CJCE, 15 juin 1993, n° C-225/91
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Matra (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
MM. Zuleeg, Murray
Avocat général :
M. Van Gerven
Juges :
MM. Mancini, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Grévisse, Diez de Velasco, Kapteyn
Avocats :
Mes Siragusa, Winckler, Chancerelle de Machete, Pena Chancerelle de Machete, Schneider, Bechtold.
LA COUR,
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 septembre 1991, Matra SA (ci-après "Matra") a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation d'une décision de la Commission, qui lui a été communiquée le 30 juillet 1991, de ne pas soulever d'objection à l'égard d'un projet d'aide de la République portugaise en faveur d'une entreprise commune entre Ford of Europe Inc (ci-après "Ford") et Volkswagen AG (ci-après "VW") pour la création d'une unité de fabrication de véhicules automobiles monocorps à Sétubal (Portugal).
2 Il ressort du dossier que, le 26 mars 1991, la République portugaise a, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité et à l'encadrement communautaire des aides dans le secteur de l'automobile (JO 1989, C 123, p. 3), notifié à la Commission un projet d'aide en faveur de l'entreprise Newco créée, à parts égales, par Ford et VW, pour l'installation d'une usine de véhicules automobiles monocorps à Sétubal, pour la période comprise entre 1991 et 1995.
3 L'aide notifiée se chiffre à 97,44 milliards ESC pour un coût total des investissements de 454 milliards, dont 297 milliards ouvrent droit à une aide. Elle se compose d'une subvention régionale de 89,1 milliards, versée dans le cadre du "Sistema de Incentivos de Base Regional" (ci-après "SIBR"), régime portugais d'aides à finalité régionale, approuvé par la Commission en 1988, et d'abattements fiscaux de 8,34 milliards ESC, accordés à partir de 1997. Sont par ailleurs prévus un programme de formation des employés organisé conjointement par le gouvernement portugais et Newco, d'un montant de 36 milliards ESC, financé, à raison de 90 %, par le gouvernement portugais, et certains investissements d'infrastructure en matière de construction de routes, d'approvisionnement en eau et en électricité et de traitement des déchets.
4 Suite à une plainte déposée par Matra, le 26 juin 1991, pour violation des articles 92 et suivants du traité par la République portugaise et de l'article 85 du traité par Ford et VW, une entrevue a eu lieu entre la Commission et Matra, au cours de laquelle la plaignante a été entendue et la Commission a exposé les raisons pour lesquelles la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité n'avait pas été ouverte.
5 Le 16 juillet 1991, la Commission a informé le gouvernement portugais qu'elle n'avait pas d'objection à l'encontre du projet d'aide notifié.
6 Le 30 juillet 1991, la Commission a communiqué à Matra pour information la décision du 16 juillet 1991.
7 Par ordonnance du 4 décembre 1991, Matra/Commission (C-225-91 R, Rec. p. I-5823), le président de la Cour a rejeté la demande de Matra visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision faisant l'objet du présent recours en annulation.
8 Par ordonnances du 8 avril 1992, la République portugaise, ainsi que les sociétés Ford of Europe Inc, Ford Werke AG et Volkswagen AG ont été admises à intervenir dans l'affaire à l'appui des conclusions de la Commission.
9 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la recevabilité
10 Les parties intervenantes Ford-Werke AG et la République portugaise contestent la recevabilité du recours en faisant valoir que Matra ne saurait prétendre être directement et individuellement concernée par la décision entreprise. En revanche, la Commission, tout en exposant que Matra n'est pas destinataire de la décision, ne conteste pas que la requérante est directement et individuellement concernée.
11 A cet égard il convient de rappeler que selon l'article 37, troisième alinéa, du statut CEE de la Cour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties en litige. En outre, selon l'article 93, paragraphe 4, du règlement de procédure, l'intervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention.
12 Il s'ensuit que les parties intervenantes n'ont pas qualité pour soulever une exception d'irrecevabilité et que la Cour n'est donc pas tenue d'examiner les moyens invoqués par celles-ci (voir arrêt du 24 mars 1993, CIRFS/Commission, C-313-90, Rec. p. I-0000).
13 Toutefois, s'agissant d'une fin de non-recevoir d'ordre public, il convient d'examiner d'office la recevabilité du recours, en vertu de l'article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1990, Neotype/Commission, C-305-86 et C-160-87, Rec. p. I-2945, et arrêt CIRFS/Commission, précité).
14 A cet égard il y a lieu de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés au sens de l'article 173, deuxième alinéa, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 199).
15 Pour déterminer si ces conditions sont remplies en l'espèce, il convient de rappeler l'objet des procédures prévues respectivement par les paragraphes 2 et 3 de l'article 93 du traité.
16 Comme la Cour l'a déjà jugé (voir, en dernier lieu, arrêt du 19 mai 1993, Cook, C-198-91, Rec. p. I-0000), il faut distinguer, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides, instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause et, d'autre part, la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Ce n'est que dans le cadre de cette phase d'examen, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations.
17 Lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, la Commission constate, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'une aide est compatible avec le Marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant la Cour cette décision de la Commission.
18 Les intéressés, au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, ont été définis par la Cour comme des personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi de l'aide, c'est-à-dire notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles (voir, notamment, arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, point 16, 323-82, Rec. p. 3809 et arrêt Cook, précité, point 24).
19 Dans le cas d'espèce, il ne saurait être contesté que Matra, en sa qualité de principal producteur communautaire des véhicules monocorps et de futur concurrent de l'entreprise Newco, est affectée dans ses intérêts par l'octroi de l'aide litigieuse et qu'elle a par conséquent la qualité d'intéressée, au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.
20 Il en résulte que le recours introduit par Matra doit être déclaré recevable.
Sur le fond
21 A l'appui de son recours, Matra invoque trois moyens tirés, le premier d'une appréciation manifestement erronée de l'aide en cause, le deuxième d'une violation des règles de procédure et le troisième de la méconnaissance de certains principes généraux de droit.
Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation
22 Matra invoque, dans le cadre de ce moyen d'annulation, trois griefs tirés d'une appréciation manifestement erronée par la Commission du risque de création de surcapacités de production ainsi que du handicap régional et d'une qualification manifestement erronée des aides d'infrastructure et de formation.
23 Pour examiner ces griefs, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre d'un recours de légalité, il appartient uniquement à la Cour de vérifier si la décision attaquée est entachée d'une des causes d'illégalité prévues à l'article 173 du traité, sans pouvoir substituer son appréciation en fait, notamment sur le plan économique, à celle de l'auteur de la décision.
24 Il y a lieu d'ajouter qu'il est de jurisprudence constante que, pour l'application de l'article 93, paragraphe 3, du traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir, notamment, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, point 34, C-303-88, Rec. p. I-1433).
25 Dans le cadre de ce contrôle de légalité la Cour doit, dès lors, se limiter à examiner si la Commission n'a pas excédé les limites inhérentes à son pouvoir d'appréciation par une dénaturation ou une erreur manifeste d'appréciation des faits ou par un détournement de pouvoir ou de procédure.
26 En ce qui concerne l'évaluation du risque de création de surcapacités de production, il convient, comme l'a relevé l'avocat général (points 13 à 15 des conclusions), de constater que la Commission a procédé à un examen nuancé et détaillé de cette question avant de conclure qu'un tel risque n'existe pas. Dans le cadre de cet examen, elle a, en particulier, fait référence à des analyses de marché, réalisées par des experts indépendants, prévoyant une expansion considérable du marché des véhicules monocorps jusqu'au milieu des années 1990 ainsi qu'aux évolutions prévisibles, concernant la production des différents constructeurs concernés, pour estimer que l'aide en cause ne devait pas affecter de manière substantielle l'adéquation de l'offre par rapport à la demande.
27 En ce qui concerne l'appréciation du handicap régional, il y a lieu de relever que la Commission a également procédé à un examen et à une évaluation des différents facteurs constitutifs des désavantages qu'implique un investissement dans la région de Sétubal. Elle a notamment fait état de l'éloignement géographique du site de Sétubal par rapport aux principaux marchés et du retard économique relatif de cette région, facteurs qui contribuent à augmenter le coût du transport, du stockage, du personnel extérieur et de l'infrastructure et elle a constaté que ce handicap n'était compensé qu'en partie par des coûts plus bas au niveau de la main d'œuvre et de la construction. Il convient d'ajouter que l'intensité de l'aide accordée reste largement en deçà des taux autorisés dans le cadre du SIBR approuvé par la Commission.
28 Dans ces conditions, les arguments invoqués par Matra, basés sur des analyses de l'évolution du marché et de l'évaluation du handicap régional opérées par la requérante, ne sont pas de nature à établir que la Commission a fondé sa décision sur une appréciation manifestement erronée des données économiques.
29 En ce qui concerne les investissements d'infrastructure et le programme de formation, il convient de souligner que la Commission a constaté, dans la décision litigieuse, que ces infrastructures et cette formation n'allaient pas bénéficier exclusivement à l'entreprise commune, ce qui lui a permis de conclure que l'assistance financière accordée par la République portugaise ne devait pas être qualifiée d'aide d'État.
30 Il y a dès lors lieu de constater que Matra n'a pas davantage été en mesure d'établir que, dans cette analyse et dans la qualification de l'assistance financière qu'elle en a déduite, la Commission a procédé à une appréciation manifestement erronée des données économiques.
31 Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation des règles de procédure
32 Matra soutient que, compte tenu des difficultés sérieuses d'appréciation de la compatibilité de l'aide litigieuse avec le Marché commun, la Commission avait l'obligation d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité et qu'elle ne pouvait pas adopter une décision sans avoir attendu les résultats de la procédure engagée au titre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204), à propos de l'accord entre Ford et VW Matra ajoute que la Commission n'a pas suffisamment motivé la décision entreprise.
33 En ce qui concerne le grief du défaut d'ouverture de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante (voir, en dernier lieu, arrêt du 19 mai 1993, Cook, précité, point 29), que cette procédure revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le Marché commun. La Commission ne peut donc s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le Marché commun, la Commission a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2.
34 Il convient, en conséquence, de rechercher si, dans le cas d'espèce, les appréciations sur lesquelles s'est fondée la Commission présentaient des difficultés de nature à justifier l'ouverture de cette procédure.
35 A titre de difficultés sérieuses d'appréciation que la Commission aurait rencontrées, Matra invoque l'envergure du projet et le montant élevé de l'aide, le risque de création de surcapacités de production et la nécessité de demander à la République portugaise d'apporter des modifications au projet d'aide initial.
36 A cet égard, il y a lieu de relever que l'importance d'un investissement ou d'une aide ne saurait, en elle-même, être constitutive de difficultés sérieuses, sous peine d'obliger la Commission à ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, chaque fois que l'investissement ou l'aide dépassent certains montants qui devraient d'ailleurs être précisés. Par ailleurs, le facteur déterminant n'est pas tellement le montant de l'aide, mais son impact sur les échanges intra-communautaires. Enfin, il convient de souligner que l'intensité de l'aide reste, largement, en-deçà des taux autorisés par la Commission dans le cadre du SIBR.
37 En ce qui concerne l'appréciation du risque de création de surcapacités de production, la Cour a déjà constaté au point 26 du présent arrêt, que la Commission a procédé à une analyse économique de cette question sur la base, en particulier, d'une étude d'experts indépendants et qu'elle n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation des données économiques.
38 En ce qui concerne le déroulement de la procédure, la Commission expose, à juste titre, que le gouvernement portugais s'est borné à apporter au projet initialement notifié des précisions et des compléments d'information qui ne sauraient être considérés comme des modifications importantes répondant à des conditions imposées par la Commission. Matra est ainsi restée en défaut d'établir que, comme elle le soutient, l'utilisation des infrastructures par des tiers et l'ouverture du programme de formation à d'autres entreprises que Newco a été introduite sur demande de la Commission. Il convient enfin de constater que la production, par la République portugaise, d'un rapport annuel d'évaluation vise uniquement à permettre à la Commission d'examiner si cet Etat membre a respecté les modalités d'octroi des aides et ne saurait dès lors être considérée comme une preuve de l'existence de difficultés sérieuses d'appréciation.
39 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n'a commis aucune illégalité en estimant qu'elle ne rencontrait pas de difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité de l'aide avec le Marché communet que, par conséquent, elle ne devait pas ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité.
40 Matra fait encore grief à la Commission d'avoir décidé de ne pas soulever d'objections à l'égard des aides litigieuses, sans attendre le résultat de la procédure ouverte au titre du règlement n° 17, précité, en ce qui concerne l'accord entre Ford et VW, et d'avoir ainsi méconnu le lien entre les articles 85 et 92 du traité.
41 A cet égard, il y a lieu de rappeler que si la procédure prévue aux articles 92 et 93 laisse une large marge d'appréciation à la Commission et, dans certaines conditions, au Conseil pour porter un jugement sur la compatibilité d'un régime d'aides d'État avec les exigences du Marché commun, il résulte de l'économie générale du traité que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité(arrêt du 21 mai 1980, Commission/Italie, point 11, 73-79, Rec. p. 1533). La Cour a encore jugé que les modalités d'une aide qui contreviendraient à des dispositions particulières du traité, autres que les articles 92 et 93, peuvent être à ce point indissolublement liées à l'objet de l'aide qu'il ne serait pas possible de les apprécier isolément (arrêt du 22 mars 1977, Iannelli, 74-76, Rec. p. 557).
42 Cette obligation, pour la Commission, de respecter la cohérence entre les articles 92 et 93 et d'autres dispositions du traité s'impose tout particulièrement, dans l'hypothèse où ces autres dispositions visent également, comme en l'espèce, l'objectif d'une concurrence non faussée dans le Marché commun.
43 En effet, en adoptant une décision sur la compatibilité d'une aide avec le Marché commun, la Commission ne saurait ignorer le risque d'une atteinte à la concurrence dans le Marché commun de la part d'opérateurs économiques particuliers.
44 Il n'en reste pas moins que la procédure au titre des articles 85 et suivants et celle au titre des articles 92 et suivants du traité constituent des procédures indépendantes, régies par des règles spécifiques.
45 En conséquence, en prenant une décision sur la compatibilité d'une aide d'État avec le Marché commun, la Commission n'est pas obligée d'attendre le résultat d'une procédure parallèle engagée au titre du règlement n° 17, précité, dès lors qu'elle a acquis la conviction, fondée sur l'analyse économique de la situation, entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, que le bénéficiaire de l'aide ne se trouve pas en situation de contrevenir aux articles 85 et 86 du traité.
46 Or, dans le cas d'espèce, il est à relever que la Commission a respecté la cohérence entre ces deux procédures. Ainsi, dans la décision litigieuse, elle a examiné dans quelle mesure la concurrence dans le Marché commun pouvait être atteinte Dans la communication (91-C 182-07) faite conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, précité (JO 1991, C 182, p. 8), publiée avant l'adoption de la décision litigieuse, la Commission a annoncé son intention de prendre une décision favorable à l'égard des accords entre Ford et VW au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Enfin, dans la lettre de transmission à Matra de la décision litigieuse, la Commission a également estimé que la coopération en question remplissait les conditions permettant de bénéficier de l'exemption prévue à l'article 85, paragraphe 3, du traité.
47 Dans ces conditions, c'est à tort que Matra fait grief à la Commission d'avoir adopté la décision litigieuse sans attendre le résultat de la procédure d'enquête conduite au titre du règlement n° 17, précité.
48 S'agissant enfin du grief tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse, il suffit de relever que la décision de ne pas ouvrir la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d'appréciation de la compatibilité de l'aide litigieuse avec le Marché commun. Il convient d'ajouter que la motivation de la décision litigieuse doit être appréciée dans le cadre du SIBR et des critères fixés par l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile.
49 Compte tenu des considérations qui précèdent, la décision litigieuse doit être considérée comme étant suffisamment motivée.
50 En conséquence, le deuxième moyen doit également être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation de certains principes généraux de droit
51 Dans le cadre de ce moyen, Matra invoque deux griefs tirés de la violation des droits de la défense et d'une méconnaissance, par la Commission, du principe de bonne administration.
52 S'agissant du premier grief, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a précisé au point 16 du présent arrêt, la Commission n'est tenue de permettre aux entreprises intéressées de présenter leurs observations que dans le cadre de la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité.
53 Le traité n'a pas, en revanche, prévu une telle obligation lorsque la Commission peut légalement se borner à constater la compatibilité de l'aide dans le cadre de la phase préliminaire instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité.
54 Dans ces conditions, alors qu'il est établi que c'est à bon droit que la Commission n'a pas ouvert la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, Matra n'est pas fondée à invoquer la violation des droits de la défense.
55 En ce qui concerne le grief d'une violation du principe de bonne administration, Matra réitère le reproche tiré du défaut d'ouverture de la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, et il suffit de renvoyer à cet égard aux points 32 et suivants du présent arrêt.
56 Dans ces conditions, le troisième moyen doit également être rejeté.
57 Aucun des moyens invoqués par Matra n'ayant été retenu, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
58 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé.
Par ces motifs,
LA COUR déclare et arrête
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé.