TPICE, 4e ch. élargie, 22 octobre 1997, n° T-213/95
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf, Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenaerts
Juges :
Mme Lindh, MM. Azizi, Cooke, Jaeger
Avocats :
Mes van Empel, Janssens.
FAITS A L'ORIGINE DES RECOURS ET PROCEDURE
1. Les présentes affaires concernent le secteur de la location de grues mobiles aux Pays-Bas. Les grues mobiles sont des grues qui peuvent être librement déplacées sur le chantier. Par cette caractéristique, elles se distinguent des grues-tours qui sont montées sur des rails fixes et qui ne peuvent se déplacer que d'avant en arrière. Les grues mobiles sont principalement utilisées dans la construction, dans l'industrie pétrochimique et dans le secteur des transports.
2. Pour des raisons techniques, le rayon d'action d'une grue mobile est limité à 50 km. Le secteur de la location de grues mobiles se caractérise, en outre, par la conclusion de contrats dans un très bref délai avant l'exécution du travail ("overnight contracting"). Lorsqu'une entreprise de location de grues est sollicitée pour effectuer un travail dans un très bref délai, elle décide, au vu de la localisation du chantier et de la disponibilité de ses propres grues, soit d'utiliser l'une de celles-ci, soit d'en louer une auprès d'une autre entreprise située près du chantier.
3. La fondation Keuring Bouw Machines (ci-après "Keboma"), créée en 1982 par le ministère des Affaires sociales néerlandais, vérifie, avant la première mise en service aux Pays-Bas, si les grues sont conformes aux exigences légales de sécurité, énoncées dans l'Arbeidsomstandighedenwet (Arbowet, loi sur les conditions de travail), dans le Veiligheidsbesluit voor fabrieken of werkplaatsen (arrêté relatif à la sécurité dans les usines ou les ateliers), dans le Veiligheidsbesluit restgroepen (arrêté relatif à la sécurité sur les lieux de travail non couverts par les autres arrêtés) et dans différentes réglementations ministérielles et diverses publications de l'inspection du travail. La Keboma est le seul organisme officiel agréé chargé de l'inspection et des essais des grues mobiles. Cette obligation d'inspection avant la première mise en service ne s'applique plus, d'après la directive 89-392-CEE du Conseil, du 14 juin 1989, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux machines (JO L. 183, p. 9, ci-après "directive 89-392"), à partir du 1er janvier 1993 aux grues munies d'une marque CE et accompagnées d'une déclaration CE de conformité au sens de ladite directive. Les grues doivent être soumises à des contrôles effectués par la Keboma trois ans après la première mise en service et, après ce deuxième examen, tous les deux ans.
4. La Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven (ci-après "FNK") est l'organisation sectorielle, constituée le 13 mars 1971, au sein de laquelle des entreprises néerlandaises de location de grues se sont fédérées. Le but statutaire de la FNK est de défendre les intérêts des entreprises de location de grues, en particulier des membres de la FNK, et de promouvoir les contacts et la collaboration entre les membres au sens le plus large. Les membres de la FNK disposent de 1 552 grues sur les quelque 3 000 grues destinées à la location aux Pays-Bas. L'article 3 du règlement intérieur de la FNK contenait, du 15 décembre 1979 au 28 avril 1992, une clause obligeant ses membres à faire appel en priorité à d'autres membres pour la prise et la mise en location de grues (ci-après "clause de priorité") et à pratiquer des tarifs "acceptables". La FNK a établi et publié des tarifs conseillés et des estimations de coûts pour la location de grues par des maîtres d'ouvrage. Au surplus, des tarifs de compensation s'appliquant aux opérations de location interne entre les membres de la FNK ont été déterminés à l'occasion de concertations régulières entre entreprises de location de grues.
5. La Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf (ci-après "SCK") est une fondation créée en 1985 par des représentants d'entreprises de location de grues et de maîtres d'ouvrage dont l'objet statutaire est de promouvoir et de maintenir la qualité des entreprises de location de grues. A cette fin, la SCK a instauré un système de certification par lequel elle délivre des certificats aux entreprises qui remplissent un éventail d'exigences relatives à la gestion d'une entreprise de location de grues et à l'utilisation et l'entretien des grues. Ce système de certification permettrait aux maîtres d'ouvrage d'escompter que l'entreprise concernée répond aux exigences en question sans devoir le vérifier eux-mêmes. L'article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la certification des entreprises de location de grues de la SCK prévoit une interdiction pour les entreprises certifiées de louer des grues auprès d'entreprises non certifiées par la SCK (ci-après "interdiction de location"). Avec effet au 20 janvier 1989, la SCK a été agréée par le Raad voor de Certificatie (conseil de la certification), l'instance néerlandaise d'agrément des organismes de certification, qui a constaté que la SCK remplissait les conditions définies sur la base des normes européennes EN 45011 définissant les critères auxquels les organismes de certification doivent satisfaire. Au titre de l'article 2, point 5, des critères de reconnaissance du conseil de la certification, l'organe accordant des certificats est obligé de veiller à ce que les conditions de la certification soient également remplies en cas de sous-traitance. L'organe dispose des possibilités suivantes pour remplir cette obligation : ou bien il contrôle lui-même les sous-traitants (article 2, point 5, A 1), ou bien il vérifie les contrôles du sous-traitant effectués par l'entreprise agréée (article 2, point 5, A 2 et A 3).
6. Le 13 janvier 1992, M W C M Van Marwijk (ci-après "Van Marwijk") et dix autres entreprises ont introduit une plainte ainsi qu'une demande de mesures provisoires auprès de la Commission. Les plaignants considéraient que les requérantes enfreignaient les règles de concurrence du traité CE en excluant les entreprises non certifiées par la SCK de la location de grues mobiles et en imposant des prix pour la mise en location de grues.
7. Les statuts de la SCK et son règlement relatif à la certification des entreprises de location de grues ont été notifiés à la Commission le 15 janvier 1992. Les statuts et les règlements intérieurs de la FNK l'ont été le 6 février 1992. Dans les deux cas, il s'agissait d'obtenir une attestation négative et, à titre subsidiaire, une exemption en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
8. A la suite d'une action intentée par les plaignants devant les juridictions néerlandaises, le président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht a enjoint à la FNK, par ordonnance en référé du 11 février 1992, d'abandonner la clause de priorité ainsi que le système de tarifs conseillés (applicables aux opérations de location de grues dans les relations avec les maîtres d'ouvrage) et de tarifs de compensation (applicables aux opérations de location effectuées entre entreprises de location de grues). Il enjoignait à la SCK de ne plus appliquer l'interdiction de location. Cette ordonnance a été annulée le 9 juillet 1992, également en référé, par le Gerechtshof te Amsterdam, qui a considéré notamment qu'il n'était pas évident et absolument certain que les dispositions concernées n'avaient aucune chance d'être exemptées par la Commission. La SCK a rétabli l'interdiction de location le jour du prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam. En revanche, la FNK a renoncé à être impliquée à l'avenir dans l'élaboration des tarifs conseillés ou des tarifs de compensation.
9. Le 16 décembre 1992, la Commission a émis une communication des griefs à l'encontre des requérantes. Dans ce document, elle a informé les requérantes de son intention de lever, conformément à l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), l'immunité d'amendes prévue à l'article 15, paragraphe 5, du même règlement.
10. Le 3 février 1993, les requérantes ont adressé à la Commission leur réponse à la communication des griefs. Dans cette réponse, elles ont, notamment, sollicité l'organisation d'une audition.
11. Par lettre du 4 juin 1993, la Commission les a informées que la procédure en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne pourrait être terminée que moyennant le retrait de l'interdiction de location.
12. Les plaignants se sont à nouveau adressés au président de l'Arrondissement srechtbank te Utrecht, qui a décidé, par ordonnance en référé du 6 juillet 1993, que l'interdiction de location ne pouvait plus être appliquée, étant donné qu'entre-temps la Commission avait fait connaître son point de vue sur les dispositions en question et qu'il apparaissait que cette interdiction n'avait aucune chance d'être exemptée par la Commission.
13. Par lettre datée du 29 septembre 1993, la Commission a informé les requérantes qu'elle organiserait l'audition demandée par elles avant d'arrêter une décision définitive au titre de l'article 85 du traité, mais que l'organisation d'une telle audition n'était pas requise dans le cadre d'une décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17.
14. L'ordonnance de l'Arrondissement srechtbank te Utrecht du 6 juillet 1993 a été confirmée par le Gerechtshof te Amsterdam par arrêt rendu le 28 octobre 1993. Ce dernier arrêt se fondait en particulier sur une lettre non datée de M. Giuffrida, de la direction générale Concurrence (DG IV) de la Commission, adressée aux plaignants avec copie conforme au conseil des requérantes. Celles-ci affirment avoir reçu communication de la lettre le 22 septembre 1993. L'auteur de cette lettre s'exprimait comme suit : "Je puis confirmer qu'un projet de décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 doit être soumis pour adoption à la Commission dans le cadre d'une procédure écrite à la fin de cette semaine, dès que toutes les versions linguistiques nécessaires seront disponibles. L'approbation des services concernés a déjà été obtenue [...] Mon service prévoit qu'il devrait être possible d'effectuer la notification officielle de la décision [aux requérantes] dans la première moitié d'octobre 1993."
15. Le 4 novembre 1993, la SCK a diffusé une communication par laquelle elle faisait savoir que l'interdiction de location serait suspendue jusqu'à ce que la Commission ait adopté une décision définitive.
16. Le 13 avril 1994, la Commission a arrêté une décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17.
17. Par lettre datée du 3 juin 1994, les requérantes ont mis la Commission en demeure d'arrêter sa décision finale au plus tard le 3 août 1994.
18. Par lettre du 27 juin 1994, M. Ehlermann, alors directeur général de la DG IV, a informé les requérantes que "la date du 3 août 1994, fixée pour l'adoption de la décision finale, était absolument irréaliste", mais que "l'adoption de la décision finale était une priorité".
19. En réponse à une lettre des requérantes du 3 août 1994, la Commission a fait savoir, par lettre du 9 août 1994, que la communication des griefs de décembre 1992 visait exclusivement l'ouverture d'une procédure préalable à l'adoption d'une décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Elle annonçait que la décision définitive serait précédée de l'adoption d'une nouvelle communication des griefs à la suite de laquelle les requérantes auraient la possibilité d'être entendues.
20. Le 21 octobre 1994, une nouvelle communication des griefs a été émise à l'encontre des requérantes, concernant une procédure fondée sur l'article 85 du traité.
21. Le 21 décembre 1994, les requérantes ont adressé à la Commission leur réponse à cette communication. Dans cette réponse, elles mettaient à nouveau la Commission en demeure d'agir sans tarder et renonçaient à l'organisation d'une audition.
22. Le 27 novembre 1995, elles ont introduit un recours en indemnité devant le Tribunal (affaire T-213-95). Elles ont également introduit, par mémoire séparé, une demande de mesures provisoires (affaire T-213-95 R). Les requérantes se sont désistées de cette dernière et, par ordonnance du 24 janvier 1996, le président a radié l'affaire T-213-95 R. Les dépens ont été réservés.
23. Le 29 novembre 1995, la Commission a adopté la décision 95-551-CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-34.179, 34.202, 34.216 - Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf et Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven (JO L. 312, p. 79, ci-après "décision litigieuse"). Elle y constate que la FNK a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 15 décembre 1979 au 28 avril 1992, en ayant utilisé un système de tarifs conseillés et de compensation qui a permis à ses membres de prévoir leur politique respective de prix (article 1er). Elle constate aussi que la SCK a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 1er janvier 1991 au 4 novembre 1993 (à l'exception de la période du 17 février au 9 juillet 1992), en ayant interdit à ses affiliés de prendre des grues en location auprès d'entreprises non affiliées à la SCK (article 3). En outre, elle ordonne aux requérantes de mettre fin immédiatement à ces infractions (articles 2 et 4) et inflige une amende de 11 500 000 écus à la FNK et une amende de 300 000 écus à la SCK (article 5).
24. Par lettre du 11 janvier 1996, les requérantes ont demandé à avoir accès au dossier en vue de l'introduction d'un recours contre cette décision, ce que la Commission a refusé par lettre du 15 janvier 1996.
25. Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 6 février 1996, elles ont introduit un recours en annulation de la décision litigieuse (affaire T-18-96). Elles ont également introduit, par mémoire séparé, une demande de mesures provisoires (affaire T-18-96 R).
26. Pour la période allant jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-18-96, les requérantes sont parvenues à un accord avec la Commission le 25 mars 1996 en ce qui concerne l'adaptation de la clause d'interdiction de location. Dans la version adaptée de l'article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la certification des entreprises de location de grues, les entreprises certifiées par la SCK ne peuvent utiliser "que des grues munies d'une plaque de certification valable, sur la base d'une certification préalable faite soit par la fondation, soit par un autre organisme de certification - néerlandais ou étranger - qualifié pour certifier les entreprises de location de grues et qui applique manifestement des critères équivalents, sauf s'il peut être établi d'après des pièces écrites (y compris des télécopies) que le maître de l'ouvrage n'a pas attaché d'importance, lorsqu'il a confié la commande, à ce que l'entreprise de location de grues (tierce) à laquelle il a fait appel en l'espèce, soit ou non certifiée" (lettre de la Commission aux requérantes du 25 mars 1996).
27. Le président du Tribunal a rejeté la demande en référé dans l'affaire T-18-96 R par ordonnance du 4 juin 1996 (Rec. p. II-407). Les dépens de la procédure en référé ont été réservés. Le pourvoi dirigé contre l'ordonnance du Tribunal a été rejeté par ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996 (Rec. p. I-4971).
28. Par lettre du 9 juillet 1996, adressée au président du Tribunal dans le cadre de l'affaire T-18-96, les requérantes ont invité le Tribunal à ordonner, au titre de l'article 65, sous b), du règlement de procédure et, à titre subsidiaire, en vertu de l'article 64, paragraphe 3, sous d), du même règlement, la production du dossier de la Commission dans les affaires SCK et FNK, portant les numéros IV-34.179, 34.202 et 34.216, y compris les documents internes de la Commission relatifs aux échanges de vues que la direction générale Industrie (DG III) et la DG IV ont eus sur ces affaires, ainsi que d'éventuels autres dossiers qui seraient à la base de la décision litigieuse.
29. Par ordonnance du 4 octobre 1996, le président de la quatrième chambre élargie a admis Van Marwijk et sept autres entreprises de location de grues mobiles à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission dans l'affaire T-18-96.
30. Par ordonnance du 12 mars 1997, il a décidé, en application de l'article 50 du règlement de procédure, de joindre les deux affaires aux fins de la procédure orale.
31. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, il a invité les parties principales à produire quelques documents avant l'audience.
32. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 4 juin 1997.
33. Les parties entendues sur ce point à l'audience, le Tribunal (quatrième chambre élargie) estime qu'il y a lieu de joindre les deux affaires également aux fins de l'arrêt.
Conclusions des parties
34. Dans l'affaire T-213-95, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer la Communauté responsable du préjudice qu'elles subissent et subiront encore du fait des comportements illégaux de la Commission ;
- condamner la Communauté à réparer ce préjudice, lui ordonner d'en déterminer l'ampleur en concertation avec les requérantes et, à défaut d'accord amiable sur ce point, déterminer lui-même le montant du préjudice, au besoin après avoir désigné un expert chargé de le chiffrer exactement ;
- condamner la Communauté aux dépens.
35. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner solidairement les requérantes aux dépens, y compris ceux de la procédure en référé.
36. Dans l'affaire T-18-96, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, constater que la décision litigieuse est inexistante, en ce que, dans son dispositif, la Commission décide que l'article 85, paragraphe 1, est applicable et inflige à cet égard une amende aux requérantes, mais ne se prononce pas sur la demande d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité formée par les requérantes ;
- à titre subsidiaire, déclarer la décision entachée d'une nullité absolue ;
- à titre plus subsidiaire, annuler la décision pour violation de l'article 85 du traité, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après "CEDH"), de principes généraux du droit et de l'obligation de motivation (article 190 du traité) ;
- à titre infiniment subsidiaire, annuler partiellement la décision litigieuse de manière à ce qu'aucune amende ne soit infligée aux requérantes ;
- condamner la Commission aux dépens ;
- condamner les parties intervenantes aux dépens relatifs à l'intervention.
37. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner les requérantes aux dépens.
38. Les parties intervenantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal
- accueillir les conclusions de la Commission ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.
Sur le recours en indemnité (affaire T-213-95)
39. Selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité de la Communauté dans le cadre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché à l'institution communautaire concernée, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'institution et le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP-Conseil et Commission, C-146-91, Rec. p. I-4199, point 19, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a.-Commission, T-481-93 et T-484-93, Rec. p. II-2941, point 80).
1. Sur le comportement prétendument illégal de la Commission
40. Les requérantes invoquent quatre moyens pour établir l'existence d'un comportement illégal de la Commission dans le cadre de la procédure qu'elle a entamée à la suite du dépôt de la plainte, le 13 janvier 1992, et des notifications effectuées par les requérantes, les 15 janvier et 6 février 1992. Ces moyens sont tirés respectivement d'une violation de l'article 6 de la CEDH, d'une violation du principe de sécurité juridique, d'une violation du principe de protection de la confiance légitime et d'une violation du droit d'être entendu.
Premier moyen : violation de l'article 6 de la CEDH
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
41. Les requérantes font valoir que la Commission est tenue de respecter les dispositions de la CEDH. Elles se réfèrent, à cet égard, à la jurisprudence (arrêts de la Cour du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11-70, Rec. p. 1125, du 21 septembre 1989, Hoechst-Commission, 46-87 et 227-88, Rec. p. 2859, et du 18 octobre 1989, Orkem-Commission, 374-87, Rec. p. 3283), à l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne et à la déclaration commune de l'Assemblée, du Conseil et de la Commission, du 5 avril 1977 (JO C 103, p. 1).
42. Elles estiment que la procédure administrative devant la Commission en vue de l'application de l'article 85 du traité est une procédure à laquelle s'applique l'article 6 de la CEDH. Il ressortirait en effet de la jurisprudence de la Cour et de la Commission européennes des droits de l'homme que cette disposition s'applique aux procédures en matière de contentieux administratif (Stenuit-France, 1992, 14 EHRR 509 et Niemitz-Allemagne, 1993, 16 EHRR 97).
43. La Commission n'aurait pas respecté la condition du "délai raisonnable" de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. La Cour européenne des droits de l'homme aurait jugé qu'un délai de 17 mois excédait le délai raisonnable (arrêt du 9 décembre 1994, Schouten et Meldrum-Pays-Bas, série A, n° 304). Or, la totalité de la procédure administrative devant la Commission aurait duré plus de 45 mois. Dès lors, le comportement de la Commission constituerait manifestement une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH.
44. La Commission aurait abusé de la procédure fondée sur le règlement n° 17 en n'élaborant la première communication des griefs qu'en vue d'adopter une décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, de ce règlement. De plus, il serait impossible de comprendre pourquoi il a fallu à la Commission 22 mois à partir de l'adoption de la première communication des griefs pour émettre la seconde communication des griefs, dont l'argumentation de base aurait été tout à fait identique à celle de la première. L'établissement de la seconde communication des griefs aurait été inutile et aurait constitué une démarche de la Commission destinée à prolonger la procédure.
45. Les requérantes rappellent que l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 28 octobre 1993 était présenté comme une mesure temporaire destinée à produire ses effets jusqu'à ce que la Commission adopte sa décision. La Commission aurait dû, dans ces circonstances, parvenir rapidement à une décision finale. Les requérantes ajoutent que l'esprit dans lequel la Commission a mené la procédure était empreint de la conviction qu'il lui suffisait d'influencer le juge national et de prendre une décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. La Commission n'aurait jamais accordé la moindre priorité à cette affaire.
46. Les requérantes n'auraient en aucune manière contribué aux retards de la Commission. Elles auraient formulé des propositions constructives en vue de parvenir à une solution rapide, propositions qui auraient toutefois été rejetées par la Commission. Elles rappellent qu'elles ont renoncé à une audition après avoir reçu la seconde communication des griefs, afin d'accélérer l'adoption de la décision définitive. La Commission ne pourrait leur reprocher d'avoir plaidé leur cause auprès de la DG III, qui est l'instance de la Commission compétente en matière de politique de certification. L'intervention de la DG III aurait été nécessaire même si les requérantes ne l'avaient pas sollicitée. De même, les requérantes considèrent que les interventions auprès de la Commission de la représentation permanente des Pays-Bas auprès de l'Union européenne et du conseil de la certification, qui ont eu lieu au cours d'une période n'ayant pas dépassé deux semaines (du 13 au 27 octobre 1993), ne sauraient leur être reprochées.
47. Ensuite, la complexité du dossier ne pourrait en aucun cas justifier le dépassement du délai raisonnable (arrêt Schouten et Meldrum-Pays-Bas, précité). En ce qui concerne les retards causés par l'absence des traductions finnoise et suédoise du projet de décision, les requérantes font valoir que des retards structurels ne peuvent pas être invoqués pour justifier un dépassement du délai raisonnable (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 6 mai 1981, Buchholz, série A, n° 42).
48. La Commission rétorque que, pour juger si la durée d'une procédure est déraisonnable, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce. Non seulement le comportement de la Commission aurait son importance, mais également celui des requérantes, de même que la complexité de l'affaire et toutes autres circonstances spécifiques. La Commission admet que, pendant la période de janvier à juillet 1992, elle n'a pas considéré l'affaire comme prioritaire, eu égard au fait qu'elle était également pendante devant le juge néerlandais et que les infractions avaient cessé dès le prononcé de l'ordonnance du 11 février 1992 de l'Arrondissement srechtbank te Utrecht (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec-Commission, T-24-90, Rec. p. II-2223, points 77 et 85). Elle aurait accéléré l'examen du dossier à la suite du prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 9 juillet 1992, qui a permis à la SCK de rétablir l'interdiction de location (voir ci-dessus point 8).
49. L'examen provisoire du dossier aurait fait apparaître que les conditions d'application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 étaient réunies. Dans un délai de cinq mois après le prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam, la Commission aurait fait parvenir aux requérantes une communication des griefs pour l'application de cet article (communication des griefs du 16 décembre 1992, voir ci-dessus point 9).
50. La Commission fait encore observer que, au moment où le projet de décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 était prêt, la DG III a demandé à la DG IV qu'une réunion consacrée au projet de décision eût lieu avant sa présentation au collège des commissaires. L'intervention de la DG III dans la procédure, qui aurait été la cause principale du retard pris dans le traitement du dossier au cours des mois suivants, aurait toutefois été la conséquence directe des démarches entreprises par les requérantes. La décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 aurait enfin été adoptée le 13 avril 1994.
51. Ensuite, le 21 octobre 1994, la Commission aurait notifié aux requérantes la communication des griefs en vue de l'adoption d'une décision finale. Celle-ci, prise sur la base des articles 3 et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, aurait un autre objet et d'autres conséquences juridiques qu'une décision adoptée sur la base de l'article 15, paragraphe 6. Un mois après avoir reçu la réponse des requérantes à la seconde communication des griefs, la DG IV aurait déjà établi un projet de décision. Toutefois, à la suite de l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Union européenne le 1er janvier 1995, il y aurait eu de graves problèmes de retard dans les traductions en finnois et en suédois. Enfin, la Commission aurait adopté la décision litigieuse le 29 novembre 1995.
52. Selon la Commission, il ne pourrait donc lui être reproché en l'espèce d'avoir violé le principe du respect d'un délai raisonnable au cours de la procédure administrative.
Appréciation du Tribunal
53. Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir, notamment, avis de la Cour 2-94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33 ; arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299-95, non encore publié au Recueil, point 14). A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des Droits de l'Homme auxquels les Etats membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222-84, Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, "l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".
54. Les requérantes allèguent que, à la suite de la plainte déposée par Van Marwijk e.a., le 13 janvier 1992, et des notifications effectuées par la SCK, le 15 janvier 1992, et la FNK, le 6 février 1992 (voir ci-dessus points 6 et 7), la décision litigieuse, datée du 29 novembre 1995, n'a pas été adoptée dans un "délai raisonnable" au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, aux termes duquel "[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi [...]".
55. Il doit être considéré que, lorsqu'une partie saisit la Commission d'une demande d'attestation négative en vertu de l'article 2 du règlement n° 17 ou d'une notification en vue d'obtenir une exemption en vertu de l'article 4, paragraphe 1, du même règlement, la Commission ne peut pas repousser sine die sa prise de position. Pour garantir la sécurité juridique et une protection juridictionnelle adéquate, elle est en effet tenue de prendre une décision ou d'adresser une lettre administrative, dans le cas où une telle lettre a été sollicitée, dans un délai raisonnable. De même, lorsqu'une demande dénonçant des violations de l'article 85 et-ou de l'article 86 du traité est portée devant elle en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, elle est obligée d'adopter, dans un délai raisonnable, une position définitive sur la plainte (arrêt de la Cour du 18 mars 1997, Guérin automobiles-Commission, C-282-95 P, Rec. p. I-1503, point 38).
56. Le respect par la Commission d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue en effet un principe général du droit communautaire (voir, en matière de rejet de plainte, arrêt Guérin automobiles-Commission, précité, point 38 ; en matière d'aides d'Etat, arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120-73, Rec. p. 1471, point 4, du 24 novembre 1987, RSV-Commission, 223-85, Rec. p. 4617, points 12 à 17). Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité en tant que telle de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, aux procédures administratives devant la Commission en matière de politique de la concurrence, il convient d'examiner si, en l'espèce, la Commission a violé le principe général du droit communautaire de respect d'un délai raisonnable dans la procédure précédant l'adoption de la décision litigieuse.
57. La durée totale de la procédure administrative en la présente affaire a été d'environ 46 mois. Toutefois, comme l'a relevé à juste titre la Commission, le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s'apprécie en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission a suivies, de la conduite des parties au cours de la procédure, de la complexité de l'affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées(voir, par analogie, arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme, Erkner, du 23 avril 1987, série A, n° 117, p. 62, paragraphe 66, Milasi, du 25 juin 1987, série A, n° 119, p. 46, paragraphe 15, et Schouten et Meldrum-Pays-Bas, précité, p. 25, paragraphe 63).
58. En ce qui concerne d'abord le contexte de l'affaire, il y a lieu de constater, d'une part, que le règlement intérieur de la FNK contenait, déjà depuis le 15 décembre 1979, une clause obligeant les membres de l'association à faire appel en priorité à d'autres membres pour la mise en location de grues et à pratiquer des tarifs acceptables [règlement intérieur, article 3, sous a) et b)]. En ce qui concerne la SCK, la clause du règlement sur la certification des entreprises visée par la décision litigieuse, à savoir l'interdiction de location (règlement sur la certification, article 7, deuxième tiret), est entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Les parties requérantes n'ont apparemment vu aucune nécessité de solliciter l'opinion de la Commission sur leurs statuts et règlements avant le dépôt d'une plainte auprès de la Commission, le 13 janvier 1992, par Van Marwijk et dix autres entreprises. En effet, les statuts de la SCK et son règlement relatif à la certification des entreprises de location de grues n'ont été notifiés à la Commission que le 15 janvier 1992 et les statuts et le règlement intérieur de la FNK ne l'ont été que le 6 février 1992.
59. Il convient de rappeler ensuite que la période de 46 mois écoulée entre le dépôt de la plainte et des notifications, d'une part, et l'adoption de la décision litigieuse, d'autre part, comporte différentes étapes procédurales. La Commission, à la suite de l'examen de la plainte et des notifications, a émis, le 16 décembre 1992, une communication des griefs en vue d'adopter une décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 et elle a effectivement pris une telle décision, le 13 avril 1994. Ensuite, elle a fait parvenir une nouvelle communication des griefs, le 21 octobre 1994, en vue d'adopter la décision litigieuse, laquelle est intervenue le 29 novembre 1995.
60. Il y a lieu d'examiner le caractère raisonnable de la durée de chaque étape procédurale.
61. La première prise de position provisoire de la Commission sur les notifications des requérantes est constituée par la communication des griefs du 16 décembre 1992. La durée de cette première partie de la procédure, d'environ onze mois, était raisonnable et peut même être considérée comme relativement brève à la lumière de tous les éléments du dossier. Il convient de souligner que, au cours de cette période, la Commission a examiné parallèlement les notifications des requérantes et la plainte de Van Marwijk e.a., qui dénonçait précisément les pratiques notifiées par les requérantes. Par ailleurs, elle a pu légitimement considérer que l'affaire soumise par les requérantes n'était pas prioritaire. En effet, les requérantes elles-mêmes n'ont pas insisté, dans leurs notifications, sur la nécessité d'un traitement urgent de leur affaire, bien que le point 7.4 de l'annexe au formulaire A-B [annexé au règlement n° 27 de la Commission, du 3 mai 1962, premier règlement d'application du règlement n° 17 du Conseil (JO 1962, 35, p. 1118), ultérieurement remplacé par le règlement (CE) n° 3385-94 de la Commission, du 21 décembre 1994, concernant la forme, la teneur et les autres modalités des demandes et notifications présentées en application du règlement n° 17 du Conseil (JO L. 377, p. 28)], invite les parties notifiantes à préciser le degré d'urgence. En outre, les pratiques notifiées dont la Commission considérait qu'elles ne pouvaient pas faire l'objet d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité avaient cessé pour une période d'environ cinq mois, entre le 11 février 1992 et le 9 juillet 1992 (voir ci-dessus point 8), à la suite d'une action intentée par les plaignants devant les juridictions néerlandaises.
62. La période d'environ seize mois qui s'est écoulée entre la communication des griefs du 16 décembre 1992 et l'adoption, le 13 avril 1994, de la décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 était tout aussi raisonnable. Il convient de relever que le conseil des requérantes a reconnu à l'audience devant le Tribunal que, dans la lettre de la SCK à la Commission du 21 octobre 1993 (lettre à M. Dubois de la DG IV), la SCK a pour la première fois insisté sur un traitement rapide et urgent de l'affaire. En ce qui concerne la FNK, force est de constater qu'elle n'a pas entrepris une telle démarche avant l'adoption de la décision du 13 avril 1994. La lettre de mise en demeure du conseil des requérantes à la Commission du 3 juin 1994 constitue la première manifestation de la part de la FNK de son intérêt à un traitement rapide du dossier. Par ailleurs, il n'est pas contesté que, à l'époque même où la SCK insistait pour la première fois auprès de la DG IV sur un déroulement rapide de la procédure, les parties requérantes ont sollicité l'intervention de la DG III auprès de la DG IV, en vue d'obtenir une suite favorable à leur demande d'exemption (voir, notamment, lettre du conseil des requérantes du 5 octobre 1993 à M. McMillan, chef de service de l'unité III.B.3). Bien qu'une telle démarche soit parfaitement légitime, les requérantes auraient dû se rendre compte que l'intervention sollicitée auprès de la DG III allait ralentir le déroulement de la procédure, étant donné, en outre, que la DG III n'a pas à être consultée dans une procédure d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ou dans une procédure de constatation d'infraction au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
63. L'étape suivante de la procédure a été constituée par la notification aux requérantes de la communication des griefs en vue de l'adoption de la décision litigieuse. Cette notification est intervenue le 21 octobre 1994, soit six mois après l'adoption de la décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17.
64. Il y a lieu de considérer que ce délai de six mois n'a pas un caractère déraisonnable.
65. Les requérantes prétendent toutefois que l'envoi de la seconde communication des griefs était inutile et constituait une démarche de la Commission destinée à prolonger la procédure. Cet argument doit être rejeté. D'une part, la finalité des deux communications des griefs était différente. La première concernait le retrait du bénéfice de l'immunité des amendes prévu à l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17 par l'adoption d'une décision en application du paragraphe 6 du même article, tandis que la seconde avait pour but de préparer une décision constatant des infractions et imposant des amendes en application des articles 3, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. D'autre part, la seconde communication formulait des griefs concernant toutes les infractions retenues dans la décision litigieuse, à savoir l'interdiction de location et les tarifs conseillés et de compensation, tandis que la première s'était limitée à l'analyse de l'interdiction de location sous l'angle de l'article 85 du traité. Il convient de rappeler que l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 ainsi que les articles 2 et 4 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268), qui font application du principe du respect des droits de la défense, exigent que les entreprises concernées par une procédure de constatation d'infraction soient mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur tous les griefs retenus dans la décision (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche-Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 9 ; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a.-Commission, T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, Rec. p. II-2667, point 39, et du 23 février 1994, CB et Europay-Commission, T-39-92 et T-40-92, Rec. p. II-49, point 47). La Commission était donc tenue de notifier aux requérantes une seconde communication des griefs non seulement parce que la finalité des deux communications des griefs était différente, mais également parce que la décision litigieuse retient un grief qui n'avait pas été visé par la première communication des griefs. En d'autres termes, si la Commission n'avait pas communiqué les seconds griefs, la décision litigieuse aurait été adoptée en violation manifeste des droits de la défense des requérantes.
66. Il convient de constater ensuite que la Commission a pris sa décision finale le 29 novembre 1995, soit environ onze mois après avoir reçu, le 21 décembre 1994, la réponse des requérantes à la seconde communication des griefs. Indépendamment des problèmes de traduction discutés par les parties dans leurs mémoires, le fait qu'il a fallu onze mois à la Commission, après avoir reçu la réponse à la communication des griefs, pour préparer une décision finale dans toutes les langues officielles de la Communauté ne constitue pas une violation du principe du respect d'un délai raisonnable dans une procédure administrative en matière de politique de la concurrence.
67. Quant à l'argument des requérantes selon lequel la Commission n'aurait jamais accordé la moindre priorité à l'affaire et aurait considéré qu'il lui suffisait d'influencer le juge national et de prendre une décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, il y a lieu de rappeler que la Commission dispose du pouvoir d'accorder des degrés de priorité différents aux dossiers dont elle est saisie (arrêt Automec-Commission, précité, point 77). En outre, si elle estime que les pratiques qui lui ont été notifiées ne peuvent bénéficier d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, elle peut, pour apprécier le degré de priorité à accorder à la notification, tenir compte du fait qu'un juge national a déjà fait cesser les infractions concernées.
68. Il convient d'ajouter, en réponse à un argument développé par les requérantes à l'audience en ce qui concerne les effets préjudiciables définitifs d'une décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, que la Cour, dans son arrêt du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a.-Commission (8-66, 9-66, 10-66 et 11-66, Rec. p. 93, 118), a fondé la recevabilité d'un recours visant à l'annulation d'une telle décision, notamment, sur la considération selon laquelle "si la mesure provisoire était exclusive de tout contrôle judiciaire, [...] elle aurait [...] pour effet pratique de dispenser la Commission de rendre une décision finale grâce à l'efficacité de la simple menace d'amende". En l'espèce, les requérantes qui ont omis d'introduire un recours en annulation contre la décision du 13 avril 1994 prise en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne sauraient se plaindre d'éventuels effets préjudiciables définitifs de cette décision.
69. Au vu de tous les éléments qui précèdent, la Commission a agi conformément au principe du respect d'un délai raisonnable dans la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la décision litigieuse.
70. Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen : violation du principe de sécurité juridique
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
71. Les requérantes font valoir qu'elles sont restées dans l'incertitude pendant 45 mois quant à l'éventuel octroi de l'exemption demandée. Elles ajoutent que le principe de sécurité juridique a un caractère encore plus impératif dans le cas d'une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières (arrêt de la Cour du 15 décembre 1987, Irlande-Commission, 325-85, Rec. p. 5041, point 18). Une décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne pourrait nullement présenter la sécurité que comporte une décision finale (arrêt de la Cour Cimenteries CBR e.a.-Commission, précité). Il serait, de plus, étrange que la Commission déclare que les requérantes pouvaient être rassurées au sujet de leur situation après les décisions des juridictions néerlandaises alors que celles-ci entendaient uniquement établir un régime provisoire en attendant la décision finale de la Commission. Par ailleurs, l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 28 octobre 1993 serait en particulier fondé sur la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 (voir ci-dessus point 14), qui aurait contenu l'affirmation inexacte selon laquelle "l'approbation des services concernés [avait] déjà été obtenue". Or, la DG III n'aurait pas encore pris position sur cette affaire à la date de cette affirmation.
72. La Commission nie que les requérantes ont subi une insécurité juridique pendant 45 mois. Elle se réfère à l'ordonnance de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 6 juillet 1993. Dans sa duplique, elle fait encore observer que la communication des griefs du 16 décembre 1992 ainsi que sa lettre du 4 juin 1993 (voir ci-dessus points 9 et 11) ont donné un signal non équivoque aux requérantes en ce qui concerne l'éventuel octroi d'une exemption. Elle fait encore valoir que l'expression "services concernés" dans la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 couvrait uniquement les services de la DG IV et le service juridique de la Commission. La DG III n'aurait été associée à la procédure qu'après une demande expresse de sa part, à la suite d'une démarche effectuée par les requérantes. L'association de la DG III à la procédure aurait eu pour conséquence l'adoption de la décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 quelques mois plus tard que ce que M. Giuffrida aurait raisonnablement pu prévoir en date du 22 septembre 1993.
Appréciation du Tribunal
73. Le moyen se subdivise en deux branches.
74. La première pose la question de savoir si la Commission est tenue, en vertu du principe de sécurité juridique, d'adopter une décision dans un délai raisonnable au cas où des accords lui ont été notifiés en vertu de l'article 2 et-ou de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17. Ainsi énoncée, elle se confond avec le premier moyen et doit être rejetée pour les mêmes motifs.
75. Dans le cadre de la seconde branche du moyen, les requérantes font grief à la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 (voir ci-dessus point 14) d'avoir contenu l'affirmation inexacte selon laquelle "l'approbation des services concernés [avait] déjà été obtenue". Ce grief est avancé également dans le cadre du troisième moyen tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime. Il doit être rejeté pour les motifs contenus au point 82 ci-après.
76. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du principe de sécurité juridique ne peut pas être accueilli.
Troisième moyen : violation du principe de protection de la confiance légitime
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
77. Les requérantes font valoir que la Commission a fait des promesses qui se sont avérées inexactes. Elles se réfèrent tout d'abord à la lettre de M. Giuffrida (voir ci-dessus point 14) qui annonçait en septembre 1993 l'adoption imminente de la décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Ensuite, elles se réfèrent à la lettre de M. Ehlermann du 27 juin 1994 (voir ci-dessus point 18) selon laquelle l'adoption de la décision finale était une priorité. Puisque le Gerechtshof te Amsterdam s'est fondé dans son arrêt du 28 octobre 1993 sur les promesses de la Commission selon lesquelles cette dernière allait adopter sa décision à brève échéance, les requérantes estiment qu'elles étaient fondées à croire que la Commission honorerait ses promesses.
78. Dans leur réplique, elles font encore observe , à propos de la lettre de M. Giuffrida, que la DG III est responsable de la politique de certification et que la présente affaire est, selon la Commission, le premier cas d'application de l'article 85 à un système de certification. Elles estiment donc que, au moment de la rédaction de la lettre, au moins un "service concerné", à savoir la DG III, n'avait pas donné son approbation. Compte tenu de l'influence exercée par la lettre en question sur l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam, il y aurait lieu de conclure que la Commission a violé le principe de la confiance légitime par ses affirmations inexactes.
79. La Commission rétorque que la lettre du 22 septembre 1993 n'a pas donné une fausse idée de la situation à cette époque. Elle se réfère à cet égard à l'argumentation développée au point 72 ci-dessus. Elle estime aussi que sa lettre du 27 juin 1994 ne contient aucune contrevérité.
Appréciation du Tribunal
80. La notion de confiance légitime présuppose, dans le chef de l'intéressé, la présence d'espérances fondées sur des assurances précises fournies par l'administration communautaire (arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale "Murgia Messapica"-Commission, T-465-93, Rec. p. II-361, point 67, et ordonnance du Tribunal du 11 mars 1996, Guérin automobiles-Commission, T-195-95, Rec. p. II-171, point 20).
81. En l'espèce, les requérantes invoquent l'existence de deux lettres de la Commission qui auraient contenu des promesses qui se seraient avérées inexactes.
82. S'agissant d'abord de la lettre de M. Giuffrida, elle a été rédigée soit le 21 soit le 22 septembre 1993. En effet, elle constitue une réponse à une lettre des plaignants du 21 septembre 1993 et les requérantes affirment en avoir reçu notification le 22 septembre 1993. La lettre indiquait qu'un projet de décision au titre de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 serait soumis au collège des commissaires au cours de la semaine suivante et que la Commission envisageait la notification formelle de cette décision aux requérantes au cours de la première quinzaine du mois d'octobre 1993. Bien que ce courrier puisse éventuellement être considéré comme contenant des assurances précises quant à l'adoption imminente d'une décision par la Commission, les requérantes ne contestent pas que, dès qu'elles en ont pris connaissance, elles ont entrepris des démarches auprès de la DG III pour que cette dernière intervienne auprès de la DG IV (voir, notamment, lettre du conseil des requérantes du 5 octobre 1993 à M. McMillan, chef de service de l'unité III.B.3, qui se réfère à un entretien de celui-ci avec ledit conseil en date du 28 septembre 1993). Dans de telles circonstances, les requérantes ne pouvaient espérer que la Commission respectât les éventuelles assurances formulées dans sa lettre communiquée le 22 septembre 1993.
83. Quant à la lettre de M. Ehlermann du 27 juin 1994, elle confirmait que l'adoption d'une décision finale dans cette affaire était une priorité pour les services de la DG IV. Compte tenu du caractère général d'une telle déclaration, il ne saurait être question d'assurances précises fournies par la Commission qui auraient pu faire naître dans le chef des requérantes des espérances fondées au sujet de la date d'adoption d'une décision finale sur le dossier. En tout état de cause, la véracité de l'affirmation de M. Ehlermann a été confirmée dans les faits par la Commission, puisqu'elle a émis le 21 octobre 1994 une communication des griefs visant à l'adoption d'une décision finale.
84. Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit également être rejeté.
Quatrième moyen : violation du droit d'être entendu
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
85. Les requérantes rappellent qu'elles ont demandé à plusieurs reprises à être entendues pendant la procédure conduisant à l'adoption de la décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Le fait que la Commission n'ait pas donné suite à ces demandes constituerait une violation des droits de la défense. Elles estiment que la sauvegarde de ces droits exigeait qu'elles puissent réagir, au cours d'une procédure orale entourée de toutes les garanties de forme, d'une part, aux éléments nouveaux qui auraient pu se manifester au cours de la procédure administrative et, d'autre part, au refus de la Commission de tout compromis. L'intérêt qu'elles avaient à une telle audition aurait justifié un retard éventuel dans la procédure, du moins au cours de la période qui a précédé l'adoption de la décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17.
86. La Commission rétorque qu'elle a mis les requérantes en mesure de faire connaître leur point de vue sur les griefs qu'elle avait formulés. Il ne pourrait dès lors être question d'une violation des droits de la défense. En l'absence de tout texte légal prescrivant que les entreprises ou associations concernées doivent être entendues oralement avant que la Commission adopte une décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 et en l'absence de toute circonstance particulière impliquant que, en l'espèce, une audition était la seule possibilité pour garantir effectivement les droits de la défense, la Commission n'aurait nullement été obligée d'entendre oralement les requérantes après les avoir consultées par écrit.
Appréciation du Tribunal
87. Aux dires des requérantes, leur préjudice résultait du fait que la Commission n'avait, au moment de l'introduction de la requête, pas encore pris une décision définitive sur les notifications des requérantes et aurait ainsi laissé subsister un doute pendant presque quatre ans sur la légalité des statuts et règlements notifiés. Le comportement de la Commission aurait eu pour conséquence que le conseil de la certification menaçait la SCK du retrait de son agrément, que les locataires de grues étaient moins attentifs aux conditions générales de la FNK et que la bonne réputation des requérantes était affectée.
88. Il doit être constaté que le comportement de la Commission dénoncé par le présent moyen, à savoir la non-organisation d'une audition avant l'adoption d'une décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, n'a pu causer ou aggraver le préjudice ainsi allégué dans la requête.
89. Le présent moyen ne présente donc aucun lien avec ce préjudice.
90. En outre, il concerne uniquement la légalité de la décision du 13 avril 1994 prise en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Or, le présent recours vise à obtenir la réparation d'un préjudice lié à un défaut d'adoption dans un délai raisonnable d'une décision définitive, et non à une illégalité de la décision du 13 avril 1994, décision que les requérantes n'ont, en tout état de cause, pas contestée dans le délai imparti à cet effet.
91. Il convient dès lors de rejeter le quatrième moyen.
92. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'analyse des différents moyens n'a pas fait apparaître un comportement illégal de la part de la Commission, de nature à engager la responsabilité de la Communauté.
93. Néanmoins, le Tribunal estime qu'il convient d'examiner encore la question de l'existence d'un lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et le préjudice invoqué par les requérantes.
2. Sur le lien de causalité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
94. Les requérantes font valoir que leur préjudice doit être imputé à la Commission. Elles allèguent que la SCK est menacée de perdre son agrément parce que le conseil de la certification considère que l'interdiction de location est le seul moyen de satisfaire aux critères de l'agrément, alors que cette interdiction de location a été précisément suspendue en attendant la décision litigieuse. En ce qui concerne la FNK, sa réputation et ses conditions générales auraient été affectées en particulier par le comportement de la Commission. Dans leur réplique, les requérantes soulignent encore que le Gerechtshof te Amsterdam a, sur la base d'une déclaration inexacte de la Commission, rendu un arrêt provisoire de suspension de l'interdiction de location dans l'attente d'une décision définitive de celle-ci (voir ci-dessus point 14). Elles estiment que l'inaction de la Commission au cours d'une période d'une durée inacceptable a donné à l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 28 octobre 1993 une portée dans le temps dépassant de loin celle que la juridiction nationale avait entendu lui conférer.
95. La Commission rétorque qu'il n'y a pas de lien de causalité direct et nécessaire entre l'action menée par la Commission et la suspension durable de l'interdiction de location. Elle rappelle que ce n'est pas elle-même, mais le juge néerlandais qui a suspendu l'interdiction de location à titre de mesure provisoire. Si la SCK estimait qu'après un certain temps les mesures provisoires n'étaient plus justifiées, étant donné que la décision finale de la Commission se faisait attendre plus longtemps que prévu, elle aurait pu s'adresser au juge national pour obtenir la suppression ou la modification des mesures provisoires.
Appréciation du Tribunal
96. L'article 85, paragraphe 1, du traité produit des effets directs dans les relations entre particuliers et engendre directement des droits dans le chef des justiciables, que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, Rec. p. I-935, point 45).
97. En faisant application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le Gerechtshof te Amsterdam a interdit à la SCK, dans son arrêt du 28 octobre 1993, d'appliquer l'"interdiction de location" (article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la certification des entreprises de location de grues de la SCK). Bien qu'il soit exact que le Gerechtshof te Amsterdam a été influencé par la position de la Commission, à savoir par la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 (voir ci-dessus point 14) annonçant l'adoption d'une décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, il n'en demeure pas moins que cette prise de position ne liait pas la juridiction nationale. En effet, l'appréciation de cette interdiction portée par M. Giuffrida n'avait que le caractère d'un élément de fait que le Gerechtshof te Amsterdam pouvait prendre en considération dans son examen de la conformité de cette pratique avec l'article 85 du traité (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain e.a., 253-78, 1-79, 2-79 et 3-79, Rec. p. 2327, point 13 ; arrêt du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman-Commission, T-575-93, Rec. p. II-1, point 43). Par ailleurs, comme cela ressortira de l'analyse du recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse, la position qui a été défendue par la Commission au cours de la procédure administrative et reprise dans la décision litigieuse repose sur une interprétation correcte de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors, s'il y a eu, dans le chef de la SCK, menace d'un retrait de son agrément, cette menace était due au fait que la SCK avait été obligée de mettre fin à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Un tel "préjudice" ne saurait être imputable à la Commission.
98. En ce qui concerne la FNK, les requérantes n'expliquent pas comment sa réputation et ses conditions générales auraient été affectées par le comportement de la Commission, bien que, selon une jurisprudence constante, il appartienne aux requérantes d'apporter la preuve d'un lien de cause à effet entre la faute commise par l'institution et le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 30 janvier 1992, Finsider e.a.-Commission, C-363-88 et C-364-88, Rec. p. I-359, point 25 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Blackspur e.a.-Conseil et Commission, T-168-94, Rec. p. II-2627, point 40). Les seules pratiques de la FNK qui ont été mises en cause au cours de la procédure administrative sont le système de tarifs conseillés et de compensation et la clause dite "de priorité" qui obligeait les membres de la FNK à faire appel en priorité à d'autres membres de cette association pour la prise et la mise en location de grues [article 3, sous a) et b), du règlement intérieur de la FNK]. Or, les requérantes ont affirmé au cours de la procédure administrative, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal et lors de l'audience que la FNK avait volontairement renoncé à ces pratiques à la suite de l'annulation par le Gerechtshof te Amsterdam, le 9 juillet 1992, de l'ordonnance du président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 11 février 1992, soit à une époque (juillet 1992) où la Commission n'avait pas encore pris position, même provisoirement, sur la notification de la FNK ou sur la plainte de Van Marwijk. Dès lors, le préjudice invoqué par la FNK ne peut d'une quelconque façon avoir été causé par le comportement de la Commission au cours de la procédure administrative.
99. Il ressort de toutes ces considérations que le recours en indemnité doit être rejeté, sans qu'il soit besoin d'examiner encore si l'autre condition pour l'engagement de la responsabilité de la Communauté, à savoir l'existence d'un préjudice, est remplie.
Sur le recours en constatation d'inexistence ou en annulation de la décision 95-551 (affaire T-18-96)
1. Sur les conclusions tendant à la constatation d'inexistence de la décision litigieuse
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
100. Les requérantes invoquent un moyen unique au soutien de leurs conclusions. Elles estiment que la décision litigieuse est inexistante, en ce que la Commission a omis de statuer, dans le dispositif, sur la demande d'exemption présentée au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Il aurait été indispensable de statuer sur cette demande dans le dispositif, étant donné que la conformité d'une situation aux règles communautaires de la concurrence doit être vérifiée par rapport à l'article 85 dans son ensemble (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a.-Commission, T-528-93, T-542-93, T-543-93 et T-546-93, Rec. p. II-649) et que seul le dispositif d'un acte est susceptible de produire des effets juridiques (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB-Commission, T-138-89, Rec. p. II-2181, point 31, et du 8 juin 1993, Fiorani-Parlement, T-50-92, Rec. p. II-555, point 39). La décision de la Commission du 13 avril 1994, prise sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 n'aurait aucune incidence à cet égard. Une telle décision ne serait prise qu'après un examen provisoire et ne serait donc pas équivalente à une décision finale. Au surplus, même si elle pouvait être considérée comme une décision finale, il faudrait néanmoins constater qu'en l'espèce elle ne concernait que l'interdiction de location de la SCK et ne se prononçait pas sur les pratiques notifiées de la FNK, de sorte qu'une décision sur l'application éventuelle à ces dernières pratiques de l'article 85, paragraphe 3, du traité faisait encore défaut.
101. La Commission rétorque qu'il ressort clairement des points 32 à 39 des considérants de la décision litigieuse qu'elle a examiné et rejeté les arguments des requérantes tendant à obtenir une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. L'ajout d'un article dans le dispositif rejetant explicitement la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'aurait eu aucune raison d'être, puisque la constatation, dans les articles 1er et 3, des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité commises par la SCK et la FNK ainsi que l'imposition d'injonctions dans les articles 2 et 4 impliquaient nécessairement le rejet de la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
Appréciation du Tribunal
102. Dans le dispositif de la décision litigieuse, la Commission a constaté que le système de tarifs conseillés et de compensation de la FNK (article 1er) et l'interdiction de location de la SCK (article 3) violaient l'article 85, paragraphe 1, du traité et a enjoint à la FNK (article 2) et à la SCK (article 4) de mettre fin immédiatement à ces infractions. La décision litigieuse imposait par ailleurs des amendes aux requérantes (article 5)
103. Bien que ce dispositif ne se prononce pas explicitement sur les demandes d'exemption des requérantes présentées au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il y a lieu de constater que la Commission a vérifié la conformité des pratiques visées aux articles 1er et 3 de la décision litigieuse aux règles de la concurrence par rapport à l'article 85 dans son ensemble. Il ressort, en effet, d'une motivation élaborée de la décision litigieuse (points 32 à 39 des considérants) que la Commission a examiné si l'article 85, paragraphe 1, du traité pouvait être déclaré inapplicable à ces pratiques en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Au terme de son examen, elle relève au point 35 des considérants, en ce qui concerne les tarifs conseillés et de compensation établis par la FNK, qu'une "exemption en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité est exclue". De même, au point 39 des considérants, elle conclut explicitement qu'une "exemption en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité est exclue en ce qui concerne l'interdiction de location de la SCK".
104. Il y a lieu de rappeler que les motifs d'un acte sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été arrêté dans le dispositif (arrêts de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a.-Commission, 97-86, 99-86, 193-86 et 215-86, Rec. p. 2181, point 27, et du 15 mai 1997, TWD-Commission, C-355-95 P, non encore publié au Recueil, point 21 ; arrêt du Tribunal du 5 juin 1992, Finsider-Commission, T-26-90, Rec. p. II-1789, point 53). Dès lors, même si le dispositif de la décision litigieuse ne s'exprime pas explicitement sur les demandes d'exemption des requérantes au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, les constatations d'infractions et les injonctions de mettre fin à celles-ci, qui sont contenues dans le dispositif, impliquent nécessairement, à la lumière de la motivation de la décision (points 32 à 39 des considérants), le rejet par la Commission des demandes en question.
105. Enfin, les requérantes ne sauraient tirer argument des arrêts NBV et NVB-Commission et Fiorani-Parlement, précités. En effet, dans chacune de ces affaires, qui ne concernaient nullement un problème d'inexistence d'une décision d'une institution communautaire, le dispositif de la décision attaquée ne faisait pas grief aux requérantes. Seules quelques considérations des motifs des décisions concernées étaient censées ne pas être favorables aux requérantes. Les recours en annulation introduits dans ces affaires ont été déclarés irrecevables parce qu'ils tendaient, en réalité, à l'annulation des seuls motifs de la décision. Dans la présente espèce, le dispositif de la décision litigieuse fait grief aux requérantes, en ce qu'il les tient pour responsables d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, leur ordonne d'y mettre fin, leur impose des amendes et, d'une manière implicite mais certaine, rejette leurs demandes d'exemption.
106. Il s'ensuit que le moyen ne peut pas être accueilli.
107. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à la constatation de l'inexistence de la décision litigieuse doivent être rejetées.
2. Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse
108. Les requérantes invoquent cinq moyens d'annulation de la décision litigieuse, tirés respectivement d'une violation des articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17, d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, d'une violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité, d'une violation des droits de la défense et d'une violation de l'article 190 du traité.
Premier moyen : violation des articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
109. Les requérantes allèguent de manière lacunaire, et en se référant à leurs arguments sur l'inexistence de la décision litigieuse, que l'omission de la Commission de statuer sur les demandes d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité enfreint les articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17 et que la Commission a également commis une grave erreur de forme, de sorte que la décision, ne remplissant pas les conditions de forme requises, doit être annulée.
110. La Commission se réfère à l'argumentation qu'elle a développée à propos des conclusions tendant à la constatation de l'inexistence de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
111. Le présent moyen se fonde sur les mêmes arguments que ceux invoqués dans le cadre du moyen avancé au soutien des conclusions visant à la constatation de l'inexistence de la décision litigieuse.
112. Il convient de rappeler que, dans cette dernière, la Commission s'est prononcée de manière certaine sur les demandes d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, des requérantes (voir ci-dessus points 103 et 104).
113. Le premier moyen doit donc être rejeté.
Deuxième moyen : violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
114. Au vu du rapport d'audience et à la suite de la procédure orale, il y a lieu de subdiviser le moyen en quatre branches.
115. La première branche est tirée de ce que la SCK aurait été qualifiée à tort d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La deuxième branche se subdivise elle-même en deux arguments. Le premier est pris d'une erreur de droit portant sur la référence aux critères de transparence, d'ouverture, d'indépendance et d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans l'appréciation de la compatibilité d'un système de certification avec l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le second est tiré d'une erreur d'appréciation qui aurait été commise par la Commission lorsqu'elle a considéré que l'interdiction de location avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La troisième branche est tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que le système de tarifs conseillés et de compensation avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Enfin, la quatrième branche est prise d'une erreur d'appréciation de l'affectation du commerce entre Etats membres.
Sur la première branche tirée d'une erreur consistant à qualifier la SCK d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
- Exposé sommaire de l'argumentation des parties
116. Les requérantes font valoir que la SCK n'est pas une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'un organisme de certification qui se consacre uniquement et exclusivement à un contrôle neutre et objectif d'entreprises dans un secteur particulier n'exerce pas d'activité économique (voir arrêts de la Cour du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159-91 et C-160-91, Rec. p. I-637, et conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391, 392). La SCK ne serait pas non plus une association d'entreprises au sens de la même disposition.
117. La Commission rétorque qu'il suffit qu'un organisme, quel que soit son statut juridique, exerce une activité de caractère économique susceptible d'être exercée en principe par une entreprise privée et dans un but lucratif pour qu'il puisse être considéré comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En l'espèce, la délivrance d'un certificat contre paiement constituerait une activité de ce type. La SCK devrait dès lors être considérée comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- Appréciation du Tribunal
118. Dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié la SCK d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 17, second alinéa, des considérants).
119. Il convient d'examiner si elle n'a pas commis une erreur d'appréciation ou une erreur de droit en retenant cette qualification.
120. Dans le contexte du droit de la concurrence, "la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement" (arrêt Höfner et Elser, précité, point 21).
121. La SCK est un organisme de droit privé qui a mis sur pied un système de certification pour entreprises de location de grues, auquel l'affiliation est facultative. Elle détermine de manière autonome les critères auxquels les entreprises certifiées doivent satisfaire. Elle ne délivre un certificat que moyennant le versement d'une cotisation.
122. Ces caractéristiques démontrent que la SCK exerce une activité économique. Elle doit donc être considérée comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
123. La Commission ayant correctement qualifié la SCK d'entreprise, l'argument des requérantes selon lequel la SCK n'est pas une association d'entreprises est dépourvu de pertinence.
124. Il résulte de ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.
Sur la deuxième branche tirée, d'une part, d'une erreur de droit portant sur la référence aux critères de transparence, d'ouverture, d'indépendance et d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans l'appréciation de la compatibilité d'un système de certification avec l'article 85, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, d'une erreur d'appréciation commise par la Commission lorsqu'elle a considéré que l'interdiction de location avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
- Exposé sommaire de l'argumentation des parties
125. Les requérantes rappellent que la Commission a considéré dans la décision litigieuse que si l'interdiction de location "était liée à un système de certification totalement ouvert, indépendant et transparent et prévoyant l'acceptation de garanties équivalentes offertes par d'autres systèmes, on pourrait faire valoir que l'interdiction n'a pas pour effet de restreindre la concurrence, mais vise simplement à garantir totalement la qualité des produits et des services certifiés" (point 23, premier alinéa, des considérants). La Commission aurait violé l'article 85, paragraphe 1, du traité en définissant de son propre chef des critères généraux pour apprécier l'application de cette disposition à des systèmes de certification, alors que ces critères n'ont pas été inscrits à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
126. Ensuite, l'interdiction de location dans le cadre du système de certification de la SCK n'aurait pas pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence. Pour apprécier si de telles clauses tombent sous le coup de l'interdiction posée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y aurait lieu d'examiner quelle situation concurrentielle aurait prévalu en leur absence (arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a.-Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 18). Le système de certification de la SCK renforcerait la concurrence. Il contribuerait à la transparence du marché en permettant d'évaluer à partir d'un standard objectif et impartial la qualité et la sécurité des différents offreurs du produit. Il serait indispensable de prévoir l'interdiction de location auprès des entreprises non certifiées, parce qu'une telle prohibition constituerait la seule manière de garantir que chaque commande auprès d'une entreprise certifiée soit exécutée par une entreprise répondant aux mêmes exigences de sécurité et de qualité. Dans ce sens, l'interdiction de location envisagerait une protection identique à celle offerte par une marque, dont la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit de la concurrence communautaire (arrêt de la Cour du 17 octobre 1990, CNL-SUCAL, C-10-89, Rec. p. I-3711, point 13). L'interdiction de location serait également indispensable dans la mesure où elle constituerait le seul moyen de remplir l'exigence de l'article 2, paragraphe 5, des critères de reconnaissance du conseil de la certification (voir ci-dessus point 5), selon laquelle l'organisation accordant la certification est obligée de vérifier elle-même, dans le cas où un travail est exécuté par un sous-traitant, que les exigences de qualité sont respectées. Quant à la proposition de la Commission d'autoriser les entreprises certifiées à démontrer, par des listes préétablies, que des entreprises non certifiées auxquelles elles font appel remplissent néanmoins les exigences de qualité exigées, les requérantes estiment qu'un tel régime de vérification ad hoc constituerait la négation directe d'un système de certification fondé sur une vérification systématique. Enfin, l'interdiction de location devrait aussi être maintenue dans le cas où le maître d'ouvrage autoriserait expressément la location de grues auprès d'une entreprise non certifiée. En effet, la crédibilité du système de certification reposerait sur le fait que tous les produits et services offerts par les entreprises certifiées satisfont aux conditions exigées.
127. Les requérantes font valoir que le système litigieux satisfait, en tout état de cause, à tous les critères définis par la Commission. Tout d'abord, ce système serait caractérisé par une ouverture totale, acceptant non seulement les membres de la FNK mais également chaque entreprise qui le souhaite. Ainsi, la SCK aurait délivré des certificats à douze entreprises qui n'étaient pas membres de la FNK. Les conditions pour obtenir un certificat seraient objectives et non discriminatoires. A cet égard, la réduction de contribution dont les membres de la FNK bénéficiaient jusqu'au 1er janvier 1992 n'aurait été rien d'autre qu'une compensation pour des services de secrétariat offerts par la FNK à la SCK. Le système aurait également été accessible aux entreprises des autres Etats membres, ce qui serait confirmé par un rapport du conseil de la certification du 11 janvier 1993 et par une lettre du 11 mars 1994 de l'association des entreprises belges de location de grues. La SCK aurait toujours reconnu qu'une immatriculation à l'étranger satisfait à la condition, imposée à l'entreprise qui sollicite un certificat de la SCK, d'être immatriculée au registre de la chambre de commerce. Par conséquent, les difficultés que rencontreraient des entreprises étrangères pour accéder au marché néerlandais seraient uniquement dues aux disparités entre les réglementations des pays.
128. Même si son règlement ne s'y réfère pas, la SCK reconnaîtrait comme équivalents d'autres systèmes de certification, à condition que ceux-ci prévoient des garanties analogues à celles du système litigieux. Le système de certification de la SCK comporterait réellement une valeur ajoutée par rapport au régime légal, tant sur le fond que sur le plan de la procédure. En ce qui concerne le fond, il poserait des conditions, tant sur le plan technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise, allant au-delà des conditions légales. La SCK poursuivrait une politique de contrôle beaucoup plus active que celle de la Keboma. Cette fonction complémentaire d'un système de certification s'expliquerait par une politique délibérée aux Pays-Bas consistant à confier autant que possible le contrôle des conditions légales aux opérateurs du marché. La valeur ajoutée du système de certification de la SCK aurait été reconnue par la DG III dans une note du 18 août 1994 adressée à la DG IV. Dans ces conditions, la SCK ne pourrait pas autoriser la location de grues ne remplissant que les conditions légales, sans que cela affecte la cohérence de son système de certification. Le fait qu'il n'existe pas encore d'autres organismes privés ayant établi un système de certification comparable à celui de la SCK n'impliquerait pas que la SCK n'est pas disposée à reconnaître un système comparable s'il devait exister. D'ailleurs, l'argument de la Commission rendrait impossible la création d'un système de certification dans un domaine où il n'en existe pas encore, puisque le premier système établi n'aurait pas la possibilité de reconnaître d'autres systèmes comparables.
129. La Commission rétorque qu'elle a effectué, du point 23 au point 30 des considérants de la décision litigieuse, une analyse détaillée de l'interdiction de location dans son contexte juridique et économique, afin de déterminer si une telle interdiction est compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir l'arrêt de la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56-65, Rec. p. 337).
130. Elle soutient que l'interdiction de location n'est pas indispensable pour préserver la cohérence du système de certification en question. Pour souligner le caractère disproportionné de l'interdiction, elle fait observer que l'interdiction exclut la possibilité d'utiliser des grues certifiées par d'autres organismes et n'autorise pas le contractant principal à démontrer, même préalablement par l'établissement d'une liste, que son sous-contractant non certifié remplit toutes les exigences requises par la SCK. Au surplus, l'interdiction empêcherait le contractant principal d'avoir recours à un sous-contractant non certifié dans le cas où le maître d'ouvrage a explicitement renoncé aux garanties de qualité liées au certificat de la SCK et a autorisé l'utilisation de grues non certifiées.
131. Le système de certification de la SCK ne satisferait pas aux critères énoncés au point 23, premier alinéa, des considérants de la décision litigieuse. D'abord, il aurait présenté dès le début, et en tout cas partiellement jusqu'au 21 octobre 1993, les caractéristiques d'un système fermé (point 24 des considérants de la décision litigieuse). Ensuite, contrairement à l'allégation des requérantes, il n'aurait pas permis la reconnaissance d'autres systèmes de garantie. L'amendement proposé par les requérantes à la version originale de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de certification, destiné à reconnaître la certification d'autres organismes de droit privé [lettre du conseil des requérantes à la Commission (à l'attention de M. Dubois) datée du 12 juillet 1993] n'aurait aucun effet pratique en raison du fait que, d'une part, de tels organismes n'existent ni aux Pays-Bas ni dans les pays voisins et que, d'autre part, des garanties autres que des certificats privés ne sont pas reconnues. En particulier, la reconnaissance de la marque Keboma, de même que des attestations officielles semblables des autorités publiques belges ou allemandes, resterait exclue.
- Appréciation du Tribunal
132. En vertu de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de la SCK sur la certification des entreprises de location de grues, il est interdit aux entreprises certifiées par cette fondation de louer des grues auprès d'entreprises non certifiées.
133. En ce qui concerne, d'abord, le premier argument de la présente branche du moyen, tiré d'une erreur de droit portant sur la référence aux critères de transparence, d'ouverture, d'indépendance et d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans l'appréciation de la compatibilité d'un système de certification avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu d'observer que, dans la décision litigieuse (point 23 des considérants), la Commission a estimé que le caractère anticoncurrentiel de l'interdiction de location ne pouvait être apprécié que par rapport à la nature du système de certification auquel cette interdiction est liée. Dans ce but, elle a défini quatre critères - à savoir ouverture, indépendance, transparence et acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes - auxquels le système de certification devait satisfaire pour que l'interdiction de location pût éventuellement échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
134. Il ressort d'une jurisprudence constante que l'appréciation de la conformité d'un comportement à l'article 85, paragraphe 1, du traité se fait dans le contexte juridique et économique de l'affaire (voir, par exemple, arrêt Société technique minière, précité, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijprodukten e.a.-Commission, T-77-94, non encore publié au Recueil, point 140). La Commission étant ainsi en droit de définir des critères concrétisant les exigences de l'article 85, paragraphe 1, du traité dans une situation juridique et économique particulière, il convient d'examiner si les critères auxquels elle se réfère au point 23, premier alinéa, des considérants de la décision litigieuse sont pertinents.
135. Toutefois, eu égard au fait que la Commission se fonde uniquement sur l'absence d'ouverture du système de certification de la SCK et sur le défaut d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes pour constater que, en l'espèce, l'interdiction de location fausse la concurrence (point 23, second alinéa, des considérants de la décision litigieuse et article 3 de celle-ci), il suffit d'apprécier la pertinence de ces deux critères.
136. La pertinence du critère d'ouverture du système de certification pour l'appréciation de l'interdiction de location sous l'angle de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne fait aucun doute. En effet, l'interdiction de location auprès d'entreprises non certifiées affecte considérablement les possibilités concurrentielles de ces entreprises, dans l'hypothèse où l'accès au système de certification est difficile.
137. Le second critère de l'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes est lui aussi pertinent. L'interdiction de location empêchant les entreprises certifiées de faire appel à des entreprises non certifiées même si ces dernières apportent des garanties équivalentes aux garanties du système de certification ne trouve, en effet, aucune justification objective dans un souci de maintenir la qualité des produits-services garantie par le système de certification. Au contraire, la non-acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes est de nature à protéger les entreprises certifiées contre la concurrence d'entreprises non certifiées.
138. Le premier argument de la deuxième branche du moyen, tirée d'une erreur de droit, doit donc être rejeté.
139. En ce qui concerne le second argument de la même branche, par lequel les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant que l'interdiction de location de la SCK restreint la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de relever que, lorsque la création de la SCK a été discutée au cours d'une réunion de la région Noord Holland de la FNK, le 27 septembre 1983, les participants à cette réunion n'avaient nullement à l'esprit un renforcement de la concurrence entre eux mais plutôt une augmentation des prix sur le marché. Ainsi, le compte rendu de cette réunion (produit par les requérantes par lettre du 10 avril 1997) a relevé en ces termes les propos de l'un des participants : "Un tel institut [de certification] est une chose très saine. Il s'attend à ce que le projet, s'il est bien exécuté, aura un effet sur les prix." Un autre participant à la même réunion a estimé que le projet de certification était une "bonne idée". Il a ajouté que, "dans une entreprise, le chiffre d'affaires qui est réalisé importe plus que le taux d'utilisation des machines". Or, une entreprise de location de grues qui n'augmente pas le taux d'utilisation de ses machines ne réalisera une augmentation de son chiffre d'affaires qu'en augmentant ses tarifs.
140. Par ailleurs, le second argument de la deuxième branche se situe sur un plan différent de celui sur lequel la Commission a apprécié l'interdiction de location dans la décision litigieuse. En effet, la Commission a fondé sa constatation de l'existence d'une restriction de la concurrence sur le fait que cette interdiction s'appliquait dans le cadre d'un système de certification qui n'était pas totalement ouvert et qui n'acceptait pas des garanties équivalentes offertes par d'autres systèmes (point 23, second alinéa, des considérants de la décision litigieuse).
141. Or, l'interdiction de location édictée par l'article 7, deuxième tiret, du règlement sur la certification des entreprises de location de grues de la SCK restreint non seulement la liberté d'action des entreprises certifiées, mais affecte en outre et surtout les possibilités concurrentielles des entreprises non certifiées. Compte tenu de la puissance économique de la SCK, qui, selon ses propres dires, représente environ 37 % du marché néerlandais de la location de grues mobiles, le caractère sensible de cette restriction à la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne peut faire l'objet d'un doute si, comme le constate la Commission, l'interdiction de location fonctionne dans le cadre d'un système de certification qui n'est pas totalement ouvert et qui n'accepte pas de garanties équivalentes d'autres systèmes (voir ci-après points 143 à 151). Dans un tel cas, l'interdiction de location renforce en effet le caractère fermé du système de certification (point 26, premier alinéa, des considérants de la décision litigieuse) et entrave d'une manière considérable l'accès au marché néerlandais des tiers (point 26, second alinéa).
142. A ce stade, il convient donc d'examiner si les prémisses factuelles - à savoir le caractère non totalement ouvert du système de certification de la SCK et la non-acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes - sur lesquelles la Commission a fondé son appréciation sont correctes.
143. La constatation de la Commission selon laquelle le système de certification de la SCK n'était pas ouvert pendant la période litigieuse [du 1er janvier 1991 (date de l'instauration de l'interdiction de location) au 4 novembre 1993 (date de la décision de suspendre l'interdiction de location), à l'exception de la période allant du 17 février au 9 juillet 1992] est fondée sur les éléments suivants : il aurait été plus difficile pour les entreprises non affiliées à la FNK que pour les entreprises affiliées à cette association d'accéder au système de certification, puisque les coûts de participation pour les premières étaient plus élevés que pour les dernières ; les exigences posées par le système de certification auraient été établies en fonction de la situation néerlandaise, entravant ainsi l'accès des entreprises étrangères. Ainsi, jusqu'au 1er mai 1993, l'inscription au registre de la chambre de commerce était requise par le système de certification de la SCK et, jusqu'au 21 octobre 1993, les conditions générales de la FNK devaient être appliquées (point 24 des considérants de la décision litigieuse).
144. Il y a lieu de constater que les éléments invoqués par les requérantes pour démontrer le caractère prétendument ouvert du système de certification de la SCK ne sont pas probants.
145. Il doit être relevé tout d'abord que, dans la décision litigieuse, la Commission a fait valoir que, de "septembre 1987 au 1er janvier 1992, la participation au projet de certification était environ trois fois moins chère pour les membres de la FNK que pour ceux qui n'y étaient pas affiliés" (point 9 des considérants). Le fait que les membres de la FNK ont bénéficié d'une réduction substantielle (d'environ 66 %) jusqu'au 1er janvier 1992 sur leur contribution pour la SCK n'a été contesté par les requérantes ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure devant le Tribunal. Même si, comme elles le prétendent, cette réduction constituait une compensation pour des services de secrétariat offerts par la FNK à la SCK, il n'en reste pas moins qu'une telle pratique a eu pour effet de rendre l'accès au système de certification de la SCK plus difficile pour les entreprises non néerlandaises que pour les entreprises néerlandaises, dès lors que la quasi-totalité des entreprises certifiées par la SCK (plus de 90 % des entreprises certifiées) étaient membres de la FNK et que seules pouvaient devenir membres de la FNK les entreprises de location de grues établies aux Pays-Bas [article 4, sous a), des statuts de la FNK]. Cet effet de "forclusion" a encore été renforcé par le fait que, si des entreprises établies dans d'autres Etats membres avaient néanmoins opté pour une certification par la SCK, elles auraient dû appliquer, jusqu'au 21 octobre 1993, les conditions générales d'un organisme auquel elles ne pouvaient pas adhérer, à savoir la FNK, et à l'élaboration desquelles elles n'avaient pu participer. Le caractère fermé ou, en tout état de cause, le caractère non totalement ouvert, pour les entreprises d'autres pays, ressort également du fait, non contesté, que les exigences du système de certification de la SCK ont été établies en fonction de la situation néerlandaise et, notamment, de la législation néerlandaise.
146. S'agissant de l'allégation des requérantes selon laquelle il était toujours possible pour une entreprise immatriculée à l'étranger d'obtenir un certificat auprès de la SCK, il doit être observé que le rapport du conseil de la certification du 11 janvier 1993 dispose (p. 5) qu'il n'existe aucune entrave à la participation des entreprises étrangères au système de certification de la SCK. Pour arriver à cette conclusion, le rapport fait référence à un amendement des statuts de la SCK, entré en vigueur le 1er janvier 1992, qui a reformulé l'objectif de la fondation SCK en ce sens qu'elle poursuit la promotion et le maintien de la qualité des entreprises de location de grues en général en non plus seulement aux Pays-Bas. Cependant, bien qu'il soit vrai que les statuts de la SCK n'excluent plus la possibilité pour les entreprises non établies aux Pays-Bas d'obtenir une certification auprès de la SCK, il n'en ressort pas automatiquement que le système de certification de celle-ci est un système totalement ouvert pour les entreprises établies dans un autre Etat membre. En effet, le caractère non totalement ouvert du système de certification est, en l'espèce, attribuable à d'autres facteurs, qui ont été identifiés au point 145 ci-dessus.
147. Quant à la lettre du 11 mars 1994 du président de l'association des entreprises belges de location de grues, elle énonce que l'entrave la plus importante pour le commerce interétatique dans le secteur de la location de grues mobiles ressort de la disparité des réglementations des différents Etats membres et que les entreprises belges ne se sentent dès lors pas entravées, pour la réalisation de travaux à l'intérieur de la Communauté, par l'action de la SCK. A cet égard, la SCK elle-même a affirmé dans sa notification que les obligations imposées par le système de certification correspondent approximativement aux obligations imposées par la loi néerlandaise aux entreprises de location de grues, de sorte que la certification garantit mieux que ces obligations légales nt effe ivement respectées (points 26 à 28 de la notification de la SCK). En ayant repris plusieurs obligations de la législation néerlandaise dans le cadre du système de certification, la SCK a donc consolidé et renforcé les barrières au commerce intracommunautaire résultant des éventuelles disparités entre les législations nationales. En effet, lorsque, en vertu d'une directive communautaire, une reconnaissance mutuelle des différents régimes nationaux est réalisée dans un domaine, l'imposition par un organisme privé de certification de l'obligation de respecter la loi néerlandaise dans ce même domaine a pour effet que les barrières au commerce intracommunautaire que le législateur communautaire a voulu supprimer sont maintenues ou rétablies. Ainsi, il est constant que la SCK effectue certains contrôles exercés auparavant par la Keboma, mais abandonnés par cette dernière après la mise en œuvre des dispositions de la directive 89-392 (voir ci-dessus point 3). Les requérantes ont en effet admis au point 114 de leur requête : "L'instauration de la marque CE pour les grues de levage a encore réduit le rôle légal de la Keboma. Les grues de levage qui sont pourvues d'une marque CE et d'une déclaration de conformité ne sont d' ailleurs pas soumises à un contrôle de la Keboma pour la première mise en service. Cela signifie que le rôle de la SCK s'est accru. Dans le contexte du régime de certification de la SCK, on vérifie bel et bien si les nouvelles grues de levage répondent aux dispositions légales applicables." Dans ces conditions, elles ne sauraient prétendre que l'éventuelle entrave subie par les entreprises de location de grues non néerlandaises pour accéder au marché néerlandais découle exclusivement de la disparité des réglementations des différents Etats membres et non du système de certification de la SCK.
148. Quant au point de savoir si le système de certification de la SCK permettait d'accepter des garanties équivalentes d'autres systèmes, il y a lieu de constater que, par lettre du 12 juillet 1993 adressée à M. Dubois de la DG IV, la SCK a proposé une modification du système de certification, selon laquelle d'autres systèmes de certification remplissant les conditions définies sur la base des normes européennes EN 45011 et offrant des garanties équivalentes au système de la SCK seraient reconnus par cette dernière. Il ressort donc de cette proposition de modification que, dans sa version initiale, le système de certification de la SCK ne prévoyait pas la reconnaissance de tels systèmes équivalents. Par ailleurs, même si, comme le prétendent les requérantes, la modification n'était qu'une précision de la version initiale de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de certification, force serait de constater que le système de la SCK ne prévoit nullement la reconnaissance éventuelle d'une réglementation des pouvoirs publics apportant des garanties équivalentes aux garanties de la SCK.
149. Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n'a pas commis une erreur d'appréciation en considérant au point 23 des considérants de la décision litigieuse que le système de certification de la SCK n'était pas totalement ouvert (ou tout au moins qu'il ne l'était pas jusqu'au 21 octobre 1993) et ne permettait pas d'accepter des garanties équivalentes d'autres systèmes. Dès lors, l'interdiction de location qui renforçait encore le caractère non ouvert du système de certification et qui avait pour effet d'entraver considérablement l'accès au marché néerlandais des tiers, et en particulier des entreprises établies dans un autre Etat membre (voir ci-dessus points 145 à 148), constitue effectivement une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette conclusion ne serait pas différente si les requérantes pouvaient démontrer que la clause est nécessaire pour préserver la cohérence du système de certification. En effet, du fait de son caractère non ouvert et de la non-acceptation des garanties équivalentes d'autres systèmes, le système de certification de la SCK lui-même est incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, même s'il s'avérait, comme le prétendent les requérantes, qu'il avait une valeur ajoutée par rapport à la législation néerlandaise. Une clause particulière dans un tel système, telle que la clause interdisant la location auprès des entreprises non certifiées, ne devient pas compatible avec l'article 85, paragraphe 1, par sa nécessité de préserver la cohérence dudit système, puisque celui-ci est par définition incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité.
150. Il s'ensuit que la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.
151. A l'audience, les parties intervenantes ont encore insisté pour que le Tribunal se prononce également sur la légalité de la modification à l'article 7, deuxième tiret, du règlement de certification sur laquelle les parties principales se sont entendues pour la période allant jusqu'au prononcé du présent arrêt (voir ci-dessus point 26).
Il convient toutefois de remarquer que, dans le cadre d'un recours en annulation prévu à l'article 173 du traité, le juge communautaire se limite à un contrôle de légalité de l'acte attaqué. En l'espèce, la décision litigieuse ne contient forcément aucune appréciation de la nouvelle version de la clause d'interdiction de location, dès lors que la modification du règlement de certification est intervenue postérieurement à la date de la décision. La demande formulée par les parties intervenantes à l'audience excède donc les limites de la compétence conférée par le traité au Tribunal dans le cadre d'un recours en annulation et doit donc être rejetée comme irrecevable.
Sur la troisième branche tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que le système de tarifs conseillés et de compensation avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
- Exposé sommaire de l'argumentation des parties
152. Les requérantes allèguent que la publication des tarifs conseillés ainsi que l'élaboration des tarifs de compensation ne constituent pas non plus des restrictions de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisque ces tarifs n'étaient destinés qu'à servir de support objectif pour des négociations concrètes et étaient dépourvus de toute force obligatoire. La situation sur le marché aurait dès lors été identique si les tarifs conseillés et les estimations des coûts n'avaient pas été publiés. En effet, tout opérateur sur le marché aurait été et serait resté libre de déterminer de manière autonome sa politique commerciale (arrêt de la Cour du 14 juillet 1981, Züchner, 172-80, Rec. p. 2021, point 13). Les requérantes relèvent que les tarifs du marché étaient nettement inférieurs aux tarifs conseillés, publiés par la FNK, et différaient selon l'entreprise, le client et la commande.
153. L'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK, qui impose l'obligation de pratiquer des tarifs acceptables au risque de se voir retirer la qualité de membre sur la base de l'article 10 des statuts, n'impliquerait nullement que les affiliés de la FNK étaient tenus d'appliquer les tarifs conseillés. D'ailleurs, aucun examen individuel n'aurait été effectué durant toutes les années d'existence de la FNK afin de vérifier si des tarifs acceptables étaient pratiqués et aucune affiliation n'aurait été révoquée pour un motif de cet ordre. Les deux arrêts cités par la Commission au point 20 des considérants de la décision litigieuse ne seraient pas pertinents. L'arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Vereniging van Cementhandelaren-Commission (8-72, Rec. p. 977) concernerait l'application de tarifs "conseillés" dans le cadre d'un système obligatoire, absent en l'espèce, prévoyant des sanctions rigoureuses en cas de non-respect et permettant ainsi à tous les participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle serait la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. L'arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer-Commission (45-85, Rec. p. 405) aurait trait à une situation dans laquelle l'accord en cause avait pour objet d'influencer la concurrence, alors qu'en l'espèce la publication des tarifs conseillés et des estimations de coûts aurait un tout autre objet.
154. En ce qui concerne les tarifs de compensation, les requérantes ne nient pas que la FNK a, de manière incidente, accompli des tâches de secrétariat dans le cadre de la concertation sur ces prix. Les requérantes estiment toutefois que la participation de la FNK à l'élaboration des tarifs de compensation était si marginale qu'elle ne peut pas en assumer la responsabilité. Dans la mesure où l'élaboration des tarifs de compensation pourrait être attribuée à la FNK, celle-ci n'aurait en tout état de cause eu aucune influence sur la situation concurrentielle du marché. Le marché, caractérisé par le phénomène d'"overnight contracting" aurait en effet automatiquement évolué vers une situation dans laquelle les participants qui entretiennent des relations commerciales régulières, entraînant des prestations identiques et réciproques, définissent des prix préétablis, auxquels ils se réfèrent chaque fois qu'ils fournissent une prestation. La Commission aurait en outre omis de démontrer le caractère contraignant des tarifs de compensation.
155. La Commission rétorque qu'il ressort des dispositions pertinentes du règlement intérieur et du statut de la FNK que le caractère obligatoire des tarifs conseillés et de compensation est la conséquence de l'obligation pour les membres de la FNK de pratiquer des tarifs acceptables, dont la violation peut être sanctionnée par la destitution de la qualité de membre [article 10, paragraphe 1, sous d), des statuts]. En outre, le phénomène d'"overnight contracting" rendrait probable que ces tarifs conseillés servaient en fait de prix de référence.
- Appréciation du Tribunal
156. Il convient d'abord de vérifier si la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant que le système de tarifs conseillés et de compensation restreint la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité [a)]. Il y aura lieu d'apprécier ensuite si l'infraction reprochée peut être imputée à la FNK [b)].
a) Le système des tarifs conseillés et des tarifs de compensation
157. Dans la décision litigieuse (points 20 et 21 des considérants), la Commission estime en substance que les entreprises affiliées à la FNK étaient tenues de respecter les tarifs proposés par celle-ci. Elle considère que, même si ces tarifs étaient des prix indicatifs, ils auraient tout de même restreint la concurrence, parce qu'ils auraient permis de prévoir avec un degré raisonnable de certitude la politique de prix des concurrents.
158. Il convient de rappeler que l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité déclare expressément incompatibles avec le Marché commun les ententes qui consistent à "fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction".
159. Il doit être constaté que, au cours de la période litigieuse, les membres de la FNK étaient obligés, en vertu de l'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK, de pratiquer des prix "acceptables" et qu'en vertu de l'article 10, paragraphe 1, sous d), des statuts un membre peut être radié de la FNK lorsqu'il enfreint le règlement intérieur. Il a été confirmé par la FNK que les tarifs conseillés publiés (applicables dans les relations avec les maîtres d'ouvrage) concrétisaient la notion de tarif acceptable prévue à l'article 3, sous b), de son règlement intérieur (point 17 de la notification de la FNK). Il y a lieu d'admettre qu'il en est de même pour les tarifs de compensation (applicables aux opérations de location entre membres de la FNK) fixés au sein de la FNK, normalement sur une base régionale (voir ci-après point 167). En effet, il est difficile de concevoir que la FNK aurait accordé sa collaboration à l'établissement de tarifs de compensation qui n'auraient pas été des tarifs acceptables au sens de l'article 3, sous b), du règlement intérieur. Dès lors, eu égard au fait que les tarifs conseillés et de compensation concrétisent la notion de tarifs acceptables que les membres de la FNK sont tenus de pratiquer en vertu de l'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK, le système de prix conseillés et de compensation était effectivement un système de prix imposés aux membres de celle-ci.
160. Cette constatation est encore corroborée par le fait que, de l'aveu même des requérantes, le système de tarifs de la FNK avait été établi pour remédier à une situation d'instabilité du marché qui se serait traduite par un grand nombre de faillites. Par ailleurs, différents comptes rendus des réunions des régions de la FNK, qui ont été soumis au Tribunal à la suite de la mesure d'organisation de la procédure ordonnée (voir ci-dessus point 31), soulignent le caractère contraignant des tarifs conseillés et de compensation de la FNK. Ainsi, un des participants à la réunion de la région Noord Holland du 17 février 1981 a fait remarquer "que l'affiliation à la FNK entraîne le désavantage qu'on est tenu d'appliquer un tarif convenu" (compte rendu, point 4). De même, il ressort du compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 22 février 1982 (point 6) que le non-respect des tarifs conseillés serait considéré comme une violation du règlement intérieur de la FNK. Un des participants à cette réunion a ajouté que "des moyens devraient être prévus pour sanctionner de telles violations du règlement par l'imposition d'amendes" (voir, dans le même sens, compte rendu de la réunion de la région Oost Nederland du 16 avril 1986, point 3).
161. Bien qu'aucun cas concret de sanctions prises à l'encontre de membres n'ayant pas respecté l'entente sur les prix ne soit connu, le respect des tarifs faisait néanmoins l'objet d'un contrôle. Ainsi, il ressort des comptes rendus des réunions des régions de la FNK que des membres de celle-ci ont été rappelés à l'ordre. Par exemple, le compte rendu de la réunion de la région West Brabant-Zeeland du 8 décembre 1980 (point 6) rapporte les propos suivants, échangés à la suite du non-respect des tarifs convenus par M. Van Haarlem : "La région désapprouve l'action de M. Van Haarlem et M. Van Haarlem admet qu'il aurait été préférable que celle-ci ne se fût pas produite" (voir aussi compte rendu de la réunion de la région West Brabant-Zeeland du 21 février 1980, point 7).
162. Par ailleurs, c'est précisément en vue de s'assurer du respect de ses tarifs conseillés par ses membres que la FNK a donné son support à l'élaboration des tarifs de compensation (voir ci-après points 165 à 170). En effet, une entreprise de location de grues qui baisse sensiblement les prix fera l'objet d'une forte demande auprès des maîtres d'ouvrage et se verra obligée de louer des grues supplémentaires auprès de ses concurrents. L'intérêt de fixer des tarifs de compensation découlait donc du fait qu'une entreprise de location de grues prendra nécessairement en considération ces tarifs lorsqu'elle fixera son prix vis-à-vis du maître d'ouvrage, afin d'éviter toute perte sur l'éventuelle prise en location de grues supplémentaires (voir, par exemple, compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 22 février 1982, point 6 : "Il est bon de convenir mutuellement de tarifs de compensation, parce que ces tarifs auront tout de même un certain effet sur les tarifs appliqués aux maîtres d'ouvrage. Si l'on sait en effet qu'une grue ne peut être prise en location à un collègue qu'à un tarif déterminé, on redoublera de prudence pour offrir aux maîtres d'ouvrage des prix largement inférieurs à ces tarifs de compensation" ; voir, dans le même sens, compte rendu de la réunion de la région West Brabant-Zeeland du 5 octobre 1987, point 4 ; compte rendu de la réunion de la région Oost Nederland du 10 octobre 1989, point 6 ; compte rendu de la réunion de la région Midden Nederland du 21 février 1990, point 4 ; compte rendu de la réunion des membres de la FNK qui exploitent des grues à chenilles du 24 août 1989, point 2). Ainsi, pour reprendre les termes utilisés par M. De Blank, directeur de la FNK, les tarifs de compensation avaient une "fonction éducative" (compte rendu de la réunion de la région West Brabant-Zeeland du 30 mai 1988, point 3).
163. Il doit être ajouté que, selon les éléments du dossier, le système de tarifs de la FNK a eu pour objet de faire monter les tarifs sur le marché. La FNK elle-même a fait valoir dans sa notification que ses tarifs conseillés étaient supérieurs au prix du marché (point 18 de la notification). La fixation des tarifs de compensation en fonction des prix conseillés a en soi produit des effets, à savoir une augmentation des prix appliqués dans les relations avec les maîtres d'ouvrage (compte rendu de la réunion de la région Zuid-Holland du 9 octobre 1990, point 7 : les tarifs de compensation ont une "force ascensionnelle vis-à-vis des prix du marché" ; compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 11 février 1987, point 5 : "M. De Blank observe que la région Noord a connu une intense concertation sur les tarifs. Dans un premier temps par groupes et ensuite conjointement avec les trois régions-provinces. Cela a certainement porté ses fruits" ; compte rendu de la réunion de la région Midden Nederland du 28 février 1991, point 4 ; compte rendu de la réunion des membres de la FNK qui exploitent des grues à chenilles du 12 novembre 1991, point 3 : "On a l'impression que les tarifs du marché eux aussi augmentent du fait des accords sur les tarifs de compensation").
164. Il résulte des considérations qui précèdent que le système de tarifs conseillés et de compensation était un système de prix imposés qui permettait aux membres de la FNK, même si certains parmi eux ne respectaient pas toujours les prix fixés, de prévoir avec un degré raisonnable de certitude la politique de prix poursuivie par les autres membres de l'association. Il est, de plus, établi qu'il avait pour objet l'augmentation des prix sur le marché. C'est donc à juste titre que la Commission a constaté que ce système restreignait la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts Vereniging van Cementhandelaren-Commission, précité, points 19 et 21, et Verband der Sachversicherer-Commission, précité, point 41).
b) La responsabilité de la FNK dans la fixation des tarifs de compensation
165. Les requérantes estiment que la FNK ne peut pas être tenue responsable pour l'élaboration des tarifs de compensation. Le rôle de la FNK dans la fixation des tarifs de compensation n'aurait jamais dépassé des tâches incidentes de secrétariat. Ces tarifs auraient été élaborés sur le plan local ou régional.
166. A cet égard, il convient de constater que, pour certaines catégories de grues, à savoir les grues de plus de 150 tonnes et les grues à chenilles, des tarifs de compensation ont été fixés à l'échelle du pays. Il ressort des comptes rendus communiqués au Tribunal que les tarifs de compensation ont été fixés au cours de réunions où tous les membres de la FNK qui exploitaient de telles grues étaient représentés (voir compte rendu de la réunion des entreprises exploitant des grues à chenilles du 15 février 1979, point 4). Les réunions se tenaient en principe au siège de la FNK, en présence du directeur de la FNK, M. De Blank, et les comptes rendus de ces réunions ont été rédigés sur du papier à en-tête de la FNK.
167. La fixation d'un tarif de compensation à un niveau national a été plutôt l'exception que la règle. Toutefois, la direction de la FNK aurait bien voulu que des tarifs de compensation pour les autres grues fussent aussi fixés à l'échelle du pays (voir compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 4 septembre 1989, point 5 : "Ce que la direction souhaiterait le plus, c'est que l'on arrive à un seul tarif de compensation pour tout le pays"). Toutefois, pour des raisons pratiques, l'établissement de tarifs de compensation nationaux pour des grues autres que les grues de plus de 150 tonnes et les grues à chenilles n'a pas pu être réalisé. La direction de la FNK a ainsi considéré : "[...] le nombre d'entreprises qui exploitent des grues entre 100 et 150 tonnes est trop important pour passer des accords à l'échelle du pays. La direction a alors décidé qu'il fallait également élaborer des accords pour ces grues au sein des régions [...]" (comptes rendus de la réunion de la région West Brabant Zeeland du 15 octobre 1990, point 7 ; voir aussi compte rendu de la réunion des entreprises exploitant des grues hydrauliques de plus de 150 tonnes, du 25 septembre 1990, point 6, et du 26 novembre 1991, point 6).
168. Il s'ensuit que la FNK elle-même décidait si un tarif de compensation devait être fixé à un niveau national ou à un niveau régional.
169. En ce qui concerne ensuite l'implication de la FNK dans l'élaboration des tarifs de compensation régionaux, il convient de remarquer que, aux termes mêmes des statuts de la FNK, les régions constituent des divisions de la FNK (article 16 des statuts), que les comptes rendus des réunions des régions ont été rédigés sur du papier à en-tête de la FNK et que M. De Blank, directeur de la FNK, a participé à toutes les réunions des régions dont le Tribunal a reçu le compte rendu et au cours desquelles ont été discutés les tarifs de compensation. Par ailleurs, M. De Blank a, à plusieurs reprises au cours de réunions régionales, informé les membres de la région concernée des tarifs de compensation établis dans d'autres régions (voir, par exemple, compte rendu de la réunion de la région West Brabant Zeeland du 4 mars 1991, point 5 ; compte rendu de la réunion de la région Midden Nederland du 28 février 1991, point 4 ; compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 24 septembre 1990, point 7 ; compte rendu de la réunion de la région Noord Nederland du 26 septembre 1988, point 5). Il a ainsi collaboré activement à la fixation des tarifs de compensation dans certaines régions. Il ressort de plus du compte rendu de la région Midden Nederland du 28 février 1991 (point 4) qu'une circulaire de la FNK relative aux tarifs de compensation a, dans certains cas, conduit à une augmentation des prix.
170. Il ressort des constatations qui précèdent que la FNK a été impliquée d'une manière active dans l'élaboration des tarifs de compensation, indépendamment de la question de savoir s'ils ont été fixés pour tout le pays ou pour une ou certaines régions. Même si la FNK, en tant qu'association, n'a pas fixé unilatéralement les tarifs, mais a enregistré les tarifs de compensation qui ont été convenus entre les entreprises de location de grues au cours de ses réunions (compte rendu de la réunion de la direction de la FNK du 4 avril 1990, point 8), il n'en reste pas moins que l'établissement des tarifs de compensation au sein d'une région ou au niveau national correspondait à la volonté de la FNK de coordonner le comportement de ses membres sur le marché (arrêt Verband der Sachversicherer-Commission, précité, point 32).
171. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis une erreur d'appréciation en imputant à la FNK, dans l'article 1er de la décision litigieuse, la responsabilité du système des tarifs de compensation.
172. Il résulte de tout ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen doit également être rejetée.
Sur la quatrième branche tirée d'une erreur d'appréciation de l'affectation du commerce entre Etats membres
- Exposé sommaire de l'argumentation des parties
173. Les requérantes font valoir que les pratiques incriminées aux articles 1er et 3 de la décision litigieuse ne sont pas de nature à affecter le commerce entre Etats membres (arrêt de la Cour du 25 octobre 1979, Greenwich Film Production, 22-79, Rec. p. 3275, point 11 ; arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina-Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087, point 222). Selon elles, le marché de location de grues mobiles se limiterait au territoire des Pays-Bas en raison de sa mobilité réduite et du phénomène d'"overnight contracting", de sorte que le commerce interétatique ne saurait être affecté de manière sensible (arrêt de la Cour du 31 mai 1979, Hugin-Commission, 22-78, Rec. p. 1869). Le fait que deux entreprises établies dans un autre Etat membre figurent parmi les plaignants ne suffirait pas pour démontrer que le commerce interétatique est susceptible d'être affecté par les pratiques litigieuses. En ce qui concerne la SCK en particulier, les requérantes font savoir que le système de certification est ouvert aux entreprises en provenance d'autres Etats membres d'une manière non discriminatoire, à condition qu'elles remplissent les exigences du système de certification. Le système stimulerait donc, par son ouverture, la pénétration des entreprises étrangères sur le marché néerlandais. En ce qui concerne la FNK, les requérantes soulignent qu'elle n'était qu'indirectement associée à la préparation de tarifs de compensation qui étaient seulement applicables au niveau local ou régional. En outre, ces tarifs auraient intéressé seulement les entreprises qui les avaient élaborés. Ils n'auraient dès lors eu aucun effet sur le commerce interétatique dans le secteur des grues mobiles.
174. La Commission rétorque que, même si les grues mobiles ne peuvent être déplacées que dans un rayon de 50 km, il était tout à fait possible que les échanges entre Etats membres fussent affectés dans les régions frontalières belges et allemandes. Le fait que deux entreprises belges figurent parmi les plaignants révélerait que le marché en cause n'est pas limité au territoire néerlandais.
- Appréciation du Tribunal
175. Selon une jurisprudence constante, pour qu'un accord, une décision ou une pratique concertée soient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant la possibilité d'exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres et cela de manière à faire craindre qu'ils entravent la réalisation d'un marché unique entre Etats membres (voir arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a.-Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 170, et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord-Commission, C-219-95 P, non encore publié au Recueil, point 20).
176. Les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le commerce interétatique n'est pas susceptible d'être affecté par les pratiques visées par la décision litigieuse, eu égard au fait que, dans le secteur de la location de grues mobiles, tout commerce entre Etats membres serait exclu.
177. Il est en effet constant que les grues mobiles ont un rayon d'action d'environ 50 km. Un commerce interétatique peut donc se développer dans les régions frontalières des Pays-Bas. Cette conclusion est corroborée par le fait que deux entreprises belges situées près de la frontière néerlandaise figurent parmi les entreprises qui ont déposé une plainte auprès de la Commission contre la SCK et la FNK. Il serait surprenant de voir ces entreprises entreprendre une telle démarche si elles ne disposaient d'aucune possibilité de se présenter sur le marché néerlandais.
178. Les autres éléments invoqués par les requérantes ne mettent pas en cause la possibilité d'un commerce interétatique, mais tendent à démontrer qu'il est exclu que le commerce interétatique soit affecté d'une manière sensible par l'interdiction de location et par le système de tarifs conseillés et de compensation.
179. A cet égard, il y a lieu de rappeler que des pratiques restrictives de la concurrence s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre ont, par leur nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité(arrêts Vereniging van Cementhandelaren-Commission, précité, point 29, et Remia e.a.-Commission, précité, point 22 ; arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a.-Commission, T-29-92, Rec. p. II-289, point 229).
180. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'interdiction de location de la SCK ainsi que les tarifs conseillés de la FNK s'appliquent sur l'ensemble du territoire néerlandais. Il en est de même pour certains tarifs de compensation (voir ci-dessus point 166). Dès lors, ces pratiques restrictives de concurrence(voir ci-dessus points 141 à 150, et 157 à 164) affectent, par leur nature même, le commerce interétatique. Par ailleurs, dans sa notification en vue d'obtenir une attestation négative ou une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (voir ci-dessus point 7), la SCK a elle-même admis que le règlement sur la certification d'entreprises de location de grues pourrait affecter d'une manière négative les échanges entre Etats membres (point 4.3 de la notification).
181. Quant à la question de savoir si les pratiques visées aux articles 1er et 3 de la décision litigieuse sont de nature à affecter le commerce interétatique d'une manière sensible, il convient de constater que, bien que les parties ne s'entendent pas sur la part de marché exacte représentée par les affiliés de la FNK et les entreprises certifiées par la SCK, les requérantes elles-mêmes ont reconnu que, en 1991, les entreprises certifiées par la SCK occupaient 37 % et les membres de la FNK environ 40 % du marché néerlandais de la location de grues mobiles. Il y a lieu d'admettre que, même si la part de marché des entreprises certifiées par la SCK ou des membres de la FNK ne représentait "que" 37 ou 40 % du marché néerlandais, les requérantes étaient d'une taille et d'une puissance économique suffisamment importantes pour que leurs pratiques, visées par la décision litigieuse (dont celles d'interdiction de location et de tarifs conseillés applicables sur l'ensemble du territoire néerlandais), fussent susceptibles d'affecter d'une manière sensible le commerce entre Etats membres(arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller-Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 10).
182. Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du deuxième moyen doit être rejetée.
183. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être rejeté dans sa totalité.
Troisième moyen : violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
184. Les requérantes exposent, à titre subsidiaire, qu'en ne déclarant pas l'article 85, paragraphe 1, inapplicable en l'espèce, la Commission a violé l'article 85, paragraphe 3, du traité, puisque le système de certification de la SCK, la publication des tarifs conseillés et des coûts estimés ainsi que la fixation des tarifs de compensation auraient satisfait à toutes les conditions requises par cette dernière disposition.
- En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction de location de la SCK
185. Les requérantes font valoir que le système de certification améliore la situation des entreprises de location de grues mobiles, en ce qu'il contribue à la mise en place d'un marché transparent sur lequel opèrent des entreprises qui satisfont à des exigences de qualité supérieures aux conditions légales. Cette valeur ajoutée du système de certification (voir ci-dessus point 128), renforcée par une politique de contrôle beaucoup plus active que les contrôles légaux, bénéficierait en définitive aux maîtres d'ouvrage. Ces derniers étant représentés au sein de la SCK, il serait en outre évident qu'une part équitable du "profit" résultant du système de certification serait réservée aux utilisateurs. Pour les raisons déjà indiquées ci-dessus (voir point 126), l'interdiction de location serait le seul moyen de préserver la cohérence du système de certification dans les conditions spécifiques du marché en cause, de sorte que cette restriction éventuelle de la concurrence serait indispensable pour atteindre le but de la mise en œuvre d'un système de certification. Au lieu d'éliminer la concurrence, le système de certification la renforcerait, en ce qu'il rendrait possible une concurrence aiguë entre des entreprises certifiées sur les prix et d'autres conditions, en garantissant un niveau de qualité élevé sur un marché transparent sans affecter en même temps la possibilité de concurrence entre des entreprises certifiées et des entreprises qui ne le sont pas.
186. La Commission rétorque qu'il ressort du point 37 des considérants de la décision litigieuse que deux conditions sur quatre posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies. En ce qui concerne la condition de la contribution à l'amélioration de la production ou de la distribution, il ne serait pas établi que le système de certification comporte une valeur ajoutée. En tout état de cause, les restrictions imposées aux entreprises affiliées et les inconvénients en résultant pour les entreprises non affiliées l'auraient emporté nettement sur les avantages éventuels. La Commission estime en effet que la plupart des conditions de certification d'une entreprise de location de grues sont des obligations légales faisant l'objet de contrôles de plusieurs instances. En outre, elle conteste le fait que, sur le plan procédural, la SCK mènerait une politique de contrôle plus active que celle poursuivie par la Keboma. En ce qui concerne la condition du caractère indispensable des restrictions imposées pour atteindre les objectifs visés par le système de certification de la SCK, la Commission se réfère aux arguments présentés au point 130 ci-dessus pour démontrer qu'une interdiction de location n'était pas indispensable.
- En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système de tarifs conseillés et de compensation
187. Les requérantes estiment que la publication des tarifs conseillés et des estimations de coûts remplissent également les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Ainsi, il aurait été reconnu dans la pratique décisionnelle de la Commission [voir la décision 93-174-CEE de la Commission, du 24 février 1993, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-34.494 - Structures tarifaires en transports combinés de marchandises) (JO L. 73, p. 38, ci-après "décision 93-174"), et le règlement (CEE) n° 3932-92 de la Commission, du 21 décembre 1992, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées dans le domaine des assurances (JO L. 398, p. 7, ci-après "règlement n° 3932-92")] que l'existence d'une structure tarifaire contribue à la transparence du marché et au progrès économique dans le secteur concerné, en ce que les utilisateurs peuvent mieux comparer les entreprises qui y opèrent. Les utilisateurs bénéficieraient, par conséquent, d'une part équitable de ce profit. Une telle transparence du marché ne pourrait être atteinte que par la publication de ces tarifs, de sorte qu'une restriction de concurrence qui en découlerait serait indispensable. Enfin, cette publication n'entraînerait pas d'élimination d'une partie substantielle de la concurrence, puisque les tarifs publiés ne seraient pas obligatoires, laissant aux parties opérant sur le marché la liberté d'y déroger et, par conséquent, la possibilité de se faire concurrence.
188. Les tarifs de compensation devraient également bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. La situation des loueurs de grues mobiles serait comparable à celle des banques en ce qu'ils entreraient régulièrement dans des relations bilatérales entre eux par la location. Puisque la Commission a déclaré l'article 85, paragraphe 1, du traité inapplicable à un accord de tarification conclu entre les banques pour des services qu'ils se prêtent réciproquement [décision 87-103-CEE de la Commission, du 12 décembre 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.356 - ABI) (JO L. 43, p. 51, ci-après "décision 87-103")], un traitement égal devrait être appliqué aux requérantes pour l'établissement des tarifs de compensation. Ces tarifs comporteraient une amélioration de la production en réalisant un gain d'efficacité puisqu'ils éviteraient des négociations sur le prix chaque fois que des entreprises de location de grues ont recours à la location d'une grue auprès d'une autre entreprise certifiée. Ce gain d'efficacité bénéficierait en outre aux maîtres d'ouvrage, de sorte qu'une partie équitable du profit reviendrait aux utilisateurs. Dans la mesure où ces tarifs provoqueraient des restrictions de la concurrence, celles-ci seraient indispensables pour la réalisation de ce gain d'efficacité. Enfin, la concurrence ne serait pas éliminée pour une partie substantielle puisque, à l'occasion d'une transaction particulière, il serait toujours loisible à toute partie ayant pris part à l'élaboration des tarifs de compensation soit d'appliquer un autre prix, soit de renoncer à la location.
189. La Commission se réfère au point 34 des considérants de la décision litigieuse. Elle ajoute que la FNK ne peut s'appuyer sur la décision 93-174, parce que les caractéristiques spécifiques de cette affaire sont absentes en l'espèce. En effet, les tarifs conseillés concerneraient le prix total et non pas l'un ou l'autre élément de prix, et le besoin de transparence sur le marché de la location de grues mobiles ne serait pas aussi important que sur le marché en cause dans ladite décision. Enfin, la FNK ne pourrait non plus se prévaloir de la décision sur les tarifs interbancaires pour démontrer le caractère indispensable des tarifs de compensation. Plusieurs éléments distingueraient la situation des entreprises de location de grues mobiles de celle des banques : les banques se trouveraient dans une situation de partenariat obligé, puisqu'elles doivent collaborer avec la banque choisie par leur client pour effectuer un virement, alors que les entreprises de location de grues mobiles choisiraient elles-mêmes leur sous-contractant ; les banques seraient confrontées à un nombre de transactions beaucoup plus important ; enfin, les tarifs de compensation seraient assortis de tarifs conseillés applicables aux maîtres d'ouvrage, alors que la Commission n'aurait pas autorisé, dans la décision 87-103, une concertation des banques sur les tarifs appliqués à leur clientèle.
Appréciation du Tribunal
190. Il ressort d'une jurisprudence constante que le contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 85, paragraphe 3, du traité à l'égard de chacune des quatre conditions qu'il contient doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds-Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 62 ; arrêts du Tribunal CB et Europay-Commission, précité, point 109, du 15 juillet 1994, Matra Hachette-Commission, T-17-93, Rec. p. II-595, point 104, et SPO e.a.-Commission, précité, point 288).
191. En l'espèce, le refus de la Commission d'exempter les règlements et statuts, respectivement, de la FNK et de la SCK est fondé sur la constatation que deux des quatre conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité ne sont pas remplies. Les quatre conditions pour bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité étant cumulatives (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB-Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 61, et arrêt SPO e.a.-Commission, précité, point 267), la Commission n'avait, en effet, aucune obligation d'examiner chacune des conditions de l'article 85, paragraphe 3.
- En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction de location de la SCK
192. Il ressort du point 37 des considérants de la décision litigieuse que la Commission a rejeté la demande d'exemption portant sur le système de certification de la SCK, et notamment l'interdiction de location, après avoir constaté que les première et troisième conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies. Ainsi, elle a considéré que le système de certification de la SCK n'apportait pas de véritable valeur ajoutée, tant sur le fond que sur le plan de la procédure, par rapport aux exigences légales. Le système ne contribuerait dès lors pas à améliorer la production ou à promouvoir le progrès technique ou économique (première condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité). Par ailleurs, même si le système de certification apportait des avantages qui l'emportaient sur les inconvénients qui en résultent pour les entreprises non certifiées, l'interdiction de location n'aurait pas été indispensable pour le fonctionnement du système (troisième condition de l'article 85, paragraphe 3).
193. Les requérantes estiment que la Commission a violé les dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Le système de certification de la SCK aurait une valeur ajoutée suffisamment importante pour justifier la prétendue restriction de la concurrence résultant de l'interdiction de location. Ainsi, d'une part, la SCK exercerait une politique de contrôle plus active des exigences légales que la Keboma, qui est l'instance publique de contrôle des grues aux Pays-Bas, et, d'autre part, le système de certification de la SCK poserait des conditions, tant sur le plan technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise, qui iraient au-delà des conditions légales.
194. En ce qui concerne, tout d'abord, le prétendu contrôle plus efficace des exigences légales effectué par la SCK (la prétendue valeur ajoutée procédurale), il doit être rappelé qu'il appartient en principe aux autorités publiques et non à des organismes privés d'assurer le respect des prescriptions légales (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti-Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 118). Une exception à cette règle peut être tolérée lorsque les autorités publiques ont, de leur propre gré, décidé d'attribuer le contrôle du respect des prescriptions légales à un organisme privé. En l'espèce, toutefois, la SCK a établi un système de contrôle parallèle au contrôle effectué par les instances publiques sans qu'il y ait eu un quelconque transfert à la SCK des compétences de contrôle exercées par les instances publiques. Par ailleurs, l'affirmation au point 37, deuxième alinéa, des considérants de la décision litigieuse, selon laquelle "les entreprises qui ne participent pas au système de certification de la SCK peuvent tout autant démontrer qu'elles se conforment aux exigences légales", n'est pas sérieusement contestée par les requérantes. Ainsi, il n'a pas été démontré que le contrôle des exigences légales effectué par les instances publiques comportait des lacunes qui auraient pu rendre nécessaire l'établissement d'un système de c n rôle privé. Même s'il était démontré que le contrôle des exigences légales effectué par la SCK est plus efficace que le contrôle fait par les instances publiques néerlandaises, il n'en reste pas moins que les requérantes n'ont nullement établi que le système de contrôle légal était insuffisant. Il y a lieu de souligner que la SCK, créée en 1985, n'a introduit que le 1er janvier 1991 la clause prévoyant l'interdiction de location dans son règlement de certification. En réponse à une question posée par le Tribunal au cours de l'audience, le conseil des requérantes a admis que la SCK n'avait été saisie, avant l'introduction de l' interdiction de location, d'aucune plainte de la part des maîtres d'ouvrage sur l'utilisation éventuelle, par une entreprise certifiée, de grues louées auprès d'entreprises non certifiées, grues qui auraient forcément fait uniquement l'objet des contrôles effectués par les instances publiques. Dans ces conditions, la Commission était en droit d'estimer que "les restrictions imposées aux entreprises affiliées et les inconvénients qui en résultent pour les entreprises non affiliées l'emportent nettement sur les avantages éventuels avancés par la SCK" (point 37, deuxième alinéa, des considérants de la décision litigieuse). Dès lors, l'appréciation de la Commission selon laquelle la prétendue valeur ajoutée procédurale du système de certification ne satisfaisait pas à la première condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'était pas, en tout état de cause, entachée d'une erreur manifeste.
195. En ce qui concerne, ensuite, la prétendue valeur ajoutée matérielle du système de certification de la SCK découlant du fait que le système en question poserait des conditions, tant sur le plan technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise, allant au-delà des conditions légales, la Commission a considéré, dans la décision litigieuse : "[...] il n'est pas établi que le système de certification de la SCK serait plus performant que les règles légales. Les obligations imposées aux entreprises affiliées correspondent en gros aux prescriptions légales en vigueur [...]" (point 37, premier alinéa, des considérants). Ainsi, la plupart des exigences de sécurité imposées par la SCK seraient déjà imposées par la législation néerlandaise. Il en irait de même pour "les conditions imposées par la SCK en dehors des questions de sécurité, notamment celles qui se rapportent à l'impôt et aux cotisations sociales, à l'inscription auprès de la chambre de commerce, à l'assurance responsabilité civile, à la solvabilité et à l'application des conventions collectives" (point 37, troisième alinéa, des considérants). La Commission ajoute que "la SCK impose également des obligations en matière de gestion de l'entreprise qui vont plus loin que les dispositions légales, mais cela ne suffit pas pour justifier les restrictions de la concurrence" (point 37, troisième alinéa, in fine, des considérants).
196. Il convient de relever que la légalité de la décision refusant le bénéfice d'une exemption doit être appréciée à la lumière des éléments invoqués par les parties dans la notification, tels que précisés au cours de la procédure administrative (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association-Commission, C-360-92 P, Rec. p. I-23, points 39 à 41).
197. Dans sa notification, la SCK a expliqué que le système de certification impose trois sortes d'obligations pour les entreprises : il s'agit (premièrement) d'exigences se rapportant aux grues mobiles, (deuxièmement) d'obligations générales concernant l'entreprise, et (troisièmement) d'exigences concernant le personnel de l'entreprise.
198. S'agissant de la première catégorie d'exigences, qui correspond aux "exigences de sécurité" de la décision litigieuse, la SCK fait explicitement valoir dans sa notification que ces obligations "s'appliquent également en vertu des dispositions légales nationales" (point 26 de la notification). Il en est de même, selon elle, pour les exigences concernant le personnel de l'entreprise. En effet, elle explique dans sa notification : "[...] il s'agit [...] d'exigences qui sont déjà imposées par la loi. La SCK cherche seulement à faire en sorte que les entreprises certifiées puissent démontrer qu'elles satisfont à ces obligations légales" (point 28 de la notification).
199. Quant aux obligations générales concernant l'entreprise, la SCK explique dans sa notification : "[elles] concernent les obligations fiscales, les obligations d'assurance et la solvabilité. Ici également, les exigences sont déjà en grande partie imposées aux entreprises par des lois nationales, la certification apportant une garantie accrue que ces exigences légales sont effectivement respectées. Cela s'applique en particulier aux exigences relatives au versement des impôts, à l'inscription au registre de commerce et à l'obligation d'assurance" (point 27 de la notification). La SCK ne mentionne dans sa notification que trois obligations extra-légales pour les entreprises certifiées : une exigence de solvabilité et de liquidités minimales, une obligation (entre-temps retirée) d'appliquer les conditions générales de la FNK et une obligation de conclure une assurance de responsabilité civile.
200. En ce qui concerne la question de la prétendue valeur ajoutée du système de certification concernée, il convient de constater que la SCK s'est concentrée dans sa notification sur la nécessité d'un contrôle accru des exigences légales existantes (valeur ajoutée procédurale) plutôt que sur une valeur ajoutée matérielle. En ce qui concerne la valeur ajoutée matérielle, force est de constater que la Commission a fidèlement repris dans la décision litigieuse (voir ci-dessus point 195) la thèse qui avait été défendue par la SCK dans sa notification (voir ci-dessus points 198 et 199), à savoir celle selon laquelle les obligations imposées par le système de certification de la SCK correspondent approximativement aux prescriptions légales en vigueur. En principe, une telle constatation devrait suffire pour rejeter l'allégation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le système de certification de la SCK n'offrait pas une véritable valeur ajoutée matérielle par rapport aux exigences légales.
201. Toutefois, au cours de la procédure administrative, les requérantes ont accordé un plus grand poids à la prétendue valeur ajoutée matérielle du système. Ainsi, dans leur réponse à la communication des griefs du 16 décembre 1992, se référant à un tableau joint en annexe 3 à cette réponse, elles ont soutenu que le système de certification posait un nombre d'exigences de sécurité et de performance qui n'étaient pas prévues par la loi néerlandaise (point 9 de la réponse à la communication des griefs). Dans leur réponse à la communication des griefs du 21 octobre 1994, elles se sont référées au même tableau pour démontrer l'existence d'une valeur ajoutée matérielle (point 32 de la réponse à la communication des griefs ; annexe 19 à la requête). Il convient d'observer que ce tableau comprend une énumération des conditions posées par le système de certification avec indication, au regard de chacune d'elles, de son caractère légal ou extra-légal. Une présentation similaire a été faite aux points 101 à 118 de la requête.
202. En réalité, la thèse défendue par les requérantes dans leurs réponses à la communication des griefs et dans leur requête est difficilement compatible avec la description que la SCK avait faite des exigences du système de certification dans sa notification (points 26 à 28 de la notification ; voir ci-dessus points 198 et 199). La valeur ajoutée d'un système de certification ne découle pas du simple fait qu'il impose des obligations non prévues par la loi. En effet, le système de certification de la SCK ne pourrait avoir une véritable valeur ajoutée que si les conditions posées par ce système étaient aptes à réaliser l'objectif poursuivi, qui est d'offrir la garantie d'une sécurité accrue aux maîtres d'ouvrage (voir, à cet égard, points 80 à 87 de la requête). Or, les requérantes ont omis d'expliquer pourquoi et dans quelle mesure les conditions extra-légales auraient été aptes à la réalisation de cet objectif. Dès lors, en se limitant, au cours de la procédure administrative et dans leur requête à se concentrer sur la démonstration du caractère extra-légal de plusieurs exigences du système de certification, en supposant ainsi que le système produit une valeur ajoutée matérielle, elles ne parviennent pas à démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, d'une part, qu'"il n'est pas établi que le système de certification de la SCK serait plus performant que les règles légales" (point 37, premier alinéa, des considérants de la décision litigieuse) et, d'autre part, que les quelques conditions extra-légales imposées ne suffisent "pas pour justifier les restrictions de la concurrence" (point 37, troisième alinéa, in fine).
203. Il s'ensuit que les requérantes n'ont pas établi que l'appréciation de la Commission, selon laquelle le système de certification de la SCK et l'interdiction de location liée à celle-ci ne remplissent pas la première des quatre conditions énoncées par l'article 85, paragraphe 3, du traité, serait entachée d'une erreur manifeste (voir, par exemple, arrêt Van Landewyck-Commission, précité, point 185). Eu égard au caractère cumulatif des quatre conditions d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il n'y a pas lieu d'examiner le point de savoir si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère non indispensable de l'interdiction de location dans le cadre du système de certification de la SCK (voir, par exemple, ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a.-Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 48 ; arrêt CB et Europay-Commission, précité, points 110 et 115).
204. Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour autant qu'il porte sur l'interdiction de location.
- En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système de tarifs conseillés et de compensation
205. La Commission a fondé son refus d'octroyer une exemption pour le système de tarifs conseillés et de compensation de la FNK sur la constatation selon laquelle les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies. Ainsi, elle a considéré au point 34 des considérants de la décision litigieuse : "Il n'a pas été établi que l'obligation d'appliquer des tarifs "acceptables", indépendamment du prétendu objectif d'améliorer la transparence sur le marché, contribue à améliorer le secteur de la location de grues tout en réservant aux clients, en l'espèce les entreprises de location de grues de levage, une partie équitable du profit qui en résulte. Au contraire, suivant [une] enquête sectorielle indépendante [...], les tarifs conseillés et de compensation utilisés, qui étaient fixés par la FNK afin de concrétiser la notion de tarif "acceptable", étaient en général supérieurs aux tarifs du marché. Les auteurs de l'enquête expliquent ce phénomène notamment par le fait qu'"il y a de la concurrence sur le marché"."
206. Il ressort d'une jurisprudence constante que, dans le cas où une exemption est sollicitée en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il appartient aux entreprises notifiantes de fournir à la Commission les éléments établissant que les quatre conditions prévues par cette disposition sont réunies (arrêts VBVB et VBBB-Commission, précité, point 52, et Matra Hachette-Commission, précité, point 104).
207. En ce qui concerne, tout d'abord, les tarifs de compensation, il convient de constater que, dans le chapitre de sa notification relatif à l'article 85, paragraphe 3, du traité, la FNK a uniquement prétendu que ces tarifs n'éliminaient pas la concurrence (point 25 de la notification). De même, dans ses réponses aux communications des griefs du 16 décembre 1992 et du 21 octobre 1994, les requérantes n'ont apporté aucun nouvel élément pour l'évaluation des tarifs de compensation sous l'angle de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Bien que les requérantes aient adopté au cours de la procédure administrative une approche cadrant parfaitement avec leur logique selon laquelle la fixation des tarifs de compensation était étrangère à la FNK (point 19 de la notification de la FNK), elles n'ont présenté à la Commission aucun élément de conviction destiné à établir que, pour ce qui concerne le système des tarifs de compensation, les trois premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité étaient satisfaites. Dans ces conditions, elles ne sauraient prétendre que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'"il n'[avait] pas été établi" (point 34 des considérants de la décision litigieuse) que le système de tarifs de compensation remplissait les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
208. En ce qui concerne les tarifs conseillés de la FNK, les requérantes ont prétendu au cours de la procédure devant le Tribunal qu'un tel système augmente la transparence du marché. Les utilisateurs, c'est-à-dire les maîtres d'ouvrage, bénéficieraient de cette transparence. Celle-ci simplifierait les comparaisons que les utilisateurs peuvent faire entre les offres concurrentes. Les requérantes estiment que les deux autres conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité sont également satisfaites, en ce que les restrictions à la concurrence sont indispensables pour atteindre ces objectifs et qu'il n'y a pas élimination d'une partie substantielle de la concurrence.
209. Il convient de constater que, bien que la FNK ne se soit pas fondée dans sa notification sur l'avantage d'une prétendue amélioration de la transparence du marché pour justifier l'octroi d'une exemption (points 22 à 24 de la notification), les requérantes ont tout de même fait valoir cet argument au cours de la procédure administrative, et notamment dans leur réponse à la communication de griefs du 21 octobre 1994 (point 28 de cette réponse).
210. En fait, l'augmentation de la transparence du marché est inhérente à tout système de tarifs conseillés fixés et publiés par une association représentant une partie importante des entreprises opérant sur un certain marché. Dans ces conditions, la démonstration d'une augmentation de la transparence du marché liée à un système de tarifs conseillés ne suffit pas à établir que la première condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité est remplie. Au demeurant, l'argumentation des requérantes et l'appréciation de la Commission des tarifs conseillés au point 34 des considérants de la décision litigieuse se situent sur des plans différents. En effet, la Commission n'a jamais fait valoir que le système de tarifs conseillés n'augmentait pas la transparence du marché. Elle a uniquement estimé que, "indépendamment du prétendu objectif d'améliorer la transparence sur le marché", les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies. A cet égard, elle a estimé à juste titre, dans la décision litigieuse, que le respect des tarifs conseillés s'imposait aux membres de la FNK (voir ci-dessus points 159 à 164) du fait que ces tarifs concrétisaient la notion de tarif acceptable que les membres de la FNK étaient tenus d'appliquer en vertu de l'article 3, sous b), du règlement intérieur de celle-ci (point 20 des considérants de la décision litigieuse). Par ailleurs, il n'est pas contesté que lesdits tarifs étaient bien supérieurs aux tarifs du marché (point 34 des considérants de la décision litigieuse et point 18 de la notification de la FNK).
211. Dès lors, après avoir constaté que les tarifs de la FNK étaient des tarifs imposés, de surcroît supérieurs aux prix du marché, la Commission a considéré au point 34 des considérants de la décision litigieuse que, même si le système améliorait la transparence - point sur lequel elle ne devait pas se prononcer -, les éventuels avantages du système, à savoir l'amélioration de la transparence du marché, ne pouvaient l'emporter sur l'atteinte à la concurrence liée à des prix imposés et, en particulier, sur le désavantage certain résultant du système en ce qu'il avait pour objet une augmentation des prix par rapport aux prix du marché. Dans ces conditions, les requérantes, qui se sont contentées d'affirmer dans leur requête que l'avantage du système de tarifs conseillés était d'accroître la transparence du marché, ne démontrent pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que, "indépendamment du prétendu objectif d'améliorer la transparence" (point 34 des considérants de la décision litigieuse), les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies.
212. Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité, doit être rejeté dans sa totalité.
Quatrième moyen : violation des droits de la défense
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
213. Ce moyen comporte trois branches.
214. Dans la première branche, les requérantes font valoir que la Commission a violé l'obligation imposée par l'article 6 de la CEDH de statuer dans un délai raisonnable. Elles soutiennent que la longue durée de la procédure administrative a été délibérément provoquée par la Commission, puisque celle-ci a reconnu qu'elle n'avait pas considéré l'affaire comme prioritaire aux motifs qu'elle était également pendante devant le juge néerlandais et que les infractions avaient cessé dès le prononcé de l'ordonnance du 11 février 1992 de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht. Cet état de choses n'aurait changé qu'à la suite du prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 9 juillet 1992, qui a permis à la SCK de rétablir l'interdiction de location. Les requérantes rappellent en outre que, au cours de la procédure administrative, la Commission leur a adressé deux communications des griefs. Elles ajoutent que la dernière communication, notifiée 22 mois après la première, ne contenait aucun changement dans l'appréciation de la Commission sur les faits et leur qualification juridique. Une telle lenteur du processus décisionnel, alors que les requérantes avaient insisté sur l'urgence en renonçant en octobre 1994 à leur droit à une audition, constituerait un abus grave de la procédure.
215. Dans la deuxième branche du moyen, les requérantes soutiennent que la Commission a violé le même article de la CEDH en adoptant une décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 sans les avoir entendues lors d'une audition.
216. Enfin, dans la troisième branche, elles font valoir que la Commission a violé leurs droits de la défense en refusant qu'elles prennent connaissance du dossier (voir ci-dessus point 24). La Commission ne pourrait prétendre qu'elles ont renoncé à leur droit d'accès au dossier parce qu'elles ne s'en sont pas prévalu avant de répondre à la communication des griefs (voir XIIème Rapport sur la politique de concurrence). En outre, la position de la Commission serait disproportionnée, puisqu'elle priverait la partie concernée de la possibilité de préparer au mieux sa défense au moment de l'examen judiciaire de la décision de la Commission, sans que ressorte clairement l'intérêt de la Commission qui serait ainsi servi. Enfin, les requérantes ne demanderaient pas accès au seul "dossier" mais également aux notes internes échangées dans cette affaire entre les DG III et IV du 18 novembre 1993 au 27 septembre 1994 (voir ci-dessus point 28). Bien que de telles notes ne soient en principe pas accessibles, les requérantes prétendent qu'une exception à ce principe serait justifiée, puisque ces notes pourraient servir à vérifier s'il existe, en l'espèce, un détournement de pouvoir (conclusions de l'avocat général Vesterdorf sous l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc-Commission, T-1-89, Rec. p. II-867, 869 et 891).
217. La Commission se réfère, pour répondre à la première branche, à son mémoire en défense dans l'affaire T-213-95. En ce qui concerne la deuxième branche, elle rétorque que, en l'absence de tout texte légal prescrivant que les entreprises ou associations concernées doivent être entendues oralement, et en l'absence de toute circonstance de fait particulière qui aurait eu pour conséquence qu'en l'espèce seule une audition aurait permis de garantir effectivement les droits de la défense, elle n'était nullement tenue de consulter les requérantes oralement dans le cadre d'une audition après les avoir déjà consultées par écrit. Quant à la troisième branche, elle relève qu'il ressort de la jurisprudence que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay-Commission, T-30-91, Rec. p. II-1775, point 59). Les requérantes n'auraient pas exploité la possibilité de consulter le dossier de la Commission après la notification de la communication des griefs, de sorte qu'il n'y aurait plus aucune raison de leur accorder l'accès au dossier à un stade ultérieur de la procédure et certainement pas après l'adoption de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
218. Les requérantes ont déjà invoqué, dans le cadre de l'affaire T-213-95, la première branche du présent moyen tirée d'une violation de l'obligation imposée par l'article 6 de la CEDH de statuer dans un délai raisonnable. Cette branche doit être rejetée pour les motifs exposés au points 53 à 70 ci-dessus.
219. En ce qui concerne la deuxième branche tirée de ce que les requérantes auraient dû être entendues avant l'adoption par la Commission de sa décision du 13 avril 1994 au titre de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, il y a lieu d'observer que, même si le droit communautaire avait obligé la Commission à entendre oralement les intéressées avant l'adoption d'une telle décision, le non-respect de cette obligation aurait uniquement affecté la légalité de la décision de la Commission du 13 avril 1994, et non de la décision litigieuse, qui seule fait l'objet d'un contrôle de légalité en l'espèce. Or, il n'est pas contesté que les requérantes ont renoncé, dans leur réponse à la communication des griefs du 21 octobre 1994, à l'organisation d'une audition avant l'adoption de la décision litigieuse. La deuxième branche du moyen doit donc également être rejetée.
220. En ce qui concerne la dernière branche tirée du refus de la Commission d'accorder l'accès au dossier, il sera relevé que les requérantes n'ont formulé une demande à cet égard qu'après l'adoption de la décision litigieuse. Par conséquent, la légalité de cette dernière ne peut en aucun cas être affectée par le refus de la Commission d'accorder l'accès demandé (voir arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Baustahlgewebe-Commission, T-145-89, Rec. p. II-987, point 30). Par ailleurs, les requérantes n'ont invoqué aucun indice de nature à démontrer que le dossier pourrait comporter des éléments à leur décharge. Elles n'ont pas non plus soutenu qu'elles n'ont pas eu accès à toutes les pièces à charge. De même, en ce qui concerne les échanges de vues entre les DG III et IV, elles ne prétendent pas que ces notes internes, en principe non accessibles aux tiers (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals-Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 54 ; arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum-Commission, C-310-93 P, Rec. p. I-865, point 25), pourraient être à leur décharge. Elles soutiennent que ces notes pourraient servir à vérifier s'il existe, en l'espèce, un détournement de pouvoir. Or, dans leur requête, elles n'ont même pas cru nécessaire de formuler un moyen tiré d'un détournement de pouvoir pour démontrer l'illégalité de la décision litigieuse.
221. Dans ces conditions, la troisième branche du moyen doit également être rejetée.
222. Pour les mêmes motifs, la demande des requérantes tendant à l'adoption de mesures d'instruction ou de mesures d'organisation de la procédure du 9 juillet 1996 (voir ci-dessus point 28) ne peut pas être accueillie.
223. Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense, doit être rejeté dans sa totalité.
Cinquième moyen : violation de l'article 190 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
224. Les requérantes font valoir que la Commission a violé l'article 190 du traité. En l'espèce, elle aurait été tenue de respecter une obligation de motivation accrue en raison du fait qu'elle était confrontée pour la première fois au problème de la conformité d'un système de certification aux règles de concurrence communautaires. Elle n'aurait pas non plus pris en considération les remarques des requérantes exprimées au cours de la procédure administrative. Les requérantes estiment en particulier que la Commission n'a pas suffisamment motivé les points suivants : la qualification de la SCK d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ainsi que le fait que les pratiques critiquées de la SCK et de la FNK restreignaient la concurrence et affectaient les échanges entre Etats membres.
225. La Commission ne répond pas spécifiquement à ce moyen.
Appréciation du Tribunal
226. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si cette décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a.-Commission, C-350-88, Rec. p. I-395, point 15 ; arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke-Commission, T-504-93, non encore publié au Recueil, point 149). Ainsi, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d'une manière explicite lorsqu'elle prend dans le cadre de sa pratique décisionnelle une décision qui va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Papier Peints-Commission, 73-74, Rec. p. 1491, point 31).
227. En ce qui concerne d'abord la prétendue nécessité d'une motivation accrue en l'espèce, il convient de constater que la Commission, bien qu'elle ne se prononce dans le dispositif de la décision litigieuse que sur l'interdiction de location et le système des tarifs conseillés et de compensation, a néanmoins indiqué à quels critères un système de certification doit satisfaire - ouverture, indépendance, transparence et acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes - pour pouvoir être considéré comme compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 23 des considérants de la décision litigieuse). Les requérantes ne sauraient prétendre que, en ce qui concerne les infractions visées au dispositif de la décision litigieuse (interdiction de location et système de tarifs conseillés et de compensation), la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes de la Commission. En tout état de cause, la Commission a exposé d'une manière détaillée, dans la décision litigieuse, pourquoi le système de tarifs conseillés et de compensation et l'interdiction de location constituaient des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité (points 20 à 31 des considérants) et pourquoi ces pratiques ne pouvaient pas bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (points 32 à 39). De même, elle a exposé d'une manière suffisante les motifs pour lesquels elle considère la SCK comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 17).
228. Quant à l'argument selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération les remarques des requérantes exprimées au cours de la procédure administrative, il y a lieu de rappeler que, si la Commission est tenue, en vertu de l'article 190 du traité, de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l'ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n'exige pas qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (arrêts BAT et Reynolds-Commission, précité, point 72, et Tiercé Ladbroke-Commission, précité, point 150). En outre, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la Commission aurait omis de prendre en considération un élément essentiel qui avait été soulevé pendant la procédure administrative (voir arrêt Publishers Association-Commission, précité, points 41 et 42).
229. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité n'est pas fondé.
230. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision litigieuse doivent être rejetées.
3. Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des amendes
231. Les requérantes invoquent trois moyens au soutien de leurs conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des amendes. Le premier est tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le deuxième d'une violation du principe de proportionnalité et le troisième d'une violation de l'article 190 du traité.
Premier moyen : violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
232. Les requérantes prétendent que l'imposition d'une amende n'était pas justifiée. Elles estiment que la constatation, faite au point 44 des considérants de la décision litigieuse, selon laquelle "la FNK et la SCK ne peuvent avoir ignoré que les pratiques commerciales incriminées avaient pour objet ou du moins pour effet de restreindre la concurrence" n'est pas exacte.
233. La SCK ne pourrait pas être censée connaître l'objet ou du moins l'effet anticoncurrentiel de l'interdiction de location, d'une part, parce qu'il était reconnu par le conseil de la certification que cette interdiction constituait le seul moyen de préserver la cohérence du système de certification et, d'autre part, parce que la Commission elle-même a reconnu, dans son mémoire en défense dans l'affaire T-213-95, la complexité de cette affaire tant sur le plan conceptuel que sur le plan de la politique de la concurrence. En tout état de cause, dans une décision antérieure, la Commission aurait accepté que le fait qu'elle ne se soit jamais prononcée auparavant sur un type particulier d'infraction est une raison suffisante pour ne pas infliger d'amendes [décision 88-501-CEE de la Commission, du 26 juillet 1988, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (IV-31.043 - Tetra Pak I (licence BTG)) (JO L. 272, p. 27, ci-après "décision 88-501")].
234. En ce qui concerne la FNK, les requérantes se réfèrent, pour autant que les tarifs conseillés sont en cause, à l'article 5 du règlement (CEE) n° 4087-88 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de franchise (JO L. 359, p. 46, ci-après "règlement n° 4087-88"), et à l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1534-91 du Conseil, du 31 mai 1991, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées dans le domaine des assurances (JO L. 143, p. 1, ci-après "règlement n° 1534-91"), ainsi qu'à l'arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Pronuptia (161-84, Rec. p. 353), dont il ressortirait que la seule application de tarifs conseillés, qui ne sont pas de nature obligatoire, ne devait pas être considérée comme contraire au droit communautaire. Dans la mesure où l'élaboration des tarifs de compensation pourrait être attribuée à la FNK, celle-ci aurait pu raisonnablement ignorer que cette pratique constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, étant donné que la Commission avait déjà approuvé, à deux reprises, des régimes de compensation identiques dans le secteur bancaire [décision 87-103 et décision 89-512-CEE de la Commission, du 19 juillet 1989, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV-31.499 - Banques néerlandaises) (JO L. 253, p. 1)].
235. La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, pour qu'une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction de l'article 85. Il suffirait qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a.-Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41). Une telle situation se serait réalisée dans le chef des requérantes. En ce qui concerne particulièrement la FNK, la Commission relève encore qu'elle ne saurait se prévaloir de l'arrêt Pronuptia, précité, des règlements nos 4087-88 et 1534-91 ou de la pratique décisionnelle de la Commission dans le secteur bancaire, lesquels concernaient des régimes tarifaires libres, alors que, en l'espèce, les tarifs conseillés et de compensation étaient obligatoires et applicables aux clients.
Appréciation du Tribunal
236. Il résulte d'une jurisprudence constante que les infractions aux règles de la concurrence susceptibles de faire l'objet d'une sanction sont celles commises de propos délibéré ou par négligence et qu'il suffit, à cet égard, que leur auteur n'ait pas pu ignorer que son comportement devrait entraîner une restriction de la concurrence (voir l'arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger-Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 142, et la jurisprudence citée).
237. Les arguments de la SCK selon lesquels elle a ignoré que l'interdiction de location constituait une restriction de la concurrence ne peuvent être accueillis. En premier lieu, le dossier ne contient aucune pièce dans laquelle le conseil de la certification aurait affirmé que l'interdiction de location constituait le seul moyen permettant de satisfaire à la condition de cohérence du système de certification qui figure au point 2.5 des critères d'agrément dudit conseil. Le rapport final du 22 avril 1992 du conseil de la certification auquel se réfèrent les requérantes constate seulement que la SCK ne respecte plus ce point après avoir retiré l'interdiction de location à la suite de la décision en référé du juge national sans avoir prévu une solution alternative ["Il est constaté que la SCK, donnant suite à la décision judiciaire, a abrogé la disposition en question (interdiction de location), mais n'a pas encore d'autre disposition qui puisse répondre à l'objectif sous-jacent : à savoir que, lorsqu'il est recouru à des grues d'autres entreprises, il est certain que ces grues-là aussi satisferont aux conditions. De la sorte, la SCK méconnaît la condition énoncée au point 2.5 des critères d'agrément"].
238. En deuxième lieu, la reconnaissance par la Commission de la complexité de l'affaire ne constitue pas non plus une justification de l'"ignorance" de la SCK. Il est en effet inconcevable que la SCK ait pu considérer que l'interdiction de location, qui constitue une atteinte à la liberté contractuelle des entreprises certifiées et qui affecte la position des entreprises non certifiées, n'était pas susceptible d'entraîner une restriction de la concurrence sur le marché et de poser des problèmes sous l'angle du droit communautaire de la concurrence.
239. En troisième lieu, la décision de la Commission de ne pas imposer une amende dans la décision 88-501 en raison de la nature relativement nouvelle des infractions constatées n'octroie pas une "immunité" aux entreprises commettant des infractions qui n'ont pas été sanctionnées antérieurement par la Commission. En effet, c'est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, décide de l'opportunité d'infliger une amende afin de sanctionner l'infraction constatée et de préserver l'efficacité du droit de la concurrence. A cet égard, il convient de constater que les requérantes n'ont pas pu ignorer les effets anticoncurrentiels d'une interdiction de location appliquée dans le cadre d'un système de certification non ouvert et ne prévoyant pas l'acceptation des garanties équivalents offertes par d'autres systèmes.
240. En ce qui concerne la FNK, le système des tarifs conseillés et de compensation revêtait un caractère obligatoire (voir ci-dessus points 159 à 164) et ce système concernait non seulement les relations entre les membres de la FNK (tarifs de compensation), mais également les relations entre ceux-ci et les maîtres d'ouvrage (tarifs conseillés). Par ces caractéristiques, la présente affaire se distingue d'une manière fondamentale des hypothèses analysées dans l'arrêt Pronuptia, précité, dans le règlement n° 4087-88 et le règlement n° 1534-91 tel que mis en œuvre par le règlement n° 3932-92, et dans la pratique décisionnelle de la Commission dans le secteur bancaire, auxquels se réfèrent les requérantes (voir ci-dessus point 234). Il y a lieu d'ajouter que le système des tarifs conseillés et de compensation visait à faire augmenter les prix sur le marché (voir ci-dessus points 163 et 164). Dans ces circonstances, il est exclu que la FNK ait pu ignorer que son système de tarifs conseillés et de compensation allait entraîner une restriction de la concurrence.
241. Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen : violation du principe de proportionnalité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
242. Les requérantes font valoir que les facteurs avancés par la Commission au point 45 des considérants de la décision litigieuse pour déterminer le montant de l'amende ne sont pas pertinents. D'abord, le montant de l'amende ne serait pas proportionné par rapport à la prétendue perturbation du marché commun de la location de grues. Ensuite, la Commission supposerait à tort des liens étroits entre la SCK et la FNK qui, prises ensemble, ne représenteraient que 40 % des entreprises actives sur le marché et n'occuperaient donc pas une partie importante du marché de la location de grues. Enfin, la FNK aurait volontairement maintenu la situation résultant de l'exécution de l'ordonnance du 11 février 1992, malgré son annulation en appel le 9 juillet 1992. Une telle attitude, qui aurait justifié qu'aucune amende ne fût imposée [décision 79-934-CEE de la Commission, du 5 septembre 1979, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-29.021 - BP Kemi - DDSF) (JO L. 286, p. 32)], constituerait en tout état de cause une raison suffisante pour une réduction substantielle de l'amende.
243. De surcroît, les montants des amendes seraient exorbitants, puisque la FNK et la SCK ne disposeraient pas des moyens financiers pour s'en acquitter. Dans le cas de la SCK, la courte durée de l'infraction [décision 75-75-CEE de la Commission, du 19 décembre 1974, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV-28.851 - General Motors Continental) (JO L. 29, p. 14)] ainsi que le fait que la Commission n'avait jamais précisé l'application des règles de concurrence aux systèmes de certification (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO-Commission, C-62-86, Rec. p. I-3359, point 163) seraient des circonstances atténuantes justifiant une réduction de l'amende imposée. Dans le cas de la FNK, la Commission n'aurait pas été en droit de prendre en considération les chiffres d'affaires des membres de la FNK pour fixer l'amende, puisque la décision litigieuse était adressée à l'association et non pas aux membres individuels. Enfin, le dépassement par la Commission, pendant la procédure administrative, en violation de l'article 6 de la CEDH, du délai raisonnable pour prendre une décision devrait conduire à une réduction de l'amende infligée.
244. Dans leurs observations sur le mémoire en intervention, les requérantes se réfèrent encore à la décision 96-438-CE de la Commission, du 5 juin 1996, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-34.983 - FENEX) (JO L. 181, p. 28, ci-après décision "96-438"), dans laquelle la Commission n'a infligé qu'une amende de 1 000 écus, alors que l'infraction réprimée aurait eu des caractéristiques comparables à celles de l'infraction prétendument commise par la FNK.
245. La Commission rétorque que les requérantes ne sauraient prétendre qu'une perturbation du marché communautaire n'a pas eu lieu. Les deux requérantes, prises ensemble, occuperaient une partie importante du marché néerlandais. Ensuite, le système de tarifs conseillés et de compensation aurait existé depuis plus de dix ans au moment où la FNK y a mis fin après l'ordonnance en référé du président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 11 février 1992. Quant au montant des amendes, il ne serait pas exorbitant, puisque le chiffre d'affaires des membres respectifs des requérantes s'élèverait à plus de 200 millions d'écus. Il tiendrait compte de la durée relativement brève de l'infraction dans le chef de la SCK. Enfin, aucune violation de l'article 6 de la CEDH n'aurait été commise.
Appréciation du Tribunal
246. Selon une jurisprudence constante, le montant de l'amende doit être gradué en fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction, et l'appréciation de la gravité de l'infraction aux fins de la fixation du montant de l'amende doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des restrictions apportées à la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen-Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, point 92).
247. Au point 45 des considérants de la décision litigieuse, la Commission a évalué la gravité des infractions en vue de fixer le montant des amendes à imposer aux requérantes. Elle a d'abord considéré que le système de tarifs de la FNK et l'interdiction de location de la SCK "contrôlent ou limitent le marché néerlandais de la location de grues de manière artificielle et faussent par conséquent le Marché commun de la location de grues". Ensuite, elle a tenu compte du fait que les requérantes, "qui entretiennent entre [elles] des liens étroits, comprennent un grand nombre d'entreprises qui occupent ensemble une partie importante du marché de la location de grues" et qu'"elles n'ont renoncé à appliquer ces limitations qu'après une injonction judiciaire en ce sens".
248. La pertinence de ces éléments d'appréciation de la gravité des infractions ne pouvant faire l'objet d'aucun doute, il convient d'examiner l'exactitude matérielle des constatations correspondantes.
249. Il a déjà été relevé que l'interdiction de location de la SCK et le système de tarifs conseillés et de compensation de la FNK violaient l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il convient de rappeler à cet égard que l'interdiction de location liée à un système de certification non totalement ouvert et ne prévoyant pas l'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes limitait les possibilités concurrentielles des entreprises non certifiées et notamment des entreprises non néerlandaises. Par ailleurs, le système de tarifs de la FNK limitait d'une manière substantielle la concurrence entre les membres de cette association. Les pratiques litigieuses de la FNK et de la SCK ont donc perturbé considérablement le marché commun de la location de grues. En ce qui concerne les liens entre la FNK et la SCK, les requérantes elles-mêmes affirment dans leur requête "qu'il y a à peu près autant d'entreprises qui sont affiliées à la FNK et à la SCK et qu'il s'agit en grande partie des mêmes". La Commission n'a pas non plus commis d'erreur en jugea que les membres de la FNK et les entreprises certifiées par la SCK représentent une partie importante du marché de la location de grues. La Commission a estimé dans la décision litigieuse que la FNK et la SCK représentaient 78 ou 51 % du marché néerlandais de location de grues (point 6 des considérants). Le chiffre de 51 % avait d'ailleurs été avancé par les requérantes elles-mêmes au cours de la procédure administrative. Ainsi, au point 26 de leur réponse à la communication des griefs du 21 octobre 1994, les requérantes, en contestant le chiffre de 75 % avancé par la Commission, avaient affirmé que les membres de la FNK détenaient ensemble, au 31 décembre 1993, 1 544 grues mobiles sur un total d'environ 3 000 grues mobiles dans le secteur de la location de grues, soit une part de marché de 51 %. Dans ces conditions, l'argumentation des requérantes selon laquelle la FNK et la SCK, qui regroupent en substance les mêmes entreprises, n' occuperaient "que" 40 % du marché néerlandais de location de grues doit être rejetée. En tout état de cause, une part de marché de 40 % représente une partie importante du marché néerlandais de la location de grues. Ensuite, la FNK ne saurait prétendre, pour obtenir une annulation ou une réduction de l'amende, qu'elle a maintenu la situation résultant de l'exécution de l'ordonnance du 11 février 1992, malgré son annulation en appel le 9 juillet 1992. L'amende ne couvrant que la période allant jusqu'au 6 février 1992 (point 46 des considérants de la décision litigieuse), la non-application par la FNK de son système de tarifs conseillés et de compensation après le 11 février 1992 n'est, en effet, pas pertinent pour évaluer la gravité d'une infraction pour la période antérieure au 6 février 1992.
250. S'agissant du moyen tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, il doit être rappelé qu'il n'est pas fondé (voir ci-dessus points 53 à 70). L'argument tendant à obtenir une réduction de l'amende en raison de la prétendue violation du principe d'un délai raisonnable ne peut dès lors être lui-même retenu.
251. Les requérantes ne sauraient non plus tirer argument de la décision 96-438. En effet, il ressort de cette décision que les tarifs proposés par FENEX étaient des tarifs purement indicatifs. Il ne s'agissait donc pas d'un régime de tarifs qui, comme en l'espèce, s'imposait aux membres de l'association en vertu d'une obligation de respecter des tarifs acceptables (voir ci-dessus points 159 à 164). Par ailleurs, il est constant que, contrairement à la FNK (ordonnance de référé du 11 février 1992 du président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht ; voir ci-dessus point 8), FENEX n'a pas été contrainte par une juridiction nationale ni par une autre autorité publique à mettre fin à ses pratiques de diffusion de tarifs. En outre, FENEX avait déjà cessé volontairement la diffusion des tarifs conseillés avant que la Commission décidât d'ouvrir d'office, et non sur plainte, une procédure dirigée contre elle.
252. Quant à la prétendue violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne le montant des amendes apprécié au regard des moyens financiers des requérantes, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'utilisation du terme générique "infraction" à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en ce qu'il couvre sans distinction les accords, les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises, indique que les plafonds prévus par cette disposition s'appliquent de la même manière aux accords et pratiques concertées, ainsi qu'aux décisions d'associations d'entreprises. Il s'ensuit que le plafond de 10 % du chiffre d'affaires doit être calculé par rapport au chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises parties auxdits accords et pratiques concertées ou par l'ensemble des entreprises membres desdites associations d'entreprises, à tout le moins lorsque, en vertu de ses règles internes, l'association peut engager ses membres. Le bien-fondé de cette analyse est corroboré par le fait que l'influence qu'a pu exercer sur le marché une association d'entreprises ne dépend pas de son propre "chiffre d'affaires", qui ne révèle ni sa taille ni sa puissance économique, mais bien du chiffre d'affaires de ses membres qui constitue une indication de sa taille et de sa puissance économique (arrêts CB et Europay-Commission, précité, points 136 et 137, et SPO e.a.-Commission, précité, point 385).
253. En l'espèce, il n'est pas contesté que la FNK est une association d'entreprises (point 8 de la notification de la FNK). Par ailleurs, en vertu de l'article 6 de ses statuts, l'association peut engager ses membres. Les requérantes ne sauraient donc prétendre que la Commission n'était pas en droit de prendre en considération le chiffre d'affaires des membres de la FNK pour la fixation du montant de l'amende à imposer à cette association.
254. En ce qui concerne, toutefois, l'amende infligée à la SCK, il y a lieu de constater que la Commission a correctement qualifié la SCK d'entreprise dans sa décision litigieuse (point 17 des considérants) et non pas d'association d'entreprises. Dans ces circonstances, la Commission n'était pas en droit de prendre en considération le chiffre d'affaires des entreprises certifiées pour justifier le montant de l'amende. Il ressort du compte annuel de la SCK de 1994 que son chiffre d'affaires s'élevait à 608 231 HFL, soit l'équivalent d'environ 288 750 écus. Bien que la Commission ait respecté le plafond de l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 17, il apparaît que l'amende de 300 000 écus imposée à la SCK, qui dépasse la totalité du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci au cours de l'année précédant l'adoption de la décision litigieuse, est disproportionnée.
255. Dans ces circonstances, le Tribunal estime, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, qu'il est justifié de ramener à 100 000 écus le montant de cette amende.
Troisième moyen : violation de l'article 190 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
256. Les requérantes font valoir que la Commission a motivé de manière lacunaire le montant de l'amende (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim-Commission, 45-69, Rec. p. 769, 811, du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a.-Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 612, et du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a.-Commission, 100-80, 101-80, 102-80 et 103-80, Rec. p. 1825, point 120).
257. La Commission se réfère aux points 45 et 46 des considérants de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
258. Il y a lieu de rappeler que l'objet de l'obligation de motivation des décisions faisant grief est de fournir aux intéressés les indications nécessaires pour savoir si elles sont ou non bien fondées et de permettre au juge d'exercer son contrôle sur la légalité de ces décisions (voir jurisprudence citée au point 226 ci-dessus et arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli-Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 65).
259. Au point 44 des considérants de la décision litigieuse, la Commission a considéré que les requérantes ne pouvaient avoir ignoré que les pratiques commerciales incriminées avaient pour objet ou du moins pour effet de restreindre la concurrence. Aux points 45 et 46, elle a évalué respectivement la gravité et la durée des infractions en vue de fixer le montant de l'amende à imposer aux requérantes. Ces deux derniers points ont fourni aux requérantes les indications nécessaires pour savoir si les amendes qui leur ont été imposées étaient ou non justifiées et ils permettent au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité.
260. Le troisième moyen ne peut donc être accueilli.
261. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation des amendes doivent être rejetées, le montant de l'amende infligée à la SCK devant seulement être réduit.
Sur les dépens
262. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes du paragraphe 3 de ce même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, les requérantes ont succombé sur l'ensemble de leurs conclusions dans l'affaire T-213-95, sur leurs conclusions principales et sur l'essentiel de leurs conclusions subsidiaires dans l'affaire T-18-96. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les requérantes seront dès lors condamnées à supporter les dépens de la partie défenderesse, y compris ceux relatifs aux procédures en référé. Elles supporteront en outre les dépens des parties intervenantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Les affaires T-213-95 et T-18-96 sont jointes aux fins de l'arrêt.
2) Le montant de l'amende infligée à la Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf à l'article 5, paragraphe 2, de la décision 95-551-CE de la Commission, du 29 novembre 1995, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-34.179, 34.202, 34.216 - Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf et Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven), est ramené à 100 000 écus.
3) Les recours sont rejetés pour le surplus.
4) Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens et les dépens exposés par la Commission, y compris ceux relatifs aux procédures en référé. Elles supporteront également les dépens des parties intervenantes.