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Décisions

CCE, 21 décembre 1993, n° 94-29

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Système Grundig de distribution sélective dans la Communauté

CCE n° 94-29

21 décembre 1993

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le Traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la demande de prorogation de l'exemption présentée par Grundig AG le 12 janvier 1989, vu la publication de l'essentiel du contenu de la notification, faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

A. LES FAITS

(1) Par sa décision 85-404-CEE (3), la Commission a accordé, jusqu'au 28 mars 1989, une exemption en faveur de l'accord de distribution sélective, notifié par la société Grundig AG, le 29 mars 1977, pour des produits de l'électronique de divertissement. Grundig AG a sollicité une prorogation de l'exemption le 12 janvier 1989.

I. Le marché

(2) Le marché des produits de l'électronique de divertissement est caractérisé par une vive concurrence due, d'une part, à la présence de nombreux producteurs ayant des stratégies de distribution différentes et, d'autre part, à des progrès techniques rapides qui débouchent constamment sur de nouvelles innovations. Depuis le début des années 1980, les producteurs d'Extrême-Orient principalement sont présents sur le marché européen, ce qui a entraîné non seulement une forte concurrence par les prix et une diminution de ceux-ci, mais également une baisse des parts de marché des producteurs européens.

(3) Cette évolution s'accompagne, au niveau de la distribution, non seulement d'une concentration progressive mais également d'une tendance à créer de nouvelles formes de distribution telles que les grandes surfaces qui proposent des marchandises à enlever ou à emporter ou en libre-service. A la différence du commerce spécialisé, ces entreprises n'offrent au consommateur ni conseils, ni service après-vente. C'est pour cette raison et également grâce aux avantages que ces grandes surfaces, et en particulier leurs chaînes, tirent de leurs dimensions, que ces entreprises proposent des prix que ne peuvent se permettre des entreprises indépendantes de taille plus réduite. Nombre de celles-ci se trouvent ainsi évincées du marché, ce qui renforce encore la concentration au stade de la distribution.

(4) Cette évolution du commerce présente certains désavantages à la fois pour les consommateurs et pour les fabricants. Certes, les consommateurs profitent des diminutions de prix, mais ils perdent les avantages liés au commerce spécialisé - en particulier le contact avec le vendeur, les conseils d'un personnel compétent et le service après-vente - qui, étant donné les innovations techniques constantes, revêtent une importance croissante pour de nombreux consommateurs. Pour les fabricants, en revanche, il est de plus en plus difficile de constituer un réseau dense de distributeurs spécialisés qui fournissent toutes les prestations nécessaires dans l'intérêt des clients (en particulier dans les régions rurales) et qui assurent de manière optimale la vente de la marque considérée.

(5) Les systèmes de distribution sélective pour les produits de l'électronique de divertissement sont inégalement représentés dans les différents Etats membres. En Allemagne, ils sont traditionnellement plus fréquents que dans les autres Etats membres. Cependant, nombre de fabricants, tant en Allemagne que dans les autres Etats membres, distribuent leurs produits sans conclure d'accords de distribution, mais dans la mesure où ces accords existent, ils peuvent être très différents. Plusieurs des systèmes de distribution notifiés à la Commission ont en outre un caractère exclusivement national et ne s'étendent pas à d'autres Etats membres. Au total, le nombre des systèmes de distribution notifiés depuis l'exemption initiale accordée en faveur du système de distribution exclusive de Grundig en 1985 n'a pas augmenté sensiblement. Comme les systèmes de distribution sélective entraînent des coûts considérables pour les producteurs (administration et contrôle, soutien et formation des distributeurs, etc.), ceux-ci ne semblent guère attirés par la création de nouveaux systèmes.

II. Position sur le marché et structure de la distribution de Grundig

(6) La société Grundig AG (ci-après dénommée "Grundig"), dont le siège est situé à Fuerth (Allemagne), compte, avec un chiffre d'affaires approximatif de 4,23 milliards de marks allemands, pour l'exercice 1991/1992, parmi les principaux fabricants européens de produits de l'électronique de divertissement. Ses parts de marché dans la Communauté représentent, en ce qui concerne les principaux produits commercialisés, à savoir les téléviseurs couleurs et les magnétoscopes, respectivement environ 9,5 et 5,3 %. Dans certains Etats membres, Grundig atteint des parts de marché nettement plus élevées: pour les téléviseurs, 14,3 % en Allemagne, 10,9 % en Italie et 17,5 % au Portugal, et pour les magnétoscopes respectivement 9,8, 6,4 et 8,9 %. A titre de comparaison, les principaux concurrents de Grundig en matière de téléviseurs, soit Thomson et Sony, disposent d'une part de marché, respectivement, de 15 et 11 %; s'agissant des magnétoscopes, le principal concurrent de Grundig, le groupe Matsushita, dispose d'une part de marché de quelque 16 %.

(7) La direction industrielle de Grundig est assumée depuis le 1er avril 1984 par la société Philips-Electronics sise à Eindhoven (Pays-Bas), qui détenait auparavant une participation de quelque 40 % dans le capital de Grundig. Les parts de marché de Philips dans la Communauté s'élèvent à 17 % pour les téléviseurs et à 8,7 % pour les magnétoscopes (parts de marché respectives calculées sans tenir compte des parts de marché de Grundig). Dans certains Etats membres, Philips détient des parts de marché plus élevées: pour les téléviseurs, 24,1 % aux Pays-Bas et 19,5 % en Belgique et pour les magnétoscopes respectivement 18,5 % et 11,3 %. Actuellement, les sociétés Grundig et Philips distribuent leurs produits indépendamment l'une de l'autre, et utilisent des canaux de distribution différents. Contrairement à Grundig, Philips n'a pas recours à un système européen de distribution sélective.

(8) Grundig vend ses produits par l'intermédiaire de grossistes et de détaillants spécialisés qu'elle sélectionne; ceux-ci sont approvisionnés en Allemagne directement par elle et, dans d'autres Etats membres, par le canal de distributeurs exclusifs - dont certains sont des filiales de Grundig. Le réseau de distribution Grundig dans la Communauté compte au total environ 29 000 détaillants spécialisés. C'est en Allemagne que ce réseau, qui compte 16 000 commerçants, est le plus développé. En Allemagne et au Danemark, Grundig distribue en outre ses produits dans le cadre de contrats spéciaux conclus avec trois associations de détaillants spécialisés de taille moyenne qui, pour certains types d'appareils, sont approvisionnés exclusivement par Grundig. Ces contrats font l'objet d'une notification et d'une procédure séparées.

(9) Les prix des produits Grundig - tout comme ceux d'autres fabricants de produits de l'électronique de divertissement - varient d'un Etat membre à l'autre. Ces variations s'expliquent notamment par les différences existant dans les normes techniques, les frais de commercialisation et les taux d'imposition. Dans un même Etat membre, les prix varient aussi considérablement en raison de la forte concurrence par les prix que se font les distributeurs.

III. Le système de distribution Grundig

1. L'accord de distribution sélective Grundig dans la Communauté relatif au commerce de détail

(10) Selon l'accord de distribution sélective Grundig dans la Communauté relatif au commerce de détail, un détaillant est autorisé à participer au système de distribution s'il répond notamment aux critères de qualification suivants:

- il doit exploiter un commerce de détail spécialisé dans la vente d'appareils de l'électronique de divertissement ou disposer d'un rayon spécial pour ceux-ci (par exemple dans un magasin de détail analogue à un grand magasin) ou d'autres points de vente spécialisés, à condition que ceux-ci soient comparables à un commerce spécialisé et soient représentés sur tout le territoire du pays de distribution compte tenu de leur importance et de leurs possibilités de vente. Cette dernière clause, insérée au début de l'année 1992, permet pour la première fois d'agréer les sociétés de vente par correspondance à condition que celles-ci exploitent des points de vente spécialisés comparables à un magasin spécialisé dans ce secteur. La distribution sans installations de présentation, sans conseils et sans service après-vente n'est pas autorisée,

- le magasin spécialisé, le rayon spécialisé ou le point de vente doivent être accessibles au public pendant les heures normales d'ouverture des magasins sans autorisation ou efforts particuliers. Les locaux de vente dans lesquels une sélection représentative des produits Grundig doit être exposée et présentée doivent être à la mesure de la réputation de la marque Grundig,

- le détaillant doit avoir un personnel de vente qualifié possédant des connaissances techniques qui lui permettent de conseiller valablement le client,

- il doit présenter un assortiment du programme de vente Grundig aussi complet que le permettent les dimensions du magasin ou du rayon spécialisé et avoir en stock une sélection représentative de produits du programme de vente Grundig en cours, ce stock étant adapté aux dimensions du magasin spécialisé, du rayon spécialisé ou du point de vente,

- il doit assurer le service après-vente et toutes les prestations de garantie souscrites de manière efficace et rapide, soit dans son propre atelier, soit dans un atelier avec lequel il a passé un contrat permanent à cet effet.

(11) Grundig s'engage à ne fournir d'appareils Grundig qu'à des détaillants spécialisés agréés, à imposer la même obligation aux grossistes qu'elle approvisionne et à assurer une application sans faille du système de distribution. Si les critères applicables au commerce spécialisé sont remplis, le détaillant est agréé dans un délai de quatre semaines suivant la réception de sa demande par Grundig. Si sa demande ne fait l'objet d'aucune décision dans ce délai, le détaillant est réputé agréé. L'agrément peut également se faire par l'intermédiaire des grossistes. Dans ce cas, Grundig se réserve le droit de vérifier elle-même si les critères en question sont remplis et, dans le cas contraire, de résilier sans préavis l'accord de distribution exclusive passé par le grossiste avec le détaillant spécialisé. Tous les distributeurs agréés sont inclus dans la liste des revendeurs spécialisés. Cette liste est confiée à un administrateur fiduciaire qui est tenu de répondre à toute demande d'informations sur l'appartenance de distributeurs au système de distribution Grundig.

(12) Le système de distribution s'appliquant à l'ensemble du marché commun, Grundig s'est réservé le droit de renoncer à certains critères de qualification en fonction des particularités de chaque pays. Elle ne peut toutefois renoncer aux critères suivants: existence d'un magasin spécialisé ou de toute autre forme de distribution comparable, obligation d'exploiter un magasin, d'exposer et de présenter une gamme représentative des appareils Grundig, d'employer un personnel de vente qualifié et d'exécuter les prestations de garantie et de service après-vente.

(13) Les efforts de vente des détaillants spécialisés Grundig doivent se concentrer sur le consommateur final. A l'intérieur du marché commun et dans les pays qui, conformément à un accord de libre-échange passé avec la Communauté, garantissent le libre-échange de marchandises avec les Etats membres, il est toutefois permis d'approvisionner des revendeurs s'ils figurent sur la liste des revendeurs spécialisés Grundig (considérant 10). Dans ce cas, le relevé des clients, des dates d'achat et du numéro des appareils livrés doit être conservé et remis à Grundig à sa demande, s'il s'avère nécessaire de contrôler la filière de vente pour des raisons techniques, en particulier en cas de vices de série éventuels, ou s'il existe une raison valable de soupçonner une infraction au contrat de distribution sélective.

(14) Il est interdit aux détaillants de faire de la publicité ou de se livrer à d'autres pratiques commerciales pouvant susciter des doutes sur leur appartenance exclusive au commerce de détail. Par ailleurs, il ne leur est pas permis, pour la vente d'appareils Grundig, de désorienter la clientèle en annonçant des ventes à des prix "marchandises à enlever ou en libre-service et à emporter".

(15) Grundig se réserve le droit de vérifier à tout moment si les conditions de l'accord de distribution exclusive sont remplies et, dans le cas contraire, de résilier le contrat. En cas d'infraction grave au contrat de distribution, Grundig peut refuser d'approvisionner l'auteur de l'infraction pour une durée déterminée ou, en cas d'infraction répétée, pour une durée indéterminée et résilier le contrat sans préavis. En cas de concurrence déloyale, Grundig ne peut refuser l'approvisionnement que si l'infraction n'est pas contestée ou si elle est établie par voie judiciaire. La constatation par voie judiciaire inclut l'ordonnance de référé qui n'a pas fait l'objet d'une opposition. Grundig ne peut décider la résiliation ordinaire du contrat que si elle renonce au système de distribution.

2. L'accord de distribution sélective Grundig dans la Communauté, relatif au commerce de gros

(16) Selon l'accord de distribution sélective Grundig, relatif au commerce de gros, Grundig agrée en qualité de grossiste le grossiste qui remplit entre autres les critères suivants:

- il doit exploiter un commerce de gros spécialisé dans la vente de produits de l'électronique de divertissement ou avoir un rayon spécial à cet effet, comparable à un commerce de gros spécialisé,

- il doit disposer d'un personnel formé à cet effet et d'un service extérieur qualifié capable de conseiller la clientèle,

- il doit réunir les conditions nécessaires d'organisation et de financement pour pouvoir, autant que possible, vendre et détenir en stock l'assortiment complet des produits Grundig et assurer leur livraison à la clientèle dans les délais convenus.

(17) Grundig s'engage à n'approvisionner que les grossistes spécialisés qui remplissent les critères en question et à garantir l'application sans faille du système de distribution. Grundig se réserve le droit de renoncer à certains critères de qualification en fonction des particularités de chaque pays. Elle ne peut toutefois pas renoncer aux critères suivants: l'obligation d'exploiter un commerce de gros spécialisé et l'existence d'un personnel qualifié. Les règles applicables aux détaillants spécialisés en matière d'agrément et de résiliation du contrat et d'infraction à celui-ci s'appliquent mutatis mutandis au commerce de gros.

(18) Les grossistes ne peuvent livrer ou acheter des appareils qu'à des distributeurs agréés dans le marché commun et les pays qui ont conclu un accord de libre-échange avec la Communauté. Ils ne peuvent approvisionner des utilisateurs finals que lorsque ceux-ci disposent d'une entreprise commerciale et achètent la marchandise pour l'exercice de leur propre activité, ce qu'ils attestent en signant une déclaration objectivement contrôlable.

IV. Les règles de garantie

(19) Grundig n'assume pas actuellement de garantie contractuelle du fabricant pour ses appareils à l'égard des utilisateurs finals; ceux-ci doivent invoquer les garanties légales qui diffèrent partiellement selon les Etats membres. Les cas où les questions de garantie transfrontalière ont soulevé des difficultés ont le plus souvent été réglés à l'amiable. Grundig a toutefois l'intention d'instaurer dans la Communauté une garantie contractuelle totale uniforme à l'échelle européenne et a entrepris de constituer un réseau technique à cet effet. Sur l'intervention de la Commission européenne, Grundig s'est en outre engagée, jusqu'à l'instauration intégrale de la garantie à l'échelle européenne, à permettre aux utilisateurs d'invoquer la garantie dans l'Etat membre de leur domicile même lorsqu'ils ont acquis l'appareil dans un autre Etat membre et à donner des instructions à cet effet à toutes ses filiales et distributeurs exclusifs des différents Etats membres. L'étendue de la garantie est déterminée par les droits accordés dans le pays d'achat.

V. Observations des tiers

(20) A la suite de la publication de l'essentiel du contenu du système de distribution notifié, la Commission a reçu des observations de trois tiers intéressés. Les premières proviennent d'une entreprise qui exploite plusieurs grandes surfaces en libre-service appliquant le système du cash and carry et qui conteste l'obligation pour les grossistes d'avoir un service extérieur qualifié. L'entreprise estime que ce critère n'est plus adapté à la situation actuelle du marché dans le domaine de l'électronique de divertissement: il conduit en effet à exclure des formes modernes de distribution sans être justifié par des particularités spécifiques du produit. L'entreprise critique également le fait que les utilisateurs finals ne peuvent être approvisionnés par les grossistes que lorsqu'ils disposent d'une entreprise commerciale et achètent la marchandise pour l'exercice de leur propre activité, ce qu'ils attestent en signant une déclaration objectivement contrôlable. Selon cette entreprise, la signature d'une déclaration ne devrait pas être nécessaire dans les cas où la marchandise, en raison de sa nature et de ses caractéristiques, peut être utilisée dans l'entreprise commerciale du client considéré.

(21) La deuxième entreprise est une centrale d'achat pour les distributeurs de l'électronique de divertissement de petite ou moyenne dimension, qui conteste l'obligation imposée aux distributeurs, lorsqu'ils vendent des appareils à d'autres distributeurs agréés, d'établir le relevé de la date d'achat et du numéro des appareils livrés et, dans des cas dûment justifiés, de remettre ce relevé à Grundig. Cette obligation rend les importations parallèles plus difficiles car on peut craindre que Grundig n'exerce des pressions sur les distributeurs concernés.

(22) La troisième entreprise est une entreprise française qui approvisionne uniquement des utilisateurs finals appartenant à certaines entreprises ou administrations publiques et qui doivent prouver qu'ils sont autorisés à accéder au magasin géré par cette entreprise. Grundig avait initialement refusé à cette entreprise l'accès à son système de distribution; en effet, selon les critères d'admission, le point de vente doit être accessible sans autorisation particulière. Etant donné cependant que les commerces qui disposent d'une autorisation sont, selon la pratique et la jurisprudence françaises, considérés comme une forme de distribution appropriée, Grundig fera usage de la faculté de renoncer à certains critères d'admission en fonction des particularités du pays (considérant 12) et admettra l'entreprise en question dans son réseau de distribution.

B. APPRECIATION JURIDIQUE

I. Article 85 paragraphe 1

1. Clauses contractuelles qui ne constituent pas une restriction de concurrence

(23) Les contrats conclus avec les grossistes et les détaillants sur lesquels le système de distribution de Grundig est fondé constituent pour l'essentiel de simples accords de commerce spécialisé. La plupart des critères d'admission qu'ils prévoient ne sont pas visés en tant que tels par l'article 85 paragraphe 1: en effet, ces critères sont de nature qualitative et sont appliqués sans discrimination, c'est-à-dire que tous les commerçants qui les remplissent sont agréés. C'est notamment le cas des clauses suivantes:

(24) a) Les critères relatifs aux qualifications professionnelles des distributeurs Grundig, aux connaissances techniques du personnel de vente, à la garantie et au service après-vente ainsi qu'à l'aménagement des locaux de vente sont justifiés par les exigences en matière de distribution propres aux appareils sophistiqués de l'électronique de divertissement. En raison du haut degré d'innovation qui caractérise ce secteur, du développement constant de produits nouveaux et de l'extension des applications des appareils existants, les clients demandent, au moment de la présentation des produits dans des locaux adéquats, à être conseillés de manière appropriée par un personnel de vente formé à cet effet. En conséquence, il est également justifié que les entreprises de vente par correspondance, lorsqu'elles sont agréées comme distributeurs, soient tenues de disposer d'installations de vente, c'est-à-dire de locaux, comparables à celles dont est doté le commerce de détail spécialisé et qu'elles soient représentées sur tout le territoire du pays de distribution, ces entreprises étant exclues de la distribution si elles ne possèdent pas d'installations leur permettant d'assurer la présentation des produits, assortie des conseils à la clientèle, ainsi que le service après-vente. Les clients des entreprises de vente par correspondance ont donc la possibilité, s'ils le souhaitent, de bénéficier, comme les clients des détaillants spécialisés, de ce service.

(25) b) Du point de vue de la concurrence, on ne peut pas non plus contester que le commerce spécialisé doive en principe être accessible pendant les heures normales d'ouverture des magasins. Cette exigence correspond à l'image traditionnelle du commerce de détail, qui a pour fonction d'approvisionner l'ensemble de la population sans privilégier certains groupes d'acheteurs en fonction de leur appartenance à une catégorie professionnelle ou une frange de la population déterminée et sans exclure d'autres acheteurs. Toutefois, lorsque, dans les Etats membres où des entreprises accessibles uniquement à certains groupes d'acheteurs correspondent à une forme de distribution traditionnelle et expressément autorisée en vertu de la législation nationale, il est admissible que Grundig renonce à cette exigence.

(26) c) De même, il est objectivement justifié que le grossiste soit tenu en règle générale d'assurer un service extérieur qualifié. Pour pouvoir remplir ses obligations contractuelles en matière de conseils et de services à l'égard du consommateur, le détaillant doit pour sa part trouver auprès du grossiste les informations et les conseils appropriés. Il a donc besoin d'un service extérieur qualifié, en particulier pour conseiller les petits détaillants spécialisés des régions rurales. Cette nécessité objective n'est pas affectée par le fait que le commerce de gros traditionnel ait généralement perdu de son importance et que, à l'heure actuelle, les détaillants spécialisés s'approvisionnent fréquemment auprès d'autres sources de distribution (distribution directe par le fabricant et groupements d'achat) ne comportant pas de conseils à l'achat. Dans le cadre d'un système de distribution sélective, il est en tout cas normal d'assurer un service spécifique au produit à tous les niveaux de la distribution, ce qui justifie des exigences en ce sens à l'égard des grossistes.

(27) Cette thèse n'est pas infirmée par le fait que Grundig s'est réservé le droit de renoncer à ce critère dans certains Etats membres en fonction de leurs particularités. Dans la mesure où le commerce de gros, dans certains Etats membres, est généralement limité à une fonction de distribution, il serait déraisonnable d'exiger une restructuration de la distribution dans ces pays.

Dans la mesure en revanche où, dans d'autres Etats membres, les grossistes dispensent traditionnellement conseils et soutien aux détaillants spécialisés, il est normal d'exiger qu'ils continuent de fournir ces prestations, dans l'intérêt d'un système de distribution axé sur le service. Il n'y a pas lieu de craindre qu'il en résulte une exclusion totale de nouvelles formes de distribution telles que le cash-and-carry, les fabricants qui distribuent leurs appareils par l'intermédiaire de ces entreprises étant suffisamment nombreux par ailleurs.

(28) d) L'interdiction d'approvisionner des distributeurs non agréés vise à garantir que les appareils Grundig ne sont distribués que par des distributeurs qualifiés qui fournissent en particulier les conseils et les services nécessaires et elle n'est donc pas contraire au droit de la concurrence.

(29) L'approvisionnement des distributeurs agréés est expressément autorisé à l'intérieur du marché commun, ce qui permet en particulier des importations parallèles entre des Etats membres où les niveaux de prix sont différents. L'obligation imposée au distributeur, lorsqu'il approvisionne des revendeurs, d'établir le relevé des clients, des dates d'achat et du numéro des appareils livrés et de remettre ce relevé à Grundig à la demande de celle-ci, ne peut être contestée. Cette obligation est indispensable, notamment pour empêcher le distributeur agréé de violer les accords de distribution, en cédant des produits Grundig à des distributeurs non autorisés; sans cette possibilité de contrôle, il serait difficile de prévenir de telles violations. Comme, d'une part, ces informations sont expressément limitées aux cas dans lesquels il s'avère nécessaire de contrôler la distribution pour des raisons techniques ou parce que l'on peut sérieusement présumer une infraction au contrat de distribution exclusive dans la Communauté et comme, d'autre part, Grundig est chargée de présenter chaque année à la Commission des rapports sur les cas dans lesquels elle a usé de ce droit à demander des informations, il n'existe, contrairement aux craintes émises par des tiers, aucun risque que Grundig demande systématiquement des informations afin de contrôler et d'entraver les importations parallèles entre distributeurs agréés.

(30) Selon ses propres dires, Grundig n'a jamais fait usage de son droit de demander des informations au cours des dernières années. Certes, elle a procédé à des enquêtes dans quelques cas où les produits Grundig couverts par le système de distribution étaient vendus par des distributeurs non agréés. Ces cas ont toutefois pu être réglés sans que Grundig ait jamais eu à vérifier les numéros; en effet, il suffisait en général d'invoquer cette possibilité pour que le distributeur fournisse les données pertinentes. Rien ne laisse par conséquent supposer que Grundig aurait utilisé cette clause de ses contrats pour contrôler les prix de revente et, en particulier, pour maintenir des prix différents dans différents Etats membres.

(31) e) L'interdiction de faire de la publicité pour les produits Grundig en offrant des prix "marchandises à enlever ou à emporter ou libre-service" se justifie par le fait que le système de distribution sélective de Grundig oblige tous les revendeurs à fournir certaines prestations de conseil et de service à la clientèle. De ce fait, les revendeurs ne sont pas autorisés à mener une politique commerciale qui, par principe, n'engloberait pas ces prestations. Or lorsque, pour des produits Grundig, un revendeur annonce ou offre de tels prix, il sous-entend que les utilisateurs renoncent à ces éléments du service à la clientèle. C'est pourquoi l'exclusion contractuelle de telles pratiques commerciales relève des conditions d'agrément d'ordre qualitatif. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de redouter que le distributeur s'écarte en général d'une politique commerciale axée sur la prestation de ces services à la clientèle lorsque c'est à la demande expresse du client qu'il n'assure pas certains de ceux-ci. Dans un tel cas, le contrat de distribution sélective Grundig n'interdit pas au distributeur d'accorder au client une remise pour les coûts ainsi économisés.

(32) f) L'interdiction de principe imposée aux grossistes d'approvisionner des utilisateurs finals privés et l'obligation, en cas de livraison à des utilisateurs finals exerçant une activité commerciale de faire signer à ces derniers une déclaration attestant qu'ils utiliseront ces produits pour l'exercice de leur activité, sont également justifiées: elles visent en effet à assurer la division des tâches entre le commerce de gros et le commerce de détail et à empêcher des distorsions de concurrence préjudiciables au commerce de détail. Contrairement à l'opinion exprimée par des tiers, il ne semble pas approprié de limiter l'obligation de signer une déclaration aux cas où les produits ne sont pas automatiquement utilisables, en raison de leur nature, dans l'entreprise du client, c'est-à-dire aux marchandises étrangères à l'activité de l'entreprise. Même dans le cas de marchandises relevant de cette activité, le risque existe que ces marchandises soient achetées pour un usage purement privé étranger à l'entreprise, par exemple pour des membres de la famille ou des amis du commerçant; en conséquence, il s'avère objectivement justifié d'effectuer un contrôle en faisant signer la déclaration, ce qui ne constitue pas une exigence pour les clients exerçant une activité commerciale.

(33) g) De même, la procédure d'agrément et d'exclusion des grossistes et des détaillants ne peut être contestée du point de vue du droit de la concurrence, étant donné que les demandes d'agrément font l'objet d'une décision dans un délai raisonnable de quatre semaines, qu'une résiliation ordinaire n'est prévue que pour le système de distribution dans son ensemble et qu'une résiliation pour motif grave ainsi que le blocage des livraisons en cas d'infraction aux règles de concurrence ne peuvent être décidés que si le grief formulé n'est pas contesté ou a été constaté par un tribunal.

(34) Toutes les clauses susmentionnées visant à garantir la distribution sélective par des grossistes et des détaillants qualifiés, désireux et capables de conseiller la clientèle et d'assurer un service après-vente, ne sont pas, étant donné la structure du marché et la situation concurrentielle actuelles dans le secteur de l'électronique de divertissement, susceptibles d'affecter sensiblement la concurrence entre les producteurs ou les distributeurs, mais font partie intégrante d'une forme de distribution compatible avec l'article 85 paragraphe 1. Comme le secteur de l'électronique de divertissement est caractérisé par une âpre concurrence entre producteurs, par des formes de distribution différentes et par une vive concurrence entre distributeurs, Grundig (même si l'on tient compte des parts de marché de Philips) n'est pas en mesure de restreindre sensiblement la concurrence au stade de la distribution.

2. Clauses contractuelles qui constituent une restriction de concurrence

(35) Toutefois, les contrats comportent également quelques clauses qui ne se limitent pas à imposer aux distributeurs la formulation d'exigences de qualité ou d'obligations liées à ces exigences et tombent par conséquent sous le coup de l'article 85 paragraphe 1. Ces clauses concernent l'obligation, pour les détaillants, d'exposer un assortiment du programme de vente Grundig aussi complet que le permettent les dimensions du magasin ou du rayon spécialisé et d'avoir en stock une sélection représentative des produits du programme de vente Grundig en cours, ainsi que l'obligation, pour les grossistes, de vendre et de détenir en stock, autant que possible, l'assortiment complet des produits Grundig. Ces obligations vont au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une distribution appropriée et obligent les distributeurs à prendre des mesures à caractère promotionnel qui restreignent leur autonomie en matière de politique commerciale. En conséquence, ces exigences constituent des restrictions de concurrence qui sont suceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, compte tenu de l'application à l'échelle communautaire du système de distribution Grundig, et qui sont sensibles eu égard aux parts de marché de Grundig.

II. Article 85 paragraphe 3

Les contrats conclus avec les grossistes et les détaillants, sur lesquels est fondé le système de distribution sélective Grundig dans la Communauté remplissent les conditions prévues à l'article 85 paragraphe 3.

1. Amélioration de la distribution des produits

(36) Les obligations imposées aus grossistes et aux détaillants contribuent, conjointement avec les critères de spécialisation, à améliorer la distribution des produits Grundig. Les critères de spécialisation garantissent que les produits Grundig sont distribués uniquement par des distributeurs qui possèdent des installations et un personnel adéquats, ce qui permet une distribution plus rationnelle et efficace de ces produits. Les obligations imposées aux distributeurs en ce qui concerne la détention en stock et l'exécution complète du programme Grundig permet en outre à Grundig de s'appuyer sur un large réseau de distributeurs qu'elle a sélectionnés et qui sont disposés à consentir un effort particulier pour distribuer les produits Grundig et promouvoir ainsi les ventes.

2. Participation équitable des utilisateurs au profit résultant des accords

(37) Les avantages liés au système de distribution, en particulier des conseils à la clientèle appropriés et un service après-vente efficace, l'élargissement de la gamme des produits offerts par les grossistes et les détaillants ainsi que l'amélioration de la livraison profitent directement aux consommateurs. Etant donné les innovations techniques constantes, de nombreuses catégories de consommateurs attachent de l'importance à des conseils adéquats et à l'installation des appareils sur place sans qu'il en résulte pour eux une majoration importante du prix ou une élimination de la concurrence par les prix entre les distributeurs. Les brochures publicitaires des fabricants, les articles qui paraissent dans la presse spécialisée ou les revues de consommateurs et les modes d'emploi ne peuvent remplacer que partiellement les conseils d'un commerçant spécialisé ainsi que l'installation et les instructions d'utilisation de l'appareil. Bien que les consommateurs soient de mieux en mieux informés et de plus en plus au fait de la réalité technique, ils n'en attachent pas moins de l'importance au service fourni par les distributeurs spécialisés et agréés dans le cadre du système de distribution de Grundig. En outre, il existe sur le marché un nombre suffisant de matériels comparables et concurrents, produits par plusieurs fabricants, et commercialisés par des canaux de distribution différents, notamment les formules de vente à enlever ou à emporter ou en libre-service. Les consommateurs disposent dès lors d'un choix suffisant entre deux modes de distribution, selon qu'ils mettent l'accent sur le service ou sur le prix. L'exécution du programme Grundig complet assure à l'utilisateur une information approfondie, tandis que l'obligation du stockage imposée aux grossistes et aux détaillants garantit une livraison dans les plus brefs délais.

3. Caractère indispensable des restrictions de concurrence

(38) Les obligations restrictives de la concurrence que comporte le système de distribution Grundig sont indispensables pour obtenir les avantages précités. Pour apprécier le caractère indispensable de ces obligations, il y a lieu de déterminer non pas si les produits en question ne peuvent être distribués autrement, mais simplement si la politique de distribution du fabricant concerné, appréciée positivement au regard de l'article 85 paragraphe 3, exige les restrictions de concurrence en question. La réponse est positive dans le cas considéré. Grundig investit des sommes importantes dans le soutien de ses distributeurs par des formations et la fourniture de matériel d'information et de publicité. Ces investissements, qui contribuent à améliorer la distribution des produits et permettront de mieux conseiller et informer les consommateurs, ne se justifient, du point de vue économique, que si le distributeur spécialisé ne se limite pas à vendre quelques rares appareils mais s'efforce de vendre toute la gamme de production de Grundig. Comme l'importance des stocks à détenir et du programme de vente à présenter sont fonction de la taille du commerce spécialisé, il est certain que des prestations déraisonnables ne seront pas exigées à cet égard, en particulier des petites entreprises.

4. Impossibilité d'éliminer la concurrence

(39) Les contrats sur lesquels repose le système de distribution sélective et en particulier les clauses relatives à la promotion des ventes ne donnent pas non plus à Grundig la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des appareils de l'électronique de divertissement. En ce qui concerne tout d'abord la concurrence entre Grundig et les autres fabricants, les accords n'ont aucun effet sensible, étant donné que l'accord n'empêche pas les distributeurs de distribuer les appareils d'autres fabricants ou de promouvoir la vente de ces produits. Pour ce qui est de la concurrence au stade de la distribution, en revanche, les contrats permettent aux distributeurs Grundig, tant au niveau du commerce de gros qu'à celui du commerce de détail, de se faire concurrence sur tout le territoire de la Communauté. Les distributeurs sont libres de fixer leurs prix et sont en outre autorisés à tirer parti des conditions d'approvisionnement les plus avantageuses, puisque les livraisons entre les distributeurs participant au système sont autorisées dans toute la Communauté.

(40) De plus, en raison de la vive concurrence qui règne sur le marché des produits de l'électronique de divertissement, Grundig (même compte tenu de ses liens avec Philips) ne détient pas des parts de marché suffisantes pour éliminer la concurrence au stade de la distribution. Grundig est au contraire soumise à une forte pression concurrentielle, surtout de la part des fabricants d'Extrême-Orient, ce qui a entraîné un recul de ses parts de marché.

(41) Enfin, la concurrence au stade de la distribution ne se trouve pas non plus éliminée par l'existence de plusieurs systèmes analogues de distribution sélective, puisqu'un nombre considérable de fabricants vendent leurs produits sans recourir à un tel système. En conséquence, il n'y a aucune raison de craindre que certaines formes de distribution, telles que les grandes surfaces et les grossistes et détaillants en libre-service, soient exclues de manière générale de la vente d'appareils de ce type.

III. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(42) Comme les conditions d'octroi de l'exemption continuent d'être satisfaites et que Grundig a introduit une demande valide de prorogation de l'exemption avant l'échéance de celle-ci, cette exemption peut être prorogée conformément à l'article 8 paragraphe 2 du règlement n° 17 avec effet à partir du 29 mars 1989. Compte tenu de la structure du marché de la branche économique concernée ainsi que de la part de marché de Grundig et de l'importance de celle-ci sur le marché considéré, la prorogation de l'exemption peut être accordée pour une durée de dix ans, c'est-à-dire jusqu'au 28 mars 1999.

En outre, pour permettre à la Commission de vérifier s'il n'y a pas eu de modification des éléments sur lesquels elle a fondé son appréciation au regard du droit de la concurrence et, en particulier, si Grundig n'applique pas les critères d'agrément de manière discriminatoire et n'abuse pas de son droit de contrôle des numéros, Grundig est tenue de présenter chaque année à la Commission un rapport sur l'agrément des distributeurs ainsi qu'un rapport sur le contrôle des numéros,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CE sont déclarées inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3 :

- à l'accord de distribution sélective Grundig pour la Communauté relatif au commerce de gros

et

- à l'accord de distribution sélective Grundig pour la Communauté relatif au commerce de détail.

La présente exemption est valable du 29 mars 1989 au 28 mars 1999.

Article 2

L'entreprise Grundig AG est tenue de présenter chaque année à la Commission, et pour la première fois le 31 décembre 1993, des rapports sur les cas dans lesquels :

- elle a refusé ou retiré à un grossiste ou à un détaillant l'agrément de distributeur Grundig ou décidé à son égard une cessation des livraisons,

- elle a demandé à examiner les documents concernant le contrôle des numéros d'un distributeur Grundig, et de motiver cet examen dans chaque cas.

Article 3

L'entreprise Grundig AG, 37, Kurgartenstrasse, D-90762 Fuerth, est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21.02.1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 181 du 17.07.1992, p. 3.

(3) JO n° L. 233 du 30.08.1985, p. 1.