CCE, 9 juillet 1997, n° 97-762
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Mesures prises par le Portugal en faveur d'EPAC
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2, vu le règlement (CEE) n° 1766-92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 923-96 (2), et notamment son article 19, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations (3), conformément à l'article 93 paragraphe 2 premier alinéa, considérant ce qui suit :
I
(1) Le 15 octobre 1996, la Commission a reçu une plainte concernant une éventuelle aide d'État à l'entreprise publique Empresa Para a Agroalimentação e Cereais, SA, ci-après dénommée "EPAC" concernant une garantie d'État de 30 milliards d'escudos portugais, ainsi qu'un prêt complémentaire à des conditions spéciales de 20 milliards.
N'ayant pas reçu de notification au sens de l'article 93 paragraphe 3 du traité de la part des autorités portugaises, la Commission leur a adressé, en date du 31 octobre 1996, une lettre demandant la confirmation de l'existence d'une telle aide. En cas de réponse affirmative, la Commission a en outre demandé aux autorités portugaises la notification de l'aide en question, afin de pouvoir procéder à son examen de conformité au titre des articles 92 et 93 du traité.
Par lettre du 26 novembre 1996, enregistrée le 29 novembre 1996, la représentation permanente du Portugal auprès de l'Union européenne confirme l'existence d'une garantie d'État en faveur de EPAC. Néanmoins, aucune notification de l'aide d'État n'a été adressée à la Commission au titre de l'article 93 paragraphe 3 du traité. En conséquence, cette aide a été inscrite au registre des aides non notifiées, sous le n° NN 13/97.
(2) Avant l'adhésion du Portugal à la Communauté européenne, la commercialisation des céréales était un secteur d'activité couvert par un monopole public. EPAC (à cette époque appelée : "Empresa Pública de Abastecimento de Cereais") était l'entreprise publique responsable de la gestion du marché. Le monopole public a été progressivement démantelé après l'adhésion et EPAC, transformé en société anonyme à capital public, est devenue un des opérateurs sur le marché des céréales, libéralisé à partir de 1991.
Par décision conjointe du secrétaire d'État du Trésor et des finances et du secrétaire d'État de la production agro-alimentaire du 26 juillet 1996, le Conseil d'administration de EPAC a été autorisé à négocier les conditions d'un prêt, aux conditions du marché, jusqu'à un montant maximal de 50 milliards d'escudos portugais, dont 30 milliards bénéficieront d'une garantie de l'État pour une période maximale de sept ans.
Par décision du ministre des finances n° 430-96-XIII du 30 septembre 1996 (4), la garantie susvisée a été octroyée dans le cadre d'un prêt obtenu par EPAC auprès d'un groupe de banques. Le montant de ce prêt correspond à la totalité de la dette de EPAC, qui s'élevait, en date du 30 juin 1996, à 48,7 milliards d'escudos portugais.
Ce prêt a pour objectif la restructuration du passif bancaire à court terme de EPAC en passif bancaire à moyen terme. La durée établie est de sept ans à un taux d'intérêt Lisbor 6 mois pour la partie garantie et de Lisbor 6 mois + 1,2 % pour la partie non garantie. Le paiement est semestriel et anticipé. Le remboursement sera fait sous la forme suivante : le montant non garanti doit être liquidé en dix tranches de 1,87 milliard d'escudos portugais à partir du cinquième semestre; le montant garanti est à liquider après le remboursement de la partie non garantie et au plus tard dans un délai de sept ans.
(3) Le 28 janvier 1997, le plaignant a soumis à la Commission une demande d'adoption de mesures provisoires urgentes pour la suspension de la garantie d'État en faveur de EPAC. Cette demande a été introduite à la suite du règlement (CE) n° 145-97 de la Commission, du 27 janvier 1997, relatif à l'ouverture d'adjudications de l'abattement du droit à l'importation de maïs au Portugal en provenance des pays tiers (5), et l'avis d'adjudication y afférent (6). Ce dernier prévoit que la quantité de maïs faisant l'objet de l'abattement du droit d'importation est de 350 000 tonnes.
II
(4) Par lettre SG (97) D-1550 du 27 février 1997, adressée aux autorités portugaises, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité à l'encontre des aides octroyées à EPAC.
Par cette lettre, la Commission a considéré que la garantie d'État ne respectait pas les dispositions de la lettre de la Commission aux États membres SG (89) D-4328 du 5 avril 1989, concernant la subordination des garanties à des obligations spécifiques. En outre, elle a considéré que les taux d'intérêt des emprunts, sensiblement inférieurs au taux de référence, comportaient un élément d'aide, étant donné qu'une entreprise en situation financière difficile comme EPAC ne pourrait pas, dans des conditions normales de marché, obtenir des prêts à des conditions plus favorables que celles offertes aux opérateurs en situation financière équilibrée. La Commission a pris en considération le fait que le mécanisme de consolidation du passif de EPAC semblait constituer une aide avec de fortes répercussions en faveur d'une autre entreprise (Silopor). En dernier lieu, la Commission a considéré que la garantie d'État en faveur de EPAC ne remplissait pas les conditions pour pouvoir être compatible avec le marché commun à la lumière des critères communautaires pour les aides à la restructuration des entreprises en difficulté.
En conclusion, la Commission a informé les autorités portugaises qu'elle avait considéré que, s'agissant d'une aide qui, par sa nature, ne pouvait induire aucun développement du secteur ni de la région concernée, elle semblait constituer une aide au fonctionnement contraire à la pratique constante de la Commission en matière d'application des articles 92 à 94 du traité. Elle a en outre considéré que de telles mesures conduisent directement à l'amélioration des conditions de production et de commercialisation des produits de l'entreprise par rapport aux autres opérateurs de la Communauté européenne qui ne bénéficient pas d'aides comparables. Compte tenu de ce qui précède, les aides en question entraient dans le champ d'application de l'article 92 paragraphe 1 du traité sans toutefois pouvoir bénéficier, sur la base des informations dont disposait la Commission, d'aucune des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article.
La Commission a mis, dans le cadre de cette procédure, le gouvernement portugais en demeure de présenter ses observations. La Commission a mis également les autres États membres et les autres intéressés en demeure de présenter leurs observations.
(5) Dans la même lettre, la Commission a demandé au gouvernement portugais de prendre toutes les mesures nécessaires afin de suspendre, avec effet immédiat, l'effet de la garantie octroyée à EPAC pour toute nouvelle activité commerciale de celle-ci sur le marché des céréales. Un délai de quinze jours à compter de la notification de ladite lettre a été accordé au gouvernement portugais pour informer la Commission des mesures prises pour se conformer à cette disposition. Les autorités portugaises ont été informées que, conformément à la lettre de la Commission aux États membres SG(91) D-4577 du 4 mars 1991 concernant les modalités de notification des aides et les modalités de procédure au sujet des aides mises en vigueur en violation des règles de l'article 93 paragraphe 3 du traité en vertu de l'arrêt de la Cour de justice du 14 février 1990 dans l'affaire C-301-87 : (Boussac) république française contre Commission (7), la Commission se réservait de prendre une décision provisoire enjoignant à l'État membre de suspendre immédiatement l'aide en question pour les opérations à venir.
Par lettre du 21 mars 1997, le gouvernement portugais fait valoir qu'aucune intervention de l'administration publique dans la négociation des prêts accordés par les banques à EPAC n'aurait eu lieu pour le financement des opérations commerciales et fournit des précisions quant à certains de ces prêts. Le gouvernement portugais ne fait état d'aucune mesure prise pour se conformer à l'exigence de suspendre l'effet de la garantie d'État.
Le 30 avril 1997, la Commission a adopté la décision 97-433-CE (8) qui enjoint au Portugal de suspendre immédiatement l'octroi de la garantie d'État à l'entreprise EPAC prévue par la décision du ministre des Finances n° 430-96-XIII du 30 septembre 1996, octroyée en violation de l'article 93 paragraphe 3 du traité et de communiquer à la Commission, dans un délai de quinze jours, les mesures qu'il a prises pour se conformer à cette décision. Cette décision de la Commission a été adressée au Portugal par lettre SG(97) D-3395 du 30 avril 1997.
III
(6) Par lettre du 8 avril 1997, le gouvernement portugais a présenté à la Commission des observations au sujet des mesures décrites ci-dessus.
EPAC - Empresa Para a Agroalimentação e Cereais, SA est une société anonyme à capitaux exclusivement publics créée en 1991. Cette entreprise a son origine dans EPAC - Empresa Pública de Abastecimento de Cereais (Entreprise publique d'approvisionnement de céréales) qui a été créée en 1977 par suite de la fusion de dix-neuf institutions liées à la protection et au développement de la production et du commerce des céréales. Entre 1977 et 1985, EPAC a exercé les fonctions d'organisme public d'intervention. Pendant les années correspondant à la "première étape" d'intégration européenne, EPAC a assuré les fonctions précédemment mentionnées, dans un cadre de libéralisation progressive du commerce des céréales (1986-1989) et de soutien de l'État à la commercialisation directe de céréales de la production nationale (1987-1990). Il est en outre nécessaire de prendre en considération la création de la Silopor - Empresa de Silos Portuários SA (1987), ainsi que la libéralisation totale du commerce de céréales de production nationale (juin 1991).
Dans ce contexte, l'appréciation de la situation actuelle de EPAC doit prendre en considération les contraintes pour l'entreprise des facteurs résultant du passé, notamment :
a) EPAC présente une situation patrimoniale déséquilibrée, avec un excès d'actifs fixes et une insuffisance de capitaux propres pour le financement de l'activité courante. En effet, ayant eu une fonction d'organisme public, EPAC a dû maintenir dans des conditions d'utilisation permanente un large réseau d'infrastructures de stockage, de calibrage et de séchage de céréales, dispersés sur tout le territoire national.
Le maintien d'un tel réseau d'installations a impliqué de lourds coûts annuels d'investissement et de conservation, ainsi qu'un cadre de personnel correspondant à sa grande dimension et à sa disponibilité constante. Ces coûts, ajoutés à la diminution naturelle de la part de marché de l'entreprise, se sont révélés, à partir de 1991, inadéquats aux nécessités de rentabilisation et d'obtention de niveaux concurrentiels d'activité.
b) Excès de personnel évident résultant de la nécessité de procéder à des centaines d'installations sur tout le territoire national ainsi que du fait que EPAC a rassemblé un nombre considérable de fonctionnaires de plusieurs organisations corporatives et étatiques qui l'ont précédée.
EPAC a débuté son activité avec 2 027 travailleurs. À part leur nombre, l'âge moyen de ces travailleurs était extrêmement élevé et le niveau de qualification était très bas. En 1988, dans un contexte de libéralisation du marché, l'entreprise a créé un fonds de retraite et a mis en œuvre un système de préretraite pour les travailleurs de plus de 55 ans. Entre 1990 et 1993, l'entreprise a résilié les contrats avec 362 travailleurs actifs et a racheté le paiement de 169 compléments de retraite.
c) La création de Silopor, société de capitaux exclusivement publics qui a été constituée par le décret-loi n° 293-A-86 du 12 septembre 1986, par détachement d'actif, de passif et de capital de l'EPAC.
Les silos portuaires, ainsi que tous les équipements, les installations et les matériels y afférents, auparavant appartenant à EPAC, ont été attribués à Silopor. La charge de la dette relative aux financements spécifiquement engagés pour faire face à la construction de ces silos a aussi été attribuée à Silopor. Ces financements avaient une valeur nettement inférieure aux montants totaux des travaux effectués, étant donné que la plupart des fonds nécessaires à ces investissements provenaient du refinancement successif par roll over des opérations de crédit pour l'importation de céréales, l'endettement additionnel correspondant étant attribué au passif d'EPAC. En outre, la totalité du capital social initial de Silopor (3,5 milliards d'escudos portugais) a été détachée du capital social de EPAC.
La valeur de la dette de Silopor à EPAC a été établie en 1989 à 7,596 milliards d'escudos portugais. À cette date il a aussi été conclu que Silopor n'était pas capable par ses propres moyens de liquider cette dette et qu'il était indispensable pour EPAC d'imputer des intérêts à Silopor pour le retard dans le paiement de la dette.
Silopor s'est montré incapable de liquider sa dette en raison de sa structure de capitaux déséquilibrée qui n'a pas été corrigée à temps. Le 30 juin 1996, la valeur totale des intérêts débités par EPAC à Silopor était de 21,5 milliards d'escudos portugais. En février 1997, date de la dernière évaluation, la valeur totale de la dette initiale plus les intérêts échus était de 31,22 milliards.
d) À part des facteurs de caractère structurel susmentionnés, le gouvernement portugais souligne encore le fait que dans la période d'adaptation de l'entreprise aux conditions exigées par la libéralisation, l'État portugais a soutenu la construction de silos par des coopératives afin de rendre viable leur tentative d'élargissement d'activités au domaine de la commercialisation de céréales.
En mai/juin 1995, face à la limitation d'accès à des nouveaux crédits, EPAC aurait décidé de canaliser les rares ressources financières existantes vers ses clients dans le secteur agricole. Selon les autorités portugaises, ce secteur présente des vulnérabilités reconnues et l'interruption de l'activité de l'entreprise au début d'une campagne céréalière aurait causé des perturbations difficiles à apprécier. Cette position de l'entreprise, liée à sa tradition interventionniste, a, selon les mêmes autorités, presque provoqué la paralysie de la commercialisation de produits pour l'industrie, responsable d'une partie significative du chiffre d'affaires de l'entreprise.
Le gouvernement portugais identifie encore comme conséquences de ce comportement les difficultés causées par la perte d'opportunités commerciales de l'entreprise par manque de ressources financières.
(7) Le gouvernement portugais soutient que le niveau d'endettement et le paiement des charges financières ont été tellement élevés qu'il est devenu impossible à EPAC de continuer à les assumer avec ses propres moyens. À partir d'avril 1996, EPAC a renoncé au paiement de la plupart de ses charges financières. Face à la possibilité qu'une entreprise détenue à 100 % par l'État portugais n'ait plus la possibilité d'honorer ses engagements, celui-ci a décidé de prendre une mesure de caractère exceptionnel et transitoire, qui permettrait de surmonter ce problème dans l'attente d'une solution globale.
Selon le gouvernement portugais, cette mesure a temporairement atténué certains effets de la situation résultant du passé, mais n'a en rien contribué à la solution durable des problèmes de l'entreprise quant au cash flow nécessaire à ses opérations commerciales courantes et aux exigences d'investissement requises pour la restructuration de l'entreprise et les indemnités de départ à payer aux travailleurs. Pour le financement de son activité commerciale courante, l'entreprise a dû contracter des emprunts auprès de banques à des conditions de marché.
(8) En face de l'inadéquation du plan de viabilisation et d'assainissement financier présenté par l'ancienne administration de EPAC, la nouvelle administration (entrée en fonction le 25 novembre 1996) a développé, selon les autorités portugaises, les mesures nécessaires à la solution des problèmes actuels : surdimensionnement, coûts de fonctionnement élevés, manque d'efficacité des circuits et des processus commerciaux. Ainsi, les opérations en cours de réduction d'effectifs (en janvier et février, 66 contrats de travail ont été résiliés) et de réduction des coûts de fonctionnement permettent, selon les mêmes autorités, d'anticiper déjà en 1997 des améliorations des résultats.
Finalement, le gouvernement portugais indique que la privatisation de EPAC et de Silopor est prévue dans le programme de privatisations pour 1998/1999 approuvé par le gouvernement portugais le 26 mars 1997. La procédure de restructuration financière commencera à la fin du premier semestre de 1997. À la suite de la restructuration, la garantie d'État serait annulée.
(9) Par lettre du 21 mai 1997, le gouvernement portugais a envoyé à la Commission sa réponse à la décision 97-433-CE de la Commission qui enjoint au Portugal de suspendre immédiatement la garantie d'État en faveur de EPAC. Dans cette réponse, le gouvernement portugais a, outre les questions relatives à la suspension de la garantie, ajouté les observations suivantes.
a) Il s'agit de l'octroi d'une garantie couvrant les obligations assumées par EPAC et découlant du contrat de restructuration de crédits conclu avec le consortium bancaire créancier. La contribution financière résulte uniquement de ce contrat, auquel l'État n'était pas partie.
L'État lui-même est responsable de la nécessité de l'opération de crédit en question, laquelle n'a pas pour effet de conférer un avantage à une entreprise par rapport à d'autres, mais plutôt d'atténuer un préjudice que l'État a causé à l'entreprise de sa propre initiative, avec la création de Silopor.
Les autorités portugaises indiquent que les conditions de l'opération avalisée sont adaptées, dans un contexte normal de marché, aussi bien à la dimension de EPAC qu'à son statut d'entreprise détenue à 100 % par l'État, au volume des créances qu'elle même détient sur Silopor et à la nature de l'opération.
b) Selon les autorités portugaises, l'aval octroyé à EPAC ne constitue pas une aide financière au fonctionnement de l'entreprise et n'a donc pas faussé les conditions de concurrence. En effet, l'aval n'a été qu'un moyen de régulariser une situation découlant du passé, avec pour objectif de placer EPAC dans la situation où elle se trouverait si son principal débiteur, Silopor, avait payé une dette publiquement reconnue. D'autre part, la garantie ne couvre que la partie du passif de EPAC qui a résulté de la volonté et de la responsabilité de l'État.
c) Selon les autorités portugaises, il n'a pas été démontré comment et dans quelle mesure l'octroi de l'aval de l'État à EPAC serait de nature à affecter les échanges commerciaux entre les États membres, condition essentielle pour l'application du droit de la concurrence.
d) Quant à l'absence de mesures prises pour suspendre les effets de la garantie de l'État, les autorités portugaises prétendent que le financement de l'activité commerciale courante de l'entreprise n'avait pas bénéficié de l'opération garantie par l'aval de l'État. L'État n'a eu, ni n'aura, aucune intervention dans la négociation des prêts bancaires contractés par EPAC auprès des institutions financières dans le cadre de son activité courante.
(10) La Commission n'a pas reçu d'observations de la part d'autres États membres ou d'autres intéressés.
IV
(11) L'article 19 du règlement (CEE) n° 1766-92 établit que les articles 92 à 94 du traité sont applicables à la production et au commerce des produits visés à l'article 1er dudit règlement, sous réserve de dispositions contraires dudit règlement.
Aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
Dans sa lettre du 21 mai 1997, le gouvernement portugais fait valoir qu'il n'a pas été démontré de quelle manière la garantie d'État accordée à EPAC affecte les échanges entre États membres, condition essentielle à l'application du droit communautaire de la concurrence.
La production communautaire de céréales est de 173,9 millions de tonnes. La production portugaise de céréales est de 1,52 million de tonnes. Les échanges entre la Communauté européenne et le Portugal sont significatifs étant donné que le Portugal est un pays déficitaire en céréales, qui importe annuellement des autres États membres une quantité de céréales supérieure à sa production (1,83 million de tonnes) et en exporte 32 530 tonnes vers ces États membres. La valeur monétaire de ces échanges, en ce qui concerne le Portugal, s'est élevée en 1996 (9) à environ 5,8 millions d'écus pour les exportations et 310 millions d'écus pour les importations.
Dès lors, les mesures en cause sont susceptibles d'affecter les échanges de céréales entre les États membres, lesdits échanges étant affectés lorsqu'un opérateur actif dans le commerce intra- et extra-communautaire de céréales reçoit des aides qui le favorisent par rapport aux autres. Les mesures en question ont eu un effet direct et immédiat sur les coûts de revient de l'entreprise qui a bénéficié ainsi d'un avantage économique par rapport aux autres entreprises du secteur qui n'ont pas eu accès, au Portugal et dans les autres États membres, à des aides comparables. Par conséquent, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence.
Compte tenu de ce qui précède, les aides en question sont à considérer comme des aides d'État remplissant les critères prévus à l'article 92 paragraphe 1 du traité.
V
(12) L'article 92 paragraphe 1 du traité prévoit que les aides répondant aux critères qu'il énonce sont en principe incompatibles avec le marché commun.
Les dérogations à cette incompatibilité prévues au paragraphe 2 de l'article 92 ne sont manifestement pas applicables aux aides en question, et n'ont pas été invoquées par le gouvernement portugais.
En ce qui concerne les dérogations prévues au paragraphe 3 dudit article, il est précisé que les objectifs poursuivis doivent être d'intérêt communautaire et non pas seulement de l'intérêt de secteurs particuliers de l'économie nationale. Ces dérogations (qui doivent être d'interprétation stricte) ne peuvent être accordées que dans les cas où la Commission peut établir que les aides sont nécessaires pour la réalisation d'un des objectifs visés par ces dispositions. Accorder le bénéfice de ces dérogations à des aides n'impliquant pas une telle contrepartie reviendrait à permettre des atteintes aux échanges entre États membres et des distorsions de concurrence non justifiées au regard de l'intérêt commun et, corrélativement, à accorder des avantages indus en ce qui concerne les opérateurs d'autres États membres.
Dans le cas d'espèce, l'octroi des aides en question ne permet pas de constater l'existence d'une telle contrepartie. En effet, le gouvernement portugais n'a pas fourni, et la Commission n'a pas décelé, de justification permettant d'établir que les aides en cause remplissent les conditions requises pour l'application d'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité.
Il ne s'agit pas de mesures destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun au sens de l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité étant donné que, par les effets qu'elles peuvent avoir sur les échanges, ces aides vont à l'encontre de l'intérêt commun.
Il ne s'agit non plus de mesures destinées à remédier à une perturbation grave de l'économie de l'État membre concerné au sens de la même disposition.
(13) En ce qui concerne les arguments avancés par le gouvernement portugais, la Commission précise ce qui suit.
a) La description de l'évolution historique de EPAC et des conséquences négatives qui en résultent pour l'activité de l'entreprise, notamment la situation patrimoniale déséquilibrée, l'excès de personnel évident, la création de Silopor et autres facteurs est utile pour expliquer la situation financière difficile de EPAC et les raisons d'être de cette situation. Néanmoins, elle n'est pas de nature à modifier la position de la Commission en ce qui concerne l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité.
b) Lors de l'ouverture de cette procédure, la Commission a analysé la conformité de l'aide octroyée à EPAC à la lumière du contenu de la communication "Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté" (10). Cette communication prévoit des dispositions en ce qui concerne la conformité des aides au sauvetage et à la restructuration.
La Commission a considéré que les critères concernant les aides au sauvetage des entreprises, destinés tout simplement à assurer la continuation de l'activité de l'entreprise pendant une brève période dans l'attente d'une évaluation des perspectives de viabilité des entreprises, étaient inapplicables dans le cas d'espèce étant donné que les autorités portugaises avaient mentionné l'existence d'un plan de viabilisation économique et d'assainissement financier de EPAC. La Commission a donc examiné l'aide à la lumière des critères relatifs aux aides à la restructuration.
À la lumière des informations transmises par le gouvernement portugais, la Commission note maintenant que celui-ci considère ce plan de viabilisation et d'assainissement financier de EPAC (qui n'a pas été transmis à la Commission) comme inadéquat pour la solution des problèmes actuels. Comme souligne le gouvernement portugais, le niveau d'endettement et le paiement des charges financières y afférentes ont atteint un niveau tellement élevé qu'il est devenu impossible pour EPAC de continuer à les assumer avec ses propres moyens. La garantie d'État a donc été une mesure exceptionnelle et transitoire, permettant de maintenir l'activité de l'entreprise jusqu'à ce qu'une solution globale ait pu être trouvée. Face à ces informations, la Commission constate qu'il s'agit d'une aide au sauvetage d'une entreprise en difficulté au sens de l'encadrement précité.
En tout état de cause, la Commission souligne que la garantie d'État en faveur de EPAC ne répond pas aux critères définis dans la communication pour être considérée comme une aide au sauvetage compatible avec le marché commun. En effet, les aides au sauvetage doivent :
- consister en des aides de trésorerie prenant la forme de garanties de crédits ou de crédits remboursables portant un taux équivalent à celui du marché,
- se borner dans leur montant à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'entreprise (couverture des charges salariales, approvisionnements courants, etc.),
- n'être versées que pour la période nécessaire (en règle générale ne dépassant pas six mois) à la définition de mesures de redressement nécessaires et possibles,
- être justifiées par des raisons sociales aiguës et ne pas avoir pour effet de déséquilibrer la situation industrielle dans d'autres États membres.
De toute évidence, la garantie d'État en faveur de EPAC ne répond pas à ces critères. En effet, le taux d'intérêt des emprunts obtenus par EPAC est bonifié grâce à la garantie et la durée prévue pour l'opération de crédit est de sept ans (dépassant très largement la règle générale établie de six mois). En outre, il est difficile de justifier qu'une garantie d'État d'une telle dimension financière soit le montant strictement nécessaire à l'exploitation courante de l'entreprise. Finalement, aucune justification sociale pressante en faveur du maintien de l'activité de l'entreprise n'a été invoquée par le gouvernement portugais pour l'octroi de l'aide ou décelée par la Commission.
Compte tenu de ce qui précède, les critères communautaires pour les aides à la restructuration des entreprises en difficulté présents dans l'encadrement mentionné ci-dessus ne sont pas applicables dans le cas d'espèce.
c) La création de Silopor et la dette impayée de cette entreprise à EPAC sont considérées par le gouvernement portugais comme une des contraintes résultant du passé pour la situation financière actuelle de EPAC. Celui-ci invoque encore qu'il ne s'agit pas d'une aide au fonctionnement, mais d'un moyen de régulariser une situation du passé et d'atténuer un dommage causé à EPAC par une initiative de l'État et que la garantie ne couvre que la partie de la dette de EPAC résultant de la création de Silopor.
La Commission ne peut accepter ces arguments qui selon elle ne prennent en considération que les effets de l'aide pour EPAC, sans mentionner les effets de l'aide pour Silopor. La Commission avait déjà souligné lors de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité que le mécanisme de consolidation du passif de EPAC semblait constituer une aide avec des fortes répercussions en faveur de Silopor. À présent, le gouvernement portugais indique que Silopor, en raison de sa structure de capitaux déséquilibrée, n'est pas en mesure de régler sa dette envers EPAC ni les intérêts y afférents, qui selon la dernière évaluation, sont de l'ordre de 31,2 milliards d'escudos portugais.
Ainsi, la Commission peut conclure que la garantie d'État en faveur de EPAC constitue aussi une aide d'État en faveur de son émanation directe Silopor. En effet, l'État portugais, seul actionnaire des deux entreprises, au moyen de la garantie d'État en faveur de EPAC, permet à celle-ci de ne pas exiger la satisfaction de ces créances, ce qui revient à une aide indirecte à Silopor. D'autre part, face aux difficultés financières de EPAC, dues en partie au non-paiement de la dette par Silopor, l'État portugais se substitue à cette dernière et garantit le montant dû.
d) Le gouvernement portugais souligne que les conditions de l'opération bancaire avalisée par l'État sont adaptées, dans un contexte normal de marché, aussi bien à la dimension de EPAC, à son statut d'entreprise exclusivement publique, au volume des dettes et à la nature de l'opération.
Ces arguments ne peuvent pas être retenus par la Commission. La politique de la Commission en ce qui concerne le calcul de l'élément d'aide des garanties d'État tient compte de l'écart entre le taux qu'un emprunteur paierait sur le marché libre, d'une part, et le taux effectivement obtenu grâce à la garantie, net de toute prime payée pour la garantie (11). Le taux de référence communautaire à la date de l'octroi du prêt était de 12,51 %, ce qui peut dans le cas d'espèce être considéré comme un taux minimal, étant donné que la situation financière difficile de EPAC ne lui aurait pas permis d'obtenir un prêt à des conditions plus favorables que celles offertes aux opérateurs en situation financière équilibrée. En outre, les taux des prêts sont indexés sur le taux Lisbor à 6 mois pour la partie garantie et Lisbor 6 mois + 1,2 % pour la partie non garantie. Le taux Lisbor 6 mois à la date d'octroi du prêt était de 6,75 % (12). La prime pour la garantie est de 0,2 % par année. L'élément d'aide correspond donc au moins à la différence entre le taux de référence communautaire et les taux effectivement appliqués, diminués le cas échéant de la prime de la garantie.
e) Dans sa lettre SG (89) D-4328 du 5 avril 1989, la Commission a précisé que seules seront considérées comme compatibles avec le marché commun les garanties d'État dont la mobilisation est subordonnée contractuellement à des obligations spécifiques pouvant aller jusqu'à la déclaration obligatoire de faillite de l'entreprise bénéficiaire ou une procédure analogue. La Commission avait considéré lors de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité que le respect de ce critère minimal n'était pas assuré dans la garantie d'État en cause. La Commission prend acte de ce que le gouvernement portugais n'a pas contesté cette affirmation.
Pour ce qui concerne les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité visant des aides destinées à favoriser ou à faciliter le développement économique de certaines régions ou de certaines activités, la Commission conclut, au vu de l'analyse qui précède et à la lumière des règles communautaires applicables, que les aides en question, par leur caractère d'aides au fonctionnement, ne peuvent pas améliorer d'une façon durable les conditions du secteur et de la région concernée (13).
Dès lors, ces aides ne peuvent bénéficier d'aucune des dérogations prévues au paragraphe 3 de l'article 92 du traité.
(14) Les aides en question sont donc incompatibles avec le marché commun.
VI
(15) Le Portugal a manqué à l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 93 paragraphe 3 du traité, d'abord en ne notifiant pas les mesures prises en faveur de EPAC mentionnées au titre I ci-dessus à l'état de projet et ensuite en les mettant à exécution sans que la Commission ait pu se prononcer à leur égard. Par conséquent, ces mesures sont illégales au regard du droit communautaire dès leur exécution du fait qu'elles ont été mises en œuvre en violation de l'article 93 paragraphe 3 du traité. Ces manquements entraînent une situation particulièrement grave puisque les aides en cause sont, quant au fond et pour les raisons exposées ci-dessus, incompatibles avec le marché commun au titre de l'article 92 du traité. Il s'agit en effet de mesures, qui par leur nature, sont particulièrement aptes à produire des effets néfastes directs et immédiats sur le marché des céréales.
À cet égard, il convient de rappeler que, étant donné le caractère impératif de la procédure visée à l'article 93 paragraphe 3 du traité, dont la Cour de justice a reconnu l'effet direct dans (entre autres) ses arrêts du 19 juin 1973 dans l'affaire 77-72 : Carmina Capolongo contre Azienda Agricola Maya (14) et du 21 novembre 1991 dans l'affaire 354-90 : Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et autres contre France (15), il ne peut être remédié a posteriori à l'illégalité de l'aide en question.
En outre, en cas d'incompatibilité des aides avec le marché commun, la Commission peut faire usage de la possibilité que lui offre l'arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 1973 dans l'affaire 70-72 : Commission contre république fédérale d'Allemagne (16), confirmé par les arrêts du 24 février 1987 dans l'affaire 310-85 : Denzel contre Commission (17) et du 20 septembre 1990 dans l'affaire C-5-89 : Commission contre république fédérale d'Allemagne (18), et obliger l'État membre à récupérer auprès des bénéficiaires le montant de toute aide illégalement octroyée.
Compte tenu de ce qui précède, les aides octroyées par le gouvernement portugais à EPAC doivent faire l'objet d'un remboursement.
S'agissant d'aides sous forme de garantie d'État et ayant un effet de bonification du taux d'intérêt, l'avantage financier indûment perçu est représenté par la différence entre le coût financier de marché d'emprunts bancaires (représenté par le taux de référence) et le coût financier effectivement payé par EPAC dans le cadre de l'opération financière (tenant compte du coût de la garantie). Étant donné que le taux d'intérêt est indexé sur le taux Lisbor 6 mois et que les intérêts sont payables semestriellement, il y a lieu de procéder au calcul de cette différence sur une périodicité semestrielle.
Le remboursement doit être fait conformément aux procédures et aux dispositions de la législation portugaise, les intérêts commençant à courir à partir de la date d'octroi des aides illégales en cause (19). Le taux d'intérêt qui doit être appliqué est le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale (20).
La présente décision ne préjuge toutefois pas des conséquences que la Commission tirera, le cas échéant, sur le plan du financement de la politique agricole commune par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA),
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Les aides octroyées par le gouvernement portugais à EPAC sont illégales, étant donné qu'elles ont été octroyées en violation des règles de procédure visées à l'article 93 paragraphe 3 du traité. En outre, elles sont incompatibles avec le marché commun au titre de l'article 92 paragraphe 1 du traité et ne répondent pas aux conditions des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article.
Article 2
1. Le Portugal est tenu de supprimer les aides visées à l'article 1er dans un délai de quinze jours à compter de la date de la notification de la présente décision.
2. Dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, le Portugal prend les mesures nécessaires afin de récupérer, par voie de recouvrement, les aides visées à l'article 1er.
3. Le recouvrement se fera conformément aux procédures prévues par la législation portugaise, les intérêts commençant à courir à la date à laquelle les aides ont été versées. Le taux d'intérêt qui doit être appliqué est le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
Article 3
1. Le Portugal tient la Commission constamment informée des mesures adoptées pour se conformer à la présente décision. La première communication sera faite au plus tard un mois après la notification de la présente décision.
2. Au plus tard deux mois après l'expiration du délai prévu à l'article 2 paragraphe 2, le Portugal communique à la Commission les informations qui permettent à celle-ci de vérifier, sans enquête supplémentaire, que l'obligation de récupération a été accomplie.
Article 4
La République portugaise est destinataire de la présente décision.
(1) JO L 181 du 1. 7. 1992, p. 21.
(2) JO L 126 du 24. 5. 1996, p. 37.
(3) JO C 140 du 7. 5. 1997, p. 16.
(4) Publiée dans le Journal officiel portugais, IIe série n° 237 du 12. 10. 1996.
(5) JO L 25 du 28. 1. 1997, p. 17.
(6) JO C 27 du 28. 1. 1997, p. 12.
(7) Recueil 1990, p. I-307.
(8) JO L 186 du 16. 7. 1997, p. 25.
(9) Source : Eurostat.
(10) JO C 368 du 23. 12. 1994, p. 12.
(11) Voir communication de la Commission sur l'application des articles 92 et 93 du traité et de l'article 5 de la directive 80-723-CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO C 307 du 13. 11. 1993, p. 3) et communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO C 68 du 6. 3. 1996, p. 9).
(12) Bulletin statistique de la Banque du Portugal - janvier 1997.
(13) Arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 1995 dans l'affaire T-459-93 : Siemens SA contre Commission des Communautés européennes; Recueil 1995, p. II-1675.
(14) Recueil 1973, p. 611.
(15) Recueil 1991, p. 5505.
(16) Recueil 1973, p. 813.
(17) Recueil 1987, p. 901.
(18) Recueil 1990, p. I-3437.
(19) Lettre de la Commission aux États membres SG (91) D-4577 du 4 mars 1991.
(20) JO C 232 du 10. 8. 1996, p. 10.