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Décisions

CCE, 11 juin 1993, n° 93-403

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

UER/Système de l'Eurovision

CCE n° 93-403

11 juin 1993

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la décision de la Commission, du 5 décembre 1988, d'engager une procédure dans cette affaire, vu la demande d'attestation négative ou d'exemption en vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE soumise le 3 avril 1989 par l'Union européenne de radiodiffusion (UER) concernant ses dispositions statutaires et autres règles régissant l'acquisition des droits de télévision pour des manifestations sportives, l'échange d'émissions sportives dans le cadre de l'Eurovision et l'accès contractuel de tiers à ces émissions, après la publication, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 du Conseil (2), d'un résumé des règles et du système de coopération appliqués dans le cadre de l'Eurovision, après avoir mis les tierces parties intéressées en mesure présenter leurs observations à l'égard de l'intention de la Commission d'octroyer une exemption, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (3), après avoir consulté le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

(1) Le 3 avril 1989, l'Union européenne de radiodiffusion (UER) a notifié à la Commission ses dispositions statutaires et autres règles régissant l'acquisition des droits de télévision pour des manifestations sportives, l'échange d'émissions sportives dans le cadre de l'Eurovision et l'accès contractuel de tiers à ces émissions [contrat type de l'UER pour l'acquisition de droits de l'Eurovision pour une manifestation sportive, règles sur le partage des droits de transmission dans le cadre des accords de l'Eurovision concernant les manifestations sportives (y compris les dispositions connexes), règles sur l'utilisation du signal Eurovision et règles concernant l'octroi de sous-licences à des non-membres]. Simultanément, l'UER a soumis une demande d'attestation négative ou, à défaut, d'exemption en vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE.

A. L'organisation de l'UER

(2) L'UER est une association d'organismes de radio et de télévision créée en 1950, dont le siège est à Genève. Elle n'a pas de but commercial et ses principaux objectifs sont les suivants : aider ses membres actifs dans l'accomplissement de leur mission consistant à servir au mieux les intérêts du public ; soutenir et défendre les intérêts de ses membres dans tous les domaines ; assister ses membres dans les négociations de toute sorte ou négocier pour leur compte à leur demande; promouvoir la coopération entre ses membres et avec d'autres organismes ou groupements d'organismes de radiodiffusion et, en particulier, promouvoir par tous les moyens les échanges d'émissions de radio et de télévision ; préparer et prendre toute mesure propre à favoriser le développement de la radiodiffusion sous toutes ses formes.

(3) Peuvent être membres actifs de l'UER les organismes ou groupements d'organismes de radiodiffusion assurant, dans un pays situé dans la zone européenne de radiodiffusion, un service d'importance et de caractère nationaux. Ils doivent également être soumis à l'obligation de desservir l'ensemble de la population nationale et en couvrir effectivement au moins une partie substantielle, en mettant tout en œuvre pour réaliser à terme une couverture intégrale; ils doivent en outre être soumis à l'obligation d'offrir des programmes variés et équilibrés destinés à toutes les couches de la population, y compris une part équitable d'émissions répondant aux intérêts particuliers/minoritaires de segments déterminés du public, quel que soit le rapport entre le coût de l'émission et l'audience, et s'acquitter effectivement de cette obligation; enfin, ils doivent produire eux-mêmes une partie substantielle des émissions diffusées ou en passer commande à des tiers sous leur responsabilité éditoriale.

(4) Un groupement d'organismes de radiodiffusion peut être admis en tant que membre de l'UER s'il s'agit d'une association de droit ou de fait d'organismes de radiodiffusion d'un même pays qui remplissent individuellement ou, pour les organismes régionaux, collectivement, les conditions d'adhésion à l'UER. Les organismes de radiodiffusion qui ne remplissent que collectivement les conditions d'adhésion doivent répondre aux exigences spécifiques relatives aux zones de diffusion respectives pour lesquelles ils sont titulaires d'une autorisation d'émettre. Un groupement peut, en outre, comprendre :

a) un organisme qui est chargé, en vertu de la législation nationale, de la coordination et de la gestion des activités nationales et internationales pour le compte des organismes de radiodiffusion constituant le groupement et en liaison institutionnelle avec ceux-ci ;

b) un organisme qui a pour fonction principale d'exploiter de manière permanente des installations techniques de diffusion ou de transmission pour le compte des organismes de radiodiffusion constituant le groupement et en liaison institutionnelle avec ceux-ci ;

c) des organismes de radiodiffusion qui proposent des émissions spécialisées en coordination avec les programmes des autres membres du groupement et en complément de ceux-ci.

(5) Ces exigences limitent l'accès à la qualité de " membre actif " aux seuls radiodiffuseurs chargés d'accomplir une mission particulière d'intérêt public qui leur est impartie par la législation nationale ou par la pratique, quels que soient la forme de l'organisme ou son mode de financement. Investis d'une mission d'intérêt public, ils doivent fournir un service de radiodiffusion dans l'intérêt du public, sans souci de rentabilité. Ce profil implique notamment l'obligation d'assurer une programmation variée, comprenant des émissions à caractère culturel, éducatif et scientifique ainsi que des émissions destinées à un public minoritaire, et celle de desservir l'ensemble de la population nationale, quel que soit le coût. Ils ne peuvent ni se concentrer sur des émissions populaires susceptibles de réaliser des taux d'écoute élevés et de dégager des recettes publicitaires, ni se spécialiser dans certaines catégories d'émissions, ni se limiter à la couverture rentable de zones à forte densité de population. Les nouvelles chaînes commerciales qui ont été lancées ces dernières années dans plusieurs États membres ne remplissent généralement pas ces conditions et elles ne sont, par conséquent, pas admises en qualité de membre.

(6) La qualité de membre actif implique l'obligation de promouvoir les objectifs de l'UER et de contribuer activement aux échanges d'émissions de radio et de télévision et aux autres activités de l'UER. Depuis sa fusion avec son homologue d'Europe orientale, OIRT (voir considérant 8), l'UER compte soixante-sept membres actifs (y compris des associations de chaînes de télévision et de stations de radio) répartis dans quarante-sept pays situés dans la zone européenne de radiodiffusion. La plupart appartiennent au service public ; cependant, certains radiodiffuseurs sont privés, mais ils sont alors investis d'une mission d'intérêt public. La plupart des pays n'ont qu'un membre, les exceptions - dans la Communauté - étant : la Belgique, le Danemark, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui en comptent plusieurs. Si la majorité des membres sont entièrement ou partiellement financés par les redevances, un certain nombre d'entre eux dépendent en plus, voire exclusivement, des recettes publicitaires, lesquelles sont souvent soumises à des restrictions (application d'un plafond aux recettes publicitaires, nombre maximal de messages publicitaires par heure ou par jour, publicité autorisée uniquement pendant la semaine où à certaines heures, etc.). Les membres diffusent principalement sur des fréquences terrestres, leur zone de réception respective étant le plus souvent limitée - malgré certains " débordements " - à leur propre territoire national. Toutefois, depuis quelques années, certains membres ont aussi commencé à transmettre par satellite et par câble, non seulement à destination de leur propre territoire national, mais aussi vers d'autres pays, principalement les pays limitrophes.

(7) Outre les " membres actifs ", l'UER compte aussi un grand nombre de " membres associés " (cinquante-quatre à l'heure actuelle), qui ne prennent pas part à ses principales activités et ne participent pas, en particulier, au système de l'Eurovision. Peuvent être membres associés les organismes ou groupements d'organismes de radiodiffusion de pays situés hors de la zone européenne de radiodiffusion qui fournissent dans leur pays un service de radiodiffusion d'importance et de caractère nationaux et offrent des programmes variés.

(8) À la suite du processus de démocratisation en Europe de l'Est, l'UER a fusionné avec son homologue de l'Europe orientale, OIRT, et avec ses membres. La fusion, qui a pris effet le 1er janvier 1993, entraînera l'octroi d'une aide financière et technique substantielle de l'UER et de ses membres aux nouveaux membres d'Europe orientale.

B. Le marché des droits de télévision pour les manifestations sportives

a) Le développement du secteur de la radiodiffusion

(9) Au cours des dernières années, la déréglementation de la télévision dans certains États membres, associée à l'introduction de la télédiffusion par satellite et par câble et - plus récemment - directement par satellite, a entraîné la création d'un certain nombre de sociétés de radiodiffusion, principalement commerciales. Elles opèrent à l'échelon régional, national ou transnational, la transmission de leurs émissions étant assurée par des réseaux terrestres et/ou par satellite et par câble. Elles sont principalement financées par la publicité - certaines perçoivent également un péage - et elles proposent soit un large éventail d'émissions, notamment sportives, soit un service thématique (sport, films, informations, etc.). Entre 1984 et 1990, trente et une chaînes par satellite supplémentaires et vingt-cinq chaînes commerciales à diffusion hertzienne supplémentaires ont été lancées; il en est résulté un accroissement de la part d'audience des chaînes commerciales dans nombre d'États membres ; il est cependant exact que cette part varie d'un État membre à l'autre, comme le montrent les exemples suivants : Belgique (Communauté flamande) : VTM, 43 % en 1991 (source: CIM) ; Allemagne (uniquement Allemagne occidentale) : RTL-Plus et SAT1, 14,8 % et 11,1 % en 1991 (source GFK Television Research) ; Grèce : Mega Channel et Antenna TV, 39,8 % et 32,2 % en 1991 (source: AGB Hellas) ; Italie : Canale 5, Italia 1 et Rete 4, 16,4 %, 10,5 % et 8,9 % (source : Auditel) ; Pays-Bas RTL-4, 23,3 % en 1991 (source : NOS KLO) ; Espagne : Tele 5 et Antena 3, 13,8 % et 8,9 % (source : Ecotel).

(10) Dans le domaine sportif, les chaînes en présence jusqu'à une date récente étaient les suivantes : Eurosport, chaîne sportive de télévision par satellite paneuropéenne diffusée en quatre langues dans toute l'Europe, qui est exploitée par un consortium de membres actifs de l'UER et par TF1 (Télévision française 1), également membre actif de l'UER ; The European Sports Network TESN qui, par l'intermédiaire de ses affiliés, Screensport (Royaume-Uni), Sportkanal (Allemagne), Sportnet (Pays-Bas) et TV Sport (France), propose également un service paneuropéen consacré au sport, qui est diffusé par satellite et par câble dans quatre langues à travers toute l'Europe ; Sky Sports, chaîne diffusée par satellite (directement dans les foyers) et exploitée par BSKyB (Britain Sky Broadcasting), qui s'adresse uniquement aux téléspectateurs du Royaume-Uni et de l'Irlande. Une nouvelle chaîne sportive lancée en Allemagne, Deutsches Sportfernsehen, existe depuis le début de 1993. Eurosport et TESN sont convenues récemment de s'unir pour fournir un service unique sous le nom d'Eurosport. L'accord conclu à cet effet, qui a été notifié à la Commission, fait l'objet de l'affaire n° IV/34.605 - Eurosport Mark III.

(11) Le secteur de la radiodiffusion se trouve donc dans une situation transitoire, caractérisée par l'arrivée sur le marché ou l'expansion de sociétés commerciales qui acquièrent des parts d'audience considérables. Non seulement les nouvelles chaînes commerciales apportent l'innovation technique (en particulier dans le domaine du câble et du satellite) et un choix plus large au téléspectateur, mais elles renforcent aussi la concurrence, au bénéfice non seulement des téléspectateurs et des annonceurs mais aussi des organisateurs de manifestations sportives et d'autres cédants de droits de télévision. À mesure que leur part d'audience s'accroît, les nouvelles chaînes commerciales s'affirment comme concurrents des radiodiffuseurs publics traditionnels aussi bien sur le marché de la publicité que sur celui des émissions. L'augmentation constante des recettes publicitaires des radiodiffuseurs privés [cf., par exemple, le cas de SAT1 (Allemagne) : augmentation de 22,4 millions de marks allemands en 1986 (soit 1,2 % des revenus publicitaires de la télévision ouest allemande) à 653,9 millions de marks allemands en 1991 en ce qui porte le ratio à 28,9 %]; à titre de comparaison, les revenus publicitaires d'ARD ont, au cours de la même période, diminué, passant de 1,1022 milliard de marks allemands (soit 58,4 %) à 483 millions (soit 21,4 %) (source : Nielsen S& P Werbeforschung) jointe à l'accroissement de leurs investissements en programmes attrayants [cf., par exemple, au Royaume-Uni, l'acquisition par BSKyB) (en association avec la BBC) du droit de retransmission exclusif des matchs de la première ligue de football au prix de 304 millions de livres sterling (dont 190 millions acquittés par BSkyB)] témoigne de cette évolution. Dans certains pays, la concurrence des chaînes commerciales, dont certaines sont soutenues par de puissants conglomérats médiatiques, devient de plus en plus difficile à soutenir pour les membres nationaux de l'UER, car les contraintes liées à la mission d'intérêt public qui leur est impartie, et en particulier les restrictions auxquelles ils sont soumis en matière de parrainage et de publicité, les empêchent souvent d'acheter et s'exploiter des émissions d'une manière commercialement viable.

(12) Un certain nombre de chaînes commerciales ont créé une association (Association des télévisions commerciales européennes, ACT), qui est chargée de défendre leurs intérêts communs et de promouvoir la coopération dans différents domaines, y compris la production d'émissions sportives. La Commission prend note avec intérêt de cette démarche. Elle n'est pas en mesure, à ce stade, de déterminer comment les développements futurs dans ce domaine devront être évalués au regard du droit communautaire de la concurrence.

b) Caractéristiques propres aux émissions sportives

(13) Actuellement, la plupart des radiodiffuseurs commerciaux tentent d'augmenter leur proportion d'émissions sportives consacrées à des sports appréciés du grand public ; cette tendance, ajoutée au lancement de chaînes consacrées exclusivement au sport, a provoqué une augmentation considérable du nombre d'émissions sportives télévisées. Les émissions sportives consacrées à des sports appréciés du grand public ou à de grandes manifestations internationales constituent un matériel de programmation très attrayant, à la fois pour les radiodiffuseurs publics traditionnels et pour les nouvelles chaînes généralistes commerciales qui souhaitent offrir une grille de programmes attrayante et équilibrée afin d'attirer un public aussi large que possible. En ce qui concerne les chaînes financées partiellement ou entièrement par la publicité - qu'elles soient commerciales ou publiques -, l'importance de certaines émissions sportives tient à l'attraction qu'elles exercent sur les annonceurs, comme il est expliqué ci-dessous. Pour les radiodiffuseurs publics, l'importance des émissions sportives tient en outre au fait que, en plus de leur mission de répondre aux intérêts de toutes les couches de la population, ils doivent offrir une programmation diversifiée qui, traditionnellement, comprend un certain nombre de manifestations sportives nationales et internationales.

(14) Les émissions sportives, en particulier lorsqu'elles sont consacrées aux grandes manifestations telles que les Jeux Olympiques, la Coupe du monde de football ou les tournois internationaux de tennis, atteignent souvent des chiffres d'écoute élevés, en particulier parmi les téléspectateurs à fort pouvoir d'achat (hommes âgés de 16 à 50 ans), ce qui est essentiel pour les annonceurs. Les émissions sportives sont aussi généralement considérées comme particulièrement propices à la diffusion de messages publicitaires, comme en témoigne l'importance du parrainage dans ce domaine. En outre, le sport est une forme de spectacle qui transcende dans une certaine mesure les barrières culturelles et constitue donc le matériau par excellence de la télévision transnationale par satellite et par câble et de la publicité transnationale. Enfin, les émissions sportives touchent un public aisément identifiable, qui constitue une cible de choix aux yeux de certains annonceurs importants et que l'on ne peut atteindre par le biais d'autres émissions. Il s'ensuit que, dans l'ensemble, la demande d'émissions sportives s'est considérablement accrue ces dernières années et que la concurrence pour les droits de télévision s'est intensifiée.

(15) Le pouvoir d'attraction des émissions sportives, donc le niveau de concurrence pour les droits de télévision, varie cependant d'un sport à l'autre et selon le type de manifestation. Les sports appréciés du grand public tels que le football, le tennis ou la course automobile attirent généralement de fortes audiences, avec des préférences qui varient d'un pays à l'autre. En revanche, les sports moins populaires ne réalisent que des taux d'écoute très faibles. Les manifestations internationales sont généralement plus attrayantes pour le public d'un pays donné que les manifestations nationales, pour autant que l'équipe nationale ou un champion national y participe, alors que les manifestations internationales dans lesquelles le pays n'est pas représenté ne suscitent souvent qu'un intérêt limité.

(16) D'autre part, certaines manifestations internationales exceptionnelles telles que la Coupe du monde et les championnats européens de football, les Jeux Olympiques et les championnats mondiaux et européens d'athlétisme, etc., enregistrent généralement des chiffres d'audience élevés, la participation et les performances des équipes et des champions nationaux étant, en l'occurrence, moins déterminantes. Compte tenu de l'important taux d'audience et du prestige que la couverture de ces manifestations confèrent au radiodiffuseur concerné, les droits de télévision s'y rapportant sont très convoités, alors que la demande est souvent fiable pour les droits relatifs à des manifestations sportives moins appréciées du grand public.

(17) Les émissions sportives peuvent être un type de programme très onéreux, car les coûts et les risques associés à la diffusion de manifestations sportives sont considérables. Outre le montant à payer pour l'acquisition des droits - qui est faible pour les sports et les manifestations peu attrayants mais très élevé pour les manifestations populaires -, le facteur le plus important est le coût de production du signal (vidéo de base et son), qui est généralement très élevé. Cela vaut en particulier pour les tournois ou les championnats qui se déroulent sur plusieurs jours et dont le programme comprend des manifestations simultanées. Même si ces manifestations ne peuvent être diffusées que partiellement, il est nécessaire de les couvrir très largement, sinon intégralement, pour pouvoir sélectionner les moments les plus marquants. La nature du sport et le terrain sur lequel il se pratique peuvent également accroître les coûts. Au coût de production du signal sur le terrain viennent s'ajouter les frais de commentaire et de studio (édition, présentation), en plus des frais d'acheminement du signal. C'est ainsi qu'en moyenne le coût d'une émission sportive est actuellement plus élevé que celui de la diffusion d'une œuvre cinématographique (compte tenu du prix des droits de télévision et du traitement nécessaire du matériel) ou d'une grande émission de variétés.

(18) En outre, la diffusion d'émissions sportives comporte un certain nombre de risques. Les droits de télévision pour une manifestation sportive doivent être acquis à l'avance, mais le pouvoir d'attraction de la manifestation peut varier sensiblement selon la manière dont elle se déroule et selon le rôle joué - et les succès remportés - par les équipes ou les participants auxquels les différents publics nationaux s'intéressent. En outre, ces manifestations comportent des risques spécifiques tels que le mauvais temps, le boycottage, etc.

c) Différence d'approche à l'égard des émissions sportives

(19) Selon le degré d'attraction des émissions sportives sur les téléspectateurs - donc sur les annonceurs - et selon les coûts et les risques liés à la radiodiffusion de ces manifestations, les radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public et les radiodiffuseurs purement commerciaux adoptent souvent une approche différente à l'égard de ce type d'émissions. Les radiodiffuseurs purement commerciaux (à l'exception des chaînes thématiques à vocation sportive) sont plus intéressés par les manifestations très appréciées du grand public, qui leur permettent d'attirer les annonceurs et/ou de persuader les téléspectateurs de s'abonner à leur service ou d'acquérir l'équipement nécessaire à la réception de leurs programmes. En revanche, comme ils sont tenus, par la nature de leur mission, de répondre aussi à la demande d'un public minoritaire, les radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public doivent également couvrir les sports moins populaires ou les manifestations moins attrayantes. C'est ainsi que les chaînes à vocation de service public proposent normalement un éventail de sports plus large que les chaînes purement commerciales.

(20) En outre, les chaînes purement commerciales sont moins intéressées par les manifestations qui supposent des efforts de production souvent énormes par rapport au temps d'émission consacré à la manifestation. En revanche, les radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public hésiteront souvent moins à couvrir une manifestation intégralement (en termes de production du signal) même pour une diffusion partielle, quel que soit le rapport coût/avantage, car ils considèrent que la diffusion d'extraits fait partie de la mission qui leur est impartie. Certaines des nouvelles chaînes commerciales, notamment parmi celles qui diffusent par satellite et par câble et dont la part de marché est encore faible, préfèrent souvent obtenir des sous-licences pour des émissions sportives prêtes à la transmission qui sont produites par d'autres radiodiffuseurs, plutôt que d'acquérir l'intégralité des droits dans le but de produire elles-mêmes l'émission.

d) Droits de télévision pour les manifestations sportives

(21) Les droits de télévision relatifs aux manifestations sportives sont normalement accordés en exclusivité, pour un territoire donné, généralement un pays. En règle générale, l'exclusivité est jugée nécessaire pour garantir la valeur d'une émission sportive donnée, en termes de chiffres d'écoute et de recettes publicitaires. L'exclusivité est généralement accordée pour la diffusion par tous les moyens techniques (fréquences terrestres, satellite et câble ou satellite uniquement), aucune distinction n'étant faite entre les droits de diffusion terrestre et les droits de diffusion par câble et par satellite. Les droits sont souvent offerts sous la forme de lots couvrant l'ensemble des matchs, tours ou compétitions que peut comprendre une manifestation (championnat, tournoi, coupe, etc.).

(22) En général, les droits de télévision sont détenus par l'organisateur de la manifestation sportive, qui contrôle l'accès au lieu où elle se déroule. Pour contrôler la couverture télévisuelle de la manifestation et pour garantir l'exclusivité, l'organisateur n'autorise qu'un radiodiffuseur (dit " hôte ", en ce sens qu'il s'agit d'un radiodiffuseur du pays où la manifestation a lieu) ou, en tout cas, qu'un nombre limité de radiodiffuseurs, à produire le signal de télévision. Dans le cadre du contrat qu'ils passent avec l'organisateur, ce ou ces radiodiffuseurs n'ont pas le droit de mettre leur signal à la disposition de tiers qui n'auraient pas acquis les droits de télévision y afférents.

(23) S'agissant de sports appréciés du grand public, les organisateurs des manifestations sont souvent de puissantes fédérations nationales ou internationales qui ont, en quelque sorte, le monopole des droits de télévision pour certaines manifestations ou certains types de sport; généralement, il n'existe en effet qu'une seule fédération nationale ou internationale pour chaque sport.

(24) Pendant de nombreuses années, les prix des droits de télévision pour les manifestations sportives sont néanmoins restés relativement bas, car les organisateurs se préoccupaient surtout de garantir la couverture télévisuelle de la manifestation pour attirer des parrainages et promouvoir l'événement le plus largement possible par le truchement de la télévision. Ces dernières années, comme la concurrence pour les droits s'est intensifiée, les organisateurs ont pris davantage conscience de la valeur de leurs droits et les prix ont sensiblement augmenté (par exemple le prix des droits payés par l'UER à l'IAAF pour la retransmission des championnats du monde d'athlétisme est passé de 6 millions de dollars (pour le championnat organisé à Tokyo en 1991) à 91 millions de dollars au titre des deux championnats organisés à Stuttgart (1993) et à Goeteborg (1995) ; le prix payé pour les droits de retransmission des Jeux Olympiques d'été a également augmenté : 90 millions de dollars en 1992 (Barcelone) contre 250 millions de dollars en 1996 (Atlanta). Les organisateurs de manifestations sportives ont de plus en plus tendance à vendre leurs droits par l'entremise d'agences internationales qui agissent comme intermédiaires et qui commercialisent les droits aux conditions du marché. Ces agences sont soit indépendantes, soit affiliées à des sociétés commerciales de radiodiffusion pour le compte desquelles elles acquièrent les droits. S'agissant de l'intégration verticale entre intermédiaires et chaînes de télévision, la Commission n'est pas - à ce stade - en mesure de déterminer comment ses développements futurs devront être évalués au regard du droit communautaire de la concurrence. Pour maximiser leurs bénéfices, les intermédiaires tentent de " dissocier " les droits en les vendant pays par pays aux différents radiodiffuseurs et en distinguant, pour les vendre séparément, les droits de transmission en direct, des droits de transmission en différé et des droits portant sur les " grands moments " uniquement. Cela a contribué à faire monter les prix.

(25) Du fait de la concurrence accrue des radiodiffuseurs privés et de l'apparition d'agences de courtage spécialisées dans le domaine sportif, les droits de télévision pour certaines grandes manifestations internationales traditionnellement diffusées par les chaînes publiques sont passés aux mains des nouvelles chaînes commerciales. On peut citer comme exemples les droits concernant le championnat open de tennis de Wimbledon, le tournoi open de tennis des États-Unis, les tournois de tennis des Masters, le tournoi open mondial de basket-ball, le championnat du monde de hockey sur glace, les courses automobiles de formule 1 et le rallye automobile Paris-Dakar. Au niveau national, les membres de l'UER sont de plus en plus exclus des manifestations populaires telles que les compétitions nationales de football, pour lesquelles les chaînes publiques allemandes, par exemple, doivent, depuis plusieurs années, renoncer aux droits de télévision, et cela au bénéfice de leurs concurrentes commerciales. D'autres organisateurs de manifestations sportives ont néanmoins tenté de maintenir leurs relations avec les radiodiffuseurs publics, car ceux-ci peuvent garantir la couverture nationale des manifestations. En effet, un certain nombre d'organisateurs considèrent qu'une couverture télévisuelle de qualité supérieure, c'est-à-dire touchant l'ensemble de la population nationale, constitue un service utile; non seulement ce type de couverture rehausse le prestige de la manifestation et contribue à la popularité du sport concerné, mais encore il augmente - dans l'intérêt des annonceurs - la valeur des espaces publicitaires apposés dans le stade.

C. Le système de l'Eurovision

(26) Tous les membres actifs de l'UER peuvent participer à un système institutionnalisé d'échange d'émissions de télévision, et notamment d'émission sportives, par l'intermédiaire d'un réseau européen connu sous le nom d'" Eurovision ", ainsi qu'à un système d'acquisition en commun de droits de télévision pour les manifestations sportives internationales, appelés " droits de l'Eurovision ". Actuellement, tous les membres actifs sauf trois (Liban, Malte et Vatican) participent au système. Outre les membres agissant isolément, sont admis à participer au système quelques consortiums constitués exclusivement de membres actifs de différents pays qui fournissent ensemble un service transnational répondant à l'intérêt public et constituant un complément des chaînes nationales des différents membres.

a) Acquisition en commun et partage des droits de télévision

(27) Les règles qui régissent, l'acquisition des droits de l'Eurovision prévoient que les droits de télévision pour les manifestations sportives internationales sont normalement acquis conjointement par tous les membres intéressés ; ils se partagent par la suite les droits et frais y afférents. Lorsque les membres de l'UER de deux ou plusieurs pays sont intéressés par une manifestation sportive donnée, ils font appel à la coordination de l'UER. Les négociations sont alors menées au nom de tous les membres intéressés, soit par un membre du pays où la manifestation se déroule - qui est parfois assisté par l'UER -, soit par l'UER elle-même. Dès que les négociations concernant les droits de l'Eurovision ont commencé et tant qu'elles n'ont pas été officiellement déclarées infructueuses, les membres doivent s'abstenir de participer à des négociations séparées concernant des droits nationaux. Les membres ne sont autorisés à négocier séparément que si les négociations conjointes ont échoué.

(28) Les droits de l'Eurovision, qui sont normalement exclusifs en ce qui concerne les non-membres, sont acquis au nom des membres qui sont parties au contrat, pour leurs pays respectifs. Tous les membres qui sont parties au contrat peuvent jouir pleinement des droits, quels que soient la portée territoriale de leurs activités et les moyens techniques utilisés pour la diffusion. Toutefois, les membres qui se font concurrence pour le même public national (plusieurs membres d'un même pays ou des membres diffusant à partir de leur pays vers le pays d'un autre membre dans une langue commune) doivent convenir entre eux de la procédure à suivre pour accorder l'exclusivité ou la priorité à l'un d'entre eux.

(29) Les membres d'un même pays conviennent généralement de partager les droits, par exemple en transmettant la manifestation en alternance. S'ils ne peuvent convenir d'une telle procédure, tous les membres concernés jouissent de droits non exclusifs pour le pays ou les pays en question. Les membres qui assurent la couverture d'une manifestation (c'est-à-dire qui produisent le signal), sauf convention contraire, jouissent d'une priorité par rapport aux membres étrangers dont les émissions visent le même public national.

(30) L'acquisition conjointe des droits ne concerne normalement que les manifestations sportives internationales et non les manifestations nationales telles que les matchs de football, pour lesquelles les membres nationaux de l'UER achètent les droits de télévision individuellement sur le marché, dans certains pays en se faisant concurrence. Le pourcentage d'émissions sportives pour lesquelles les droits de télévision ont été négociés et acquis par l'intermédiaire du système de l'Eurovision varie d'un pays à l'autre. En Allemagne et au Royaume-Uni, ces émissions représentaient 2 % de toutes les émissions sportives diffusées sur les chaînes nationales en 1990. En France, le pourcentage était de quelque 6,6 % en 1990. En 1992, le nombre total de contrats portant sur des droits de télévision négociés par l'intermédiaire de l'Eurovision était de quarante-cinq.

b) L'échange du signal

(31) Pour les manifestations qui se déroulent dans la zone de l'Eurovision, la couverture (signal comprenant la vidéo de base et le son international) est assurée par un membre du pays concerné ; et est mise à la disposition de tous les autres membres par l'intermédiaire du système d'échanges d'émissions de l'Eurovision. Le système d'échanges d'émissions de l'Eurovision est fondé sur la réciprocité : lorsque l'un des membres participants couvre une manifestation, en particulier une manifestation sportive, qui se déroule sur son propre territoire national et revêt un intérêt potentiel pour les autres membres de l'Eurovision, il en propose la couverture gratuite à tous les autres membres de l'Eurovision à condition que ceux-ci lui fassent en échange des offres correspondantes pour les manifestations se déroulant dans leurs pays respectifs. Le membre assurant la couverture fournit également l'infrastructure nécessaire aux autres membres intéressés, tels que des emplacements pour assurer leurs commentaires, etc.

(32) Comme il existe dans chaque pays au moins un membre de l'UER qui fournit et produit des programmes sportifs, on peut considérer que la quasi-totalité des manifestations dont l'intérêt est susceptible de dépasser les frontières nationales peuvent être couvertes (pour autant que les membres aient pu en acquérir les droits) et mises à la disposition des membres dans toute la zone de l'Eurovision. Le principe de la réciprocité ne tient pas compte de ce que chaque membre apporte au système et en retire effectivement. Il s'agit en réalité d'un système de solidarité, dans le cadre duquel les organismes des grands pays, qui sont plus puissants financièrement, soutiennent ceux des petits pays afin d'assurer un flux suffisant d'émissions sportives vers toutes les parties de la zone de l'Eurovision.

(33) Lorsqu'une manifestation se déroule hors de la zone de l'Eurovision et que la couverture est assurée de ce fait par un organisme n'appartenant pas à l'UER, les membres qui sont parties à un contrat de l'Eurovision doivent normalement payer, pour utiliser le signal produit par cet autre organisme de radiodiffusion, un droit dont le montant est réparti entre eux. Dans certains cas cependant, des accords de réciprocité conclus avec des organismes de radiodiffusion d'autres zones permettent aux membres de l'UER d'utiliser le signal gratuitement.

(34) L'acheminement du signal du point d'origine vers les équipements de transmission des différents pays où la manifestation doit être diffusée est assuré au moyen d'un réseau reliant entre eux tous les membres de l'Eurovision. Ce réseau comprend des circuits terrestres loués en permanence (complétés au besoin par des liaisons terrestres louées de manière occasionnelle) ainsi qu'un certain nombre de circuits terrestres appartenant aux membres. Ces liaisons terrestres couvrent une longueur totale d'environ dix-huit mille kilomètres et elles comprennent plus de soixante points d'injection (compte non tenu des circuits des nouveaux membres d'Europe orientale). En outre, l'UER loue certains circuits de transmission par satellite en permanence et d'autres de façon ponctuelle.

(35) Enfin, le système de l'Eurovision assure également une coordination administrative et technique. La coordination administrative, y compris la coordination des programmes, est assurée par les services permanents de l'UER à Genève ou, comme c'est le cas des Jeux Olympiques, par des groupes spécialement constitués, l'objectif étant de coordonner les besoins et les souhaits particuliers des membres et d'assurer une couverture optimale du plus grand nombre possible de compétitions. Il s'agit, en particulier, d'organiser l'ordonnancement de la programmation, en tenant compte notamment du décalage horaire éventuel entre le lieu où la manifestation se déroule et les pays des membres, de sélectionner les compétitions lorsque plusieurs ont lieu simultanément, etc. La coordination technique est assurée par le centre technique de l'UER qui veille, en particulier, à l'organisation technique, à la surveillance et au contrôle de qualité du signal proprement dit.

D. La réglementation régissant l'accès des non-membres

(36) À la demande de la Commission, l'UER a révisé la réglementation qui régit l'accès contractuel des tiers. Dans le cadre de la nouvelle réglementation soumise le 26 février 1993, l'UER et ses membres s'engagent à permettre aux radiodiffuseurs non-membres d'avoir largement accès aux émissions sportives de l'Eurovision pour lesquelles les droits ont été acquis dans le cadre de négociations collectives. Les modalités de l'accès sont négociées librement entre l'UER (pour les chaînes transnationales) ou le ou les membres du pays concerné (pour les chaînes nationales) et le non-membre. Toutefois, les conditions d'accès concédées par l'UER et ses membres ne seront en aucun cas moins favorables que celles stipulées ci-après.

(37) L'accès pour des transmissions en direct est accordé si la manifestation n'est pas diffusée en direct par le ou les membres de l'UER dans le ou les pays concernés, sauf pour les parties de la manifestation ou les compétitions (disciplines particulières, matchs spécifiques, tours, etc.) que le ou les membres se réservent de transmettre en direct.

Si une manifestation (ou, dans le cas des manifestations durant plusieurs jours, une journée de compétition) est diffusée en direct par le ou les membres de l'UER dans le ou les pays concernés - c'est-à-dire si la majeure partie des principales compétitions qui la composent sont transmises en direct -, l'accès est accordé pour des transmissions en différé, pour autant qu'elles ne commencent pas moins d'une heure après la fin de la manifestation ou de la dernière compétition de la journée et pas avant 22 h 30, heure locale (heure de Londres pour les chaînes paneuropéennes). Les différentes interdictions [pour les manifestations durant moins d'une journée, interdiction pendant quatre heures à compter de la fin la première diffusion en prime-time (pour les chaînes nationales) ou de la dernière diffusion en prime-time (pour les chaînes transnationales) opérée par les membres de l'UER dans le pays concerné ; et pour les manifestations durant plus d'une journée, interdiction jusqu'à deux heures du matin suivant chaque jour de compétition] et autres restrictions concernant le nombre et l'horaire des transmissions (pour les manifestations durant plus d'une journée aucune transmission pendant le premier prime-time : lundi à vendredi de 6 à 9 heures, de 12 à 14 heures, de 18 heures à 1 heure, samedi et dimanche de 12 heures à 1 heure et nombre maximal de transmission quotidienne, de par exemple 75 minutes pour les Jeux Olympiques d'été ou de 25 minutes par match pour la Coupe du monde de football) prévus par le système d'octroi de sous-licences, qui faisait l'objet de la communication de la Commission du 5 octobre 1990 faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 du Conseil, ont été supprimées à la demande de la Commission.

(38) La nouvelle réglementation accorde, en outre, un accès aux actualités. Sauf dispositions légales ou réglementaires nationales contraires, l'UER et ses membres octroient l'accès à deux communiqués d'une durée maximale de quatre-vingt-dix secondes chacun par manifestation ou par journée de compétition, avec la possibilité de répéter l'un des deux dans la même journée, communiqués qui doivent être incorporés dans un délai de vingt-quatre heures dans les bulletins d'information réguliers ou, pour les chaînes sportives, dans des émissions d'actualités sportives prévues au programme.

(39) Les frais d'accès (aux droits de télévision et au signal) doivent être négociés. Pour l'acheminement du signal, le non-membre peut prendre ses propres dispositions ou peut demander à l'UER d'acheminer le signal par le réseau de l'Eurovision. Dans le second cas, l'UER soumet une estimation des coûts.

(40) Si le montant des frais d'accès donne lieu à un différend, alors qu'il y a accord sur les autres conditions de la transaction, celle-ci est soumise à l'arbitrage d'un ou de plusieurs experts indépendants, lesquels sont désignés conjointement par les parties. À défaut d'accord entre les parties, la nomination est prononcée par le président de le cour d'appel compétente, pour les arbitrages nationaux (relatifs à l'accès aux chaînes nationales), et par le président de la Chambre de commerce internationale, pour les arbitrages internationaux (relatifs à l'accès aux chaînes paneuropéennes). Le ou les experts doivent déterminer le montant des frais d'accès. Leur décision est définitive et obligatoire.

Les tierces parties intéressées peuvent obtenir de plus amples renseignements concernant la réglementation auprès de l'UER ou de ses membres.

E. La procédure

(41) Le 17 décembre 1987, la Commission a été saisie d'une plainte de Screensport (devenu par la suite TESN) concernant :

i) le refus de l'UER et de ses membres d'accorder à Screensport des sous-licences pour des manifestations sportives

et

ii) une filiale commune entre un consortium de membres actifs de l'UER et News International/Sky Channel ayant pour objet l'établissement d'une chaîne de télévision sportive, Eurosport Mark I.

La seconde partie de la plainte a fait l'objet d'une procédure séparée dans le cadre de l'affaire n° IV/32.524 - Screensport/Membres de l'UER et de la décision 91-130-CEE de la Commission (4). La première partie de la plainte a été retirée à la suite de l'accord entre Eurosport et TESN auquel il est fait référence ci-dessus (considérant 10).

(42) Le 12 décembre 1988, la Commission a envoyé à l'UER une première communication des griefs dans laquelle elle indiquait que l'octroi d'une exemption en faveur des règles régissant l'acquisition et l'utilisation dans le cadre du système de l'Eurovision des droits de télévision pour des manifestations sportives pouvait être envisagé pour autant que l'UER et ses membres se soumettent à l'obligation d'accorder des sous-licences aux non-membres pour une partie substantielle des droits en question et à des conditions raisonnables. Le 3 avril 1989, l'UER a notifié ses règles en la matière à la Commission, en vue d'obtenir une attestation négative ou une exemption, en indiquant qu'elle-même et ses membres étaient disposés à accorder des sous-licences aux non-membres. Le 12 avril 1990, la Commission a reçu une seconde plainte, de Still Moving Films, société de production d'émissions sportives établie au Royaume-Uni, qui concernait également la politique d'octroi de sous-licences de l'UER. Le 3 juillet 1990, l'UER a adopté un système d'octroi de sous-licences, qui avait fait l'objet de discussions préalables avec la Commission.

(43) Le 5 octobre 1990, la Commission a publié au Journal officiel une communication, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, dans laquelle elle indiquait son intention d'octroyer une exemption en vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité. À la suite de cette publication, la Commission a reçu un certain nombre d'observations critiques de tierces parties, y compris les plaignants, concernant principalement le système d'octroi de sous-licences de l'UER. C'est pourquoi la Commission a organisé les 18 et 19 décembre 1990 une audition réunissant toutes les parties tierces intéressées, au cours de laquelle le système d'octroi de sous-licences, jugé trop restrictif, trop bureaucratique et impraticable, a été examiné dans le détail.

(44) Sur la base du résultat de l'audition, la Commission a envoyé le 24 juin 1991 une seconde communication des griefs, dans laquelle elle indiquait que le système d'octroi de sous-licences n'était pas acceptable. Par la suite, l'UER a soumis le 8 novembre 1991 une nouvelle réglementation régissant l'accès contractuel des non-membres, dont avaient été retirées la plupart des clauses du précédent système d'octroi de sous-licences, clauses qui avaient fait l'objet de critiques de la part des tierces parties. Après avoir fait l'objet de nouvelles modifications à la demande de la Commission, la réglementation a été soumise dans sa version finale le 26 février 1993.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

1. Accords entre entreprises ou décisions (d'associations) d'entreprises

(45) Les membres de l'UER sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1. Peu importe à cet égard que la majorité des membres soient des organismes publics sans but lucratif auxquels la législation nationale confère la tâche de fournir des programmes d'intérêt public. Le concept fonctionnel d'" entreprise " utilisé à l'article 85 paragraphe 1 couvre tout organisme exerçant une activité de caractère économique, quelle que soit sa forme juridique et qu'il ait ou non un objectif commercial. En conséquence, la Cour de justice a estimé que les organismes publics de radiodiffusion étaient des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 dans la mesure où ils exerçaient une activité économique (5). L'acquisition de droits de télévision pour des manifestations sportives et l'octroi de sous-licences pour ces émissions sont à l'évidence des activités de caractère économique qui sont couvertes par l'article 85 paragraphe 1.

(46) Les dispositions statutaires et les règles internes de l'UER qui régissent l'acquisition des droits de télévision pour des manifestations sportives et l'échange d'émissions sportives dans le cadre de l'Eurovision, ainsi que l'accès contractuel de tiers à ces droits et à ces émissions sont des décisions d'une association d'entreprises ; les accords conclus cas par cas par les membres concernant la négociation, l'acquisition et le partage des droits sont également des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.

2. Restriction de la concurrence

a) Restriction de la concurrence entre les membres de l'UER

(47) Les règles de l'UER régissant la négociation et l'acquisition en commun et le partage des droits de télévision pour des manifestations sportives et les accords y relatifs, conclus cas par cas entre les membres ont pour objet et pour effet de restreindre la concurrence entre les membres.

(48) S'ils ne coopéraient pas dans le cadre de l'Eurovision, les membres de l'UER se feraient, dans une certaine mesure, concurrence pour l'acquisition de droits de télévision portant sur les manifestations sportives. S'il est vrai que les membres de pays différents n'acquièrent généralement les droits de télévision que pour leurs pays respectifs et qu'ils ne sont donc pas en concurrence directe pour ces droits, une situation de concurrence se présente, néanmoins dans deux cas. En premier lieu, il existe dans cinq États membres (Allemagne, Belgique, France, Danemark, Royaume-Uni) deux ou plusieurs membres de l'UER qui seraient normalement concurrents pour les droits de télévision portant sur les manifestations sportives internationales comme ils le sont en fait pour les manifestations nationales, que l'Eurovision ne couvre pas. En second lieu, comme un nombre croissant de membres diffusent par satellite et par câble vers les pays d'autres membres, ils devraient normalement faire concurrence à ces derniers pour l'acquisition des droits relatifs à ces pays.

(49) La négociation et l'acquisition en commun des droits dans le cadre de l'Eurovision ont pour effet de restreindre fortement voire, dans de nombreux cas, d'éliminer cette concurrence entre membres. Plutôt que de s'affronter par la surenchère, les membres participent à des négociations conjointes et ils s'accordent sur les conditions, notamment financières et autres, de l'acquisition des droits et sur le partage de ceux-ci. Il y a donc effectivement restriction de concurrence, en dépit du fait que les règles internes de l'UER qui régissent la négociation et l'acquisition des droits ne sont que des recommandations, dépourvues de caractère juridiquement contraignant. Les statuts de l'UER (article 13 paragraphe 4) et la nature de l'Eurovision, en tant que système fondé sur la solidarité, sont tels que les membres s'engagent à respecter l'intérêt commun et à se conformer aux règles internes édictées dans l'intérêt commun. C'est ainsi que les membres qui sont intéressés par l'acquisition des droits participent effectivement aux négociations conjointes et ne s'engagent dans des négociations séparées que si l'échec des négociations conjointes a été officiellement constaté. Ces cas sont exceptionnels.

b) Distorsion de la concurrence vis-à-vis des non-membres de l'UER

(50) D'autre part, les règles d'adhésion faussent partiellement la concurrence vis-à-vis des chaînes purement commerciales, qui ne sont pas admises en tant que membres. Le fait de ne pouvoir participer à la rationalisation et aux économies que permet le système de l'Eurovision (voir considérants 58 à 67) rend, pour ces chaînes, la transmission de manifestations sportives plus coûteuse et plus compliquée.

(51) En outre, la négociation et l'acquisition des droits en commun permet aux membres de l'UER de renforcer leur position sur le marché au détriment de leurs concurrents indépendants. En combinant leurs forces, les membres de l'UER acquièrent une puissance commerciale considérable, que les chaînes non membres ne peuvent que difficilement égaler. Le fait, en particulier, de faire offre conjointement pour les droits couvrant plusieurs pays ou l'ensemble de la zone de l'Eurovision avantage les membres de l'UER, car les fédérations sportives internationales préfèrent souvent céder les droits de télévision pour une zone importante moyennant une seule transaction, plutôt que d'engager des négociations avec différents radiodiffuseurs nationaux. Toutefois, cet avantage est de plus en plus atténué par l'arrivée sur le marché d'agences de courtage en droits de télévision pour des manifestations sportives internationales, qui permettent aux organisateurs de majorer les bénéfices en vendant les droits pays par pays sans devoir négocier avec les différents radiodiffuseurs. Cela a facilité l'acquisition de droits par des chaînes non-membres, en particulier par les chaînes commerciales qui sont affiliées aux agences, comme le montre le nombre de manifestations internationales dont les droits ont été acquis par des chaînes commerciales ces dernières années (voir considérant 25).

(52) Le fait que des consortiums composés de plusieurs membres de l'UER et fournissant un service transnational de télévision sportive participent au système d'acquisition conjoint provoque également une certaine distorsion de la concurrence. Leur participation contribue aussi à renforcer le pouvoir de l'UER et de ses membres en tant que négociateurs vis-à-vis des organisateurs de manifestations sportives car, outre leurs chaînes généralistes, ils disposent d'une chaîne sportive transnationale spécialisée qui peut couvrir les manifestations sportives en question vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qui offre de substantielles possibilités de publicité et de parrainage, sans les contraintes de programmation auxquelles les chaînes généralistes sont généralement soumises.

3. Effet sur les échanges entre États membres

(53) Les échanges entre États membres sont affectés en ce sens que le système de l'Eurovision concerne l'acquisition et l'utilisation transfrontalières de droits de télévision. Cela vaut en particulier pour l'acquisition en commun et le partage des droits entre membres de pays différents et pour l'échange entre eux du signal télévisuel correspondant.

4. Possibilité d'apprécier la restriction de la concurrence et l'effet sur les échanges entre États membres

(54) Les restrictions mentionnées plus haut ont une incidence appréciable sur le marché des émissions sportives. Le marché des émissions dans son ensemble est divisé en segments spécialisés dans les différents types d'émissions, tels que longs métrages, téléfilms et séries, shows et jeux, art dramatique, documentaires, sports. etc. Du point de vue du diffuseur qui veut acquérir des émissions et/ou les droits de télévision correspondants, les différents types d'émissions ne sont interchangeables que dans une certaine mesure. Les émissions sportives, en particulier, ne peuvent être remplacées par d'autres que dans une mesure limitée.

(55) Ce constat est confirmé, en premier lieu, par l'existence des chaînes sportives spécialisées, qui montre que les émissions sportives se différencient bien des autres types de programmes et qu'elles ont un public particulier qui justifie une chaîne consacrée aux sports. Du point de vue des chaînes généralistes également, les émissions sportives présentent des caractéristiques propres et elles constituent un matériel de programmation particulièrement important. Certes, les longs métrages, les séries populaires (soap-opera) ou les jeux peuvent obtenir des chiffres d'écoute similaires ou même supérieurs à ceux réalisés par les grandes manifestations sportives et, en programmant une émission populaire, un radiodiffuseur peut détourner les téléspectateurs d'une émission sportive diffusée sur une chaîne concurrente. Il n'en reste pas moins que les émissions sportives sont indispensables à toute chaîne généraliste, qu'elle soit commerciale ou publique. Elles sont considérées comme faisant partie de la grille de programmes traditionnelle d'une chaîne généraliste et elles ne peuvent être complètement remplacées par d'autres émissions.

(56) En ce qui concerne les chaînes partiellement ou entièrement financées par la publicité, l'importance des émissions sportives tient en outre au pouvoir d'attraction de ce type d'émissions sur les annonceurs et au fait qu'elles touchent un public qui constitue une cible de choix pour certains annonceurs et qui ne peut être touché facilement par d'autres émissions. En ce qui concerne les chaînes publiques, ce manque de substituabilité tient aussi à la nature de leur mission, qui les oblige à proposer une programmation diversifiée, qui comprend traditionnellement un certain nombre d'émissions sportives, tant nationales qu'internationales, s'adressant à toutes les couches de la population. Les chaînes publiques considèrent qu'il leur incombe, dans le cadre de leur mission, de diffuser les manifestations les plus populaires, que l'ensemble du public souhaite regarder.

(57) Sur le marché des émissions sportives et des droits de télévision correspondants, les restrictions mentionnées ci-dessus sont appréciables en dépit du fait que le système de l'Eurovision ne concerne, dans la pratique, que la diffusion de manifestations internationales et qu'il n'a normalement aucune incidence sur la diffusion de manifestations nationales. Bien que les manifestations internationales ne représentent qu'une part relativement faible de l'ensemble des émissions sportives, certaines d'entre elles - par exemple les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde et les coupes européennes de football - suscitent un large intérêt et sont d'une importance économique telle que leur part d'audience ne donne pas réellement la mesure de leur incidence sur le marché.

B. Article 85 paragraphe 3

1. Amélioration de la production ou de la distribution des produits

(58) Le système de l'Eurovision procure un certain nombre d'avantages qui tiennent à la fois à l'acquisition en commun et au partage des droits d'une part, à l'échange du signal et à son transport sur le réseau commun d'autre part et à l'accès contractuel qui sera accordé aux non-membres enfin. Les divers avantages fournis par le système de l'Eurovision et les règles qui le sous-tendent forment un tout dont les éléments constitutifs sont complémentaires.

a) L'acquisition conjointe et le partage des droits

(59) Les négociations conjointes et l'acquisition des droits en commun ont pour effet d'améliorer les conditions d'achat. En premier lieu, elles réduisent les frais de transaction qu'impliquerait une multitude de négociations séparées. Elles garantissent aussi que les négociations sont conduites par le négociateur le plus compétent. Il peut s'agir soit du membre national du pays où la manifestation a lieu, qui connaît les conditions locales, soit de l'UER elle-même, qui dispose d'un personnel spécialisé ayant l'expérience des négociations au niveau international. Cela avantage particulièrement les membres plus petits, qui ne disposent pas du personnel spécialisé nécessaire. En outre, la coopération entre les membres et la coordination de leurs intérêts par le membre qui négocie et/ou l'UER permet de veiller aux intérêts et aux besoins particuliers de chacun. Dans le cadre de négociations séparées, les membres, en particulier ceux des petits pays, éprouveraient plus de difficultés pour obtenir des contrats adaptés à leurs besoins particuliers.

(60) L'acquisition conjointe et le partage consécutif des droits permettent en outre une coordination des programmes au niveau national. En effet, lorsque deux ou plusieurs membres d'un même pays participent à l'acquisition conjointe et au partage des droits pour une manifestation, ils transmettent généralement celle-ci en alternance. Dans le cas des manifestations d'intérêt majeur telles que les jeux olympiques, une couverture quasi permanente peut ainsi être assurée en alternance par les membres: l'un des membres transmet la manifestation et l'autre propose une alternative attrayante. Si, au contraire, l'un des membres avait acquis les droits exclusifs individuellement, il ne pourrait pas couvrir la manifestation aussi largement à lui seul, étant donné que les radiodiffuseurs investis d'une mission publique ne peuvent se concentrer sur le sport mais doivent fournir une programmation diversifiée, même lorsque de grandes manifestations sportives ont lieu.

(61) En outre, au niveau international, le partage des droits permet aux membres d'un pays de diffuser leurs émissions dans les pays des autres membres, ce qui facilite la radiodiffusion transfrontière. Selon les règles de l'UER, tous les membres qui participent à l'acquisition conjointe de droits de l'Eurovision en ont la pleine jouissance, quelle que soit la portée territoriale de leurs activités ; ils peuvent donc utiliser ces droits à des fins transnationales (exception faite de l'exclusivité ou de la priorité accordée au membre qui assure la couverture). Dans la pratique, cela signifie que les membres qui transmettent par satellite et par câble ou directement par satellite vers les pays des autres membres sont libres de le faire sans être tenus d'acquérir les droits de télévision correspondants pour ces pays. En attendant l'adoption de la directive communautaire relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble et sa transposition dans les législations nationales, si le système de l'Eurovision n'existait pas, les membres engagés dans des activités de radiodiffusion transnationale seraient tous obligés d'acquérir les droits de télévision pour tous les pays couverts par leur service (au moins pour la radiodiffusion par satellite et par câble, la situation n'étant pas claire dans tous les États membres en ce qui concerne la diffusion directe par satellite). Cela ne serait pas seulement très coûteux, mais aussi très difficile à réaliser, étant donné que les droits de télévision sont généralement octroyés, pays par pays, en exclusivité. Le partage des droits dans le cadre des règles de l'Eurovision facilite donc les activités transfrontières des membres participants et contribue ainsi au développement d'un marché unique européen de la radiodiffusion.

(62) La participation de consortiums offrant une chaîne sportive transnationale apporte une amélioration supplémentaire. D'autre part, elle permet aux membres de l'UER qui participent à de tels consortiums d'offrir un éventail plus large d'émissions sportives, y compris des émissions consacrées à des sports suivis par un public minoritaire et des émissions sportives ayant un contenu éducatif, culturel ou humanitaire, qu'ils ne peuvent diffuser sur leurs chaînes nationales généralistes. Cela ne profite pas seulement aux téléspectateurs, qui bénéficient d'un choix plus large, mais aussi aux organisateurs de manifestations sportives intéressant un public minoritaire, qui ont souvent du mal à obtenir une couverture télévisuelle, donc à susciter l'intérêt pour leur manifestation. D'autre part, une chaîne sportive paneuropéenne diffusant un programme commun dans toute l'Europe contribue au développement d'un marché unique de la radiodiffusion.

b) L'échange du signal

(63) L'acquisition conjointe et le partage des droits ne sont pas moins nécessaires pour permettre l'échange du signal, échange qui est au coeur du système de l'Eurovision. En permettant aux autres membres d'utiliser gratuitement le signal produit par le membre du pays d'origine, l'échange du signal est un instrument important de rationalisation et d'économie. Il permet, en particulier, aux membres des petits pays et à leur public national d'avoir accès à des émissions qu'ils pourraient difficilement s'offrir autrement, compte tenu des coûts de production. En outre, le système de la réciprocité sur lequel repose l'Eurovision a pour effet de stimuler la production de signaux de télévision. La réciprocité et la solidarité incitent tout membre de l'UER à produire le signal de télévision pour les manifestations qui ont lieu dans son pays, même s'il ne s'y intéresse pas lui-même (par exemple si aucune équipe ou aucun champion national n'y participe), de manière à permettre aux autres membres de l'UER qui sont intéressés par la manifestation de la diffuser. Il en résulte qu'un plus grand nombre d'émissions sportives, en particulier d'émissions consacrées à des sports moins populaires, sont produites et diffusées à la télévision que ce ne serait le cas dans le système de l'Eurovision.

(64) En outre, la coordination administrative et technique qui va de pair avec l'échange d'émissions et qui est assurée par l'UER et le radiodiffuseur hôte garantissent non seulement un signal de bonne qualité mais aussi une adaptation optimale aux besoins particuliers des membres en ce qui concerne les équipements nécessaires pour assurer le commentaire, la sélection des manifestations lorsque plusieurs compétitions ou matchs hétérogènes ou similaires ont lieu simultanément (comme c'est le cas lors des Jeux Olympiques, des championnats d'athlétisme, etc.), la programmation et la présentation des émissions, etc.

(65) Enfin, grâce à l'utilisation d'un réseau commun, le système de l'Eurovision garantit la fiabilité des conditions de transmission du signal. Ce réseau commun, dont les coûts sont répartis entre les membres, est également un instrument important de rationalisation et d'économie. La planification à long terme et la coordination de la fourniture du signal, assurées par le centre technique de l'UER conformément aux exigences des membres qui se partagent les droits de télévision, garantissent à chaque membre participant des émissions de bonne qualité.

c) Le système d'accès pour les non-membres

(66) La possibilité d'obtenir un accès contractuel qui est offerte aux tiers non seulement réduit la restriction de la concurrence vis-à-vis des non-membres, mais est aussi de nature à améliorer le système. La progression générale des émissions sportives à la télévision a eu pour effet d'accroître la demande de retransmission en différé des grandes manifestations. La possibilité d'offrir des retransmissions en différé peut, en particulier, intéresser certaines chaînes de radiodiffusion par satellite et par câble dont les moyens techniques sont encore limités et qui pourraient difficilement supporter le coût élevé des droits de transmission en direct ou de première diffusion ou celui de la production du signal. Le nouveau système d'accès facilite ces retransmissions. L'adoption d'un ensemble commun de règles objectives, publiques et ouvertes à l'adhésion de toutes les chaînes tierces intéressées, rend la politique d'accès de l'UER et de ses membres plus transparente et prévisible; elle facilite les négociations menées par les tierces parties.

(67) En outre, pour les chaînes transnationales, la possibilité d'obtenir l'accès directement auprès de l'UER - au lieu de devoir négocier séparément avec les membres des différents pays qu'elles couvrent - constitue un avantage particulier. Normalement, les chaînes transnationales de télévision par satellite et par câble qui souhaitent avoir accès aux émissions sportives doivent conclure des accords avec les différents radiodiffuseurs qui détiennent les droits dans les divers pays couverts par le service transnational. Compte tenu de la diversité des situations et des intérêts des radiodiffuseurs concernés, cette démarche est souvent très difficile, sinon, dans certains cas, impossible. Dans le cadre du système d'accès de l'UER, les chaînes transnationales ont affaire à un seul négociateur et à des conditions uniformes pour tous les pays concernés, ce qui leur facilite considérablement l'accès.

2. Part équitable du profit pour les consommateurs

(68) Les consommateurs, c'est-à-dire les téléspectateurs, bénéficient du système de l'Eurovision en ce sens que le système permet aux membres de diffuser plus d'émission sportives (appréciées de publics tant majoritaires que minoritaires) et des émissions d'une meilleure qualité qu'ils ne pourraient faire sans les avantages de l'Eurovision. Le système de l'Eurovision permet en particulier aux membres des petits pays d'offrir à leurs téléspectateurs un large éventail de manifestations sportives internationales commentées dans leur propre langue et répondant à leurs intérêts particuliers. En outre, étant donné que les membres sont dans leur grande majorité des organismes publics sans but lucratif, les économies qu'ils réalisent profitent vraisemblablement à leurs téléspectateurs dans la mesure où l'argent économisé sert à acquérir d'autres émissions attrayantes.

3. Caractère indispensable des restrictions

(69) Les restrictions de la concurrence telles qu'elles sont définies ci-dessus sont indispensables à la réalisation des améliorations en question.

a) Caractère indispensable des règles régissant la négociation et l'acquisition en commun des droits et l'accès contractuel des non-membres

(70) Les économies et la rationalisation qui résultent du système de l'Eurovision ne peuvent être obtenus par un arrangement moins restrictif. En effet, il est nécessaire que les membres soient tenus de s'abstenir d'engager des négociations séparées dès que les négociations conjointes ont commencé. Le succès des négociations conjointes serait compromis si, en même temps, les membres s'engageaient individuellement dans des négociations séparées pour les droits nationaux ou transnationaux. Il convient de souligner que les membres sont libres de s'engager dans des négociations séparées dès que l'échec des négociations conjointes a été officiellement constaté. En outre, il est nécessaire que les membres s'entendent au cas par cas sur les conditions, notamment financières, de l'acquisition des droits et sur la façon de les partager. Comme les manifestations sportives diffèrent toutes entre elles et qu'elles nécessitent une approche différente, il est inévitable que les conditions d'acquisition des droits fassent l'objet d'accords conclus au cas par cas entre les membres.

(71) De même, le système d'accès pour les non-membres, qui a été sensiblement modifié à la demande de la Commission, ne contient aucune restriction qui ne soit indispensable à la réalisation des objectifs décrits plus haut. Le système d'accès limitera l'exclusivité des droits acquis en vertu des accords sur les droits de l'Eurovision et permettra aux non-membres d'avoir accès aux émissions à des conditions raisonnables, tant en ce qui concerne l'heure et la portée géographique des transmissions que du point de vue financier. Les conditions plus restrictives qui étaient imposées auparavant ont été considérablement assouplies. Cela vaut en particulier pour les restrictions concernant l'heure, le nombre et la durée des retransmissions et les interdictions. L'exclusivité dont les membres de l'UER jouissent encore est nécessaire pour leur permettre d'obtenir un rendement équitable de l'investissement (prix des droits, coût de production du signal, etc.) Il convient de souligner qu'il est loisible aux membres de l'UER d'accorder l'accès contractuel pour leur territoire national à des conditions plus favorables s'ils le souhaitent. En ce qui concerne les conditions financières, il importe aussi de noter que tout différend sera réglé par voie d'arbitrage, ce qui garantit l'application de prix raisonnables.

b) Caractère indispensable de la limitation de la participation aux radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public

(72) Il est nécessaire que la participation au sytème de l'Eurovision en qualité de membre soit limitée aux radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public qui répondent à certains critères objectifs concernant la production et la diversité de leurs programmes et la couverture de la population nationale. L'échange d'émissions, qui se trouve au coeur du système de l'Eurovision, se fonde sur la réciprocité et la solidarité entre les membres, sans qu'il soit tenu compte de ce que chacun apporte au système et en retire effectivement. Il est entendu que chaque membre fait tout ce qui est en son pouvoir, lorsqu'une manifestation sportive internationale se déroule dans son pays, pour négocier et acquérir les droits de télévision pour le compte de tous les membres intéressés et pour produire le signal et le mettre gratuitement à leur disposition. Un tel système ne peut fonctionner qu'entre radiodiffuseurs qui, investis d'une mission d'intérêt public, se doivent d'offrir l'éventail le plus large possible d'émissions sportives, sans souci de rentabilité.

(73) Il est nécessaire, en particulier, que les membres participants produisent eux-mêmes une part importante de leurs programmes, contrairement à certaines des nouvelles chaînes commerciales qui dépendent plutôt d'émissions sportives prêtes à la transmission. En outre, il est essentiel qu'ils fournissent des programmes diversifiés, couvrant toutes les couches de la population, ce qui, dans le domaine sportif, suppose qu'ils s'occupent également de sports peu appréciés du grand public, que les investissements consentis à cet effet soient ou non rentables.

(74) Il est également vital qu'ils couvrent l'ensemble de la population nationale. Il doit en être ainsi, d'une part, pour que le réseau commun qui relie les membres de l'Eurovision et au moyen duquel l'échange d'émissions a lieu couvre toute la zone de l'Eurovision et pour que son coût soit pris en charge proportionnellement par les membres. D'autre part, il pourrait être très dommageable pour l'image de l'UER en tant qu'organisation de radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public, qui fournissent un service dans l'intérêt public, qu'une partie des audiences nationales ne puissent suivre les grandes manifestations parce que la zone de réception de certains membres serait limitée. Cela ne provoquerait pas seulement le mécontentement des téléspectateurs et de l'opinion publique, comme l'ont montré les controverses qui ont eu lieu récemment dans certains États membres, où des chaînes privées ayant une zone de réception limitée ont acquis des droits pour des manifestations de masse, empêchant ainsi une partie de la population nationale de suivre ces manifestations ; mais cela affaiblirait aussi la position des membres de l'UER dans les négociations avec les organisateurs de manifestations sportives, qui - souhaitant généralement toucher une audience aussi large que possible - hésitent parfois à vendre leurs droits aux radiodiffuseurs qui ne touchent qu'une partie de la population.

(75) Il convient de souligner que, bien qu'elles ne soient normalement pas admises en tant que membres, les nouvelles chaînes commerciales peuvent obtenir un accès contractuel, de sorte qu'elles peuvent aussi bénéficier du système de l'Eurovision. En fait, certaines des nouvelles chaînes commerciales dont la demande d'adhésion a été rejetée ont pu néanmoins accéder contractuellement aux droits gérés par l'UER et/ou des membres.

(76) Il est également nécessaire que la participation des chaînes sportives au système de l'Eurovision soit limité aux chaînes transnationales (paneuropéennes) qui sont exploitées par des consortiums constitués exclusivement de membres actifs de l'UER et peut s'attendre à ce que des chaînes sportives purement commerciales, exploitées par des non-membres, respectent les principes de réciprocité et de solidarité qui se trouvent au coeur du système de l'Eurovision (voir considérant 72) et qui se reflètent, par exemple, dans la complémentarité des programmes entre les chaînes sportives soutenues par l'UER et les chaînes généralistes des membres de l'UER.

4. Aucune possibilité d'éliminer la concurrence

(77) Les règles qui régissent le système de l'Eurovision ne permettent pas aux membres participants d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en question. Étant donné que la négociation et l'acquisition conjointes de droits de télévision ne concernent, dans la pratique, que les manifestations internationales et non les manifestations nationales, qui constituent la majeure partie des émissions sportives, le système de l'Eurovision n'affecte qu'une partie du marché. En outre, il convient de tenir compte du fait que même pour les manifestations internationales, une concurrence de plus en plus vive est exercée en dehors du système de l'Eurovision, par les radiodiffuseurs indépendants qui, ces dernières années, ont acquis les droits pour un certain nombre de manifestations traditionnellement diffusées par les membres de l'UER.

C. Article 90 paragraphe 2

(78) L'applicabilité de l'article 85 n'est pas exclue par l'article 90 paragraphe 2. Les radiodiffuseurs investis d'une mission d'intérêt public qui sont soumis à des obligations statutaires en vertu d'un acte officiel peuvent être chargés de la gestion de services d'intérêt économique général (6). Il n'y a cependant aucun risque que l'application des règles de concurrence fasse échec à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie, à savoir de fournir des programmes variés et équilibrés pour toutes les couches de la population, y compris une certaine quantité d'émissions sportives, et l'acquisition des droits de télévision correspondants.

(79) Sans les avantages du système de l'Eurovision tels qu'ils sont décrits ci-dessus (considérants 58 à 67), la diffusion de manifestations sportives internationales et l'acquisition des droits seraient certainement plus difficiles et plus coûteuses, ce qui aurait pour effet de réduire le nombre de manifestations diffusées, en particulier par les membres appartenant aux petits pays. Toutefois, le simple fait que l'accomplissement de la mission particulière qui lui est impartie soit rendu plus difficile ne suffit pas pour qu'une entreprise bénéficie de la dérogation prévue à l'article 90 paragraphe 2. Il ressort de la formulation univoque de ces dispositions que l'accomplissement de la mission doit être rendu impossible par l'application des règles de concurrence. En conséquence, la Cour a estimé que, dans la mesure où, dans certains États membres, elles sont chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, les sociétés de télévision doivent se conformer aux règles de concurrence tant qu'il n'est pas démontré que cela serait incompatible avec l'accomplissement de la tâche qui leur est impartie (7). Tel n'est, du moins pour le moment, pas le cas.

D. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(80) Conformément à l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, la présente décision doit être applicable à compter du jour où la réglementation modifiée régissant l'accès contractuel des non-membres a été soumise, c'est-à-dire le 26 février 1993.

(81) Étant donné la structure et le développement du marché de référence et l'incidence de la réglementation notifiée sur ce marché, une exemption doit être accordée pour une période de cinq ans en application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17.

(82) Pour garantir l'accès contractuel des tiers aux droits de télévision pour des manifestations sportives acquis dans le cadre de l'Eurovision, cet accès contractuel doit être autorisé par les accords conclus avec les titulaires des droits (organisateurs de manifestations sportives ou courtiers en droits). L'UER et ses membres doivent par conséquent être soumis à l'obligation de ne conclure que des accords qui, soit lui permettent ainsi qu'à des membres d'accorder l'accès, soit permettent aux titulaires des droits d'accorder l'accès à des tiers conformément à la réglementation régissant l'accès ou, sous réserve de l'approbation de l'UER, à des conditions plus favorables.

(83) Pendant la période d'exemption, pour permettre à la Commission de vérifier si les conditions d'exemption sont toujours remplies et si, en particulier, les conditions d'adhésion et les règles concernant l'accès contractuel sont appliquées d'une manière adéquate, raisonnable et non discriminatoire, l'UER doit être tenue d'informer la Commission de toute modification ou addition aux règles notifiées, de toute procédure d'arbitrage concernant des différends survenus dans le cadre du système d'accès et de toute décision concernant des demandes d'adhésion de tiers,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour la période du 26 février 1993 au 25 février 1998, aux dispositions statutaires et autres règles de l'UER régissant l'acquisition de droits de télévision pour des manifestations sportives, à l'échange d'émissions sportives dans le cadre de l'Eurovision et à l'accès contractuel de tiers à ces émissions.

Article 2

La déclaration d'exemption contenue à l'article 1er est assortie des obligations suivantes :

1) l'UER et ses membres n'acquièrent collectivement des droits de télévision pour des manifestations sportives que dans le cadre d'accords qui, soit lui permettent ainsi qu'à des membres d'accorder l'accès, soit permettent aux titulaires des droits d'accorder l'accès à des tiers conformément au règlement régissant l'accès ou, sous réserve de l'approbation de l'UER, à des conditions plus favorables pour le non-membre ;

2) l'UER informe la Commission de toute modification et addition aux règles notifiées, de toute procédure d'arbitrage concernant des différends survenus dans le cadre du système d'accès et de toute décision concernant des demandes d'adhésion de tiers.

Article 3

Est destinataire de la présente décision :

Union européenne de radiodiffusion

Ancienne Route 17A

CH-1218 Grand-Saconnex (Genève).

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO n° C 251 du 5.10.1990, p. 2.

(3) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.

(4) JO n° L 63 du 9.3.1991, p. 32.

(5) Affaire 155-73 (Sacchi), Recueil 1974, p. 409.

(6) Voir affaire 155-73 (Sacchi), op. cit.

(7) Voir affaire 155-73 (Sacchi), op. cit.