TPICE, 30 avril 1998, n° T-214/95
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vlaams Gewest (Région flamande)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. García-Valdecasas
Juges :
Mme Tiili, MM. Azizi, Moura Ramos, Jaeger
Avocat :
Me Merckx.
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Cadre Juridique
1. L'article 92, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (ci-après "traité") se lit comme suit:
"Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. "
2. L'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité permet à la Commission, par dérogation, de déclarer compatibles avec le marché commun "les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun".
3. Le 20 mai 1992, la Commission a adopté un encadrement communautaire des aides aux petites et moyennes entreprises (JO C 213, p. 2). Son point 3. 2 exempte de l'obligation de notification prescrite par l'article 93, paragraphe 3, du traité les aides dont le montant absolu, pour une catégorie de dépenses, est inférieur à 50 000 écus sur une période de trois ans. Le point 1. 6 exclut toutefois du champ d'application de l'encadrement les aides accordées à des entreprises relevant des secteurs soumis à des règles communautaires spéciales en matière d'aides d'État, notamment du secteur des transports.
4. La Commission a fixé les dispositions applicables aux aides d'État à des entreprises du secteur aérien dans sa communication 94-C 350-07 intitulée "Application des articles 92 et 93 du traité CE et de l'article 61 de l'accord [sur l'Espace économique européen] aux aides d'État dans le secteur de l'aviation" (JO 1994, C 350, p. 5; ci-après "lignes directrices"). Le point 50 (chapitre IX) de ces lignes directrices confirme que la procédure d'autorisation accélérée prévue pour les régimes d'aide aux petites et moyennes entreprises ne s'applique pas aux aides dans le secteur des transports.
5. Les lignes directrices couvrent les aides accordées par les États membres aux transporteurs aériens de la Communauté (point 10, chapitre II). Le point 51 (chapitre X) précise que la Commission les appliquera dès leur publication au Journal officiel des Communautés européennes et qu'elle décidera, au moment opportun, de leur actualisation.
6. Au point 8 (section I. 4), on peut lire que la Commission "souhaite faire en sorte que les transporteurs aériens de la Communauté puissent se concurrencer effectivement à armes égales".
7. Au point 14 (chapitre III), il est précisé: "Les aides directes visant à combler les pertes d'exploitation ne sont pas, en général, compatibles avec le marché commun et ne peuvent bénéficier d'une exemption. "
8. Au chapitre V, relatif notamment aux exemptions pour le développement de certaines activités économiques susceptibles d'être accordées au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après "accord EEE"), les lignes directrices prévoient que les aides à la restructuration ne peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun qu'à certaines conditions. Une de ces conditions exige que l'aide s'inscrive dans un programme global de restructuration devant être approuvé par la Commission [point 38, sous 1), des lignes directrices]. Le programme financé par l'aide d'État ne peut être considéré comme "non contraire à l'intérêt commun" que s'il n'a pas pour objectif d'accroître la capacité et l'offre de la compagnie concernée au détriment de ses concurrentes européennes directes [point 38, sous 4), des lignes directrices].
9. Enfin, au point 50 (chapitre IX), les lignes directrices instaurent, pour des raisons de simplification administrative, une procédure accélérée d'autorisation pour les régimes d'aide de faible importance dans le secteur de l'aviation. Il est précisé que la Commission appliquera une procédure d'autorisation plus rapide à l'encontre de l'adoption de nouveaux régimes d'aide ou de la modification de régimes existants notifiée conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité si:
- le montant de l'aide accordée au même bénéficiaire n'est pas supérieur à un million d'écus sur trois ans,
- l'aide est liée à des objectifs spécifiques d'investissement, les aides à l'exploitation étant exclues.
Faits à l'orgine du recours
10. Vlaamse Luchttransportmaatschappij NV (ci-après "VLM") est une compagnie aérienne privée établie à Anvers. Elle a été constituée le 21 février 1992 avec un capital initial de 10 millions de BFR. Le capital a été augmenté ensuite à plusieurs reprises, atteignant 75 millions de BFR à la fin de 1993, pour être porté à 100 millions de BFR au cours de l'année 1994. Depuis 1993, elle propose des vols réguliers notamment entre Anvers et Londres (London City Airport) et entre Rotterdam et Londres (London City Airport).
11. La liaison Anvers-Londres est également desservie par d'autres compagnies, notamment par l'entreprise britannique Cityflyer Express Ltd (ci-après "Cityflyer"), au départ et à l'arrivée de l'aéroport de Gatwick.
12. Le 17 décembre 1993, la Région flamande a accordé à VLM, sans notification préalable à la Commission, un prêt sans intérêt de 20 millions de BFR, remboursable par tranches annuelles de 4 millions de BFR à partir de la deuxième année.
13. Le contrat accordant le prêt stipule:
"Artikel 1: Voorwerp
De begunstigde verbindt zich tot de verdere uitbouw en exploitatie van meerdere Europese vliegroutes.
Ter ondersteuning van deze activiteit verleent het Gewest de begunstigde een terugbetaalbaar renteloos voorschot.
Artikel 3: Voorwaarden
Voor de duur van het contract is voor de vervreemding of hypothekering van onroerend en roerend patrimonium en het handelsfonds van de zaak alsook voor de vervreemding van bepaalde activa van de begunstigde vooraf instemming nodig van het Gewest.
Bij wijziging van de aandeelhoudersstructuur is vooraf de instemming van het Gewest vereist.
Het kapitaal van de onderneming mag tijdens de duur van het contract niet worden verlaagd zonder voorafgaande toestemming van het Gewest.
Indien deze voorwaarden niet worden nageleefd, is de overeenkomst onmiddellijk opzegbaar en wordt het voorschot onmiddellijk opeisbaar.
("Article 1: objet
Le bénéficiaire s'engage à poursuivre le développement et l'exploitation de plusieurs lignes aériennes européennes.
La Région flamande accorde au bénéficiaire un prêt remboursable sans intérêt en vue de soutenir cette activité.
Article 3: conditions
Pendant la durée du contrat, l'accord préalable de la Région flamande est exigé pour la cession ou la mise sous hypothèque de biens meubles et immeubles et du fonds de commerce, ainsi que pour la cession de certains actifs de la Vlaamse Luchttransportmaatschappij NV.
Toute modification de la structure de l'actionnariat est soumise à autorisation préalable de la Région.
Pendant la durée du contrat, le capital social de l'entreprise ne peut pas être abaissé sans autorisation préalable de la Région.
En cas d'inobservation de ces conditions, le contrat peut être résilié immédiatement et le prêt est immédiatement exigible.
14. A la suite d'une plainte de Cityflyer, la Commission a ouvert, le 16 novembre 1994, la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité (JO 1994, C 359, p. 2).
15. Cityflyer et la compagnie aérienne British Airways ont présenté des observations. Elles ont demandé à la Commission de constater que le prêt sans intérêt constituait une aide incompatible avec le marché commun.
16. Le 23 janvier 1995, le gouvernement belge a également déposé des observations.
17. A l'issue de la procédure, la Commission a pris, le 26 juillet 1995, la décision 95/466/CE concernant l'aide accordée par la Région flamande à la compagnie belge Vlaamse Luchttransportmaatschappij NV (ci-après "décision attaquée"). Cette décision a été notifiée au gouvernement belge le 25 septembre 1995 et a été publiée au Journal officiel le 9 novembre 1995 (JO L 267 p. 49).
18. Dans cette décision, la Commission a conclu que le prêt accordé par la Région flamande à VLM comprenait des éléments d'aide d'État illégaux parce que consentis à l'entreprise en violation des dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité. Elle a également considéré que ces éléments d'aide étaient incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité et de l'article 61 de l'accord EEE (article 1er de la décision attaquée). En conséquence, elle a enjoint à la Belgique d'ordonner l'application à ce prêt d'un taux d'intérêt de 9,3 % (article 2) et la restitution de l'aide correspondant à l'application du même taux sur le montant emprunté depuis la date de l'octroi du prêt (article 3). Ce taux de 9,3 % résulte de l'addition d'un taux de base de 7,3 % applicable aux fonds d'État en Belgique en 1994 et d'une prime de risque de 2 % (dernier alinéa du chapitre V de la décision attaquée).
Procédure
19. La requête introductive d'instance a été déposée le 27 novembre 1995 et enregistrée le lendemain.
20. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a ouvert la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 25 septembre 1997.
Conclusions
21. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision attaquée;
- condamner la défenderesse aux dépens.
22. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- condamner la requérante aux dépens.
23. A l'audience, la défenderesse a conclu à l'irrecevabilité du recours.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
24. D'après la défenderesse, le recours est irrecevable au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CE, parce que la requérante n'est pas un État membre. Le recours serait également irrecevable au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, au motif que la requérante, qui ne serait pas destinataire de la décision litigieuse, ne serait pas non plus directement et individuellement concernée par celle-ci. En outre, elle n'aurait aucun intérêt propre à agir contre la décision attaquée. En effet, son intérêt à agir résulterait du fait qu'elle a octroyé l'aide litigieuse et, en tant que tel, il se confondrait avec celui de l'État belge (arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, DEFI/Commission, 282/85, Rec. p. 2469).
25. La requérante estime que, en sa qualité de personne morale autonome ayant compétence pour accorder le prêt litigieux, elle est directement et individuellement concernée au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, au même titre que le royaume de Belgique auquel est adressée la décision attaquée (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, Rec. p. 1573).
Appréciation du Tribunal
26. Il convient de rappeler, tout d'abord, que le Tribunal est compétent pour connaître, en première instance, des seuls recours en annulation qui relèvent du quatrième alinéa de l'article 173 du traité [décision 94/149/CECA, CE du Conseil, du 7 mars 1994, portant modification de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 66, p. 29)]. En revanche, le Tribunal n'est pas compétent pour connaître des recours introduits, au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, par un État membre, le Conseil ou la Commission.
27. Selon l'article 173, quatrième alinéa, du traité, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.
28. En l'espèce, la décision attaquée a été adressée au Royaume de Belgique. A cet égard, il y a lieu de souligner qu'il ressort clairement de l'économie générale des traités que la notion d'État membre, au sens des dispositions institutionnelles et, en particulier, de celles portant sur les recours juridictionnels, ne vise que les seules autorités gouvernementales des États membres des Communautés européennes et ne saurait être étendue aux gouvernements de régions ou de communautés autonomes, quelle que soit l'étendue des compétences qui leur sont reconnues (ordonnances de la Cour du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission, C-95/97, Rec. p. I-1787, point 6, et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C-180/97, Rec. p. I-5245, point 6). La Région flamande n'est donc pas recevable à agir en application de l'article 173, deuxième alinéa, du traité. En revanche, jouissant de la personnalité juridique en vertu du droit interne belge, elle doit, à ce titre, être considérée comme une personne morale au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (ordonnances Région wallonne/Commission, précitée, point 11, et Regione Toscana/Commission, précitée, point 11; voir aussi les conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, cité au point 25 ci-dessus, Rec. p. 1573, 1581, 1582).
29. La décision attaquée affecte directement et individuellement la position juridique de la Région flamande. En effet, elle l'empêche directement d'exercer comme elle l'entend ses compétences propres, consistant en l'espèce en l'octroi de l'aide litigieuse, et l'oblige à modifier le contrat de prêt qu'elle avait conclu avec VLM.
30. Il s'ensuit qu'elle a un intérêt propre à attaquer la décision.Sa situation ne saurait être comparée à celle du Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt DEFI/Commission, cité au point 24 ci-dessus. Dans cette affaire, le gouvernement français disposait du pouvoir de déterminer la gestion et la politique de ce comité et donc de définir également les intérêts que celui-ci devait défendre (point 18). En l'espèce, en revanche, il n'apparaît pas que le gouvernement fédéral belge soit en mesure de déterminer l'exercice par la Région flamande de ses compétences propres, notamment de celles qui lui confèrent la faculté d'accorder des aides à des entreprises.
31. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré recevable.
Sur le fond
32. La requérante soulève trois moyens à l'appui de son recours, tirés:
- d'une méconnaissance de l'article 92, paragraphe 1, du traité;
- d'une méconnaissance de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité;
- d'une violation de l'obligation de motiver prescrite par l'article 190 du traité.
Ce moyen s'articule en trois branches:
- lacune des motifs de la décision litigieuse consacrés à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (première branche);
- lacunes des motifs rejetant l'argumentation relative à une exemption des aides de faible importance dans le secteur de l'aviation (deuxième branche);
- lacunes des motifs consacrés à l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (troisième branche).
33. Les deux premières branches du troisième moyen étant tirées d'une violation de l'obligation de motivation en ce qui concerne les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, le Tribunal les examinera juste après le premier moyen.
Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 92, paragraphe 1, du traité
Arguments des parties
34. La requérante estime que, lorsque le montant de l'aide est à ce point faible qu'il ne renforce pas la position concurrentielle du bénéficiaire par rapport à celle de ses concurrents sur le marché pertinent, l'aide ne fausse pas la concurrence et n'affecte pas les échanges entre États membres.
35. En l'espèce, le montant de l'aide serait à ce point insignifiant qu'il n'aurait eu aucune incidence sur les coûts ni sur la structure tarifaire de VLM. En effet, par passager transporté, l'aide ne représenterait que quelques francs belges. Par conséquent, elle n'aurait pas procuré à VLM d'avantage ayant renforcé sa position concurrentielle par rapport à celle des autres compagnies aériennes qu'elle concurrence sur le marché du transport aérien intracommunautaire. Il s'ensuivrait que l'aide n'est pas non plus susceptible d'affecter les échanges entre États membres.
36. Selon la requérante, pour pouvoir conclure à l'affectation des échanges entre États membres, la défenderesse aurait dû constater que l'aide litigieuse procurait un avantage à VLM renforçant sa position concurrentielle (par rapport à celle de ses concurrents). Or, elle n'aurait, en aucune manière, indiqué dans quelle mesure cette dernière avait tiré avantage du prêt reçu.
37. Tout d'abord, les considérations de la défenderesse relatives aux caractéristiques du secteur des transports aériens et la circonstance que cette dernière a été informée de l'aide par une plainte d'un concurrent seraient dénuées de pertinence à cet égard. Ensuite, le fait qu'une aide d'État soit accordée à une entreprise dont les activités consistent par nature en des échanges entre différents États membres n'indiquerait pas que l'entreprise bénéficiaire en retire un avantage par rapport à ses concurrents. De plus, la requérante conteste que l'exploitation par VLM de la ligne Anvers-London City Airport dissuade d'autres compagnies d'exploiter elles aussi cette ligne, car le marché a été libéralisé et les mesures de libéralisation prévoient une procédure spéciale pour accorder des créneaux horaires aux nouveaux arrivants sur le marché. Enfin, elle nie que, au moment de l'octroi du prêt et même deux ans après celui-ci, VLM ait connu des difficultés financières, car il serait parfaitement normal qu'une compagnie aérienne débutante subisse des pertes inhérentes au démarrage.
38. La requérante conclut que l'aide litigieuse n'a pas procuré d'avantage à VLM par rapport aux compagnies concurrentes, celles-ci bénéficiant de plusieurs milliards de francs belges au titre de programmes de restructuration approuvés par la Commission ou étant, comme la plaignante Cityflyer, membres d'un réseau de franchisés qui leur permet d'être indirectement subventionnées par le groupe dont elles dépendent. A cet égard, la requérante ne parvient pas à comprendre comment la Commission peut affirmer qu'un montant, qu'elle a estimé à 1 860 000 BFR par an au maximum, permettrait à VLM de ne pas modifier ses tarifs, de préserver sa position sur le marché face à ses concurrents et d'éviter des pertes plus importantes et même la faillite.
39. Enfin, la défenderesse aurait violé l'article 92, paragraphe 1, du traité en surévaluant le montant de l'aide. En effet, elle aurait calculé l'aide sur la base d'une prime de risque de 2 % au motif que le prêt litigieux n'aurait été assorti d'aucune sûreté directement liée à des biens mobiliers ou immobiliers. Or, cette prime de risque aurait dû être de 1 %, car l'article 3 du contrat de prêt accorderait à la requérante, d'une part, un droit de regard sur la constitution de toute hypothèque éventuelle et sur la cession d'actifs et, d'autre part, un mandat lui permettant de constituer une hypothèque à première demande. Par conséquent, le montant de l'aide équivaudrait à la somme des intérêts dus en appliquant un taux de 8,3 % et non de 9,3 %.
40. La défenderesse conclut au rejet du moyen en affirmant que toutes les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient remplies en l'espèce. En effet, le prêt litigieux aurait été accordé par une autorité étatique (la Région flamande) et procurerait un avantage à son bénéficiaire par rapport à ses concurrents dans un secteur où la concurrence est intense. Il fausserait, dès lors, la concurrence et affecterait les échanges entre États membres, une très grande partie du transport aérien européen étant intracommunautaire, particulièrement en Belgique.
Appréciation du Tribunal
41. Il convient d'examiner si la défenderesse était fondée à conclure que l'aide en cause faussait ou menaçait de fausser la concurrence et affectait les échanges entre États membres.
A - Sur la distorsion de concurrence
42. L'aide litigieuse vise à faciliter le développement et l'exploitation de plusieurs liaisons aériennes européennes (article 1er du contrat de prêt litigieux; voir point 13 ci-dessus), sur lesquelles la bénéficiaire est en concurrence avec d'autres compagnies aériennes, notamment des compagnies établies dans d'autres États membres. Le contrat de prêt n'impose dès lors pas que l'aide soit affectée au financement d'une dépense spécifique. L'absence d'intérêts perçus sur le prêt en cause la soulage donc de charges normales inhérentes à son activité courante.
43. La Cour et le Tribunal ont affirmé que les aides au fonctionnement, à savoir les aides qui, comme l'aide litigieuse, visent à libérer une entreprise des coûts qu'elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, faussent en principe les conditions de concurrence (arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, points 48 et 77, et la jurisprudence y citée).
44. Au cinquième alinéa du chapitre V de la décision attaquée, la défenderesse a considéré: "En l'espèce, compte tenu de l'intensité de la concurrence dans le secteur des transports aériens communautaires désormais libéralisés, la circonstance que VLM serait la seule compagnie à exploiter la liaison Anvers-Londres au départ et à l'arrivée du London City Airport est sans incidence sur l'appréciation de la Commission dans la mesure où l'aide reçue diminue de toute façon les chances des concurrents actuels ou potentiels de pénétrer le marché de la liaison en cause et fausse par là même la concurrence. Rien n'interdit en outre à VLM d'utiliser l'aide en question pour s'attaquer à d'autres marchés. " A cet égard, il y a lieu d'observer que la requérante n'a pas contesté que le secteur des transports aériens était fortement concurrentiel dans la Communauté.
45. La requérante ne nie pas que le prêt litigieux, parce qu'il a été consenti à VLM sans intérêt, a procuré un avantage à celle-ci. En revanche, elle conteste que l'avantage consenti à VLM ait renforcé sa position concurrentielle par rapport à celle des compagnies aériennes concurrentes.
46. Dès lors qu'une autorité publique favorise une entreprise opérant dans un secteur caractérisé par une intense concurrence en lui accordant un avantage, il existe une distorsion de concurrence ou un risque d'une telle distorsion. Si l'avantage est réduit, la concurrence est faussée de manière réduite, mais elle est néanmoins faussée. Or, l'interdiction visée à l'article 92, paragraphe 1, du traité s'applique à toute aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence, quel qu'en soit le montant, dans la mesure où elle affecte les échanges entre États membres.
47. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la défenderesse a considéré que l'aide litigieuse faussait ou menaçait de fausser la concurrence.
B - Sur l'affectation des échanges entre États membres
48. Selon une jurisprudence constante, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 43, et du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103, points 40 à 42).
49. Même une aide d'une importance relativement faible est de nature à affecter les échanges entre États membres lorsque, comme en l'espèce, le secteur dans lequel opère l'entreprise qui en bénéficie connaît une vive concurrence (arrêts de la Cour du 11 novembre 1987, France/Commission, 259-85, Rec. p. 4393, point 24, et du 21 mars 1991, Italie/Commision, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 27).
50. En effet, lorsqu'une aide financière accordée par un État ou au moyen de ressources d'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 11).
51. En l'espèce, la défenderesse a considéré que "l'opération de prêt fausse la concurrence et affecte les échanges entre les États membres dès lors qu'elle bénéficie à une seule société dont l'activité de transport aérien, qui touche par nature directement aux échanges, s'étend à plusieurs États membres et peut couvrir l'ensemble de l'Espace économique européen. Cela est particulièrement vrai depuis l'entrée en vigueur du troisième paquet aérien le 1er janvier 1993, qui achève le processus de libéralisation et accroît très sensiblement les possibilités de concurrence. En effet, VLM est un transporteur aérien communautaire qui possède une licence d'exploitation délivrée dans le cadre des dispositions du règlement (CEE) n° 2407-92 du Conseil. Or, en application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 2408-92 du Conseil et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 2409-92 du Conseil, VLM doit être autorisée par le ou les États membres concernés, sauf exceptions dûment prévues par les mêmes règlements, à exercer des droits de trafic sur les liaisons intracommunautaires en fixant librement ses tarifs" (quatrième alinéa du chapitre V de la décision attaquée).
52. Ces considérations, ainsi que celles qui sont rapportées ci-dessus au point 44, sont parfaitement fondées. L'aide litigieuse bénéficie à une entreprise orientée vers le commerce international, puisqu'elle assure des liaisons entre des villes situées dans des États membres différents et qu'elle est en concurrence avec des compagnies aériennes établies dans d'autres États membres. Comme il ressort du point 42, elle vise à faciliter le développement et l'exploitation de liaisons européennes de sorte que sa capacité à affecter les échanges entre États membres s'en trouve accrue.
53. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la défenderesse a conclu que l'aide litigieuse affectait les échanges entre États membres.
C - Sur l'incidence d'aides accordées à des concurrentes de VLM
54. La circonstance que des concurrentes de VLM bénéficient d'aides d'État, fût-ce d'aides illégales, est sans incidence sur la qualification d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En effet, la violation éventuelle par un État membre d'une obligation lui incombant en vertu du traité, en rapport avec l'interdiction de l'article 92, ne saurait être justifiée par la circonstance que d'autres États membres manqueraient également à cette obligation (arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78-76, Rec. p. 595, point 24).
D - Sur l'évaluation du montant de l'aide
55. Il convient de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle la défenderesse aurait violé l'article 92, paragraphe 1, du traité en surévaluant le montant de l'aide. En effet, la requérante n'a pas démontré que, grâce aux droits découlant de l'article 3 du contrat de prêt litigieux, VLM aurait pu obtenir le prêt litigieux à 8,3 %, taux qui, selon elle, aurait dû être retenu.
E - Conclusion
56. Eu égard à ce qui précède, la requérante n'a pas établi que la défenderesse avait incorrectement appliqué l'article 92, paragraphe 1, du traité. Il convient donc de rejeter le moyen.
Sur la première branche du troisième moyen, tirée de lacunes des motifs relatifs à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité
Arguments des parties
57. La requérante souligne que, selon une jurisprudence constante, la motivation requise par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à la Cour d'exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e. a. /Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, et la jurisprudence y citée, et du Tribunal du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95-94, Rec. p. II-2651, point 52).
58. Il incomberait à la Commission, pour pouvoir déterminer qu'une aide fausse la concurrence et affecte les échanges intracommunautaires, de démontrer d'une manière claire et non équivoque le fait que l'aide a donné à son bénéficiaire un avantage qui lui a permis de renforcer sa position par rapport à des concurrents dans les échanges intracommunautaires (arrêt Philip Morris/Commission, cité au point 50 ci-dessus).
59. La décision attaquée démontrerait, certes, qu'il n'est pas exclu en soi qu'une aide (même d'une importance relativement faible) puisse affecter les échanges entre États membres. En revanche, il n'en ressortirait pas que l'aide litigieuse procurerait effectivement un avantage concurrentiel sensible à VLM, affectant ainsi les échanges entre États membres. La défenderesse aurait raisonné de manière abstraite, sans prendre concrètement en compte le montant modeste de l'aide, les caractéristiques propres au secteur de la navigation aérienne et le fait que la part de marché de VLM sur le marché pertinent était minime.
60. Enfin, la décision ne révélerait pas si la défenderesse a examiné l'incidence de l'aide litigieuse sur la structure des coûts, sur les tarifs ou sur d'autres aspects du fonctionnement de VLM.
61. La défenderesse conteste être tenue à une obligation de motivation aussi étendue et estime que les considérations exposées aux cinquième et sixième alinéas du chapitre V de la décision attaquée contiennent une motivation satisfaisant pleinement aux exigences de l'article 190 du traité. Elle conclut dès lors au rejet de cette branche du moyen.
Appréciation du Tribunal
62. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission, T-471/93, Rec. p. II-2537, point 29, et la jurisprudence y citée, et du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e. a. /Commission, T-551/93, T-231-94, T-232-94, T-233-94 et T-234-94, Rec. p. II-247, point 140, et la jurisprudence y citée).
63. Il n'est toutefois pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, et du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 17; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsvaeftsforeningen e. a. /Commission, T-266-94, Rec. p. II-1399, point 230). Dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, la Commission n'est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 41, et la jurisprudence y citée, et du 8 juin 1995, Siemens/Commission, cité au point 43 ci-dessus, point 31).
64. Appliqué à la qualification d'une mesure d'aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure d'aide en cause entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. A cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêts de la Cour du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, Rec. p. 2855, point 15, et du 24 octobre 1996, Allemagne e. a. /Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 52, et la jurisprudence y citée).
65. En l'espèce, la défenderesse a affirmé, au deuxième alinéa du chapitre V de la décision attaquée, que le prêt litigieux constituait une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord l'EEE. Ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, particulièrement de la première phrase du quatrième alinéa et de la troisième phrase du cinquième alinéa du chapitre V, dont les extraits pertinents sont reproduits respectivement aux points 51 et 44 ci-dessus, l'appréciation, par la défenderesse, des effets de l'aide litigieuse sur la concurrence et les échanges intracommunautaires n'est pas demeurée abstraite. En effet, s'agissant de la condition relative à la distorsion de concurrence, la décision attaquée précise que l'aide accordée à VLM fausse ou menace de fausser la concurrence car elle diminue les chances des concurrents de pénétrer le marché de la liaison Anvers-Londres et augmente celles de VLM dans la conquête d'autres marchés, dans un secteur où la concurrence est intense. S'agissant de la condition de l'affectation des échanges entre États membres, la décision relève que, étant donné que les activités de VLM s'étendent à plusieurs États membres et peuvent couvrir l'ensemble de l'EEE, cette condition est remplie également.
66. Il ressort de cette motivation que la défenderesse a examiné si les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient réunies. Ce faisant, la défenderesse a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision. La motivation permet à la requérante et au juge communautaire de connaître les raisons pour lesquelles la défenderesse a considéré que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient remplies en l'espèce.
67. La requérante ne saurait reprocher à la défenderesse de ne pas avoir examiné les effets concrets de l'aide litigieuse sur les échanges entre États membres. D'une part, cet argument manque en fait, ainsi qu'il ressort des points 44, 51, 65 et 66 ci-dessus. En l'espèce, il n'incombait pas à la Commission de procéder à une analyse économique chiffrée extrêmement détaillée, dès lors qu'elle avait exposé en quoi l'affectation des échanges entre États membres était manifeste. D'autre part, s'agissant d'une aide n'ayant pas été notifiée, la Commission n'était pas tenue de faire la démonstration de l'effet réel de celle-ci. En effet, si elle devait faire, dans sa décision, la démonstration de l'effet réel d'aides déjà accordées, cela aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification de l'article 93, paragraphe 3, du traité au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet (arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 33).
68. Il résulte de ce qui précède que les griefs avancés par la requérante dans le cadre de la première branche du troisième moyen doivent être rejetés.
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de lacunes des motifs rejetant l'argumentation relative à une exemption des aides de faible importance dans le secteur de l'aviation
Arguments des parties
69. Selon la requérante, l'existence de la procédure accélérée d'autorisation au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité, prévue au point 50 des lignes directrices, montrerait que, aux yeux de la Commission, les aides inférieures à ce plafond accordées dans le secteur de l'aviation doivent être considérées comme étant à première vue compatibles avec le marché commun.
70. La décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée sur ce point, car elle ne comporterait aucun élément permettant au juge communautaire et à la requérante d'examiner dans quelle mesure la défenderesse a recherché si l'aide réduite dont VLM a bénéficié était susceptible d'être exemptée en tant qu'aide de faible importance dans le secteur de l'aviation.
71. En outre, la décision attaquée pêcherait par une présentation fallacieuse des observations formulées à cet égard par la Région flamande le 23 janvier 1995.
72. Dans la réplique, la requérante soutient que la défenderesse a dépassé les bornes de son pouvoir d'appréciation en considérant que l'exemption des aides d'importance mineure ne pouvait pas être appliquée dans le secteur des transports aériens, où règne une vive concurrence intracommunautaire et où un nombre important d'entreprises se trouvent en difficulté parce qu'une aide, même d'un montant modeste, entraînerait de sérieuses distorsions de concurrence. Il serait, en effet, illogique que les nouvelles compagnies ayant pu pénétrer le marché du transport aérien à la suite de la libéralisation de ce secteur n'aient pas la possibilité, à l'instar des petites et moyennes entreprises dans d'autres secteurs, de bénéficier d'une somme modeste à titre d'aide à l'investissement, alors que la majorité des compagnies aériennes nationales bénéficient d'aides d'un montant très important. A cet égard, la défenderesse aurait d'ailleurs omis de constater que, dans le secteur des transports aériens, la réglementation permet à la Commission d'approuver des aides d'un montant très important.
73. La défenderesse conclut au rejet de cette branche du moyen en soulignant que la procédure accélérée d'autorisation montre, par son existence même, que les aides inférieures au plafond prévu ne sauraient être considérées comme compatibles à première vue avec le marché commun.
Appréciation du Tribunal
74. Il ne se déduit nullement de la procédure accélérée d'autorisation des régimes d'aides de faible importance prévue au point 50 des lignes directrices que les aides d'un montant inférieur au plafond qu'elles fixent échapperaient à l'interdiction visée à l'article 92, paragraphe 1, du traité ou devraient normalement être considérées comme compatibles avec le marché commun.
75. En effet, comme la défenderesse l'observe à juste titre, l'existence de cette procédure montre à elle seule qu'il ne saurait en être ainsi. Par conséquent, il n'appartenait aucunement à la défenderesse d'examiner si l'aide litigieuse pouvait être exemptée en tant qu'elle était d'un montant inférieur au plafond fixé au point 50 des lignes directrices.
76. A supposer même que les aides d'un montant inférieur à ce plafond puissent être considérées comme compatibles avec le marché commun, il ressort néanmoins de la décision que la défenderesse a considéré que, en l'espèce, l'aide ne pouvait pas être déclarée compatible avec le marché commun (voir ci-dessus points 44 et 51).
77. Quant au grief selon lequel la défenderesse aurait incorrectement rapporté les observations de la requérante dans la décision attaquée, il doit être rejeté. En effet, il est fait référence à ces observations dans le cadre d'une réponse à l'argument de la requérante selon lequel la mesure étatique litigieuse peut bénéficier d'une exemption au titre du point 50 des lignes directrices (huitième alinéa du chapitre VII de la décision attaquée). Or, cette réponse ne constitue pas un élément essentiel des motifs soutenant le dispositif de la décision attaquée. Cela résulte, d'ailleurs, de la conclusion que l'appréciation de la défenderesse, selon laquelle la mesure d'aide litigieuse est visée par l'article 92, paragraphe 1, du traité, est suffisamment motivée (voir points 65 à 67 ci-dessus). Dès lors, même si les observations de la requérante ont été rapportées de manière non fidèle, le grief ne saurait prospérer.
78. Enfin, en reprochant, dans la réplique, à la défenderesse d'avoir dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation dans l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, la requérante soulève en cours d'instance un moyen distinct de celui pris d'une violation de l'obligation de motivation. Comme il ne se fonde pas sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure, ce moyen doit, eu égard à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, être déclaré irrecevable.
79. En toute hypothèse, ce grief n'est pas fondé. En l'espèce, la défenderesse a appliqué les lignes directrices. A cet égard, il convient de rappeler que la Commission peut s'imposer des orientations pour l'exercice de ses pouvoirs d'appréciation par des actes comme les lignes directrices en question, dans la mesure où ils contiennent des règles indicatives sur l'orientation à suivre par cette institution et qu'ils ne s'écartent pas des normes du traité (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e. a. /Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 34 et 36; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380-94, Rec. p. II-2169, point 57; voir, par ailleurs, arrêt du Tribunal du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T-149/95, non encore publié au Recueil, point 61). Or, la requérante n'a pas démontré que les lignes directrices s'écartaient du traité. Par ailleurs, il ressort du point 54 ci-dessus que la circonstance que des concurrentes de VLM bénéficient d'aides d'État, fût-ce d'aides illégales, est sans incidence sur la qualification d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
80. Il résulte de ce qui précède que les griefs avancés par la requérante dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen doivent être rejetés.
Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité permettant à la Commission de déclarer compatibles avec le marché commun des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques
Arguments des parties
81. Selon la requérante, même au cas où l'aide litigieuse relèverait de l'article 92, paragraphe 1, du traité, elle serait couverte par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Dans son examen de la possibilité d'autoriser l'aide au titre de cette dernière disposition, la défenderesse aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
82. En arrêtant les lignes directrices, la Commission n'aurait pas épuisé son pouvoir discrétionnaire. Elle devrait examiner dans chaque cas concret dans quelle mesure une aide peut être considérée comme étant compatible avec le marché commun au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Les lignes directrices ne pourraient pas faire présumer prima facie que les situations qui n'y sont pas visées sont manifestement illégales et ne peuvent pas être considérées comme étant compatibles avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Si une forme déterminée d'aide n'est pas visée dans les lignes directrices, la Commission ne peut pas, selon la requérante, se borner à y renvoyer purement et simplement.
83. Or, dans la présente affaire, la défenderesse aurait manqué à cette obligation en n'examinant pas dans quelle mesure l'aide accordée à VLM, eu égard à son montant, était susceptible de bénéficier d'une exemption en tant qu'aide destinée à faciliter le développement de certaines formes d'activités, au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Elle aurait dû examiner cette question à la lumière du point 8 des lignes directrices (qui fait état de la nécessité que les transporteurs aériens de la Communauté puissent se concurrencer à armes égales) et compte tenu de ce que, depuis l'entrée en vigueur du troisième train de mesures visant l'aviation, les nouvelles compagnies aériennes telles que VLM doivent faire face à des concurrents dont la grande majorité bénéficient d'un programme de subventions approuvé par la Commission.
84. Selon la requérante, la défenderesse a également considéré à tort, premièrement, que l'aide litigieuse constituait une aide à l'exploitation, deuxièmement, qu'elle n'était assortie d'aucune condition relative à l'affectation de la somme et, troisièmement, que la requérante n'avait obtenu aucune garantie et que VLM connaissait des difficultés financières au moment de l'octroi du prêt. En réalité, l'aide en question serait une aide à l'investissement, puisqu'elle devait être affectée au développement de différentes lignes européennes.
85. La défenderesse conclut au rejet du moyen en soulignant avoir fait une stricte application des lignes directrices qu'elle a adoptées dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.
Appréciation du Tribunal
86. L'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité confère un pouvoir d'appréciation à la Commission en prévoyant que les aides qui y sont énumérées "peuvent" être considérées comme compatibles avec le marché commun quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (voir l'arrêt Philip Morris/Commission, cité au point 50 ci-desssus, point 17).
87. La requérante ne saurait faire grief à la défenderesse d'avoir dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en n'examinant pas dans quelle mesure l'aide litigieuse était susceptible de bénéficier d'une exemption en tant qu'aide destinée à faciliter le développement de certaines formes d'activités. En effet, au septième alinéa du chapitre VII de la décision attaquée, la défenderesse a examiné expressément cette question et a répondu aux arguments développés par les autorités belges au cours de la procédure administrative. En particulier, elle a déclaré qu'elle n'était "prête [. . . ] à accorder le bénéfice de la dérogation prévue par les dispositions précitées qu'au profit des seules aides octroyées aux entreprises en restructuration. [. . . ] Or, en l'espèce, les autorités belges ont elles-mêmes indiqué que le prêt ne constituait pas une aide à la restructuration et elles n'ont fait référence à aucun programme de redressement de la compagnie VLM. La dérogation de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité et de l'article 61 de l'accord [EEE] est donc en tout état de cause inapplicable". En constatant que l'aide litigieuse ne constituait pas une aide à la restructuration, la défenderesse s'est référée expressément aux lignes directrices, qui réservent le bénéfice d'une exemption pour le développement d'activités économiques au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c) aux seules aides à la restructuration (points 37 et 38 des lignes directrices).
88. Dès lors que le montant de l'aide ne constitue pas un critère d'appréciation imposé par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité ou par les lignes directrices applicables en l'espèce, il n'incombait aucunement à la défenderesse d'examiner spécifiquement si l'aide, eu égard à son montant, était susceptible de bénéficier d'une dérogation au titre de cette disposition.
89. Dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont elle jouit dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, la défenderesse est fondée à retenir les critères qu'elle juge les plus appropriés pour évaluer si une aide peut être jugée compatible avec le marché commun, pour autant que ces critères soient pertinents au regard des articles 3, sous g), et 92 du traité. A cet égard, elle peut préciser les critères qu'elle compte appliquer dans des lignes directrices conformes au traité (voir ci-dessus point 79). L'adoption par la Commission de telles lignes directrices procède de l'exercice de son pouvoir d'appréciation et n'entraîne qu'une autolimitation de ce pouvoir dans l'examen d'aides visées par ces lignes directrices, dans le respect du principe de l'égalité de traitement. En appréciant une aide individuelle à la lumière de telles lignes directrices, qu'elle a préalablement adoptées, la Commission ne saurait être considérée comme dépassant les limites de son pouvoir d'appréciation ou y renonçant. En effet, d'une part, elle conserve son pouvoir d'abroger ou de modifier ces lignes directrices si les circonstances l'imposent. D'autre part, ces lignes directrices concernent un secteur délimité et sont motivées par le souci de suivre une politique qu'elle a déterminée.
90. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, il ressort du point 10 des lignes directrices qu'elles couvrent l'aide litigieuse. Or, le point 14 des mêmes lignes directrices (chapitre III) précise que les subventions directes à l'exploitation de lignes aériennes ne peuvent, en principe, être acceptées que lorsque l'aide est destinée à permettre à son bénéficiaire de satisfaire à des obligations de service public (points 15 à 23, section III. 2) ou revêt un caractère social (point 24, section III. 3). Les points 37 à 42 des lignes directrices énumèrent un ensemble de conditions que doivent remplir les bénéficiaires d'aides susceptibles d'être autorisées pour développer certaines activités économiques au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Il ressort de l'économie des points pertinents que seules les aides à la restructuration sont susceptibles d'être autorisées.
91. Subsidiairement, la requérante estime que la défenderesse a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'examinant pas la question à la lumière du point 8 des lignes directrices faisant état du souhait de la Commission que les transporteurs aériens puissent se concurrencer à armes égales. Par ce grief, la requérante sous-entend que, comme d'autres compagnies aériennes ont obtenu des aides d'État, il faut que l'aide litigieuse soit autorisée afin que VLM soit en mesure de lutter à armes égales avec ces compagnies ayant bénéficié d'aides d'État.
92. A cet égard, il convient d'observer que l'autorisation d'aides d'Etat accordées à certaines compagnies aériennes n'entraîne pas ipso facto un droit pour les autres compagnies aériennes de bénéficier d'une dérogation au principe de l'interdiction des aides. Il appartient à la Commission, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, d'examiner chaque projet d'aide individuellement. Elle doit le faire à la lumière, d'une part, des circonstances particulières qui le caractérisent et, d'autre part, des principes généraux du droit communautaire et des lignes directrices. Même si des compagnies établies dans d'autres Etats membres ont obtenu des aides illégales, cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation de l'aide en cause (voir ci-dessus point 54).
93. Le pouvoir d'appréciation de la Commission ne saurait en tout cas s'effacer pour la seule raison qu'elle aurait autorisé une aide destinée à un concurrent, sous peine de priver d'utilité les dispositions du traité lui conférant ce pouvoir.
94. La requérante ne saurait reprocher à la défenderesse d'avoir considéré que l'aide litigieuse constituait une aide à l'exploitation, qu'elle n'était assortie d'aucune condition relative à l'affectation de la somme, que la requérante n'avait obtenu aucune garantie et que VLM connaissait des difficultés financières au moment de l'octroi du prêt. En effet, le contrat de prêt n'impose pas que l'aide soit affectée au financement d'une dépense spécifique (voir ci-dessus point 42), de sorte qu'il soulage VLM de charges inhérentes à son activité courante. Par conséquent, l'aide en question constitue une aide à l'exploitation ou au fonctionnement (à cet égard, voir arrêt du 8 juin 1995, Siemens/Commission, cité au point 63 ci-dessus, point 77) et non une aide à la restructuration ou à l'investissement.
95. Dans la décision attaquée, la défenderesse n'a pas affirmé que la requérante n'avait obtenu aucune garantie en contrepartie du prêt. Elle a affirmé, aux septième et huitième alinéas du chapitre V, que "le prêteur dispose d'une certaine garantie" et que "cette sûreté n'est pas directement gagée sur des biens meubles ou immeubles comme le serait par exemple une hypothèque", ce que confirme la lecture de l'article 3 du contrat de prêt litigieux.
96. Enfin, la défenderesse n'a pas affirmé que VLM connaissait des difficultés financières moins de deux ans après sa création (sixième alinéa du chapitre V) en appréciant l'aide litigieuse au regard de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, mais bien en appliquant le critère de l'investisseur privé en économie de marché pour examiner si le prêt en question constituait une aide au sens du traité. A cet égard, la requérante n'a pas établi que la défenderesse avait fait une application incorrecte de ce principe, de sorte que même si l'affirmation contestée manque peut-être de nuances cette circonstance ne saurait à elle seule entraîner l'annulation de la décision attaquée.
97. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la défenderesse a refusé d'accorder une dérogation au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de lacunes des motifs consacrés à l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité
Arguments des parties
98. D'après la requérante, la Commission ne peut pas, dans une décision individuelle, se borner à édicter des lignes directrices traduisant sa politique dans le secteur considéré ou à constater que les conditions qui y sont fixées ne sont pas remplies. Elle devrait concrètement examiner si l'aide en cause ne peut pas relever de l'exception de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
99. En l'espèce, les raisons avancées dans la décision ne permettraient pas de vérifier si la défenderesse a pris en compte tous les éléments de fait et de droit qui auraient pu justifier d'accorder une dérogation à l'interdiction des aides d'État. Le vice de motivation serait d'autant plus patent que les lignes directrices auxquelles s'est référée la défenderesse dans sa décision ne limitent pas forcément le bénéfice de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité aux aides à la restructuration.
100. En particulier, les motifs de la décision ne permettraient pas d'évaluer dans quelle mesure la défenderesse a concrètement recherché si l'aide litigieuse ne satisfaisait pas au critère indiqué au troisième alinéa du chapitre VII de la décision attaquée. Selon ce critère, les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité et à l'article 61, paragraphe 3, de l'accord EEE s'appliquent uniquement dans le cas où la Commission peut établir que, sans l'aide en cause, les forces du marché n'auraient pas suffi à persuader le futur bénéficiaire de l'aide d'agir de manière à concourir à l'un des objectifs de ces dérogations.
101. La défenderesse considère avoir suffisamment expliqué dans sa décision pourquoi elle n'a pas autorisé l'aide litigieuse, en relevant notamment que l'aide litigieuse ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un programme de restructuration préalablement approuvé par la Commission. En conséquence, elle conclut au rejet de la troisième branche du moyen.
Appréciation du Tribunal
102. En rappelant les critères définis dans les lignes directrices et en constatant qu'il n'était pas satisfait à ces critères en l'espèce (septième alinéa du chapitre VII de la décision attaquée), la défenderesse a motivé sa décision à suffisance de droit. Le bénéficiaire de l'aide, les tiers intéressés et le juge communautaire sont, en effet, parfaitement en mesure d'identifier les raisons pour lesquelles la défenderesse a refusé d'accorder une dérogation au titre de l'article 92, paragraphe 3, du traité.
103. La requérante ne saurait faire grief à la défenderesse de ne pas avoir examiné si, sans l'aide litigieuse, les forces du marché auraient ou non suffi à persuader le futur bénéficiaire de l'aide d'agir de manière à concourir à l'un des objectifs des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et à l'article 61, paragraphe 3, de l'accord EEE (voir le troisième alinéa du chapitre VII de la décision attaquée). En effet, il suffisait à la Commission de constater qu'une seule des conditions fixées dans les lignes directrices pour que l'aide puisse être autorisée au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (en l'occurrence, l'absence d'un objectif de restructuration) n'était pas remplie pour conclure de manière suffisamment motivée que l'aide ne pouvait pas être autorisée au titre de cette disposition.
104. En conséquence, la troisième branche du troisième moyen est également non fondée.
105. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
SUR LES DEPENS
106. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la défenderesse ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la défenderesse.
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie) déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens.