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Décisions

CJCE, 6e ch., 11 décembre 1997, n° C-55/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Job Centre coop

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Avocat général :

M. Elmer

Juges :

MM. Mancini, Kapteyn (rapporteur)

Avocats :

Mes Ichino, Jacobs, Morresi, Rucci.

CJCE n° C-55/96

11 décembre 1997

LA COUR,

1. Par ordonnance du 30 janvier 1996, parvenue à la Cour le 23 février suivant, la Corte d'appello di Milano a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 48, 49, 55, 56, 59, 60, 62, 66, 86 et 90 du traité CE.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours à l'encontre d'un refus d'homologation de l'acte constitutif de la société Job Centre coop. arl (ci-après "JCC") opposé à cette dernière, conformément à l'article 2330, paragraphe 4, du Code civil italien, par le Tribunale civile e penale di Milano.

3. JCC est une société coopérative à responsabilité limitée en cours de constitution, dont le siège est à Milan. Selon ses statuts, son activité consistera notamment dans l'exercice d'activités d'intermédiaire entre demandes et offres d'emploi et de fourniture temporaire de prestations de travail à des tiers. Son but est de permettre aux travailleurs et aux entreprises, membres et non-membres, de bénéficier de tels services sur le marché italien et communautaire de l'emploi.

4. En Italie, le marché du travail est soumis au régime du placement obligatoire géré par des bureaux de placement publics. Ce régime est réglementé par la loi n° 264 du 29 avril 1949. L'article 11, paragraphe 1, de cette loi interdit l'exercice de toute médiation entre l'offre et la demande de travail rémunéré, même si cette activité est effectuée à titre gratuit. Toute activité de placement contraire à ces règles et l'engagement de travailleurs autrement que par l'intermédiaire du bureau de placement sont passibles, selon la loi n° 264, de sanctions pénales ou administratives. En outre, les contrats de travail conclus en violation de ces règles peuvent être annulés par les tribunaux, sur plainte du bureau de placement et à la demande du Ministère public, plainte qui doit être introduite dans le délai d'un an à compter de l'engagement d'un salarié.

5. L'article 1er, premier alinéa, de la loi n° 1369 du 23 octobre 1960 interdit la médiation et l'interposition dans les relations de travail. Toute infraction à ces règles est passible de sanctions pénales prévues à l'article 2 de cette même loi, tandis que, en droit, conformément à l'article 1er, dernier alinéa, les travailleurs employés en violation de l'article 1er, premier alinéa, sont considérés à tous égards comme engagés par l'entrepreneur qui en a effectivement utilisé les prestations.

6. Le 28 janvier 1994, le président de JCC en cours de constitution avait demandé au Tribunale civile e penale di Milano, d'homologuer, conformément à l'article 2330, paragraphe 3, du Code civil italien, l'acte constitutif de la société. Par ordonnance du 31 mars 1994, ce tribunal avait suspendu la procédure d'homologation et avait saisi la Cour de justice de deux questions préjudicielles portant sur l'interprétation de divers articles du traité CE, qu'il avait jugées pertinentes aux fins de sa décision sur l'homologation de l'acte constitutif de JCC.

7. Par arrêt du 19 octobre 1995, Job Centre (C-111-94, Rec. p. I-3361), la Cour a déclaré qu'elle était incompétente pour répondre aux questions qui lui avaient été posées par le Tribunale civile e penale di Milano, au motif que ce juge, lorsqu'il statue dans le cadre d'une procédure de "giurisdizione volontaria" sur une demande d'homologation de l'acte constitutif d'une société aux fins de l'inscription de celle-ci au registre, exerce une fonction non juridictionnelle qui, par ailleurs, dans d'autres États membres, est confiée à des autorités administratives. En effet, il fait acte d'autorité administrative, sans qu'il soit en même temps appelé à trancher un litige.

8. A la suite de cet arrêt, le Tribunale civile e penale di Milano a, par décision du 18 décembre 1995, rejeté la demande d'homologation de l'acte constitutif présentée par le représentant de JCC pour cause d'incompatibilité de l'objet social de cette dernière avec certaines règles impératives de la législation italienne en matière de travail.

9. JCC a formé un recours au titre de l'article 2330, paragraphe 4, du Code civil italien, devant la Corte d'appello di Milano à l'encontre de ce refus d'homologation, en demandant l'annulation de la décision du Tribunale et l'homologation de l'acte constitutif de la société.

10. La Corte d'appello, considérant que le recours formé par JCC soulevait des questions d'interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

" 1) Les dispositions nationales italiennes, visées aux articles 11, paragraphe 1, de la loi n° 264 du 29 avril 1949 et 1er, premier alinéa, de la loi n° 1369 du 23 octobre 1960, comportant l'interdiction de toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi lorsqu'elle n'est pas exercée par des organismes publics désignés par ces dispositions, peuvent-elles être considérées comme relevant de l'exercice de l'autorité publique au sens des dispositions combinées des articles 66 et 55 du traité CE, étant donné le caractère d'intérêt général que leur confère la loi italienne dans la mesure où elles visent à protéger les travailleurs et l'économie nationale ?

2) Ces dispositions, à travers le principe général qu'elles consacrent, doivent-elles être considérées comme étant contraires aux principes de droit communautaire posés par les articles 48, 49, 59, 60, 62, 86 et 90 du traité, concernant le droit au travail, la liberté d'entreprise, la libre circulation des travailleurs et des personnes, la liberté de demander et d'offrir des prestations de travail et de services, la concurrence libre et loyale entre opérateurs économiques, l'interdiction d'abus de position dominante ?

3) Dans le cas où la législation italienne précitée interdisant toute médiation ou interposition entre offres et demandes d'emploi viole les principes de droit communautaire énoncés dans la question précédente, les autorités judiciaires et administratives de l'Etat membre concerné sont-elles tenues d'appliquer directement ces principes, en autorisant les organismes et entreprises publics et privés à exercer l'activité d'intermédiaire entre demandes et offres d'emploi et de fourniture temporaire de main d'œuvre, à condition de respecter les dispositions qui régissent le rapport de travail et l'assurance obligatoire et de se soumettre aux contrôles prévus par la loi ? "

11. Il ressort du dossier au principal que, par ces questions, la juridiction nationale demande, en substance, si les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs, à la libre prestation des services et à la concurrence s'opposent à une législation nationale qui interdit toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi dans les relations de travail lorsqu'elle n'est pas exercée par des organismes publics de placement de main d'œuvre.

12. Il convient de rappeler que JCC est une société coopérative à responsabilité limitée, en cours de constitution, qui a invoqué dans la procédure au principal le droit d'exercer l'activité d'intermédiaire entre demandes et offres d'emploi et de fourniture temporaire de main d'œuvre.

13. Or, dans la mesure où les questions se réfèrent aux dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, il suffit de relever que l'applicabilité de l'article 48 du traité ne saurait être déduite du fait que des travailleurs figurent au nombre des membres fondateurs dès lors que la société, une fois constituée et en activité, sera devenue une personne juridique autonome.

14. Il s'ensuit que les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs ne sont pas pertinentes aux fins du litige au principal.

15. Dans la mesure où les questions se réfèrent aux articles 86 et 90 du traité, celles-ci soulèvent le problème de l'étendue du droit exclusif accordé aux bureaux publics de placement et, partant, de l'interdiction, sous peine de sanctions pénales et administratives, de toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi par des sociétés privées.

16. Il convient donc d'aborder en premier lieu l'interprétation de ces dispositions du traité.

Sur l'interprétation des articles 86 et 90 du traité

17. JCC fait valoir, en substance, que l'interdiction de toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi, lorsqu'elle n'est pas exercée par des organismes publics, est contraire aux articles 86 et 90 du traité, puisque les bureaux publics de placement ne sont pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour ce genre d'activités. A cet égard, JCC se réfère, notamment, à l'arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41-90, Rec. p. I-1979).

18. Les gouvernements allemand et norvégien ainsi que la Commission soutiennent que le droit exclusif de placement de la main d'œuvre devrait être apprécié au regard des principes pouvant être dégagés de l'arrêt Höfner et Elser, précité.

19. Le Gouvernement italien relève tout d'abord que la législation en cause au principal ne reconnaît à aucune entreprise des droits spéciaux ou exclusifs en matière de sous-traitance de main d'œuvre, mais se limite à interdire la médiation et l'interposition dans les relations de travail. Ensuite, il considère que, eu égard aux caractéristiques particulières et aux finalités sociales du placement public de la main d'œuvre effectué en Italie, un tel placement ne peut être considéré comme une activité économique et donc comme une activité d'entreprise. Enfin, il soutient que le monopole public de placement n'est pas susceptible de causer les préjudices visés à l'article 86, second alinéa, sous b), du traité.

20. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de vérifier si un bureau public de placement, tel qu'un organisme auquel l'article 11, paragraphe 1, de la loi n° 264 fait référence, peut être considéré comme une entreprise au sens des articles 85 et 86 du traité (voir arrêt Höfner et Elser, précité, point 20).

21. A cet égard, il y a lieu de préciser que, dans le contexte du droit de la concurrence, d'une part, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, et que, d'autre part, l'activité de placement de main d'œuvre est une activité économique.

22. La circonstance que les activités de placement sont normalement confiées à des offices publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités. Les activités de placement de main d'œuvre n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques.

23. Le Gouvernement italien fait encore valoir que, selon l'arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159-91 et C-160-91, Rec. p. I-637), un organisme de sécurité sociale agissant dans le cadre d'un régime de monopole ne constitue pas une entreprise au sens de l'article 86 du traité, dès lors que, aux points 18 et 19 de cet arrêt, la Cour a considéré qu'une telle activité n'est pas une activité économique, puisqu'elle est fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif.

24. A cet égard, il suffit de constater que, s'il ressort de cet arrêt que la gestion des régimes obligatoires de sécurité sociale, tels que ceux décrits dans les décisions de renvoi dans l'affaire Poucet et Pistre, précitée, ne constitue pas une activité économique, cette conclusion a été fondée sur les mêmes critères (voir arrêt Poucet et Pistre, précité, point 17) qui, dans l'arrêt Höfner et Elser, précité, avaient été appliqués pour en conclure que l'activité de placement de la main d'œuvre doit être qualifiée d'activité d'entreprise au sens des règles de concurrence communautaires.

25. Il s'ensuit qu'une entité, telle qu'un bureau public de placement de main d'œuvre, peut être qualifiée d'entreprise aux fins de l'application des règles de concurrence communautaires.

26. Il y a lieu de préciser que les bureaux publics de placement de main d'œuvre, qui sont chargés, en vertu de la législation d'un Etat membre, de la gestion de services d'intérêt économique général, tels que ceux prévus à l'article 11, paragraphe 1, de la loi n° 264, restent soumis aux règles de concurrence, conformément à l'article 90, paragraphe 2, du traité, tant qu'il n'est pas démontré que leur application est incompatible avec l'exercice de leur mission(voir arrêts du 30 avril 1974, Sacchi, 155-73, Rec. p. 409, point 15, et Höfner et Elser, précité, point 24).

27. S'agissant du comportement des bureaux publics de placement de main d'œuvre, bénéficiant d'un droit exclusif, dont le respect est assuré par une interdiction de toute activité de médiation et d'interposition dans les relations de travail, sous peine de sanctions pénales et administratives, telles que prévues par les lois n° 264 et 1369, il convient de constater que l'application de l'article 86 du traité ne saurait faire échec à la mission particulière impartie à ces bureaux, lorsque ceux-ci ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché à cet égard.

28. S'il est vrai que l'article 86 vise les entreprises et peut être appliqué dans les limites prévues à l'article 90, paragraphe 2, aux entreprises publiques ou disposant de droits exclusifs ou spécifiques, il n'en demeure pas moins que le traité impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile de cette disposition (voir arrêts du 16 novembre 1977, Inno, 13-77, Rec. p. 2115, points 31 et 32, et Höfner et Elser, précité, point 26). L'article 90, paragraphe 1, prévoit, en effet, que les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité, notamment à celles prévues aux articles 85 à 94 inclus.

29. Par conséquent, serait incompatible avec les règles du traité toute mesure d'un Etat membre qui maintiendrait en vigueur des dispositions légales créant une situation dans laquelle un bureau public de placement de main d'œuvre serait nécessairement amené à contrevenir aux dispositions de l'article 86.

30. A cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, qu'une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal peut être considérée comme occupant une position dominante, au sens de l'article 86 du traité (voir arrêt du 3 octobre 1985, CBEM, 311-84, Rec. p. 3261, point 16), et que le territoire d'un Etat membre, auquel ce monopole s'étend, est susceptible de constituer une partie substantielle du Marché commun (voir arrêt du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 28).

31. Il convient de préciser, en deuxième lieu, que le simple fait de créer une telle position dominante par l'octroi d'un droit exclusif au sens de l'article 90, paragraphe 1, n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité (voir arrêts précités CBEM, point 17; Höfner et Elser, point 29; du 19 mai 1993, Corbeau, C-320-91, Rec. p. I-2533, point 11, et du 5 octobre 1994, Centre d'insémination de la Crespelle, C-323-93, Rec. p. I-5077, point 18). Un Etat membre n'enfreint, en effet, les interdictions contenues dans ces deux dispositions que si l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice du droit exclusif qui lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive (voir arrêt du 14 décembre 1995, Banchero, C-387-93, Rec. p. I-4663, point 51).

32. Selon l'article 86, second alinéa, sous b), du traité, une telle pratique abusive peut, notamment, consister en une limitation de la prestation, au préjudice des demandeurs du service en cause.

33. A cet égard, il convient de constater que, ainsi que l'a à juste titre relevé la Commission, le marché des prestations afférentes au placement des travailleurs est, d'une part, très vaste et, d'autre part, hautement diversifié. La demande et l'offre du travail sur ce marché englobent tous les secteurs de production et se rapportent à une gamme d'emplois qui va de la main d'œuvre non qualifiée jusqu'aux qualifications professionnelles les plus élevées et rares.

34. Sur un marché aussi étendu et différencié, qui est, de surcroît, sujet, en raison du développement économique et social, à de grands changements, les bureaux publics de placement risquent de ne pas être en mesure de satisfaire une partie significative de toutes les demandes en prestations.

35. Or, en interdisant, sous peine de sanctions pénales et administratives, toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi, lorsqu'elle n'est pas exercée par des bureaux publics de placement, un Etat membre crée une situation dans laquelle la prestation est limitée, au sens de l'article 86, second alinéa, sous b), du traité, lorsque ces bureaux ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire, pour tous genres d'activités, la demande que présente le marché du travail.

36. Il convient de relever, en troisième lieu, que la responsabilité incombant à un Etat membre en vertu des articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité n'est engagée que si le comportement abusif de l'organisme de placement public concerné était susceptible d'affecter le commerce entre les États membres. Pour que cette condition d'application soit remplie, il n'est pas nécessaire que le comportement abusif en cause ait effectivement affecté ce commerce. Il suffit d'établir que ce comportement est de nature à avoir un tel effet (voir arrêt Michelin/Commission, précité, point 104).

37. Un tel effet potentiel sur les échanges interétatiques existe, notamment, lorsque les activités de placement de main d'œuvre, exercées par des sociétés privées, peuvent s'étendre aux ressortissants ou aux territoires d'autres États membres.

38. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre que des bureaux publics de placement sont soumis à l'interdiction de l'article 86 du traité, tant que l'application de cette disposition ne fait pas échec à la mission particulière qui leur a été impartie. L'Etat membre, qui interdit toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi, lorsqu'elle n'est pas exercée par ces bureaux, enfreint l'article 90, paragraphe 1, du traité, lorsqu'il crée une situation dans laquelle les bureaux publics de placement seront nécessairement amenés à contrevenir aux dispositions de l'article 86 du traité. Il en est ainsi, notamment, lorsque se trouvent réunies les conditions suivantes:

- les bureaux publics de placement ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire, pour tous genres d'activités, la demande que présente le marché du travail;

- l'exercice effectif des activités de placement par les sociétés privées est rendu impossible par le maintien en vigueur de dispositions légales interdisant ces activités sous peine de sanctions pénales et administratives;

- les activités de placement en cause sont susceptibles de s'étendre à des ressortissants ou aux territoires d'autres États membres.

Sur l'interprétation des articles 59 et suivants du traité

39. L'interdiction de toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi lorsqu'elle n'est pas exercée par les bureaux publics de placement, telle que visée par les questions préjudicielles, étant contraire aux articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité sous les conditions indiquées au point 38 du présent arrêt, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'interprétation des articles 59 et suivants du traité.

Sur les dépens

40. Les frais exposés par les gouvernements italien, allemand et norvégien, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Corte d'appello di Milano, par ordonnance du 30 janvier 1996, dit pour droit :

Des bureaux publics de placement sont soumis à l'interdiction de l'article 86 du traité CE, tant que l'application de cette disposition ne fait pas échec à la mission particulière qui leur a été impartie. L'Etat membre, qui interdit toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi, lorsqu'elle n'est pas exercée par ces bureaux, enfreint l'article 90, paragraphe 1, du traité CE, lorsqu'il crée une situation dans laquelle les bureaux publics de placement seront nécessairement amenés à contrevenir aux dispositions de l'article 86 du traité. Il en est ainsi, notamment, lorsque se trouvent réunies les conditions suivantes:

- les bureaux publics de placement ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire, pour tous genres d'activités, la demande que présente le marché du travail;

- l'exercice effectif des activités de placement par les sociétés privées est rendu impossible par le maintien en vigueur de dispositions légales interdisant ces activités sous peine de sanctions pénales et administratives;

- les activités de placement en cause sont susceptibles de s'étendre à des ressortissants ou aux territoires d'autres États membres.