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Décisions

TPICE, 2e ch. élargie, 14 mai 1997, n° T-77/94

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vereniging Van Groothandelaren in Bloemkwekerijprodukten, Florimex (BV), Verhaar (BV), Inkoop Service Aaslsmeer (BV)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Coöpératieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aaslsmer (BA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Juges :

MM. Bellamy, Kalogeropoulos

Avocats :

Mes Keijser, Van der Wal.

Comm. CE, du 20 déc. 1993

20 décembre 1993

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

LES FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE

A - Les parties intéressées

La VBA

1 La Coöpératieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aaslsmer BA (ci-après " VBA ") est une association coopérative de droit néerlandais regroupant des cultivateurs de fleurs et de plantes ornementales qui organise, dans son enceinte à Aalsmeer, des ventes à la criée de produits de la floriculture. Une partie de son enceinte est réservée à la location, notamment aux grossistes en fleurs coupées et aux distributeurs de plantes d'appartement, de " locaux commerciaux ", consacrés à l'exercice du commerce de gros produits de la floriculture.

2 La Vereniging Van Groothandelaren in Bloemkwekerijprodukten (ci-après " VGB ") est une association regroupant de nombreux grossistes néerlandais en produits de la floriculture ainsi que des grossistes établis dans l'enceinte de la VBA. Elle a pour objet, notamment de promouvoir les intérêts du commerce de gros des produits de la floriculture aux Pays-Bas et de servir d'interlocuteur vis-à-vis des pouvoirs publics et des entreprises de vente à la criée.

3 Florimex BV (ci-après " Florimex ") est une entreprise de commerce de fleurs établie à Aalsmeer à proximité du complexe de la VBA. Elle importe des produits de la floriculture en provenance d'États membres de la Communauté européenne et de pays tiers, afin de les revendre essentiellement à des grossistes établis aux Pays-Bas.

4 Verhaar BV (ci-après " Verhaar ") est un grossiste en produits de la floriculture établi dans l'enceinte de la VBA. Inkoop Service Aalsmeer BV (ci-après " Inkoop Service Aalsmeer ") est une filiale de Verhaar établie dans le centre commercial Cultra, dans l'enceinte de l a VBA (voir point 20 ci-après).

B - L'approvisionnement en vue des ventes à la criée organises par la VBA.

5 L'article 17 des statuts de la VBA oblige ses membres à vendre par son intermédiaire tous les produits propres à la consommation cultivés dans leurs exploitations. Une redevance ou commission est facturée aux membres au titre des services fournis par la VBA. En 1991, cette redevance s'élevait à 5,7% du produit de la vente. Certains autres fournisseurs de produits néerlandais et étrangers peuvent également vendre leur marchandises aux criées de la VBA conformément aux dispositions arrêtées par celle-ci, moyennant le paiement de redevances diverses. Toutefois, abstraction faite des produits des rares membres belges de la VBA, les produits d'origine autre que néerlandaise ne peuvent être vendus par l'intermédiaire de la VBA que si les variétés, les quantités et le calendrier des livraisons sont fixés avec précision, pour une période d'importation déterminée, dans un " accord-cadre " conclu avec la VBA. La VBA ne conclut des " accords-cadres " que pour les variétés et quantités représentant un complément " intéressant " de l'offre néerlandaise.

C- L'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA : la situation antérieure au 1er mai 1988

6 Jusqu'au 1er mai 1988, l'article 5, point 10 et 11, de la réglementation des criées de la VBA empêchait l'utilisation de ses locaux pour les livraisons, achats et ventes de produits de la floriculture ne transitant pas par ses propres criées. Dans la pratique, l'autorisation, par la VBA, d'opérations commerciales dans son enceinte portant sur des produits ne transitant pas par ses criées n'était accordée que dans le cadre de certains types dénommés " handelsovereenkomsten " (contrats commerciaux) ou moyennant paiement d'une redevance de 10 %.

7 Par les contrats commerciaux dits de " type A à E ", la VBA accordait à certains distributeurs la possibilité de vendre et de livrer à des acheteurs agréés par elle, moyennant paiement d'une redevance s'élevant à 2,5 % du prix de vente, certains produits de la floriculture acquis auprès d'autres criées néerlandaises.

8 En outre, par les contrats commerciaux de type F, la VBA accordait à certains distributeurs la faculté de vendre des fleurs coupées d'origine étrangère à des acheteurs agréées par elle, moyennant paiement d'une redevance de 5 %. Ces contrats précisaient les quantités de produits à vendre, les variétés et le calendrier des ventes. Ils prévoyaient également que les produits devaient être importés par le locataire lui-même.

9 Toutefois, lorsqu'un distributeur établi dans l'enceinte de la VBA importait lui-même des produits d'origine étrangère qui ne tombaient pas dans le champ d'application du contrat commercial de type F, il avait la faculté d'y introduire la marchandise moyennant paiement d'une redevance de 0,25 HFL par colis (ci-après " régime de 0,25 HFL "), mais à la condition que les produits ne soient pas revendus à d'autres acheteurs de la VBA.

10 Enfin, la VBA pouvait autoriser l'achat par un distributeur établi dans son enceinte de produits qui n'étaient pas acquis par son intermédiaire moyennant paiement d'une redevance s'élevant à 10 % de la valeur de la marchandise, destinée à " prévenir l'utilisation abusive des installations de la VBA ". Cette redevance (ci-après " régime des 10 % ") était acquittée par l'acheteur.

D - La décision de 1988

11 En 1982, Florimex a demandé à la Commission, conformément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 30, p. 204 ci-après " règlement n° 17 "), de constater une infraction aux dispositions des articles 85 et 86 du traité CEE commise par la VBA, notamment en ce qui concernait l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans son enceinte.

12 Le 5 novembre 1984, la VBA a sollicité de la Commission une attestation négative au titre de l'article 2 du règlement n° 17, ou une décision favorable au titre de l'article 2 du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993, ci-après " règlement n° 26 "), ou à défaut, une décision d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, en ce qui concernait, notamment, ses statuts, la réglementation des criées, les contrats commerciaux des types A et F, les conditions générales de location des locaux commerciaux et le barème des commissions et redevances.

13 Le 26 juillet 1988, la Commission a adopté la décision 88/491/CEE relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/31.379 - Bloemenveilingen Aaslmeer) (JO L 262, p. 27, ci-après " décision de 1988 "). Dans cette décision , la Commission a notamment constaté que :

1) Les dispositions suivantes de la réglementation de la VBA restreignaient la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité :

- article 5, points 10 et 11, de la réglementation des criées (points 101 à 111) ;

- le régime des 10 % (points 112 à 118) ;

- les contrats commerciaux (points 119 à 122) ;

- le régime de 0,25 HFL (point 123) ;

2) Ces dispositions restreignaient la concurrence et affectaient le commerce entre Etats membres d'une manière sensible (points 124 à 134) ;

3) L'article 2 du règlement n° 26 n'était pas d'application (points 135 à 153) ;

4) Les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies (points 156 à 159) ;

5) L'interdiction des dispositions en cause ne constituait pas une mesure d'expropriation (points 160 à 163).

14 La Commission a dès lors déclaré, dans le dispositif de la décision de 1988 :

" 1. Les accords conclus par la VBA et notifiés à la Commission en vertu desquels les distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA et leurs fournisseurs étaient au moins jusqu'au 1er mai 1988 tenus, en ce qui concerne les produits de la floriculture qui n'ont pas été achetés par l'intermédiaire de la VBA, de ne :

a) Négocier et/ou de ne faire livrer de tels produits dans l'enceinte de la VBA qu'avec l'autorisation de celle-ci et aux conditions fixées par elle ;

b) Stocker de tels produits dans l'enceinte de la VBA, que contre paiement d'une redevance fixée par celle-ci, constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

Les redevances visant à prévoir l'utilisation abusive des installations de la VBA (redevances de 10 % et de 0,25 HFL) imposées par la VBA aux distributeurs établis dans son enceinte ainsi que les contrats commerciaux conclus entre la VBA et ces distributeurs constituent également dans leur forme notifiée à la Commission de telles infractions.

2. La demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE en faveur des accords mentionnés à l'article 1er est rejetée.

3. La VBA est tenue de s'abstenir de prendre des mesures ayant le même objet ou le même effet que celles visées à l'article 1er.

[...] ".

E - La nouvelle réglementation de la VBA relative à l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans son enceinte

15 A partir du 1er mai 1988, la VBA a formellement supprimé les obligations d'achat et les restrictions à la libre disposition de la marchandise découlant de l'article 5, points 10 et 11, de la réglementation des criées, ainsi que les régimes des 10 % et de 0,25 HFL, tout en introduisant une " redevance d'utilisation " (" facilitaire heffing "). La VBA a également introduit des versions modifiées des contrats commerciaux.

16 La redevance d'utilisation est perçue, sur la base du nombre de tiges (fleurs coupées) ou de plantes fournies, sur les livraisons faites par des tiers aux distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA. Le montant de la redevance est déterminé par la VBA sur la base des prix annuels moyens réalisés au cours de l'année précédente pour les différents produits de la floriculture concernés. Selon la VBA, un coefficient d'environ 4,3 % du prix annuel moyen de la catégorie en cause est appliquée. Au lieu d'une redevance perçue par tige ou par plante, un fournisseur peut opter pour une redevance de 5 %, comprenant l'encaissement des créances par la VBA.

17 Par circulaire du 29 avril 1988, la VBA a supprimé, avec effet au 1er mai 1988, les restrictions prévues jusqu'alors dans les contrats commerciaux, notamment celles portant sur les sources d'approvisionnement. Par la suite, les dispositions des contrats commerciaux, qui prévoyaient jusqu'alors deux taux distincts de 2,5 % (types A à E) et 5 % (type F) de la valeur des marchandises, ont été harmonisées sur la base d'un taux uniforme de 3 % avec effet au 1er janvier 1989 (ci-après " régime des 3 % ").

18 Il existe depuis lors trois types de contrats commerciaux dits " contrats I, II et III ", couvrant des situations légèrement différentes (selon que le fournisseur loue ou non un local commercial antérieur), mais dont les conditions sont par ailleurs quasi identiques. Tous ces contrats appliquent une redevance de 3 % de la valeur brute des marchandises fournies aux clients dans l'enceinte de la VBA. Selon la VBA, il s'agit en grande partie de produits qui ne sont pas suffisamment cultivés aux Pays-Bas, tels que les orchidées, les protases et les lys. La VBA fournit un service d'encaissement.

19 Il en résulte qu'aucun produit provenant de tiers n'est livré dans l'enceinte de la VBA sans perception d'une redevance, qu'il s'agisse de la redevance d'utilisation ou de la redevance, de 3 % prévue par le régime des 3 %.

F - Les accords relatifs au centre commercial Cultra

20 La VBA s'efforçant d'accroître l'importance moyenne des lots mis aux enchères, les petits distributeurs (il s'agit en général de détaillants) sont, dans la pratique, exclus des ventes à la criée. Toutefois, ces petits distributeurs ont la possibilité de faire des achats dans le centre commercial de gros Cultra, établi dans l'enceinte de la VBA, qui comprend six magasins " cash and Carry ", dont deux grossiste en fleurs coupées et séchées, deux grossistes (dont Inkoop Service Aalsmeer) en plantes d'appartement, un grossiste en plantes de jardin et un grossiste en plantes de culture hydroponique. A l'exception de l'entreprise vendant des plantes de culture hydroponique, ces grossistes sont contractuellement tenus de se procurer leurs marchandises par l'intermédiaire de la VBA.

G - Le déroulement de la procédure administrative après la décision de 1988

21 Le 19 juillet 1988, la VBA a notifié à la Commission les modifications de sa réglementation, notamment la nouvelle redevance d'utilisation, adaptées avec effet au 1er mai 1988, mais pas les nouveaux contrats commerciaux. Cette notification a été enregistrée sous le n° IV/32.750 - Bloemenveilinger Aalsmeer II.

22 Par une lettre de la fin du mois de juillet 1988, le membre de la Commission en charge des questions de concurrence a fait savoir à la VBA que sa réglementation, pourrait faire l'objet d'une éventuelle exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, sous réserve d'une notification formelle de certaines modifications supplémentaires alors proposées par la VBA.

23 Le 15 août 1988, des modifications supplémentaires de la réglementation de la VBA ont été notifiées à la Commission dans le cadre du dossier n° IV/32.750 - Bloemenveilingen Aalsmeer II.

24 Les accords relatifs au centre commercial Cultra (ci-après " accords Cultra ") ont également fait l'objet d'une notification à la Commission le 15 août 1988, enregistrée sous le n° IV/32.835 - Cultra.

25 Par lettres des 18 mai, octobre et 29 novembre 1988, Florimex a formellement déposé une plainte, enregistrée sous le n° IV/32.751, devant la Commission contre la redevance d'utilisation, en faisant valoir, notamment, que celle-ci avait le même objet ou effet que le régime des 10 % interdit par la Commission dans la décision de 1988 et que, pour certains produits, le taux de la redevance d'utilisation était même plus élevé.

26 Le VGB a introduit une plainte similaire par lettre du 15 novembre 1988, enregistrée sous le n° IV/32.990.

27 Par lettres du 21 décembre 1988, la Commission a fait savoir à Florimex et à la VGB qu'elle avait entamé des procédures dans les affaires IV/32.750 - Bloemenveilingen Aalsmeer II et IV/32.835 - Cultra, avec les effets juridiques résultant de l'article 9, paragraphe n° 17. Dans ces mêmes lettres, la Commission a notamment exprimé l'opinion que la redevance n'était pas discriminatoire par rapport aux redevances dues par les membres et les autres fournisseurs vendant aux criées de la VBA. En ce qui concerne les accords Cultra, la Commission était d'avis que ceux-ci n'avaient pas d'effet sensible sur la concurrence ni sur le commerce entre Etats membres.

28 Le 4 avril 1989, la Commission a publié la communication 89/C 83/03, faite conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil et en vertu de l'article 2 du règlement n° 26 du Conseil dans les affaires IV/32.750 - Bloemenveilingen Aalsmeer et IV/32.835 - Cultra (JO C 83, p. 3, ci-après " communication du 4 avril 1989 "). Dans cette communication, la Commission a indiqué son intention d'adopter une décision favorable quant à la réglementation de la VBA concernant : a) l'approvisionnement en vue des ventes à la criée par les membres de la VBA et d'autres fournisseurs ; b) les conditions de ces ventes, y compris certaines règles de la VBA relatives aux normes de qualités et aux prix minimaux ; c) la redevance d'utilisation applicable en cas d'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA ; d) les accords Cultra.

29 Par lettres du 3 mai 1989, Florimex et la VGB ont soumis leurs observations en réponse à la communication du 4 avril 1989, tout en répondant, en même temps, aux lettres de la Commission du 21 décembre 1988. Dans leurs observations, elles se sont opposées à l'intention de la Commission d'adopter une décision favorable quant à la redevance d'utilisation et aux accords Cultra et ont introduit des plaintes formelles en ce qui concernait les contrats commerciaux.

30 Le 3 mai 1989, Verhaar et Inkoop Service Aalsmeer ont également déposé une plainte devant la Commission relative aux accords Cultra et aux nouveaux contrats commerciaux. Cette plainte a été enregistrée sous le n° IV/33.190 - Inkoop service/Aalsmeer.

31 Le 7 février 1990, la VBA a notifié à la Commission son règlement complémentaire relatif aux " modalités d'application de la redevance d'utilisation ", prévoyant la possibilité pour un fournisseur d'acquitter la redevance d'utilisation en payant un taux forfaitaire de 5 % de la valeur des produits, avec encaissement effectué par la VBA (voir point 16 ci-dessus). A la même date, la VBA a notifié à la Commission les nouveaux contrats commerciaux. Ces notifications ont été enregistrées sous le n°IV/33.624 - Bloemenveilingen Aalsmeer III.

32 Par lettres du 24 octobre 1990, la Commission a signalé aux requérantes son intention de rendre une décision favorable à la VBA dans l'affaire n° IV/32.750 - Bloemenveilingen Aalsmeer II, en ce qui concernait, notamment l'obligation de vendre à la criée faite aux membres de la VBA et la redevance d'utilisation. Elle a également indiqué que le dossier n° IV/32.835 concernant les accords Cultra serait clôturé sans décision formelle. De même, la Commission a annoncé son intention de clôturer le dossier concernant les nouveaux contrats commerciaux ainsi que les " modalités d'application de la redevance d'utilisation " notifiés le 7 février 1990 (IV/33.624) sans prendre de décision formelle, à la condition que, en ce qui concerne lesdites " modalités d'application ", la VBA s'engage à utiliser les renseignements pour le traitement comptable des services qu'elle fournit, et en aucun cas à des fins commerciales propres.

33 Les requérantes ont réitéré leurs arguments par lettres des 26 novembre et 17 décembre 1990 ainsi que lors d'un entretien qui a eu lieu avec les services responsables de la Commission le 27 novembre 1990. Les plaignantes ont notamment demandé à la Commission de traiter d'une manière formelle les plaintes déposées devant elle.

34 Par lettres du 4 mars 1991, la Commission a fait savoir aux plaignantes, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux conditions prévues à l'article 19, paragraphe 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après " règlement n° 99-63 "), que les éléments recueillis ne lui permettaient pas de donner une suite favorable à leurs plaintes concernant la redevance d'utilisation de la VBA.

35 Les considérations de fait et de droit qui ont amené la Commission à cette conclusion sont exposées en détail dans un document annexé à la lettre au titre de l'article 6 du 4 mars 1991.

36 Dans la partie " appréciation juridique " de ce document, la Commission a constaté, en premier lieu, que les dispositions relatives à l'approvisionnement en vue des ventes à la criée et les règles relatives à l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA font partie d'un ensemble de décisions et d'accords relatifs à l'offre de produits de la floriculture dans l'enceinte de la VBA qui relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard elle a notamment considéré que les accords et décisions dont il était question en l'espèce dans leur ensemble, avaient une importance pour le commerce entre Etats membres suffisante pour relever de l'article 85, paragraphe 1, et qu'il était indifférent à cet égard que chaque disposition considérée isolément satisfasse aux conditions de l'article 85, paragraphe 1. En second lieu, la Commission a constaté que ces décisions et accords sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité, au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phase, du règlement n° 26.

37 Dans ce document, la Commission a également conclu :

" Il ressort d'une comparaison des redevances de criée et des redevances d'utilisation qu'une large égalité de traitement est garantie entre les fournisseurs. Certes, une part que l'on ne peut déterminer avec précision des redevances de criée est constituée par l'indemnité qui doit être versée en échange du service fourni par la criée, mais pour autant qu'en occurrence une comparaison avec les redevances d'utilisation soit possible quant au taux, ce service a pour contrepartie des obligations d'approvisionnement. Les distributeurs qui ont conclu des contrats commerciaux avec la VBA assument également ces obligations d'approvisionnement. Par conséquent, les règles relatives aux redevances d'utilisation ne comportent pas d'effets qui ne soient pas compatibles avec le marché commun ".

38 Par lettre du 17 avril 1991, les requérantes ont répondu à la lettre au titre de l'article 6 du 4 mars 1991 en maintenant leurs plaintes quant à la redevance d'utilisation, aux accords Cultra et aux contrats commerciaux. Elles ont également fait valoir que ladite lettre ne traitait ni des accords Cultra ni des nouveaux contrats commerciaux, de sorte qu'une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 faisait défaut à cet égard.

39 Par décision communiquée par lettre SG (92) D/8782 du 2 juillet 1992, la Commission a définitivement rejeté les plaintes des requérantes en ce qui concerne la redevance d'utilisation.

H - La correspondance après la lettre du 2 juillet 1992

40 Par lettre du 5 août 1992, introduite par la rubrique " IV/32.751 - Florimex/Aalsmeer II, IV/32.990 - VGB/Aalsmeer, IV/33.190 - Inkoop Service et M. Verhaar/Aalsmeer, IV/32.835 - Cultra et IV/33.624 - Bloemenveilingen Aalsmeer III ", la Commission s'est adressée aux requérantes dans les termes suivants :

" Sur la base des renseignements que vous avez fournis dans le cadre de vos recours ainsi que sur la base des informations que la Commission a obtenues par le biais des notifications et grâce à sa propre enquête, la direction générale de la concurrence a clôturé, du moins provisoirement, son enquête dans les présentes affaires en ce qui concerne les " contrat-types I, II et III " et les " accords Cultra ".

Il est peu favorable, à la lumière des observations qui suivent, qu'une suite favorable sera réservée à vos demandes.

1. Les contrats commerciaux

Les contrats commerciaux sont axés sur l'obtention, jugée nécessaire par la VBA, d'une offre supplémentaire dans son enceinte. Pour pouvoir s'assurer cette offre supplémentaire, la VBA conclut ces contrats avec des commerçants qui sont disposés à s'engager à offrir une quantité déterminée de produits.

Les commerçants qui souscrivent de tels contrats commerciaux ne doivent pas acquitter la redevance d'utilisation pour les produits spécifiques qui sont énoncés dans le contrat. Ils paient une commission d'encaissement de 3 %. Pour les autres produits qu'ils offrent à la vente, ils doivent payer la redevance d'utilisation.

Pourvu qu'ils acquittent la redevance, tous les commerçants établis dans l'enceinte de la VBA peuvent offrir à la vente les produits que les titulaires de contrats commerciaux offrent également.

Une comparaison entre les charges financières imposées par la VBA aux commerçants parties aux contrats commerciaux et aux commerçants qui n'ont pas conclu de tels accords conduit à la conclusion que les titulaires de contrats commerciaux sont privilégiés. En revanche, ils contractent des obligations vis-à-vis de la VBA en ce qui concerne l'offre de certains produits.

On ne peut donc considérer que la VBA applique, à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous d) du traité CEE. En outre, le dossier ne contient pas de preuves concluantes de ce que le commerce entre Etats membres pourrait être sensiblement affecté, même s'il y avait restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

2. Les accords Cultra

[...]

La VBA et les négociants établis dans le centre Cultra sont liés par des contrats qui ont pour objet et pour effet de restreindre la concurrence, et ce tant en ce qui concerne la limitation des activités professionnelles de ces négociants qu'en ce qui concerne la limitation de leurs sources d'approvisionnement (ceci ne vaut pas pour le négociant en plantes d'hydroculture). Le dossier ne comporte cependant pas de preuves concluantes indiquant que le commerce entre Etats membres en est sensiblement affecté. La faible incidence économique sur les marchés en cause l'exclut. Étant donné que les renseignements que la Commission a pu obtenir à ce propos sont des secrets d'affaires des entreprises concernées, il n'est pas possible de vous permette d'en prendre connaissance.

Eu égard à ces considérations, et dans la mesure où on peut déjà en juger, la poursuite de la procédure devrait aboutir à un rejet formel des plaintes.

Sur la base de cette appréciation, encore provisoire, de votre demande, j'ai donc l'intention de renoncer à une telle procédure formelle et de clore l'affaire. Je prendrai les mesures nécessaires à cet effet à moins que vous me fassiez savoir dans un délai de quatre semaines que vous entendes maintenir votre plainte en vue d'une poursuite de la procédure et que vous exposiez les arguments que vous entendez faire valoir dans ce but. "

41 Le 21 septembre 1992, Florimex et la VGB ont introduit devant le Tribunal les recours dans les affaires T-70/92, dirigés contre la décision de la Commission du 2 juillet 1992. L lettre de la Commission du 5 août 1992 est annexée aux requêtes dans ces affaires et y est qualifiée par les requérantes de lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63.

42 Le 22 décembre 1992, l'avocat des requérantes a répondu au nom des quatre plaignantes à la lettre du 5 août 1992, en précisant que les circonstances l'avaient empêché de réagir plus tôt. Il a souligné que les requérantes souhaitaient maintenir leurs plaintes et a également exprimé le souhait que la Commission prolonge le délai, en attirant l'attention sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une affaire urgente et que la Commission avait promis de clôturer les dossiers par une décision formelle pouvant faire l'objet d'un recours. Quant aux contrats commerciaux, l'avocat des requérantes a notamment fait valoir, d'une part, que les différences entre le taux de la redevance d'utilisation et celui de la redevance prévue dans les contrats commerciaux n'étaient pas objectivement justifiées, et, d'autre part, que la position de la Commission quant à 'affectation du commerce entre Etats membres allait dans le sens inverse de la décision de 1988, où les contrats commerciaux avaient été considérés comme faisant partie intégrante de la réglementation de la VBA. Quant aux accords Cultra, il a notamment fait valoir que l'effet sur le commerce entre Etats membres devait être apprécié dans le cadre de l'ensemble de la réglementation de la VBA et que le chiffre d'affaires des entreprises concernées était au-dessus du seuil prévu par la communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure.

43 La lettre des requérantes du 22 décembre 1992 n'a donné lieu à aucune réponse de la part de la Commission. L'état de santé de l'avocat des requérantes, qui était sous surveillance médicale depuis plus d'un an (voir l'attestation médicale accompagnant la deuxième demande de prorogation du délai pour le dépôt de la réplique dans les affaires T-70/92), s'étant gravement détérioré, les requérantes ont choisi un nouvel avocat le 3 novembre 1993. Celui-ci, a par lettre du 9 décembre 1993, demandé à la Commission de prendre position sur la lettre du 22 décembre 1992.

44 Par lettre du 20 décembre 1993, la Commission a répondu à la lettre du 9 décembre 1993 en rappelant les termes du dernier alinéa de sa lettre du 5 août 1992 et en précisant ce qui suit :

" Lors de la réception de la lettre du 22 décembre 1992, le délai de quatre semaines qui avait été accordé à votre cliente pour formuler des observations relatives au contenu de la lettre recommandée du 5 août 1992 était expiré depuis des mois.

La direction générale de la concurrence de la Commission a tenu compte d'office des informations qui avaient été fournies par votre lettre du 22 décembre 1992. Toutefois, un examen provisoire qui a été alors effectué n'a pas donné lieu à intervention au titre de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité. "

LA PROCEDURE

45 C'est dans ces conditions que, par requête déposée le 16 février 1994, la VGB, Florimex, Inkoop Service Aalsmeer et Verhaar ont introduit le présent recours contre la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 20 décembre 1993.

46 Par acte séparé déposé le même jour, les requérantes ont demandé la jonction de cette affaire avec les affaires jointes Florimex et VGB/Commission, T-70/92 et T-71/92.

47 Par mémoire déposé le 4 mai 1994, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.

48 Par acte déposé le 17 mai 1994, la VBA a demandé a être autorisée à intervenir dans l'affaire T-77/94 au soutient des conclusions de la Commission.

49 Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 4 juillet 1994, la VBA a été admise à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.

50 Par ordonnance du Tribunal (première chambre) du 14 juillet 1994, l'exception d'irrecevabilité a été jointe au fond.

51 Par décision du Tribunal du 19 septembre 1995, prenant effet le 1er octobre 1995, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

52 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission et la VBA à répondre par écrit à certaines questions avant l'audience.

53 L'audience s'est déroulée le 5 juin 1996, en même temps que celle dans les affaires jointes Florimex et VGB/Commission, T-70/92 et T-71/92, devant le Tribunal composé de MM. H. Kirschner, président, B. Vesterdorf, C. W. Bellamy, A. Kalogeropoulos et A. Potocki.

54 Suite au décès du juge M. H. Kirschner, le 6 février 1997, le présent arrêt a été délibéré par les trois juges dont il porte la signature, conformément à l'article 32, paragraphe 1, du règlement de procédure.

CONCLUSIONS DES PARTIES

55 Dans leur requête, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal d'annuler la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 20 décembre 1993. Dans leur observations sur l'exception d'irrecevabilité, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal de rejeter l'exception d'irrecevabilité et de condamner la Commission aux dépens.

56 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal déclarer le recours irrecevable ;

- à titre subsidiaire : rejeter le recours comme non fondée ;

- condamner les requérantes au dépens de l'instance.

57 La partie intervenante soutient les conclusions tant principales que subsidiaires de la défenderesse et conclut à ce que les requérantes supportent les dépens de l'instance, y compris ceux de la partie intervenante.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire des arguments des parties

58 La partie défenderesse soutient que la lettre de la Commission du 20 décembre 1993 ne fait qu'informer les plaignantes de l'état de la procédure et ne constitue pas un rejet de leurs plaintes, qui n'ont pas été rejetées formellement à ce jour. Cette lettre relèverait de la première des trois phases de la procédure envisagées dans l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission (T-64/89, Rec. p. II-367, ci-après " arrêt Automec I "). En raison de l'inaction des plaignantes, la procédure ne serait jamais arrivée à la deuxième phase, à savoir la communication prévue par l'article 6 du règlement n° 99-63. La lettre du 20 décembre 1993 n'aurait donc pas affecté la position juridique des requérantes. Dans le cas d'une plainte, la situation juridique, d'une plaignante ne serait modifiée que si la Commission adopte une position définitive au sens de l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission (142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 12).

59 Toutefois, la Commission ne serait tenue d'adopter une telle position définitive que dans la mesure où le plaignant fait usage de ses droits procéduraux. En l'espèce, l'absence de réaction des plaignantes à la lettre du 5 août 1992 dans le délai qui leur était imparti voire dans les jours suivants, aurait autorisé la Commission à considérer la plainte classée, conformément au point 165, dernier alinéa, du Vingtième Rapport sur la politique de concurrence et au point 45 de l'ordonnance du Tribunal du 30 novembre 1992, SFEI e.a./Commission (T-36/92, Rec. p. II-2479). Les requérantes ayant ainsi volontairement renoncé à faire usage de leurs droits procéduraux, elles auraient perdu leur qualité de plaignantes. A la différence du contexte dans lequel a été rendu l'arrêt de la Cour du 16 juin 1994, SFEI e. a./Commission (C-39/93 P, Rec. p. I-2681), la plainte aurait été considérée comme classée du fait de l'inaction des requérantes et non d'un acte de la Commission.

60 Dans ces circonstances, la lettre du 20 décembre 1993 serait à considérer comme une simple lettre envoyée après lecture d'office de la lettre du 22 décembre 1992, faite par la Commission dans le cadre de son obligation générale de diligence administrative. Elle ne saurait donc être considérée comme une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, et moins encore comme un rejet de la plainte, d'autant qu'elle n'était pas motivée, comme aurait dû l'être un tel acte. Cette lettre indiquerait sans la moindre ambiguïté, que la plainte avait déjà été classée au moment de la réception de la lettre des requérantes du 22 décembre 1992.

61 En admettant même - quod non- que, selon l'arrêt du Tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission (T-37/92, Rec. p. II-285), la lettre du 5 août 1992 doive être considérée comme une lettre au titre de l'article 6, il ne s'ensuivrerait pas que celle du 20 décembre 1993 doive être considérée comme un rejet attaquable de la plainte. En effet, à la différence de la présente espèce, les plaignantes dans l'affaire BEUC et NCC auraient réagi dans les délais et la Commission aurait répondu à son tour par une lettre circonstanciée, considérée par le Tribunal comme une décision de rejet. La défenderesse souligne qu'il est nécessaire qu'elle puisse considérer une plainte comme classée lorsque la partie plaignante ne réagit plus afin, d'une part, de la mettre en mesure d'exploiter au mieux, dans l'intérêt général, les moyens limités dont elle dispose, et, d'autre part, d'assurer la sécurité juridique de la partie contre laquelle la plainte est dirigée.

62 Il ne serait pas possible d'établir pour quelle raison l'avocat des requérantes n'a répondu qu'en décembre 1992 à la lettre du 5 août précédent, mais il serait à noter que Florimex et la VGB avaient introduit entre-temps, le 21 septembre 1992, leurs recours dans les affaires T-70/92 et T-71/92 et qu'une copie de la lettre du 5 août 1992 se trouvait annexée aux requêtes. Le délai de quatre semaines imparti dans la lettre du 5 août 1992 pour prendre position sur cette dernière n'aurait nullement été trop court et, en tout état de cause, les requérantes auraient déjà perdu leur statut de plaignantes avant le 22 décembre 1992.

63 La Commission n'aurait donc pas été obligée de réagir à la lettre des requérantes du 22 décembre 1992. L'examen effectué d'office après réception de cette lettre ne saurait selon elle faire renaître les droits procéduraux des plaignantes puisque, dans cette hypothèse, les droits du plaignant dépendraient du fait que la Commission procède ou non à un tel examen. En l'espèce, l'examen effectué aurait simplement visé à déterminer si ladite lettre contenait de nouveaux éléments qui auraient pu amener la Commission à intervenir d'office.

64 La partie intervenante soutient les arguments de la Commission.

65 Selon les parties requérantes, la question de savoir si la lettre du 5 août 1992 constituait une lettre au titre de l'article 6 serait sans pertinence. Il importerait seulement de savoir si la lettre du 20 décembre 1993 contient une décision. Le fait que la Commission n'ait pas répondu à la lettre du 22 décembre 1992 laisserait supposer qu'elle avait accordé la prorogation de délai sollicitée par l'ancien avocat des requérantes dans cette lettre. Les requérantes font observer que, dans sa lettre du 20 décembre 1993, la Commission n'a pas déduit du dépassement du délai de quatre semaines fixé dans la lettre du 5 août 1992 un motif d'irrecevabilité, mais a indiqué qu'elle avait examiné d'office la lettre du 22 décembre 1992, ouvert une enquête et était parvenue à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir. Les requérantes en déduisent que leurs plaintes n'avaient pas été classées à cette date, mais que la lettre du 20 décembre 1993, étant bien plus qu'une lettre purement informative, contient un rejet explicite de ces plaintes.

66 La portée de la lettre du 20 décembre 1993 devait être appréciée en tenant compte des contacts antérieurs entre les parties, notamment du fait que, dans sa lettre du 24 octobre 1990, la Commission avait déjà indiqué qu'elle envisageait de clôturer le dossier par une lettre de classement, et que, dans sa lettre du 5 août 1992, elle avait déjà indiqué qu'elle ne donnerait pas de suite positive aux plaintes. Dans ces circonstances, la lettre du 20 décembre 1993 ne pourrait être considérée que comme une lettre de classement au sens de l'arrêt SFEI e. a./Commission, précité.

67 Par ailleurs, au vu du temps écoulé depuis le dépôt de plaintes le 3 mai 1989, il serait plus raisonnable de considérer que celles-ci ont été rejetées le 20 décembre 1993 que de supposer qu'elles n'ont pas encore fait l'objet d'une décision formelle. La Commission se ménageait des délais tellement larges qu'elle ne saurait faire grief aux requérantes d'avoir attendu jusqu'au 22 décembre 1992 pour réagir à la lettre du 5 août 1992. Les requérantes ajoutent que la Commission, qui était au courant, de par les mémoires déposées dans les affaires T-70/92 et T-71/92, qu'elles supposaient que les plaintes concernant les contrats commerciaux et les accords Cultra devaient encore être examinées, ne pouvait pas considérer qu'elles avaient abandonné leurs griefs à cet égard. En sollicitant une prorogation du délai de réponse ainsi qu'une prise de position définitive de la part de la Commission, la lettre du 22 décembre 1992 aurait indiqué clairement que les plaignantes persistaient dans leurs plaintes.

68 Les raisons du retard avec lequel les requérantes ont réagi à la lettre du 5 août 1992 ne pourraient plus être déterminées, mais il ne serait pas possible qu'elles aient eu un lien avec la maladie de leur ancien avocat. En tout cas, les requérantes estiment que, dans le contexte des autres procédures connexes en cours, la Commission ne pouvait pas considérer qu'elles étaient déchues, du fait de ce retard, de leurs droits procéduraux ; à tout le moins, elle aurait fait renaître lesdits droits en abordant le fond de l'affaire dans sa lettre du 20 décembre 1993.

Appréciation du Tribunal

69 En substance, la Commission se base sur trois arguments principaux, à savoir : a) La lettre du 5 août 1992 relèverait de la première des trois phases de la procédure envisagées dans l'arrêt Automec I, la procédure n'ayant en l'espèce jamais abouti à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 et encore moins à un rejet formel des plaintes ; b) en raison de l'absence de réaction des requérantes à la lettre du 5 août 1992, la plainte devrait être considérée comme ayant déjà été classée avant la réception de leur lettre du 22 décembre 1992, les requérantes ayant, de par leur inaction, perdu le statut de plaignantes ; c) la lettre du 20 décembre 1993 ne ferait donc qu'informer les plaignantes de l'état de la procédure et ne constituerait pas une décision de rejet de leurs plaintes.

70 Le Tribunal considère tout d'abord que la lettre de la Commission du 5 août 1992 doit être interprétée comme une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63.

71 En effet, premièrement, dans sa lettre du 24 octobre 1990 (point 31 ci-dessus), la Commission avait déjà signalé qu'elle avait l'intention de clôturer les affaires en cause dans décision formelle à moins que les requérantes ne lui fassent savoir dans un délai de quatre semaines qu'elles souhaitaient maintenir leurs plaintes. Dans ces circonstances, la lettre du 5 août 1992, écrite presque deux ans après celle du 24 octobre 1990, ne saurait être considérée comme relevant encore de la phase préliminaire de la procédure administrative visée au point 45 de l'arrêt Automec I. De même, la lettre du 5 août 1992 ne peut être considérée comme une " première réaction des services de la Commission " au sens du point 165, dernier alinéa, du Vingtième Rapport sur la politique de concurrence, dès lors que lesdits services avaient déjà manifesté cette " première réaction " dans leur lettre du 24 octobre 1990.

72 Deuxièmement, il convient d'apprécier la lettre du 5 août 1992 dans le cadre de la correspondance antérieure, notamment en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (voir l'arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T-83/92, Rec.p. II-1169, point 31). A cet égard, les requérantes ont réagi à la lettre du 24 octobre 1990 en demandant notamment, dans leur lettre du 17 décembre 1990, que la Commission traite d'une manière formelle les plaintes déposées devant elle (point 32 ci-dessus). Ensuite, dans leur réponse du 17 avril 1991 à la lettre au titre de l'article 6 du 4 mars 1991 concernant la redevance d'utilisation les requérantes ont protesté contre l'absence d'une lettre de même portée en ce qui concernait les accords Cultra et les contrats commerciaux et ont demandé à la Commission de leur faire parvenir une telle lettre sur ces aspects de leurs plaintes (point 38 ci-dessus). Dans ces circonstances, il y a lieu d'interpréter la lettre du 5 août 1992 comme une lettre au titre de l'article 6 plutôt que comme la répétition inutile de la première prise de position des services de la Commission, déjà communiquée par lettre du 24 octobre 1990.

73 Troisièmement, le Tribunal considère que la lettre du 5 août 1992 répond aux conditions formelles exigées d'une lettre au titre de l'article 6, notamment en ce qu'elle indique les motifs pour lesquels il ne parait pas justifiée de donner une suite favorable aux plaintes, se réfère expressément à la clôture du dossier et fixe un délai pour la réponse. La fait que la lettre du 5 août 1992 ne vise pas expressément l'article 6 ne saurait être décisif (voir l'arrêt BEUC et NCC/Commission, précité, point 34).

74 Il y a donc lieu de rejeter le premier argument de la Commission.

75 Quant au deuxième argument de la Commission, selon lequel les requérantes avaient déjà perdu leur statut de plaignantes à la date de leur lettre du 22 décembre 1992, le Tribunal peut accepter, dans l'intérêt de la sécurité juridique, en particulier du point de vue de la partie adverse, qu'une plaignante qui ne fait pas diligence pendant la procédure administrative, notamment en ne répondant pas à une lettre au titre de l'article 6, puisse considérée comme étant d'accord pour que sa plainte soit classée définitivement, conformément à l'annonce faite par la Commission dans la lettre en question.

76 Si, en principe, la Commission est donc en droit de tirer les conséquences du fait qu'une plaignante ne répond pas à une lettre au titre de l'article 6 dans le délai imparti conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, à condition que ce délai soit raisonnable, le Tribunal estime, toutefois, que le consentement de la plaignante à ce que sa plainte soit classée, ne saurait être présumé, de façon irréfragable, du seul fait que ce délai a été dépassé. En effet, il ne serait pas compatible avec le principe du respect des droits de la défense que la Commission puisse classer la plainte si des circonstances particulières peuvent légitimement expliquer le dépassement d'un délai que la Commission a fixé elle-même.

77 Le Tribunal estime que, dans le cas d'espèce, le dépassement du délai de quatre semaines fixé dans la lettre du 5 août 1992, pendant une période de vacances, ne justifiait pas en soi la conclusion que les requérantes étaient d'accord pour que leurs plaintes soient classées. En effet, il ressort de l'ensemble de la correspondance antérieure entre les requérantes et la Commission que, pendant une période de plus de trois ans, elles avaient insisté sur le maintien de leurs plaintes et demandé à maintes reprises que la Commission adopte une décision formelle, pour leur permettre de saisir le Tribunal.

78 En outre, le 21 septembre 1992 Florimex et la VGB ont introduit devant le Tribunal les recours T-70/92 et T-71/92, dans lesquels elles faisaient grief à la Commission de ne pas avoir traité leurs plaintes concernant les contrats commerciaux et les accords Cultra dans sa décision du 2 juillet 1992 concernant la redevance d'utilisation, et faisaient valoir qu'elles entendaient maintenir lesdites plaintes. Elles ont d'ailleurs indiqué, aux pages 27 et 28 (Florimex) et 25 et 26 (VGB) de leurs requêtes, qu'elles avaient interprété du 5 août 1992, produite en annexe aux recours, comme étant une lettre au titre de l'article 6 et qu'elles attendaient donc une décision formelle sur leurs plaintes.

79 De même, la teneur du 21 décembre 1992, finalement envoyée par les requérantes démontre que celles-ci avaient toujours l'intention de maintenir leurs plaintes, puisqu'elles demandaient une prorogation du délai de réponse et l'adoption par la Commission d'une décision formelle.

80 Bien que la raison pour laquelle l'avocat des requérantes n'a pas répondu à la lettre du 5 août 1992 avant le 22 décembre 1992 n'ait pu être établie, le Tribunal ne peut pas exclure que cette omission soit en rapport avec la maladie grave dont il souffrait à l'époque.

81 Dans ces circonstances spécifiques, le Tribunal estime que la Commission n'était pas fondée à considérer, sur la seule base du dépassement du délai fixe dans la lettre du 5 août 1992, et sans avoir prix contact avec les requérantes, que leurs plaintes devaient être considérées comme classées avant le 22 décembre 1992.

82 En outre, la Commission n'a pas établi qu'elle avait adopté les " mesures nécessaires " pour clore l'affaire, auxquelles se réfère la lettre du 5 août 1992. En effet, rien n'établit que ces plaintes ont été réellement classées à une date antérieure au 22 décembre 1992, et la lettre de la Commission du 20 décembre 1993 n'indique pas de façon claire que tel a été le cas.

83 Dans ces circonstances le deuxième argument de la Commission, selon lequel les requérantes avaient déjà perdu leur statut de plaignantes du fait d'un " classement présumé " de leurs plaintes avant le 22 décembre 1992 doit être rejeté.

84 Dans ces circonstances, le troisième argument de la défenderesse, selon lequel, en tout état de cause, la lettre du 20 décembre 1993 ne constitue pas un rejet formel des plaintes quant au fond, amènerait à la conclusion que celles-ci son encore pendantes devant la Commission.

85 Le Tribunal estime, toutefois, que tel n'était pas le cas au moment de l'introduction du recours. En effet, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, la lettre du 20 décembre 1993, lue dans son contexte, est à considérer comme un rejet définitif des plaintes quant au fond.

86 Cette conclusion, découle des considérations suivantes. Dans leur lettre du 22 décembre 1992, les requérantes ont répondu à la lettre du 5 août 1992 de façon détaillée, tout en soulignant qu'elles maintenaient leurs plaintes afin de permettre la poursuite de la procédure. Elles ont d'ailleurs spécifiquement demandé que la Commission adopte une décision formelle sur leurs plaintes, comme elle l'avait promis pendant la procédure administrative. Dans sa lettre du 9 novembre 1993 le nouvel avocat des requérantes a demandé que la Commission prenne position sur la lettre du 22 décembre 1992. Il ressort de la lettre de la Commission du 20 décembre 1993, en réponse à cette demande, qu'elle a effectué un examen de la lettre du 22 décembre 1992 et qu'elle a conclu que les observations qu'elle contenait ne donnaient " pas lieu à intervention au titre de l'article 875, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité ".

87 Cet examen au fond de plaintes, fait par la Commission sans opposer une fin de non-recevoir, ne peut être considéré comme ayant été effectué " d'office ", mais confirme soit que les plaintes n'ont jamais été réellement classées, soit que la Commission a, à tout le moins, procédé à une réouverture du dossier. De même, cet examen ne pouvait être considéré comme " provisoire ", comme le prétend la lettre du 20 décembre 1993. Au contraire, après la prise de position contenue dans la lettre du 24 octobre 1990 et la lettre au titre de l'article 6 du 5 août 1992 et du 9 novembre 1993 constatant, après réexamen, du fond qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir ne peut être considérée que comme un rejet définitif des plaintes, dont la motivation se trouve en substance dans la lettre au titre de l'article 6 du 5 août 1992.

88 Il s'ensuit que le recours est recevable.

Sur le fond

Exposé sommaire des arguments des parties

89 Les requérantes font valoir en substance un moyen unique tiré des erreurs d'appréciation commises par la Commission dans sa lettre du 5 août 1992 contenant les motifs de la décision de rejet de leurs plaintes, communiquée par lettre du 20 décembre 1993, en ce qui concerne, d'une part, les contrats commerciaux et, d'autre part, les accords Cultra.

90 Les requérantes réitèrent tout d'abord leurs objections d'ordre général contre l'ensemble des contrats appliqués par la VBA, déjà évoquées dans les affaires T-70/92 et T-71/92. Les contrats commerciaux et les accords Cultra feraient partie tout comme la redevance d'utilisation en cause dans les affaires T-70/92 et T-71/92, d'un ensemble incompatible avec le droit communautaire de la concurrence . Il s'agirait de prélèvements injustifiés, ne donnant droit à aucune contrepartie, dont le seul but serait fausser la concurrence en faveur de la VBA, qui elle-même achète des produits de la floriculture dans le monde entier, conclut des contrats à terme en dehors du régime des ventes au " cadran " et fait donc directement concurrence aux commerçants avec lesquels elle conclut les contrats précités. la barrière instaurée par la VBA contre les importations de produits non cultivés aux Pays-Bas, du moins en grandes quantités ou pendant les saisons concernées, n'aurait pas pour objectif de garantir un débouché à ses membres, mais viserait simplement à affranchir la VBA de toute concurrence commerciale. La très forte position de la VBA sur le marché rendrait l'accès à celui-ci très difficile pour les tiers.

91 Pour ce qui est des contrats commerciaux, les requérantes font valoir que ceux-ci sont presque identiques aux anciens contrats du même nom, interdits par la décision de 1988. La rémunération de ces contrats ne serait pas justifiée par des services fournis en contrepartie par la VBA, mais servirait seulement à augmenter le prix de revient des commerçants, affaiblissant ainsi leur position concurrentielle, notamment à l'égard de la VBA.

92 Par ailleurs, les contrats commerciaux restreindraient la concurrence en ce qu'ils imposent de ne vendre qu'aux acheteurs inscrits auprès de la VBA.

93 En outre contrairement à ce qui est indiqué par la Commission dans sa lettre du 5 août 1992, les titulaires de ces contrats ne souscriraient aucun engagement particulier, de sorte qu'il y aurait application de condition inégales par rapport aux commerçants ne bénéficiant pas de tels contrats, qui doivent s'acquitter de la redevance d'utilisation, d'un montant plus élevé.

94 De surcroît, la possibilité de conclure de tels contrats serait offerte à certains commerçants de façon arbitraire, les commerçants ainsi favorisés étant soumis au régime des 3 % sans être obligés de payer la redevance d'utilisation. Les commerçants représentant une menace concurrentielle trop importante pour la VBA pourraient donc être sanctionnés par le refus de conclure un contrat commercial.

95 La règle de minimis, invoquée par la Commission dans sa lettre du 5 août 1992, ne serait pas d'application. En effet, l'importance du marché en cause devrait être appréciée au regard du chiffre d'affaires global de la VBA, soit plus de 2 milliards de HFL, dont une partie considérable résulterait d'exportation vers d'autres Etats membres. Les requérantes ajoutent que, dans sa décision de 1988, la Commission était partie du principe que la règle de minimis ne s'appliquait pas.

96 Pour ce qui est des accords Cultra, les requérantes relèvent que, dans sa lettre du 5 août 1992, la Commission elle-même les considère comme des restrictions à la concurrence. Selon les requérantes, la condition selon laquelle seuls les produits provenant de la VBA peuvent, en principe, être vendus dans le centre commercial Cultra a manifestement une incidence sur l'approvisionnement. Elles soulignent que, pour vendre des produits obtenus autrement que par l'intermédiaire de la VBA, le commerçant installé dans le centre Cultra doit s'acquitter d'une redevance de 8,6 %, qui n'est pas justifiée par les services fournis par la VBA.

97 Il ne serait pas exact de dire que ces contrats n'affectent pas sensiblement le commerce entre les Etats membres ou n'ont qu'une faible importance économique. Au contraire, le chiffre d'affaires réalisé dans le centre Cultra proviendrait notamment d'exportations, en particulier vers l'Allemagne. Par ailleurs, les redevances versées par les commerçants installés dans le centre Cultra s'ajouteraient à la redevance d'utilisation et feraient partie d'un ensemble de mesures adopté par la VBA et portant sur un chiffre d'affaires très important, à savoir le chiffre d'affaires global réalisé dans le cadre des ventes à la criée. Ils affecteraient donc de façon sensible le commerce entre les Etats membres.

98 De plus, la Commission ignorerait le fait que l'absence d'incidence sur le commerce entre les Etats membres loin d'être la justification des pratiques de la VBA, en est en fait le résultat, en ce sens que les fournisseurs d'autres Etats membres sont empêchés d'approvisionner les commerçants installés dans le centre Cultra. En outre, ce serait à tort que la Commission opère une distinction entre les différentes catégories de produits de la floriculture (fleurs coupées et séchées, plantes de jardins, plante d'appartement), visés par les différents accords Cultra en cause.

99 Enfin, les requérantes allèguent, dans leur réplique, un fait nouveau selon lequel, suite à un changement de la réglementation en 1994, les locataires qui louent un espace dans l'enceinte de la criée ne sont exonérés de la redevance d'utilisation que s'ils importent des produits pour leur propre compte. Les requérantes produisent une plainte déposée auprès de la Commission ainsi qu'une lettre de celle-ci du 6 octobre 1994, suspendant sa décision sur ce point tant que les procédures T-70/92 et T-71/92 sont pendantes.

100 La partie défenderesse se prévaut, principalement, de ses moyens d'irrecevabilité et ne soumet d'arguments sur le fond que par souci d'exhaustivité.

101 Pour ce qui est des contrats commerciaux, elle insiste sur le fait que ceux-ci comportent, à la charge des commerçants qui y sont parties, l'engagement de fournir certaines catégories de produits complémentaires à l'offre de la VBA, en contrepartie d'un taux de redevance moins élevé que celui de la redevance d'utilisation.

102 Il serait difficile d'établir l'intérêt des requérantes à faire valoir que le taux de 3 % est trop élevé, étant donné que les requérantes, et notamment Florimex, se seraient toujours plaintes de ce que 3 % était un taux trop peu élevé.

103 La défenderesse souligne que ces contrats, et le régime des 3 % y afférent, ne s'appliquent qu'aux fournitures à des clients dans l'enceinte de la VBA, les commerçants étant libres de vendre leurs produits en dehors du cadre des contrats commerciaux.

104 Quant à l'application de la règle de minimis aux contrats commerciaux, la Commission estime que le chiffre d'affaires de la VBA qu'il convient de prendre en considération doit se limiter aux recettes propres de l'association (redevances, etc.) et ne saurait inclure le produit des ventes au " cadran " réalisées par ses membres.

105 En ce qui concerne les accords Cultra, la défenderesse souligne qu'ils concernent des ventes à de petits acheteurs, notamment des détaillants, par l'intermédiaire de la VBA et dans l'enceinte de celle-ci. Des quatre requérantes, seul Inkoop Service Aalsmeer, avec un chiffre d'affaires d'environ 23 millions de HFL en 1988, serait liée par un tel contrat, couvrant les plantes d'appartement.

106 Les conditions de ces accords, bien que constitutives d'une restriction de la concurrence, n'affecteraient pas le commerce entre les Etats membres, puisque les produits proviennent soit des Pays-Bas, soit d'un pays tiers, et ne sont vendus en principe qu'à de petits commerçants néerlandais. La restriction de la concurrence ne serait pas non plus sensible, puisque le chiffre d'affaires réalisé dans le centre Cultra correspond à environ 8 % du chiffre d'affaires de la VBA. Le pourcentage serait encore moindre si l'on tenait compte que du marché des plantes d'appartement, sur lesquels Inkoop Service Aalsmeer ne serait qu'un opérateur parmi de nombreux autres aux Pays-Bas.

107 Enfin, la défenderesse demande d'écarter des débats les éléments nouveaux introduits par les requérantes qui ne sont mentionnés ni dans la lettre du 20 décembre 1993 ni dans celle du 5 août 1992.

108 S'agissant des contrats commerciaux, la partie intervenante souligne qu'une redevance, d'un type et d'un niveau déterminés par les circonstances, est perçue pour chaque vente effectuée par le titulaire d'un tel contrat, à un acheteur agréé par la VBA et établi dans son enceinte, mais ne l'est pour aucune vente en dehors de cette enceinte. Les contrats commerciaux contiendraient, pour chaque titulaire, l'obligation de vendre des catégories spécifiques de produits de qualité supérieure, complémentaires à l'offre de la VBA, ainsi que de payer, outre la Commission de 3 %, une majoration de loyer. Une comparaison financière simple avec le régime de la redevance d'utilisation ne serait toutefois pas valable, car il faudrait tenir compte du fait que les titulaires de contrats commerciaux bénéficient, en outre, d'une plus grande liberté d'encaissement (voir également la réponse de la partie intervenante aux questions du Tribunal du 12 avril 1996).

109 Les contrats commerciaux ne présenteraient pas les mêmes restrictions que celles critiquées dans la décision de 1988. Dès lors, il n'y aurait aucune restriction à la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ni aucune affectation du commerce entre les Etats membres, et les requérantes n'auraient avancé aucun élément tendant à établir le contraire.

110 Pour ce qui est des accords Cultra, ils concerneraient la vente de produits achetés par l'intermédiaire de la VBA à des détaillants selon la formule " cash and carry ". Si le commerçant lié par un accord Cultra entend vendre des fleurs achetées auprès de tiers, il paie la redevance de 8,6 % prévue pour les ventes effectuées en tant que " fournisseur libre ". la partie intervenante souligne qu'elle met des installations à la disposition du centre Cultra et participe aux frais de promotion. Elle souligne également le caractère distinct des activités du centre Cultra par rapport aux ventes à la criée.

111 Quant à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux accords Cultra, il n'y aurait pas lieu d'apprécier leur impact dans le cadre du chiffre d'affaires global de la VBA. En effet, les accords Cultra ne concerneraient pas les conditions d'approvisionnement en vue de la revente, visées par la décision de 1988, mais la vente des produits de la VBA dans l'intérêt de l'organisation de la criée et dans celui des petits distributeurs. Il n'existerait donc pas d'affectation sensible du commerce entre les Etats membres.

112 En tout état de cause, les accords Cultra seraient couverts par l'article 2 du règlement n° 26, du fait qu'ils sont conclus par une association d'exploitants agricoles et concernent la vente de produits agricoles et l'utilisation d'une installation commune de traitement de tels produits. Par ailleurs, ces accords pourraient faire l'objet d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

Appréciation du Tribunal

113 Dans le cas d'espèce, la Commission n'invoque ni l'article 2 du règlement n° 26 ni l'article 85, paragraphe 3, du traité. Faute d'une décision de la Commission faisant application de ces dispositions, le Tribunal n'est pas compétent pour statuer sur les arguments avancés à cet égard par la partie intervenante.

114 De même, la fait nouveau soulevé par les requérantes au stade de la réplique et concernant, en substance, une prétendue modification du régime concernant la redevance d'utilisation (voir point 99 ci-dessus) sort du cadre du présent recours.

Sur les contrats commerciaux

115 Quant aux contrats commerciaux, la position de la Commission, telle qu'elle ressort de la lettre du 5 août 1992, est qu'il n'y a pas de violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, au double motif que la VBA n'applique pas, à l'égard de ses partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1 sous d), du traité, et qu'il n'y a pas de preuves concluantes d'une affectation sensible du commerce entre Etats membres, même s'il y avait restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

116 En ce qui concerne le premier de ces arguments, le Tribunal rappelle que, dans sa lettre du 5 août 1992, la Commission conclut, après avoir effectué une comparaison des charges financières imposées par la VBA aux commerçants parties aux contrats commerciaux et aux commerçants qui n'ont pas conclu de tels accords, que les premiers sont privilégiés. Le Tribunal estime que les calculs produits par la partie intervenante, qui portent sur le calcul du loyer de certains titulaires des contrats commerciaux qui sont aussi locataires de la VBA, ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion, dès lors que la redevance d'utilisation n'est pas imposée aux locataires de la VBA.

117 Toutefois, la Commission considère que la VBA n'applique pas, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous d) du traité, au motif que les titulaires des contrats commerciaux " contractent des obligations vis-à-vis de la VBA en ce qui concerne l'offre de certains produits ".

118 Or, dans son arrêt rendu ce jour dans les affaires jointes Florimex et VGB/Commission, T-70/92 et T-71/92, le Tribunal a constaté, aux points 192 et 193, qu'il n'avait pas été établi que les titulaires de contrats commerciaux acceptaient des obligations vis-à-vis de la VBA de nature à justifier la différence entre le régime des 3 % et le taux de la redevance d'utilisation.

119 Il s'ensuit que la lettre du 5 août 1992 est entachée d'une erreur de fait ou d'appréciation dans la mesure où il est constaté que la différence de taux entre la redevance d'utilisation et la redevance de 3 % applicable aux contrats commerciaux est justifiée par l'existence de telles obligations.

120 En ce qui concerne le second argument contenu dans la lettre du 5 août 1992, selon lequel " le dossier ne contient pas de preuves concluantes de ce que le commerce entre Etats membres pourraient être sensiblement affecté ", le Tribunal rappelle tout d'abord que, dans la décision de 1988, la Commission a considéré que les anciens contrats commerciaux alors en vigueur faisaient partie intégrante de l'ensemble de la réglementation de la VBA et que cet ensemble était susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres.

121 La Commission a ainsi constaté dans la décision de 1988 :

" (105) La VBA a objecté que les restrictions de la concurrence résultant des points 10 et 11 de l'article 5 de la réglementation des criées sont annulées par la fait que les grossistes établis dans l'enceinte de la VBA peuvent exercer toutes les activités commerciales soit sur la base d'un régime particulier (contrats commerciaux et redevance de 0,25 HFL), soit sur la base du régime des 10 %. Cette objection ne résiste pas à l'examen.

(106) Tout d'abord, les destinataires des mesures concernées ne sont pas les mêmes. Le régime des 10 %, les contrats commerciaux et le régime de 0,25 HFL sont applicables uniquement aux grossistes établis dans l'enceinte de la VBA, alors que les dispositions de la réglementation des criées servent également à interdire l'accès à l'enceinte des criées aux fournisseurs potentiels de ces grossistes (voir plus haut les cas exposés aux points 51 à 55).

(107) Ensuite, le régime des 10 %, les contrats commerciaux et le régime de 0,25 HFL s'insèrent parfaitement dans les dispositions pertinentes de la réglementation des criées. ils constituent les conditions expressément prévues auxquelles il peut être dérogé à l'interdiction.

[...]

3. Contrats commerciaux (handelsovereenkomsten)

(119) Les contrats commerciaux conclus entre la VBA et certains de ses locataires fixent les conditions auxquelles la VBA autorise l'exercice de certaines activités commerciales à l'intérieur de son enceinte. Il existe donc un lien direct entre ces contrats et les dispositions des points 10 et 11 de l'article 5 de la réglementation des criées.

(120) Les contrats commerciaux constituent le fondement juridique sur la base duquel le locataire concerné est autorisé à exposer et à vendre des produits de la floriculture dans le bâtiment de la VBA. Toutefois, les contrats des types A à E précisent également les sources d'approvisionnement en produits destinés à la revente, à savoir d'autres criées de la VBN.

(121) Les contrats types F précisent pour leur part les quantités de produits à vendre, les variétés et le calendrier des ventes. Ils prévoient également que les produits doivent être importés par le locataire lui-même.

(122) Les contrats commerciaux ont ainsi pour effet de rétrécir les canaux de commercialisation situés en amont des locataires de la VBA. La concurrence entre les différentes sources d'approvisionnement des locataires de la VBA est donc restreinte. "

122 Ensuite, en ce qui concerne l'affectation du commerce entre Etats membres, la Commission a constaté aux points 124 à 126 de la décision de 1988 :

" (124) Les restrictions de concurrence susmentionnées [à savoir, y compris les contrats commerciaux] devraient avoir pour effet de faire évoluer les flux commerciaux à l'intérieur de la Communauté autrement que si les accords en question n'existaient pas. Elles affectent non seulement les importations néerlandaises de produits en provenance d'autres Etats membres et de produits en provenance de pays tiers se trouvant en libre pratique dans un autre Etats membre, mais surtout les exportations des produits écoulés aux Pays-Bas.

(125) Ces restrictions de concurrence affectent également le commerce de façon sensible.

(126) Il est indifférent à cet égard que chaque accord considéré isolément affecte le commerce dans une mesure suffisante. Ces accords s'insèrent de toute façon dans un ensemble d'accords similaires qui, conjointement, produisent un tel effet. "

123 Il est vrai que, dans la décision 1988, la Commission a considéré les contrats commerciaux comme faisant partie intégrante du système de VBA, dans la mesure où ils constituaient, à l'époque, une des dérogations à l'obligation exclusive d'achat imposée aux distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA en vertu de l'article 5, points 10 et 11, de la réglementation des criées alors en vigueur et que cette obligation a été entre-temps supprimée. Toutefois, au lieu d'une obligation exclusive d'achat, la VBA a retenu le principe selon lequel l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte est en règle générale soumis à une redevance perçue par elle, à savoir soit la redevance d'utilisation, soit la redevance de 3 % prévue par les contrats commerciaux. Le régime des contrats commerciaux constitue, en effet, une dérogation au régime de la redevance d'utilisation, ce qui est d'ailleurs confirmé expressément par les termes desdits contrats [voir les conditions de vente, versions I et III, sous e), et version II, sous d)].

124 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que les effets des contrats commerciaux ne peuvent être appréciés qu'en tenant compte du régime de la redevance d'utilisation. En outre, il n'est guère concevable que la VBA soit en mesure de maintenir le régime des 3 % sans le régime de la redevance d'utilisation, les deux redevances étant des manifestations du principe général selon lequel toute livraison par des tiers aux acheteurs établis dans l'enceinte est subordonnée au paiement d'une redevance.

125 Il est constant en l'espèce que, comme la Commission l'a constaté à juste titre dans sa décision du 2 juillet 1992, la redevance d'utilisation fait partie intégrante de la réglementation de la VBA(voir point 36 ci-dessus). Il s'ensuit que les contrats commerciaux, eux-aussi, ne peuvent être appréciés que dans le cadre de l'ensemble de la réglementation de la VBA. Par ailleurs, la Commission elle-même a ainsi procédé dans sa décision du 2 juillet 1992 (appréciation juridique, in fine), en comparant le taux de la redevance d'utilisation avec celui prévu par les contrats commerciaux (voir point 37 ci-dessus).

126 Or, il est constant que la réglementation de la VBA dans son ensemble est de nature à affecter le commerce entre Etats membres, comme la Commission l'a constaté tant dans la décision de 1988 (voir point 122 ci-dessus) que dans sa décision du 2 juillet 1992 (voir point 36 ci-dessus). Dès lors que les contrats commerciaux font partie intégrante de cette réglementation, il est indifférent que, considérés isolément, ils affectent ou non le commerce entre Etats membres dans une mesure suffisante(voir l'arrêt de la Cour du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, Rec. p. 611, point 96).

127 Il s'ensuit que la lettre du 5 août 1992 est entachée d'une erreur d'appréciation qui a conduit à une erreur de droit dans la mesure où la plainte des requérantes est rejetée au motif que " le dossier ne contient aucune preuve concluante que le commerce entre Etats membres serait susceptible d'être affecté de manière sensible ".

128 Il résulte de tout ce qui précède que la décision litigieuse doit être annulée dans la mesure où elle rejette les plaintes des requérantes relatives aux contrats commerciaux.

Sur les accords Cultra

129 Le Tribunal rappelle que les accords Cultra regroupent cinq contrats individuels d'exclusivité d'achat entre la VBA et cinq grossistes néerlandais qui s'engagent à acheter exclusivement auprès de la VBA des produits en provenance de ses membres en vue de leur revente à des détaillants dans le centre Cultra. Deux de ces accords portent sur la revente des fleurs coupées et séchées, le troisième porte sur la revente des plantes de jardin et les deux derniers portent sur la revente des plantes d'appartement. Il s'agit donc de cinq accords différents entre entreprises situées dans le même État membre, et ne concernant que des produits ayant leur origine dans cet État membre.

130 Dans sa lettre du 5 août 1992, la Commission a considéré que ces accords Cultra ont pour objet et pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité " tant en ce qui concerne la limitation des activités professionnelles des commerçants qu'en ce qui concerne la limitation de leurs sources d'approvisionnement ". Toutefois, la Commission estime que " le dossier ne comporte cependant pas de preuves concluantes indiquant que le commerce entre Etats membres en est sensiblement affecté. La faible incidence économique sur les marchés en cause l'exclut. Étant donné que les renseignements que la Commission a pu obtenir à ce propos sont des secrets d'affaires des entreprises concernées, il n'est pas possible de vous permettre d'en prendre connaissance ".

131 Le Tribunal est donc appelé à statuer uniquement sur la légalité de la constatation de la Commission selon laquelle la faible incidence économique sur les marchés en cause exclut que les accords Cultra aient un effet sur le commerce entre Etats membres, de sorte que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas.

132 A cet égard, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que, pour être susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, un accord entre entreprises doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres, et cela de manière à faire craindre qu'il puisse entraver la réalisation d'un marché unique entre Etats membres (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. II-549, point 39).

133 Il est également établi qu'un accord échappe à la prohibition de l'article 85 lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (arrêt de la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295). A cet égard, dans la version en vigueur en 1992 de sa communication 86/C 231/02, du 12 septembre 1986, concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (JO C 231, p. 2), la Commission a précisé qu'elle considère que les accords entre entreprises de production ou de distribution de produits ou de prestation de services ne tombent généralement pas sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, lorsque les produits ou services qui font l'objet de l'accord et les autres produits ou services des entreprises participantes considérés comme similaires par l'utilisateur en raison de leurs propriétés, de leur prix et de leur usage ne représentent pas plus de 5 % du marché de l'ensemble de ces produits ou services dans le territoire du marché commun où ces accords produisent leurs effets et lorsque le chiffre d'affaires total réalisé au cours d'un exercice par les entreprises participantes, ne dépasse pas 200 millions d'écus. Ce chiffre est passé à 300 millions d'écus en 1994(JO 1994, C 368, p. 20).

134 Il y a tout d'abord lieu de relever que, au point 124 de la décision de 1988, la Commission a constaté un effet sensible sur le commerce entre Etats membres parce que les accords en question affectaient non seulement les importations néerlandaises de produits en provenance d'autres Etats membres et de produits en provenance de pays tiers se trouvant en libre pratique dans un autre État membre, " mais surtout les exportations des produits écoulés aux Pays-Bas ". La Commission a suivi la même approche dans sa décision du 2 juillet 1992. Toutefois, les accords Cultra ne sont pas orientés vers les exportations aux Pays-Bas, mais visent la revente par des grossistes de produits d'origine néerlandaise aux détaillants dont la plupart sont eux-mêmes établis aux Pays-Bas.

135 Même à supposer, comme les requérantes l'affirment, que les ventes aux détaillants allemands représentent une proportion des ventes Cultra, ce fait ne suffit pas en soi à établir l'existence d'un effet sensible sur le commerce entre Etats membres, dès lors que les requérantes n'ont fourni aucun élément concret de nature à établir l'importance des ventes en cause, ni en termes de parts de marché ni en termes de chiffre d'affaires.

136 Le Tribunal relève ensuite que, pendant la procédure administrative, les requérantes n'ont nullement indiqué quelle part du marché était représentée par les produits Cultra. Au contraire, dans leur lettre du 22 décembre 1992 en réponse à la lettre de la Commission du 5 août 1992, les requérantes ont expressément admis " qu'il est certes vraisemblable qu'en ce qui concerne les parts de marché le critère énoncé dans la communication sur les accords d'importance mineure n'est pas rempli. Sur ce point, les accords Cultra n'affecteraient donc pas de manière sensible le commerce entre Etats membres ".

137 Les requérantes n'ont pas non plus apporté d'éléments de preuve de nature à établir que le chiffre d'affaires des accords Cultra dépassait le seuil de 200 millions d'écus prévu par la communication de la Commission sur les accords d'importance mineure. En effet, même le chiffre d'affaires global de 250 millions de HFL cité par les requérantes dans leur lettre du 28 mai 1996 - qui n'a pas été produit pendant la procédure administrative, qui n'est pas étayé par des éléments de preuve et qui ne se réfère pas nécessairement à l'année 1992 - reste en-deçà de ce seuil. Par ailleurs, les estimations de la Commission, selon lesquelles la valeur des ventes par la VBA aux grossistes Cultra était de 118 millions de HFL à l'époque de la notification et de 93 millions de HFL en 1992, confirment que le seuil de 200 millions d'écus prévu par sa communication sur les accords d'importance mineure n'était pas dépassé en ce qui concerne le chiffre d'affaires des accords Cultra, même pris dans leur ensemble.

138 Toutefois, l'argument essentiel des requérantes est que l'effet des accords Cultra ne peut être apprécié que dans le cadre de l'ensemble de la réglementation de la VBA, en tenant compte du chiffre d'affaires de cette dernière et à la lumière du fait que lesdits accords représentent, conjointement avec la redevance d'utilisation et les contrats commerciaux, un obstacle important à la pénétration du marché néerlandais par des exportations en provenance d'autre Etats membres.

139 A cet égard, le Tribunal considère, toutefois, que le seul fait que les seuils de chiffres d'affaires des parties aux accords Cultra, tous produits confondus, prévus par la communication sur les accords d'importance mineure, sont dépassés en l'espèce, compte tenu du chiffre d'affaires d'environ 2,2 milliards de HFL que la VBA a réalisé en 1992, ne lui permet pas de déduire avec certitude que les accords en cause sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres d'une manière sensible(voir l'arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Schöller/Commission, T-9/93, Rec. p. II-1611, point 75). Il en est d'autant plus ainsi que, dans le cas d'espèce, les activités majoritaires de la VBA concernent la vente aux grossistes en vue de l'exportation des produits de la floriculture des Pays-Bas et sont donc sans lien direct avec les accords Cultra qui concernent des ventes aux détaillants en mesure d'acheter parle système " cash and carry ".

140 Toutefois, il est de jurisprudence constante que l'appréciation des effets d'un accord dans le cadre de l'article 85, paragraphe 1, du traité implique la nécessité de prendre en considération le contexte économique et juridique au sein duquel celui-ci se situe et où il peut concourir avec d'autres, à un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence. De même l'effet cumulatif par plusieurs accords similaires constitue un élément parmi d'autres pour savoir si, par le moyen d'une altération éventuelle du jeu de la concurrence, le commerce entre Etats membres est susceptible d'être affecté notamment dans la mesure où les accords en question ont pour effet d'empêcher des concurrents venant d'autres Etats membres de s'implanter sur le marché en cause, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité (arrêts de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935, points 14 à 24, et Schöller/Commission, précité, points 76 à 78). Cependant, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'applique qu'aux contrats qui contribuent de manière significative à un éventuel cloisonnement du marché (voir les arrêts Delimitis, précité, points 23 et 24, et Schöller/Commission, précité, point 76).

141 Il y a donc lieu de rechercher si les accords Cultra peuvent contribuer, de manière significative, à un éventuel cloisonnement du marché domestique néerlandais pour les produits concernés, compte tenu de leur contexte économique et juridique.

142 A cet égard, le Tribunal a déjà relevé que, tant dans sa décision de 1988 que dans la décision du 2 juillet 1992, la Commission a constaté que la réglementation de la VBA concernant les ventes à la criée et l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte formaient un ensemble qui affectait le commerce entre Etats membres, compte tenu notamment de l'orientation exportatrice de la VBA, et qu'il était donc indifférent de savoir si chaque aspect de la réglementation de la VBA, considéré isolément, affectait le commerce entre Etats membres (voir points 36 et 122 ci-dessus). La même approche vaut pour ce qui est des contrats commerciaux, dès lors que ceux-ci font partie intégrante des règles de la VBA régissant l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans son enceinte, notamment dans la mesure où la VBA a retenu le principe de base selon lequel aucun produit d'un tiers n'est livré dans son enceinte sans prélèvement d'une redevance (voir points 123 à 126 ci-dessus).

143 Toutefois, le Tribunal estime que ces considérations ne sont pas automatiquement transposables aux accords Cultra. En effet, les accords Cultra ne constituent pas une partie essentielle de la réglementation de la VBA concernant les ventes à la criée ou de l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte, notamment en vue de l'exportation des produits concernés, mais relèvent plutôt d'une activité supplémentaire et distincte, à savoir la revente des produits de la VBA aux détaillants par la méthode " cash and carry ". Il s'ensuit que ces accords sont sans lien direct avec les autres aspects de la réglementation de la VBA susceptibles dans leur ensemble d'affecter le commerce entre Etats membres.

144 Quant à la possibilité que les accords Cultra, pris isolément, affectent le commerce entre Etats membres en rendant sensiblement plus difficile la pénétration du marché national néerlandais par des concurrents venant d'autres Etats membres, le Tribunal estime que les requérantes n'ont pas fourni d'éléments suffisants concrets pour lui permettre de constater que lesdits accords sont susceptibles d'avoir un effet significatif à cet égard. En effet, même si les requérantes, à qui incombe la charge de la preuve, ont affirmé, pour la première fois à l'audience, que le chiffre d'affaires global des accords Cultra s'élève à 10 % du marché national néerlandais, elles n'ont produit aucun élément de nature à étayer cette affirmation et ne l'ont pas fait d'ailleurs pendant la procédure administrative. Ce chiffre n'établit pas non plus de distinction entre les différents produits concernés, notamment entre les fleurs coupées, les plantes de jardin et les plantes d'appartement qui servent les différents besoins du consommateur. En outre, à la différence de la situation de fait dans les arrêts Delimitis et Schöller, précités, les accords en question ne concernent que cinq grossistes et ne lient donc pas les détaillants néerlandais qui restent libres d'acquérir les produits concerné auprès de nombreuses autres sources. Le Tribunal n'est donc pas en mesure de constater que les obligations d'exclusivité en cause dans le cas d'espèce, affectant deux grossistes en fleurs coupées et séchées, un grossiste en plantes de jardin et deux grossistes en plantes d'appartement, sont de nature à contribuer, d'une manière significative, à un cloisonnement éventuel du marché néerlandais.

145 Enfin, dans la mesure où les requérantes n'ont pas établi que l'obligation d'exclusivité précisée par les accords Cultra est de nature à affecter le commerce entre Etats membres d'une manière sensible, le fait qu'une dérogation à cette obligation n'est accordée que moyennant paiement à la VBA d'une redevance de 8,7 % est sans pertinence pour la solution du litige. En outre, la VBA a déclaré devant le Tribunal qu'il n'était pas dans son intention de cumuler cette redevance de 8,7 % avec la redevance d'utilisation.

146 Les moyens et arguments des requérantes portant sur les accords Cultra doivent dès lors être rejetés.

147 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, sauf dans la mesure indiquée au point 128 ci-dessus.

Sur les dépens

148 Selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. Selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens si les parties succombent respectivement su un ou plusieurs chefs.

149 Dans leurs mémoires écrits les parties requérantes n'ont conclu sur les dépens que dans leurs observations en réponse à l'exception d'irrecevabilité, mais elles ont demandé à l'audience, que la Commission et la partie intervenante supportent les dépens. Cette circonstance ne s'oppose à ce que cette demande soit accueillie (voir point 197 de l'arrêt de ce jour dans les affaires jointes Florimex et VGB/Commission, T-70/92 et T-71/92.

150 Toutefois, quant au fond de l'affaire, chaque partie a succombé partiellement en ses conclusions. Dans ces circonstances le Tribunal estime qu'il y a lieu d'ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) La décision de la Commission contenue dans sa lettre du 20 décembre 1993, concernant les affaires IV/32.751 - Florimex/Aalsmeer II, IV/32.990 - VGB/Aalsmeer, IV/33.190 - Inkoop Service et M. Verhaar BV/Aalsmeer, IV/32.835 - Cultra et IV/33.624 - Bloemenveilingen Aalsmeer III, est annulée, pour autant qu'elle rejette les plaintes des requérantes selon lesquelles les contrats commerciaux I, II et III de la partie intervenante violeraient l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supportera ses propres dépens.