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Décisions

CJCE, 6e ch., 17 juillet 1997, n° C-219/95 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ferriere Nord (SpA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Mancini

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Murray, Kapteyn, Hirsch, Ragnemalm

Avocat :

Me Viscardini Donà

CJCE n° C-219/95 P

17 juillet 1997

LA COUR

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 juin 1995, la société de droit italien Ferriere Nord SpA a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du tribunal de première instance du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission (T-143-89, Rec. p. II-917, ci-après l'"arrêt entrepris"), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision 89-515-CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.553 - Treillis soudés) (JO L 260, p. 1, ci-après la "décision litigieuse").

2 S'agissant des faits qui sont à l'origine du présent pourvoi, il ressort de l'arrêt entrepris :

- Par la décision litigieuse, la Commission a infligé à quatorze producteurs de treillis soudé une amende pour avoir, aux termes de son article 1er, "... enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes) qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler cette application".

- La décision litigieuse fait plus particulièrement grief à la requérante "... d'avoir participé à deux séries d'ententes sur le marché français. Ces ententes auraient impliqué, d'une part, les producteurs français... et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français... et auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations de treillis soudés en France, et de procéder à un échange d'informations. La première série d'ententes aurait été mise en œuvre entre avril 1981 et mars 1982. La seconde série d'ententes aurait été mise en œuvre entre le début de l'année 1983 et la fin de l'année 1984. Cette seconde série d'ententes aurait été formalisée par l'adoption en octobre 1983 d'un "protocole d'accord" (point 15 de l'arrêt entrepris).

- C'est à ce titre que Ferriere Nord a été condamnée à une amende de 320 000 écus.

3 Le 18 octobre 1989, la requérante a introduit un recours visant à l'annulation de la décision litigieuse. Par ordonnances du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire, ainsi que dix autres qui lui étaient connexes, devant le tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1).

4 La requérante a conclu à ce qu'il plaise au tribunal, à titre principal, d'annuler la décision litigieuse, pour autant que ses dispositions la concernent, à titre subsidiaire, de supprimer l'amende qui lui a été infligée ou de la réduire à un montant équitable et, en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens. La Commission a conclu à ce qu'il plaise au tribunal de rejeter le recours comme étant non fondé et de condamner la requérante aux dépens de l'instance.

5 A l'appui de son recours, la requérante soulevait trois moyens. Le premier était tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le deuxième était pris de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après le "règlement n° 17"), et le troisième était tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir.

6 Par l'arrêt entrepris, le tribunal a rejeté l'ensemble des moyens.

7 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d'annuler l'arrêt entrepris et de faire droit aux conclusions qu'elle avait présentées en première instance.

8 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour de rejeter le pourvoi, de confirmer la validité de la décision litigieuse et de condamner la requérante aux dépens.

9 A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens. Elle soutient que le tribunal a commis une erreur de droit dans l'interprétation et dans l'application, d'une part, de l'article 85, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

Sur le premier moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

10 Ce moyen se divise en trois branches. La requérante reproche au tribunal, tout d'abord, de ne pas avoir tenu compte de la version italienne de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ensuite, de ne pas avoir examiné en quoi les accords auxquels elle a participé affectaient le commerce entre Etats membres et, enfin, d'avoir mal apprécié les liens économiques et juridiques existant entre le marché du treillis soudé et celui du fil machine.

11 Avant d'examiner chacune de ces branches, il convient de rappeler, ainsi qu'il résulte du point 25 de l'arrêt entrepris, que la requérante a reconnu avoir adhéré aux accords conclus entre producteurs de treillis soudé et qu'elle n'a pas contesté l'objet de ceux-ci qui était de fixer des prix et des quotas.

12 La première branche du premier moyen concerne les points 30 et 31 de l'arrêt entrepris rédigés ainsi :

"30 la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'il apparaît, comme c'est le cas des accords constatés par la Décision, que ceux-ci ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun (arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45).

31 La requérante ne saurait se prévaloir de la version italienne de l'article 85 du traité pour exiger que la Commission établisse que l'entente avait à la fois un objet et un effet anti-concurrentiels. En effet, cette version ne saurait prévaloir seule contre toutes les autres versions linguistiques, qui font clairement apparaître par l'utilisation du terme "ou" le caractère non cumulatif mais alternatif de la condition en cause, comme l'a jugé la Cour dans une jurisprudence constante depuis son arrêt société technique minière, précité (Rec. p. 359). L'interprétation uniforme des normes communautaires exige, en effet, qu'elles soient interprétées et appliquées à la lumière des versions établies dans les autres langues communautaires (arrêts de la Cour du 5 décembre 1967, Van der Vecht, 19-67, Rec. p. 445, 456, et du 6 octobre 1982, Cilfit et Lanificio di Gavardo, 283-81, Rec. p. 3415, point 18)."

13 La requérante reproche au tribunal de ne pas avoir tenu compte de la version italienne de l'article 85, paragraphe 1, du traité, selon laquelle une entente doit avoir pour objet et pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, en sorte que cette disposition prévoirait une condition cumulative et non pas alternative. En faisant référence, au point 31 de l'arrêt entrepris, à une jurisprudence ne portant pas sur la version italienne de l'article 85, le tribunal aurait incorrectement motivé son argumentation. En effet, le recours aux autres versions linguistiques ne se justifierait que lorsque le sens d'une disposition dans l'une des versions ne serait pas clair, ce qui ne serait pas, en l'occurrence, le cas.

14 Certes, à la différence des autres versions linguistiques de l'article 85, il ressort de la version italienne que, par l'utilisation de la conjonction de coordination "e", l'entente doit avoir pour objet et pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Toutefois, une telle divergence ne saurait remettre en cause l'interprétation de l'article 85 faite par le tribunal au point 30 de l'arrêt entrepris.

15 Il convient en effet de rappeler que, ainsi que le tribunal l'a à juste titre jugé, il résulte d'une jurisprudence constante que les dispositions communautaires doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme à la lumière des versions établies dans les autres langues de la Communauté (arrêts précités Van der Vecht, et Cilfit et Lanificio di Gavardo, point 18). Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, en l'occurrence, la version italienne de l'article 85, prise isolément, est claire et sans équivoque dès lors que toutes les autres versions linguistiques mentionnent expressément le caractère alternatif de la condition visée à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

16 Il en résulte que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

17 La deuxième branche du premier moyen concerne les points 32 à 35 de l'arrêt entrepris, aux termes desquels :

"32 l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les restrictions de concurrence constatées aient effectivement affecté sensiblement les échanges entre Etats membres, mais requiert uniquement qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet (arrêt Miller/Commission, précité, point 15).

33 En l'espèce, il convient de relever que le fait que les unités de production de treillis soudé de la requérante soient éloignées du marché français n'est pas en soi de nature à faire obstacle à ses exportations vers ce marché. A cet égard, l'argumentation de la requérante démontre d'ailleurs par elle-même que les ententes, dans la mesure où elles tendaient à augmenter les prix, étaient susceptibles d'accroître ses exportations vers la France et donc d'affecter les échanges entre Etats membres.

34 De plus, à supposer, comme le prétend la requérante, que les ententes n'aient pas modifié la part de marché détenue globalement par les producteurs italiens et que ses exportations soient restées de beaucoup inférieures au quota qui lui avait été attribué, il n'en reste pas moins que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 172). Les ententes avaient, en effet, pour objet de contingenter les importations sur le marché français en vue de permettre une augmentation artificielle des prix sur ce marché.

35 Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l'a constaté la Décision, en adhérant à des accords qui avaient pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et qui étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité."

18 La requérante reproche au tribunal de s'être limité à constater, au point 32, qu'il suffit que les accords auxquels elle a participé soient susceptibles d'avoir une incidence sensible sur les échanges pour qu'ils soient contraires à l'article 85 du traité, alors même que le tribunal aurait dû également établir en quoi lesdits accords faisaient obstacle aux échanges entre Etats membres. Or, selon elle, les accords litigieux n'étaient pas susceptibles d'affecter de façon sensible les échanges entre l'Italie et la France.

19 A cet égard, il convient de constater que le tribunal a, à juste titre, rappelé, au point 32 de l'arrêt entrepris, que, conformément à l'arrêt du 1er février 1978 (Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 15), l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les accords visés à cette disposition ont sensiblement affecté les échanges intra-communautaires, preuve qui dans la plupart des cas ne saurait d'ailleurs que difficilement être administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet.

20 Il résulte en outre d'une jurisprudence constante que, pour qu'une décision, un accord ou une entente soit susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre Etats membres (voir arrêts du 30 juin 1966, société technique minière, 56-65 Rec. p. 337, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 170).

21 Il en résulte que la deuxième branche du premier moyen doit également être rejetée.

22 La troisième branche du premier moyen concerne le point 29 de l'arrêt entrepris :

"29 En ce qui concerne l'affectation de la concurrence, il est vrai, comme le relève la requérante, que le prix du treillis soudé dépend largement de celui du fil machine, mais il n'en résulte pas pour autant que toute possibilité de concurrence efficace dans ce domaine était exclue. Il restait, en effet, aux producteurs une marge suffisante pour permettre une concurrence effective sur le marché. Par conséquent, les ententes ont pu avoir un effet sensible sur la concurrence"

23 La requérante reproche au tribunal de n'avoir pas motivé l'affirmation selon laquelle, malgré le contexte réglementaire et économique relatif au fil machine, toute possibilité de concurrence efficace dans le domaine du treillis soudé n'était pas pour autant exclue.

24 La requérante ne conteste certes pas l'existence d'une marge de concurrence sur le marché du treillis soudé malgré le régime CECA applicable au fil machine. Elle reproche toutefois au tribunal de n'avoir pas examiné si les accords sur le treillis soudé ne pouvaient pas être conformes à l'article 85 du traité dans la mesure où ils contribuaient à l'augmentation des prix du treillis soudé et donc, indirectement, à celle des prix du fil machine. Dans le cadre de ce dernier marché, la Commission souhaitait le redressement du niveau des prix. Par conséquent, la requérante prétend que le véritable objet de l'entente avec les producteurs français de treillis soudé n'était pas de restreindre la concurrence dans ce secteur, mais de poursuivre les mêmes objectifs que ceux de la Commission dans le secteur du fil machine.

25 A cet égard, il convient de constater que c'est à bon droit que le tribunal s'est limité à constater qu'il existait, sur le marché du treillis soudé, une marge suffisante permettant une concurrence effective. La circonstance que le marché du fil machine, situé en amont de celui du treillis soudé, faisait l'objet de quotas de production - et non pas de prix imposés, comme semble le soutenir la requérante - ne saurait être de nature à modifier la constatation faite par le tribunal. En tout état de cause, le contexte réglementaire et économique du fil machine n'autorisait nullement la requérante à participer à des accords anti-concurrentiels sur un produit dérivé sous prétexte de protéger le produit en amont et de se substituer ainsi aux autorités compétentes, seules habilitées à cet effet.

26 Le premier moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.

Sur le second moyen tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

27 Ce moyen porte sur la fixation et la détermination du montant de l'amende visées à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

28 L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 dispose :

"La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes... lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité, ou

b)

Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci."

29 La requérante demande la suppression ou, du moins, la réduction de l'amende à laquelle elle a été condamnée dans la décision litigieuse.

30 A cet égard, elle soutient que le tribunal n'a pas examiné l'ensemble des arguments qu'elle a invoqués devant lui ou qu'il n'a pas suffisamment examiné en quoi ils étaient fondés. En outre, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que, à supposer que l'amende soit fondée en son principe, son montant est en tout état de cause excessif et injuste.

31 S'agissant du prétendu caractère injuste de l'amende, il importe de relever qu'il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire (arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310-93 P, Rec. p. I-865, point 34). En revanche, la Cour est compétente pour examiner si le tribunal a répondu à suffisance de droit à l'ensemble des arguments invoqués par la requérante tendant à la suppression ou à la réduction de l'amende.

32 Il convient en premier lieu de rappeler(voir ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611) que, d'une part, l'article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 17 détermine les conditions qui doivent être remplies pour que la Commission puisse infliger des amendes (conditions d'ouverture) ; parmi ces conditions, figure celle relative au caractère délibéré ou négligent de l'infraction. D'autre part, le second alinéa de cette disposition réglemente la détermination du montant de l'amende, laquelle est fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

33 La gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

34 Il convient en second lieu de relever que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'exige pas que le tribunal rappelle le caractère facultatif de l'amende. Pour que les infractions en cause soient passibles d'amendes, il lui suffisait, ainsi qu'il l'a fait aux points 41 et 42 de l'arrêt entrepris, de constater le caractère délibéré des infractions commises par la requérante ainsi que leur gravité.

35 La requérante reprend tout d'abord l'argument qu'elle estime déterminant, à savoir le lien étroit entre le treillis soudé et le régime de quotas en vigueur pour le fil machine. Selon elle, la situation n'est pas différente de celle du sucre, examinée par la Cour dans l'arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), dans lequel la Cour avait considérablement réduit les amendes. Elle reproche donc au tribunal de n'avoir discerné aucun élément de similitude entre cette affaire et le cas d'espèce.

36 Un tel argument concerne le point 63 de l'arrêt entrepris, dans lequel le tribunal a considéré :

"63 En ce qui concerne le lien existant entre le marché du treillis soudé et celui du fil machine, force est, tout d'abord, de constater que la Commission en a tenu compte (point 201 de la Décision). Pour le surplus, la requérante ne saurait se prévaloir de l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, dans la mesure où cet arrêt vise une hypothèse qui diffère fondamentalement de celle du cas d'espèce par deux éléments. D'une part, il s'agissait là d'une organisation commune de marché agricole relevant du traité CEE, alors qu'il s'agit en l'espèce d'un régime de prix et de quotas de production relevant du traité CECA. D'autre part, dans l'affaire Suiker Unie e.a./Commission, c'est le produit dérivé qui faisait l'objet d'une organisation commune de marché, alors que, en l'espèce, c'est le produit de base qui fait l'objet du régime de prix et de quotas de production. Il s'ensuit que, sur le plan économique, les hypothèses visées par l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission et la présente affaire sont fondamentalement différentes et que la requérante ne saurait donc invoquer cet arrêt à l'appui de ses prétentions."

37 La requérante soutient que les deux situations sont comparables. Dans l'affaire Suiker Unie e.a./Commission, précitée, l'organisation commune dans le secteur du sucre était nécessaire pour garantir un prix minimal pour les betteraves. En l'espèce, il n'était pas possible de garantir le prix minimal pour le fil machine sans réglementer également le marché du treillis soudé.

38 Il convient à cet égard de rappeler que, quant à l'évaluation des montants à fixer, il faut prendre en considération la gravité et la durée de l'infraction, ce qui oblige la Cour à tenir compte du contexte réglementaire et économique du comportement incriminé (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 612).

39 Contrairement à ce que soutient la requérante, le contexte réglementaire et économique des accords litigieux a été suffisamment pris en compte par le tribunal au point 63 de l'arrêt entrepris.

40 En effet, le tribunal a rappelé non seulement que la Commission a tenu compte du lien existant entre le marché du treillis soudé et celui du fil machine, mais également que les hypothèses visées par l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, et la présente affaire étaient fondamentalement différentes.

41 Il convient en effet de souligner que, dans l'affaire Suiker Unie e.a./Commission, précitée, le marché pertinent concernait un produit soumis à une organisation commune de marché dans le cadre de laquelle s'appliquaient notamment des quotas nationaux de production de sucre répartis entre les principaux producteurs. En revanche, en l'espèce, le marché pertinent, à savoir celui du treillis soudé, est libre et n'est soumis à aucune mesure de cette nature.

42 Afin d'obtenir une réduction de l'amende, la requérante avance ensuite d'autres arguments qui n'auraient pas suffisamment été pris en compte par le tribunal.

43 C'est ainsi qu'elle rappelle, en premier lieu, avoir agi uniquement en vue de sauvegarder le marché du fil machine, conformément aux dispositions adoptées par la Commission dans ce secteur.

44 Un tel argument concerne le point 64 de l'arrêt entrepris, dans lequel le tribunal a considéré :

"64 Par ailleurs, à supposer que la mise en œuvre des accords en cause ait conduit indirectement à une hausse des prix du fil machine, hausse qui était souhaitée par la Commission, la requérante ne saurait se prévaloir de cette circonstance comme d'une circonstance atténuante. Des entreprises ne peuvent, en effet, se prévaloir de ce que leurs accords de prix et de quotas pour un produit ont eu indirectement une influence positive sur les prix d'un autre produit, couvert par un système de quotas de production instauré par la Commission, sous peine d'accentuer de manière excessive l'impact de ce système de quotas. Le système de quotas instauré par la Commission, au titre du traité CECA, pour le fil machine, était limité à ce produit. Les entreprises n'étaient pas autorisées à étendre ce système à un produit régi par le traité CEE, tel le treillis soudé."

45 Or, il ressort à suffisance de ce point que le tribunal a examiné en quoi cet argument ne pouvait être considéré comme une circonstance atténuante.

46 En second lieu, la requérante soutient n'avoir retiré aucun avantage des accords litigieux et critique le point 53 de l'arrêt entrepris, dans lequel le tribunal a constaté :

"53 le fait que la requérante n'a pas tiré de bénéfice de l'infraction a été pris en considération dans le calcul de l'amende qui lui a été infligée. En effet, la Commission a tenu compte de ce que, dans le secteur du treillis soudé, la rentabilité est généralement peu satisfaisante (point 201 de la Décision), ainsi que de la situation financière des entreprises (point 203 de la Décision). En outre, l'absence de bénéfice tiré de l'infraction ne saurait faire obstacle à l'imposition d'amendes importantes sous peine de faire perdre à celles-ci leur caractère dissuasif."

47 Il ressort également de ce point que le tribunal a suffisamment examiné en quoi cet argument n'était pas fondé.

48 En troisième lieu, la requérante soutient avoir agi dans une perspective d'intégration et non pas de cloisonnement des marchés.

49 Contrairement à ce que soutient la Commission, un tel argument a effectivement été invoqué par la requérante dans son recours déposé devant le tribunal, mais n'a pas été examiné en tant que tel par ce dernier.

50 Il convient toutefois de relever qu'un tel argument s'inscrit dans le contexte plus large de l'infraction commise intentionnellement ou par négligence et, à ce titre, il a été suffisamment examiné aux points 41 et 42 de l'arrêt entrepris dans lesquels le tribunal a jugé :

41 Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence...

42 En l'espèce, eu égard à la gravité intrinsèque et au caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et en particulier à ses points a) et c), le tribunal considère que la requérante ne saurait prétendre qu'elle n'a pas agi de propos délibéré. Pour ces motifs également, la requérante ne saurait pas non plus tirer argument de ce que, comme producteur d'acier dont les activités sont habituellement régies par le traité CECA, elle ignorait que ces accords étaient contraires au traité CEE."

51 En quatrième lieu, la requérante soutient n'avoir participé ni aux accords relatifs au marché du Benelux ni à ceux portant sur le marché allemand bien que ce dernier marché ait présenté pour elle un intérêt considérable. Elle soutient également n'avoir jamais proposé pour le marché italien des mesures analogues aux mesures françaises et allemandes, bien qu'elle ait été en mesure de le faire, vu sa position importante sur le marché.

52 Il suffit de constater, sur ce point, que le tribunal a suffisamment examiné et démontré au point 48 de l'arrêt entrepris en quoi de tels arguments étaient dénués de tout fondement en jugeant :

"48 Le fait que la requérante n'ait pas participé aux infractions sur les marchés du Benelux et allemand a été pris en compte par la Décision, puisque celle-ci n'indique pas que la requérante y a participé. De même, la Décision ne constate pas que des accords ont été conclus pour le marché italien. A cet égard, la requérante ne saurait tirer argument de ce que l'infraction qu'elle a commise n'a pas été plus grave qu'elle ne l'a été pour revendiquer une diminution de l'amende qui lui a été infligée."

53 La requérante soutient, en dernier lieu, que, même si la Cour estimait que l'amende est justifiée, son montant devrait être fortement réduit en raison de la dévaluation de la lire italienne par rapport à l'écu survenue depuis le 2 août 1989, date d'adoption de la décision litigieuse. Selon elle, la Cour devrait déterminer le montant de l'amende en tenant compte de la valeur en lires italiennes correspondant au taux de change de l'écu applicable à la date à laquelle l'amende a été fixée.

54 La Commission soutient que, aux termes de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, ce moyen est irrecevable, dès lors qu'il a été présenté pour la première fois au stade de la réplique.

55 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois en vertu de l'article 118 du même règlement, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

56 Or, il convient à cet égard de constater que l'argument tiré de la dévaluation de la lire n'a été invoqué par la requérante ni devant le tribunal ni dans le cadre du présent pourvoi. Or, pour qu'un tel moyen soit recevable au stade de la réplique, la requérante aurait dû, conformément à l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, établir en quoi la dévaluation de la lire italienne était un élément de fait qui s'est révélé au cours de la présente instance. La requérante n'ayant fourni aucun élément en ce sens, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant irrecevable.

57 Aucun moyen n'ayant pu être accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

58 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.