Tecomar/TMM.

(52) Voir, par exemple, SC92-017.

(53) Cho Yang, DSR/Senator, MSC, Hanjin, POL, Tecomar et TMM.

(54) Voir décision TAA, considérants 135 et 136.

(55) Voir la (deuxième) lettre adressée par Lovell White Durrant à la Commission en date du 3 mai 1995 : "En ce qui concerne le fret transporté par conteneur complet (fret FCL), certains membres du TACA ont toutefois choisi, dans le cadre de leur politique globale d'entreprise, de leur planification ainsi que de leur stratégie de commercialisation et d'investissement, de ne pas conserver de gros effectifs de vente et/ou des réseaux d'agences étendus pour obtenir du fret du nombre relativement élevé de petits et moyens chargeurs propriétaires de fret FCL. Par conséquent, de tels transporteurs tendent à avoir davantage recours aux transporteurs maritimes non exploitants de navires pour obtenir et grouper des volumes importants de fret FCL. D'autres membres du TACA ont, en revanche, choisi de conserver de gros effectifs de vente, un service important à la clientèle ainsi que des réseaux d'agences étendus et d'en supporter les coûts fixes. Ces transporteurs ont davantage tendance à traiter directement avec les chargeurs propriétaires de fret FCL et ont, dès lors, tendance à considérer les transporteurs maritimes non exploitants de navires comme des transporteurs concurrents et rivaux (puisque eux aussi essaient d'obtenir du fret FCL auprès de ces chargeurs)."

(56) Voir la (deuxième) lettre adressée par Lovell White Durrant à la Commission, précitée (note 55).

(57) Voir réponse à la communication des griefs, point 44.

(58) Voir demande d'exemption, point 2.5.

(59) Voir réponse à la communication des griefs, point 332.

(60) Voir réponse à la communication des griefs, point 49.

(61) Voir réponse à la communication des griefs, point 305.

(62) Section 18 du rapport sur le US Shipping Act 1984, Federal Maritime Commission, septembre 1989, p. 544.

(63) Ainsi, les parties au TACA ont passé sous silence des accords qui influencent les conditions du trafic entre l'Europe et le Canada et entre la Méditerranée et les États-Unis d'Amérique.

(64) Une description détaillée du VSA et des accords connexes a été publiée au JO C 185 du 18.6.1997, p. 4. Dans le contexte de leur demande d'exemption individuelle en faveur du VSA, les parties à cet accord ont pris, envers la Commission, l'engagement de ne pas mettre en application dans la zone géographique couverte par le traité CE les dispositions relatives à la fixation des taux de fret intérieurs et maritimes, aux discussions et aux accords concernant la rémunération des transitaires et les clauses constitutives communes des contrats de services.

(65) Le propriétaire d'un navire de ligne est généralement facilement identifiable à partir du nom du navire en raison de la pratique consistant à choisir des noms qui incluent le nom du propriétaire ou d'àutres moyens d'identifier celui-ci : p. ex. Atlantic Conveyor (ACL), Neptune Jade (NOL), MSC Pamela (MSC) etc.

(66) Déclaration sous serment faite par Karen V. Gregory, enquête n° 21 :"Activités du TAA et de ses membres", 20 octobre 1994.

(67) Voir réponse à la communication des griefs, point 223.

(68) Voir réponse à la communication des griefs, point 131.

(69) Par exemple, le 29 décembre 1994, Hanjin a écrit au sécrétariat du TACA en ces termes : "Celle-ci [l'action indépendante] est menée jusqu'à la conclusion du contrat de services".

(70) Voir le rapport intermédiaire de la Cnuced sur les pratiques commerciales restrictives, New York 1971 et "Excluding Capacity-Constrained Entrants through Exclusive Dealing : Theory and an Application to Ocean Shipping", Jong-Say Yong, The Journal of Industrial Economics, juin 1996.

(71) Voir réponse à la communication des griefs, point 155.

(72) Drewry, "Global Container Markets", p. 85.

(73) Source : "Lloyd's Shipping Economist".

(74) Le 1er décembre 1995, Evergreen a annoncé des majorations de prix sur son trafic transatlantique, sens ouest-est vers l'Europe, de 110 dollars des États-Unis par conteneur de vingt pieds et de 140 dollars des États-Unis par conteneur de 40 pieds à compter du 1er janvier 1996. Ces chiffres sont à comparer au plan d'exploitation du TACA pour 1996 qui figure à l'annexe III.

(75) Voir réponse à la communication des griefs, point 31.

(76) La raison pour laquelle les chiffres concernant Puerto Rico sont inclus dans ceux relatifs à la côte est des États-Unis d'Amérique peut tenir au fait que Puerto Rico relève, avec le Massachusetts, du Seventh District Circuit de la US Federal Court.

(77) La Commission n'a pas fait valoir, dans le cadre de la procédure administrative qui a conduit à l'adoption de la présente décision, que Puerto Rico ne relevait pas, en l'espèce, du marché géographique en cause, car les parties au TACA n'ont invoqué cet argument qu'au stade de la réponse à la communication des griefs. Cette question ne semble pas soulever de problèmes importants en l'espèce, mais il est possible qu'à l'occasion d'une autre affaire, qui concernerait par exemple les services de transport maritime régulier dans la mer des Caraïbes, il soit nécessaire d'approfondir la question de savoir si Puerto Rico appartient ou non au même marché géographique que la partie continentale des États-Unis d'Amérique.

(78) Voir "Economic Analysis of China Ocean Shipping Co 1994-1997", Bureau of Economics and Agreement Analysis, Federal Maritime Commission, Juin 1997.

(79) Voir communiqué de presse de la Commission IP-96-400 du 8 mai 1996 annonçant la décision de la Commission de ne pas s'opposer à une exemption en faveur du St. Lawrence Coordinated Service (SLCS), accord de consortium portant sur l'exploitation en commun d'un service par CanMar et OOCL entre Montréal et les ports de l'Europe du nord.

(80) Membres : ACL, Canada Maritime/Cast, Hapag Lloyd, OOCL et POL. Ces tarifs ne couvrent pas le fret transitant par le Canadian Gateway. Les augmentations de prix suivantes ont été annoncées avec effet au 1er janvier 1996 : "Tous les taux de fret des tarifs seront augmentés de 110 dollars des États-Unis par conteneur de 20 pieds et de 160 dollars des États-Unis par conteneur de 40 pieds pour le fret général et la prime prévue au tarif pour les équipements spécialisés (conteneurs à toit ouvert et conteneurs plate-forme) sera portée à 400 dollars des États-Unis par 20 pieds et 500 dollars des États-Unis par 40 pieds".

(81) Communication de la Commission relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d'accès au dossier dans les cas d'application des articles 85 et 86 du traité, des articles 65 et 66 du traité CECA et du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (JO C 23 du 23.1.1997, p. 3).

(82) Drewry, "Global Container Markets", p. 87.

(83) TMM et Tecomar avaient été présentes sur le trafic transatlantique, mais n'avaient pas été membres de la conférence et, quoi qu'il en soit, les conteneurs pleins qu'elles ont transportés par exemple au cours du deuxième trimestre de 1995 représentent respectivement moins de 1 % et de 2 % de l'ensemble du fret du TACA.

(84) Voir note 7. Les considérants 341, 342 et 343 de la décision 94-980-CE (JO L 376 du 31.12.1994, p. 1) se lisent comme suit :

"(341) Le vrai but de l'instauration de taux différenciés dans un cas comme la TAA est d'intégrer dans l'accord des indépendants qui, sans cette faculté de sous-coter qui leur est reconnue par rapport aux anciens membres des conférences, resteraient outsiders et continueraient à concurrencer la conférence? notamment sur les prix. L'avantage corrélatif pour les anciens membres de la conférence est de limiter l'activité et donc la concurrence des outsiders. Un système de ce type aboutit à réduire de manière substantielle la concurrence effective des outsiders dont l'existence constitue la principale sauvegarde à l'exemption de groupe octroyée aux conférences maritimes.

(342) Ce but, qui révèle la véritable nature du TAA, ressort clairement de divers points déjà mentionnés précédemment dans la présente décision. Il est renvoyé à ce sujet aux considérants 117 et suivants qui décrivent l'histoire récente du trafic, au document de synthèse d'une réunion entre tous les membres du TAA qui s'est tenue à Genève le 13 janvier 1992 (voir note 70) et finalement au discours du président de Senator Lines, un membre du TAA, prononcé peu avant l'entrée en vigueur de l'accord.

(343) Ce type d'accord cherche à faire passer pour une conférence ce qui est en fait un accord avec des indépendants qui souhaitent conserver la flexibilité des prix. Il ne s'agit pas là d'une véritable conférence maritime mais d'un accord entre une conférence (c'est-à-dire entre 'les membres structurés' qui participent aux comités des taux et des contrats) et des indépendants (membres non structurés) (voir considérants 133 à 144). Ce type d'accords ne bénéficie pas de l'exemption de groupe accordée aux conférences traditionnelles".

(85) Accord FMC n° 203-011468. APL/MOL/OOCL Asia-Pacific Alliance Agreement (A-Pac).

(86) Drewry, "Global Container Markets", p. 69.

(87) Drewry, "Global Container Markets", p. 71.

(88) Drewry, "Global Container Markets", p. 70.

(89) Drewry, "Global Container Markets", p. 8.

(90) Voir l'exposé des motifs [COM (81) 423 final] de la proposition de la Commission de 1981 concernant un règlement (CEE) du Conseil déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO C 282 du 5.11.1981, p. 4).

(91) Les parties au TACA (ni aucune autre compagnie maritime) n'ont fourni aucun exemple de pénurie de capacités résultant du retrait de navires d'un trafic.

(92) Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal de première instance du 21 février 1995 dans l'affaire T-29-92 : SPO contré Commission, Rec. 1995, p. II-289, point 294 des motifs, où le Tribunal a estimé que l'on ne pouvait pas distinguer la concurrence normale de la concurrence ruineuse. Le pourvoi a été rejeté comme étant manifestement irrecevable par ordonnance de la Cour du 25 mars 1996 (Affaire C-137-95 P, Rec. 1996, p. I-1611).

(93) Dr Pirrong, "Core Theory and Liner Shipping Markets" (Journal of Law and Economics 1992, note de bas de page, p. 11).

(94) "Competition, Contestability and the Liner Shipping Industry", p. 310.

(95) Voir par exemple l'article "The Development of Liner Shipping Conferences" de Jankowski paru dans "International Journal of Transport Economics" en 1989 ;Jansson et Schneerson dans leur ouvrage "Liner Shipping Economics" publié en 1987 ; l'analyse de la Federal Trade Commission "An Analysis of the Maritime Industry and the Effects of the 1984 Shipping Act" publiée en novembre 1989 ou encore l'analyse du ministère américain de la justice "Analysis of the Impact of the Shipping Act of 1984" de mars 1990 et la conférence donnée par le professeur S. Gilman à Tarporley en février 1994.

(96) Voir par exemple Jansson et Schneerson, chapitre 10.2 "Common Costs and Indivisibility".

(97) Voir l'article intitulé "Sea-Land's Computer Wars" dans "Containerisation International", août 1995 et l'article intitulé "Market Share Isn't Everything" dans "American Shipper", juillet 1995 ; voir aussi le rapport Drewry de 1991, pp. 104-106. Par exemple, dans l'article paru dans "American Shipper", on peut lire, à propos d'Atlantic Container Line : "the company developed a contribution model which works off equipment flows. The model serves as a cargo-acceptance guideline. As a result sales staff is much more aware these days of the overall value of a business prospect." Voir aussi "The Liner Industry : Structural Changes and Future Outlook", revue trimestrielle de la Industrial Bank of Japan (1995 IV) : "There has been a fundamental shift from the profit management system by ship or route to management by cargo unit. The profit for each cargo unit yields the net contribution of each container per voyage. The introduction of unit management has resulted in one container having the same meaning that one ship had in the past." (page 43).

(98) Pages 105 et 106 du rapport.

(99) Voir notamment Gilman, Tarporley 1994.

(100) Voir note 93.

(101) Voir notamment Jankowski : "Notes and Comments : Competition, Contestability and the Liner Shipping Industry", Journal of Transport Economics and Policy, mai 1989, ou, du même auteur : "The Development of Liner Shipping Conferences", International Journal of Transport Economics, octobre 1989, et le Pr S. Gilman, Tarporley, février 1994.

(102) Voir notamment le rapport de la Federal Trade Commission de novembre 1989, p. 20 ; Jansson et Schneerson, chap. 10.2, ainsi que l'article "Sea-Land's Computer Wars", publié dans "Containerisation International", août 1995.

(103) Voir note 94.

(104) "Revenue Pooling and Cartel", p. 173. Voir ausi "The Economics of Ocean Freight Rates", Bennathan & Walters, 1969, Praeger.

(105) Sherer and Ross, Industrial Market Structure and Economic Performance, 1990, Houghton Mifflin, p. 674.

(106) Voir aussi Jansson et Schneerson dans "Liner Shipping Economics", chapitre 10.2 et annexe A.

(107) Voir aussi "Europe's Great Divide", American Shipper, décembre 1995.

(108) En vertu de l'article 56 de l'accord sur l'Espace économique européen, la Commission est l'organe compétent en l'espèce.

(109) Voir l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 1966 dans les affaires jointes 56 et 58-64, Consten et Grundig contre Commission, Rec. 1966, p. 299, 342 ; voir aussi la décision 84-405-CEE de la Commission (IV-30.350, Zinc Producer Group) (JO L 220 du 17.8.1984, p. 27), considérant 71 : "Enfin, pour que l'article 85, paragraphe 1, soit applicable, il suffit que les restrictions de la concurrence aient été voulues ; il n'est pas nécessaire que l'objectif visé ait été entièrement ou partiellement atteint ni donc que la restriction de la concurrence ait été effective."

(110) Plusieurs des parties au TACA (Sea-Land, Maersk et P & ONedlloyd) se sont retirées récemment de la Southern Europe America Conference et ont constitué la United States Southern Europe Conference.

(111) Voir l'arrêt Grundig/Consten précité (note 109), p. 341.

(112) Voir l'arrêt SPO précité (note 92), Rec. 1995, p. II-289, point 235 des motifs.

(113) Voir l'arrêt du Tribunal de première instance du 8.10.1996 dans les affaires jointes T-24-93, T-25-93, T-26-93 et T-28-93, CEWAL, Compagnie maritime belge de transports SA et Compagnie maritime belge SA, Dafra-Lines A/S, Deutsche Afrika-Linien GmbH & Co et Nedlloyd Lijnen BV contre Commission, Rec. 1996, p. II-1201, point 205 des motifs.

(114) Voir le sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 décrivant l'effet que peuvent avoir sur les ports de la Communauté les pratiques restrictives en matière de transport maritime international. Voir aussi l'arrêt CEWAL précité (note 113), point 202 des motifs.

(115) Arrêt de la Cour de justice du 3 décembre 1987 dans l'affaire 136-86, BNIC/Aubert, Rec. 1987, p. 4789, point 18 des motifs. De même, dans son arrêt du 2 février 1988 dans les affaires jointes 67, 68 et 70-85, Kwekerij Gebroeders Van der Koog et autres/Commission (Gas naturel I), Rec. 1988, p. 219, points 57, 58 et 59 des motifs, la Cour statuant en vertu de l'article 92 a déclaré que le tarif préférentiel (-5,5 %) accordé aux horticulteurs néerlandais pour leur consommation de gaz naturel affectait les échanges entre États membres en raison non seulement de l'importance des coûts énergétiques (25 %-30 % du prix de vente), mais aussi de la part de marché (65 %) et des exportations (91 %) des entreprises bénéficiant de cette aide d'État.

(116) Voir les arrêts de la Cour de justice du 24 octobre 1995 dans l'affaire C-70-93, BMW/ALD, Rec. 1995, p. I-3439, point 28 des motifs, et dans l'affaire C-266-93, Bundeskartellamt contre Volkswagen et VAG, Rec. 1995, p. I-3477, point 33 des motifs "que, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie ne sauraient faire l'objet d'une interprétation extensive et ne peuvent être interprétées de façon à étendre les effets du règlement au-delà de ce qui est nécessaire à la protection des intérêts qu'elles visent à garantir".

(117) Voir l'arrêt CEWAL précité (note 113), point 50 des motifs.

(118) SEC(94) 933 final, adopté par la Commission le 8 juin 1994.

(119) JO L 378 du 31.12.1986, p. 1.

(120) Arrêt de la Cour de justice du 5 octobre 1995 dans l'affaire C-96-94, Centro Servizi Spediporto/Spedizioni Marittima del Golfo Srl, Rec. 1995, p. I-2883, point 92.

(121) La Cour de justice n'a pas admis l'argument invoqué par le Royaume-Uni en qualité de partie intervenante selon lequel l'effet utile du règlement (CEE) n° 4055-86 serait compromis si, compte tenu de la prédominance des services multimodaux dans le trafic international, on devait considérer que le règlement ne s'applique pas du tout aux services de transport multimodaux.

(122) Voir les amendements du Parlement européen à la proposition de règlement du Conseil déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO C 255 du 3.10.1986, p. 176).

(123) Voir réponse à la communication des griefs, point 11.

(124) Pour un examen général de cette question, voir les paragraphes 61 à 67 du "Rapport intermédiaire du groupe multimodal" présenté au commissaire Van Miert le 6 février 1996 par un groupe d'experts indépendants chargés d'examiner certains aspects de la fixation collective des tarifs terrestres par les compagnies maritimes.

(125) Il convient de noter que, comme il est indiqué plus haut, les systèmes "hub and spoke" ne couvrent pas les transports par rail entre les ports du Benelux et la plateforme de Francfort/Mayence.

(126) Ce point de vue rejoint celui exprimé dans le rapport final du groupe multimodal, qui a été soumis au commissaire Van Miert le 18 novembre 1997.

(127) "D'une manière générale, tout élément d'une offre qui a une valeur économique aux yeux du consommateur risque fort d'influencer ce dernier lorsqu'il doit choisir entre des offres concurrentes et donc de permettre à un fournisseur, en modifiant ses conditions, de se tailler un avantage sur ses concurrents", Butterworths Competition Law, volume II, p. 849.

(128) Arrêt du Tribunal de première instance du 22 octobre 1997 dans les affaires jointes T-213-95 et T-18-96, SCK & FNK/Commission, Recueil 1997, p. II-1739, point 164 des motifs.

(129) Lettre de Mme Nancy E. McFadden (conseiller général, ministère des transports des États-Unis d'Amérique) au sénateur John McCain (président de la commission sénatoriale du commerce, des sciences et des transports) en date du 8 octobre 1997.

(130) La présente décision ne traite pas de l'application éventuelle de l'article 86 à ces accords lorsqu'ils verrouillent le marché de façon sensible.

(131) Voir la décision TAA, considérants 322 et 323.

(132) Voir réponse à la communication des griefs, point 293.

(133) Daniel Marx, Junior, "International Shipping Cartels : A Study of Industrial Self-Regulation by Shipping Conferences" (Princeton University Press).

(134) JO L 89 du 21.4.1995, p. 7.

(135) L'article 9 du règlement (CE) n° 870-95 de la Commission (l'exemption par catégorie des consortiums) montre l'attitude positive de la Commission à l'égard des accords de services, mais n'admet pas que la fixation des prix soit nécessaire pour en retirer les avantages.

(136) Voir aussi "Contratcs between Shippers and Shipping Conferences", Brinkman-ship Ltd, février 1996, p. 25.

(137) Voir aussi "Contracts between Shippers and Shipping Conferences", Brinkman-ship Ltd, février 1996, p. 26.

(138) Communiqué de presse de Sea-Land.

(139) Voir à cet égard "The Effectiveness of Collusion under Antitrust Immunity - The Case of Liner Shipping Conferences", Paul S Clyde et James D Reitzes, Bureau of Economics Staff Report, Federal Trade Commission, décembre 1995 : "Nous constatons que le niveau des taux de fret est nettement inférieur sur les axes où les membres de la conférence sont libres de négocier des contrats de services avec les chargeurs".

(140) Cet effet est particulièrement important pour les chargeurs "de pointe" : volumes élevés (1 000 EVP ou plus par an), couverture mondiale (les trois principaux trafics plus d'autres) et services à valeur ajoutée (entreposage, étiquetage, etc.).

(141) "US Advisory Commission on Conferences in Ocean Shipping".

(142) Voir la (première) lettre adressée par Lovell White Durrant à la Commission en date du 3 mai 1995.

(143) Voir la (première) lettre adressée par Lovell White Durrant à la Commission en date du 3 mai 1995 : "Cette disposition relative aux indemnités forfaitaires transpose une prescription du droit américain selon laquelle les engagements minimaux en termes de volume et de valeur de fret doivent être appréciables (voir règlement de la FMC, paragraphe 46, 514.17 d) vii) qui dispose : 'la clause obligatoire n° 7 prévoit des indemnités forfaitaires en cas d'inexécution du contrat')."

(144) Voir l'article 3, paragraphe 21, de l'US Shipping Act de 1984 "[...] le contrat peut aussi contenir des clauses en cas d'inexécution par l'une ou l'autre partie" et l'article 8, lettre c), "les conditions essentielles du contrat comprennent [...] les indemnités forfaitaires à verser en cas d'inexécution, le cas échéant" (mise en évidence ajoutée).

(145) Voir l'arrêt de la Cour de justice du 27 avril 1994 dans l'affaire C-393-92, Gemeente Almelo et autres contre Enerjiebedrijf ljsselmij NV, Recueil 1994, p. I-1477, points 42 et 43 des motifs. Voir aussi les conclusions de l'avocat général M. Darmon, point 117.

(146) Voir l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 dans les affaires jointes T-68-89, T-77-89 et T-78-89, SIV et autres contre Commission, "Verre plat", Recueil 1992, p. II-1403, points 357 à 359 des motifs.

(147) Voir l'arrêt CEWAL, précité (note 113), point 64 des motifs.

(148) Voir l'arrêt "Verre plat", précité (note 145), point 343 des motifs.

(149) Voir l'arrêt CEWAL, precité (note 113), point 65 des motifs.

(150) Voir arrêt de la Cour de justice du 6 mars 1974 dans les affaires jointes 6-73 et 7-73, Commercial Solvents, Recueil 1974, p. 223 : "Après tout, le consommateur ne s'intéresse qu'aux produits finis et c'est le préjudice causé au consommateur, qu'il soit direct ou indirect, que vise l'article 86 [...]", conclusions de l'avocat général J. P. Warner, p. 270.

(151) Arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979 dans l'affaire 85-76, Hoffman-La Roche contre Commission, Recueil 1979, p. 461, points 38 et 39 des motifs. Voir aussi arrêt du 8 juin 1971 dans l'affaire 78-70, Deutsche Grammophon contre Metro, Recueil 1971, p. 487, point 17 des motifs, "la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur une partie importante du marché à prendre en considération, compte tenu notamment de l'existence éventuelle de producteurs écoulant des produits similaires et de leur position sur le marché", et arrêt du 9 novembre 1983 dans l'affaire 322-81, NV Nederlandse Banden-Industrie Michelin NV contre Commission, Recueil 1983, p. 3461, point 48 des motifs, "la constatation d'une position dominante pour un produit n'exige pas l'absence totale de concurrence d'autres produits partiellement interchangeables, dès lors que cette concurrence ne met pas en cause le pouvoir de l'entreprise d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice".

(152) Arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991 dans l'affaire C-62-86, Akzo Chemie BV, Recueil 1991, p. I-3359, point 60 des motifs, où la Cour a estimé que "des parts (de marché) extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante".

(153) Voir arrêt CEWAL, précité (note 113), point 77 des motifs.

(154) Il convient d'établir ici une comparaison avec le tarif terrestre où les taux ne sont pas fixés par produit et ne varient pas en fonction de la valeur des marchandises se trouvant dans le conteneur, mêmes s'il peut y avoir quelques variations suivant que le conteneur est un EVP ou un EQP. Dans sa décision TAA, la Commission a reconnu que les parties au TAA n'avaient pas éliminé la concurrence en ce qui concerne le transport terrestre de conteneurs.

(155) La discrimination de prix est reconnue comme un des indicateurs directs les plus fréquemment cités de la puissance de marché, notamment quand l'absence de différences de coûts est flagrante. Voir, par exemple, B. Hawk, États-Unis, "Common Market and International Antitrust", paru en 1990, p. 790. Voir aussi F. M. Scherer et David Ross, "Industrial Market Structure and Economic Performance", chapitre 13 (Houghton Mifflin, 1990).

(156) La présente décision n'aborde pas la question de savoir si l'accord entre les parties au TACA concernant les caf remplit les conditions prévues à l'article 4 du réglement (CEE) n° 4056-86.

(157) Affaire 27-76, United Brands, Recueil 1978, p. 207.

(158) Source : "Lloyd's Shipping Economist".

(159) Arrêt United Brands, précité (note 157), points 125 à 128 des motifs.

(160) Décision 88-501-CEE de la Commission (IV-31.043 - Tetra Pak I) (JO L 272 du 4.10.1988, p. 27), considérants 41 à 43, confirmée par l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1990 dans l'affaire T-51-89, Tetra Pak contre Commission, Recueil 1990, p. II-309, points 25, 29 et 30 des motifs.

(161) Arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973 dans l'affaire 6-72 :Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc contre Commission, Recueil 1973, p. 215. Voir aussi son arrêt du 11 avril 1989 dans l'affaire 66-86 ; Ahmed Saeed, Recueil 1989, p. 803, conclusions de l'avocat général Lenz.

(162) Voir arrêts Cewal précité (note 113), point 106, et Tetra Pak précité (note 160), point 114 des motifs.

(163) Voir arrêt Continental Can précité (note 161), point 26 des motifs.

(164) Voir arrêt Nederlandsche Banden-Industrie précité (note 151), point 57 des motifs.

(165) Arrêt de la Cour de justice du 23 avril 1991 dans l'affaire C-41-90 : Höfner et Elser contre Macrotron, Recueil 1991, p. I-1979, points 32 et 33 des motifs. Arrêt du Tribunal de première instance du 1er avril 1993 dans l'affaire T-65-89 ; BPB Industries et British Gypsum/contre Commission, Recueil 1993, p. II-389.

(166) Arrêt de la Cour de justice du 4 mai 1988 dans l'affaire 30-87 : Bodson/contre Pompes funèbres des régions libérées, Recueil 1988, p. 2479, point 24 des motifs.

(167) Voir le sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 décrivant l'effet que peuvent avoir sur les ports de la Communauté les pratiques restrictives en matière de transport maritime international.

(168) Voir la décision 93-50-CEE de la Commission (IV-32.745, Astra) (JO L 20 du 28.1.1993, p. 23) considérants 32 et 33, concernant une entreprise commune entre BT et SES. Les restrictions vis-à-vis des tiers ont consisté dans l'exclusion d'autres fournisseurs (potentiels) de liaisons montantes ; de plus, le choix des consommateurs était limité, puisque les consommateurs britanniques étaient obligés d'accepter le service de liaison montante offert par BT s'ils voulaient retransmettre leurs programmes par le satellite Astra. Les contrats avec les tiers ont été signés à une époque où les tiers n'avaient pas le choix de conclure des contrats séparés pour deux services différents. Les termes de ces contrats ont été déterminés par BT et SES "dans le contexte de leurs accords relatifs à l'entreprise commune".

(169) Voir décision Astra précitée (note 168), considérant 33.

(170) Voir décision 93-252-CEE de la Commission (IV-33.440 et IV-33.486, Gillette) (JO L 116 du 12.5.1993, p. 21) considérant 34. Gillette avait pris une participation dans le capital d'Eemland, la société qui a racheté les activités européennes et américaines de Wilkinson Sword. Gillette a acheté les activités de cette entreprise dans le reste du monde. Les accords qui présentent un intérêt pour la présente affaire étaient un accord de vente hors CEE, un accord de propriété intellectuelle et un accord de fourniture. Dans sa décision, la Commission a exigé que Gillette cède sa participation dans le capital d'Eemland et rétrocède à Eemland les activités de Wilkinson Sword.

(171) Voir décision Astra précitée (note 167), considérant 33.

(172) Comme la Cour de justice l'a dit pour droit (voir arrêt du 7 juin 1983 dans les affaires jointes 100 à 103-80 ; Musique diffusion française contre Commission, Recueil 1983, p. 1825), ce pourcentage porte sur le chiffre d'affaires total de l'entreprise. Voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1991 dans l'affaire T-30-89 ; Hilti contre Commission, Recueil 1991, II-1439, point 131.

(173) Voir arrêt Ahmed Saeed précité (note 161), point 32 des motifs.

(174) Décision de la Commission du 26 novembre 1996, C (95) 3414 final.

(175) Voir "The Effectiveness of Collusion under Antitrust Immunity - The Case of Liner Shipping Conferences", Paul S. Clyde et James D. Reitzes, Bureau of Economics Staff Report, Federal Trade Commission, décembre 1995 : "nous constatons que le niveau des taux de fret est sensiblement moins élevé sur les routes où les membres des conférences sont libres de négocier des contrats de services [individuels] avec les chargeurs".

(176) Le 18 octobre 1996, "The Journal of Commerce" faisait le commentaire suivant : "L'Atlantique est le seul grand trafic où la guerre des prix n'ait pas fait rage cette année. Alors que les prix ont chuté fortement sur les trafics Pacifique et Europe-Asie l'année dernière, les taux de fret sur l'Atlantique sont restés relativement stables."

(177) Drewry, Global Container Markets, Londres 1996, p. 8.

(178) Décision 94-210-CE de la Commission (HOV SVZ/MCN) (JO L 104 du 23.4.1994, p. 34) considérant 259.

ANNEXE I

Liste des parties au TACA

Sea-Land Service, Inc.,

6000 Carnegie Blvd

Charlotte

NC 28209

USA

AP Møller-Maersk Line

50 Esplanaden

DK - 1098 Copenhague K

Atlantic Container Line AB

Sydatlanten

Skandiahamnen

S - 40336 Gothenburg

Hanjin Shipping Co Ltd

51 Sogong-Dong

Chung-Ku, Séoul

Corée

Hapag-Lloyd Container Linie GmbH

Ballindamm 25

D - 20095 Hamburg

P & O Nedlloyd Container Line Ltd

Beagle House,

Braham Street,

Londres E1 8EP

United Kingdom

Mediterranean Shipping Co

40, avenue Eugène Pittard

CH - 1206 Genève

Orient Overseas Container

Line (UK) Ltd,

15th Floor, City Tower,

40 Basinghall Street,

Londres EC2V 5DE

United Kingdom

Polish Ocean Lines

10 Lutego 24

Gdynia 81-364

Pologne

DSR/Senator Lines

Martinistrasse 62-66

D - 28195 Brême

Cho Yang Shipping Co, Ltd

Cheong-Ahm Bldg,

85-3 Seosomun-Dong Chung-Ku,

Séoul

Corée

Neptune Orient Lines Ltd

456 Alexandra Road,

N° 06-00 NOL Building,

Singapore 119962

République de Singapour

Nippon Yusen Kaisha

Yusen Building,

3-2 Marunouchi 2-Chome,

Chiyoda-Ku

Tokyo

Japon

Transportación Marítima Mexicana SA de CV

Av de la Cuspide N° 4755,

Col Parques del Pedregal,

Deleg Tlalpan

14010 Mexico DF

Mexique

Tecomar SA de CV

Benjamin Franklin 232

11800 Mexico DF

Mexique

Hyundai Merchant Marine Co. Ltd

4-10th Floor,

Mukyo Hyundai Building,

96, Mukyo Dong,

Chung-Ku, Séoul

Corée

ANNEXE II

EMPLACEMENT TABLEAU

ANNEXE III

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

ANNEXE IV

Liste des accords en vigueur ou envisagés qui concernent le trafic transatlantique et auxquels les parties au TACA participent (au 8 décembre 1995)

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

"Notes

Aux fins de la présente réponse à la demande de renseignements de la Commission concernant 'tous les autres accords, [...], qui concernent le trafic transatlantique et auxquels les parties au TACA participent' [...] les parties au TACA ont interprété la notion de 'trafic transatlantique' comme synonyme de la couverture géographique des services maritimes entre les ports d'Europe du nord et des États-Unis d'Amérique ; ainsi, un accord de coopération entre deux parties au TACA ou plus concernant, par exemple, l'acheminement terrestre par chemin de fer en Europe ne figure pas dans la liste visée ci-dessus.

La liste fournie ci-dessus ne fait pas état des accords bilatéraux d'échange d'équipements entre parties au TACA. Le système d'échange d'équipements entre les parties au TACA fait l'objet de la notification complémentaire du TACA European Inland Equipment Interchange Arrangement faite à la Commission le 29 novembre 1995.

Enfin, la liste ne reprend pas non plus les accords qui ne se rapportent pas spécifiquement au trafic transatlantique, tels que le International Council of Containership Operators (ICCO) et le Intra-Industry Multi-Modal Committee (IMC), dont sont membres plusieurs parties au TACA, ni les accords relatifs aux opérations au terminal". (Lettre de Lovell White Durrant à la Commission datée du 8 décembre 1995.)

ANNEXE V

Passages d'un groupe de transporteurs à l'autre

[secrets d'affaires]

ANNEXE VI

[secrets d'affaires]