CCE, 30 juin 1993, n° 93-438
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
CNSD
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1, vu la demande de l'Associazione italiana dei corrieri aerei internazionali (AICAI), présentée conformément à l'article 3 paragraphe 2 du règlement n° 17, vu la décision de la Commission, du 25 septembre 1991, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné à l'association d'entreprises Consiglio nazionale degli spedizionieri doganali (CNSD) l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
I. LES FAITS
A. Les plaintes
(1) La Commission a été saisie de plusieurs plaintes émanant d'entreprises industrielles, commerciales et de transport de la Communauté.
(2) Les plaignants invoquent un certain nombre de difficultés rencontrées en Italie pour la réalisation des opérations de dédouanement, en relation avec l'exercice de l'activité de déclarant en douane.
(3) Une de ces plaintes, déposée par l'AICAI, vise, entre autres, la décision du CNSD relative à la fixation des tarifs à payer aux " spedizionieri " pour la prestation des services de dédouanement demandés par les coursiers internationaux.
B. Le CNSD
(4) L'activité professionnelle des expéditeurs en douane est régie, en Italie, par la loi n° 1612 du 22 décembre 1960 et par les dispositions d'exécution contenues dans le décret ministériel du 10 mars 1964, ainsi que par le décret présidentiel n° 43 du 23 janvier 1973 (Testo unico delle disposizioni legislative in materia doganale).
(5) Pour être admis à exercer l'activité économique d'expéditeur en douane il faut remplir les conditions prévues par la législation en matière de douane.
Le décret présidentiel du 23 janvier 1973 prévoit, notamment, que le titre d'expéditeur en douane est conféré par un agrément de durée illimitée.
L'agrément est subordonné à des conditions relatives à la personne du candidat ainsi qu'à la réussite d'un examen organisé en principe tous les trois ans.
(6) L'activité économique d'expéditeur en douane peut être exercée comme expéditeur salarié d'une entreprise ou comme expéditeur indépendant.
L'expéditeur salarié d'une entreprise doit être en possession de l'agrément et il est inscrit sur une liste établie et mise à jour par le conseil départemental compétent; il peut représenter uniquement son employeur.
Pour exercer l'activité d'expéditeur en douane en tant qu'indépendant, il faut être en possession de l'agrément et il faut obligatoirement être inscrit au registre national qui se compose de l'ensemble des registres départementaux (actuellement 13: Bari, Bologne, Bolzano, Cagliari, Florence, Gênes, Milan, Naples, Palerme, Rome, Turin, Trieste et Venise).
Tout expéditeur, indépendant ou salarié, ne peut agir que dans le département pour lequel il est habilité.
(7) Dans chaque département, il y a un conseil départemental dont le nombre de membres dépend du nombre des inscrits au registre. Ces membres sont élus pour une durée de deux ans par les expéditeurs inscrits au registre.
(8) Le conseil départemental est chargé d'établir la liste des expéditeurs salariés et de tenir le registre des indépendants.
En outre, en ce qui concerne les expéditeurs indépendants, il est chargé de contrôler le comportement des inscrits, et de donner des avis en cas de litige entre un expéditeur et un de ses clients. Il a aussi des pouvoirs de sanction à l'égard des inscrits.
(9) Le président du conseil départemental est un fonctionnaire du Ministère des Finances, à savoir le chef du département douanier. Le conseil départemental doit aussi faire des propositions de rémunération des expéditeurs et les soumettre au conseil national pour la fixation du tarif.
(10) Le CNSD a son siège à Rome et il est composé de neuf membres nommés pour trois ans par les membres des conseils départementaux.
En fait partie de droit le directeur général des douanes et des impôts indirects du Ministère des Finances, qui assure la présidence du CNSD.
(11) Le CNSD est chargé de tenir le registre national et de résoudre les conflits de compétence entre les conseils départementaux. Il établit le tarif des expéditeurs. Le tarif est un tarif fixe auquel les expéditeurs ne peuvent déroger; d'éventuelles dérogations peuvent être décidées par le CNSD pour des cas particuliers et avec des limitations dans le temps.
C. Le marché
(12) Pour importer des marchandises en Italie ou pour en exporter, il est nécessaire d'accomplir toute une série de formalités liées aux opérations de dédouanement et au contrôle douanier. Selon la législation communautaire, il est possible, pour l'accomplissement de toutes ces opérations, de se faire représenter par des opérateurs professionnels, les expéditeurs en douane, qui, contre rémunération, se chargent d'effectuer ces formalités.
Le marché à prendre en considération est, donc, celui de ces services fournis par les expéditeurs en douane.
(13) Les services visés au considérant 12 sont particulièrement utilisés par les coursiers internationaux. Les coursiers internationaux opèrent par l'intermédiaire d'organisations composées de différentes entreprises, le plus souvent membres d'un même groupe qui met sur pied un réseau de liaisons entre plusieurs pays.
(14) Chaque entreprise du réseau se charge dans son pays de la collecte (pour l'envoi à l'étranger) et de la distribution (pour l'envoi dans son pays) du courrier et des colis ainsi que de toutes les activités accessoires au transport. Parmi les activités accessoires, il y a la déclaration en douane. En ce qui concerne les colis, le coursier retire auprès de l'envoyeur le colis et il s'engage à le faire parvenir au destinataire.
(15) L'envoyeur paie le service ainsi que les droits de douane, sauf s'il déclare que les frais sont à la charge du destinataire. Le coût de la déclaration en douane est toujours compris dans le prix demandé à l'envoyeur. Selon la pratique, sont mis à la charge du destinataire seulement les droits de douane qui dépassent un certain montant; pour environ 60 % des envois, les droits sont inférieurs à ce montant.
(16) Dans ces conditions, le coursier italien n'a jamais de contacts avec l'envoyeur étranger, mais uniquement avec l'envoyeur italien et, parfois, en cas du dépassement du montant fixé, avec le destinataire italien pour le remboursement des droits de douane payés.
(17) Normalement les envois sont rassemblés dans des centres de triage de façon à pouvoir procéder à des envois groupés pour chaque destination. Les relations avec les expéditeurs en douane sont donc quotidiennes, nombreuses et concernent un grand nombre de déclarations en douane, toutes à peu près les mêmes.
Grâce à cette organisation, il est possible d'assurer le transport de colis en vingt-quatre heures en Europe et en quarante-huit heures dans le reste du monde.
(18) Une enquête a été effectuée, sur demande de l'AICAI, par une société d'études de marché en juin 1988, quelques jours avant l'entrée en vigueur du nouveau tarif adopté par le CNSD et approuvé par le décret ministériel du 6 juillet 1988, afin de relever le niveau d'utilisation et d'apprécier le service offert par les coursiers; l'enquête a concerné un échantillon de quatre cents entreprises représentatif du monde industriel italien.
(19) Selon les résultats de l'enquête, 41,3 % des entreprises interviewées étaient des utilisateurs habituels du service des coursiers internationaux; parmi celles-ci, il y en a 80,1 % qui s'adressent aux coursiers privés, tels que les membres de l'AICAI, 4,8 % au CAI (service rapide des postes italiennes) et 15,1 % au service offert par Alitalia.
(20) Les raisons du recours à ce type de service sont, pour 86,9 % des entreprises, la rapidité de la livraison et, pour 45,5 % des entreprises, aussi le respect des délais de livraison promis.
(21) En ce qui concerne les pays d'expédition, les envois sont faits en Europe pour 83,9 % des entreprises; de l'enquête il résulte aussi que 77,8 % des entreprises intéressées réalisent plus de 35 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation.
(22) Étant donné le nombre élevé d'expéditions, beaucoup de coursiers utilisent des expéditeurs employés de leur entreprise; dans le cas de recours à des expéditeurs indépendants, avant l'entrée en vigueur du nouveau tarif, ils appliquaient des accords prévoyant un tarif à forfait pour tous les envois au-dessous d'une certaine valeur.
(23) En effet, le tarif adopté par le CNSD le 16 avril 1970, et resté en vigueur jusqu'en juillet 1988, prévoyait une réduction de 35 % sur le minimum tarifaire pour les entreprises d'expédition; rien n'était prévu pour les coursiers qui ont commencé leurs activités en 1980. Néanmoins, le même régime leur a été accordé. Ensuite, des augmentations de ce tarif ont été décidées par le CNSD et approuvées par décret ministériel; ces augmentations ont été faites au moyen d'un coefficient d'augmentation du tarif de 1970.
La présente décision vise le nouveau tarif de 1988 qui est le seul tarif actuellement appliqué. Les entreprises ne peuvent s'en écarter qu'en négociant une dérogation, qui doit être octroyée par le CNSD.
D. Le tarif et son décret d'approbation de 1988
(24) En vertu de l'article 14 de la loi du 22 décembre 1960, qui lui délègue l'établissement du tarif des prestations professionnelles des expéditeurs en douane sur la base des propositions des conseils départementaux, le CNSD, lors de la séance du 21 mars 1988, a adopté le tarif actuellement en vigueur.
(25) Par décret du 6 juillet 1988, le Ministre des Finances:
- vu la loi du 22 décembre 1960, qui règle l'activité professionnelle des expéditeurs en douane,
- vu la décision d'approbation du tarif adopté par le CNSD, lors de la séance du 21 mars 1988,
- vu la régularité de la procédure suivie,
a approuvé le tarif (article 1er) et en a fixé la date d'entrée en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel italien (3) (article 2), c'est-à-dire le 20 juillet 1988.
(26) Le tarif détermine différents échelons en fonction de la valeur ou du poids de la marchandise à dédouaner et, pour chaque échelon, prévoit dans certains cas un prix fixe et dans la plupart des cas une fourchette avec un prix minimal et un prix maximal à payer pour l'accomplissement des formalités douanières par l'expéditeur en douane.
(27) Le tarif a confirmé que :
- les montants indiqués se réfèrent à chaque opération douanière ou prestation professionnelle,
- les dérogations au tarif ne sont pas autorisées, comme prévu à l'article 5 du tarif qui interdit à chaque expéditeur d'appliquer des montants inférieurs à ceux indiqués,
- des dérogations, pour des cas particuliers et, de toute façon, limitées dans le temps, peuvent être autorisées par le CNSD,
- il est conféré au CNSD le pouvoir autonome d'octroyer ces dérogations qui ne sont pas soumises à l'approbation du ministère et ne sont pas, donc, publiées dans la Gazzetta ufficiale.
Il a aussi introduit une augmentation substantielle des prix.
(28) L'innovation qui a touché le plus les coursiers a été la modification de la grille des échelons par l'application d'un prix fixe pour les envois à destination de l'Italie d'une valeur inférieure à trois millions de lires italiennes (voir tableau, considérant 30).
(29) En effet, la grille précédente avait des échelons allant de 0 à 1 million de lires italiennes et qui après augmentaient d'un million de lires italiennes jusqu'à 10 millions ; ensuite l'augmentation de chaque échelon était de dix millions. Environ 60 % des envois tombaient dans le premier échelon et les droits de douane étaient pris en charge par le coursier.
(30) Comparaison entre les deux tarifs :
EMPLACEMENT TABLEAU
ce qui représente une augmentation de 400 % pour l'échelon 1, de 260 % pour l'échelon 2, de 266,66 % pour l'échelon 3.
EMPLACEMENT TABLEAU
ce qui représente une augmentation de 533,33 % pour l'échelon 1, de 355,55 % pour l'échelon 2, de 290,90 % pour l'échelon 3 et de 342,86 % pour l'échelon 4.
(31) Comparaison de l'incidence sur la valeur de la marchandise de l'ancien et du nouveau tarif en cas d'application des montants indiqués ci-dessous :
EMPLACEMENT TABLEAU
L'augmentation des tarifs, la modification des échelons ainsi que l'obligation de facturer individuellement tant à l'envoyeur qu'au destinataire italien le montant dû pour la déclaration en douane auraient eu pour effet de paralyser l'activité des coursiers du fait des pertes de temps qu'entraînent les nouvelles dispositions et du fait des prix que la plupart de leurs clients trouveraient exorbitants.
E. La dérogation du 11 juin 1990
(32) Lors de sa séance du 11 juin 1990, le CNSD,
- vu la demande de l'AICAI,
- compte tenu de sa décision du 11 juillet 1989, par laquelle avaient été exclus (4) du champ d'application du tarif les envois de marchandises dont la valeur ne dépassait pas 350 000 lires italiennes, sans les frais de transport ou autres,
- compte tenu des caractéristiques des services fournis par les coursiers internationaux,
- compte tenu du fait que les coursiers prennent à leur charge la totalité du coût du service fourni par les expéditeurs en douane,
- compte tenu de l'engagement des coursiers d'apposer sur leur liste des prix, qui est rendue publique, ainsi que sur les documents, qui accompagnent l'envoi, l'indication suivante " la rémunération des services relatifs aux opérations en douane est déterminée par le décret ministériel du 6 juillet 1988 et par les éventuelles dérogations adoptées par le Conseil national au sens de l'article 6 du tarif ",
(33) a décidé :
- d'appliquer aux envois des coursiers internationaux la dérogation qui fait l'objet de la décision du 11 juillet 1989 pour les marchandises d'une valeur inférieure à 350 000 lires italiennes, sans les frais de transport et autres,
- que la rémunération des opérations en douane pour les envois de marchandises d'une valeur inférieure à 2 500 000 lires italiennes, effectués par les coursiers internationaux, peut faire l'objet d'une réduction allant jusqu'à un maximum de 70 %.
(34) La décision du CNSD est soumise à la condition que les contrats entre l'expéditeur en douane et le coursier, son client, soient déposés par l'AICAI auprès du conseil départemental compétent, pour la première fois, avant le 30 juillet 1990 et, ensuite, avant le début de la mise en œuvre du contrat.
(35) La décision permet aussi aux coursiers de se soustraire à l'obligation de facturer individuellement tant à l'envoyeur qu'au destinataire le montant dû pour la déclaration en douane.
(36) La décision a été communiquée à la Commission par la plaignante, l'AICAI, le 4 décembre 1991.
F. La réponse du CNSD à la communication des griefs
(37) Par lettre du 8 janvier 1992, adressée à la Commission, le CNSD a avancé les arguments suivants :
- l'accord passé entre l'AICAI et le CNSD, qui s'est concrétisé dans la décision du CNSD du 11 juin 1990, communiqué à la Commission par l'AICAI le 4 décembre 1991, ayant éliminé le différend entre AICAI et CNSD, a rendu sans objet la présente procédure,
(38) - les préoccupations de l'AICAI, contenues de manière implicite dans la lettre du 4 décembre 1991 et concernant la révocabilité de la dérogation n'ont pas de raison d'être; le recours à la dérogation est dû uniquement au fait qu'une modification formelle du tarif (pour lequel ont été nécessaires cinq années de travail) exigerait un temps trop long et, donc, qu'il serait impossible de donner une suite favorable aux éventuelles demandes dûment justifiées des opérateurs du secteur,
(39) - d'ailleurs les procédures judiciaires devant les tribunaux italiens, visant à obtenir l'annulation du tarif, ont été abandonnées formellement parce que, grâce aux dérogations, elles étaient devenues sans objet.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. Article 85 paragraphe 1
1. Entreprises
(40) Le fait que l'activité des expéditeurs en douane soit considérée par le droit italien comme une profession libérale ne fait pas obstacle au fait que les expéditeurs en douane sont des entreprises qui exercent une activité économique; en effet, selon l'arrêt Höfner de la Cour de justice, du 23 avril 1991, dans l'affaire C-41-90 (5), " la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. "
(41) Dès lors, le CNSD est une association d'entreprises et les décisions du CNSD, en tant qu'organe nommé par les membres pour tenir le registre, sont des décisions d'association d'entreprises, dont le but est de régler l'activité économique des membres.
2. Décision d'association d'entreprises
(42) Pour ce qui concerne le tarif, le CNSD en décide d'une manière autonome le niveau et les modalités d'application et se comporte, donc, comme l'organe d'une association d'entreprises classique. Après la détermination du tarif par le CNSD, ce tarif est approuvé par décret ministériel; cette approbation ne modifie, néanmoins, pas sa nature de décision d'association d'entreprises, comme il est particulièrement démontré par le fait que les décisions de dérogations au tarif ne nécessitent pas l'approbation du ministre; il s'ensuit que toutes les décisions concernant le tarif sont l'expression de la volonté du CNSD.
(43) Le CNSD ne peut en aucun cas invoquer les obligations, que les articles 11 et 14 de la loi n° 1612 de 1960 lui imposeraient, d'adopter un tableau de tarifs obligatoires se traduisant en pratique en un comportement susceptible de violer les règles communautaires en matière de concurrence.
(44) D'après la Cour [affaires jointes 43-82 et 63-82, VBVB et VBBB contre Commission (6), et affaire 123-83 BNIC-Clair (7)], le droit national ne peut en aucun cas infléchir la force du droit communautaire de la concurrence ou, encore moins, en entraver ou en empêcher l'application. L'existence éventuelle de dispositions de droit national qui obligent les entreprises à adopter certains comportements ou qui confient, comme en l'espèce, à une association d'entreprises la mission de délibérer de certains actes, ne pourrait nullement empêcher sur le plan juridique la Commission de constater formellement, par voie d'une décision, que l'association d'entreprises CNSD a commis une violation de l'article 85 paragraphe 1.
3. Restrictions
(45)Les restrictions de concurrence découlant de la décision du CNSD du 21 mars 1988 sont les suivantes:
- la fixation d'un tarif minimal et maximal fixe, auquel on ne peut pas individuellement déroger, pour chaque opération effectuée par les expéditeurs en douane,
- l'imposition de modalités obligatoires pour la facturation de ce tarif, telle que la facturation individuelle.
(46) Les restrictions de concurrence limitent la liberté des expéditeurs en douane non seulement en ce qui concerne les prix à faire payer à leurs clients, en imposant une partie fixe et égale pour tous, mais aussi en ce qui concerne leur organisation interne qui pourrait les amener à organiser des groupages d'opérations avec réduction des coûts; en effet le tarif leur impose une tarification des opérations individuelle et uniforme.
(47) Le fait que le CNSD se réserve la possibilité de déroger, temporairement et dans des cas particuliers, à ce tarif n'enlève rien à l'existence des restrictions; en effet, ces dérogations dépendent du pouvoir discrétionnaire du CNSD.
L'argumentation avancée par le CNSD selon laquelle la concession de dérogations et, notamment, celle du 11 juin 1990 concernant les membres de l'AICAI, rendrait sans objet la présente procédure qui ne peut être retenue; en effet, les restrictions représentées par le tarif et les modalités obligatoires de facturation sont toujours en vigueur et appliquées.
Les décisions du CNSD de déroger au tarif et aux modalités obligatoires de facturation ont pour seule conséquence de réduire, pour les opérateurs qui ont obtenu la dérogation, certains effets négatifs des restrictions, mais pas d'éliminer ces restrictions.
(48) La possibilité offerte par les dispositions législatives de confier la représentation pour l'accomplissement des opérations douanières soit à un expéditeur en douane indépendant soit à un expéditeur en douane salarié n'est pas de nature à limiter la gravité des restrictions. En effet, l'existence d'expéditeurs en douane salariés n'a aucune influence sur le marché. Les expéditeurs salariés sont des employés d'entreprises qui ont choisi ce système en le considérant moins onéreux que le recours systématique aux indépendants. Ils ne sont donc pas en concurrence avec les expéditeurs indépendants puisque ni ces expéditeurs salariés, ni les entreprises qui les emploient n'opèrent sur le marché où sont offerts et demandés les services d'accomplissement des formalités douanières.
4. Affectation du commerce entre États membres
(49) Le tarif fixé par le CNSD est susceptible d'affecter le commerce entre États membres dans la mesure où ce tarif fixe justement le prix de toutes les opérations douanières relatives aux importations en Italie et aux exportations d'Italie.
(50) Selon les dispositions législatives en vigueur en Italie, chaque fois que les dispositions en matière douanière prescrivent au propriétaire de la marchandise de faire une déclaration ou d'accomplir des actes déterminés ou de respecter des obligations ou des règles spéciales, ou bien lui permettent d'exercer des droits déterminés, ledit propriétaire peut agir par l'intermédiaire d'un représentant, c'est-à-dire un expéditeur en douane salarié ou indépendant.
(51) Toute société qui importe en Italie et toute société italienne qui exporte lorsqu'elle ne dispose pas d'expéditeur salarié ou, même si elle en dispose, lorsque celui-ci n'est pas habilité à exercer son activité dans le département où le dédouanement doit être effectué, est, donc, affectée par ce tarif du fait que tous les expéditeurs indépendants l'appliquent.
(52) En outre, compte tenu de ce qu'en Italie en 1990 l'importation a représenté environ 25 % de la consommation de biens et l'exportation environ 18 % du produit intérieur brut, qu'environ 58 % des importations sont d'origine communautaire et environ 59 % des exportations sont destinées aux autres États membres, il est à conclure que l'affectation du commerce a été très importante.
(53) De plus, l'existence de ce tarif entrave les échanges entre le marché italien et les autres marchés communautaires du fait qu'il rend plus chères et plus compliquées les opérations douanières. En outre, le prix n'est même pas lié au niveau de la qualité du service ou au type de service rendu; en effet les minimums et les maximums fixés ne sont pas liés au service fourni mais ils sont fixés par référence à la valeur de la marchandise, ou, dans d'autres cas, à son poids.
B. Article 85 paragraphe 3
(54) À défaut de notification, il n'y a pas lieu d'examiner si la décision du 21 mars 1988 du CNSD peut bénéficier d'une exemption.
Toutefois, il est possible d'affirmer que les conditions requises par l'article 85 paragraphe 3 ne sont pas réunies. Selon la pratique administrative de la Commission et la jurisprudence de la Cour de justice, la fixation concertée des prix et notamment des prix minimaux n'est pas exemptable,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Le tarif pour les prestations professionnelles des expéditeurs en douane adopté par le Conseil national des expéditeurs en douane (CNSD) lors de la séance du 21 mars 1988 et entré en vigueur le 20 juillet 1988 constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité.
Article 2
Le CNSD est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre immédiatement fin à l'infraction mentionnée à l'article 1er.
Article 3
Le Conseil national des expéditeurs en douane (CNSD) est tenu d'informer par écrit les expéditeurs en douane inscrits au registre national de la présente décision et du fait qu'il a été mis fin à l'infraction mentionnée à l'article 1er, en précisant les conséquences pratiques qui en découleront et notamment la liberté de chaque expéditeur en douane de se soustraire à l'application du tarif visé à l'article 1er.
Le CNSD est tenu, dans les deux mois qui suivent la notification de la présente décision, de communiquer à la Commission l'information transmise aux expéditeurs en douane conformément au premier alinéa.
Article 4
La présente décision est destinée au :
Consiglio nazionale degli spedizionieri doganali (CNSD) Via XX Settembre 3 I-00187 Roma.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204-62.
(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268-63.
(3) Gazzetta ufficiale della Repubblica Italiana n° 168 du 19. 7. 1988.
(4) Exclus dans le sens que cette décision, qui n'avait pas été appliquée à l'AICAI, avait accordé une dérogation au tarif pour permettre, entre autres, une réduction allant jusqu'à 60 % des montants minimaux prévus au tarif pour les envois ne dépassant pas la valeur de 350 000 lires italiennes; cette dérogation, qui avait été octroyée " pour mieux prendre en considération des situations particulières et des exigences avancées par les catégories intéressées " ne précisait pas quelles étaient ces catégories, mais se limitait à indiquer les opérations exclues du tarif.
(5) Recueil 1991, p. I-1979 et p. I-2016, point 21 des motifs.
(6) Recueil 1984, p. 19.
(7) Recueil 1985, p. 402.