CCE, 18 février 1998, n° M.920
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Samsung / AST
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et en particulier son article 14, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, point b), après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, après consultation du comité consultatif en matière de concentrations(2), considérant ce qui suit :
(1) Le 22 avril 1997, la Commission a reçu, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 (ci-après dénommé "le règlement sur les concentrations"), notification d'un projet de concentration dans le cadre duquel l'entreprise Samsung Electronics Co, Ltd (ci-après dénommée "Samsung") devait acquérir le contrôle, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, de la totalité d'AST Research Inc (ci-après dénommée "AST"), au moyen d'une offre publique d'achat annoncée le 14 avril 1997. La notification a été déclarée incomplète le 24 avril 1997 et il a été demandé à Samsung de fournir des informations complémentaires. Le 28 avril 1997, la Commission a estimé que toutes les informations demandées lui avaient été communiquées et a déclaré la notification complète. Le 21 avril 1997, les parties notifiantes ont soumis une demande de dérogation à l'obligation de surseoir à la réalisation de l'opération en application de l'article 7, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations. Elles ont retiré cette demande par lettre du 7 mai 1997.
(2) Après examen de la notification, la Commission a déclaré, par décision du 26 mai 1997 (3), que l'opération notifiée entrait dans le champ d'application du règlement et ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et avec le fonctionnement de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Dans la même décision (point 5), la Commission a mentionné la possibilité que des amendes soient infligées pour notification tardive par les parties, en application de l'article 14 du règlement sur les concentrations.
(3) Les informations dont dispose la Commission ont confirmé, avec une absolue certitude, que Samsung avait déjà acquis le contrôle d'AST au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations (voir considérants 5 à 8 de la présente décision) au mois de janvier 1996 Samsung n'a respecté ni l'article 4, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, qui prévoit qu'une concentration de dimension communautaire doit être notifiée à la Commission dans un délai d'une semaine à compter de l'acquisition d'une participation de contrôle, ni l'article 7, paragraphe 1, en vertu duquel une concentration qui relève du champ d'application du règlement sur les concentrations ne peut être réalisée ni avant d'être notifiée ni pendant un délai de trois semaines suivant sa notification.
(4) Le 19 juin 1997, la Commission a adressé à Samsung une communication des griefs, en application de l'article 18 du règlement sur les concentrations, afin de lui donner l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission avant l'éventuelle adoption par cette dernière d'une décision basée sur l'article 14 dudit règlement.
Le 14 juillet 1997, Samsung a répondu à la communication des griefs et demandé à présenter verbalement ses arguments en vertu de l'article 14, paragraphes 1 et 3, du règlement (CE) n° 3384-94 de la Commission(4) (ci-après dénommé "le règlement d'application"), relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement sur les concentrations. Une audition s'est tenue le 23 septembre 1997.
Le 20 janvier 1998, le comité consultatif en matière de concentrations a été consulté en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations.
I. ACQUISITION DU CONTRÔLE
(5) Le 16 avril 1997, Samsung a spontanément informé la Commission d'une violation possible de l'article 4 du règlement sur les concentrations lors de son acquisition du contrôle de la société AST.
(6) Le 22 avril 1997, Samsung a notifié à la Commission l'opération en question, mais le 24 avril 1997, la notification a été déclarée incomplète au motif qu'elle n'indiquait pas clairement à quel moment précis Samsung avait pris le contrôle d'AST. Au moment de la notification, Samsung détenait déjà 45,4 % des parts du capital fragmenté d'AST et la majorité des voix au sein du conseil d'administration de la société. En conséquence, la Commission a demandé un certain nombre de documents signés par Samsung et AST depuis février 1995, dans le cadre de leur accord d'alliance stratégique (Strategic Alliance Agreement). Les parties ont présenté les documents en question le 28 avril 1997 et, à cette date, la notification est devenue effective.
(7) On peut tirer les conclusions suivantes en ce qui concerne le moment à partir duquel Samsung a pu exercer une influence déterminante sur AST.
a) Il est possible que Samsung ait déjà exercé un contrôle de fait sur AST au mois de juillet 1995, étant donné qu'elle semblait avoir une influence décisive dans tous les domaines d'activité stratégiques d'AST, suite aux accords conclus entre Samsung et AST (5). De plus, au moment même où ces accords étaient rédigés, Samsung apportait à AST un soutien financier pour l'aider à couvrir ses pertes (6). Toutefois, le nombre de membres du conseil d'administration d'AST pouvant être nommés par Samsung était limité par l'accord entre actionnaires à un de moins que la majorité du nombre de membres autorisé. La Commission ne dispose pas de suffisamment d'éléments prouvant que Samsung avait acquis le contrôle d'AST, au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, dès juillet 1995.
b) Le 21 décembre 1995, étant donné qu'AST continuait de subir des pertes d'exploitation et que, par conséquent, les soldes de trésorerie étaient en baisse, Samsung et AST ont conclu un accord de soutien complémentaire (Additionnal Support Agreement), aux termes duquel Samsung acceptait de garantir une ligne de crédit, au profit d'AST, à concurrence de 200 millions de dollars des États-Unis (USD) et d'augmenter la ligne de distributeur consentie à AST jusqu'à 100 millions de USD. En contrepartie de cette aide supplémentaire de la part de Samsung, AST a accordé à cette dernière une option d'achat sur 4 400 000 actions ordinaires supplémentaires Parallèlement à la conclusion de l'accord de soutien complémentaire, Samsung et AST ont signé l'avenant n° 1 à l'accord entre actionnaires. Cet avenant a permis à Samsung d'exercer le droit de vote lié aux actions ordinaires qu'elle détenait chez AST pour nommer autant de membres du conseil d'administration qu'elle le souhaitait, à condition qu'au moins trois membres restent indépendants. Toutefois, cet avenant garantissait également que Samsung ne pourrait pas acquérir plus de 49,9 % des actions en circulation d'AST avant le 15 décembre 1998, sans le consentement préalable d'une majorité des membres indépendants du conseil d'administration. La Commission ne dispose pas de suffisamment de preuves attestant que Samsung a acquis le contrôle d'AST au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations en décembre 1995, compte tenu, en particulier, des limites imposées à Samsung en matière de propriété du capital.
c) En janvier 1996, Samsung a exercé son droit de vote de telle sorte que six des onze membres du conseil d'administration d'AST se trouvaient désignés par elle. Grâce à cette majorité et conformément à l'acte constitutif (7) et aux statuts (8) d'AST, Samsung était en mesure de déterminer les activités commerciales stratégiques d'AST et en avait donc acquis le contrôle au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations. Dans leur lettre du 7 mai 1997 retirant la demande de dérogation introduite en application de l'article 7, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, les parties notifiantes ont reconnu que Samsung avait déjà acquis le contrôle en janvier 1996 (9). Dans d'autres documents étudiés par la Commission, on tenait apparemment pour acquis qu'il existait déjà avant la notification une situation comparable au contrôle au sens du règlement sur les concentrations, mais sans que soit spécifiée la date de cette prise de contrôle (10). Le contrôle exercé par Samsung du fait de la majorité qu'elle détenait au sein du conseil d'administration d'AST a été renforcé en août 1996, lorsque Samsung a occupé les postes de président (chairman) et de directeur général (chief executive officer) au sein du conseil d'administration d'AST.
d) Le 13 décembre 1996, Samsung et AST ont conclu un deuxième accord de soutien complémentaire en vertu duquel Samsung acceptait de garantir une ligne de crédit allant jusqu'à 100 millions de USD. En contrepartie, AST a émis pour Samsung 500 000 actions préférentielles sans droit de vote.
e) Au début du mois de janvier 1997, Samsung a informé les membres indépendants du conseil d'administration d'AST qu'il était possible qu'elle acquière 100 % du capital d'AST. Les négociations ont abouti à l'offre publique d'achat lancée par Samsung le 14 avril 1997 pour l'acquisition de toutes les actions ordinaires d'AST en circulation.
(8) On peut en conclure que, comme la Commission l'a établi dans sa décision du 26 mai 1997 et comme les parties l'ont reconnu, l'acquisition du contrôle d'AST par Samsung, au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, a eu lieu au plus tard en janvier 1996.
II. NATURE DE L'INFRACTION
(9) L'acquisition en question constituait une concentration de dimension communautaire (11) qui devait être notifiée conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations. Or, l'opération n'a été notifiée que le 22 avril 1997 Samsung a donc enfreint l'article 4, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations.
(10) Samsung n'a cessé de décrire la situation comme une omission ou une erreur imputable au fait que ses représentants locaux en Californie n'étaient pas familiarisés avec la définition communautaire de la concentration. La Commission admet qu'il n'y a pas eu intention délibérée d'éluder le règlement sur les concentrations. Cependant, il ressort clairement des dispositions du règlement qu'elles s'appliquent non seulement aux infractions intentionnelles, mais aussi aux omissions résultant d'une négligence.
(11) Samsung a suggéré que, pour la décision d'appliquer ou non l'article 14, paragraphe 2, une distinction soit faite entre les omissions fortuites et les omissions intentionnelles. Toutefois, aucun élément du règlement sur les concentrations ne permet d'établir une telle distinction et l'article 14 couvre explicitement les cas de négligence La question de savoir s'il y a eu ou non mauvaise foi peut être prise en compte pour fixer le montant de l'amende, puisque l'article 14, paragraphe 3, prévoit que la Commission prenne en considération la nature et la gravité de l'infraction.
(12) Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime qu'étant donné que Samsung est une société multinationale exerçant des activités d'envergure en Europe, elle ne peut pas ignorer l'obligation de respecter les règles européennes relatives au contrôle des concentrations.Cela est censé être le cas pour toutes les entreprises dont la dimension atteint les seuils fixés à l'article 1er du règlement sur les concentrations.
(13) Samsung a aussi fait valoir que l'article 14, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations ne devrait être appliqué que lorsque les parties à une concentration agissent de mauvaise foi, lorsque l'omission est le résultat d'une grave négligence ou lorsque l'absence de notification a des conséquences spécifiques non négligeables pour la concurrence Samsung estime que les paragraphes 1 et 2 de l'article 14 du règlement sur les concentrations ne sauraient être tous les deux applicables dans une affaire telle que celle-ci, car les entreprises qui omettent de notifier une concentration, de propos délibéré ou par négligence, mèneront en principe l'opération à terme.
(14) La Commission ne considère pas qu'il y ait là motif à ne pas appliquer l'article 14, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, point b). Le non-respect de chacune de ces dispositions pourrait avoir un impact très différent sur le marché. C'est la raison pour laquelle le législateur a prévu la possibilité d'infliger des amendes différentes en fonction des situations.
(15) Il est vrai qu'une entreprise qui omet de notifier, et de ce fait s'expose à l'application de l'article 14, paragraphe 1, point a), réalise généralement l'opération par la suite et tombe donc aussi sous le coup de l'article 14, paragraphe 2, point b). Toutefois, il peut exister des situations dans lesquelles seul l'article 12, paragraphe 1, point a), serait appliqué, par exemple lorsqu'une entreprise qui a omis de notifier ne peut finalement pas mener l'opération de concentration à bien. L'article 14, paragraphe 2, point b), pourrait être applicable lorsqu'une entreprise se plie à l'obligation de notification, mais ne respecte pas d'autres dispositions, par exemple l'obligation de laisser s'écouler un délai de trois semaines après la notification avant de réaliser l'opération. Dans le premier cas, l'entreprise enfreindrait l'obligation de notifier préalablement toute concentration de dimension communautaire, remettant ainsi en question l'exercice d'un contrôle efficace sur les concentrations, infraction pour laquelle le règlement sur les concentrations prévoit des amendes de 1 000 à 50 000 écus. Dans le deuxième cas, l'infraction est potentiellement plus grave et, par conséquent, l'amende qui est prévue plus élevée, puisqu'elle peut atteindre 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée. Ce type d'infraction est une atteinte directe au système communautaire de contrôle des concentrations, dont le rôle est de prévenir les dommages durables causés à la concurrence par les opérations structurelles auxquelles il s'applique. Pour parvenir à cet objectif, la Commission a le pouvoir d'examiner les concentrations et les acquisitions avant qu'elles n'aient effectivement lieu.
(16) En conséquence, Samsung a, par négligence, omis de notifier une concentration en violation de l'article 4 du règlement sur les concentrations et réalisé ladite concentration en violation de l'article 7, paragraphe 1, dudit règlement.
III. DÉCISION D'INFLIGER DES AMENDES
(17) L'article 14 du règlement sur les concentrations prévoit que la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes à des entreprises qui, entre autres, commettent une infraction aux dispositions de l'article 4 et de l'article 7, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations.
(18) Samsung suggère que la Commission devrait adopter une politique d'amnistie dans les cas de non-notification involontaire qui n'ont pas eu de conséquences défavorables pour la concurrence et lorsque les parties ont spontanément attiré l'attention de la Commission sur leur erreur et ont cherché à y remédier. Samsung considère qu'en infligeant des amendes dans de telles circonstances, la Commission risque d'amener les entreprises à ne plus chercher spontanément à redresser leur erreur afin d'éviter de se voir infliger une amende. La Commission considère que, dans les circonstances décrites par Samsung, à savoir l'omission par négligence de notifier une opération, sans qu'il n'y ait de conséquences défavorables pour la concurrence et sans que la question du contrôle ne pose de problèmes particuliers, une entreprise a tout intérêt à informer la Commission et à notifier l'opération en question, comme l'a effectivement fait Samsung. L'entreprise court ainsi le risque de se voir infliger une amende relativement modeste par la Commission (en fonction des circonstances propres à l'affaire) mais, en même temps, elle évite les conséquences plus graves d'une décision que la Commission peut prendre en application de l'article 14 du règlement sur les concentrations à partir du moment où il est établi que l'entreprise agit de mauvaise foi. Les entreprises doivent également savoir qu'il sera relativement difficile, à l'avenir, pour une grande société qui atteint les seuils de dimension communautaire, de ne pas être découverte. De telles entreprises pourraient, par la suite, être impliquées dans d'autres transactions ou concentrations de dimension communautaire et, en particulier dans le cas des entreprises communes de caractère concentratif avec des tiers, être obligées par leurs partenaires de notifier, auquel cas elles seraient contraintes de rendre compte des omissions passées. De plus, des concurrents et d'autres acteurs du marché en question peuvent informer la Commission de situations dans lesquelles une concentration n'a pas été notifiée (12). Par conséquent, il ne serait pas judicieux pour une entreprise de cette importance et de cette nature d'essayer de dissimuler à la Commission des omissions passées. Il s'ensuit qu'aucune nécessité objective ne saurait justifier une politique consistant à prononcer l'amnistie dans des affaires telles que celle-ci.
(19) Dans le cadre de ces considérations politiques, Samsung a fait référence à certains autres systèmes de contrôle des concentrations et, en particulier, à la politique menée par la Federal Trade Commission aux États-Unis d'Amérique conformément à une loi de 1976, le Hart-Scott-Rodino Antitrust Improvements Act. Or, les conclusions que tire Samsung de la politique américaine, pour autant que son interprétation soit correcte, ne valent pas dans le cadre du système communautaire de contrôle des concentrations, en raison des différences qui existent entre les cadres réglementaires, notamment en ce qui concerne la notification et les périodes d'attente à respecter. De plus, il n'est pas certain que l'absence de notification par Samsung aurait été considérée par le système américain comme le résultat d'une simple négligence. En effet, le terme "contrôle", tel qu'il est utilisé dans les règles du Hart-Scott-Rodino Act, englobe le fait d'avoir le pouvoir contractuel de désigner une majorité des membres du conseil d'administration d'une entreprise (13).
(20) Samsung soutient aussi que la Commission ne devrait pas infliger d'amende sans qu'il existe une pratique claire en la matière et qu'elle n'a jamais défini de politique en matière d'imposition des amendes dans le cadre du système communautaire de contrôle des concentrations. Samsung fait valoir que, par analogie avec la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (14), il devrait y avoir une politique de clémence à l'égard des cas de défaut involontaire de notification d'une concentration qui n'a pas d'effet défavorable sur la concurrence. La Commission estime que le texte de l'article 14 du règlement sur les concentrations est particulièrement clair en ce qui concerne son champ d'application ainsi que les pouvoirs accordés à la Commission. En outre, il est manifeste que la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes protège d'autres intérêts en matière de concurrence que ceux couverts par l'article 14 du règlement sur les concentrations. Quoi qu'il en soit, la Commission prend en considération comme circonstance atténuante le fait que Samsung a reconnu l'infraction et a coopéré avec la Commission dans le cadre de son enquête.
(21) La Commission estime que des amendes doivent être infligées à Samsung, compte tenu, en particulier, du fait que l'absence de notification, et la mise en œuvre de l'opération sans autorisation de la Commission, ont duré assez longtemps (voir section IV), et que pour une société multinationale comme Samsung, ces manquements constituent un cas de négligence manifeste qui ne peut être ignoré.La Commission a le devoir de maintenir le principe de base selon lequel les entreprises doivent être dissuadées de réaliser des concentrations entrant dans le champ d'application du règlement sur les concentrations sans les notifier dans les règles et, par conséquent, elle se doit d'utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés à cette fin par le Conseil.
(22) C'est pourquoi la Commission estime nécessaire d'infliger des amendes à Samsung en application de l'article 14 du règlement sur les concentrations.
IV. MONTANT DES AMENDES
(23) En vertu de l'article 14, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 à 50 000 écus notamment lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles omettent de notifier une opération de concentration.
En vertu de l'article 14, paragraphe 2, elle peut infliger des amendes jusqu'à concurrence de 10 % du chiffre d'affaires total réalisé par les entreprises concernées notamment lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles réalisent une opération de concentration avant de l'avoir notifiée.
(24) Conformément à l'article 14, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission doit, pour déterminer le montant de l'amende, prendre en considération la nature et la gravité de l'infraction.
(25) La nature des infractions commises dans la présente affaire a été définie à la section II. Samsung a omis de notifier à la Commission une concentration de dimension communautaire dans le délai défini à l'article 4, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations. De plus, Samsung a réalisé la concentration avant d'en faire la notification obligatoire, en violation de l'article 7, paragraphe 1. La Commission a exposé à la section III les raisons pour lesquelles elle considère, en l'espèce, qu'il convient d'infliger une sanction à Samsung pour ses manquements.
(26) Pour déterminer la gravité de l'infraction et, par conséquent, le montant des amendes, la Commission a aussi pris en considération la durée de l'infraction, ainsi qu'un certain nombre de circonstances atténuantes et aggravantes.
Durée
(27) L'absence de notification et, parallèlement, la mise en œuvre de l'opération sans l'autorisation de la Commission se sont prolongées pendant une période considérable.La Commission considère que cette période a duré, si l'on retient l'hypothèse la plus favorable à Samsung, de janvier 1996 (la date établie par la Commission dans sa décision du 26 mai 1997) à avril 1997 (la date à laquelle Samsung a informé la Commission de son omission pour la première fois). Sur cette base, une période de 14 mois sera retenue par la Commission pour calculer le montant des amendes à infliger.
Circonstances atténuantes
(28) Il peut être tenu compte des circonstances atténuantes décrites ci-après.
1) Le non-respect de l'obligation de notifier en temps voulu et la réalisation de l'opération n'ont pas eu de conséquences nuisibles pour la concurrence. Ce fait a été vérifié auprès des concurrents qui ont été interrogés en application de l'article 11 du règlement sur les concentrations et la Commission est parvenue à une conclusion en ce sens dans sa décision du 26 mai 1997. La part du marché des ordinateurs personnels détenue par AST dans la Communauté est d'environ 2,5 %, alors que les ventes de Samsung y sont négligeables. L'opération n'a donc quasiment aucun effet de chevauchement. Mis à part un léger recul de la part de marché d'AST, les parts de marché cumulées des parties n'ont pas changé de manière sensible au cours des trois dernières années.
2) Samsung a volontairement informé la Commission de son omission, avant que celle-ci ne découvre d'infraction, et a ensuite notifié l'opération.
3) Samsung a reconnu l'infraction et a coopéré avec la Commission lors de l'enquête.
4) Selon les informations dont dispose la Commission, la notification tardive et la réalisation de la concentration sans l'autorisation de la Commission n'avaient pas pour but de déjouer le contrôle de la Commission, mais n'étaient que pure négligence.
5) La présente décision est la première prise par la Commission en application de l'article 14 du règlement sur les concentrations et la première infraction commise par Samsung audit règlement.
Circonstances aggravantes
(29) Il peut être tenu compte des circonstances aggravantes décrites ci-après.
1) Samsung est une grande entreprise ayant des activités considérables en Europe (15) et elle n'est pas censée ignorer les règles communautaires de contrôle des concentrations.
2) La détermination de la date d'acquisition du contrôle au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations ne nécessitait pas, en l'espèce, d'analyse factuelle ou juridique complexe.
(30) Par conséquent, afin de sanctionner les infractions et d'éviter qu'elles ne se reproduisent, et compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, notamment le fait qu'il s'agit de la première application par la Commission de l'article 14 du règlement sur les concentrations, la Commission considère qu'il convient d'infliger des amendes de, respectivement :
5 000 écus en application de l'article 14, paragraphe 1, point a)
et
2 000 écus pour chacun des quatorze mois de retard en application de l'article 14, paragraphe 2, point b),
soit un montant total de 33 000 écus.
(31) La relation entre le montant de l'amende infligée par la Commission, conformément à l'article 14, paragraphe 1, point a), et celui de l'amende infligée en application de l'article 14, paragraphe 2, point b), tient compte des circonstances propres à la présente affaire et ne permet pas de préjuger de cas ultérieurs d'application de l'article 14.
(32) Le calcul de l'amende conformément à l'article 14, paragraphe 2, point b), sur la base du nombre de mois tient compte des circonstances propres à la présente affaire et ne permet pas de préjuger de cas ultérieurs d'application de l'article 14,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
1 Une amende de 5 000 écus est infligée à Samsung Electronics Co, Ltd en vertu de l'article 14, paragraphe 1, point a), du règlement (CEE) n° 4064-89, pour défaut de notification d'une concentration conformément à l'article 4 dudit règlement.
2 Une amende de 28 000 écus est infligée à Samsung Electronics Co, Ltd en vertu de l'article 14, paragraphe 2, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89, pour la mise en œuvre d'une opération de concentration en violation de l'article 7, paragraphe 1, dudit règlement..
Article 2
Les amendes prévues à l'article 1er sont payables à la Commission des Communautés européennes dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire n° 310-0933000-43 auprès de la Banque Bruxelles-Lambert, agence européenne, rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.
Le montant de ces amendes porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par l'Institut monétaire européen à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, ce taux étant majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,75 %..
Article 3
Samsung Electronics Co, Ltd Samsung Main Building, 250, 2-Ka, Taepyung-Ro, Chung-Ku, Séoul, Corée 100-742
est destinataire de la présente décision..
(1) JO L 395 du 30121989, p 1 JO L 257 du 2191990, p 13 (rectificatif).
(2) JO C 241 du 2681999.
(3) JO C 203 du 371997, p 3.
(4) JO L 377 du 31121994, p 1.
(5) Accord d'alliance stratégique (Strategic Alliance Agreement) (2721995), accord d'achat d'actions (Stock Purchase Agreement) (2721995), premier avenant à l'accord d'achat d'actions (161995), accord d'octroi de licences réciproques pour les brevets (Patent Cross Licence Agreement) (3171995), accord de vente de composants (Component Sales Agreement) (3171995), accord de développement commun et de coopération technique (Joint Development and Technical Co-operation Agreement) (3171995), deuxième avenant à l'accord d'achat d'actions (2971995) et accord entre actionnaires (Stockholder Agreement) (3171995).
(6) Les difficultés financières d'AST sont apparues au début des années 90 et ont donné lieu à des pertes nettes cumulées pour les années civiles 1994, 1995 et 1996 d'un montant d'environ 800 millions de USD.
(7) Article 5, point a), de l'acte constitutif modifié d'AST, document A de l'accord d'achat d'actions AST/Samsung du 27 février 1995 : "Les activités et les affaires de l'entreprise seront dirigées par le conseil d'administration ou sous sa responsabilité".
(8) Article III, section 8, des statuts d'AST tels que modifiés au 31 juillet 1995 : " la présence d'une majorité des membres constituera le quorum requis pour toute affaire traitée au cours d'une réunion du conseil d'administration et le vote affirmatif d'au moins la majorité des membres présents à toute réunion où le quorum est atteint constituera un acte du conseil d'administration".
(9) "Comme indiqué lors de notre réunion du 30 avril 1997, les parties notifiantes retirent par la présente leur demande de dérogation à l'obligation de surseoir à la mise en œuvre de la transaction effectuée en janvier 1996".
(10) Voir, par exemple, une note antérieure à la notification du 16 avril 1997, la notification de l'opération par les parties le 22 avril 1997 et la réponse à la communication des griefs du 14 juillet 1997.
(11) Voir point 6 de la décision du 26 mai 1997.
(12) En l'espèce, un concurrent a fait savoir, dans une réponse à une lettre au titre de l'article 11 du règlement sur les concentrations, que Samsung avait pris le contrôle d'AST avant que celle-ci soit totalement acquise par offre publique d'achat annoncée le 14 avril 1997.
(13) Article 801, point b) 1.
(14) JO C 207 du 1871996, p 4.
(15) Chiffre d'affaires à l'échelle de la Communauté : [chiffre supprimé en tant que secret d'affaires] en 1996.