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Décisions

CJCE, 5e ch., 18 juin 1998, n° C-266/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Corsica Ferries France (SA)

Défendeur :

Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto di Genova Coop (arl), Gruppo Ormeggiatori del Golfo di La Spezia Coop (arl), Ministero dei Trasporti e della Navigazione

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gulmann

Avocat général :

M. Fennelly

Juges :

MM. Wathelet (rapporteur), Moitinho de Almeida, Puissochet, Sevon

Avocats :

Mes Conte, Giacomini, Tizzano, Munari, Carbone, Sorda, Roberti, Ferri.

CJCE n° C-266/96

18 juin 1998

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par ordonnance du 5 juillet 1996, parvenue à la Cour le 2 août suivant, le Tribunale di Genova a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 3, 5, 30, 59, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité CE, ainsi que du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L. 378, p. 1).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Corsica Ferries France SA (ci-après "Corsica Ferries") au Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto di Genova Coop arl (le groupe des lamaneurs du port de Gênes, ci-après le "groupe des lamaneurs de Gênes"), au Gruppo Ormeggiatori del Golfo di La Spezia Coop arl (le groupe des lamaneurs du port de La Spezia, ci-après le "groupe des lamaneurs de La Spezia") ainsi qu'au Ministero dei Trasporti e della Navigazione (Ministère des Transports et de la Navigation).

3. Corsica Ferries est une société de droit français qui assure depuis le 1er janvier 1994, en tant qu'entreprise de transport maritime, un service de ligne régulière par car-ferries entre la Corse et certains ports italiens, dont Gênes et La Spezia. Elle utilise à cette fin des navires battant pavillon panaméen, affrétés à temps par Tourship Ltd, établie à Jersey. Corsica Ferries et Tourship Ltd sont toutes deux contrôlées par Tourship SA, société de droit luxembourgeois établie à Luxembourg. Au cours de la période allant de 1994 à 1996, Corsica Ferries a payé aux groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia certaines sommes au titre des opérations de lamanage (amarrage et démarrage des navires) auxquelles ont donné lieu les escales dans ces ports de navires qu'elle exploite.

4. Corsica Ferries a toujours assorti ses paiements de réserves expresses, dans lesquelles elle indiquait que l'obligation de recourir aux services desdits groupes constituait une entrave à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services et que les montants qui lui étaient réclamés résultaient de l'application d'un tarif sans lien avec la réalité des services effectivement fournis et arrêté en violation des règles de concurrence du droit communautaire.

5. Le 2 juillet 1996, Corsica Ferries a, sur le fondement de l'article 633 du Code de procédure civile italien, saisi le Tribunale di Genova d'une requête visant à ce qu'une injonction de payer soit délivrée au groupe des lamaneurs de Gênes pour un montant de 669 838 425 LIT, au groupe des lamaneurs de La Spezia pour un montant de 188 472 802 LIT, ainsi que, solidairement, au ministère des Transports et de la Navigation pour un montant de 858 311 227 LIT, ces montants devant être majorés d'intérêts. Selon Corsica Ferries, la délivrance d'une telle injonction est justifiée par le caractère indu des paiements qu'elle a effectués. Elle a notamment développé à cet égard deux séries d'arguments.

6. En premier lieu, les tarifs pratiqués pour les opérations de lamanage dans les ports en cause au principal n'auraient aucun lien avec le coût des services effectivement rendus aux navires par les lamaneurs et, de surcroît, varieraient d'un port à l'autre, de sorte qu'il y aurait entrave à la fois à la libre prestation des services, garantie dans le secteur des transports maritimes par le règlement n° 4055-86, et à la libre circulation des marchandises, garantie par l'article 30 du traité.

7. En second lieu, ces paiements auraient été imposés en violation des règles du traité en matière de concurrence. Cette violation résulterait non seulement de ce que les tarifs seraient le fruit d'accords entre associations d'entreprises interdits par l'article 85 du traité, mais également de ce que les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia abuseraient, en violation de l'article 86 du traité, de la position dominante qu'ils détiennent sur une partie substantielle du Marché commun, en pratiquant des tarifs inéquitables, en empêchant les entreprises de navigation de recourir à leur propre personnel qualifié pour procéder aux opérations de lamanage et en fixant des tarifs différents selon les ports pour des prestations identiques effectuées au profit de navires identiques.

8. Au soutien de sa demande de condamnation solidaire de la République italienne au paiement des sommes dont elle se prétend créancière, Corsica Ferries se fonde sur la responsabilité qui incomberait à cet État du fait que ce dernier ne serait pas intervenu afin de faire cesser les violations du droit communautaire dont elle s'estime victime.

9. Il ressort de la réglementation applicable au principal que les services de lamanage sont régis par le Codice della navigazione (Code de la navigation, ci-après le "code"), le Regolamento per la navigazione marittima (règlement pour la navigation maritime, ci-après le "règlement") et, pour chaque port, par les dispositions adoptées par l'autorité maritime localement compétente.

10. En vertu des articles 62 et 63 du code, le commandant du port règle et surveille l'entrée et la sortie, le mouvement, l'ancrage et le lamanage des navires dans le port, ordonne les manœuvres d'amarrage et de démarrage, enjoint, en cas de nécessité, d'exécuter d'office les manœuvres ordonnées, aux frais du navire, et, enfin, commande, en cas d'extrême urgence, de couper les amarres.

11. En application de l'article 116 du Code, les lamaneurs entrent dans la catégorie du personnel affecté aux services portuaires. Les règles qui leur sont spécifiques figurent au chapitre VI (articles 208 à 214) du règlement. L'article 209 du règlement confie la réglementation du service des lamaneurs au commandant du port qui assure la régularité du service en fonction des besoins du port et peut notamment, dans les ports où il existe une telle nécessité, constituer les lamaneurs en groupe. Enfin, l'article 212 du règlement prévoit que, dans chaque port, les tarifs relatifs aux opérations de lamanage sont fixés par le commandant de la circonscription maritime.

12. La réglementation spécifique applicable dans le port de Gênes est constituée par le règlement n° 759 du 1er juin 1953, adopté par le président du Consorzio autonomo del porto di Genova (consortium autonome du port de Gênes), qui a institué le groupe des lamaneurs de Gênes, ainsi que par le règlement relatif aux services maritimes et à la police portuaire, adopté le 1er mars 1972, dont l'article 13 énonce que "le recours aux prestations des opérateurs chargés de l'amarrage dans les manœuvres d'amarrage et de démarrage des navires est facultatif.

Au cas cependant où un navire ne ferait pas appel aux prestations des opérateurs chargés de l'amarrage, cette manœuvre doit être exclusivement effectuée par le personnel de bord".

13. Selon la juridiction de renvoi, le second paragraphe de cette disposition rend en fait obligatoire le recours aux services du groupe des lamaneurs de Gênes.

14. La réglementation spécifique applicable dans le port de La Spezia est contenue dans le décret n° 20 du 16 juillet 1968 du commandant de la circonscription maritime de La Spezia. L'article 1er de ce décret institue un groupe d'opérateurs chargés du lamanage. Selon l'article 2, ce groupe "effectue les services d'amarrage et de démarrage des navires en veillant à assurer la sécurité dans le port. Le service en question est obligatoire pour les navires d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux. Les navires d'un tonnage inférieur peuvent faire exécuter la manœuvre en question par le personnel de bord à condition de ne pas gêner le trafic et de ne compromettre ni la sécurité du port ni celle du personnel. Il est formellement interdit de faire appel, pour exécuter les services de lamanage, à toute personne n'appartenant pas au groupe d'opérateurs susmentionné".

15. En ce qui concerne la tarification des opérations de lamanage, la présentation faite dans l'ordonnance de renvoi, qui a pour cadre une procédure sommaire et non contradictoire et qui reproduit en conséquence uniquement les éléments de fait et les arguments de droit exposés par Corsica Ferries, diffère de celle qu'en font les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia, le gouvernement italien et la Commission. Malgré la question écrite posée par la Cour à Corsica Ferries sur ce point, certains aspects n'ont pu être tranchés, les parties maintenant une interprétation divergente à certains égards.

16. D'après l'ordonnance de renvoi, aucun texte législatif ne détermine les critères auxquels doivent se conformer les commandants de chaque port pour fixer les tarifs des services de lamanage. Ces tarifs seraient parfois fixés à la suite d'accords intervenus entre les entreprises du secteur et rendus ensuite exécutoires par un acte administratif.

17. En revanche, selon les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia, le gouvernement italien et la Commission, il faudrait tenir compte de la loi n° 160-89, du 5 mai 1989 (GURI n° 139, du 16 juin 1989), qui dispose, en son article 9, paragraphe 7, que le Ministre de la Marine marchande adopte les règles portant harmonisation au plan national des tarifs relatifs aux services et opérations portuaires, après consultation des organisations syndicales du secteur les plus représentatives au niveau national, des autres partenaires sociaux et des sociétés concernées. La restructuration tarifaire ainsi prévue aurait notamment été réglée par la circulaire n° 8-1994, du 19 septembre 1994, du Ministre de la Marine marchande, qui déterminerait les critères auxquels les autorités portuaires doivent se conformer pour fixer les tarifs.

18. Selon les mêmes parties, les tarifs seraient ainsi calculés sur la base d'une formule qui a pour objet de répartir proportionnellement entre les diverses classes d'usagers des ports les charges liées à l'exécution du service de lamanage. Pour l'application des tarifs, les usagers seraient répartis en différentes catégories, en fonction du tonnage brut des navires, et pourraient prétendre à des réductions propres à certaines catégories de navires, tels les car-ferries, ou liées à la fréquence d'accostage. Le niveau du tarif, valable pour deux années, serait calculé en fonction du chiffre d'affaires global prévu pour chaque groupe de lamaneurs, qui lui-même dépend du volume du trafic dans le port. Avant que n'intervienne la décision de l'autorité portuaire arrêtant le tarif pour chaque port, les intéressés, tant du côté de la demande que de celui de l'offre, pourraient faire valoir leur point de vue.

19. Les tarifs dans les ports de Gênes et de La Spezia ont été respectivement publiés par décrets des 20 octobre et 27 septembre 1994.

20. Selon le Tribunale di Genova, les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia fournissent des prestations de service à Corsica Ferries, qui elle-même offre des services entrant dans le cadre du règlement n° 4055-86, et ces groupes constituent des entreprises au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, disposant de droits exclusifs dans une partie substantielle du Marché commun. Se demandant si la nature des droits exclusifs, le caractère obligatoire du service, les modalités de fixation des tarifs et leur montant peuvent entraver les échanges intra-communautaires des marchandises et des services et amener les entreprises titulaires de ces droits à exploiter leur position dominante d'une façon qui soit abusive et affecte le commerce entre États membres, les coûts étant répercutés sur les entreprises qui effectuent des transports entre États membres, la juridiction nationale a, en conséquence, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

"1) L'article 30 du traité doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'interdiction imposée par la réglementation et/ou par la pratique administrative d'un État membre aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre d'amarrer ou de démarrer leurs navires arrivant dans les ports du premier État membre ou les quittant, à moins qu'ils recourent aux services fournis par une entreprise locale bénéficiant d'une concession exclusive en matière d'amarrage et de démarrage et versent à cette entreprise une rétribution disproportionnée par rapport au coût effectif des services rendus ?

2) Les dispositions combinées du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, et de l'article 59 du traité s'opposent-elles à l'obligation imposée dans un État membre de recourir au service d'amarrage, ce qui suppose l'application aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre de tarifs fixés non par la loi mais, de manière purement discrétionnaire, par l'administration, lorsque leurs navires arrivent dans les ports du premier État membre ou les quittent ?

3) Les dispositions combinées des articles 3, 5, 90, paragraphe 1, 85 et 86 du traité s'opposent-elles à la réglementation et/ou à la pratique administrative d'un État membre qui confèrent à une entreprise établie dans cet État le droit exclusif d'assurer le service d'amarrage, droit qui a une portée telle qu'il permet d'imposer le recours à ce service, d'exiger une rétribution disproportionnée par rapport au coût effectif des prestations et d'appliquer des tarifs résultant d'ententes et/ou de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par l'administration et des conditions tarifaires variant selon les ports alors que les prestations sont équivalentes ?"

Sur la recevabilité

21. Tant le gouvernement italien que les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia ont mis en doute la recevabilité des questions posées pour des motifs liés, d'une part, à la nature de la procédure devant le juge national et, d'autre part, à l'absence de pertinence des questions au regard du litige dont il est saisi.

22. En ce qui concerne, en premier lieu, la nature de la procédure devant le juge national, le gouvernement italien a rappelé qu'il s'agissait d'une procédure sommaire et non contradictoire, qui pouvait être engagée par quiconque poursuit l'exécution d'une créance en vertu d'une preuve écrite afin d'obtenir, sans que l'autre partie soit entendue, une injonction de payer, l'éventuel débat contradictoire n'intervenant qu'ultérieurement lorsque la partie condamnée forme opposition à l'encontre de ladite injonction. Selon le gouvernement italien, l'absence de caractère contradictoire et l'impossibilité d'obtenir des preuves autres que les preuves écrites produites par la requérante empêchent la Cour de disposer des éléments nécessaires pour répondre à des questions portant, en matière de concurrence, sur des situations de fait et de droit complexes.

23. A cet égard, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que le président d'un tribunal italien, statuant dans le cadre de la même procédure d'injonction prévue par le Code de procédure civile italien, exerce une fonction juridictionnelle au sens de l'article 177 du traité et que cet article ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule les questions préjudicielles (arrêt du 17 mai 1994, Corsica Ferries, C-18-93, Rec. p. I-1783, point 12, et jurisprudence citée).

24. Il y a lieu d'ajouter toutefois que, dans le cadre de telles procédures, il est tout aussi nécessaire que la juridiction nationale présente à la Cour un exposé détaillé et complet du contexte factuel et juridique.

25. Force est de constater que, en l'espèce, la description du contexte factuel et juridique présente des insuffisances, empêchant ainsi la Cour de répondre avec la précision souhaitée à certaines des questions qui lui sont soumises. Il demeure que les éléments figurant au dossier permettent à la Cour de se prononcer tout en laissant ouverts certains aspects des réponses aux questions posées.

26. En ce qui concerne la pertinence des questions posées, les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia ont fait valoir que la demande dont est saisi le juge de renvoi a pour objet le remboursement de l'ensemble des sommes que leur a versées Corsica Ferries. Comme ils seraient de toute manière en droit d'obtenir une certaine rétribution puisque des services de lamanage ont été effectivement exécutés, le recours de Corsica Ferries ne remplirait donc pas l'une des exigences posées par l'article 633 du Code de procédure civile italien, à savoir l'existence d'une créance certaine. Ils en concluent que la réponse aux questions préjudicielles serait sans incidence sur la solution à donner au litige.

27. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. Le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal (arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62-93, Rec. p. I-1883, point 10, et du 26 octobre 1995, Furlanis, C-143-94, Rec. p. I-3633, point 12) Tel n'est pas le cas dans l'espèce au principal.

28. La demande préjudicielle est, par conséquent, recevable.

Sur la première question

29. Par sa première question, la juridiction nationale demande en substance si l'article 30 du traité s'oppose à une réglementation d'un État membre qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, dont les navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir, moyennant une rétribution supérieure au coût effectif du service rendu, aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives. La juridiction nationale se demande si, bien que ne concernant pas directement les marchandises, la réglementation au principal est contraire à l'article 30 du traité dans la mesure où elle a pour effet de rendre les transports plus onéreux et donc de faire obstacle aux importations de marchandises en provenance des autres États membres.

30. Il convient de relever que, dans l'affaire au principal, la réglementation frappe indistinctement tout navire, italien ou non, faisant escale dans l'un des ports concernés. L'obligation qu'elle édicte a pour objet le recours, contre rémunération, aux services de lamanage locaux bénéficiant d'une concession exclusive en matière d'amarrage et de démarrage. Quant aux effets éventuels de cette obligation sur la libre circulation des marchandises, il convient d'observer, d'une part, qu'il s'agit essentiellement en l'occurrence de la prestation d'un service de transport maritime qui concerne tout autant les personnes que les marchandises. D'autre part, même s'il ne s'agissait que de transport de marchandises, il ressort du dossier au principal que, pour un navire, le prix des services de lamanage représente moins de 5 % des coûts portuaires, lesquels dans leur ensemble représentent 12 à 14 % du coût du transport, lequel entre dans le coût des produits transportés à concurrence de 5 à 10 %. Le recours aux services de lamanage représenterait un supplément de coût pour les produits transportés d'environ 0,5 %.

31. En conséquence, une réglementation telle que celle au principal ne fait aucune distinction selon l'origine des marchandises transportées, n'a pas pour objet de régir les échanges de marchandises avec les autres États membres et les effets restrictifs qu'elle pourrait produire sur la libre circulation des marchandises sont trop aléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte puisse être regardée comme étant de nature à entraver le commerce entre les États membres (arrêts du 14 juillet 1994, Peralta, C-379-92, Rec. p. I-3453, point 24, et du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto, C-96-94, Rec. p. I-2883, point 41).

32. Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 30 du traité ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, dont les navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir, moyennant une rétribution supérieure au coût effectif du service rendu, aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives.

Sur la troisième question

33. Par sa troisième question, qu'il convient d'examiner avant la deuxième question afin d'utiliser de manière optimale les éléments du contexte factuel et juridique fournis dans le dossier, la juridiction nationale demande, en substance, si les articles 3, 5, 85, 86 et 90 du traité s'opposent à une réglementation d'un État membre qui confère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusif d'assurer le service de lamanage, impose le recours à ce service pour un prix supérieur au coût effectif des prestations et prévoit des tarifs différents selon les ports pour des prestations équivalentes.

34. Les règles de concurrence du traité s'appliquent au secteur des transports (voir arrêts du 17 novembre 1993, Reiff, C-185-91, Rec. p. I-5801, point 12, et du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, C-153-93, Rec. p. I-2517, point 12).

35. Par eux-mêmes, les articles 85 et 86 du traité concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres. Il résulte cependant d'une jurisprudence constante que les articles 85 et 86, lus en combinaison avec l'article 5 du traité, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises(arrêt Centro Servizi Spediporto, précité, point 20, et jurisprudence citée).

Sur les articles 86 et 90 du traité

36. La juridiction de renvoi se demande s'il n'existe pas, dans le chef des groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia, un abus de la position dominante qu'ils détiennent sur une partie substantielle du Marché commun grâce aux droits exclusifs qui leur ont été conférés par les autorités publiques italiennes.

37. L'abus invoqué en l'espèce revêtirait trois aspects. Il résiderait dans l'octroi de droits exclusifs aux groupes locaux de lamaneurs, qui empêcherait les entreprises de navigation de recourir à leur propre personnel pour procéder aux opérations de lamanage, dans le caractère excessif du prix du service, qui serait sans lien avec le coût réel du service effectivement rendu, et dans la fixation de tarifs différents selon les ports pour des prestations équivalentes.

38. S'agissant de la délimitation du marché en cause, il ressort de la décision de renvoi que ce marché est celui de l'exécution, pour le compte de tiers, d'opérations de lamanage dans les ports de Gênes et de La Spezia. Compte tenu notamment du volume du trafic dans les ports en cause et de l'importance de ces ports au regard des échanges intra-communautaires, ces marchés peuvent être chacun considérés comme constituant une partie substantielle du Marché commun (arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C-179-90, Rec. p. I-5889, point 15, et du 12 février 1998, Raso e.a., C-163-96, non encore publié au Recueil, point 26).

39. En ce qui concerne l'existence de droits exclusifs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal sur une partie substantielle du Marché commun peut être considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 86 du traité (arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 28 du 18 juin 1991, ERT, C-260-89, Rec. p. I-2925, point 31 Merci convenzionali porto di Genova, précité, point 14, et Raso e.a., précité, point 25).

40. Il y a lieu de préciser ensuite que, si le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits exclusifs, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité, un État membre enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (arrêts Höfner et Elser, précité, point 29 ERT, précité, point 37 Merci convenzionali porto di Genova, précité, point 17 du 5 octobre 1994, Centre d'insémination de la Crespelle, C-323-93, Rec. p. I-5077, point 18, et Raso ea, précité, point 27).

41. Il en résulte qu'un État membre peut, sans enfreindre l'article 86 du traité, accorder des droits exclusifs pour la prestation des services de lamanage dans ses ports à des groupes locaux de lamaneurs dans la mesure où ces derniers n'exploitent pas leur position dominante de façon abusive ou ne sont pas nécessairement amenés à commettre de tels abus.

42. Pour exclure l'existence de pareils abus, les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia invoquent l'article 90, paragraphe 2, du traité. Il ressort notamment de cette disposition que les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général ne sont soumises aux règles de concurrence du traité que dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. L'article 90, paragraphe 2, du traité précise encore que, pour qu'il trouve à s'appliquer, il faut en outre que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

43. Ils soutiennent que les tarifs appliqués sont indispensables au maintien d'un service universel de lamanage. D'une part, les tarifs comporteraient une composante correspondant au supplément de coût qu'implique le maintien d'un service universel de lamanage. D'autre part, les différences de tarifs d'un port à l'autre qui, au vu du dossier, résultent de la prise en compte, lors du calcul des tarifs, de facteurs de correction reflétant l'influence des circonstances locales - ce qui tendrait à indiquer que les prestations fournies ne sont pas équivalentes - se justifieraient par les caractéristiques du service et la nécessité d'assurer la couverture universelle de celui-ci.

44. Il y a donc lieu de rechercher si la dérogation à l'application des règles du traité prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité peut trouver à s'appliquer. A cet effet, il convient d'examiner si le service de lamanage peut être considéré comme un service d'intérêt économique général au sens de cette disposition et, dans l'affirmative, d'une part, si l'accomplissement de cette mission particulière ne peut être assuré qu'au moyen de services dont la rémunération est supérieure au coût effectif des prestations et dont les tarifs diffèrent selon les ports et, d'autre part, si le développement des échanges n'est pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C-157-94, Rec. p. I-5699, point 32).

45. Il résulte du dossier au principal que les opérations de lamanage revêtent un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d'autres activités économiques et qui est susceptible de les faire rentrer dans le champ d'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité. En effet, les lamaneurs sont tenus de fournir à tout moment et à tout usager un service universel de lamanage, et ce pour des raisons de sécurité dans les eaux portuaires. En tout état de cause, la République italienne a pu considérer qu'il était nécessaire à des fins de sécurité publique d'octoyer à des groupes locaux d'opérateurs le droit exclusif d'assurer le service universel de lamanage.

46. Dans ces conditions, il n'est pas incompatible avec les articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité d'inclure dans le prix du service une composante destinée à couvrir le coût du maintien du service universel de lamanage, pour autant qu'elle corresponde au supplément de coût qu'impliquent les caractéristiques spécifiques de ce service, et de prévoir, pour ce service, des tarifs différents en fonction des caractéristiques propres à chaque port.

47. Par conséquent, dès lors que les groupes de lamaneurs ont effectivement été chargés par l'État membre de la gestion d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité et que les autres conditions d'application de la dérogation à l'application des règles du traité prévue par cette disposition sont réunies, une réglementation telle que celle de l'espèce ne constitue pas une violation de l'article 86 du traité, lu en combinaison avec l'article 90, paragraphe 1.

Sur l'article 85 du traité

48. La juridiction nationale s'interroge également sur la compatibilité du processus de fixation des tarifs des services de lamanage avec l'article 85 du traité.

49. La Cour a jugé qu'il y a violation des articles 5 et 85 du traité lorsqu'un État membre soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 85 ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention d'intérêt économique(arrêt Centro Servizi Spediporto, précité, point 21, et jurisprudence citée).

50. A cet égard, il convient de relever, d'une part, que le dossier dans l'affaire au principal ne révèle pas l'existence d'une entente au sens de l'article 85 du traité.

51. En effet, si les groupes de lamaneurs constituent effectivement des entreprises au sens de cette dernière disposition, un accord entre ces groupes au niveau national, s'il existe, n'aboutit pas à fixer un prix commun pour tous les ports puisque le tarif est calculé sur la base d'une formule mathématique à laquelle sont appliqués divers facteurs de correction liés aux caractéristiques de chaque port.Par ailleurs, même s'il était démontré que les ports sont en concurrence au sein d'un même marché géographique, ce qui est présumé dans l'ordonnance de renvoi, il demeure difficile de percevoir les effets restrictifs d'un éventuel accord dans la mesure où des droits exclusifs sont octroyés dans chacun des ports concernés et où il n'existe donc pas de concurrent potentiel au groupe de lamanage local. En conséquence, il ne ressort pas du dossier au principal qu'il y ait un accord entre entreprises ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

52. D'autre part, il y a lieu de constater qu'il ne ressort pas non plus du dossier au principal que les autorités italiennes aient délégué leurs compétences en matière de fixation des tarifs aux groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia. En effet, dans chacun des ports concernés, les tarifs des services de lamanage ont été fixés par l'autorité maritime locale, en application de l'article 212 du règlement, sur la base d'une formule générale, déterminée au niveau national par les pouvoirs publics, et après consultation non seulement des groupes de lamaneurs concernés, mais également des représentants des utilisateurs et des agents maritimes des ports de Gênes et de La Spezia. La participation des lamaneurs à la procédure administrative d'élaboration des tarifs ne saurait être considérée comme étant une entente entre opérateurs économiques que les pouvoirs publics ont imposée ou favorisée ou dont ils ont renforcé les effets.

53. En conséquence, l'article 85 du traité ne s'oppose pas à une réglementation telle que celle en cause dans le litige au principal.

54. Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre que les dispositions combinées des articles 5, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce,

- qui confère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusif d'assurer le service de lamanage,

- qui impose le recours à ce service pour un prix qui, au-delà du coût effectif des prestations, comprend le supplément qu'implique le maintien d'un service universel de lamanage, et

- qui prévoit des tarifs différents selon les ports pour tenir compte des caractéristiques propres à chacun de ceux-ci.

Sur la deuxième question

55. Par sa deuxième question, la juridiction nationale demande en substance si les dispositions combinées du règlement n° 4055-86 et de l'article 59 du traité s'opposent à une réglementation d'un État membre qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, lorsque leurs navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir moyennant rémunération aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives.

56. Selon une jurisprudence constante, l'article 59 du traité exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber ou à gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État membre dans lequel il fournit légalement des services analogues (arrêts du 25 juillet 1991, Säger, C-76-90, Rec. p. I-4221, point 12, et du 5 juin 1997, SETTG, C-398-95, Rec. p. I-3091, point 16).

57. A cet égard, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 35 de ses conclusions, le régime contesté ne semble comporter aucune discrimination ostensible ou déguisée contraire aux articles 59 du traité et 9 du règlement n° 4055-86.

58. D'une part, l'obligation, dans le port de Gênes, de recourir aux services de lamanage fournis par le groupe des lamaneurs de Gênes s'applique à toutes les entreprises de transport maritime sans distinction. D'autre part, dans le port de La Spezia, tous les exploitants de navires d'un tonnage brut de plus de 500 tonneaux doivent recourir aux services du groupe des lamaneurs de La Spezia. Une entreprise telle que Corsica Ferries, qui exploite des car-ferries, est donc soumise à la même obligation de recourir aux services de lamanage que les entreprises italiennes de transport utilisant des navires d'une taille équivalente.

59. Il convient de préciser à titre liminaire que, s'agissant d'une éventuelle entrave à la libre prestation du service de lamanage, il suffit de renvoyer aux développements consacrés à l'application de la dérogation aux règles du traité prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité pour conclure qu'une telle entrave, si elle existe, n'est pas contraire à l'article 59 du traité, dès lors que les conditions d'application de l'article 90, paragraphe 2, sont réunies.

60. S'agissant de l'existence éventuelle d'une restriction à la libre prestation des services de transport maritime, il y a lieu d'observer que le service de lamanage constitue un service technique nautique essentiel au maintien de la sécurité dans les eaux portuaires, qui présente les caractéristiques d'un service public (l'universalité, la continuité, la satisfaction d'exigences d'intérêt public, la réglementation et la surveillance par l'autorité publique). Dès lors, sous la réserve que le supplément de prix par rapport au coût effectif de la prestation corresponde bien au supplément de coût qu'implique le maintien d'un service universel de lamanage, l'obligation de recourir à un service de lamanage local, même si elle était susceptible de constituer une gêne ou une entrave à la libre prestation des services de transport maritime, pourrait être justifiée, au titre de l'article 56 du traité CE, par des considérations de sécurité publique invoquées par les groupes de lamaneurs et sur la base desquelles a été adoptée la réglementation nationale sur le lamanage.

61. En conséquence, il convient de répondre à la deuxième question que les dispositions du règlement n° 4055-86 et de l'article 59 du traité ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, lorsque leurs navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir moyennant rémunération aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives. Une telle réglementation, même si elle constituait une entrave à la libre prestation des services de transport maritime, serait, en effet, justifiée par des considérations de sécurité publique au sens de l'article 56 du traité.

Sur les dépens

62. Les frais exposés par le gouvernement italien ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale di Genova, par ordonnance du 5 juillet 1996, dit pour droit:

1) L'article 30 du traité CE ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, dont les navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir, moyennant une rétribution supérieure au coût effectif du service rendu, aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives.

2) Les dispositions combinées des articles 5, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité CE ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce,

- qui confère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusif d'assurer le service de lamanage,

- qui impose le recours à ce service pour un prix qui, au-delà du coût effectif des prestations, comprend le supplément qu'implique le maintien d'un service universel de lamanage, et

- qui prévoit des tarifs différents selon les ports pour tenir compte des caractéristiques propres à chacun de ceux-ci.

3) Les dispositions du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, et de l'article 59 du traité CE ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, lorsque leurs navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir moyennant rémunération aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives Une telle réglementation, même si elle constituait une entrave à la libre prestation des services de transport maritime, serait, en effet, justifiée par des considérations de sécurité publique au sens de l'article 56 du traité CE.