CJCE, 10 novembre 1993, n° C-39/92
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Petroleos de Portugal (SA)
Défendeur :
Correia, Simoes & Companhia Limitada, Correia, Sousa & Crisostomo Limitada
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Edward
Avocat général :
M. Lenz
Juges :
MM. Joliet, Rodriguez Iglesias
Avocats :
Mes Adriano Figueiredo, Fernando Cunha de Sa, Victor de Menezes Falca
LA COUR
1. Par ordonnance du 22 mars 1991 parvenue à la Cour le 13 février 1992, le Tribunal Civel da Comarca de Lisboa a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 85, paragraphe 2, du traité CEE et de l'article 12, paragraphe 1, sous c) du règlement (CEE) n° 1984-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'achat exclusif (JO L 173, p. 5, rectifié par JO 1984, L 79, p. 38).
2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant, d'une part la société Petroleos de Portugal-Petrogal (ci-après "Petrogal"), et d'autre part les sociétés Correia, Simoes & Companhia, Limitada (ci-après "revendeur"), et Correia, Sousa & Crisostomo, Limitada, à la suite de la résiliation unilatérale, par le revendeur, d'un contrat conclu le 17 mai 1982 pour une période de quinze ans, soit jusqu'au 17 mai 1997.
3. En vertu de l'article 1er de ce contrat, Petrogal s'était engagée à fournir les carburants et lubrifiants au revendeur, lequel était tenu de les acheter afin de les revendre dans sa station-service. La société Correia, Sousa & Crisostomo, Limitada, s'était engagée en qualité de caution du revendeur à l'égard de Petrogal.
4. L'accord a été résilié par le revendeur le 14 mai 1990. Petrogal l'a assigné devant le Tribunal Civel da Comarca de Lisboa pour inexécution de ses obligations.
5. Le Tribunal Civel da Comarca a estimé qu'il était nécessaire d'interroger la Cour à titre préjudiciel et a posé la question suivante :
"La stipulation, en violation de l'article 12, paragraphe 1, sous c), du règlement (CEE) n° 1984-83 du 22 juin 1983, d'une durée d'application indéterminée ou supérieure à dix ans dans un accord de station-service au sens de l'article 10 de ce règlement entraîne-t-elle la nullité totale dudit accord en application de l'article 85, paragraphe 2 du traité ou est-il possible, puisque la nullité ne porte que sur ce point précis, de procéder à la réduction de l'accord en en limitant la durée d'application au maximum de dix ans permis par le règlement ?"
6. Pour un plus ample exposé du cadre juridique du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
7. La question préjudicielle semble fondée sur l'hypothèse que le règlement n° 1984-83 prescrit les conditions de validité des accords de stations-service au regard des règles communautaires de la concurrence.
8. A cet égard, il importe de souligner que le règlement n° 1984-83 est exclusivement un règlement d'exemption par catégorie, édicté par la Commission sur le fondement du règlement n° 19-65-CEE du Conseil, du 2 mars 1965, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées (JO 1965, 36, p. 533), modifié en dernier lieu par l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, du 12 juin 1985 (JO L 302, p. 23, ci-après "acte d'adhésion"). Dans l'hypothèse où un accord ne remplit pas toutes les conditions d'exemption fixées par un tel règlement, il ne s'ensuit pas, de ce fait, qu'il est contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il appartient alors au juge national de vérifier si l'accord est compatible avec ces dernières dispositions.
9. L'article 10 du règlement n° 1984-83 déclare l'article 85, paragraphe 1, du traité inapplicable à certains accords de stations-service, qu'il définit. Pour bénéficier de l'exemption par catégorie, ces accords doivent respecter les conditions énoncées aux articles 11 à 13 du règlement.
10. Aux termes de l'article 12, paragraphe 1, sous c), l'article 10 n'est pas applicable lorsque l'accord est conclu pour une durée indéterminée ou pour plus de dix ans.
11. Toutefois, en vertu de l'article 15, paragraphe 3, et paragraphe 4 tel qu'ajouté par l'article 26 de l'acte d'adhésion, l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas aux accords de la catégorie visée à l'article 10, qui étaient en vigueur à la date d'adhésion, jusqu'à l'expiration de l'accord et au plus tard à l'expiration de la durée du règlement, à savoir le 31 décembre 1997, à condition qu'avant le 1er janvier 1989 le fournisseur ait libéré le revendeur de toutes les obligations faisant obstacle à une exemption.
12. Il résulte de cette disposition que la condition relative à la durée maximale de l'accord, énoncée à l'article 12, paragraphe 1, sous c) du règlement, n'est pas applicable à un accord antérieur à la date de l'adhésion, tel que celui en cause dans le litige au principal.
13. Un accord antérieur à la date d'adhésion, d'une durée indéterminée ou de plus de dix ans, peut donc bénéficier de l'exemption prévue par le règlement n° 1984-83 jusqu'à la date de son expiration ou, au plus tard, au 31 décembre 1997, à condition qu'à partir du 1er janvier 1989, au plus tard, ses termes aient été rendus conformes aux exigences des articles 10 à 13 dudit règlement, à l'exception de celle relative à la durée de l'accord, prévue par son article 12, paragraphe 1, sous c).
14. Dans ces conditions, il convient de répondre à la question préjudicielle qu'un accord de station-service antérieur à la date d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise, conclu pour une durée indéterminée ou supérieure à dix ans, peut bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 1984-83, conformément à l'article 15, paragraphes 3 et 4, de celui-ci, dès lors qu'il remplit les conditions du règlement autres que celle de durée visée par l'article 12, paragraphe 1, sous c).
SUR LES DEPENS
15. Les frais exposés par le gouvernement de la République portugaise, par le gouvernement de la République hellénique et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs: LA COUR (première chambre), statuant sur la question à elle soumise par le Tribunal Civel da Comarca de Lisboa, par ordonnance du 22 mars 1991, dit pour droit :
Un accord de station-service antérieur à la date d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise, conclu pour une durée indéterminée ou supérieure à dix ans, peut bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par le règlement (CEE) n° 1984-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'achat exclusif, conformément à l'article 15, paragraphes 3 et 4, de celui-ci, dès lors qu'il remplit les conditions du règlement autres que celle de durée visée par l'article 12, paragraphe 1, sous c).