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Décisions

CCE, 26 juin 1997, n° M.890

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Blokker/Toys "R" Us

CCE n° M.890

26 juin 1997

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 8, paragraphes 3 et 4, et son article 22, vu la décision prise par la Commission, le 21 février 1997, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leurs points de vue sur les griefs formulés par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (2), considérant ce qui suit :

(1) La présente procédure concerne une demande d'examen adressée à la Commission le 23 janvier 1997 par le gouvernement néerlandais, conformément à l'article 22 du règlement (CEE) n° 4064-89 ("règlement sur les concentrations"), à propos de l'acquisition des activités néerlandaises de Toys "R" Us par Blokker. L'accord présidant à l'opération (qui comporte différents accords de mise en œuvre) a été signé par les parties, sous forme d'échanges de lettres, le 24 décembre 1996. L'opération a été portée à la connaissance des autorités néerlandaises par lettre du 13 janvier 1997.

(2) Le 21 février 1997, la Commission a adopté, sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point c), et de l'article 22 du règlement sur les concentrations, une décision constatant que la demande était recevable aux fins de l'article 22, qu'elle avait été présentée dans le délai d'un mois prévu à l'article 22, paragraphe 4, et que l'opération de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.

I. LES PARTIES

(3) Blokker Holding BV ("Blokker") est un important groupe de distribution aux Pays-Bas. Ses principales activités sont la vente au détail d'articles ménagers, de jouets et autres produits. Blokker exploite plusieurs chaînes de magasins, soit en tant que propriétaire, soit sur la base d'accords de franchise. Blokker exploite actuellement 147 magasins de jouets "Bart Smit", qu'elle détient en totalité, et 196 magasins de jouets "Intertoys", dont [...] (*) sous franchise. Blokker propose aussi un large assortiment de jouets dans ses magasins d'articles ménagers, en particulier dans les points de vente "Blokker", "Marskramer" et "Familux" (431 magasins, dont [...] sous franchise). En 1995, Blokker a réalisé un chiffre d'affaires total de [...] millions d'écus.

(4) Blokker est également présent dans d'autres Etats membres. La société exploite environ 160 magasins d'articles ménagers Blokker en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et en France, 15 magasins Bart Smit en Belgique et 2 magasins Intertoys en Allemagne.

(5) Toys "R" Us Inc. (US) est l'une des principales sociétés de vente de jouets au détail dans le monde, présente dans la plupart des Etats membres de la Communauté. Son chiffre d'affaires mondial s'est élevé à 7,523 milliards d'écus en 1996. Toys "R" Us (Netherlands) BV est une filiale à 100 % de Toys "R" Us Inc. (US) et a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires total de 27,5 millions d'écus. Ces entreprises sont désignées ci-après sous l'appellation de Toys "R" Us.

II. LES ACCORDS

(6) L'opération décrite dans l'accord du 24 décembre 1996, appelée "lettre d'accord" ("Letter agreement"), a été réalisée grâce à une série d'accords : l'accord-cadre de sous-location ("Master Sublease agreement"), l'accord de rachat des actifs ("Asset Purchase agreement"), l'accord de franchise ("Franchise agreement") et l'accord d'aide à la commercialisation ("Marketing subsidy agreement"). Sur les neuf magasins exploités par Toys "R" Us, Blokker a repris les six magasins d'Alkmaar, d'Utrecht, de Breda, de Beek, de Muiden et de Rotterdam-De Boog. Les trois magasins d'Arnhem, de Rotterdam-Zuidplein et d'Eindhoven sont exploités par Blokker dans le cadre d'un contrat d'exploitation temporaire. Il seront fermés dès qu'un autre locataire aura été trouvé ou qu'un accord aura pu être conclu avec les différents propriétaires. L'opération s'est terminée le 3 février 1997. C'est aussi à cette date que Blokker a commencé à exploiter les magasins Toys "R" Us.

(7) Speelhoorn BV, (ci-après "Speelhoorn") une filiale à 100 % de Blokker, sous-loue à Toys "R" Us les cinq magasins d'Alkmaar, d'Utrecht, de Breda, de Beek et de Rotterdam-De Boog, dont Toys "R" Us (Netherlands) BV est actuellement locataire. Speelhoorn loue aussi à Toys "R" Us le magasin de Muiden, dont la société américaine est propriétaire. Les baux expireront entre [...] et [...], et les contrats de sous-location, ou de location, dans le cas de Muiden, resteront valables tant que l'accord de franchise sera en vigueur. La surface de chaque magasin sera ramenée de 3 000-4 000 m2 à environ [...] m2, et dans la mesure du possible, l'espace restant sera également mis en sous-location, au mètre carré, par Toys "R" Us. Le loyer payé à Toys "R" Us par Blokker est inférieur à ce que Toys "R" Us paie à chacun de ses propriétaires.

(8) Blokker rachète à Toys "R" Us (Netherlands) BV les actifs et les stocks des neuf magasins concernés, à l'exception des caisses et su système informatique. Blokker verse à Toys "R" Us [...] florins pour les stocks et [...] florins pour les "actifs" (meubles et équipements divers). Blokker reprend aussi les contrats de travail de l'ensemble du personnel des magasins. [...].

(9) L'accord de franchise confère à Blokker le droit exclusif d'utiliser la marque et le système Toys "R" Us aux Pays-Bas. Toys "R" Us a défini des normes concernant le type, la qualité et l'assortiment des articles proposés. Blokker peut y ajouter d'autres catégories de produits, qui ne sont pas habituellement vendues dans les magasins Toys "R" Us, et est libre de décider des produits retenus dans chaque catégorie et de leur prix respectif. La durée de la franchise est de douze ans, le franchisé ayant le droit de renouveler l'accord par périodes de dix ans, pour autant qu'il n'ait commis aucune violation substantielle de celui-ci. Le franchisé doit acquitter une redevance égale à [...] de son chiffre d'affaires net et une commission de [...] sur ses achats groupés. [...].

(10) L'accord de franchise confère à Blokker le droit d'acheter des jouets par l'intermédiaire de la centrale d'achat de Toys "R" Us. Selon l'accord, les produits ainsi achetés peuvent être proposés à la vente par le franchisé ou dans tout "magasin sous franchise".

(11) [...].

III. L'OPERATION DE CONCENTRATION

(12) Les parties soutiennent que l'opération ne constitue pas une concentration au sens du règlement sur les concentrations. Selon elles, l'accord de franchise est la clé de voûte de l'opération et les autres accords ne sont que des accords annexes destinés à en faciliter l'exécution. Les parties affirment également que Blokker n'acquiert pas le contrôle d'une entreprise au sens du règlement sur les concentrations et ne jouit pas, en tant que franchisé, d'une sécurité plus grande que celle accordée par n'importe quel accord de franchise classique. Elles font aussi observer qu'un accord de franchise doit être examiné au regard de l'article 85 du traité CE et du règlement (CEE) n° 4087-88 de la Commission (3), le règlement exemptant des catégories d'accords de franchise, et qu'il ne peut donc constituer un élément d'une concentration.

(13) Selon l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, une opération de concentration est réalisée lorsqu'une entreprise acquiert le contrôle direct ou indirect de l'ensemble ou de parties d'une autre entreprise. L'article 3, paragraphe 3, définit le contrôle comme découlant des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une entreprise, et notamment des droits de propriété ou de jouissance détenus sur tout ou partie de ses actifs. Aux fins du règlement sur les concentrations, le contrôle est donc la possibilité d'exercer une influence décisive sur une entreprise. Par conséquent, l'acquisition du contrôle ne se limite pas aux cas de reprise d'une entité juridique ; elle peut aussi intervenir par l'acquisition d'actifs. Dans ce cas, les actifs en question doivent constituer une activité à laquelle on puisse rapporter un chiffre d'affaires déterminé(4).

(14) Le simple fait que l'accord de franchise fasse partie de l'opération ne saurait exempter l'ensemble de l'opération de l'application du règlement sur les concentrations. La question décisive est de savoir si l'ensemble des accords conclus entre Toys "R" Us et Blokker donnera à Blokker le contrôle des activités de Toys "R" Us qui restent sur le marché néerlandais. Les trois magasins qui sont voués à la fermeture et qui ne continuent d'être exploités que de manière temporaire ne font pas partie de l'opération, puisque Blokker n'en acquiert pas durablement le contrôle.

(15) Dans le cadre de cette opération, Blokker reprend tous les actifs (baux, équipements et stocks, personnel, utilisation de la marque) qui constituent l'activité de Toys "R" Us aux Pays-Bas. Un chiffre d'affaires déterminé peut être rapporté à cette activité. L'opération entraîne une modification durable de la structure des entreprises concernées, compte tenu de la durée des accords sur lesquels elle se fonde. La société Toys "R" Us a déclaré à plusieurs reprises qu'elle avait fermement décidé de quitter le marché néerlandais et qu'elle ne choisirait pas d'autre repreneur. Le fait que Blokker exploite les magasins sous franchise n'exclut pas que Blokker exerce un contrôle. En l'occurrence, l'accord de franchise ne confère pas à Toys "R" Us des droits qui permettraient de conclure qu'elle conserve le contrôle de ces activités. C'est le franchisé qui, dans les catégories données, sélectionne les produits et fixe leur prix de vente. Blokker a confirmé dans sa lettre du 7 février 1997 que son accord avec Toys "R" Us lui permettait d'ajouter d'autres catégories de produits qui ne sont pas habituellement proposées dans les magasins Toys "R" Us, comme les meubles de jardin et les décorations de Noël. Blokker déclare aussi vouloir créer un nouveau type de magasin radicalement différent du concept Toys "R" Us. Cet élément confirme que Blokker n'acquiert pas seulement le contrôle des activités quotidiennes des magasins, mais en détermine aussi le concept. Toys "R" Us ne décidera donc plus de l'évolution de cette activité, mais cédera cette prérogative à Blokker.

(16) Par conséquent, Blokker acquiert le contrôle de différentes parties d'une entreprise au sens de l'article 3, paragraphe 1, et l'opération constitue une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(17) Le chiffre d'affaires mondial combiné des parties ne dépasse pas 5 milliards d'écus. Le chiffre d'affaires mondial de Blokker s'élève à [...] millions d'écus. Le chiffre d'affaires de Toys "R" Us (Netherlands) BV pouvant être imputé aux succursales reprises par Blokker est estimé par Toys "R" Us à [...] millions d'écus. Il s'ensuit que l'opération de concentration n'a pas de dimension communautaire au sens de l'article 1er du règlement sur les concentrations.

V. EFFET SUR LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES

(18) L'article 22, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations dispose que l'opération doit affecter le commerce entre Etats membres. Or, une [...] proportion ([...]) des jouets vendus par le groupe Blokker et, d'une manière générale, des jouets vendus sur le marché néerlandais proviennent d'autres Etats membres. En outre, avant l'opération, la majorité des produits vendus par Toys "R" Us étaient fournis par la structure d'approvisionnement de la société, située en Allemagne. Tel n'est plus le cas depuis l'opération. Blokker s'approvisionne auprès de sources variées, notamment par des importations directes en provenance d'usines d'Extrême-Orient et auprès d'importateurs ou de distributeurs néerlandais.

(19) De plus, l'acquisition des magasins de Toys "R" Us par Blokker peut rendre plus difficile, pour de nouveaux arrivants, l'accès au marché néerlandais de la vente de jouets au détail, et notamment pour les concurrents d'autres Etats membres.

(20) Par conséquent, la modification structurelle du marché néerlandais de la distribution spécialisée de jouets, telle qu'elle est décrite ci-dessous, aura une influence appréciable, directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur le commerce entre Etats membres (5).

VI. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

A. Vente de jouets au détail aux Pays-Bas

Marché de la vente de jouets au détail

(21) En général, l'assortiment de produits proposé dans les points de vente de jouets au détail comprend essentiellement les catégories de produits suivantes : jouets pour bébés et enfants en bas âge, poupées, peluches, animaux pour jouer, jeux de construction, jeux de société, puzzles, kits d'assemblage, équipements pour jeux de plein air, jeux d'éveil et articles pour travaux manuels (jouets dits "classiques"), ainsi que les jeux électroniques, comme les jeux d'ordinateur et les jeux vidéo. Cette classification des jouets habituellement vendus par les détaillants, qui est celle utilisée dans les études de marché disponibles (6), est généralement acceptée par les professionnels du jouet et confirmée par les détaillants et fournisseurs de jouets interrogés par la Commission.

(22) Il n'existe que deux études accessibles au public contenant des informations sur le montant total des ventes de jouets aux Pays-Bas, qui ont été publiées par le centre d'études sur le commerce de détail de l'EIM (7) et Gfk Interact (8). Ces deux études contiennent des estimations sur l'ensemble des ventes de jouets au détail réalisées aux Pays-Bas et sur l'importance des différents canaux de distribution par l'intermédiaire desquels les jouets sont vendus au consommateur final. Toutes deux indiquent une baisse en valeur des ventes de jouets ces dernières années. D'après l'étude du Gfk, le nombre de jouets vendus aux Pays-Bas est en légère hausse depuis trois ans, mais le prix moyen de chaque article a baissé, d'où une diminution de la valeur totale des ventes.

(23) La vente de jouets au détail se distingue par son caractère fortement saisonnier. Environ 50 % des ventes annuelles sont réalisées entre le 1er octobre et le 31 décembre. A cet égard, une caractéristique du marché néerlandais réside dans les achats effectués pour la Saint-Nicolas, qui commencent en novembre et culminent au soir du 5 décembre. De ce fait, le pic des ventes intervient plus tôt aux Pays-Bas que dans les pays voisins. Le marché néerlandais se distingue aussi par le fait que les sommes consacrées aux achats de jouets par enfant y sont inférieures d'environ 20 % à la moyenne de l'Europe occidentale.

Montant total des ventes

(24) Le centre d'études sur le commerce de détail de l'EIM a estimé le montant total des ventes de jouets aux Pays-Bas à 870 millions de florins (410 millions d'écus) en 1996. Selon la définition de l'EIM, ce chiffre correspond aux jouets classiques et autres jouets tels que les jeux électroniques et les jeux d'ordinateur, mais n'englobe pas les CD-ROM et les cassettes vidéo pour enfants. Les calculs de l'EIM se fondent sur les statistiques de production du "Centraal Bureau voor de Statistiek" néerlandais et sur ses propres estimations.

(25) L'étude de marché du Gfk estime le montant total des ventes de jouets aux Pays-Bas à quelque 734 millions de florins (343 millions d'écus) en 1996. Cette étude porte sur toutes les catégories de jouets, y compris les jeux électroniques et vidéo, à l'exclusion des vidéos et CD-ROM pour enfants. L'enquête a été réalisée auprès d'un panel constitué de 5 000 consommateurs, qui ont été interrogés à intervalles réguliers sur leurs achats de jouets. L'étude ne concerne que les achats de plus de 10 florins (4,7 écus) effectués par des personnes de plus de douze ans. Selon deux grands fournisseurs (LEGO et Mattel), les chiffres de Gfk ne correspondent qu'à environ 75-80 % de l'ensemble des ventes. Dans cette hypothèse, le montant total des ventes peut être estimé à 980 millions de florins (457 millions d'écus) pour 1996.

(26) La Commission a reçu une étude de marché de LEGO selon laquelle les ventes se montent, au total, à 1 053 millions de florins. Cette étude n'inclut pas les vidéos et CD-ROM pour enfants.

B. Le marché des produits en cause

(27) Les parties à l'opération se consacrent à la vente au détail d'un large assortiment de jouets dans des magasins spécialisés ou disposant d'un rayon jouets.Aux Pays-Bas, les jouets sont surtout vendus par des magasins spécialisés qui proposent un assortiment complet tout au long de l'année. Il existe aussi d'autres canaux de distribution incluant certains drugstores, stations d'essence, supermarchés, magasins d'électronique ou d'informatique, ainsi qu'un libre-service de gros et des sociétés de vente par correspondance.

(28) La Commission est d'avis que le marché en cause est le marché des points de vente au détail spécialisés qui proposent au consommateur final un large assortiment de jouets tout au long de l'année. Aux Pays-Bas, ces points de vente incluent les magasins spécialisés dans le jouet et les magasins disposant d'un rayon jouets, tels que les grands magasins et les magasins d'articles de ménage. Les parties, en revanche, affirment que la définition du marché en cause devrait être élargie à tous les canaux de distribution par lesquels les jouets sont vendus au consommateur final.

(29) Les parties soutiennent que l'exclusion de ces autres points de vente est arbitraire. De plus, la définition du marché en cause devrait aussi, selon elles, inclure toutes les ventes de produits tels que les CD, le matériel audio, les ordinateurs, les cassettes vidéo et articles de sport pour enfants, puisque ces produits sont vendus aussi bien dans les magasins de jouets que dans d'autres points de vente. Les parties renvoient à une étude effectuée par LEGO, selon laquelle le marché en cause devrait être défini en fonction des produits et des services que les enfants réclament pour leurs loisirs. C'est ce que l'on appelle la "liste de souhaits" des enfants. Les parties prétendent que le critère de définition du marché devrait être le caractère divertissant que revêt un produit aux yeux des enfants. Elles citent en exemple le fait que les chaussures de sport, les CD-ROM, les jeux d'ordinateur ou l'équipement hi-fi sont perçus par les enfants comme de parfaits substituts des jouets "traditionnels".

(30) La Commission n'accepte pas cette méthode de définition du marché en cause en fonction de la liste de souhaits des enfants. Dans la mesure où les services en feraient partie, cette définition s'étendrait déjà au-delà du commerce de détail. Conformément au règlement sur les concentrations, un marché de produits comprend les produits ou services que le consommateur considère comme interchangeables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés. Même si la définition du marché était restreinte à la vente au détail de produits à caractère de divertissement, elle inclurait la vente au détail de produits pour lesquels une concurrence s'exerce sur d'autres marchés. Dans le cas de la vente au détail, la définition du marché en cause ne peut être étendue à toutes les options d'achat possibles du consommateur.

(31) Les magasins spécialisés dans le jouet peuvent être considérés comme distincts des autres canaux de distribution, car ils proposent tout au long de l'année un assortiment complet de produits spécialement destinés aux enfants. Ces magasins spécialisés offrent donc au consommateur un éventail de choix important. Toys "R" Us a déclaré à l'audition que les distributeurs spécialisés composaient leur assortiment avec l'objectif d'attirer dans le magasin le plus de clients possible. Un assortiment complet comprend normalement des produits appartenant aux catégories suivantes : jouets pour bébés et enfants en bas âge, poupées, peluches, animaux pour jouer, jeux de construction, jeux de société, puzzles, kits d'assemblage, articles pour jeux de plein air, jeux d'éveil et articles pour travaux manuels (jouets "traditionnels") et les jeux électroniques, comme les jeux d'ordinateur et les jeux vidéo. Cette classification des jouets, qui est reprise dans les études de marché disponibles, est généralement acceptée par les professionnels du jouet et confirmée par les détaillants et fournisseurs de jouets interrogés par la Commission.

(32) Les magasins spécialisés de jouets au détail se caractérisent par le fait que tous publient des catalogues de jouets pour la période de la Saint-Nicolas, pendant laquelle les ventes atteignent leur niveau record aux Pays-Bas. Les autres catalogues, comme celui publié par les drugstores Kruidvat, ne sont pas des catalogues de jouets, car ceux-ci n'y figurent que pour attirer le regard et ne représentent, sur l'ensemble du catalogue, qu'un faible pourcentage des produits.

(33) La composition de l'assortiment de jouets peut varier d'un point de vente spécialisé à l'autre, certains mettant plutôt l'accent sur telle ou telle catégorie de produits ou, dans chaque catégorie, sur tel ou tel produit. De plus, du fait de la dynamique du marché et de l'apparition de nouveaux jouets, l'importance relative des différentes catégories peut elle-même varier dans le temps. Des produits comme les jeux électroniques et les jeux vidéo, par exemple, font partie depuis quelques années des catégories de produits courantes. A cet égard, le dernier exemple en date est celui des CD-ROM pour enfants, que l'on trouve maintenant dans certains magasins de jouets.

(34) Le commerce de jouets au détail aux Pays-Bas se caractérise par le fait que les ventes sont réalisées dans leur grande majorité (80 % au moins) dans des points de vente spécialisés. Les points de vente comme les magasins d'informatique et d'électronique ne proposent normalement que des jeux vidéo et des jeux d'ordinateur, qui ne constituent qu'une seule des catégories figurant dans l'assortiment des distributeurs de jouets spécialisés. Les autres canaux de distribution, tels que les supermarchés et les drugstores, n'offrent qu'un nombre limité de produits dans le cadre d'un assortiment plus large de biens de consommation. Les supermarchés, qui vendent des jouets, proposent un éventail limité d'articles qui sont généralement de petite taille et ne dépassent pas un certain niveau de prix. Les drugstores offrent eux aussi un choix limité comprenant habituellement entre une et trois marques. Même la chaîne de drugstores Kruidvat, qui devance tous les autres drugstores par son chiffre d'affaires, n'offre, de façon permanente, pas plus d'une centaine d'articles de trois marques, LEGO, Fisher Price et Barbie. Tous les autres articles ne sont vendus que de manière temporaire. Ce chiffre est très inférieur à ce que proposent les magasins d'articles ménagers Blokker dans leur rayon jouets, qui compte jusqu'à [...] articles. Certaines stations d'essence, en particulier les stations Shell, vendent un nombre très limité de jouets de marque (par exemple LEGO), souvent de façon temporaire. Les produits ont généralement un emballage spécialement conçu pour les points de vente en question et présentent de légères différences par rapport aux produits disponibles dans les points de vente spécialisés.

(35) En outre, ces autres canaux de distribution utilisent souvent les jouets comme un moyen d'attirer la clientèle afin de lui vendre d'autres produits ou de susciter des achats d'impulsion. En revanche, les consommateurs vont dans les points de vente spécialisés parce qu'ils veulent pouvoir choisir parmi un large assortiment de jouets ou espèrent y trouver tel article ou telle catégorie de produits. Même si les ventes réalisées par les points de vente non spécialisés sur une petite sélection de jouets de marque peuvent influer sur le prix d'articles similaires chez les détaillants spécialisés, ces points de vente ne peuvent être considérés comme des concurrents à part entière de ces détaillants. Cette conclusion a été confirmée par d'autres vendeurs de jouets au détail.

(36) Les parties font valoir que l'hypermarché Maxis et le libre-service de gros Makro devraient être inclus dans le marché des produits en cause. Maxis propose un assortiment de taille comparable à celui d'un magasin Blokker et est considéré comme faisant partie du marché des produits en cause. Makro, quant à lui, est un grossiste qui n'est pas accessible au grand public. Quant aux ventes des sociétés de vente par correspondance, elles sont négligeables.

(37) L'assortiment des points de vente spécialisés peut inclure des produits que l'on trouve plus communément dans d'autre points de vente, comme des livres, des articles de sport, des montres et même, dans certains magasins, des ordinateurs. En termes de vente au détail, la concurrence dont ces articles font l'objet s'exerce essentiellement sur des marchés voisins. Le fait qu'un petit nombre de ces articles puissent être vendus dans des points de vente spécialisés dans les jouets ne modifie en rien cette conclusion. Il n'y a donc pas lieu d'inclure tous ces produits dans l'examen de la concurrence entre points de vente spécialisés. De toute façon, cela n'aurait pas une grande incidence pour l'examen de la présente affaire (9). Les cassettes vidéo pour enfants sont vendues dans divers points de vente, y compris chez les distributeurs de jouets spécialisés. La question de savoir si elles doivent être considérées comme une catégorie de jouets ne revêt pas une importance décisive pour l'opération en cause et peut donc être laissée de côté.

C. Le marché géographique en cause

(38) Dans ses décisions antérieures concernant le commerce de détail, la Commission a dans l'ensemble considéré que les marchés de la vente au détail pouvaient, dans certains cas, être définis à l'échelon national (10). Bien que la zone de chalandise d'un point de vente, que l'on peut ramener à la distance qu'un consommateur est disposé à parcourir pour atteindre celui-ci, soit de taille locale ou régionale, cette zone de chalandise ne caractérise pas nécessairement le marché géographique. Dès lors que plusieurs chaînes de détaillants gèrent des réseaux de magasins à l'échelle du pays, les facteurs de concurrence importants sont déterminés à l'échelon national. Par conséquent, ce qui peut apparaître comme un marché local ou régional du point de vue de la zone de chalandise constitue en réalité un marché national.

(39) Aux Pays-Bas, le marché de la vente spécialisée de jouets au détail se caractérise par des chaînes présentes dans l'ensemble du pays. Autant Blokker que Toys "R" Us ont adopté pour la gestion de leurs points de vente une formule de magasins à l'échelon national, voire international dans le cas de Toys "R" Us. Dans ce type de formule, les facteurs de concurrence importants sont déterminés au niveau central de la chaîne de magasins.

(40) Chaque chaîne fixe de manière centralisée le prix des jouets vendus dans les magasins appartenant au groupe Blokker. Même les magasins Blokker et Intertoys, qui sont gérés dans le cadre d'accords de franchise, sont liés par les prix décidés au niveau central. Les franchisés de Blokker et d'Intertoys sont contraints de tenir la direction de la chaîne informée de la concurrence locale, mais il revient à la direction centrale de décider d'y réagir ou non. Bien que les membres d'Otto Simon ne soient pas liés par les prix recommandés au niveau central, la plupart d'entre eux s'alignent sur ces prix.

(41) L'activité publicataire des détaillants s'exerce essentiellement à l'échelle nationale, la présentation des catalogues et des prospectus étant identique et leur distribution assurée dans l'ensemble du pays. De plus, dans les différentes chaînes, notamment les points de vente contrôlés par le groupe Blokker, les assortiments de produits sont définis de façon centralisée par les chaînes.

(42) Bien que les chaînes exploitées par Blokker soient présentes dans d'autres Etats membres (Bart Smit et Blokker en Belgique, Intertoys en Allemagne) et que l'enseigne de Toys "R" Us existe dans une grande partie de l'Europe, le marché géographique ne peut être défini sur une base plus large que celle d'un marché national. Les préférences et les habitudes du consommateur diffèrent d'un Etat membre à l'autre. Les catalogues des détaillants ne sont publiés et distribués qu'à l'échelon national.Les mauvais résultats enregistrés aux Pays-Bas par Toys "R" Us, qui a importé sur le marché néerlandais la formule allemande de Toys "R" Us et l'assortiment de produits choisis pour le marché allemand, montrent bien que le marché néerlandais de la vente de jouets au détail est national.

D. Les effets de la concentration

i) La structure de l'offre sur le marché en cause

Le groupe Blokker

(43) Le groupe Blokker exploite deux chaînes de magasins spécialisés en jouets, "Bart Smit" et "Intertoys". Les 147 magasins "Bart Smit" sont entièrement contrôlés par Blokker. La chaîne "Intertoys" comprend 196 magasins, dont [...] sont franchisés et [...] totalement contrôlés par Blokker.

(44) Blokker vend également un assortiment de jouets dans ces chaînes de magasins d'articles ménagers : "Blokker", "Marskramer" et "Familux". Au total, ce sont 288 magasins Blokker qui vendent des jouets, dont [...] sont contrôlés par Blokker et [...] sont exploités par le biais d'accords de franchise. Blokker gère, par l'intermédiaire des points de vente Marskramer et Familux, 143 magasins parmi lesquels [...] sont franchisés et [...] lui appartiennent.

(45) La position de Blokker dans le secteur de la vente de jouets au détail résulte en grande partie d'acquisitions. En 1985, ce groupe a pris le contrôle de Bart Smit, puis, en 1994, il a acquis Intertoys, Marskramer et Familux, dans lesquelles il détenait auparavant une participation minoritaire.

Toys "R" Us

(46) Toys "R" Us a fait son apparition sur le marché néerlandais en 1993, introduisant une nouvelle formule de vente de jouets au détail, celle des très grands magasins situés à l'extérieur du centre des villes. Toys "R" Us gérait neuf magasins de ce type aux Pays-Bas en 1996. La surface au sol considérable de ces magasins leur permet de proposer l'assortiment le plus large possible de jouets. Toys "R" Us vend également d'autres produits, tels que des bicyclettes, des couches et des aliments pour bébés.

Le groupe Otto Simon

(47) Otto Simon BV (11) est une filiale à 100 % de Otto Simon Beheer BV, qui appartient au groupe allemand VEDES. Tous les membres du système Otto Simon sont des détaillants indépendants. Otto Simon propose à ses membres des prestations d'achats en commun, accepte le risque de ducroire et propose une assistance dans le domaine du marketing et d'autres services de soutien.

(48) Otto Simon exploite quatre enseignes différentes de magasins spécialisés en jouets."De Speelboom" est un magasin de jouets qui propose un large assortiment de produits (100 magasins). "Wigwam" est une formule de "magasin dans le magasin", qui fonctionne surtout en relation avec d'autres points de vente, tels que les magasins d'articles ménagers, les librairies, les drugstores, et qui commercialise une gamme de jouets plus réduite (241 magasins). "Techno Hobby" est une chaîne spécialisée dans les modèles réduits de trains, les jouets téléguidés, les voitures miniatures et les ensembles de construction de modèles réduits (45 magasins) (12). Depuis le 1er mai 1997, Otto Simon a pris le contrôle de cinq magasins de jouets spécialisés "Early Learning Centre" (apprentissage précoce) par le biais d'un accord-cadre de franchise. Ces magasins proposent un vaste choix de jouets éducatifs destinés aux enfants âgés de huit ans au maximum.

In Den Olifant

(49) In Den Olifant est une chaîne de magasins franchisés de petite taille spécialisés en jouets. Elle compte sept magasins aux Pays-Bas.

Les grands magasins et les hypermarchés

(50) Les Pays-Bas comptent trois grandes chaînes de grands magasins qui possèdent des rayons spécialisés en jouets : Vroom et Dreesmann (63 magasins, dont 46 vendent des jouets), contrôlée par Vendex International, et De Bijenkorf (6 magasins) et HEMA (236 magasins), toutes deux appartenant à Koninklijke Bijenkorf Beheer (KBB). Le seul hypermarché aux Pays-Bas est MAXIS, qui exploite 5 magasins.

Les autres magasins de jouets indépendants

(51) Il existe également un certain nombre de petits magasins indépendants spécialisés en jouets et de magasins indépendants d'articles ménagers. Leur activité est négligeable et est actuellement en déclin. A cela s'ajoutent quelques grands magasins indépendants, de taille plus réduite, qui vendent des jouets.

ii) Les parts de marché sur le marché en cause

(52) Comme exposé ci-dessus, le marché de produits en cause englobe, d'après la définition de la Commission, la vente de jouets au détail dans les points de vente spécialisés en jouets.

(53) Pour pouvoir calculer les parts de marché des parties présentes sur le marché en cause, la Commission a adressé aux fournisseurs et aux détaillants des questionnaires portant sur la taille globale du marché, l'importance relative des divers canaux de distribution et le montant effectif du chiffre d'affaires des parties concernées. La Commission a pu ainsi obtenir les parts de marché de l'ensemble des principaux opérateurs (13). La part de marché combinée des autres magasins indépendants spécialisés en jouets, des magasins indépendants d'articles ménagers et des grands magasins indépendants est estimée à 10 % des ventes sur le marché en cause ; il est en effet quasiment impossible de connaître le chiffre d'affaires de ces points de vente (cette évaluation se fonde sur l'étude de marché de Gfk).

(54) La somme des chiffres d'affaires effectifs des parties présentes sur le marché en cause et de la part de marché global estimée des exploitants indépendants permet d'évaluer la valeur marchande du marché en cause à environ 785 millions de florins (366 millions d'écus) pour 1996.

(55) Le tableau ci-dessous présente les parts de marché des parties sur le marché en cause, calculées à partir du montant effectif de leur chiffre d'affaires. Ces chiffres n'ont pas sensiblement évolué au cours des trois dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(56) La part de marché de Blokker englobe l'ensemble des chaînes. Blokker affirme que les chaînes Bart Smit, Intertoys et Blokker ont toutes leur propre politique commerciale en matière d'achats, de choix des assortiments de produits et de prix au détail. [...]. Cela ne permet cependant pas de conclure que Blokker, Bart Smit et Intertoys sont des entreprises indépendantes. L'élément capital est que ces chaînes fonctionnent toutes sous le contrôle de la direction centrale du groupe Blokker, qui peut, à tout moment, contrôler le comportement concurrentiel des trois chaînes. [...].

(57) De plus, même si Blokker affirme que les chaînes ne coordonnent pas leurs achats, il apparaît, d'après l'enquête de la Commission, qu'en réalité il existe une certaine coordination entre les trois chaînes en ce qui concerne les conditions d'achat. Un certain nombre de fournisseurs ont déclaré que, bien que les chaînes de Blokker effectuent leurs achats séparément, les prix et les conditions pratiqués sont identiques. Plusieurs fournisseurs ont ajouté qu'il appliquaient un système de bonification selon lequel les primes sont basées sur le volume d'achat global de l'ensemble des chaînes de Blokker. En outre, le groupe Blokker effectue des achats en tant que groupe, ce que confirme Blokker lui-même.

(58) [...].

iii) La position de Blokker avant l'opération de concentration

Part de marché

(59) Selon l'enquête menée par la Commission, le groupe Blokker détenait, avant l'opération de concentration, une part de marché d'environ [55-65 %] dans le secteur de la vente spécialisée de jouets au détail. Cette part de marché élevée laisse tant que telle présumer l'existence d'une position dominante (14), notamment si l'on tient compte de la structure fragmentée du reste du marché. Avec une part de marché située entre [10-20 %], son concurrent le plus proche, Otto Simon, est plus de trois fois moins important que Blokker. Vroom et Dreesmann détient entre [< 3 %] et [< 10 %] du marché, de même que Toys "R" Us, tandis que l'ensemble des autres acteurs se situent nettement au-dessous de 5 % de part de marché.

La diversité des enseignes

(60) Avant l'opération de concentration, Blokker gérait déjà trois enseignes différentes spécialisées dans les jouets, la totalité d'entre elles étant situées dans les rues commerçantes du centre-ville et les centres commerciaux urbains. Bart Smit est davantage présente dans les zones d'approvisionnement de taille moyenne et grande, alors que Intertoys est plus représentée dans les villes moins importantes. En moyenne, la surface des magasins ne dépasse pas [...] mètres carrés.

(61) Bart Smit et Intertoys proposent toutes deux un assortiment de produits qui est étendu, mais incomplet. Cela s'explique par les coûts de location élevés des locaux commerciaux au centre-ville et dans les centres commerciaux, d'où des magasins de taille relativement petite. Les deux chaînes commercialisent surtout les articles qui sont le plus demandés à un moment donné. Les rayons jouets des magasins Blokker proposent un assortiment de produits plus restreint que les magasins Bart Smit et Intertoys (les magasins Blokker ne vendent par exemple ni jeux vidéo ni logiciels). La gamme de produits des enseignes Bart Smit, Intertoys et Blokker diffère jusqu'à un certain point, comme le confirment Blokker et l'examen des catalogues des différentes chaînes mené par la Commission. Néanmoins, considérées conjointement, les chaînes proposent un assortiment considérable de jouets.

(62) Le fait que Blokker gère trois enseignes distinctes proposant, qui plus est, divers assortiments de produits constitue un avantage concurrentiel. Les différences dans les gammes de produits réduisent la transparence globale des prix vis-à-vis des concurrents et des consommateurs. En outre, Blokker peut ainsi amorcer des changements en termes de produit ou de prix, ou réagir à ces changements, à l'échelon de la chaîne plutôt que du groupe dans son ensemble, ce qui lui permet d'avoir une plus grande souplesse par rapport à ses concurrents sur le marché.

Les économies d'échelle réalisées sur les produits sans marque et les produits vendus sous marque de distributeur

(63) Aux Pays-Bas, la part que représentent sur le marché de la vente de jouets au détail les produits sans marque et les produits vendus sous marque de distributeur achetés directement en Extrême-Orient est plus élevée que dans les pays voisins. D'après plusieurs concurrents, les chaînes de Blokker ont la réputation de proposer une grande part de produits sans marque et de produits vendus sous marque de distributeur. Blokker affirme, quant à lui, que ses achats directs en Extrême-Orient comprennent des produits de marque.

(64) Les parties expliquent l'existence, sur le marché néerlandais, d'une proportion plus forte de produits sans marque et de produits vendus sous marque de distributeur par les coûts proportionnellement importants de la vente au détail imputables au coût élevé des emplacements dans les rues principales des villes. En conséquence, les détaillants tendent, selon les parties, à compenser les marges plus faibles sur les produits de marque, dont les prix sont généralement harmonisés par les fournisseurs au niveau européen, par des marges plus grandes pratiquées sur les produits sans marque et les produits vendus sous marque de distributeur.

(65) Blokker peut, à l'inverse de ses concurrents, réaliser des économies d'échelle en matière d'achats parce qu'il commercialise une grande proportion de produits sans marque, de produits vendus sous marque de distributeur et de produits de marque achetés directement, et que sa part de marché est importante. Ces économies d'échelle confèrent à Blokker un avantage concurrentiel substantiel. De plus, le volume élevé de produits sans marque et de produits vendus sous marque de distributeur lui permet également de bénéficier d'une plus grande indépendance pour fixer ses prix sur le marché puisque, par rapport aux produits de marque, il n'est pas soumis de la même manière à des comparaisons de prix directes de la part des concurrents et des clients.

(66) Les parties font valoir que les prix des produits sans marque sont fixés en fonction des prix des produits de marque correspondants et que, de ce fait, Blokker voit sa marge de manœuvre restreinte en matière de prix des produits sans marque. Même si les produits sans marque et les produits vendus sous marque de distributeur ne sont généralement pas vendus plus cher que les produits de marque concurrents, Blokker conserve une latitude considérable en matière de fixation de prix.

Blokker : gardien du marché néerlandais

(67) Eu égard à la position de Blokker, certains fournisseurs ont confirmé que sa part de marché élevée en fait le "gardien" de l'accès au marché néerlandais de la vente de jouets au détail. Pour lancer un nouveau jouet sur le marché, un fournisseur doit avoir accès aux grands circuits de distribution, de manière à atteindre le seuil critique de vente nécessaire pour récupérer ses investissements en publicité radiophonique et télévisuelle. Un des plus importants fournisseurs a déclaré qu'il ne pourrait amortir le coût de lancement d'un nouveau produit sur le marché que si au moins deux des trois enseignes actuelles de Blokker lui accordaient l'accès à leur magasins et le soutenaient dans cette opération, avec l'appui d'une campagne publicitaire. Deux autres gros fournisseurs ont en outre déclaré qu'ils n'envisageraient pas de commercialiser un nouveau produit sur le marché néerlandais sans être présents dans les points de vente Blokker. Il s'ensuit que Blokker peut influer sur l'assortiment des produits lancés sur le marché néerlandais. Un certain nombre de concurrents ont confirmés ces déclarations et se sont plaints de ne pouvoir prendre de décisions d'achats sur les lignes de produits sans tenir compte de Blokker.

L'argument avancé par les parties en matière de prix

(68) Les parties font valoir que les prix sont peu élevés aux Pays-Bas et qu'ils constituent, pour les consommateurs néerlandais, un facteur très important, ce qui, d'après elles, laisse supposer que Blokker ne détient pas de position dominante. La Commission admet qu'en moyenne la valeur des jouets vendus sur le marché néerlandais et peut-être inférieure à celle constatée sur les marchés voisins. Toutefois, puisque les parties elles-mêmes précisent que le niveau des prix des produits de marque est généralement harmonisé à l'échelon européen, la modicité moyenne supposée du prix par article de jouet concerne donc surtout les produits sans marque ou les produits vendus sous marque de distributeur, qui constituent une grande partie des ventes de jouets aux Pays-Bas et pour lesquels des paramètres permettant de comparer les prix n'existent pas ou ne sont pas disponibles. Par ailleurs, un des principaux fournisseurs estime que l'habitude néerlandaise d'offrir de nombreux petits présents à la Saint-Nicolas, plutôt que de faire un gros cadeau, constitue un autre élément d'explication.

iv) La position des concurrents

Otto Simon

(69) Comme indiqué ci-dessus, la part de marché cumulée des trois enseignes d'Otto Simon représente moins d'un tiers de celle du groupe Blokker. De plus, la structure du groupe Otto Simon est relativement lâche. Etant donné que l'aspect des magasins n'est pas forcément identique, les adhérents de l'enseigne Speelboom ne donnent pas obligatoirement l'impression d'appartenir à une chaîne. Au niveau de son organisation centrale, Otto Simon gère un système d'achat commun, dispense des conseils sur les assortiments de produits et propose certains services de soutien. Toutefois, les membres sont libres de déterminer eux-mêmes leur gamme de produits. Si cette souplesse peut représenter un avantage, dans la mesure où elle permet aux membres du groupe d'adopter leurs propres stratégies de marketing, l'organisation peu contraignante, conjuguée à la relative faiblesse de la part de marché, limite la possibilité pour Otto Simon, en tant que groupe, de mettre en œuvre une stratégie de concurrence à long terme avec le groupe Blokker.

(70) Selon Otto Simon, plus de trente de ses adhérents ont quitté l'une des enseignes d'Otto Simon, entre 1992 et 1997, pour rejoindre l'enseigne Intertoys du groupe Blokker. Blokker précise que l'acquisition d'Intertoys a eu lieu en 1994 et non en 1992. Toutefois, en 1992, Blokker détenait dans Intertoys une participation minoritaire non négligeable. Les propos tenus par M. Blokker, président du conseil d'administration de Blokker, lors d'un entretien publié dans le magazine économique Quote en décembre 1994, illustrent l'importance qu'il accorde à la concurrence du groupe Otto Simon : "Depuis quelques temps, nous nous préoccupons d'inciter un certain nombre de ces magasins (membres du groupe Otto Simon) à faire le bon choix" et "S'ils n'optent pas pour Intertoys, ils risquent de voir un de nos magasins s'installer à proximité du leur." Il y a lieu de noter que Blokker ne vend pas de jouets dans tous ses magasins d'articles ménagers. Il peut donc décider d'ouvrir des rayons de jouets dans ses magasins où et quand il le souhaite.

Toys "R" Us

(71) Toys "R" Us a fait son apparition sur le marché néerlandais en 1993 ; elle gérait neuf magasins aux Pays-Bas en 1996. [...].

(72) Le concept de Toys "R" Us se fonde sur un système commercial et logistique qui garantit que son vaste assortiment de produits soit toujours en stock. Pour que cette formule soit économiquement rentable, les ventes doivent atteindre un certain seuil critique. Selon Toys "R" Us, les marchés européens de petite taille (tels que les Pays-Bas) ne permettent pas d'atteindre ce seuil critique de ventes et le nombre de magasins nécessaire pour obtenir une rentabilité acceptable. C'est pourquoi la stratégie de Toys "R" Us a consisté, sur ce type de marché, à y prendre pied à partir de marchés voisins plus grands, en utilisant l'infrastructure de ces derniers.

(73) C'est la filiale allemande de Toys "R" Us qui gérait les activités de Toys "R" Us et assurait son approvisionnement. Toutefois, en reprenant le concept allemand de Toys "R" Us aux Pays-Bas, sans modifier la gamme de produits Toys "R" Us a sous-estimé les différences sensibles entre les préférences des consommateurs néerlandais et celles des consommateurs allemands, ce qui a pesé sur les ventes aux Pays-Bas.

(74) En outre, chacun sait que, pendant sa première année d'activité, Toys "R" Us n'était pas tout à fait consciente de la spécificité de la Saint-Nicolas aux Pays-Bas, lorsque les ventes de jouets atteignent des niveaux record. Dans les magasins, l'accent était mis plutôt sur Noël que sur la Saint-Nicolas.

(75) [...].

(76) En conclusion, il apparaît que Toys "R" Us a pâti de faiblesses structurelles et a commis des erreurs de marketing qui ont sérieusement limité sa capacité de faire figure de concurrent sérieux sur le marché néerlandais. Blokker, le marché en général, et Toys "R" Us elle-même admettent ces difficultés. Compte tenu de ce qui précède, Toys "R" Us n'est pas parvenue à prendre une place significative sur le marché néerlandais.

Les grands magasins et autres points de vente spécialisés

(77) Les grands magasins détiennent une part de marché cumulée qui se situe entre 5 % et 10 %. Bien qu'ils appartiennent tous à de grands groupes de distribution, la part qu'ils représentent sur le marché en cause est néanmoins faible. Selon un grand magasin, les jouets sont considérés comme un élément nécessaire de l'assortiment global de produits proposés par ce type de magasins. Il n'en reste pas moins que cette part de marché réduite limite leur capacité concurrentielle.

(78) Tous les autres acteurs présents sur le marché en cause possèdent des parts de marché sensiblement inférieures à 5 %. Ils exercent, dans la plupart des cas, leur activité dans des créneaux spécialisés et ne peuvent ou ne souhaitent pas concurrencer les détaillants qui proposent des assortiments de produits plus vastes.

La concurrence provenant d'autres points de vente

(79) La Commission reconnaît que les points de vente spécialisés de jouets sont exposés dans une certaine mesure à la concurrence exercée par d'autres points de vente de jouets, notamment pendant la saison des jouets. Comme cela a été mentionné ci-dessus, les jouets sont pour l'essentiel commercialisés par le biais de points de vente spécialisés. En réponse à la demande du gouvernement néerlandais, qui évalue à 5 % du total des ventes le poids des autres points de vente, Blokker estime leur pourcentage maximal à 20 %.

(80) En ce qui concerne les jouets dits traditionnels, certains autres points de vente ont réussi à en commercialiser quelques-uns avec un relatif succès. Ces points de vente n'offrent pas un assortiment étendu de jouets, mais des articles isolés, ou un nombre limité de produits provenant d'un à trois fournisseurs. Ces produits sont utilisés pour attirer les clients, du fait que leurs prix sont particulièrement avantageux ou sont conçus pour inciter les clients à des achats d'impulsion. Shell, par exemple, vend un nombre considérable de produits LEGO dans ses stations-service. Actuellement, la chaîne de drugstores Kruidvat commercialise sur une base permanente des produits LEGO, des poupées Barbie et des articles Fisher Price et certains articles sans marque dans le cadre de promotions. Ces ventes peuvent concurrencer des produits identiques ou similaires proposés par des points de vente de jouets au détail. Toutefois, leur incidence sur la position globale des points de vente spécialisés reste limitée. De plus, ces ventes ayant un caractère temporaire, leur effet concurrentiel sera également limité dans le temps. Par conséquent, cette concurrence exercée par les drugstores, les supermarchés et les stations-service n'apparaît pas suffisante pour contrecarrer la puissance économique de Blokker sur le marché en cause.

(81) Les jeux électroniques et vidéo sont plus largement diffusés par d'autres circuits de vente au détail tels que les magasins d'informatique et d'électronique et les magasins de disques. La commercialisation de ces articles dans d'autres points de vente peut avoir une incidence sur le prix des articles vendus dans les points de vente spécialisés de jouets de Blokker. Toutefois, l'effet de ces ventes sur la concurrence ne concerne, au sein de la gamme étendue proposée par les points de vente de jouets, qu'une catégorie de produits qui représentent, au plus, 10 % du chiffre d'affaires total de ces points de vente. De plus, les points de vente Bart Smit et Intertoys, appartenant à Blokker, demeurent en tête de la vente de ces produits.

Conclusion

(82) A la lumière des éléments exposés ci-dessus, la Commission considère que Blokker détenait déjà avant l'opération de concentration une position dominante sur le marché des points de vente spécialisés de jouets.

v) La position de Blokker après l'opération de concentration

Sa part de marché

(83) On évalue à [3-10 %] la part de marché de Toys "R" Us aux Pays-Bas. D'après Toys "R" Us, les six magasins repris par Blokker représentent [...] de son chiffre d'affaires total, soit une part de marché d'au moins [...].

(84) [...].

(85) Le cumul de l'activité de Blokker avec celle de Toys "R" Us aux Pays-Bas débouchera sur une part de marché globale atteignant au moins [60-70 %].

(86) La hausse de la part de marché du groupe Blokker ainsi calculée ne comprend pas l'accroissement de la part de marché dû aux trois magasins qui seront fermés. Il est probable que les chaînes de Blokker ou les magasins Toys "R" Us restants récupéreront, en grande partie, la part de marché de ces trois magasins. Par conséquent, une fois l'opération réalisée, la part de marché cumulée sera en réalité plus élevée.

(87) Les parties font valoir que l'augmentation de la part de marché est négligeable et ne peut être considérée comme susceptible de renforcer une position dominante. Elles déclarent par ailleurs qu'indépendamment du fait que l'opération soit ou non autorisée, l'accroissement de la part de marché sera insuffisant pour changer de manière significative la structure du marché du point de vue de la concurrence.

(88) D'après la Commission, l'augmentation de part de marché, conjuguée à un certain nombre de facteurs qui, pris globalement, attestent que le potentiel de l'entreprise acquise est beaucoup plus grand que ne le laisse supposer sa part de marché effective, renforcera la position dominante de Blokker.

La valeur stratégique et la complémentarité de Toys "R" Us par rapport à Blokker

(89) L'acquisition de six magasins Toys "R" Us permet d'ajouter à Blokker une quatrième enseigne aux trois qu'il possède déjà. Cette quatrième enseigne diffère des trois autres du point de vue de la localisation, de la taille et de l'assortiment de produits.

(90) [...].

(91) La formule de Toys "R" Us se compose de très grands magasins dotés d'une surface au sol importante, situés à l'extérieur des centres-villes et des centres commerciaux urbains, ce qui les rend facilement accessibles en voiture. Toys "R" Us vend des jouets dans un cadre analogue à celui d'un supermarché, avec pour objectif l'efficacité des achats, sans assurer de service tel que l'emballage cadeau. Du fait de leur très importante surface au sol, les magasins Toys "R" Us peuvent offrir un assortiment très large de produits ("le choix le plus large possible" selon Toys "R" Us), qui comprend donc aussi la gamme la plus étendue de jouets de marque ainsi que les jouets plus encombrants. La formule Toys "R" Us ne s'applique pas seulement aux jouets, mais également à d'autres produits en rapport avec l'enfant, tels que les couches, la nourriture et les meubles pour bébés. Ces autres produits peuvent être utilisés pour attirer les consommateurs et augmenter la fréquence de leurs visites au magasin. Toys "R" Us se distingue en outre par le fait qu'une partie du stockage se fait dans les magasins eux-mêmes. Toys "R" Us affirme par conséquent pouvoir garantir que ses produits sont toujours en stock.

(92) Etant donné que les très grands magasins Toys "R" Us sont tous situés en périphérie ou en banlieue, cette acquisition permet à Blokker d'avoir un accès relativement aisé au segment de marché de la grande distribution suburbaine, considéré comme très important pour l'avenir de la vente au détail. Telle est l'appréciation d'une majorité de fournisseurs. Blokker bénéficie ce faisant d'un avantage significatif puisqu'il sera le premier à se positionner sur ce segment de marché. Bien que le gouvernement néerlandais ait récemment assoupli sa politique en matière de supermarchés, les grandes surfaces suburbaines vendant des produits tels que les jouets ne sont autorisées que dans treize agglomérations urbaines (stedelijke knooppunten). A ce jour, Toys "R" Us est le seul détaillant spécialisé en jouets actif sur ce segment de marché.

(93) L'accord de franchise permet à Blokker d'acheter, par le biais de la centrale d'achats des jouets qui seront vendus par le franchisé ou dans tout magasin franchisé. Cela procure à Blokker un avantage supplémentaire, d'autant plus précieux qu'il pourrait dépasser le cadre des magasins Toys "R" Us et s'appliquer directement aux autres chaînes de Blokker. Quoique les parties affirment que Blokker n'est pas autorisé à utiliser la centrale d'achats pour d'autres points de vente que ceux de Toys "R" Us, la formulation de l'accord de franchise ne confirme pas cette interprétation. Les parties ajoutent que les achats communs n'ont qu'un poids limité puisque ceux-ci représentent [...] environ des ventes des magasins Toys "R" Us. Cet argument ne conteste cependant pas la valeur potentielle des achats réalisés conjointement.

(94) En outre, la prise de contrôle de l'enseigne Toys "R" Us permettra à Blokker d'assurer une complémentarité maximale entre les quatre enseignes en matière d'assortiments de produits et de prix [...]. Certes, il se peut que Blokker doive conserver la réputation de prix attractifs de Toys "R" Us pour attirer les consommateurs en dehors des centres-villes, mais il pourra chercher à empêcher une réelle concurrence entre les magasins Toys "R" Us et les magasins Bart Smit et Intertoys en pratiquant, par exemple, de manière sélective, des prix peu élevés sur des produits qui ne sont vendus que dans les magasins Toys "R" Us ou en mettant en place des stratégies complémentaires en matière d'assortiment de produits. Le fait que Blokker commercialise une large proportion de produits sans marque facilite encore davantage l'application d'une telle stratégie. Il convient de noter sur ce point que l'accord de franchise donne à Blokker une latitude considérable au sein des catégories de produits proposées par Toys "R" Us.

Le potentiel de Toys "R" Us au sein du groupe Blokker

(95) Bien que le succès commercial de Toys "R" Us aux Pays-Bas ait été relativement faible et que la société connaisse une situation financière difficile, l'enseigne et les magasins ont toujours un potentiel commercial considérable, d'autant plus qu'ils sont maintenant rattachés à Blokker, qui dispose de la connaissance nécessaire du marché néerlandais. Toys "R" Us est une marque très puissante. D'après Toys "R" Us, elle a la réputation de disposer des plus larges assortiments de produits à des prix intéressants. Dans le cas où un partenaire local exploite sous franchise des magasins Toys "R" Us, ces magasins restent liés au réseau d'une des premières sociétés mondiales de vente de jouets au détail et pourront tirer parti de tout service fourni par le réseau, ainsi que de sa marque.

(96) Le fait que Toys "R" Us soit géré actuellement par celui qui est de loin le numéro un sur le marché lui procure un certain nombre d'avantages non négligeables. Plus précisément, Blokker apportera sa connaissance approfondie des préférences et des habitudes particulières des consommateurs sur le marché national. Il est libre de choisir les produits et il est probable qu'il procédera à ce choix de la façon la mieux adaptée aux préférences des consommateurs néerlandais. Blokker ne sera pas aux prises avec les mêmes faiblesses structurelles que Toys "R" Us et ne commettra vraisemblablement pas les mêmes erreurs de marketing [...]. En outre, il bénéficiera de tous les avantages des économies d'échelle, entre autres des remises. De plus, Toys "R" Us tirera parti des atouts que représente le fait d'être lié à un grand détaillant néerlandais, notamment en matière d'accès à la publicité, de gestion du personnel et de services de soutien (nettoyage, gardiennage par exemple).

(97) Les arguments exposés ci-dessus montrent que Toys "R" Us, si elle est contrôlée par un partenaire local ayant la connaissance requise du marché national, enregistrera des résultats sensiblement meilleurs que jusqu'à présent, verra sa part de marché s'accroître considérablement et pourra potentiellement augmenter le nombre de ses magasins [...].

(98) La déclaration de Toys "R" Us, évoquant ses partenariats réussis avec des distributeurs locaux dans d'autres Etats membres, confirme également cette analyse. Les mauvais résultats de Toys "R" Us sur des marchés de petite taille ne se limitent pas au marché néerlandais. Des situations similaires se sont produites en Suède et au Danemark. Toys "R" Us a commencé son activité en Suède et au Danemark en 1994, la gestion et l'approvisionnement étant alors assurés à partir du Royaume-Uni. L'activité au Danemark (un magasin) et en Suède (trois magasins) n'a pas permis d'atteindre la rentabilité financière requise par Toys "R" Us en 1994 et 1995. En 1996, ces opérations ont été transférées à des détaillants locaux exerçant dans le cadre d'un accord de franchise. Une fois que les nouveaux franchisés ont commencé à commercialiser un assortiment de produits propre au marché concerné, les ventes par magasin ont sensiblement progressé tant en Suède qu'au Danemark. Dans ce dernier pays, le nombre de magasins est passé de un à neuf en 1996.

vi) Les observations des fournisseurs

(99) Dans le cadre de son enquête, la Commission a pris contact avec un certain nombre de fournisseurs de Blokker ainsi qu'avec l'ORNES, l'organisation qui regroupe les filiales néerlandaises des fabricants de jouets de marque internationale et les fournisseurs néerlandais de jouets de marque.

(100) Pris individuellement, les fournisseurs ont tendance à réagir de manière neutre ou indifférente à l'opération de concentration, tout en reconnaissant la position déjà forte de Blokker. Certains, toutefois, sont plus critiques vis-à-vis de cette opération, alors que d'autres estiment que celle-ci présente des avantages et des inconvénients. La position de l'ORNES est la suivante : "Toys "R" Us lance sur le marché une formule nécessaire à la bonne santé et à l'équilibre du marché des jouets aux Pays-Bas. Une reprise de Toys "R" Us s'avère désormais indispensable pour assurer la poursuite de l'activité de cette entreprise aux Pays-Bas. Le fait que le repreneur soit, en l'occurrence, un professionnel du marché néerlandais du jouet est très avantageux pour le consommateur néerlandais. L'éventuelle prise de contrôle des activités de Toys "R" Us par Blokker ne modifiera pas sensiblement la situation du point de vue de la concurrence".

(101) Lors d'une réunion avec les services de la Commission, l'ORNES a confirmé son soutien à l'opération de concentration et a fait notamment valoir que Toys "R" Us serait sinon exclue du marché. Elle a également confirmé, à cette occasion, qu'une fois aux mains de Blokker, Toys "R" Us pourra potentiellement réussir sa percée commerciale.

(102) Il convient dès le départ d'indiquer que, sur un marché de la vente au détail, les intérêts des fournisseurs et ceux des consommateurs ne sont pas nécessairement les mêmes. La concentration de l'offre dans les mains d'un seul acteur n'est généralement pas dans l'intérêt du consommateur. De plus, on notera que les magasins néerlandais Toys "R" Us n'étaient auparavant pas approvisionnés par des distributeurs néerlandais, mais par la filiale allemande de Toys "R" Us. De ce point de vue, les distributeurs néerlandais tireront par conséquent parti de l'opération en termes de chiffre d'affaires, ce que de nombreux fournisseurs ont expressément reconnu.

vii) La capacité de réaction des concurrents

(103) Comme exposé ci-dessus, l'opération de concentration aura pour effet de renforcer encore l'avance substantielle détenue par Blokker sur ses concurrents. Ceux-ci seront d'autant moins à même de concurrencer Blokker que l'un des concurrents potentiellement puissants est à présent aux mains de Blokker. En outre, Blokker pourra réduire au minimum tout effet négatif de l'accroissement de la part de marché de Toys "R" Us sur ses autres activités, en adaptant sa gamme de produits et sa stratégie en matière de prix.

(104) Blokker renforcera son contrôle sur les produits alimentant le marché néerlandais, notamment les produits de marque, du fait qu'il achètera dorénavant les produits des magasins Toys "R" Us, dont l'approvisionnement était, jusqu'ici, assuré par la structure de ventes allemande. Cela ne peut qu'affaiblir encore le pouvoir de négociation des concurrents vis-à-vis des fournisseurs, en comparaison de celui détenu par Blokker.

viii) Les obstacles à l'entrée sur le marché et la concurrence potentielle

Les obstacles à l'entrée sur le marché

(105) Il n'existe pas d'obstacles réglementaires à l'entrée sur le marché de la vente de jouets au détail, à l'exception de restrictions éventuelles applicables à la construction de grandes surfaces. Ces dernières années, trois enseignes de détaillants de jouets ont fait leur apparition sur le marché néerlandais, Toys "R" Us, The Early Learning Centre et In Den Olifant. La part de marché des deux dernières enseignes est toutefois minime. De plus, Toys "R" Us et The Early Learning Centre, dont l'exploitation était assurée depuis l'étranger, ont entre-temps été repris par des opérateurs néerlandais. Cela souligne les difficultés que rencontrent les nouveaux concurrents venant de l'extérieur des Pays-Bas pour pénétrer avec succès sur le marché néerlandais.En outre, la position dominante de Blokker constitue en elle-même un obstacle à l'entrée sur le marché. A cela s'ajoute le fait que la baisse générale de la valeur du marché de la vente de jouets au détail, ces dernières années, n'a pas forcément encouragé l'arrivée de nouveaux opérateurs sur ce marché.

L'entrée potentielle sur le marché en cause

(106) Les réactions des détaillants consultés par la Commission montrent qu'il est peu probable que, dans un proche avenir, d'autres détaillants néerlandais fassent leur entrée sur le marché de la vente de jouets au détail. Rien ne permet de penser que les détaillants, qui proposent déjà un choix restreint de jouets, aient l'intention de se spécialiser prochainement dans la vente de jouets.

(107) Argos, une importante société de vente au détail sur catalogue ayant son siège au Royaume-Uni, envisage de pénétrer sur le marché néerlandais en 1998 et commencera son activité en ouvrant cinq magasins. La formule conçue par Argos est basée sur la publication d'un catalogue qui présente un large éventail, essentiellement de produits de marque, que le consommateur peut venir retirer et payer dans un magasin Argos. Parmi ses produits, Argos proposera un assortiment spécialisé de jouets. Argos commencera son activité sur une échelle relativement réduite. Il est peu vraisemblable qu'elle fasse figure de concurrent sérieux à court ou moyen terme. Rien ne porte à croire que d'autres détaillants provenant de pays voisins fassent leur apparition sur le marché.

ix) Conclusion

(108) La Commission considère, pour les raisons exposées ci-dessus,que l'opération de concentration renforcera la position dominante détenue par Blokker sur le marché des points de vente de jouets au détail.

VII. ARGUMENT DE L'ENTREPRISE DEFAILLANTE

(109) Toys "R" Us a fait valoir que ses activités néerlandaises ne sont pas financièrement rentables sans l'appui d'un partenaire local et a mis en avant l'"argument de l'entreprise défaillante". Elle déclare que Toys "R" Us mettra fin à son activité aux Pays-Bas si l'opération n'est pas autorisée. Initialement, Toys "R" Us avait indiqué que la part de marché de Toys "R" Us reviendrait inévitablement à Blokker ; dans un deuxième temps, elle a estimé que Blokker récupérerait l'essentiel de la part de marché de Toys "R" Us. De même, les parties soutiennent qu'il s'agit de la solution la moins préjudiciable à la concurrence.

(110) Dans des affaires précédentes (15), la Commission a dit pour droit qu'en général une concentration n'est pas la cause de la détérioration de la structure concurrentielle s'il est certain que l'entreprise acquise disparaîtrait rapidement du marché, que l'entreprise acquérante reprendrait la part du marché de l'entreprise acquise si celle-ci venait à disparaître du marché et qu'il n'y a pas d'autre solution d'achat moins dommageable pour la concurrence. La charge de la preuve incombe à cet égard aux parties elles-mêmes.

(111) L'argument de l'entreprise défaillante, telle qu'il a été développé dans ces affaires, et confirmé par l'avocat général Tesauro (16), est basé sur l'absence de lien de causalité entre la concentration et la création ou le renforcement d'une position dominante. Cela signifie que la position dominante n'est pas créée ou renforcée par la concentration, mais par la disparition de l'entreprise en difficulté, qui serait inévitable, que la concentration soit ou non réalisée.

(112) Cette absence de lien de causalité entre l'opération de concentration et ses effets sur le marché n'est en l'occurrence pas établie.Il n'est pas prouvé que la totalité de la part de marché de Toys "R" Us reviendra à Blokker. De plus, la détérioration de la situation concurrentielle ne découle pas uniquement du gain de part de marché, mais également du potentiel de Toys "R" Us en tant que membre du groupe Blokker. Par conséquent, on ne peut affirmer que c'est la disparition de l'activité de Toys "R" Us qui entraînerait les mêmes résultats que la concentration, à savoir la détérioration de la situation sur le plan de la concurrence.

(113) De même, Toys "R" Us n'a pas apporté la preuve qu'il n'y avait pas d'autre solution d'achat moins dommageable pour la concurrence. L'affirmation de Toys "R" Us, selon laquelle seul le groupe Blokker respectait la condition requise, qui était de disposer d'une connaissance suffisante du marché néerlandais de la vente de jouets au détail et des infrastructures nécessaires, ne constitue pas en soi un argument attestant qu'il n'existait pas d'autres acheteurs potentiels. A l'inverse, elle étaye plutôt l'appréciation selon laquelle Toys "R" Us a choisi l'opérateur le plus puissant du marché. Dans sa présentation des autres acheteurs potentiels, Toys "R" Us a indiqué qu'elle avait exclu les parties qui ne justifiaient pas d'une connaissance spécifique du marché du Benelux ou les opérateurs qui étaient susceptibles de la concurrencer dans d'autres Etats membres.

VIII. CONCLUSION GENERALE

(114) Pour les motifs évoqués ci-dessus, la Commission est parvenue à la conclusion quel'acquisition par Blokker de l'activité néerlandaise de Toys "R" Us renforce une position dominante sur le marché de la vente de jouets au détail aux Pays-Bas, ce qui aura pour effet d'entraver une concurrence effective de manière sensible aux Pays-Bas.

IX. APPLICATION DE L'ARTICLE 8, PARAGRAPHE 4, DU REGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

(115) L'article 8, paragraphe 4, dispose que si une opération de concentration a déjà été réalisée, la Commission peut ordonner, dans une décision en vertu de l'article 8, paragraphe 3, la séparation des entreprises ou des actifs regroupés, ou toute autre action appropriée pour rétablir une concurrence effective.

(116) La Commission prend acte d'un accord complémentaire [...]. Dans la communication des griefs, la Commission a évoqué cet accord et a indiqué qu'il était possible de rétablir une concurrence effective en enjoignant à Blokker de résilier tous les accords mettant en œuvre la lettre d'accord ("Letter agreement") du 24 décembre 1996.

(117) Le 4 juin 1997, Blokker et Toys "R" Us ont présenté à la Commission les engagements par lesquels ils entendaient trouver des solutions aux problèmes de concurrence soulevés dans cette affaire. Vu ces engagements, les parties ont demandé à la Commission de prendre une décision de compatibilité en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Par la suite, ces mesures ont été clarifiées et complétées sur plusieurs points.

(118) La Commission relève que Blokker exploite Toys "R" Us depuis le 3 février 1997. A ce titre, l'opération de concentration est par conséquent entièrement réalisée depuis cette date. [...].

(119) Pour ces raisons, la Commission considère qu'il convient de maintenir la décision en vertu de l'article 8, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations et estime que les propositions des parties constituent une forme de cession relevant de l'article 8, paragraphe 4, et non de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

(120) En résumé, Blokker et Toys "R" Us ont pris les engagements suivants :

(121) Blokker s'engage à transférer à sa filiale à 100 % Speelhoorn BV (Speelhoorn) : i) l'ensemble des droits et obligations de Blokker découlant de l'accord de franchise (Franchise agreement), ii) tous les droits et obligations de Blokker découlant de l'accord d'aide à la commercialisation (Marketing subsidy agreement) et iii) l'ensemble des actifs acquis par Blokker en application de l'accord de rachat d'actifs (Asset purchase agreement).

(122) Blokker s'engage, dès que possible après la notification de la présente décision, à entreprendre des négociations avec des tiers intéressés, en vue de transférer au moins 60 % du capital social de Speelhoorn à une entreprise rentable et indépendante, qui ne soit liée ni à Blokker ni à Toys "R" Us et qui soit capable de maintenir l'activité de Toys "R" Us sur le marché néerlandais, ainsi que de respecter l'engagement social pris par Blokker. Le choix de ce tiers indépendant devra être approuvé par la Commission.

(123) Blokker s'engage à ne pas conserver dans Speelhoorn une participation minoritaire supérieure à 20 % et à transférer à Toys "R" Us une participation minoritaire équivalente à sa propre participation. Blokker et Toys "R" Us ne pourront pas disposer l'un et l'autre de plus d'un siège au conseil d'administration de Speelhoorn, qui se composera de cinq membres. De plus, Blokker et Toys "R" Us ne bénéficieront pas de droits spéciaux excepté ceux qui sont habituellement octroyés aux actionnaires minoritaires. Blokker s'engage à ne pas empiéter sur la liberté dont bénéficiera Speelhoorn pour fixer de manière indépendante sa politique commerciale.

(124) Avant d'achever la cession à un tiers de sa participation majoritaire dans Speelhoorn, Blokker veillera à ce que Speelhoorn et les magasins néerlandais de Toys "R" Us soient gérés comme des entreprises distinctes et cessibles disposant de leurs propres comptes de gestion. Pendant cette période, Blokker continuera d'assurer la rentabilité et la valeur commerciale de ces magasins et fournira à cette fin les ressources financières suffisantes dans le cadre du déroulement normal de l'activité.

(125) [...].

(126) [...].

(127) [...].

(128) Par la suite, les parties ont clarifié et complété ces mesures comme suit : le tiers sera une entreprise indépendante non liée au groupe Blokker, capable d'exploiter et de développer l'activité de Toys "R" Us en tant que concurrent actif sur le marché. Blokker cessera d'être présent au sein du conseil de direction de Speelhoorn [...] ans après la cession de la participation majoritaire à un tiers [...]. Blokker adressera mensuellement à la Commission un rapport écrit sur l'évolution des négociations que lui-même ou le banquier mène avec des tiers en vue de la cession de la participation majoritaire détenue dans Speelhoorn.

Evaluation et mesures en application de l'article 8, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations

(129) Selon la Commission, le train de mesures adopté par les parties rétablira les conditions d'une concurrence effective sur le marché. A ce titre, il constitue donc, par rapport à l'annulation immédiate de l'opération telle que décrite dans la communication des griefs, une autre forme de désengagement acceptable au regard de l'article 8, paragraphe 4.

(130) La Commission reconnaît que la cession de 80 % au maximum du capital de Speelhoorn (jusqu'à 20 % à Toys "R" Us et le reste à un tiers indépendant) permettra à une société indépendante d'acquérir une participation importante dans Toys "R" Us et, au cas où elle le souhaiterait, d'acquérir la totalité du capital de Speelhoorn immédiatement ou après un certain laps de temps. Selon la Commission, un élément indispensable au rétablissement d'une concurrence effective est que l'acquéreur d'une participation majoritaire soit une entreprise indépendante, sans lien avec le groupe Blokker, et capable de poursuivre et de développer les activités de Toys "R" Us en tant que force concurrentielle active sur le marché.

(131) En outre, la Commission doit être en mesure d'évaluer si un acquéreur éventuel satisfait aux conditions mentionnées ci-dessus. Blokker devra par conséquent obtenir l'autorisation de la Commission avant de signer un accord contraignant avec un tiers. Dans sa demande d'autorisation, Blokker devra apporter la preuve que le tiers sélectionné satisfait aux conditions susmentionnées afin que la Commission puisse évaluer son choix. Si la Commission n'indique pas officiellement qu'elle est opposée au choix du tiers sélectionné ou qu'elle souhaiterait obtenir des preuves supplémentaires du fait que celui-ci satisfait aux conditions susmentionnées, et ce dans un délai de deux semaines à compter de la date d'introduction de la demande d'autorisation, la cession des parts au tiers concerné pourra avoir lieu.

(132) La Commission reconnaît également que, compte tenu des circonstances qui entourent cette affaire, notamment des faibles performances réalisées par Toys "R" Us aux Pays-Bas depuis son implantation dans ce pays en 1993, il pourra s'avérer difficile de trouver un tiers susceptible de racheter l'ensemble de la société Toys "R" Us. Pour cette raison, la Commission estime que le maintien de Blokker, sous forme d'une participation minoritaire de 20 % et de sa présence active au conseil d'administration de Speelhoorn, permettra, au moins pendant un certain temps, de prouver la confiance de Blokker dans la viabilité de l'entreprise et de garantir, au cours de cette période, la transformation de la société en une entreprise viable. Toutefois, eu égard aux circonstances propres à cette affaire, la Commission considère que la représentation de Blokker au conseil d'administration devrait être non seulement réduite, mais complètement éliminée après certain temps, en l'espèce [...] ans après la cession de la participation au tiers.

(133) Pour parvenir à cette conclusion, la Commission a tenu compte des circonstances suivantes propres à l'affaire. Le conseil d'administration d'une petite société de vente au détail telle que Speelhoorn sera, par nature, composé d'un petit nombre de représentants étroitement associés à la politique commerciale de la société. Bien qu'il s'engage à ne pas entraver la liberté de Speelhoorn de déterminer sa politique commerciale en toute indépendance, Blokker continuera, du fait de sa présence au conseil d'administration, d'avoir accès aux informations concernant les décisions commerciales et pourrait les utiliser aux fins de sa propre stratégie concurrentielle, ainsi que dans le cadre des activités de Toys "R" Us exploitées par Speelhoorn. Cette possibilité doit être évaluée plus particulièrement en ayant à l'esprit que, pendant un certain temps, Blokker aura exploité lui-même l'entreprise Toys "R" Us et que, même à l'issue du désengagement prévu par les propositions, Blokker occupera une position dominante sur le marché. C'est pourquoi la Commission estime nécessaire, pour garantir le rétablissement d'une concurrence effective sur le marché, qu'il soit mis fin à la présence active du Blokker au conseil d'administration dès que la viabilité de la société aura été établie. Ce résultat peut être obtenu en ordonnant à Blokker de se retirer du conseil d'administration [...] ans après la cession d'une participation majoritaire dans Speelhoorn à un tiers.

(134) Il peut aussi être mis fin à la présence active de Blokker dans Speelhoorn en donnant au tiers la possibilité d'acquérir, s'il le souhaite, la part du capital social de Speelhoorn détenue par Blokker [...].

(135) La Commission estime nécessaire et opportun que Blokker lui adresse tous les mois un rapport écrit sur l'évolution des négociations que lui-même, ou la banque concernée, mèneront avec des tiers intéressés en vue de la cession de la participation majoritaire qu'il détient dans Speelhoorn.

(136) La Commission souligne que les parties sont libres, à tout moment au cours de la période définie plus haut, de mettre fin aux accords prévus par la lettre d'accord du 24 décembre 1996 en vue de rétrocéder à Toys "R" Us tous les droits, obligations et actifs acquis par Blokker. En outre, Blokker n'est pas tenu de mettre fin aux contrats d'emploi,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

L'opération de concentration par laquelle Blokker Holding BV a acquis les activités de Toys "R" Us Inc. aux Pays-Bas est déclarée incompatible avec le marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

Blokker est tenu :

a) de céder les actifs, droits et obligations suivants à sa filiale à 100 % Speelhoorn : i) l'ensemble des droits et obligations de Blokker découlant de l'accord de franchise ("Franchise Agreement") conclu le 3 février 1997 entre Blokker et Toys "R" Us ; ii) l'ensemble des droits et obligations de Blokker découlant de l'accord d'aide à la commercialisation ("Marketing subsidy agreement") conclu le 3 février 1997 entre Blokker et Toys "R" Us ; iii) l'ensemble des actifs acquis par Blokker dans le cadre de l'accord de rachat des actifs ("Asset purchase agreement") conclu le 3 février 1997 entre Blokker et Toys "R" Us. Cette cession devra être réalisée dans les meilleurs délais après la notification de la présente décision à Blokker et, en tout état de cause, au plus tard à la date à laquelle Blokker signera avec un tiers un engagement contraignant de vente de la participation majoritaire qu'il détient dans Speelhoorn ;

b) de céder au moins 80 % du capital de Speelhoorn de la façon suivante : jusqu'à 20 % du capital de Speelhoorn devra être cédé à Toys "R" Us ; au moins 60 % de l'ensemble du capital de Speelhoorn devra être cédé à un tiers. Ce tiers devra avoir la possibilité de racheter l'ensemble du capital de Speelhoorn ou au moins les 80 % détenus par Blokker. Ce sera une entreprise indépendante non liée au groupe Blokker, qui devra être capable de poursuivre et de développer les activités de Speelhoorn en tant que force concurrentielle active et viable sur le marché de la vente au détail de jouets. Blokker pourra occuper un siège au conseil d'administration de Speelhoorn, sous réserve que le tiers concerné en détienne au moins trois et Toys "R" Us, au moins un. Blokker ne pourra siéger au conseil d'administration que pendant une période de [...] ans, qui commencera à courir à la date de la cession de la participation majoritaire à un tiers [...] ;

c) de désigner un banquier possédant une expérience reconnue dans la vente d'entreprises, qui agira en son nom pour la vente de sa participation majoritaire dans Speelhoorn, s'il n'a pas signé un engagement contraignant de vente de sa participation majoritaire dans Speelhoorn d'ici au [...] ;

d) de fournir à la Commission, tous les mois, des rapports écrits sur l'évolution des négociations avec des tiers, qu'elles soient menées par lui-même ou par le banquier mandaté à cet effet, en vue de la cession de sa participation majoritaire dans Speelhoorn ;

e) d'obtenir l'autorisation de la Commission avant de signer un engagement contraignant avec le tiers concerné. Dans sa demande d'autorisation, Blokker devra apporter la preuve que le tiers concerné satisfait aux conditions énoncées au point b), afin que la Commission soit en mesure d'évaluer ce choix. Si la Commission n'indique pas officiellement qu'elle est opposée au choix du tiers sélectionné ou qu'elle souhaiterait obtenir des preuves supplémentaires du fait que celui-ci satisfait aux conditions prévues au point b), et ce dans un délai de deux semaines à compter de la date d'introduction de la demande d'autorisation, la cession des parts au tiers concerné pourra avoir lieu.

Article 3

Au cas où Blokker ne signerait pas d'engagement contraignant avec un tiers avant le [...], selon les modalités prévues à l'article 2, Blokker sera tenu de céder à Toys "R" Us, [...], l'ensemble de droits, obligations et actifs découlant de la lettre d'accord ("Letter Agreement") du 24 décembre 1996 [...]. Blokker n'est pas tenu de mettre fin aux contrats d'emploi.

Article 4

Blokker Holding BV, Van der Madeweg 13, NL-1099 BS Amsterdam

est destinataire de la présente décision.

(*) La présente version de la décision a été adaptée de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles.

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1 (version rectifiée : JO L 257 du 21.9.1990, p. 13).

(2) JO C 363 du 25.11.1998.

(3) JO L 359 du 28.12.1988, p. 46.

(4) Communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, point 11, JO C 385 du 31.12.1994, p. 5.

(5) Arrêt de la Cour de justice dans l'affaire 56-65, Société Technique Minière contre Maschinenbau Ulm, Recueil 1966, p. 235.

(6) Ces études sont examinées plus loin (considérants 24 et 25).

(7) EIM/Centrum voor Retail Research, Brancheschets Speelgoeddetailhandel, 1996 et 1997.

(8) Panel de consommateurs de Gfk Interact, 1996.

(9) Comme la part de ces produits dans le chiffre d'affaires de Blokker semble être plus élevée que chez ses concurrents, leur inclusion ne ferait qu'augmenter la part détenue par Blokker sur le marché des détaillants spécialisés en jouets.

(10) Décision 97-277-CE de la Commission, affair IV/M.784 - Kesko-Tuko, JO L 110 du 26.4.1997, p. 53, point 21.

(11) Otto Simon BV était auparavant exploité sous l'appellation Toypartners BV.

(12) Comme indiqué ci-dessus, Techno Hobby ne propose pas un large assortiment de produits. La question de savoir si ces magasins font partie du marché en cause peut être laissée en suspens, puisque l'appréciation ne s'en trouverait pas sensiblement modifiée. Aux fins de la présente affaire, ils sont englobés dans la part de marché d'Otto Simon.

(13) Aux fins du calcul des parts de marché, la Commission ne prend pas en compte les autres produits tels que les livres, les articles de sport, les montres et les cassettes vidéo pour enfants. Etant donné que les concurrents de Blokker ne vendent pas tous des CD-ROM dans leurs rayons de jouets (grands magasins), la part de marché de Blokker ne comprend pas les CD-ROM. La Commission a, pour ces raisons, calculé la part de marché de Blokker à partir d'un chiffre d'affaires diminué de 20 %, selon les indications de Blokker.

(14) Décision 97-277-CE de la Commission, dans l'affaire IV-M.784 - Kesko-Tuko, JO L 110 du 26.4.1997, p. 53, point 106.

(15) Décision 94-449-CE de la Commission dans l'affaire n° IV-M.308 - Kali + Salz/Mdk/Treuhand, JO L 186 du 21.7.1994, p. 38, point 71 ; décision 97-610-CE de la Commission dans l'affaire IV-M.774 - Saint Gobain/Wacker Chemie/NOM, JO L 247 du 10.9.1997, p. 1, point 247.

(16) Conclusions de l'avocat général Tesauro du 6 février 1997 dans les affaires jointes C-68-94 et C-30-95 France/Commission, Recueil 1998, p. I-1315, points 49 et suivants.