CJCE, 18 mars 1997, n° C-282/95 P
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTĂS EUROPĂENNES
ArrĂȘt
PARTIES
Demandeur :
Guérin automobiles (EURL)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodriguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Murray
Avocat général :
M. Tesauro
Juges :
MM. Kakouris, Kapteyn, Gulmann, Edward, Puissochet, Hirsch, Jann, Ragnemalm, Wathelet
Avocat :
Mes Fourgoux
LA COUR,
1 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e au greffe de la Cour le 24 aoĂ»t 1995, la sociĂ©tĂ© française GuĂ©rin automobiles (ci-aprĂšs la "requĂ©rante") a demandĂ© l'annulation de l'arrĂȘt du tribunal de premiĂšre instance des CommunautĂ©s europĂ©ennes du 27 juin 1995, GuĂ©rin automobiles/Commission (T-186-94, Rec. p. II-1753), en ce que le tribunal a considĂ©rĂ© qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le recours en carence intentĂ© par la requĂ©rante et en ce qu'il a dĂ©clarĂ© irrecevable le recours en annulation des lettres de la Commission du 21 janvier 1993 et du 4 fĂ©vrier 1994.
Faits et procédure devant le tribunal
2 Il ressort de l'arrĂȘt attaquĂ© que, par lettre du 3 aoĂ»t 1992, la requĂ©rante a prĂ©sentĂ© Ă la Commission, conformĂ©ment Ă l'article 3, paragraphe 2, du rĂšglement n° 17 du Conseil, du 6 fĂ©vrier 1962, premier rĂšglement d'application des articles 85 et 86 du traitĂ© (JO 1962, 13, p. 204), une plainte visant Ă faire constater des infractions Ă l'article 85 du traitĂ© dont se serait rendue coupable la sociĂ©tĂ© Volvo France (ci-aprĂšs "Volvo France"). La requĂ©rante reprochait Ă Volvo France d'avoir rĂ©siliĂ© abusivement le contrat de concession qui les liait (point 2).
3 Dans une lettre du 29 octobre 1992, la Commission a indiquĂ© Ă la requĂ©rante que, au vu du dossier tel qu'il se prĂ©sentait Ă cette Ă©poque, l'affaire ne prĂ©sentait pas un intĂ©rĂȘt communautaire justifiant son traitement par la Commission. En consĂ©quence, elle invitait la requĂ©rante Ă prĂ©senter ses observations dans un dĂ©lai de quatre semaines, sous peine de voir le dossier classĂ© sans suite (point 3).
4 Par lettre du 11 décembre 1992, la requérante a présenté des observations sur la lettre de la Commission du 29 octobre 1992 (point 4).
5 Dans une lettre adressĂ©e Ă la requĂ©rante le 21 janvier 1993, la Commission a constatĂ© que la plainte portait en dĂ©finitive sur le refus de vente qui lui Ă©tait opposĂ©, refus dĂ©coulant d'un rĂ©seau de contrats de distribution exclusive et sĂ©lective qui, d'aprĂšs elle, excĂ©dait les limites de l'exemption du rĂšglement (CEE) n° 123-85 de la Commission, du 12 dĂ©cembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traitĂ© CEE Ă des catĂ©gories d'accords de distribution et de service de vente et d'aprĂšs-vente de vĂ©hicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16). Elle soulignait en outre que, saisie du mĂȘme problĂšme dans une autre affaire, elle Ă©tait en train de l'Ă©tudier. Elle promettait de lui communiquer le rĂ©sultat de son examen (point 5).
6 PrÚs d'un an plus tard, le 6 janvier 1994, la requérante a demandé à la Commission de lui faire connaßtre ses conclusions dans le dossier auquel faisait référence la lettre du 21 janvier 1993. Cette lettre étant restée sans réponse, elle a, le 24 janvier suivant, adressé à la Commission une lettre de mise en demeure au titre de l'article 175 du traité (point 6).
7 Par lettre du 4 février 1994, la Commission a confirmé à la requérante que l'examen de l'autre affaire était toujours en cours et qu'il aurait, le cas échéant, valeur de précédent pour des cas tels que le sien. Elle renouvelait l'assurance qu'elle serait tenue informée dÚs qu'une étape significative aurait été franchie dans ce dossier (point 7).
8 Le 5 mai 1994, la requérante a introduit devant le tribunal de premiÚre instance un recours visant, à titre principal, à faire constater la carence de la Commission et, à titre subsidiaire, à faire annuler ses lettres des 21 janvier 1993 et 4 février 1994, à supposer qu'elles exprimassent une décision de ne pas instruire sa plainte (points 10 et 13).
9 Le 13 juin 1994, la Commission a envoyé à la requérante une communication se référant à l'article 6 du rÚglement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du rÚglement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268) (point 8). Aux termes de cette disposition :
"Lorsque la Commission, saisie d'une demande en application de l'article 3, paragraphe 2, du rÚglement n° 17, considÚre que les éléments qu'elle a recueillis ne justifient pas d'y donner une suite favorable, elle en indique les motifs aux demandeurs et leur impartit un délai pour présenter par écrit leurs observations éventuelles."
10 Cette lettre était rédigée comme suit :
"Objet : Affaire IV-34-423 - Volvo France c. Guérin
Réf. : votre lettre du 24.01.94 (mise en demeure)
Lettre au titre de l'article 6 du rĂšglement (CEE) 99-63
MaĂźtre,
Votre plainte soulÚve la question, du point de vue des rÚgles de concurrence, de la compatibilité avec le rÚglement (CEE) n° 123-85 d'un contrat concernant la distribution exclusive et sélective des automobiles tel qu'il est appliqué par Volvo France. A ce sujet, et revenant sur ma lettre du 21 janvier 1993 à laquelle vous vous référez également, je vous confirme qu'un cas particulier est actuellement à l'instruction dans les services de la Commission, posant la question de la conformité au rÚglement du contrat type de distribution automobile d'un autre constructeur.
Cette autre affaire met en cause plusieurs des clauses ou pratiques Ă©voquĂ©es dans votre plainte. Comme vous le savez, la Commission est soumise Ă des impĂ©ratifs dans le choix de ses prioritĂ©s, en raison des moyens limitĂ©s dont elle dispose. DĂšs lors, il est conforme Ă l'intĂ©rĂȘt communautaire que soient sĂ©lectionnĂ©s les cas les plus reprĂ©sentatifs lorsque plusieurs affaires comparables lui sont soumises. Pour cette raison je vous confirme, me rĂ©fĂ©rant Ă l'article 6 du rĂšglement (CEE) n° 99-63, que dans ces circonstances votre plainte ne peut pas faire l'objet d'un traitement individuel Ă l'heure actuelle.
Par ailleurs, le rÚglement n° 123-85 est directement applicable par les tribunaux nationaux ; dÚs lors, votre cliente peut porter son litige, ainsi que la question de l'applicabilité de ce rÚglement au contrat en question, directement devant ces tribunaux.
Il vous appartient de faire vos observations sur la présente lettre. En ce cas, elles devraient me parvenir dans un délai de deux mois" (point 8).
11 Le 20 juin suivant, la requérante a adressé à la Commission des observations sur la lettre du 13 juin 1994 (point 9).
L'arrĂȘt du tribunal
12 Devant le tribunal, la requérante a fait valoir que la lettre de la Commission du 13 juin 1994 ne pouvait constituer une prise de position mettant fin à la carence de l'institution pour trois raisons. D'abord, une communication au titre de l'article 6 du rÚglement n° 99-63 ne constituerait pas une prise de position au sens de l'article 175, deuxiÚme alinéa, du traité. Ensuite, la lettre ne constituerait pas un rejet de plainte. D'une part, elle ne contiendrait aucune déclaration expresse en ce sens. D'autre part, en précisant que la plainte ne pouvait alors faire l'objet d'un traitement individuel, la Commission aurait voulu limiter dans le temps les effets de sa lettre du 13 juin 1994, de sorte que celle-ci présenterait un caractÚre provisoire (point 18). Enfin, ne s'appuyant que sur une clause de style, la lettre serait insuffisamment motivée (point 19).
13 Dans un second moyen, la requérante a soutenu que le flou des réponses de la Commission relevait d'une stratégie délibérée, visant à la priver de recours juridictionnel. L'institution chercherait à se soustraire tout à la fois à un recours en annulation, en qualifiant les lettres des 21 janvier 1993 et 4 février 1994 de simples "réponses d'attente", et à un recours en carence, en déclarant que sa lettre du 13 juin 1994 constituait une véritable prise de position (point 21).
14 AprĂšs avoir relevĂ©, au point 22, que, au moment de l'introduction de la requĂȘte, les conclusions en carence Ă©taient recevables et, au point 25, que, Ă la date Ă laquelle il statuait, il ne ressortait pas du dossier que la Commission aurait adoptĂ© une dĂ©cision au sens de l'article 189 du traitĂ©, le tribunal a constatĂ©, au point 30, que, dans l'intervalle, la Commission avait nĂ©anmoins adoptĂ© une communication au titre de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63. A cet Ă©gard, le tribunal a relevĂ©, au point 28, que la lettre du 13 juin 1994 indiquait Ă la requĂ©rante les motifs pour lesquels la Commission n'envisageait pas de procĂ©der Ă l'examen individuel de sa plainte, lui impartissait un dĂ©lai de deux mois pour prĂ©senter, par Ă©crit, ses observations et faisait rĂ©fĂ©rence Ă plusieurs reprises Ă l'article 6 du rĂšglement n° 99-63. Le tribunal en a dĂ©duit, au point 29, que, Ă cette Ă©poque, la Commission considĂ©rait que les Ă©lĂ©ments qu'elle avait recueillis ne justifiaient pas qu'une suite favorable soit donnĂ©e Ă la plainte.
15 Rappelant, aux points 26 et 32, que, bien qu'elle ne puisse faire l'objet d'un recours en annulation (arrĂȘt du tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37-92, Rec. p. II-285, point 30), une telle communication constituait toutefois une prise de position au sens de l'article 175 du traitĂ© (arrĂȘt du 18 octobre 1979, Gema/Commission, 125-78, Rec. p. 3173, point 21), le tribunal a jugĂ©, au point 35, qu'il n'y avait plus lieu, dĂšs lors, de statuer sur le recours en carence.
16 Au point 34, le tribunal a également rejeté l'argument de la requérante, selon lequel une telle analyse de la lettre du 13 juin 1994 permettrait à la Commission de s'affranchir de tout contrÎle juridictionnel. A cet égard, il a relevé que, ayant adressé, dans le délai imparti par la lettre du 13 juin 1994, des observations en réponse, la requérante était en droit d'obtenir de la Commission une décision définitive sur la plainte, laquelle décision pourrait faire l'objet d'un recours en annulation.
17 S'agissant des conclusions tendant Ă l'annulation des lettres des 21 janvier 1993 et 4 fĂ©vrier 1994, le tribunal les a dĂ©clarĂ©es irrecevables au point 42. Il a relevĂ©, au point 40, que, Ă©tant de simples lettres d'attente, ces missives ne produisaient pas d'effets juridiques obligatoires de nature Ă affecter les intĂ©rĂȘts de la requĂ©rante.
18 Enfin, jugeant, au point 45, que l'introduction des recours en carence et en annulation était imputable à la Commission, le tribunal a mis, au point 46, les dépens à sa charge. Il relÚve sur ce point que la Commission n'avait pas donné suite, dans le délai prévu à l'article 175 du traité, à la mise en demeure que la requérante lui avait adressée le 24 janvier 1994, alors qu'elle était dûment informée de la substance de la plainte depuis décembre 1992. Une communication au titre de l'article 6 du rÚglement n° 99-63 n'était intervenue que postérieurement à l'introduction du recours en carence.
Le pourvoi principal
19 A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque, en substance, cinq moyens tirés :
- du défaut de prise en considération par le tribunal de la correspondance postérieure à la lettre du 13 juin 1994 de la Commission ;
- de l'appréciation erronée de la nature juridique de la lettre du 13 juin 1994 ;
- de la prise en considération indue par le tribunal de renseignements prétendument recueillis par la Commission, mais dont il n'existerait aucune trace dans le dossier ;
- du défaut de sanction par le tribunal de la violation du principe du contradictoire par la Commission, et
- de la violation par le tribunal du principe général du droit au recours juridictionnel.
20 En premier lieu, le tribunal aurait commis une irrégularité de procédure préjudiciable à la requérante en s'abstenant d'analyser les lettres que celle-ci aurait adressées à la Commission les 13 juin, 13 juillet et 20 juillet 1994. Dans ces lettres, la requérante aurait réclamé des précisions sur l'affaire analogue invoquée par la Commission. Elle aurait également demandé à la Commission si elle ordonnerait une jonction des dossiers afin de respecter les droits de la défense. Selon la requérante, la prise en considération de ces lettres aurait permis au tribunal de se prononcer sur la portée de la lettre de la Commission du 13 juin 1994.
21 En deuxiĂšme lieu, le tribunal aurait commis une erreur de droit quant Ă la qualification de la lettre du 13 juin 1994 de la Commission. Ecrire Ă un plaignant, sous le couvert de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63, que la Commission n'a pas l'intention de traiter son dossier parce qu'elle a choisi d'en traiter un autre, sur lequel le plaignant ne peut exercer aucun contrĂŽle, constituerait une manĆuvre dilatoire. Une lettre aussi Ă©vasive ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une prise de position au sens de l'article 175 du traitĂ©. La requĂ©rante se rĂ©fĂšre Ă cet Ă©gard aux arrĂȘts du 15 juillet 1970, Borromeo e.a./Commission (6-70, Rec. p. 815), du 22 mai 1985, Parlement/Conseil (13-83, Rec. p. 1513), du 27 septembre 1988, Parlement/Conseil (302-87, Rec. p. 5615), et du 16 fĂ©vrier 1993, ENU/Commission (C-107-91, Rec. p. I-599).
22 En troisiÚme lieu, le tribunal aurait jugé à tort que la Commission avait valablement pu considérer que les éléments qu'elle avait recueillis ne justifiaient pas qu'une suite favorable soit donnée à la plainte de la requérante. Contrairement à ce que l'article 6 du rÚglement n° 99-63 lui impose, la Commission n'aurait en effet recueilli aucun élément avant d'adresser sa lettre du 13 juin 1994 à la requérante. La meilleure preuve en serait que la Commission a simplement évoqué le traitement d'un autre dossier. Elle aurait choisi un argument extérieur, sans procéder à l'examen de la plainte de la requérante.
23 En quatriÚme lieu, le tribunal se serait abstenu de sanctionner une violation du principe du contradictoire par la Commission en admettant que cette derniÚre ait pu invoquer, dans la lettre du 13 juin 1994, une procédure similaire, alors que les agents de la Commission auraient refusé de donner à la requérante et ultérieurement au tribunal la moindre information sur celle-ci.
24 Enfin, en cinquiĂšme lieu, le tribunal aurait violĂ© le principe gĂ©nĂ©ral du droit au recours juridictionnel Ă un double titre. D'une part, l'analyse de la communication au titre de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63 comme un acte prĂ©paratoire constituant toutefois une prise de position priverait la requĂ©rante de toute voie de recours tant que la Commission n'adopte pas une dĂ©cision dĂ©finitive. D'autre part, le tribunal aurait considĂ©rĂ© Ă tort que la requĂ©rante Ă©tait en droit d'obtenir une dĂ©cision dĂ©finitive sur la plainte et, par consĂ©quent, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. En effet, rien n'empĂȘcherait la Commission de perpĂ©tuer son inaction.
Le pourvoi incident
25 Outre qu'elle conclut au rejet du pourvoi de la requérante, la Commission soulÚve un moyen tiré de l'erreur de droit à l'encontre de sa condamnation aux dépens.
26 Tout d'abord, elle estime que ce moyen ne peut ĂȘtre dĂ©clarĂ© irrecevable au motif que, en vertu de l'article 51, deuxiĂšme alinĂ©a, du statut CE de la Cour, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dĂ©pens.
27 Selon la Commission, l'article 51, deuxiĂšme alinĂ©a, vise Ă Ă©viter que la Cour soit saisie d'un recours uniquement pour statuer sur les dĂ©pens. Par contre, lorsque la condamnation aux dĂ©pens n'est pas le seul point litigieux, elle pourrait ĂȘtre contestĂ©e dans un pourvoi. A plus forte raison, cette disposition ne s'appliquerait-elle pas lorsque la Cour doit connaĂźtre de l'ensemble d'une affaire dans le cadre d'un pourvoi principal et que la question des dĂ©pens est soulevĂ©e par la dĂ©fenderesse.
28 Ensuite, quant au fond, la Commission fait grief au tribunal d'avoir mis les dépens à sa charge au seul motif qu'elle n'a envoyé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du rÚglement n° 99-63 qu'aprÚs l'expiration du délai prévu à l'article 175 du traité. Selon la Commission, une institution n'aurait en effet aucune obligation de respecter ce délai. L'inobservation de celui-ci serait seulement une condition de recevabilité du recours en carence. DÚs lors, le tribunal aurait dû apprécier au moins prima facie le bien-fondé du recours en carence avant de lui faire supporter les dépens.
Sur le pourvoi principal
Sur les quatre premiers moyens
29 S'agissant du deuxiÚme moyen, il convient d'abord de constater que le tribunal a valablement pu qualifier de communication au titre de l'article 6 du rÚglement n° 99-63 la lettre de la Commission du 13 juin 1994 pour les motifs évoqués ci-dessus au point 14.
30 Il y a lieu ensuite de rappeler que, dans l'arrĂȘt Gema/Commission, prĂ©citĂ©, point 21, la Cour a dit pour droit qu'une lettre adressĂ©e au plaignant, qui est conforme aux conditions de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63, constitue une prise de position au sens de l'article 175, deuxiĂšme alinĂ©a, du traitĂ©.
31 Le tribunal a, dÚs lors, jugé à bon droit que la lettre du 13 juin 1994 avait mis fin à l'inaction de la Commission et privait d'objet le recours en carence introduit par la requérante.
32 Le deuxiĂšme moyen devant ĂȘtre rejetĂ©, il y a Ă©galement lieu de dĂ©clarer inopĂ©rants les premier, troisiĂšme et quatriĂšme moyens. A les supposer Ă©tablis, ils ne sont pas, en effet, de nature Ă infirmer la constatation du tribunal que, par sa lettre du 13 juin 1994, la Commission a pris position au sens de l'article 175 du traitĂ©.
Sur le cinquiÚme moyen (violation du principe général du droit à un recours juridictionnel)
33 Il convient de constater que, en considérant que la communication au titre de l'article 6 du rÚglement n° 99-63 constituait une prise de position sans qu'elle puisse faire l'objet d'un recours en annulation, le tribunal n'a pas violé le principe du droit au recours juridictionnel.
34 Selon une jurisprudence constante, lorsqu'il s'agit d'actes ou de dĂ©cisions dont l'Ă©laboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procĂ©dure interne telle que celle instaurĂ©e par le rĂšglement n° 99-63, ne constituent en principe un acte attaquable que les mesures qui fixent dĂ©finitivement la position de la Commission ou du Conseil au terme de cette procĂ©dure, Ă l'exclusion des mesures intermĂ©diaires dont l'objectif est de prĂ©parer la dĂ©cision finale(arrĂȘt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10). Il convient de considĂ©rer que la communication au titre de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63 constitue un acte prĂ©paratoire au sens de cette jurisprudence.
35 Si, par conséquent, le plaignant ne peut introduire un recours juridictionnel contre ladite communication, il est toutefois en droit, en vertu de l'article 6 du rÚglement n° 99-63, de présenter, par écrit, ses observations éventuelles sur celle-ci. En effet, cette phase intermédiaire de la procédure administrative devant la Commission vise à sauvegarder les droits du plaignant qui ne peut se voir adresser une décision défavorable sans avoir eu la possibilité de présenter ses observations sur les motifs que la Commission entend retenir.
36 En outre, contrairement Ă la thĂšse de la requĂ©rante, la Commission n'est pas ainsi autorisĂ©e Ă perpĂ©tuer un Ă©tat d'inaction. En effet, Ă l'issue de cette phase de la procĂ©dure, la Commission est tenue soit d'engager une procĂ©dure contre la personne faisant l'objet de la plainte - procĂ©dure Ă laquelle peut participer le plaignant en vertu de l'article 19, paragraphe 2, du rĂšglement n° 17 et de l'article 5 du rĂšglement n° 99-63, soit de prendre une dĂ©cision dĂ©finitive rejetant la plainte, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge communautaire. Dans le cadre d'un tel recours, le plaignant peut invoquer toute illĂ©galitĂ© Ă©ventuelle qui entacherait les actes prĂ©paratoires Ă la dĂ©cision dĂ©finitive (voir arrĂȘt IBM/Commission, prĂ©citĂ©, point 12).
37 Il convient d'ailleurs d'observer que la décision définitive de la Commission doit, conformément aux principes de bonne administration, intervenir dans un délai raisonnable à compter de la réception des observations du plaignant.
38 Si la Commission s'abstient soit d'engager une procĂ©dure contre la personne qui faisait l'objet de la plainte, soit de prendre une dĂ©cision dĂ©finitive dans un dĂ©lai raisonnable, le plaignant peut se prĂ©valoir des dispositions de l'article 175 du traitĂ© pour introduire un recours en carence.En effet, le fait que le plaignant ait dĂ©jĂ introduit un recours en carence pour obtenir la communication au titre de l'article 6 du rĂšglement n° 99-63 n'empĂȘche nullement qu'il introduise, par la suite, un nouveau recours en carence dont l'objet serait diffĂ©rent. Dans une telle situation, si elle n'avait pas agi en temps utile, la Commission encourrait le risque d'ĂȘtre condamnĂ©e, en raison de son inaction, aux dĂ©pens exposĂ©s par le plaignant.
39 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu'il est toujours loisible Ă une entreprise, qui s'estime lĂ©sĂ©e par un comportement anti-concurrentiel, de faire valoir devant les juridictions nationales, particuliĂšrement lorsque la Commission dĂ©cide de ne pas donner une suite favorable Ă sa plainte, les droits qu'elle tire des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traitĂ©, lesquels produisent des effets directs dans les relations entre particuliers(voir arrĂȘt du 30 janvier 1974, BRT et SABAM, 127-73, Rec. p. 51, point 16).
40 Le cinquiÚme moyen, tiré de la violation du principe général du droit à un recours juridictionnel, n'est dÚs lors pas fondé.
41 Aucun des moyens avancĂ©s par la requĂ©rante n'ayant pu ĂȘtre retenu, il y a lieu de rejeter le pourvoi principal.
Sur le pourvoi incident
42 Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi de la Commission limité à la charge des dépens, il convient de constater d'emblée que celui-ci n'est pas fondé.
43 La prise de position de la Commission est en effet intervenue le 13 juin 1994, soit plus de deux mois aprĂšs la date limite prĂ©vue par l'article 175 du traitĂ© et aprĂšs l'introduction du recours, ce qui a occasionnĂ© des frais inutiles Ă la requĂ©rante dont la premiĂšre lettre Ă la Commission date du 3 aoĂ»t 1992 (arrĂȘt du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15-91 et C-108-91, Rec. p. I-6061, point 33).
Sur les dépens
44 En vertu de l'article 122, premier alinéa, du rÚglement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Il résulte de l'article 69, paragraphe 2, du rÚglement de procédure, tout d'abord, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens et, ensuite, que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens. Selon l'article 69, paragraphe 3, du rÚglement de procédure, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propre dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
45 La requérante et la Commission ayant toutes deux succombé dans leurs prétentions et moyens, il y a lieu de décider qu'elles supporteront chacune leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
décide :
1) Les pourvois sont rejetés.
2) Guérin automobiles et la Commission des Communautés européennes supporteront leurs propres dépens.