TPICE, 3e ch. élargie, 14 mai 1998, n° T-352/94
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mo och Domsjö (AB)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Briët, Potocki, Cooke, Mme Lindh
Avocats :
Mes Woodgate, Martin Smith, Vincent Smith.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
Faits à l'origine du litige
1. La présente affaire concerne la décision 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-C-33. 833 - Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après "décision"). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
2. Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton, désignés comme relevant des qualités "GC", "GD" et "SBS", sont mentionnés dans la décision.
3. Le carton de qualité GD (ci-après "carton GD") est un carton à intérieur gris (papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non alimentaires.
4. Le carton de qualité GC (ci-après "carton GC") est un carton présentant une couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD. Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.
5. SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après "carton SBS"). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations graphiques.
6. Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni (ci-après "BPIF"), a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée dans le courant du mois de décembre 1990.
7. Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.
8. Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.
9. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous les destinataires de la décision.
10. Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
11. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.
12. Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:
"Article premier
Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr- Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Españnola SA (anciennement Tampella Españnola SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:
-dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,
-dans le cas de Enso Españnola, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,
-dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,
-dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:
-se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,
-ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,
-ont planifié et mis en œuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,
-se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,
-ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en œuvre desdites augmentations de prix concertées,
-ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.
[. . . ]
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:
[. . . ]
xii)Mo Och Domsjö AB, une amende de 22 750 000 écus;
[. . . ]"
13. Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé "Groupe d'étude de produit Carton" (ci-après "GEP Carton"), composé de plusieurs groupes ou comités.
14. Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un "Presidents Working Group" (ci-après "PWG") réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).
15. Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en œuvre par les fabricants.
16. Le PWG faisait rapport à la "President Conference" (ci-après "PC") à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.
17. A la fin de l'année 1987 a été créé le "Joint Marketing Committee" (ci-après "JMC"). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en œuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.
18. Enfin, le comité économique (ci-après "COE") débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.
19. Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.
20. La décision précise les raisons pour lesquelles la requérante Mo och Domsjö AB (ci-après "MoDo") en est destinataire (points 151 et suivants des considérants). Il en ressort que Thames Board Ltd (ci-après "TBM"), fabricant de carton GC possédant une cartonnerie située à Workington (Royaume-Uni), a participé aux réunions des organes du GEP Carton, y compris aux réunions du PWG, dès le milieu de l'année 1986. Avec effet au 1er janvier 1988, TBM a été achetée à hauteur de 100 % par AB Iggesunds Bruk (ci-après "Iggesunds Bruk"), société associée de MoDo, dont MoDo détenait 49,9 % des droits de vote. La raison sociale de TBM a été ensuite changée en Iggesund Paperboard (Workington) Ltd.
21. Jusqu'à l'acquisition de TBM, Iggesunds Bruk produisait principalement du carton SBS; elle produisait également, dans une proportion moindre, du carton GC. MoDo a pris le contrôle d'Iggesunds Bruk à hauteur de 100 % au début de l'année 1989 et en a fait une division du groupe, dénommée Iggesund Paperboard AB (ci- après "Iggesund Paperboard"). Des représentants de cette division ont assisté aux réunions du PWG et du JMC. Des cadres et des employés venant de Workington ont également assisté aux réunions du JMC.
Procédure
22. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 octobre 1994, la requérante a introduit le présent recours.
23. Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-295-94, T-301-94, T-304-94, T-308-94, T-309-94, T-310-94, T-311-94, T-317-94, T-319-94, T-327-94, T-334-94, T-337-94, T-338-94, T-347-94, T-348-94 et T-354-94).
24. La requérante dans l'affaire T-301-94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann Karton/Commission (T-301-94, non publiée au Recueil).
25. Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339-94, T-340-94, T-341-94 et T-342-94).
26. Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312-94, non publiée au Recueil).
27. Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la jonction éventuelle des affaires T-295-94, T-304-94, T- 308-94, T-309-94, T-310-94, T-311-94, T-317-94, T-319-94, T-327-94, T-334-94, T-337-94, T-338-94, T- 347-94, T-348-94, T-352-94 et T-354-94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.
28. Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-334-94.
29. Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337-94 relativement à un document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.
30. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.
31. Les parties dans les affaires mentionnées au point 27 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.
Conclusions des parties
32. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
-annuler la décision dans la mesure où elle la concerne;
-annuler l'article 2;
-annuler l'amende ou en réduire le montant;
-condamner la Commission aux dépens.
33. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
-condamner la requérante aux dépens.
Sur la demande d'annulation de la décision
34. L'ordonnancement des moyens traités dans le présent arrêt est distinct de celui du rapport d'audience. En effet, certains moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation de la décision ne peuvent conduire qu'à la réduction du montant de l'amende et doivent, dès lors, être examinés dans ce cadre.
A - Sur les moyens tirés de violations des formes substantielles
Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation
Arguments des parties
35. La requérante fait valoir que la décision est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle ne fait pas apparaître comment ont été appréciés certains des éléments de preuve et arguments invoqués durant la procédure administrative.
36. En premier lieu, ses arguments visant à contester la valeur probante des déclarations de Stora auraient probablement été mal compris par la Commission (voir point 108 des considérants de la décision). En effet, Stora aurait pu être influencée par les conséquences probables de ses déclarations. La Commission n'aurait donc pas dû s'appuyer sur ces déclarations.
37. En outre, si la Commission a parfois suivi aveuglément les déclarations de Stora, elle aurait cependant tiré quelques conclusions incompatibles avec celles-ci, ou divergentes.
38. La requérante évoque, dans ce contexte, de nombreux points sur lesquels la Commission n'aurait pas suivi les déclarations de Stora. Cela concernerait, notamment, l'affirmation selon laquelle l'infraction alléguée n'a eu, sous certains aspects, que peu d'effets sur le marché, les affirmations tendant à démontrer que les clients ont eu un pouvoir considérable, la déclaration selon laquelle les échanges d'informations ne comportaient pas la communication de la durée des commandes en carnet et, enfin, la déclaration selon laquelle le but principal de la collecte des données sur les commandes reçues était de permettre aux sociétés de contrôler leurs performances sur le marché.
39. La Commission n'aurait pas davantage tenu dûment compte de certaines observations contenues dans les déclarations de Stora. La requérante se reporte, à cet égard, aux points 3, 11, 12 et 28 de la deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs) et au point 1. 1 de sa troisième déclaration (annexe 43 à la communication des griefs).
40. La Commission aurait donc suivi une approche inéquitable en ce qui concerne les déclarations de Stora puisqu'elle ne les aurait suivies qu'en l'absence de preuves supplémentaires. Elle aurait, en revanche, retenu la preuve la plus défavorable pour les destinataires de la décision lorsqu'il existait des éléments de preuve autres que les déclarations.
41. En second lieu, la Commission n'aurait pas apprécié correctement un rapport du London Economics (ci- après "rapport LE"), établi pour le compte de plusieurs entreprises destinataires de la décision et visant à expliquer les phénomènes de marché observés par la Commission. La requérante aurait, de plus, fourni des données à la Commission pour démontrer que ses coûts relatifs à la production de l'usine de Workington avaient augmenté presque autant que les prix pratiqués, en dépit de la forte demande au cours de la période en cause.
42. En troisième lieu, l'insinuation selon laquelle la requérante aurait délibérément dissimulé des éléments de preuve afin de faire obstacle à l'enquête (point 116 des considérants de la décision) serait dépourvue de fondement.
43. Enfin, la décision révélerait que la possibilité que Unilever plc, propriétaire de TBM avant l'acquisition de cette société par Iggesunds Bruk, soit responsable d'une partie de l'infraction alléguée n'a pas été examinée.
44. La Commission rappelle qu'elle n'est pas tenue de répondre en détail sur chaque point soulevé dans les réponses à la communication des griefs (voir arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck ea/Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 66) et qu'elle a examiné, conformément à ses obligations, les preuves et arguments avancés par la requérante et répondu dans la décision aux éléments pertinents pour ses conclusions.
45. Pour ce qui est des arguments de la requérante relatifs à la fiabilité des déclarations de Stora, la Commission les aurait compris et en aurait tenu compte. Elle n'aurait simplement pas été d'accord avec la requérante. En effet, comme indiqué aux points 112 et 113 des considérants de la décision, les déclarations seraient étayées par de nombreux documents. En outre, il semblerait absurde d'affirmer que la Commission a suivi aveuglément les déclarations de Stora et de lui faire grief de ne pas avoir suivi ces déclarations dans les moindres détails.
46. En ce qui concerne le rapport LE, la Commission se réfère, pour l'essentiel, aux arguments qu'elle invoque pour démontrer qu'elle a correctement apprécié les effets de l'entente sur le marché (voir ci-après points 289 et suivants).
47. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission n'aurait jamais affirmé qu'elle a dissimulé des preuves au cours de la procédure administrative.
48. Enfin, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a déclaré qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve permettant de considérer que Unilever plc était impliquée dans l'entente.
Appréciation du Tribunal
49. Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté(voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49-95, Rec. p. II-1799, point 51). Si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative(voir, notamment, arrêt Van Landewyck ea/Commission, précité, point 66).
50. S'agissant des déclarations de Stora, la Commission a expliqué, aux points 112 et 113 des considérants de la décision, qu'elles sont, sur les points essentiels, étayées par d'autres éléments de preuve.
51. Le fait que la Commission n'ait pas suivi l'ensemble des affirmations contenues dans les déclarations de Stora ne saurait constituer une insuffisance ou un défaut de motivation de la décision. En effet, les arguments de la requérante ne visent, en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission relative à la fiabilité des déclarations de Stora. Or, de tels arguments relevant de l'examen du bien-fondé de la décision, ils sont, dans le présent contexte, dénués de pertinence.
52. Il en va de même en ce qui concerne l'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n'aurait correctement apprécié ni le rapport LE ni les éléments de preuve fournis par la requérante afin de démontrer que l'évolution de ses coûts suivait celle des prix pratiqués.
53. S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel il serait insinué à tort dans la décision qu'elle avait délibérément dissimulé des éléments de preuve afin de faire obstacle à l'enquête, il suffit de constater que la décision ne contient pas une telle insinuation. Comme la Commission l'a souligné à juste titre, le point des considérants auquel se reporte la requérante ne concerne que les mesures prises par les participants à l'entente afin d'en dissimuler l'existence. L'appréciation de la Commission à ce sujet est expliquée en détail dans la décision (voir, notamment, point 73 des considérants).
54. Enfin, la requérante n'a fourni aucun élément de preuve durant la procédure administrative devant la Commission démontrant que Unilever plc aurait été impliquée dans l'entente, en tant qu'ancienne société mère de TBM. Dans ces conditions, ne saurait constituer un défaut de motivation le fait que la Commission n'a pas examiné, dans la décision, si la décision pouvait être adressée à Unilever plc pour qu'elle réponde d'une partie de l'infraction commise par TBM.
55. Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense
Arguments des parties
56. La requérante fait valoir que la motivation de la décision se réfère à des éléments de preuve qui n'ont pas été exposés dans la communication des griefs, ce qui constituerait une violation de ses droits de la défense.
57. Cela concernerait une grande partie des affirmations relatives à la prétendue politique du "prix avant le tonnage", le fait que la Commission considère que l'échange d'informations de la Fides enfreignait par lui-même l'article 85 du traité et, enfin, le fait que la Commission estime que l'augmentation des prix de 1987 au Royaume- Uni était le résultat d'une concertation.
58. En outre, bien qu'il ait été admis dans la communication des griefs que l'offre et la demande avaient été en équilibre pendant au moins trois ou quatre ans avant 1991, la décision contiendrait des indications moins favorables, notamment en ce qu'elle indique, à plusieurs reprises, que des arrêts de production ont eu lieu en 1990 (voir, par exemple, point 134 des considérants).
59. Enfin, des données relatives à des augmentations de prix opérées au mois d'octobre 1988 par Iggesunds Bruk aux Pays-Bas et par Feldmühle (du groupe Stora) en Belgique ainsi que des données relatives à une augmentation de prix réalisée au mois d'octobre 1989 par Enso-Gutzeit en Italie auraient été ajoutées dans les tableaux annexés à la décision par rapport à ceux joints à la communication des griefs.
60. La Commission conteste que la communication des griefs n'ait pas contenu tous les éléments relatifs à la politique du "prix avant le tonnage". De même, la communication des griefs aurait fait apparaître que l'augmentation de prix opérée en 1987 au Royaume-Uni était le résultat d'une concertation (p. 68 et 69 et annexe concernant la fixation des prix y mentionnée).
61. Elle rappelle que la communication des griefs initiale n'a concerné que le système d'échange d'informations de la Fides, lié au fonctionnement de l'entente dans son ensemble. Il n'y aurait donc pas eu lieu de se prononcer sur l'illégalité éventuelle du système en lui-même. Toutefois, l'addendum à la communication des griefs aurait précisé que le système mis en place après juillet 1991 continuait de constituer une infraction à l'article 85 du traité.
62. Enfin, il n'existerait aucune contradiction entre les indications relatives à l'offre et à la demande contenues dans la communication des griefs et celles contenues dans la décision.
Appréciation du Tribunal
63. Il ressort d'une jurisprudence constante que la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive (voir, notamment, arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö ea/Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85, et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 42).
64. En l'espèce, l'argument de la requérante selon lequel une grande partie des affirmations relatives à la prétendue politique du "prix avant le tonnage" n'aurait pas été exposée dans la communication des griefs doit être écarté. En effet, la requérante ne précise pas en quoi les allégations contenues dans la décision se distingueraient de celles contenues dans la communication des griefs. De plus, la décision ne contient pas de griefs relatifs à la politique du prix avant le tonnage qui n'aient pas été portés à la connaissance de la requérante dans la communication des griefs.
65. L'argument de la requérante selon lequel il n'a pas été soutenu, dans la communication des griefs, que le système d'échange d'informations de la Fides constituait, en soi, une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne saurait davantage être retenu. Il suffit de constater que, selon la décision, ledit système d'échange d'informations ne constituait une violation des règles communautaires de la concurrence qu'en tant que support de l'entente constatée (article 1er, dernier tiret, de la décision, lu à la lumière du point 134, troisième alinéa, des considérants), même si la Commission a estimé que "en fait, dans bien des cas, des données individuelles étaient fournies ou pouvaient être 'reconstituées' sans trop de difficultés" (même point des considérants).
66. S'agissant de l'augmentation concertée des prix au Royaume-Uni au mois de janvier 1987, il apparaît que la communication des griefs l'a reprochée dans des termes suffisamment clairs à certaines entreprises, dont la requérante.
67. Ce grief est notamment exposé dans la communication des griefs (p. 54), dans les termes suivants:
"Une note manuscrite (Annexe 44) couvrant trois pages, du 15 au 17 janvier 1987, de l'agenda de bureau de M. Opladen, de Feldmühle, concerne un échange d'informations sur les prix, les commandes en attente et les temps d'arrêt entre Feldmühle et plusieurs autres producteurs dans le contexte de l'augmentation des prix qui a été appliquée sur le marché britannique en décembre 1986/janvier 1987 (cf. Annexe 61, document trouvé dans les locaux de l'agent commercial de [Mayr-Melnhof] au Royaume-Uni: "Le représentant de Weig était présent à une récente réunion Fides. Il a déclaré qu'ils pensaient que 9 % était trop élevé pour le Royaume-Uni et qu'ils tranchaient à 7 %" . . . etc. ). "
68. De plus, la Commission signale (p. 69 de la communication des griefs):
"Des informations détaillées sur les initiatives concertées en matière de prix prises en Europe occidentale de 1987 à 1991 sont fournies dans l'Annexe sur les prix qui est jointe à la présente communication des griefs.
Des renseignements sont également fournis au sujet de l'initiative en matière de prix prise sur le marché britannique au début de 1987. "
69. Dans l'annexe technique A, à laquelle la communication des griefs se réfère expressément, la Commission expose en détail ses griefs relatifs à l'augmentation des prix au Royaume-Uni en janvier 1987. Il en ressort notamment (p. 4), dans des termes dépourvus d'ambiguïté, qu'il "est évident [. . . ] que cette mesure a été discutée et planifiée au niveau des 'Présidents'".
70. Il s'ensuit que la requérante n'a pas pu ignorer que la Commission lui faisait grief d'avoir participé à une initiative concertée en matière de prix au Royaume-Uni en janvier 1987.
71. Par ailleurs, la requérante affirme à tort que la communication des griefs ne fait pas apparaître que des temps d'arrêt de la production avaient été appliqués en 1990.
72. En effet, selon la communication des griefs (p. 85):
"En 1990, lorsqu'ils ont été confrontés simultanément à un accroissement des capacités et à une baisse de la demande, le système [d'échange d'informations de la Fides] leur a permis de coordonner l'application de temps d'arrêt dans leurs usines respectives et d'éviter ainsi la surproduction et la baisse des prix. "
73. Enfin, en ce qui concerne les données relatives aux augmentations de prix annoncées et mises en œuvre par certains producteurs, il convient de constater que la Commission ne conteste pas l'affirmation de la requérante selon laquelle ces données n'ont été exposées ni dans le texte de la communication des griefs ni dans les annexes à celle-ci. La requérante n'a donc pas pu faire connaître utilement ses observations au sujet des éléments de fait concernés. Or, la Commission n'était pas en droit de fonder sa décision sur des données qui n'avaient pas été portées à la connaissance des entreprises durant la procédure administrative. Il devra par conséquent être fait abstraction de ces éléments de fait lors de l'examen du bien-fondé de la décision.
74. Toutefois, cette violation des droits de la défense de la requérante n'est pas, en soi, susceptible d'affecter la validité de la décision dans son ensemble, dès lors que celle-ci n'a pas été fondée sur les seules données en cause (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française ea/Commission, 100-80, 101-80, 102-80 et 103-80, Rec. p. 1825, point 30).
75. Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen.
B - Sur les moyens tirés de violations de règles de fond
Sur le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas été le bon destinataire de la décision
Sur la recevabilité du moyen
76. La Commission s'interroge sur l'intérêt légitime de la requérante à soutenir que la décision aurait dû être adressée à Iggesund Paperboard, alors qu'elle admet qu'elle couvrira la responsabilité de cette société si une amende est finalement infligée à celle-ci.
77. A cet égard, il suffit de rappeler que la requérante figure parmi les entreprises désignées à l'article 1er de la décision comme ayant participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle a, à ce titre, un intérêt légitime à contester cette constatation indépendamment de toute considération pécuniaire, car ladite constatation est, à tout le moins, susceptible de porter atteinte à sa réputation.
78. Il s'ensuit que le moyen doit être déclaré recevable.
Sur le fond
- Arguments des parties
79. Selon la requérante, la décision a été adressée à la société mère d'un groupe lorsque plusieurs sociétés du groupe avaient participé à l'infraction ainsi que lorsqu'il existait des preuves précises impliquant la société mère dans l'infraction (point 143 des considérants de la décision). Cependant, aucun de ces deux critères ne serait satisfait en l'espèce. En réalité, une seule entreprise du groupe MoDo, à savoir Iggesund Paperboard, serait accusée d'avoir participé à l'infraction, et la requérante elle-même n'aurait pas participé à celle-ci.
80. En l'espèce, la Commission n'aurait même pas appliqué les critères généraux énoncés dans la décision. Selon les points 152 et 153 des considérants de cette dernière, la Commission aurait notamment considéré, d'une part, qu'il pourrait se révéler difficile de recouvrer l'amende si Iggesund Paperboard était le destinataire de la décision et, d'autre part, que Iggesund Paperboard n'était pas vraiment indépendante de la requérante. En appliquant ces critères spécifiques au seul cas de la requérante, la Commission aurait violé les principes d'équité, d'égalité de traitement, de non-discrimination et de protection de la confiance légitime.
81. De plus, les critères spécifiques indiqués au point 153 des considérants de la décision ne justifieraient pas l'approche de la Commission. Tout d'abord, il n'aurait pas été exact de soutenir que Iggesund Paperboard n'était pas en mesure de payer l'amende. Ensuite, la Commission aurait considéré à tort que Iggesund Paperboard ne possédait pas d'indépendance véritable par rapport à la requérante. Le seul fait que Iggesund Paperboard ne possédait aucun actif et n'avait pas d'employés n'aurait pas empêché qu'on la qualifiât d'entreprise au sens du droit communautaire. La Commission aurait elle-même reconnu que Iggesund Paperboard réunissait tous les critères pour être considérée comme une entreprise en tant qu'unité économique autonome. Dès lors, Iggesund Paperboard ne pourrait être considérée comme une "coquille vide".
82. Lorsqu'une entreprise a sous son contrôle tous les actifs nécessaires pour gérer ses activités, il ne serait pas nécessaire qu'elle soit propriétaire de ces actifs. Cette thèse serait confirmée par la décision 91-50-CEE de la Commission, du 16 janvier 1991, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE [IV/32. 732 - IJsselcentrale (IJC) et autres) (JO L 28, p. 32)]. Le fait que l'entreprise mère fournit certains services auxiliaires, tels que les services juridiques et comptables, et les facture aux sociétés du groupe n'empêcherait pas non plus de reconnaître la qualité d'entreprise à Iggesund Paperboard.
83. Enfin, il ne serait pas prouvé que la requérante avait connaissance des actions prétendument illicites et exerçait un contrôle en fait sur les activités d'Iggesund Paperboard. En outre, ni le fait qu'elle avait pu donner des instructions à Iggesund Paperboard, ni le fait qu'elle avait choisi les directeurs de ladite entreprise ne seraient suffisants pour rendre la requérante responsable du comportement de l'entreprise ou pour considérer que Iggesund Paperboard et la requérante constituent une entité économique unique.
84. La Commission affirme que l'entreprise, au sens du droit de la concurrence, peut se définir comme une entité économique consistant en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 311).
85. Plusieurs sociétés d'un même groupe, agissant sous une direction et un contrôle communs, pourraient être considérées comme faisant partie de la même entreprise. A cet égard, la Commission disposerait d'une marge d'appréciation pour déterminer le niveau d'une telle structure auquel il convient d'adresser une décision. Dès lors, même s'il avait été possible pour la Commission d'adresser la décision à Iggesund Paperboard, cela ne signifierait aucunement qu'elle était obligée de le faire. En effet, deux filiales de la requérante auraient été impliquées dans l'entente, à savoir Iggesund Paperboard (Workington) Ltd. et Iggesunds Bruk.
86. Enfin, les raisons exposées aux points 152 et 153 des considérants de la décision auraient été invoquées à juste titre, car Iggesund Paperboard ne posséderait aucun actif et n'aurait pas d'employés. Elle ne serait donc qu'une "coquille vide" dotée d'un capital social de 50 000 SKR.
- Appréciation du Tribunal
87. En interdisant aux entreprises, notamment, de conclure des accords ou de participer à des pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, l'article 85, paragraphe 1, du traité s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition (arrêt Shell/Commission, précité, point 311).
88. En l'espèce, la requérante et les différentes sociétés appartenant à sa division "Paperboard", division formellement gérée par Iggesund Paperboard, doivent être considérées comme constituant une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable le but, notamment, de produire et de vendre du carton en vue de maximiser son profit, même, le cas échéant, au détriment des profits individuels de ses différentes composantes. Dans cette organisation, chaque société joue un rôle déterminé (voir, dans le même sens, arrêt Shell/Commission, précité, point 312).
89. En effet, il ressort de la décision (voir, notamment, point 153, premier alinéa, des considérants) que Iggesund Paperboard est une "société commissionnaire" détenue à 100 % par la requérante et dotée d'un capital de 50 000 SKR.
90. Le second alinéa du même point ajoute:
"[. . . ] Iggesund Paperboard AB n'est pas propriétaire des installations de production du carton et elle n'est pas non plus l'employeur de son personnel. Les actifs autrefois détenus par Iggesunds Bruk AB restent la propriété de cette société, qui est désormais une société inactive détenue intégralement par MoDo. En Suède, l'ensemble du personnel est employé par MoDo lui-même [. . . ]"
91. Aucune de ces indications n'est contestée par la requérante.
92. En outre, il ressort des réponses de la requérante aux questions écrites du Tribunal que, à la date de la fin de l'infraction constatée, Iggesund Paperboard (Workington) Ltd, anciennement TBM, détenait toujours la cartonnerie située à Workington (Royaume-Uni), qu'elle comptabilisait le chiffre d'affaires réalisé par cette cartonnerie, et qu'elle employait toujours le personnel qui y était affecté. Il en ressort également qu'aucun chiffre d'affaires n'était comptabilisé dans les comptes annuels d'Iggesund Paperboard et que, en particulier, le chiffre d'affaires réalisé par la cartonnerie d'Iggesunds Bruk était comptabilisé dans les comptes annuels de la requérante.
93. Enfin, il résulte du compte annuel de la requérante pour l'année 1991 que les activités commerciales du groupe MoDo étaient conduites par l'intermédiaire de six "sociétés commissionnaires", dont Iggesund Paperboard, mais que la requérante fournissait certains services pour l'ensemble des sociétés du groupe, tels que les services juridiques, informatiques et financiers.
94. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres raisons invoquées aux points 152 et 153 des considérants de la décision peuvent justifier le choix d'adresser la décision à la requérante, c'est à juste titre que la Commission déclare, au point 153, second alinéa, in fine, des considérants: "Il convient donc, aux fins de la présente procédure, d'adresser la décision au groupe MoDo lui-même [représenté par sa société mère] plutôt qu'à une filiale qui n'a pas d'indépendance réelle, ne possède aucun actif et n'a pas d'employés. "
95. Contrairement à l'allégation de la requérante selon laquelle seule Iggesund Paperboard aurait participé à l'infraction, force est de constater que Iggesund Paperboard (Workington) Ltd figurait également sur la liste des membres du GEP Carton et que des employés de cette société ont participé aux réunions du JMC. En adressant la décision à la requérante, la Commission a donc agi en conformité avec le critère énoncé au point 143 des considérants, selon lequel la décision devait être adressée à la société mère du groupe lorsque plusieurs sociétés de celui-ci avaient participé à l'infraction.
96. Au vu des considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de ce que la Commission n'aurait pas démontré l'existence de concertations concernant la régulation des volumes et la limitation de la production
97. Ce moyen s'articule en trois branches. Les deux premières branches seront examinées ensemble tandis que la troisième branche sera examinée séparément.
Sur les deux premières branches du moyen, tirées de l'absence de preuve de l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une concertation visant à contrôler l'offre
- Arguments des parties
98. Dans la première branche du moyen, la requérante conteste les allégations de la Commission relatives à l'existence de mesures de régulation des volumes. Ces allégations seraient fondées essentiellement sur les déclarations de Stora. Toutefois, celles-ci ne seraient corroborées par aucune preuve.
99. La requérante fait valoir que la demande a continué de croître jusqu'en mai 1991 et que les capacités de production de l'industrie ont été pleinement utilisées de 1987 à 1990. Sur cette base, elle conteste l'affirmation contenue dans la décision selon laquelle les producteurs ont été de plus en plus contraints de recourir à des temps d'arrêt de la production dans le courant de l'année 1990.
100. En outre, la note du 3 octobre 1988 (annexe 102 à la communication des griefs) démontrerait qu'aucun système de contrôle des volumes n'existait à cette époque.
101. Enfin, la requérante conteste que les documents relatifs à des réunions de la Paper Agents Association (ci-après "PAA") puissent étayer la thèse de la Commission. Elle estime qu'il ne devrait pas en être tenu compte.
102. Dans la deuxième branche du moyen, elle conteste les allégations de la Commission relatives à l'existence d'une concertation sur le gel des parts de marché. Plusieurs éléments démontreraient que les déclarations de Stora, sur lesquelles la Commission s'est fondée, ne sont pas fiables.
103. En premier lieu, la description des mesures visant le gel des parts de marché ne serait pas cohérente. La Commission n'aurait pas pris en considération le fait que les producteurs ne pouvaient pas se mettre d'accord sur un gel des parts de marché sans aucun contact avec les clients et sans décliner des commandes. La décision n'indiquerait pas les produits auxquels se rapportaient les parts de marché. Elle ne préciserait pas si le taux de croissance prévu pour l'année suivante était déterminé individuellement ou de façon centrale. Pourtant, de tels éléments auraient nécessairement dû être au coeur de tout accord sur le gel des parts de marché. Enfin, les renseignements fournis par Stora ne seraient pas davantage cohérents. En effet, Stora aurait déclaré (annexe 39 à la communication des griefs) que les discussions sur ce thème se rapportaient à des groupements nationaux, alors qu'il serait allégué dans sa lettre du 23 décembre 1992 (annexe 43 à la communication des griefs) que l'accord se rapportait à des parts de marché par groupe de producteurs.
104. En second lieu, ses parts des marchés nationaux auraient fluctué de manière importante, et sa part du marché d'Europe continentale aurait augmenté considérablement. En outre, la Commission admettrait elle-même que plusieurs grands producteurs ont été en mesure d'augmenter faiblement leurs parts de marché.
105. En troisième lieu, la Commission n'aurait pas dûment pris en considération la faible élasticité des prix du carton.
106. En quatrième lieu, un accord sur le gel des parts de marché aurait nécessairement dû être accompagné d'accords sur les temps d'arrêt de la production et sur la création de nouvelles capacités de production. Or, plusieurs producteurs auraient augmenté leurs capacités de production pendant la période concernée.
107. La Commission rétorque que la décision précise que les producteurs ont compris que, à long terme, il n'était pas possible de contrôler les prix sans contrôler simultanément les volumes, afin d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande. Sur cette base, les producteurs auraient jugé nécessaire de renforcer l'entente sur les prix par un accord sur le contrôle des volumes. Dès lors, le fait qu'il n'ait pas été nécessaire de mettre ce système en œuvre pendant une certaine période serait sans pertinence. De plus, il existerait des preuves que des mesures visant à contrôler l'offre avaient été prises par Iggesund lorsque cela était nécessaire (points 94 et 95 des considérants de la décision). En outre, la Commission rappelle qu'il avait été constaté que les producteurs s'étaient mis d'accord sur le gel des parts de marché aux niveaux existants mais qu'il ne s'agissait pas d'un gel absolu (points 52 à 56 des considérants).
108. S'agissant des raisons pour lesquelles un système de contrôle des volumes avait été jugé nécessaire, la Commission souligne qu'une augmentation substantielle des volumes aurait impliqué une baisse des prix. L'argumentation de la requérante tirée de la faible élasticité des prix ne répondrait donc pas à la thèse de la Commission.
109. Celle-ci soutient que les conclusions exposées dans la décision reposent sur des preuves solides. Elle se réfère, à cet égard, aux déclarations de Stora ainsi qu'aux documents décrits aux points 53 à 55 et 58 à 59 de la décision.
110. Elle affirme n'avoir jamais prétendu que les parts de marché étaient restées constantes (points 59 et 60 des considérants de la décision).
- Appréciation du Tribunal
111. Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté "se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles", et "ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en œuvre desdites augmentations de prix concertées".
112. D'après la Commission, ces deux catégories de collusion, appréhendées dans la décision sous le titre "régulation des volumes", ont été initiées durant la période de référence par les participants aux réunions du PWG. En effet, il ressort du point 37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du PWG, telle que décrite par Stora, "consistait notamment dans "la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités".
113. Quant au rôle du PWG en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché, la décision (point 37, cinquième alinéa, des considérants) relève: "En corrélation avec les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté certains "arrangements" entre les participants concernant leurs parts respectives du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable. "
114. Selon le point 52 des considérants, "l'accord conclu au sein du PWG en 1987 prévoyait le "gel" au niveau existant des parts de marché détenues par les principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par une politique agressive en matière de prix".
115. Le point 56, premier alinéa, des considérants souligne: "L'accord de base conclu entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la présente décision. " Selon le point 57, " "l'évolution des parts de marché" était examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires". Enfin, le point 56, dernier alinéa, souligne: "Les entreprises qui participaient aux discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir: Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), [Mayr- Melnhof], MoDo, Sarrió, les deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig".
116. Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG.
117. En effet, l'analyse de la Commission repose essentiellement sur les déclarations de Stora (annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et se trouve confortée par l'annexe 73 à la communication des griefs.
118. Dans l'annexe 39 à la communication des griefs, Stora explique: "Le PWG s'est réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché. [. . . ] Entre autres activités (légitimes), il avait pour objet la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix, la demande et les capacités. Son rôle consistait notamment à évaluer l'état précis de l'offre et de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et à présenter cette évaluation à la President Conference. "
119. S'agissant plus spécifiquement de la collusion sur les parts de marché, Stora indique que "les parts acquises par les groupes nationaux de la Communauté européenne, de l'AELE et d'autres pays fournis par les membres du GEP Carton étaient examinées au sein du PWG" et que le PWG "discutait de la possibilité de maintenir les parts de marché à leur niveau de l'année précédente" (annexe 39 à la communication des griefs, point 19). Elle signale par ailleurs (même document, point 6) que des "discussions relatives aux parts de marché des fabricants en Europe ont également eu lieu au cours de cette période, la première période de référence étant les niveaux de 1987".
120. Dans sa réponse à une demande de la Commission du 23 décembre 1991 envoyée le 14 février 1992 (annexe 43 à la communication des griefs), Stora précise encore: "Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante. " (Point 1. 1. )
121. Cette affirmation est confirmée dans le même document en ces termes: "[. . . ] les discussions débouchaient sur des ententes, conclues en règle générale en mars de chaque année, entre les membres du PWG avec pour objectif le maintien de leurs parts de marché au niveau de l'année précédente. " (Point 1. 4. ) Stora révèle qu'"aucune mesure n'était prise pour assurer le respect des ententes" et que les participants aux réunions du PWG "étaient conscients que, s'ils prenaient des positions exceptionnelles sur certains marchés fournis par d'autres, ces derniers feraient la même chose sur d'autres marchés" (même point).
122. Enfin, elle déclare que la requérante ("Iggesund") a pris part aux discussions relatives aux parts de marché (point 1. 2, p. 3).
123. Les affirmations de Stora concernant la collusion sur les parts de marché sont étayées par l'annexe 73 à la communication des griefs. Ce document trouvé chez FS-Karton (du groupe Mayr-Melnhof) est une note confidentielle datée du 28 décembre 1988 adressée par le directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M. Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.
124. Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la coopération plus étroite au sein du "cercle des présidents" (Präsidentenkreis), décidée en 1987, a fait des "gagnants" et des "perdants". L'auteur de la note classe Mayr-Melnhof dans la catégorie des perdants pour diverses raisons, notamment les suivantes:
"2)Un accord n'a pu être conclu qu'en nous infligeant une "sanction" - on a exigé de nous que nous fassions des "sacrifices".
3)Les parts de marché de 1987 devaient être "gelées", les contacts existants devaient être maintenus et aucune activité ou qualité nouvelles ne devaient être conquises en pratiquant des prix promotionnels (le résultat sera visible en janvier 1989 - si toutes les parties prenantes sont loyales). "
125. Ces phrases doivent être lues dans le contexte plus général de la note.
126. A cet égard, l'auteur de celle-ci évoque, en guise d'introduction, la coopération plus étroite à l'échelle européenne au sein du "cercle des présidents". Cette expression a été interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2. a), interprétation qu'il n'y a pas lieu de discuter dans le présent contexte.
127. L'auteur indique ensuite que cette coopération a conduit à la "discipline des prix", laquelle a fait des "gagnants" et des "perdants".
128. C'est donc dans le contexte de cette discipline décidée par le "cercle des présidents" qu'il y a lieu de comprendre l'expression se rapportant aux parts de marché devant être gelées aux niveaux de 1987.
129. En outre, le renvoi à 1987 comme année de référence est conforme à la deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs; voir point 119 ci-dessus).
130. Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la décision énonce que le PWG a joué un rôle déterminant dans la mise en œuvre des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue et que la demande a décliné: "[. . . ] au début de 1990, les principaux fabricants [. . . ] ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités [. . . ]" (Point 70 des considérants de la décision. )
131. La décision relève en outre: "Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il n'existait qu''un système relâché d'encouragement. " (Point 71 des considérants de la décision. )
132. Il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment établi l'existence d'une collusion sur les temps d'arrêt de la production entre les participants aux réunions du PWG.
133. Les pièces qu'elle produit soutiennent son analyse.
134. Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24), Stora explique: "Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le tonnage et la mise en œuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité excédentaire croissante. "
135. Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: "En 1988 et 1989, l'industrie pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires à partir de 1990. [. . . ] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché d'encouragement [. . . ]"
136. Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, les raisons fournies par l'auteur pour expliquer qu'il considère Mayr-Melnhof comme "perdant" à l'époque de sa rédaction constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une collusion entre les participants aux réunions du PWG sur les temps d'arrêt.
137. En effet, l'auteur constate:
"4)C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif poursuivi commence à diverger.
[. . . ]
c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché - auparavant, la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines). "
138. Mayr-Melnhof soutient (annexe 75 à la communication des griefs) que le passage ci-dessus reproduit vise une situation interne à l'entreprise. Cependant, analysé à la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise en œuvre, au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée au sein du "cercle des présidents". Le document doit donc être interprété comme signifiant que les participants à l'accord de 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux réunions du PWG, ont indéniablement mesuré les conséquences de la politique arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait appliquée avec rigueur.
139. Sur la base de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de l'annexe 102 à la communication des griefs, il doit être conclu que la Commission a prouvé à suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG, ainsi que l'existence d'une collusion sur les temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où TBM/Iggesund Paperboard (Workington) Ltd/Iggesund Paperboard ont participé aux réunions du PWG (voir ci-après points 370 et suivants) et où la requérante est expressément mentionnée dans les déclarations de Stora, la Commission a tenu à bon droit la requérante pour responsable d'une participation à ces deux collusions.
140. Les critiques de la requérante formulées à l'encontre des déclarations de Stora, qui visent à contester la valeur probante de ces pièces, ne sont pas de nature à affaiblir cette constatation.
141. En effet, il est constant que ces déclarations émanent de l'une des entreprises censées avoir participé à l'infraction alléguée et qu'elles comportent une description détaillée de la nature des discussions menées au sein des organes du GEP Carton, du but poursuivi par les entreprises regroupées au sein de celui-ci, ainsi que de la participation desdites entreprises aux réunions de ses différents organes. Or, dans la mesure où cet élément de preuve central est corroboré par d'autres pièces du dossier, il constitue le soutien pertinent des affirmations de la Commission.
142. Quant à l'allégation de la requérante selon laquelle le comportement effectif des entreprises démontrerait que les allégations de la Commission ne sont pas fondées, elle ne saurait davantage être accueillie.
143. En premier lieu, l'existence de collusions entre les membres du PWG sur les deux aspects de la "politique du prix avant le tonnage" ne saurait être confondue avec la mise en œuvre de celles-ci. En effet, les preuves fournies par la Commission ont une telle valeur probante que des renseignements relatifs au comportement effectif de la requérante sur le marché ne peuvent pas affecter les conclusions de la Commission relatives à l'existence même de collusions sur les deux aspects de la politique litigieuse.
144. En second lieu, les allégations de la Commission ne sont pas contredites par les renseignements fournis par la requérante. Il doit être souligné que la Commission admet explicitement que la collusion sur les parts de marché n'impliquait "aucun mécanisme officiel de sanction ou de compensation [. . . ] pour renforcer l'accord sur les parts de marché" et que les parts de marché de certains grands producteurs ont faiblement augmenté d'année en année (voir, notamment, points 59 et 60 des considérants de la décision). De plus, la Commission convient que, l'industrie ayant tourné à pleine capacité jusqu'au début de 1990, pratiquement aucun temps d'arrêt n'a été nécessaire jusqu'à cette date (point 70 des considérants de la décision).
145. En troisième lieu, deux pièces du dossier confirment que la requérante a mis en œuvre la politique du prix avant le tonnage convenue au sein du PWG.
146. Ainsi, selon le compte rendu de la réunion de la PAA du 23 janvier 1990, rédigé par un représentant de Kopparfors (du groupe Stora), "Iggesund a dit que Thames avait eu quelques arrêts de la production, ce qui était sa politique plutôt que de baisser les prix. " (Annexe 130 à la communication des griefs. )
147. Dans le même sens, le compte rendu de la réunion de la PAA du 4 avril 1990, rédigé par un représentant de Mayr-Melnhof Pegg, relate:
"Thames Board (Iggesund). Trois semaines de délai de livraison. La demande britannique est inférieure à celle de la même période de 1989. Préférence est donnée aux arrêts de la production plutôt qu'à une baisse des prix. L'augmentation des prix d'avril a été pleinement mise en œuvre. " (Annexe 131 à la communication des griefs. )
148. Au vu de ce qui précède, les première et deuxième branches du moyen doivent être rejetées.
Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une erreur d'appréciation de la signification des statistiques de la Fides
- Arguments des parties
149. La requérante fait valoir que la Commission n'a pas apprécié correctement la signification des statistiques de la Fides. Elle en aurait exagéré l'importance et le caractère illicite. De plus, ces statistiques n'auraient pas été suffisamment détaillées pour permettre le contrôle d'un système de quotas.
150. S'il est vrai que les statistiques rassemblées par la Fides étaient ventilées pays par pays, sauf dans les rapports hebdomadaires sur les entrées de commandes, elles n'auraient pas permis d'identifier les livraisons de chacun des producteurs.
151. En outre, la requérante souligne que la Commission reconnaît que, en cours d'année, les producteurs utilisaient normalement les statistiques provisoires (point 63 des considérants de la décision). En fait, ces statistiques n'auraient fourni que des informations générales sur la tendance de la demande. Dans ces conditions, les participants aux réunions du PWG n'auraient guère pu se fonder sur ces statistiques pour des analyses rationnelles des parts de marché et de l'utilisation des capacités.
152. De plus, l'état du carnet de commandes de chaque producteur ne serait pas secret, contrairement à ce qu'affirme la Commission. Dès lors, les statistiques distribuées par la Fides sur l'état des commandes en carnet auraient simplement permis aux producteurs d'avoir une perspective à l'échelle européenne.
153. Pour ce qui est des statistiques sur les capacités et leur utilisation, il se serait agi de statistiques imprécises qui n'auraient servi qu'à observer la dynamique du secteur et à comparer les modifications des taux d'utilisation de chaque entreprise avec celles des taux agrégés.
154. Enfin, les statistiques concernées n'auraient pas été nécessaires pour constater l'équilibre entre l'offre et la demande, puisque cette circonstance aurait été évidente pour l'ensemble du secteur.
155. Selon la Commission, les arguments de la requérante visent, pour l'essentiel, à démontrer que le système d'échange d'informations de la Fides n'était pas intrinsèquement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Étant donné que
ce système n'aurait été utilisé que pour renforcer et faciliter la mise en œuvre d'une entente illicite, la discussion serait purement académique.
- Appréciation du Tribunal
156. La troisième branche du moyen doit être comprise en ce sens que la Commission n'aurait pas apprécié correctement la signification des statistiques de la Fides, au motif que celles-ci n'auraient été ni nécessaires ni utiles aux fins de la prétendue entente.
157. Selon l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les entreprises ont, notamment, "échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées", à savoir une collusion sur les prix, une collusion sur les parts de marché et une collusion sur les temps d'arrêt.
158. Pour ce qui est du système d'échange d'informations de la Fides, la décision doit, au vu de son dispositif et du point 134, troisième alinéa, des considérants, être interprétée en ce sens que la Commission a considéré ce système comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que support de l'entente constatée.
159. Le point 134, troisième alinéa, des considérants de la décision précise que le système d'échange d'informations de la Fides "était un instrument essentiel pour:
-surveiller l'évolution des parts de marché,
-surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités,
-décider si des augmentations de prix concertées pouvaient être mises en œuvre,
-déterminer les temps d'arrêt nécessaires. "
160. Par ailleurs, il ressort de la décision que les statistiques de la Fides ont été examinées et discutées dans le cadre du PWG. En effet, le point 57, premier alinéa, des considérants, qui renvoie également au point 63 de ceux-ci, énonce: "L'évolution des parts de marché" était examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires. " De plus, le point 69, premier alinéa, précise: "En comparant l'état hebdomadaire des commandes en carnet ("Weekly Order Backlog") et les capacités disponibles, le PWG était en mesure d'évaluer l'état global de la demande dans l'industrie cartonnière. "
161. Il y a lieu de considérer que ces allégations de la Commission sont établies.
162. En premier lieu, la requérante ne conteste pas que les statistiques de la Fides ont été discutées au sein du PWG.
163. En second lieu, la Commission a estimé à bon droit que les statistiques de la Fides ont été utilisées, au sein de cet organe, d'une part, pour "surveiller l'évolution des parts de marché" (point 134, troisième alinéa, premier tiret) et, d'autre part, pour "surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités" et "déterminer les temps d'arrêt nécessaires" (point 134, troisième alinéa, deuxième et quatrième tirets).
164. En effet, quant à l'utilisation des statistiques de la Fides pour "surveiller l'évolution des parts de marché", Stora a reconnu que "s'il ressortait de l'analyse des statistiques que le niveau des ventes des groupes nationaux connaissait des écarts trop importants, les membres du PWG [. . . ] s'encourageaient réciproquement et s'engageaient à limiter les fluctuations sur les marchés nationaux" (annexe 39 à la communication des griefs, point 19).
165. De même, selon l'annexe 43 à la communication des griefs (point 1. 1):
"Les fluctuations de l'offre sur les marchés nationaux étaient examinées et discutées lors de chaque PWG (soit tous les deux ou trois mois) sur la base des statistiques provisoires de la Fides [. . . ] Ces statistiques étaient produites sur une base mensuelle, le total étant calculé sur l'année civile et non sur une base du total de l'année d'exploitation. Les fluctuations que les statistiques faisaient apparaître ne reflétaient pas nécessairement de façon exacte la situation définitive de fin d'année; d'où l'impossibilité de se fonder sur ces fluctuations avec certitude. Il aurait été absurde pour les principaux fabricants représentés au PWG de discuter en détail des parts de marché sur une base nationale puisque les fabricants n'étaient pas en mesure de déterminer la destination finale de leurs livraisons.
[. . . ]
Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante. "
166. Quant à l'utilisation des statistiques de la Fides pour "surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités" et "déterminer les temps d'arrêt nécessaires", il convient de se reporter à la déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 5):
"Liée à l'initiative en matière de prix de 1987, était la nécessité de maintenir un quasi-équilibre entre la production et la consommation (politique du prix avant le tonnage). En 1988 et 1989, les fabricants ont tourné à pleine capacité, ou presque. En 1990, l'association d'une capacité accrue et d'une croissance réduite de la demande a conduit les fabricants à commencer à pratiquer des temps d'arrêt dans le but de préserver l'équilibre entre la production et la consommation. [. . . ] Les fabricants pouvaient déduire à partir des rapports annuels de capacité la durée du temps d'arrêt nécessaire et s'encourager réciproquement à respecter un temps d'arrêt suffisant pour maintenir l'équilibre entre la production et la demande. [. . . ] de tels temps d'arrêt n'étaient pas pratiqués par la totalité des fabricants, avec pour conséquence que certains d'entre eux, généralement les plus importants, subissaient proportionnellement plus de pertes en termes de tonnage dans leur tentative visant à maintenir les niveaux de prix. " (Dans le même sens, point 25 du même document).
167. Les déclarations de Stora sont indirectement confortées par les annexes 73 et 75 à la communication des griefs. Il ressort en effet de l'annexe 73 (voir ci-dessus points 123 et suivants) que le directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof/FS-Karton en Allemagne (M. Katzner) a proposé au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche une modification du système d'échange d'informations de la Fides alors en vigueur [p. 5, sous 5) sous le titre "Kontrolle"]. Ainsi que cela ressort de l'annexe 75 (p. 11), réponse de Mayr- Melnhof à une demande d'informations, les "règles de la Fides ont été ultérieurement modifiées plus ou moins dans le sens des propositions" mentionnées dans l'annexe 73 (voir aussi, point 63, second alinéa, des considérants de la décision). Compte tenu de la tonalité générale de l'annexe 73, la demande de modification du système d'échange d'informations de la Fides formulée par M. Katzner doit être comprise comme signifiant que ce système ne permettait pas un contrôle suffisant de l'évolution des parts de marché et/ou de l'examen des temps d'arrêt et qu'il devait, par conséquent, être amélioré afin d'assurer un meilleur contrôle.
168. Au vu des ces preuves, et compte tenu du fait que la Commission a considéré à bon droit que la requérante a participé à une collusion sur les temps d'arrêt et à une collusion sur les parts de marché au sein du PWG, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen.
169. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la durée de l'entente
Arguments des parties
170. La requérante soutient que, même sur la base des affirmations de la décision, il n'y a pas eu la moindre infraction avant 1988. En effet, si l'on écarte les déclarations de Stora, rien ne permettrait de conclure que la création du PWG constituait, en elle-même, une infraction. Par ailleurs, les éléments de preuve ne permettraient pas de conclure que le PWG avait été créé à une date antérieure au 10 novembre 1986.
171. En outre, ni la communication des griefs ni la décision ne feraient apparaître que l'initiative de prix de janvier 1987 au Royaume-Uni constituait une infraction.
172. La Commission maintient que l'infraction a débuté au milieu de l'année 1986 et que cette date doit être retenue pour le calcul des amendes. Cette époque serait approximativement celle de la réorganisation du GEP Carton et du début des discussions en matière de prix et de quantités. A cet égard, elle se serait fondée à juste titre sur les déclarations de Stora.
Appréciation du Tribunal
173. Selon le point 161, deuxième aliéna, des considérants de la décision, la plupart des entreprises destinataires de la décision ont participé à l'infraction à compter de juin 1986, moment auquel "le PWG a été créé et où la collusion entre les fabricants s'est intensifiée et a commencé à devenir plus efficace".
174. S'agissant de la date de création du PWG, Stora a indiqué (annexe 39 à la communication des griefs, point 8): "Le PWG s'est réuni à partir de 1986 [. . . ]"
175. Sur cette base, et en l'absence d'éléments de preuve permettant de déterminer la date précise de la création de cet organe, la Commission a pu estimer à bon droit que le PWG a été créé vers le milieu de l'année 1986 et qu'il s'est réuni régulièrement à partir de cette date. Il convient de souligner, dans ce contexte, que la requérante a participé aux réunions du PWG dès la création de cet organe (voir ci-après points 370 et suivants). Dans ces conditions, elle ne saurait valablement contester l'appréciation faite par la Commission de la date de création du PWG sans fournir aucun élément de preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle cet organe n'a été créé que plus tardivement.
176. La Commission a conclu à juste titre que la requérante, en sa qualité d'entreprise ayant participé aux réunions du PWG dès la création de cet organe, vers le milieu de l'année 1986, doit être tenue pour responsable d'une collusion sur les prix à partir de cette date.
177. En effet, le PWG a été créé par certaines entreprises, dont la requérante, dans un dessein essentiellement anticoncurrentiel. Comme Stora l'a indiqué (annexe 39 à la communication des griefs, point 8), il "s'est réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché" et avait notamment pour objet la "discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités" [annexe 35 à la communication des griefs, point 5, sous iii)].
178. Le rôle joué par les entreprises réunies au sein de cet organe en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché et celle sur les temps d'arrêt a été décrit dans le moyen qui précède (voir ci-dessus points 113 à 139). Les entreprises réunies au sein de cet organe ont également discuté des initiatives en matière de prix. Selon Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 10), "à partir de 1987 le PWG est parvenu à un accord et a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier [. . . ] et le niveau des augmentations de prix à mettre en œuvre par les fabricants de carton".
179. Dès lors, le fait d'avoir consenti à créer et à participer aux réunions d'un organe dont l'objet anticoncurrentiel, consistant notamment en des discussions sur de futures augmentations de prix, était connu et accepté des entreprises à l'origine de sa création, constitue un motif suffisant pour considérer que la requérante est responsable d'une collusion sur les prix à partir du milieu de 1986.
180. Le moyen doit par conséquent être rejeté.
Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qu'elle a considéré que le carton SBS faisait l'objet de l'infraction et qu'il faisait partie du même marché que les cartons GC et GD, et, d'autre part, de vices de motivation et de procédure à cet égard
181. Le moyen s'articule en trois branches. Chacune de ces branches sera examinée séparément.
Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation des droits de la défense
182. La requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure d'exercer ses droits de la défense durant la procédure administrative, car la communication des griefs n'aurait pas rapporté l'existence d'une infraction relative au carton SBS. Ce carton n'y aurait été mentionné qu'une seule fois, entre parenthèses, en relation avec une augmentation de prix.
183. Cette affirmation est dénuée de fondement.
184. En effet, il ressort de la communication des griefs (p. 3 et 4) que trois principales qualités de carton fabriquées en Europe occidentale, dont le carton SBS, sont couvertes par la définition du "carton" et font l'objet de la présente procédure.
185. De plus, tous les éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission dans la décision pour établir que le carton SBS fait l'objet de l'infraction sont mentionnés dans la communication des griefs ou dans les renseignements individuels de celle-ci adressés à la requérante (voir, notamment, annexes 111, 113 et 117 à la communication des griefs).
186. Enfin, chacune des annexes techniques sur les prix qui étaient jointes à la communication des griefs contient, pour chaque prétendue initiative concertée en matière de prix, des informations sur les augmentations de prix du carton SBS.
187. La communication des griefs a donc fait clairement apparaître que le carton SBS faisait l'objet de la procédure.
188. Il s'ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.
Sur la deuxième branche du moyen, tirée d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qu'elle a considéré que le carton SBS faisait l'objet de l'infraction et d'une insuffisance de motivation à cet égard
- Arguments des parties
189. La requérante fait valoir que la décision et les moyens de preuve qui y sont mentionnés ne permettent pas de conclure que le carton SBS faisait l'objet de l'infraction. Elle soutient aussi que la décision ne contient pas d'explications suffisantes au soutien des allégations de la Commission.
190. Tout d'abord, les déclarations de Stora ne mentionneraient pas le carton SBS.
191. Ensuite, aucune des allégations relatives aux mesures de régulation des volumes ne concernerait le carton SBS. L'allégation d'un prétendu accord conclu au sein du PWG sur le respect des parts de marché de 1987 se rapporterait à une période durant laquelle aucun producteur de carton SBS n'était représenté au sein de cet organe.
192. Les notes manuscrites obtenues chez Rena, relatives à la réunion du JMC du 6 septembre 1989 (annexe 117 à la communication des griefs), ne seraient pas pertinentes, car, d'une part, Iggesund Paperboard n'aurait pas participé à cette réunion et, d'autre part, la note aurait trait à une augmentation de prix ayant eu lieu plus d'un mois avant la réunion.
193. Les tableaux annexés à la décision relatifs aux augmentations de prix ne permettraient pas davantage de conclure à l'existence d'une concertation concernant le carton SBS. En effet, des comparaisons entre les augmentations de prix qu'elle a annoncées et celles annoncées par Enso-Gutzeit, l'autre producteur de carton SBS destinataire de la décision, ainsi qu'entre ces annonces d'augmentation des prix et celles des cartons GC et GD confirmeraient l'absence de concertation portant sur le carton SBS.
194. La motivation de la décision se rapportant au carton SBS serait également viciée, car, contrairement à l'indication contenue au point 4 des considérants, les termes "qualités GC" ne couvriraient pas le carton SBS.
195. De plus, le passage selon lequel les initiatives de prix "se sont traduites par des augmentations sur tous les marchés nationaux [. . . ], le SBS augmentant normalement (mais pas toujours) dans la même proportion que les qualités GC" (point 20, deuxième alinéa, des considérants de la décision), serait le seul de la décision, hormis le résumé de l'infraction ainsi que quelques indications peu claires contenues aux points 86 et 97 des considérants, dans lequel il est déclaré que les initiatives en matière de prix concernaient le carton SBS.
196. Contrairement à ce qui est affirmé au point 4 des considérants de la décision, le carton SBS ne serait pas couvert par les termes "GC" ou "FBB". Une partie de la production de carton SBS d'Iggesund Paperboard ne serait même pas couverte par la définition du produit concerné par les activités du GEP Carton, à savoir, selon le point 28 des considérants, le carton "d'un poids de 200 g/m2 et plus".
197. Au surplus, les indications contenues dans la décision relatives aux producteurs, aux acheteurs et aux volumes de production de carton SBS seraient inexactes. En effet, il existerait des producteurs européens de carton SBS autres que Enso-Gutzeit et elle-même, et la production de carton SBS d'Enso-Gutzeit aurait été surestimée.
198. La Commission soutient qu'il est largement prouvé que les concertations ont porté sur le carton SBS, notamment concernant certaines des initiatives d'augmentation des prix. Le carton SBS serait produit par un petit nombre de fabricants et dans des quantités moindres par rapport à celles des autres qualités de carton. Cela pourrait expliquer qu'il ait fait l'objet de moins de discussions lors des réunions du GEP Carton et que moins de preuves documentaires concernent ce produit.
199. Le carton SBS aurait été couvert par une grande partie du système d'échange d'informations de la Fides (annexe 5 à la communication des griefs) et par les études de marché faites par le directeur général de Finnboard (les études "Kosk", annexes 56 et 95 à la communication des griefs). En outre, la Commission se réfère aux annexes 111, 113 et 117 à la communication des griefs, qui relateraient toutes des augmentations de prix pour le carton SBS (ou le carton GZ, autre dénomination du carton SBS).
200. S'agissant des tableaux relatifs aux différentes initiatives en matière de prix annexés à la décision, certains des destinataires de la décision n'auraient pas fourni une documentation complète relative aux prix (voir point 118 des considérants de la décision). En particulier, les réponses des entreprises, et notamment des filiales de la requérante, aux demandes de renseignements auraient été incomplètes en ce qui concerne les augmentations de prix.
201. En tout état de cause, il ressortirait de la documentation relative aux annonces d'augmentations de prix que, pour chacune des initiatives, les producteurs avaient convenu d'augmenter les prix sur tous les marchés nationaux.
- Appréciation du Tribunal
202. Il ressort de la décision que l'affirmation de la Commission relative à l'existence d'une collusion sur les prix portant sur le carton SBS est fondée notamment sur l'annexe 111 à la communication des griefs (point 80 des considérants), liste de prix rédigée en suédois, obtenue chez Rena, qui contient des indications, concernant neuf pays de la Communauté, sur les augmentations de prix des cartons GC (qualités GC 1 et GC 2) et SBS (désigné par le sigle "GZ", voir point 4 des considérants de la décision) mises en œuvre en septembre/octobre 1989. Il est constant que, dans la mesure où des informations sont disponibles relativement à cette augmentation de prix, les indications contenues dans la liste de prix sur le niveau et la date des augmentations des prix du carton SBS sont conformes aux augmentations de prix effectivement mises en œuvre par la requérante.
203. La requérante a soutenu lors de l'audience que cette liste de prix n'a pas la valeur probante que lui attribue la Commission, car il s'agit d'un document non daté.
204. Cette contestation doit être comprise comme signifiant que, selon la requérante, il n'est pas prouvé que les indications contenues dans la liste concernent de futures annonces d'augmentations de prix.
205. Toutefois, il convient d'apprécier la valeur probante de l'annexe 111 à la lumière des autres preuves documentaires de la collusion sur les prix. En effet, ainsi que la Commission l'explique dans la décision (points 79, 80 et 83 des considérants), elle a obtenu deux autres listes de prix établies sur le même modèle et également rédigées en suédois, à savoir une liste de prix obtenue chez Finnboard (UK) Ltd (ci-après "liste Finnboard") ainsi que l'annexe 110 à la communication des griefs (obtenue chez Rena), qui concernent respectivement les augmentations de prix mises en œuvre en avril 1989 et en avril 1990.
206. Étant donné les similitudes formelles frappantes existant entre ces trois listes de prix, il y a lieu de considérer qu'elles ont une origine commune. De plus, l'annexe 110 est datée du 3 décembre 1989, date antérieure à l'annonce des augmentations de prix qu'elle indique. Par conséquent, la Commission a pu inférer à bon droit que les deux autres listes de prix, non datées, devaient être considérées comme ayant également été établies à une date antérieure à celles des annonces effectives des augmentations de prix mentionnées. Enfin, il convient d'observer que Rena et Finnboard ne produisent que du carton GC, alors que les trois listes de prix se rapportent à plusieurs autres types de carton.
207. Sur cette base, c'est à bon droit que la Commission a considéré que ces trois listes de prix, lues ensemble avec les autres éléments de preuve, constituaient des preuves importantes de la collusion sur les prix au sein des organes du GEP Carton, collusion qui n'est contestée par la requérante qu'en ce qui concerne le carton SBS. En outre, étant donné que la requérante est le seul producteur de carton SBS ayant participé aux réunions du PWG et du JMC, organes centraux de l'entente, force est de constater que les indications relatives aux augmentations de prix du carton SBS contenues dans l'annexe 111 à la communication des griefs établissent sa participation à une collusion sur les prix portant tant sur le carton GC que sur le carton SBS.
208. Cette constatation est corroborée par l'annexe 113 à la communication des griefs, note datée du 11 janvier 1990 obtenue chez FS-Karton se rapportant, selon la Commission, à une réunion du JMC (point 84 des considérants de la décision). Ce document contient des indications sur les dates des annonces des augmentations des prix des cartons GC et GD de plusieurs producteurs [Kopparfors (du groupe Stora), Mayr-Melnhof, Finnboard et Cascades]. En ce qui concerne la requérante, la note contient les remarques suivantes: "Thames: 10 Tg Igges. 15/20 Tg" ("Tg" pour "Tage" indique le nombre de jours des commandes en carnet) et "Th/Ig KW5 GC/GZ +13,-" ("KW5" pour "Kalenderwoche 5" indique que l'augmentation de prix devra être annoncée au cours de la cinquième semaine du calendrier de l'année).
209. Conformément aux indications contenues dans cette note, la requérante a annoncé, le 31 janvier 1990, une augmentation de ses prix des cartons GC et SBS de 13 DM/100 kg (documents F-12-5 et F-12-6).
210. Par conséquent, la Commission a correctement considéré que ce document constituait la preuve d'une collusion sur les prix portant sur les cartons GC, GD et SBS.
211. Cette conclusion n'est en rien infirmée par l'allégation de la requérante, formulée lors de l'audience, selon laquelle il ne serait pas prouvé que l'annexe 113 à la communication des griefs se rapportait à une réunion du JMC. A cet égard, il convient de relever, d'une part, que l'ensemble des producteurs mentionnés dans ledit document ont participé aux réunions du PWG et du JMC et, d'autre part, qu'il est constant qu'une collusion sur les prix a eu lieu lors des réunions de ces deux organes. Dès lors, à supposer même que la Commission n'ait pas prouvé que l'annexe 113 à la communication des griefs se rapportait à une réunion du JMC, ce document établit la collusion sur les prix soit au sein de cet organe, soit au sein du PWG.
212. Au vu de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres éléments de preuve invoqués par la Commission, le Tribunal considère qu'il est prouvé que la requérante a participé à une collusion sur les prix portant sur le carton SBS.
213. Il s'ensuit que la Commission a démontré que la requérante, en sa qualité d'entreprise ayant assisté aux réunions du PWG depuis la création de cet organe, a participé depuis le milieu de 1986 à une collusion sur les prix du carton et, à compter de la fin de 1987, à une collusion sur les parts de marché ainsi qu'à une collusion sur les temps d'arrêt.
214. Certes, s'agissant de ces deux dernières collusions, le Tribunal n'a pas examiné quelles étaient les qualités de carton concernées. Mais, ces deux collusions ayant eu pour objectif d'assurer le succès des initiatives en matière de prix, objectif non contesté par la requérante, la participation de la requérante à ces deux collusions doit être considérée comme ayant également concerné sa production de carton SBS, laquelle faisait l'objet de la collusion sur les prix.
215. Enfin, pour autant que la requérante soutient que la motivation de la décision est insuffisante et/ou contient des inexactitudes concernant le carton SBS, il doit être relevé qu'il est clairement exposé dans la décision, d'une part, que l'infraction constatée a porté sur ce carton et, d'autre part, quels étaient les éléments de preuve sur lesquels cette conclusion était fondée (voir, notamment, les points 3, 4, 80, 81, 85 et 97 des considérants, ainsi que les tableaux sur les initiatives en matière de prix annexés à la décision). En outre, il ressort clairement du point 28, premier et deuxième alinéas, des considérants que, si les activités du GEP Carton ont été officiellement définies comme concernant le carton "d'un poids de 200 g/m2 et plus", il ne s'agissait pas d'un seuil absolu.
216. Sur la base des considérations qui précèdent, la deuxième branche du moyen examiné doit également être rejetée.
Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qu'elle a considéré que le carton SBS faisait partie du même marché que les cartons GC et GD
- Arguments des parties
217. La requérante fait valoir que le carton SBS ne fait pas partie du même marché de produit que les cartons GC et GD.
218. En l'espèce, une définition du marché des produits en cause serait nécessaire en raison des conclusions tirées par la Commission concernant la gravité de l'infraction et son succès sur le marché. L'absence de définition du marché ne permettrait pas de parvenir à la conclusion tirée au point 168 des considérants de la décision, selon laquelle l'entente aurait largement réussi à atteindre ses objectifs. Une définition du marché serait d'autant plus nécessaire que le carton SBS se distinguerait considérablement des cartons GC et GD.
219. En outre, selon les points 168 et 169 des considérants de la décision, la Commission aurait pris en considération, pour le calcul des amendes, le fait que les producteurs couvraient "pratiquement tout le marché" et l'importance des entreprises dans le "secteur". Or, ces éléments ne pourraient être maintenus, la Commission niant la pertinence d'une définition du marché.
220. Les caractéristiques du carton SBS n'auraient d'ailleurs pas été correctement appréciées aux points 3 et 4 des considérants de la décision. En effet, ce carton serait principalement utilisé à des fins graphiques et non pour l'emballage comme indiqué aux points 3 et 4 des considérants. L'emballage des articles de luxe serait, au demeurant, une utilisation très limitée.
221. Eu égard à ces utilisations très différentes, le carton SBS ne serait pas un produit concurrent du carton GC. Cela serait confirmé par le rapport entre les prix des différents types de carton, les prix du carton SBS étant nettement supérieurs à ceux des cartons GC et GD.
222. Enfin, il serait incorrect d'inclure le carton SBS et d'exclure, en même temps, des produits qui sont bien plus comparables aux cartons GC et GD, tels que le carton gris et le carton pour l'emballage de liquides.
223. La Commission soutient qu'une définition du marché des produits n'a pas sa place dans une affaire comme celle de l'espèce et que seuls importent les actes accomplis par les producteurs. Une définition du marché des produits concernés ne serait pas nécessaire pour conclure que le carton SBS faisait l'objet de l'entente. La décision aurait pris en compte les conditions spécifiques du marché concerné à d'autres égards.
224. Enfin, elle ne disposerait pas de preuves d'une concertation couvrant le carton gris. Dans ces conditions, l'argument de la requérante selon lequel le carton gris serait davantage comparable aux cartons GC et GD que le carton SBS ne serait pas pertinent.
- Appréciation du Tribunal
225. Selon l'article 85, paragraphe 1, du traité, sont interdits "tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun [. . . ]"
226. En l'espèce, la Commission a établi que la requérante a participé depuis le milieu de 1986 à une collusion sur les prix et, à compter de la fin de 1987, à une collusion sur les parts de marché ainsi qu'à une collusion sur les temps d'arrêt, soit les trois éléments constitutifs de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision. Comme cela vient d'être constaté (ci-dessus points 202 à 215), la Commission a établi que ces collusions ont concerné les trois types de carton définis au point 4 des considérants, à savoir les cartons GC, GD et SBS.
227. En outre, la Commission a conclu, sans être contredite par la requérante, que les collusions susmentionnées avaient eu pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun et qu'elles avaient affecté le commerce entre États membres (points 133 à 138 des considérants de la décision).
228. Dans ces conditions, la Commission a pu à bon droit conclure à l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité portant sur les cartons GC, GD et SBS sans avoir procédé, au préalable, à une définition du marché du produit en cause (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 496, et arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO ea/Commission, T-29-92, Rec. p. II-289, point 74).
229. Enfin, la Commission ne disposant pas de preuves d'une infraction concernant le carton gris, il a été correctement considéré que l'infraction n'avait pas porté sur ce produit.
230. La troisième branche du moyen ne saurait donc être retenue.
231. Au vu de ce qui précède, le moyen dans son intégralité doit être rejeté.
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
Arguments des parties
232. La requérante fait valoir que la Commission a abusé des pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17 en édictant l'interdiction contenue à l'article 2 de la décision. En effet, cette disposition interdirait pour l'avenir une catégorie très large de comportements. Une telle interdiction irait au-delà du rétablissement de la légalité des comportements concernés. En particulier, cet article la priverait de la possibilité de demander et d'obtenir une exemption ou une attestation négative pour un futur système d'échange d'informations.
233. Les échanges d'informations sous une forme agrégée sur la production, les ventes, les commandes en carnet, les entrées de commandes et sur les capacités de production, ainsi que leur utilisation auraient été qualifiés à tort d'infractions à l'article 85. En effet, la Commission aurait dû considérer que les destinataires de la décision avaient mis fin à l'infraction. Dès lors, ils devraient pouvoir échanger des informations comme s'ils n'avaient pas été condamnés pour une infraction.
234. En outre, la Commission aurait commis une erreur de droit et une violation des droits de l'association CEPI-Cartonboard et de la requérante en adoptant la décision sans prendre position sur la compatibilité avec l'article 85 du système notifié par la CEPI-Cartonboard.
235. Enfin, l'article 2 de la décision serait trop imprécis, car tout échange de statistiques, même sous une forme agrégée, pourrait être utilisé pour la mise en œuvre d'accords illicites. De plus, l'interdiction de tout échange d'informations "intéressant la concurrence" couvrirait, en fait, toute information.
236. La Commission souligne que, dans ses arrêts dans les affaires dites "Polypropylène" (notamment arrêt du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1-89, Rec. p. II-867) et dans son arrêt du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T-83-91, Rec. p. II-755), le Tribunal a confirmé deux injonctions analogues à celle contenue à l'article 2 de la décision.
237. La portée des injonctions fondées sur l'article 3 du règlement n° 17 devrait être déterminée par le comportement illégal constaté, et la Commission devrait être en mesure d'interdire pour l'avenir un comportement identique à celui constaté dans la décision. La Commission estime aussi pouvoir tenir compte du comportement passé des entreprises en évaluant la manière dont des informations pourraient être utilisées. Dans ce contexte, elle expose les constatations de la décision concernant le système d'échange d'informations de la Fides (points 61 à 71 et 134 des considérants de la décision) ainsi que celles concernant le premier système d'échange d'informations de l'association CEPI-Cartonboard (points 105, 106 et 166 des considérants).
238. Une interdiction comme celle contenue à l'article 2 de la décision devrait nécessairement être exprimée en des termes généraux, puisqu'elle couvrirait un éventail de comportements futurs. Cependant, cela ne signifierait pas que tout échange d'informations est interdit, ni que la possibilité d'octroyer une exemption ou une attestation négative à un système qui lui serait notifié est écartée.
Appréciation du Tribunal
239. Il y a lieu de rappeler que l'article 2 de la décision dispose:
"Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:
a)par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;
b)par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés
ou
c)qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.
Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.
Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.
Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations. "
240. Ainsi que cela ressort du point 165 des considérants, l'article 2 de la décision a été adopté en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. En vertu de cette disposition, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
241. Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241-91 P et C-242-91 P, Rec. p. I- 743, point 90), mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (arrêt Tetra Pak/Commission, précité, point 220).
242. De plus, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93; dans le même sens, voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese- Iglo/Commission, T-7-93, Rec. p. II-1533, point 209, et Schöller/Commission, T-9-93, Rec. p. II-1611, point 163).
243. En ce qui concerne d'abord l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait commis une erreur de droit en adoptant l'article 2 de la décision sans avoir pris position sur la compatibilité avec l'article 85 du système d'échange d'informations notifié par l'association CEPI-Cartonboard, il convient de relever que la notification faite par cette association le 6 décembre 1993 concernait un nouveau système d'échange d'informations, distinct de celui examiné par la Commission dans la décision. La Commission, en adoptant l'article 2 de la décision attaquée, n'a par conséquent pas pu apprécier la légalité du nouveau système dans le cadre de cette décision. Elle était dès lors en droit de se borner à examiner l'ancien système d'échange d'informations et à prendre position sur celui-ci en adoptant l'article 2 de la décision.
244. Afin de vérifier ensuite si, comme le prétend la requérante, l'injonction contenue à l'article 2 de la décision a une portée trop large, il convient d'examiner l'étendue des diverses interdictions qu'il impose aux entreprises.
245. Quant à l'interdiction édictée à l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase, consistant pour les entreprises à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des infractions constatées à l'article 1er de la décision, elle vise uniquement à ce que les entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l'illégalité a été constatée. Par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n'a pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17.
246. Quant à l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), ses dispositions visent plus spécifiquement des interdictions de futurs échanges d'informations commerciales.
247. L'injonction contenue dans l'article 2, premier alinéa, sous a), qui interdit à l'avenir tout échange d'informations commerciales permettant aux participants d'obtenir directement ou indirectement des informations individuelles sur des entreprises concurrentes, suppose que l'illégalité d'un échange d'informations d'une telle nature au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité ait été constatée par la Commission dans la décision.
248. A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 1er de la décision n'énonce pas que l'échange d'informations commerciales individuelles constitue en soi une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
249. Il dispose de manière plus générale que les entreprises ont enfreint cet article du traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les entreprises ont, notamment, "échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus".
250. Cependant, le dispositif de la décision devant être interprété à la lumière de ses motifs (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie ea/Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 122), il convient de relever que le point 134, deuxième alinéa, des considérants de la décision indique:
"L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence, puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la mise en œuvre des augmentations de prix [. . . ]"
251. Dès lors, la Commission ayant dûment considéré dans la décision que l'échange d'informations commerciales individuelles constituait, en soi, une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'interdiction future d'un tel échange d'informations satisfait aux conditions requises pour l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.
252. S'agissant des interdictions relatives aux échanges d'informations commerciales visés à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision, elles doivent être examinées à la lumière des deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même article, qui en étayent le contenu. C'est en effet dans ce contexte qu'il convient de déterminer si, et dans l'affirmative, dans quelle mesure la Commission a considéré comme illégaux les échanges en cause, dès lors que l'étendue des obligations pesant sur les entreprises doit être limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité de leurs comportements au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
253. La décision doit être interprétée en ce sens que la Commission a considéré le système Fides comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que support de l'entente constatée (point 134, troisième alinéa, des considérants de la décision). Une telle interprétation est corroborée par le libellé de l'article 1er de la décision, duquel il ressort que les informations commerciales ont été échangées entre les entreprises "afin de soutenir les mesures" considérées comme contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
254. C'est à la lumière de cette interprétation par la Commission de la compatibilité, en l'espèce, du système Fides avec l'article 85 du traité que doit être appréciée l'étendue des interdictions futures contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision.
255. A cet égard, d'une part, les interdictions en cause ne sont pas limitées aux échanges d'informations commerciales individuelles mais concernent aussi ceux de certaines données statistiques agrégées [article 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa, de la décision]. D'autre part, l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision interdit l'échange de certaines informations statistiques afin de prévenir la constitution d'un possible support de comportements anticoncurrentiels potentiels.
256. Une telle interdiction, en ce qu'elle vise à empêcher l'échange d'informations purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou individualisables, au motif que les informations échangées pourraient être utilisées à des fins anticoncurrentielles, excède ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité des comportements constatés. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la décision que la Commission ait considéré l'échange de données statistiques comme étant en soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, le seul fait qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets anticoncurrentiels.
257. En conséquence, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision doit être annulé, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
"Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:
a)par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés. "
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
A - Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes
Arguments des parties
258. La requérante fait valoir que la base de calcul des amendes aurait dû être exposée dans la décision.
259. Les critères indiqués aux points 167 à 172 des considérants de la décision ne contiendraient pas un exposé exhaustif des éléments pris en considération par la Commission pour fixer le montant des amendes. En effet, bien que la décision et le communiqué de presse émis par la Commission ne contiennent rien sur ce point, il ressortirait des déclarations faites lors d'une conférence de presse donnée par le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence le jour de la décision, le 13 juillet 1994, que la Commission a appliqué une formule mathématique précise pour déterminer le montant des amendes. La Commission affirmerait donc à tort que les informations fournies lors de cette conférence ne constituaient qu'une "idée que l'on [pouvait] se faire" du montant de l'amende. Lorsque la Commission applique, en fait, une telle formule mathématique, les destinataires devraient en être informés dans les motifs de la décision.
260. En outre, la décision ne contiendrait rien sur l'effet dissuasif qui aurait, selon la Commission, justifié le montant élevé de l'amende.
261. Elle n'établirait pas davantage de manière satisfaisante le lien entre la position de la requérante et les critères retenus pour déterminer le montant de l'amende.
262. Enfin, l'omission de la Commission de fournir des précisions quant à la base du calcul des amendes aurait affecté la capacité de se défendre de la requérante.
263. La Commission soutient que les points 167 à 172 des considérants de la décision contiennent une description exhaustive et pertinente des critères utilisés pour calculer les amendes. Des critères similaires auraient, en effet, été approuvés par le Tribunal dans les affaires dites "Polypropylène" (voir notamment arrêt Rhône-Poulenc/Commission, précité).
264. Elle ne serait pas tenue d'indiquer le pourcentage exact du chiffre d'affaires représenté par l'amende. La divulgation de ce chiffre ne serait pas souhaitable, notamment parce qu'elle risquerait de révéler des informations commerciales confidentielles. En outre, si elle a choisi le chiffre d'affaires de chaque entreprise comme point de référence pour le calcul des amendes, cela ne signifierait toutefois pas qu'elle a utilisé une formule mathématique précise. D'ailleurs, l'utilisation d'une formule mathématique pourrait inciter les entreprises à calculer les risques liés à un comportement illicite.
265. Quant à l'effet dissuasif des amendes, il serait inhérent à celles-ci et il ne serait donc pas indispensable de le rappeler chaque fois qu'une amende est infligée.
Appréciation du Tribunal
266. Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt Van Megen Sports/Commission, précité, point 51).
267. Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO ea/Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 54).
268. De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II- 1165, point 59).
269. Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des "chefs de file" de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des "membres ordinaires" de celle-ci. Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.
270. Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les "chefs de file" de l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant la Commission. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.
271. Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.
272. Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des "chefs de file" et à celles considérées comme des "membres ordinaires" ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.
273. En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087, point 264).
274. En second lieu, lorsqu'elle apprécie la gravité d'une infraction en vue de déterminer le montant de l'amende, la Commission doit notamment veiller au caractère dissuasif de son action, le droit communautaire lui imposant de poursuivre une politique générale visant à orienter, dans le sens des principes fixés par le traité, le comportement des entreprises (arrêt Musique Diffusion française ea/Commission, précité, points 105 et 106). Il s'ensuit que le caractère dissuasif de son action est inhérent à l'exercice de son pouvoir d'infliger des amendes, de sorte que la Commission n'était pas tenue de rappeler spécifiquement cet objectif dans la décision.
275. En troisième lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.
276. La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 136).
277. Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148-89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147-89, Rec. p. II-1057, publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151-89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.
278. Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.
279. Dans les circonstances particulières relevées au point 277 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées. Enfin, la requérante n'a pas démontré qu'elle aurait été empêchée de faire utilement valoir ses droits de la défense.
280. Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.
B - Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation du rapport LE
Arguments des parties
281. La requérante conteste que l'entente ait "largement réussi à atteindre ses objectifs" (point 168, septième tiret, des considérants de la décision).
282. Le seul élément de preuve dont disposerait la Commission en ce qui concerne les effets, sur les prix de transaction, des annonces d'augmentation des prix serait le rapport LE, dans lequel il serait tenu compte de l'ensemble des facteurs susceptibles d'influencer les prix de transaction sur un marché soumis à la concurrence, tels que les caractéristiques de la demande et les coûts de production. Or, dans ce rapport, il serait conclu que les prix de transaction n'étaient pas différents de ceux qui auraient résulté du jeu de la concurrence.
283. La Commission se serait focalisée, malgré les renseignements contenus dans le rapport LE et ceux fournis par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs relatifs aux prix de transaction du carton GC produit par Iggesund Paperboard, sur les annonces d'augmentation des prix sans tenir compte des facteurs qui expliquaient les augmentations des prix de transaction.
284. En outre, elle n'aurait pas suffisamment pris en considération les négociations individuelles avec les clients, lesquelles auraient eu pour conséquence que les prix de transaction étaient considérablement inférieurs aux tarifs.
285. Il ne serait pas correct d'affirmer que les prix annoncés constituaient un prix de référence du marché (voir point 21 des considérants de la décision). En l'espèce, bien qu'il y ait eu des discussions concernant les augmentations de prix annoncées, il n'y aurait eu aucune concertation relative aux prix de transaction, les prix annoncés faisant uniquement partie du processus de négociation conduisant à la fixation des prix individuels. De plus, il serait trompeur de mentionner, comme le fait la Commission, que les prix de catalogue avaient fait l'objet d'une augmentation globale de 42 %.
286. Les producteurs n'ayant pas réussi à imposer des prix supérieurs à ceux qui auraient résulté du jeu de la concurrence, il faudrait considérer que l'entente est restée, de façon générale, sans succès, car la Commission aurait estimé que les autres formes de collusion alléguées avaient pour seul objectif d'assurer le succès des initiatives en matière de prix.
287. La requérante relève ensuite que la décision contient des erreurs dans la description de l'évolution des prix de transaction (voir point 21 des considérants). Ainsi, les prix de transaction nets en monnaies nationales des qualités GC et GD auraient augmenté de 30 % et non de 33 % pendant la période concernée, et le chiffre de 19 % donné comme augmentation moyenne des prix de transaction en écus serait également trop élevé (voir graphique 11 du rapport LE).
288. De plus, bien que le produit réel par unité ait augmenté environ deux fois plus que les coûts de production au cours de la période concernée, la décision omettrait de mentionner qu'il s'agissait de modestes augmentations et que, pendant la même période, la demande avait augmenté de 16 %. Au surplus, la marge d'exploitation dont fait état le point 16 de la décision ne serait pas suffisante pour assurer un rendement raisonnable des investissements (voir rapport LE, section 5).
289. La Commission rappelle qu'elle n'est pas tenue de démontrer qu'une entente a eu un effet sur le marché. Cependant, en l'espèce l'entente aurait effectivement eu un tel effet.
290. Le rapport LE confirmerait que les prix de transaction nets ont augmenté d'environ un tiers entre 1988 et 1991. Or, il serait fantaisiste de prétendre que les efforts concertés de tous les producteurs de carton de l'Europe occidentale n'ont pas contribué au résultat obtenu. De plus, l'auteur du rapport LE aurait expressément reconnu, lors de l'audition devant la Commission, que l'évolution des prix de transaction avait étroitement suivi les annonces d'augmentations de prix, ce qui démontrerait le succès de l'entente à cet égard.
291. Le fait que l'accord ait concerné les prix annoncés et que les prix de transaction aient été déterminés sur la base de négociations entre les producteurs et leurs clients ne pourrait affecter la conclusion selon laquelle l'entente a eu un effet sur les prix de transaction. A cet égard, le prix annoncé aurait constitué un prix de référence pour tout le marché, et il serait indifférent que les gros clients aient obtenu des remises ou d'autres conditions spéciales.
Appréciation du Tribunal
292. Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en considération le fait que l'entente a "largement réussi à atteindre ses objectifs". Il est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.
293. Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de la collusion sur les prix. En effet, comme l'a souligné également la requérante, l'examen des effets de la collusion sur les prix permet d'apprécier, de façon générale, le succès de l'entente, car les collusions sur les temps d'arrêt et sur les parts de marché ont eu pour objectif d'assurer la réussite des initiatives concertées en matière de prix.
294. S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission.
295. De même, il ne saurait, dans ces conditions, être reproché à la Commission de ne pas avoir spécifiquement examiné les effets de la collusion sur les prix concernant le carton SBS, les ventes de ce carton constituant moins de 10 % des ventes globales des trois types de carton visés par la décision (voir point 5, cinquième alinéa, des considérants).
296. Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience, qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.
297. Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir, notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de la décision). A cet égard, la requérante se contredit en contestant que les prix annoncés aient constitué un prix de référence pour le marché tout en admettant qu'il était tenu compte de ces prix pour négocier les prix de transaction avec les clients.
298. Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de transaction a suivi celle des prix annoncés. A cet égard, la Commission soutient que "les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients" (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de grosse commande, et que "l'augmentation nette perçue en moyenne après déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure au montant total de l'augmentation annoncée" (point 102, dernier alinéa, des considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans le rapport LE, elle affirme qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une "étroite relation linéaire" entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: "Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989. " (Point 115, deuxième alinéa, des considérants. )
299. Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix, conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que, sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.
300. En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies par plusieurs producteurs, dont la requérante elle-même.
301. Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence d'une "étroite relation linéaire". En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991 révèle trois sous-périodes distinctes. A cet égard, lors de l'audition devant la Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière suivante: "Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en 1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt singulière [oddly] sur la période 1990/1991" (Procès-verbal de l'audition, p. 28. ) Il a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).
302. Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence de l'"étroite relation linéaire" qu'elle invoque.
303. Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en l'absence de toute collusion. A cet égard, la Commission, soulignant que les dates et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le PWG, estime dans la décision qu'"il est inconcevable que, dans ces conditions, ces annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix" (point 136, troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section 3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à 1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la décision.
304. Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence. A cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.
305. Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix n'est pas prouvée.
306. Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés par les producteurs dans la mise en œuvre des augmentations de prix convenues. Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs.
307. Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce (voir ci-après point 358).
308. Il convient, enfin, de constater que les inexactitudes qui seraient, selon la requérante (voir points 287 et 288 ci-dessus), contenues dans la motivation de la décision ne sauraient, à supposer même qu'elles soient établies, affecter les conclusions susmentionnées. Par conséquent, il est inutile d'examiner si les allégations de la requérante sur ces points sont fondées.
C - Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la gravité de l'infraction
309. Ce moyen se compose de deux branches qui seront examinées séparément.
Sur la première branche, tirée d'une erreur d'appréciation de la forme et des objectifs de l'entente alléguée
Arguments des parties
310. La requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort que l'entente alléguée était la plus grave qu'elle ait eu à sanctionner.
311. Elle conteste l'affirmation selon laquelle le mandat du JMC comprenait la fixation de prix équivalents pour certains gros clients (voir point 44 des considérants de la décision).
312. Elle conteste également que la collusion sur les prix ait eu pour objet l'instauration d'un système de prix équivalents en Europe. En effet, comme Stora l'aurait indiqué, la diminution des écarts de prix entre les marchés nationaux aurait résulté des conditions du marché.
313. De plus, la fonction principale du GEP Carton n'aurait pas été d'organiser le marché, contrairement à ce qui est allégué dans la décision. En effet, le GEP Carton aurait assumé de nombreuses fonctions parfaitement légitimes.
314. La Commission rappelle avoir constaté que l'entente avait non seulement mis en œuvre un système perfectionné d'augmentations de prix concertées, mais incluait également un accord sur le gel des parts de marché et sur le contrôle de la production.
315. Elle fait valoir ensuite que les caractéristiques qui, selon la requérante, n'auraient pas été constatées en l'espèce sont trompeuses ou secondaires. En tout état de cause, les prétendues erreurs seraient insignifiantes ou inexistantes et ne seraient guère de nature à modifier l'appréciation de la gravité de l'infraction.
316. Enfin, l'argument de la requérante selon lequel aucun effort n'aurait été accompli pour fixer des prix uniformes en Europe ne serait qu'une pure assertion contredite par les preuves.
Appréciation du Tribunal
317. L'argumentation peu claire de la requérante doit être comprise en ce sens que l'infraction qui lui est imputée ne serait pas aussi grave que la Commission le soutient, puisque certains éléments de cette infraction ne seraient pas établis. Selon elle, cette circonstance justifierait une réduction du montant de l'amende.
318. Il convient de rappeler que la Commission a considéré à bon droit que la requérante avait enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant du milieu de l'année 1986 jusqu'à avril 1991 au moins à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986 et consistant en plusieurs éléments constitutifs distincts. A cet égard, elle a constaté que la requérante avait participé à une collusion sur les prix, à une collusion sur les temps d'arrêt et à une collusion sur les parts de marché.
319. Il ressort du point 168, premier tiret, des considérants de la décision que la Commission a déterminé le montant général des amendes en se fondant, notamment, sur la considération selon laquelle "la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence".
320. Il y a lieu de considérer que les contestations de la requérante au soutien de cette branche du moyen ne sont pas de nature à atténuer la gravité des infractions déjà constatées et à justifier, par voie de conséquence, une réduction de l'amende. En tout état de cause, elles ne sont pas fondées.
321. En premier lieu, l'argument selon lequel le GEP Carton aurait assumé des activités légitimes est inopérant, dans la mesure où il a été constaté que les organes de cette association professionnelle, en particulier le PWG et le JMC, avaient un objet essentiellement anticoncurrentiel.
322. En second lieu, l'affirmation selon laquelle l'objet du JMC n'aurait pas compris la fixation de prix équivalents pour les principaux clients est contredite par les déclarations de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 14). De plus, la requérante ne conteste pas que, conformément aux énonciations de la décision (points 80 et 87 des considérants), les annexes 117 et 118 à la communication des griefs se rapportaient à des réunions du JMC. Or, ces deux documents contenaient précisément des indications sur les prix à appliquer à différentes catégories de clients selon leur importance.
323. Enfin, en troisième lieu, la requérante ne peut soutenir que la collusion sur les prix n'a pas eu pour objet l'instauration d'un système de prix équivalents en Europe, dès lors qu'elle ne conteste pas que les augmentations de prix convenues au sein du GEP Carton ont eu pour effet une diminution des divergences initiales entre les prix appliqués sur les différents marchés nationaux.
324. Au vu de ce qui précède, la première branche du moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche, tirée d'une erreur d'appréciation de l'existence d'une infraction unique
Arguments des parties
325. La requérante conteste que tous les éléments incriminés puissent constituer une infraction unique. En effet, certains liens ne seraient pas démontrés. D'autres n'auraient pas été décrits de manière suffisamment claire dans la communication des griefs. D'autres encore manqueraient de logique. Enfin, certaines allégations ne devraient pas affecter l'amende infligée.
326. Quant aux allégations relatives au SBS et aux annonces d'augmentation des prix de 1987 au Royaume- Uni, elles n'auraient pas dû figurer dans la décision.
327. Selon celle-ci, des réunions nationales ayant eu pour objet la mise en œuvre des augmentations de prix décidées au sein du GEP Carton auraient eu régulièrement lieu en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Pourtant, la décision ne contiendrait aucune preuve de la participation de la requérante aux réunions en Allemagne ou en France, aucun lien entre les réunions nationales et le GEP Carton ne serait démontré et les éléments de preuve relatifs aux réunions de la PAA (voir points 94 et suivants des considérants de la décision) et de l'Association of Cartonboard Manufacturers (ci-après "ACBM", voir points 98 et 99 des considérants) au Royaume-Uni n'auraient pas été correctement interprétés. De plus, la décision serait muette sur les réunions qui se seraient tenues en Scandinavie. Les constatations erronées de la Commission relatives aux réunions nationales auraient ainsi influencé le montant de l'amende, le point 168 de la décision énonçant parmi les critères retenus pour déterminer le niveau général des amendes l'existence de "réunions périodiques institutionnalisées".
328. En outre, les conclusions de la Commission selon lesquelles les réunions de la PAA et de l'ACBM et les activités du GEP Carton faisaient partie de la même infraction générale résulteraient de l'application de la doctrine de l'"objectif commun" (voir, notamment, arrêt Shell/Commission, précité). Cependant, cette doctrine ne trouverait à s'appliquer que dans les cas où quelques éléments de preuve font défaut, mais où les allégations de la Commission reposent, pour le reste, sur des preuves solides.
329. La Commission relève que la requérante semble contester uniquement l'existence des liens nécessaires entre les différents éléments de l'infraction unique en ce qui concerne certaines réunions nationales dans certains pays. En réponse aux arguments de la requérante selon lesquels les allégations concernant le SBS et l'augmentation de prix de 1987 au Royaume-Uni n'auraient pas dû figurer dans la décision, elle renvoie à ses arguments relatifs à l'inclusion du SBS dans la décision et ajoute que le lien entre l'augmentation de prix susmentionnée et le GEP Carton est démontré par une note mentionnée au point 75 des considérants de la décision (annexe 62 à la communication des griefs).
330. S'agissant des réunions nationales concernant la mise en œuvre des initiatives en matière de prix, il résulterait d'éléments suffisants de preuve que de telles réunions ont eu lieu en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Scandinavie. Ces réunions auraient fait partie de la structure de l'entente et devraient donc être considérées comme une extension de celle-ci.
331. Toutefois, à supposer même qu'il n'eût pas existé de preuves de la participation de la requérante aux réunions en Allemagne ou en France, l'appréciation de la gravité de l'entente serait fondamentalement la même. Sur ce point, la Commission se réfère aux critères mentionnés au point 168 de la décision, qui concerneraient pour l'essentiel la substance même de l'infraction.
332. S'agissant des arguments relatifs à la doctrine de l'"objectif commun", la Commission renvoie au point 116 des considérants de la décision, qui expliquerait l'approche suivie.
Appréciation du Tribunal
333. En ce qui concerne, tout d'abord, le grief tiré de la description imprécise des "liens" (point 325 ci- dessus), il y a lieu de rappeler que, selon l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d'instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l'appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102-92, Rec. p. II-17, point 68). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen.
334. En l'espèce, la formulation du grief en cause est trop imprécise pour permettre au Tribunal d'en identifier l'objet même. Partant, ce grief doit être rejeté comme irrecevable.
335. L'argument de la requérante selon lequel les allégations relatives au SBS et aux annonces d'augmentation des prix en janvier 1987 au Royaume-Uni ne devraient pas faire l'objet de la décision doit quant à lui être rejeté. Il suffit de rappeler que la Commission a correctement considéré que le carton SBS faisait partie de l'entente (point 228 ci-dessus) et que la durée de l'infraction imputée à la requérante a été dûment établie (points 173 et suivants ci-dessus).
336. S'agissant de l'argumentation relative, d'une part, à l'absence de preuves de l'existence de réunions nationales portant sur la mise en œuvre des décisions adoptées au sein des organes du GEP Carton et, d'autre part, à l'absence de preuves de liens entre lesdites réunions et les activités du GEP Carton, elle ne peut pas conduire à l'annulation de l'article 1er de la décision. En effet, la Commission a considéré à bon droit que la requérante avait enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, en sa qualité d'entreprise membre du PWG, à une collusion sur les prix, à une collusion sur les temps d'arrêt et à une collusion sur les parts de marché.
337. Il s'ensuit que l'argumentation de la requérante ne peut tendre qu'à une réduction de l'amende.
338. Dès lors, il y a lieu d'apprécier si la Commission a tenu compte de ces réunions nationales lorsqu'elle a apprécié la gravité de l'infraction commise.
339. Selon le point 168, cinquième tiret, des considérants de la décision, la Commission s'est notamment fondée sur le fait que "l'entente [avait] fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques et institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté".
340. Cette considération se rapporte essentiellement aux réunions des organes du GEP Carton.
341. En effet, le point 91, deuxième et troisième alinéas, des considérants de la décision énonce:
"On ignore si, outre les réunions nationales de préparation au comité économique [. . . ], il existait dans l'ensemble de l'Europe un système institutionnalisé de réunions locales organisées régulièrement dans chaque pays pour mettre en œuvre les augmentations préalablement décidées pour les différents marchés nationaux de la Communauté.
Il en était toutefois certainement ainsi sur plusieurs marchés nationaux importants [à savoir les marchés allemand, français et britannique]. "
342. Dans ces conditions, force est de constater que le fait que des réunions nationales aient constitué un prolongement des collusions entre les membres du GEP Carton dans plusieurs États membres n'a pas pu influencer sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction.
343. Il s'ensuit que la seconde branche du moyen doit être rejetée.
344. Par conséquent, le moyen doit être écarté dans son intégralité.
D - Sur le moyen tiré de ce que le niveau de l'amende serait disproportionné
Arguments des parties
345. La requérante souligne que le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence a déclaré, lors de sa conférence de presse du 13 juillet 1994, que les amendes infligées approchaient le plafond fixé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Cependant, ni la gravité de l'infraction alléguée ni la durée de celle-ci n'auraient justifié que le niveau fût si élevé.
346. En effet, la Commission aurait déjà découvert des infractions plus graves que celle de la présente espèce. La comparaison entre la décision et celle ayant fait l'objet de l'arrêt Tetra Pak/Commission, précité, ferait apparaître que l'infraction constatée dans cette dernière affaire était plus grave et de plus longue durée.
347. Par ailleurs, la Commission aurait déjà été confrontée à des infractions d'une durée considérablement plus longue que celle constatée dans la décision et elle ne pourrait pas tenir compte, contrairement à ce qu'elle soutient dans son mémoire en défense, de la durée indéfinie de l'infraction. L'approche de la Commission serait incompatible avec l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, puisqu'il ne pourrait être tenu compte que de la durée effective des infractions constatées.
348. En outre, la décision n'indiquerait pas les raisons pour lesquelles le niveau de l'amende a été augmenté par rapport à celui des décisions antérieures de la Commission. Il faudrait donc considérer que les critères exposés dans la décision ne peuvent pas justifier le niveau de l'amende.
349. La Commission relève que l'amende infligée à la requérante représente environ 9 % de son chiffre d'affaires communautaire de 1990 dans le domaine du carton. Aucune preuve de ce que l'amende serait proche de 10 % de son chiffre d'affaires global, plafond fixé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, n'aurait été produite par la requérante. La Commission aurait indiqué que l'infraction était particulièrement grave, mais n'aurait jamais fait valoir qu'il s'agissait de l'infraction la plus grave jamais découverte. Enfin, elle pourrait à tout moment relever le niveau général des amendes pour en assurer l'effet dissuasif.
350. Elle n'aurait jamais déclaré avoir relevé le niveau général des amendes, l'amende infligée à la requérante ne s'élevant pas, en effet, à un niveau nettement supérieur à celui des amendes infligées aux chefs de file dans la décision 86-398-CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31. 149 - Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après "décision Polypropylène"). En toute hypothèse, il ne serait pas nécessaire de mentionner, dans la décision, l'éventuel relèvement du niveau général des amendes.
351. Enfin, en ce qui concerne la durée de l'infraction, la découverte rapide d'une infraction comme celle constatée en l'espèce ne la rendrait pas intrinsèquement moins grave. Cette circonstance ne signifierait pas que la Commission a infligé une amende pour une période postérieure à la décision (voir point 167 des considérants de la décision).
Appréciation du Tribunal
352. Selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Le montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de l'infraction et de sa durée. Ainsi que cela a déjà été rappelé, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO ea/Commission, précitée, point 54).
353. En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi que des considérations suivantes (point 168 des considérants):
"- la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,
- l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,
- le marché communautaire du carton est un secteur économique important qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,
- les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le marché,
- l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté,
- des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres', etc. ),
- l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs".
354. De plus, il est constant que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées selon que les entreprises ont été considérées comme des "chefs de file" ou comme des "membres ordinaires" de l'entente.
355. Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment, arrêt Musique Diffusion française ea/Commission, précité, points 105 à 108, et arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13-89, Rec. p. II-1021, point 385).
356. En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier, dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes.
En outre, l'adoption de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion démontre que les entreprises concernées ont été pleinement conscientes de l'illégalité de leur comportement. Partant, la Commission a pu prendre en compte ces mesures lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, car elles constituaient un aspect particulièrement grave de l'infraction de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées.
357. En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, et notamment la décision Polypropylène. A cet égard, rien ne permet de considérer que la Commission a, contrairement aux indications contenues au point 167 des considérants, tenu compte, pour déterminer le niveau des amendes, d'une durée de l'infraction plus longue que celle effectivement constatée selon l'article 1er de la décision.
358. Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes fixé par la Commission. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. A cet égard, le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.
359. Enfin, en fixant en l'espèce le niveau général des amendes, la Commission ne s'est pas écartée de sa pratique décisionnelle antérieure de manière telle qu'elle aurait dû motiver plus explicitement son appréciation de la gravité de l'infraction (voir, notamment, arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique ea/Commission, 73-74, Rec. p. 1491, point 31).
360. Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.
E - Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation du rôle joué par Iggesund Paperboard
Arguments des parties
361. La requérante fait valoir, en premier lieu, qu'elle a été erronément qualifiée de "chef de file" de l'entente. Des représentants d'Iggesund Paperboard auraient participé à seulement quelques réunions des organes du GEP Carton et ils n'auraient jamais agi en tant que dirigeants de ces organes.
362. Iggesund Paperboard n'aurait participé à aucune réunion du PWG avant la fin du mois de novembre 1989. Il appartiendrait donc à la Commission de prouver la participation d'Iggesunds Bruk ou de TBM avant cette date. En outre, aucun représentant d'Iggesund Paperboard n'aurait assisté aux réunions du PWG des 6 février 1990, 12 avril 1991, 27 mai 1991 et 5 juin 1991. Par conséquent, cette société n'aurait participé qu'à cinq des neuf réunions du PWG tenues à partir de novembre 1989.
363. Les déclarations de Stora selon lesquelles TBM aurait participé aux réunions du PWG dès la création de cet organe ne seraient pas fiables. Contrairement aux principes d'équité et de proportionnalité, la Commission n'aurait donc pas dûment pris en considération le fait qu'Iggesund Paperboard n'avait participé que de manière occasionnelle aux réunions du PWG à partir de novembre 1989.
364. En ce qui concerne le JMC, Iggesund Paperboard n'aurait pas, contrairement aux indications contenues dans le tableau 4 annexé à la décision, participé aux réunions des 6 et 7 septembre 1989.
365. S'agissant d'Iggesunds Bruk, cette usine aurait principalement produit du carton SBS, sa production de carton GC de haute qualité ayant toujours été de moindre importance pour elle. Cela expliquerait qu'elle n'ait jamais été qu'un participant occasionnel aux réunions des organes du GEP Carton et qu'elle n'ait pas été membre du GEP Carton après 1985. En effet, avant novembre 1988, Iggesunds Bruk n'aurait participé, à l'exception des assemblées générales du GEP Carton, qu'à 9 des 20 réunions de la PC et à 4 des 18 réunions du COE.
366. En second lieu, rien ne permettrait d'alléguer que les temps d'arrêt pratiqués par la requérante résultaient d'une concertation. En effet, l'usine d'Iggesunds Bruk aurait été habituellement fermée en automne pour des raisons techniques. En 1990, la fermeture habituelle aurait cependant été reportée, car Iggesunds Bruk aurait produit des volumes records au cours du dernier tiers de l'année 1990 et du premier tiers de l'année 1991. Pour ce qui est de l'usine de Workington, des temps d'arrêt n'auraient eu lieu qu'en cas de commandes limitées.
367. La Commission souligne que ce sont les participants aux réunions du PWG qui ont été considérés comme les "chefs de file" de l'entente. La question de savoir si le représentant d'Iggesund Paperboard figurait parmi les dirigeants des organes serait dès lors dénuée de pertinence. En effet, TBM et, plus tard, Iggesund Paperboard auraient participé aux réunions de tous les organes du GEP Carton, y compris le PWG. Dès lors, l'argumentation de la requérante relative au rôle d'Iggesunds Bruk avant 1988 ne serait pas pertinente.
368. Quant aux affirmations de la requérante relatives aux temps d'arrêt de la production pour le carton SBS, elles seraient dénuées de pertinence, puisque la Commission n'aurait jamais affirmé qu'il existait un système d'arrêt de la production concernant spécifiquement le carton SBS. De plus, la demande de carton SBS aurait été forte pendant toute la période en cause et il n'aurait, dès lors, pas été nécessaire d'en arrêter la production.
369. Enfin, l'argument selon lequel il n'aurait été procédé à des arrêts de la production de l'usine de Workington qu'en cas de commandes limitées ne serait pas convaincant, car les arrêts de production ne seraient nécessaires que dans de telles circonstances.
Appréciation du Tribunal
370. Il ressort des constatations relatives aux moyens invoqués par la requérante à l'appui de sa demande d'annulation de la décision que la nature des fonctions du PWG, telles que décrites dans la décision, a été établie par la Commission.
371. Dans ces conditions, la Commission a pu conclure à bon droit que les entreprises ayant participé aux réunions de cet organe devaient être considérées comme des "chefs de file" de l'infraction constatée et qu'elles devaient, de ce fait, porter une responsabilité particulière (voir point 170, premier alinéa, des considérants de la décision).
372. En l'espèce, il est constant que Iggesund Paperboard a participé aux réunions du PWG à partir de novembre 1989. A cet égard, il convient de rejeter l'argument de la requérante selon lequel Iggesund Paperboard n'aurait participé qu'occasionnellement aux réunions du PWG. En effet, il ressort du tableau 2 annexé à la décision que Iggesund Paperboard a participé à cinq des sept réunions tenues pendant la période allant de novembre 1989 jusqu'au mois d'avril 1991, date à laquelle la Commission a procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.
373. S'agissant de la période allant du milieu de l'année 1986 jusqu'au mois de novembre 1989, Stora indique: "Un autre producteur était représenté au PWG: l'usine 'UK Workington' a été représentée au PWG dès la mise en place de ce dernier. L'usine Workington a été achetée par Iggesund/MoDo. " (Annexe 37 à la communication des griefs, p. 2. ) En outre, dans une réponse d'Iggesund Paperboard (Workington) Ltd du 20 août 1991 à une demande de renseignements, il est indiqué (p. 12), concernant la participation aux réunions du PWG de TBM/Iggesund Paperboard (Workington) Ltd: "Nous supposons que M. P. L. Herring a assisté à certaines ou à toutes ces réunions. "
374. Dans ces circonstances, Iggesund Paperboard (Workington) Ltd ayant elle-même présumé, dans sa réponse susmentionnée, que M. P. L. Herring avait participé aux réunions de cet organe pour le compte de TBM/Iggesund Paperboard (Workington) Ltd, la Commission s'est fondée à bon droit sur les déclarations de Stora selon lesquelles la cartonnerie de Workington avait été représentée au sein du PWG dès sa création.
375. Il a déjà été constaté que la Commission a adressé à bon droit la décision à la requérante pour ce qui est des agissements anticoncurrentiels des sociétés Iggesund Paperboard, Iggesund Paperboard (Workington) Ltd et TBM. La requérante a donc été considérée à juste titre, en sa qualité de participant aux réunions du PWG pendant toute la période d'infraction, comme l'un des "chefs de file" de l'infraction. Dans ce contexte, il est sans pertinence que Iggesunds Bruk n'ait pas, pour sa part, participé aux réunions du PWG.
376. Enfin, il a été établi que la requérante a participé à une collusion sur les temps d'arrêt de la production et qu'elle a même procédé à des arrêts effectifs de la production dans l'usine de Workington lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue et que la demande a décliné (points 145 à 147 ci-dessus). A cet égard, l'argument de la requérante selon lequel elle n'a pas procédé à des temps d'arrêt de l'usine d'Iggesunds Bruk parce que la demande du carton SBS a été forte pendant toute la période couverte par la décision doit être écarté. En effet, la Commission n'a jamais soutenu que la collusion sur les temps d'arrêt impliquait que les entreprises participant à cette collusion devaient appliquer des temps d'arrêt de la production lorsque la demande était forte.
377. Au vu de ce qui précède, le moyen ne saurait être accueilli.
F - Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement
Arguments des parties
378. Le moyen s'articule en deux branches.
379. Dans la première branche, la requérante affirme que l'amende qui lui a été infligée est excessive par rapport à celles infligées aux entreprises qui n'ont pas contesté les principales allégations de fait. La distinction de principe opérée entre ces deux groupes d'entreprises manquerait de clarté, car elle ne serait fondée sur aucune règle ou ligne de conduite préalablement déclarée par la Commission.
380. La simple non-contestation des allégations de la Commission ne justifierait pas la distinction ainsi opérée, puisqu'un tel comportement ne constituerait pas une coopération au sens de la jurisprudence. En revanche, nonobstant l'éventuelle non-contestation de la part de certaines entreprises, il incomberait dans tous les cas à la Commission de démontrer ses allégations de fait. Même un aveu exprès de la part de certaines entreprises ne saurait être utilisé pour prouver les allégations à l'encontre des entreprises qui ne les admettent pas. Les entreprises destinataires de la communication des griefs devraient pouvoir répondre aux allégations de la Commission qu'elle contient, sans risquer d'être pénalisées pour ce comportement par l'imposition d'une amende plus élevée (ou par une réduction moins importante).
381. La distinction opérée par la Commission constituerait donc une violation des droits de la défense, du principe de loyauté, du principe du respect des règles de procédure ainsi que de la présomption d'innocence.
382. A supposer même que la Commission ait été en droit de pénaliser plus fortement la requérante que les entreprises n'ayant pas contesté les principales allégations de fait, la majoration de 50 % de l'amende qui lui a été infligée serait excessive et disproportionnée. En effet, dans son arrêt ICI/Commission, précité, le Tribunal aurait jugé raisonnable, dans l'exercice de sa pleine juridiction, de réduire d'environ 20 % le montant de l'amende infligée à une entreprise qui avait amplement coopéré avec la Commission.
383. Dans la seconde branche du moyen, la requérante fait valoir que l'amende qui lui a été infligée est excessive par rapport aux amendes infligées aux entreprises censées avoir aidé activement la Commission (Rena et Stora). Son amende s'élèverait, en pourcentage du chiffre d'affaires, à trois fois celles de Rena et de Stora. Cette différence serait excessive et discriminatoire.
384. La décision ne contiendrait pas une motivation suffisante de cette réduction substantielle des amendes (voir point 172 des considérants de la décision). En outre, il ressortirait de l'arrêt ICI/Commission, précité, que la coopération active ne justifie qu'une petite différence de traitement.
385. Les réductions accordées à Rena et à Stora pourraient également constituer un détournement de pouvoir, car toutes les entreprises n'auraient pas nécessairement possédé les informations utiles pour aider activement la Commission.
386. En outre, se poserait la question de savoir si la Commission peut obtenir des renseignements en les rétribuant. En l'espèce, la Commission, par la voie de son membre en charge de la politique de la concurrence, aurait reconnu qu'elle n'aurait pas pu établir l'existence de l'entente sans les renseignements fournis par Stora. Dès lors, si les entreprises sont financièrement encouragées à fournir des informations à la Commission, alors que celle-ci ne peut pas les exiger d'elles (voir arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, et Solvay/Commission, 27-88, Rec. p. 3355, publication sommaire), il ne pourrait être exclu que certaines entreprises commettent, afin de réaliser le meilleur bénéfice financier, un excès de zèle dans leurs confessions de nature à affecter la crédibilité de leurs déclarations.
387. Enfin, la coopération de Stora n'aurait pas été spontanée, puisqu'elle n'aurait coopéré qu'après les vérifications effectuées en vertu de l'article 14 du règlement n° 17 et les questions écrites de la Commission portant sur le GEP Carton.
388. En réponse à la première branche du moyen, la Commission rétorque que la reconnaissance par certaines entreprises de l'essentiel des accusations portées contre elles a facilité sa tâche et devrait donc être appréciée comme une forme de coopération justifiant une réduction de l'amende (arrêt ICI/Commission, précité, point 393).
389. Contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante n'aurait pas été pénalisée pour une absence de coopération. En fait, ce seraient les entreprises ayant effectivement reconnu l'infraction qui auraient bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende. Rien ne permettrait de considérer que ces réductions étaient trop élevées. En tout état de cause, si le Tribunal devait considérer que la réduction accordée à certaines entreprises était trop élevée, il pourrait, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, augmenter les amendes concernées.
390. Enfin, l'argument de la requérante tiré d'une prétendue discrimination des entreprises ne possédant pas de documents serait dénué de fondement.
391. Pour ce qui est de la seconde branche du moyen, la Commission estime que son attitude à l'égard de Rena et de Stora était pleinement justifiée.
392. Stora, en particulier, aurait fourni spontanément un compte rendu détaillé du fonctionnement de l'entente. L'affirmation de la requérante selon laquelle des entreprises pourraient être tentées d'exagérer le comportement illicite des concurrents afin d'obtenir d'importantes réductions serait sans fondement. Si la Commission doit procéder à un examen attentif des preuves fournies par les membres d'une entente, cela ne signifierait cependant pas qu'elle ne peut pas tenir compte d'une coopération franche et complète.
Appréciation du Tribunal
393. S'agissant de la première branche du moyen, il y a lieu de relever que la requérante a admis, lors de la procédure administrative devant la Commission, avoir participé à une collusion sur les annonces d'augmentation des prix concernant le carton GC, mais qu'elle a, pour le surplus, contesté sa participation à l'infraction alléguée.
394. La Commission a estimé à bon droit que, en répondant de la sorte, la requérante ne s'est pas comportée d'une manière justifiant une réduction de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative. En effet, une réduction à ce titre n'est justifiée que si le comportement a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (voir arrêt ICI/Commission, précité, point 393).
395. Une entreprise qui déclare expressément qu'elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence. Dans ses décisions constatant une infraction à ces règles, la Commission est en droit de considérer un tel comportement comme constitutif d'une reconnaissance des allégations de fait et donc comme un élément de preuve du bien- fondé des allégations en cause. Dès lors, un tel comportement peut justifier une réduction de l'amende.
396. Il en est autrement lorsqu'une entreprise s'abstient de répondre à la communication des griefs, déclare uniquement ne pas prendre position sur les allégations de fait avancées par la Commission dans celle-ci ou conteste dans sa réponse, comme la requérante, l'essentiel de ces allégations. En effet, en adoptant une telle attitude lors de la procédure administrative, l'entreprise ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence.
397. Par conséquent, lorsque la Commission déclare au point 172, premier alinéa, des considérants de la décision qu'elle a accordé des réductions des amendes infligées aux entreprises qui, dans leurs réponses à la communication des griefs, n'ont pas nié les principales allégations de fait invoquées par la Commission, force est de constater que ces réductions des amendes ne peuvent être considérées comme licites que dans la mesure où les entreprises concernées ont expressément déclaré qu'elles ne contestaient pas lesdites allégations. Il convient d'ajouter, dans ce contexte, que la Commission n'a pas, en réduisant d'un tiers le montant des amendes infligées auxdites entreprises, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lorsqu'elle détermine le montant des amendes.
398. A supposer même que la Commission ait appliqué un critère illégal en réduisant les amendes infligées à des entreprises qui n'avaient pas déclaré expressément qu'elles ne contestaient pas les allégations de fait, il convient de rappeler que le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134-84, Rec. p. 2225, point 14). Dans la mesure où l'argumentation de la requérante tend précisément à ce que lui soit reconnu un droit à une réduction illégale de l'amende, la première branche du moyen ne saurait, par conséquent, être accueillie.
399. S'agissant de la seconde branche du moyen, il y a lieu de constater que Rena et Stora ont bénéficié d'une réduction de l'amende des deux tiers au titre de leur coopération active avec la Commission lors de la procédure administrative (voir, à cet égard, point 171 des considérants de la décision). En rappelant la coopération active de ces entreprises lors de la procédure administrative, la décision contient une motivation suffisante des raisons ayant justifié d'accorder une réduction substantielle de l'amende infligée à ces deux entreprises.
400. Il doit être relevé que la requérante aurait elle-même pu obtenir une réduction de l'amende en faisant preuve d'une coopération active avec la Commission. En effet, sa participation à l'infraction ayant été établie, son argument selon lequel elle n'aurait pas possédé les informations nécessaires pour aider activement la Commission ne peut qu'être rejeté.
401. Pour autant que la requérante soutient que l'amende infligée est excessive par rapport à celle infligée à Stora, il convient de rappeler que celle-ci a fourni à la Commission des déclarations comportant une description très détaillée de la nature et de l'objet de l'infraction, du fonctionnement des divers organes du GEP Carton et de la participation à l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que la Commission déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve corroborant les renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112 et 113 des considérants), il apparaît clairement que les déclarations de Stora ont constitué le principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Sans ces déclarations, , il aurait donc été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la Commission de constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infraction faisant l'objet de la décision.
402. Dans ces conditions, et même si Stora n'a coopéré qu'après que la Commission eut procédé à des vérifications auprès des entreprises en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, la Commission n'a pas, en réduisant des deux tiers le montant de l'amende infligée à Stora, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lorsqu'elle détermine le montant des amendes.
403. S'agissant de la réduction de l'amende accordée à Rena, il suffit de constater que la requérante n'a pas contesté l'indication contenue au point 171, deuxième alinéa, des considérants de la décision selon laquelle Rena "a remis volontairement à la Commission des documents importants".
404. Enfin, la requérante n'a pas fourni le moindre indice à l'appui de son affirmation selon laquelle les réductions des amendes accordées à Rena et à Stora constitueraient un détournement de pouvoir.
405. L'amende infligée à la requérante ne peut donc pas être considérée comme disproportionnée par rapport à celles infligées à Rena et à Stora.
406. Il s'ensuit que la seconde branche du moyen ne peut pas, non plus, être accueillie.
407. Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.
G - Sur le moyen tiré d'une prétendue coopération de la requérante et de l'existence d'autres circonstances atténuantes
Arguments des parties
408. La requérante soutient qu'elle a coopéré avec la Commission dans le cadre de son enquête.
409. Cette coopération serait démontrée par le fait que a) Iggesund Paperboard s'est tenue à l'écart des réunions des organes du GEP Carton après les vérifications effectuées par la Commission, b) la requérante n'a pas, dans sa réponse à la communication des griefs, contesté les principaux éléments de fait, c) elle a admis l'existence de discussions sur les annonces de prix et, enfin, d) les entreprises appartenant au groupe MoDo ont mis en œuvre un programme d'alignement visant à assurer le respect des règles de la concurrence.
410. En outre, la requérante aurait fourni des informations détaillées sur la participation des entreprises de son groupe aux réunions des organes du GEP Carton, bien que la Commission ne se fût pas référée aux dispositions du règlement n° 17 dans ses demandes.
411. Dans ces conditions, étant donné que la requérante n'aurait pas contesté les documents relatifs aux prix mentionnés dans la communication des griefs, elle devrait être placée dans la même catégorie que les entreprises n'ayant pas contesté les principales allégations de fait.
412. Enfin, imposer une amende s'élevant à un niveau jamais atteint serait injustifié, car, d'une part, le secteur du carton n'aurait jamais fait l'objet d'une enquête de la Commission et, d'autre part, la requérante elle-même n'aurait commis antérieurement aucune infraction.
413. La Commission conteste que la requérante puisse être considérée comme ayant coopéré. En particulier, la requérante ne saurait prétendre avoir reconnu les principales allégations de fait, car elle continuerait à contester la plupart des constatations de la Commission. De plus, sa réticence à répondre aux demandes de renseignements n'aurait pas davantage traduit une volonté de coopérer.
Appréciation du Tribunal
414. Il a déjà été relevé que la requérante a contesté, dans sa réponse à la communication des griefs, l'essentiel des allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à son égard et que cette réponse ne peut donc pas être considérée comme constitutive d'une coopération avec la Commission justifiant une réduction du montant de son amende.
415. A supposer même que la requérante ait fourni des informations sur les entreprises de son groupe participant aux réunions des organes du GEP Carton sans que ces informations aient constitué des réponses à des demandes de renseignements fondées sur les dispositions du règlement n° 17, ce comportement ne saurait davantage être considéré comme un comportement justifiant une réduction de l'amende. En effet, la requérante a contesté, pour l'essentiel, les allégations de la Commission relatives aux discussions à objet anticoncurrentiel tenues au cours des réunions en cause.
416. S'agissant du programme d'alignement mis en œuvre par le groupe MoDo après la cessation de l'infraction, il a déjà été rappelé que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO ea/Commission, précitée, point 54).
417. Il s'ensuit que, si la mise en œuvre d'un programme d'alignement démontre la volonté de l'entreprise en cause de prévenir les infractions futures et constitue donc un élément permettant à la Commission de mieux accomplir sa mission consistant, notamment, à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens les entreprises, le seul fait que, dans certains cas, la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'alignement en tant que circonstance atténuante n'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans le cas présent.
418. Dès lors, la Commission a été en droit de considérer qu'il convenait, en l'espèce, de récompenser uniquement le comportement des entreprises lui ayant permis de constater l'infraction concernée avec moins de difficulté. Par conséquent, la requérante ayant contesté, lors de la procédure administrative, l'essentiel des allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à son égard, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir accordé à la requérante une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée.
419. En outre, s'il est certes important que la requérante ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction qui a été constatée en l'espèce (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 357).
420. Dans ces conditions, la Commission était également fondée à ne pas tenir compte, lors de la détermination du montant de l'amende infligée à la requérante, du fait que celle-ci se soit tenue à l'écart des réunions des organes du GEP Carton après les vérifications effectuées par la Commission en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.
421. Enfin, il doit être considéré que le fait que la Commission a déjà constaté, par le passé, qu'une entreprise avait enfreint les règles de la concurrence et l'a, le cas échéant, sanctionnée à ce titre peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante, d'autant plus qu'en l'espèce on se trouve en présence d'une infraction particulièrement patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, DSM/Commission, T-8-89, Rec. p. II-1833, point 317).
422. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.
H - Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
423. Dans son mémoire introductif d'instance, la requérante fait remarquer, sous le titre "arguments finals" ("Closing submissions"), que l'application du droit communautaire dans le cadre de procédures aboutissant à l'imposition d'amendes est d'une nature qui la soumet à l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après "CEDH") (ou à des principes analogues du droit communautaire), qui exige que des missions de cette nature soient assurées par un tribunal indépendant et impartial.
424. Elle soutient que, en tant que tribunal concerné, le Tribunal devrait donc avoir le contrôle entier tant sur les faits que sur les aspects juridiques de l'affaire. Il en découlerait que "le Tribunal devrait se faire un point de vue propre et indépendant des faits de l'affaire" ("the Court should come to its own, independent view on the facts of the case") ou, à tout le moins, qu'il "devrait être enclin plutôt que répugner" ("should be quick, rather than reluctant") à se former son propre point de vue sur la sanction appropriée.
425. Lors de l'audience, la requérante a soutenu que les remarques ainsi présentées constituent un moyen en droit.
426. Toutefois, ainsi que cela a déjà été rappelé, afin de répondre aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d'instance doit expliciter en quoi consistent les moyens sur lesquels le recours est fondé, de sorte que leur seule énonciation abstraite n'est pas suffisante (ci-dessus point 333). En l'espèce, les remarques avancées par la requérante, dans sa requête, au sujet de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, revêtent un caractère tellement imprécis que le Tribunal n'est pas en mesure de les apprécier. Le moyen doit par conséquent être rejeté comme irrecevable.
427. Aucun des moyens invoqués au soutien des conclusions en annulation de l'amende ou en réduction de son montant n'ayant été accueilli, il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'amende infligée à la requérante.
428. Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il convient d'accueillir partiellement le moyen tiré de l'illégalité de l'article 2 de la décision et de rejeter le recours pour le surplus.
Sur les dépens
429. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1)L'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-C-33. 833 - Carton), est annulé à l'égard de la requérante, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
"Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:
a)par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés. "
2)Le recours est rejeté pour le surplus.
3)La requérante est condamnée aux dépens.