TPICE, 2e ch., 22 avril 1993, n° T-9/92
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Automobiles Peugeot (SA), Peugeot (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, ECO System (SA), Bureau européen des unions de consommateurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Barrington, Biancarelli, Saggio, Briët
Avocats :
Mes de Roux, Collin, Bentley, Adamantopoulos, Decker.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
Les faits à l'origine du recours
1 La décision litigieuse 92-154-CEE de la Commission, du 4 décembre 1991, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-33.157-Eco System/Peugeot, JO L 66, p. 1) a été adoptée à la suite d'une plainte, déposée auprès de la Commission par la société Eco System, le 19 avril 1989, dirigée contre Automobiles Peugeot SA et trois de ses revendeurs agréés en Belgique, au motif que, depuis le mois de mars 1989, ils faisaient obstacle aux importations parallèles de véhicules effectuées par Eco System, dans l'exercice de son activité de mandataire agissant au nom et pour le compte d'utilisateurs finals français disposés à acheter des véhicules Peugeot ou Talbot. Dans sa plainte, Eco System avait également demandé à la Commission d'arrêter des mesures provisoires mettant fin au préjudice grave et irréparable qui résulterait pour elle des obstacles susmentionnés.
2 Eco System a pour objet social d'offrir à des utilisateurs finals un service consistant en l'achat de véhicules dans les pays présentant les prix les plus avantageux. Elle ne fournit pas de services de garantie, d'après-vente ou de reprise des voitures d'occasion de ses clients et ne possède pas de stock de voitures en propriété. En pratique, Eco System collecte, d'une façon active et sur le plan national, notamment par une publicité dans tous les médias, les mandats écrits des utilisateurs finals français intéressés et se contente d'exposer dans ses vitrines des voitures déjà vendues qui sont en attente de livraison.
3 A titre de mesure de protection de son réseau de distribution, dont il est constant qu'il relève du règlement (CEE) n° 123-85 du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16, ci-après " règlement n° 123-85 "), Automobiles Peugeot SA a diffusé, le 9 mai 1989, par l'intermédiaire de ses sociétés filiales, à l'ensemble des agents composant le réseau de distribution Peugeot en Belgique, en France et au Luxembourg, une circulaire, émanant de Peugeot SA, donnant instruction aux concessionnaires et revendeurs agréés dans ces trois pays de suspendre leurs livraisons à Eco System et de ne plus enregistrer de commandes de véhicules neufs de marque Peugeot émanant de ladite société, qu'elle agisse pour son propre compte ou pour le compte de ses mandants. La circulaire précisait que les mêmes instructions seraient applicables à tout autre organisme qui agirait dans des conditions semblables. Le projet de cette circulaire avait été communiqué le 25 avril 1989 à la Direction Générale de la Concurrence de la Commission, sans pour autant faire l'objet d'une notification formelle.
4 Le 27 novembre 1989, la Commission a engagé contre Automobiles Peugeot SA et Peugeot SA la procédure prévue par l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204).
5 Par décision du 26 mars 1990 la Commission, à titre de mesures provisoires, a enjoint à Peugeot SA et à Automobiles Peugeot SA, sous peine d'astreinte, d'adresser, dans un délai de deux semaines, à tous leurs concessionnaires et agents une lettre suspendant l'exécution de la circulaire du 9 mai 1989 jusqu'à ce qu'une décision définitive soit adoptée dans la procédure principale. Elle a, par ailleurs, fixé le contingent de transactions de véhicules (1211 véhicules par an, dans la limite mensuelle de 150 véhicules) que Eco System pourrait réaliser, pour le compte de ses clients, sur la base d'un mandat écrit préalable, avec le réseau Peugeot et auxquelles les requérantes ne pourraient pas s'opposer.
6 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 24 avril 1990, les sociétés Automobiles Peugeot SA et Peugeot SA (ci-après " Peugeot ") ont introduit un recours en annulation de cette décision (affaire T-23-90). Parallèlement, les requérantes ont introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution de cette décision. Par ordonnance du 21 mai 1990, le président du Tribunal a rejeté cette demande. Par arrêt du 12 juillet 1991, Peugeot/Commission (T-23-90, Rec. p. II-653, ci-après "Peugeot I"), le Tribunal a rejeté le recours en annulation. Le 12 septembre 1991, les requérantes ont introduit un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice (affaire C-229-91 P).
7 Par la décision litigieuse du 4 décembre 1991, la Commission a constaté que l'envoi de la circulaire du 9 mai 1989 par Peugeot à ses concessionnaires en France, en Belgique et au Luxembourg, et sa mise en application par ces derniers, ayant eu pour effet de faire cesser les livraisons de véhicules de marque Peugeot à Eco System, constituent un accord, ou à tout le moins, une pratique concertée, interdits par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (article 1er de la décision). Pour motiver cette constatation, la décision relève, notamment, que cet accord " a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, au sens de l'article 85, paragraphe 1, dès lors que, mis en œuvre par l'ensemble des entreprises du réseau de Peugeot dans les pays concernés, il vise à empêcher, et empêche effectivement d'une manière générale, l'importation en France de véhicules neufs de la marque Peugeot achetés en Belgique et au Luxembourg par les utilisateurs français qui font appel aux services de Eco System. Le caractère sensible de cette restriction tient à la place importante de la marque Peugeot sur le marché de la Communauté. Concernant par définition les échanges transfrontaliers, cet accord est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres ". La décision relève également que, d'une part, " l'accord en cause, tel qu'il résulte de ladite circulaire, ne bénéficie pas de l'exemption catégorielle prévue par le règlement n° 123-85 (CEE), du fait que des clauses interdisant l'importation ou l'exportation de voitures ne figurent pas parmi les obligations restrictives de la concurrence admises par ce règlement " et, d'autre part, que ledit accord ne peut pas non plus prétendre au bénéfice d'une exemption individuelle, au motif principal qu'il n'a pas été notifié.
8 Dans ces conditions, la Commission a, par la décision litigieuse, enjoint à Peugeot de mettre fin à l'infraction, en adressant à ses concessionnaires, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, une nouvelle circulaire annulant celle du 9 mai 1989, et de s'abstenir à l'avenir de tout comportement qui maintiendrait les effets incriminés de celle-ci (article 2). Par ailleurs, la Commission a, conformément à l'article 10 du règlement n° 123-85, retiré le bénéfice de l'application de ce règlement au contrat-type de distribution des automobiles Peugeot en Belgique et au Luxembourg, avec effet à la date d'expiration du délai de deux mois susmentionné, sauf pour les intéressés à se conformer aux injonctions contenues dans sa décision (article 3).
9 A la suite de la décision du 4 décembre 1991, les requérantes se sont désistées du pourvoi qu'elles avaient introduit contre l'arrêt du Tribunal du 12 juillet 1991, précité. Par ordonnance du 6 avril 1992, le Président de la Cour a prononcé la radiation de l'affaire.
LA PROCEDURE
10 C'est dans ces circonstances que les requérantes ont introduit, en vertu de l'article 173 du traité CEE, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 1992, le présent recours en annulation.
11 Par ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal du 9 juillet 1992, Eco System et le BEUC ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.
12 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois, à titre de mesures d'organisation de la procédure, invité la partie intervenante Eco System à produire un exemplaire du contrat-type de mandat qu'elle utilise. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 16 décembre 1992. A l'audience et à la demande du Tribunal, les parties ont donné leur accord à ce que les documents versés, en annexe, au dossier dans l'affaire Peugeot I, précitée, soient pris en considération dans le cadre de la présente affaire. Le président a prononcé la clôture de la procédure orale à l'issue de l'audience.
13 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision de la Commission du 4 décembre 1991 pour contradiction avec l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, le règlement n° 123-85 du 12 décembre 1984 et la communication de la Commission sur le règlement n° 123-85 du 12 décembre 1984 ;
- déclarer que la circulaire du 9 mai 1989 adressée par Peugeot à son réseau en France, en Belgique et au Luxembourg est conforme aux dispositions combinées du règlement n° 123-85 et de la communication du 12 décembre 1984.
14 La Commission, pour sa part, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme non fondé ;
- condamner les requérantes aux dépens.
15 La partie intervenante Eco System conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme non fondé ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux occasionnés par l'intervention de Eco System.
16 La partie intervenante BEUC conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme non fondé ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux occasionnés par l'intervention du BEUC.
SUR LE FOND
17 A l'appui de leurs conclusions, les requérantes invoquent deux moyens d'annulation. Dans le premier moyen, elles allèguent, en substance, que la décision litigieuse viole l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, combiné avec la communication de la Commission 85-C 17-03, du 12 décembre 1984, concernant le règlement n° 123-85 (JO 1985, C 17, p. 4, ci-après " communication du 12 décembre "). Dans le deuxième moyen, elles font valoir que la décision litigieuse viole le principe de la sécurité juridique.
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, combiné avec la communication du 12 décembre
Argumentation des parties
18 Les requérantes relèvent, tout d'abord, que le concessionnaire lié par un contrat de distribution exclusive et sélective conclu dans le secteur automobile, exempté, au titre du règlement n° 123-85, de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, bénéficie d'un monopole de revente qui l'autorise à refuser de livrer à tout revendeur qui n'est pas membre agréé du réseau de distribution.
19 Selon les requérantes, l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, en ce qu'il autorise le distributeur à vendre les véhicules de la gamme visée par l'accord, ou des produits correspondants, à des utilisateurs finals utilisant des services d'intermédiaires non agréés, à condition que ces utilisateurs aient auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter, en leur nom et pour leur compte, un véhicule automobile déterminé, constitue une exception au principe de la distribution sélective et exclusive. Cette disposition constituerait, cependant, non pas une contrepartie indispensable à l'existence d'un réseau de distribution sélective, mais, au contraire, un moyen permettant au constructeur de protéger son réseau de distribution, en exigeant de l'intermédiaire le respect de certaines conditions.
20 Les requérantes font valoir, par ailleurs, que, en indiquant, dans sa communication du 12 décembre, que " les entreprises du réseau de distribution peuvent être tenues de ne vendre aucun véhicule neuf de la gamme visée par l'accord... à un tiers ou par l'entremise d'un tiers dès lors que celui-ci se présente comme un revendeur autorisé de véhicules neufs de la gamme visée par l'accord ou exerce une activité équivalente à la revente ", la Commission a limité le champ d'application de la dérogation, prévue à l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, au principe de la distribution exclusive à l'intérieur du réseau de distribution établi par ledit règlement. Ce serait sur la base de cette interprétation restrictive de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, que les requérantes ont adressé aux concessionnaires du réseau Peugeot la circulaire du 9 mai 1989, destinée à protéger leur système de distribution sélective de l'activité équivalente à la revente exercée par Eco System. La notion d'activité équivalente à la revente ne serait pas une notion juridique, mais se référerait plutôt à une activité qui, sur le plan économique, produit les mêmes effets que l'acte de revente.
21 Les requérantes considèrent que, pour être admis à intervenir dans le secteur de l'automobile, un mandataire professionnel doit être totalement neutre vis-à-vis de la demande. Or, à partir du moment où, de par sa propre action commerciale, le mandataire interfère dans celle-ci, il exercerait une activité équivalente à la revente. Le fait que Eco System ait allégué que la circulaire de Peugeot a provoqué l'effondrement de son chiffre d'affaires prouverait que l'activité de Eco System n'est pas neutre vis-à-vis de la demande. Si tel était le cas, la part de son activité réalisée avec des véhicules Peugeot devrait correspondre " grosso modo " à la demande de cette marque sur le marché français, c'est-à-dire 22 %.
22 De l'avis des requérantes, un mandataire viole ce devoir de neutralité sur le marché et, par conséquent, dépasse le cadre de son activité professionnelle de prestataire de services lorsqu'il effectue, notamment, des promotions commerciales ou des actions publicitaires portant non pas sur son activité, mais sur les véhicules d'une marque qu'il offre en permanence sur le marché. Or, Eco System aurait même exposé quelques véhicules de la marque Peugeot dans la chaîne de magasins " Carrefour " et utilisé une brochure publicitaire éditée par cette chaîne de magasins. La confusion créée par cette publicité dans l'esprit du public quant à la véritable activité de Eco System sur le marché - et qui aurait été, d'ailleurs, reconnue par la Commission - n'aurait pu qu'amener les requérantes à considérer que Eco System exerçait une activité équivalente à la revente. De fait, en offrant une source alternative d'approvisionnement en véhicules de marque Peugeot dans des conditions équivalentes à celles d'un concessionnaire, Eco System apparaîtrait aux yeux du grand public comme un distributeur ou un concessionnaire du réseau Peugeot, plutôt que comme un prestataire de services.
23 Les requérantes font, en particulier, valoir que Eco System assume, à chaque opération, des risques anormaux pour un simple mandataire, mais caractéristiques de l'activité de revendeur, à savoir :
- un risque de disposition du véhicule ou risque d'invendu, dans la mesure où Eco System, ayant avancé le prix du véhicule, doit l'écouler en cas de désistement d'un client ;
- un risque d'entrepôt, qui l'amène à indemniser son client en cas de perte ou de dégradation du véhicule ;
- un risque de crédit, puisque Eco System, ou son intermédiaire financier, avance le prix du véhicule et peut devoir le supporter en cas d'insolvabilité d'un client ;
- un risque " économique ", puisque Eco System prend à son compte les variations des taux de change.
24 Les requérantes soulignent, à cet égard, que le fait que le mandataire possède un mandat préalable et qu'il n'excède pas le cadre d'application de celui-ci ne suffit pas pour exclure que son activité soit équivalente à la revente, dès lors que les risques économiques qu'il supporte sont de même nature que ceux supportés par un véritable revendeur. Admettre le contraire reviendrait à vider de son contenu la notion d'activité équivalente à la revente et, simultanément, à priver Peugeot des moyens de protéger son réseau de distribution. A ce propos, les requérantes invoquent l'arrêt de la Cour et les conclusions présentés par l'Avocat général Sir Gordon Slynn, dans l'affaire Binon (arrêt du 3 juillet 1985, 243-83, Rec. p. 2015, 2034), dont il découlerait que, si un opérateur peut apparaître comme mandataire lorsqu'il possède un mandat en bonne et due forme, il ne peut toutefois conserver cette qualification lorsqu'il agit au nom de plusieurs centaines de mandants et devient, de ce fait, un opérateur indépendant au regard du droit de la concurrence.
25 La Commission, pour sa part, fait observer, à titre liminaire, que la communication du 12 décembre ne fait pas partie du " bloc de légalité communautaire " au regard duquel un recours en annulation doit être apprécié et que, par conséquent, le recours devrait être rejeté dans la mesure où il est fondé sur la violation de ladite communication.
26 Pour contester l'interprétation du droit communautaire faite par les requérantes, la Commission souligne que la Cour de justice, dans son arrêt du 18 décembre 1986, VAG France (10-86, Rec. p. 4071), a précisé, à propos du règlement n° 123-85, que le principe régissant les accords restrictifs de concurrence susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres est celui de l'interdiction, sauf si les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ont été déclarées inapplicables par la Commission, conformément au paragraphe 3 du même article. Il en résulte, de l'avis de la Commission, que les conditions auxquelles est subordonnée l'exemption doivent faire l'objet d'une interprétation large, alors que les mesures de protection du réseau effectivement autorisées par le règlement n° 123-85, en tant que clauses restrictives de la concurrence exemptées, doivent faire l'objet d'une interprétation stricte. Cette position correspondrait aux principes généraux relatifs à l'interprétation des règlements d'exemption par catégorie.
27 De l'avis de la défenderesse, l'une des conditions essentielles pour que les contrats de distribution sélective et exclusive soient exemptés est que les clauses restrictives de concurrence qu'ils comportent soient limitées de manière à ne pas empêcher l'utilisateur final de participer équitablement aux avantages résultant de ces accords et, en particulier, de s'approvisionner dans un Etat membre autre que le sien, afin de profiter des différences de prix parfois sensibles entre des marchés nationaux, même voisins. Or, pour qu'un utilisateur final ait effectivement la possibilité d'acheter un véhicule auprès de n'importe quel membre agréé du réseau de distribution, dans n'importe quel Etat membre, il est indispensable que cet utilisateur final puisse recourir à un intermédiaire, ayant ou non la qualité de professionnel, préalablement mandaté pour acquérir et, le cas échéant, prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé.
28 Selon la Commission, tel est précisément l'objet de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 qui vise à préserver la possibilité pour l'utilisateur final d'être approvisionné par un intermédiaire préalablement mandaté, qu'il soit professionnel ou non. Dans ces conditions, la disposition en cause devrait être interprétée en ce sens qu'elle permet au réseau de distribution de se protéger, d'une part, contre l'activité d'importateurs parallèles agissant en qualité de revendeurs non agréés et, d'autre part, contre des intermédiaires qui n'ont pas été préalablement mandatés par un utilisateur final, ou qui ont été mandatés par un revendeur non agréé, ou encore qui ont été mandatés sans que le véhicule faisant l'objet du mandat n'ait été spécifié. Cette disposition ne permettrait pas, toutefois, d'édicter une mesure de protection consistant à refuser l'enregistrement de commandes de véhicules déterminés, émanant d'un intermédiaire dûment mandaté, ou la livraison de tels véhicules, lorsque celui-ci agit au nom et pour le compte de ses mandants et n'a pas excédé le cadre de son mandat. La notion d'" activité équivalente à la revente ", mentionnée dans la communication du 12 décembre, ne saurait donc se rapporter à l'action commerciale de l'intermédiaire professionnel, mais exclusivement à de faux mandats ou à des comportements frauduleux des intermédiaires mandatés, sauf à être contraire aux principes de base du règlement n° 123-85.
29 A cet égard, la Commission observe qu'il est inhérent au caractère professionnel de l'activité exercée par Eco System que cette société non seulement puisse faire de la publicité sur son activité d'intermédiaire, mais aussi opérer des choix quant aux marques et types de véhicules pour lesquels elle désire offrir ses services et, de ce fait, apparaître aux yeux du public comme une source alternative d'approvisionnement en véhicules, notamment en véhicules Peugeot. En réponse aux arguments avancés par les requérantes, la Commission fait valoir, d'une part, qu'une analyse statistique démontre que Eco System ne concentre pas son activité sur la marque Peugeot et, d'autre part, qu'à aucun moment Eco System n'aurait créé d'équivoque, de par son action publicitaire, quant à la nature réelle de son activité professionnelle. Eco System aurait même insisté, de façon systématique, dans ses prospectus publicitaires, sur la nature spécifique du lien contractuel entre le mandant et le mandataire. En ce qui concerne la collaboration temporaire de Eco System avec la société Carrefour, la Commission relève que l'unique fait établi est qu'un seul véhicule Peugeot, en attendant d'être livré et avec l'accord exprès du mandant, a été exposé pendant une dizaine de jours dans les locaux de Carrefour. Quant à la copie de la brochure publicitaire de Eco System qui a été éditée et diffusée par Carrefour, sous son propre nom, la Commission, tout en reconnaissant que la page de couverture de ladite copie a pu donner lieu à une certaine équivoque, estime néanmoins que la réaction globale et définitive de Peugeot à cet égard " a violé le principe de proportionnalité ".
30 S'agissant des risques assumés par Eco System, la défenderesse souligne que les requérantes n'apportent aucune preuve venant étayer leur affirmation, selon laquelle Eco System supporte des risques de disposition de véhicules, d'entrepôt ou de crédit, autres que ceux que supporterait n'importe quel mandataire. Selon la Commission, Eco System n'assume aucun risque juridique ou économique caractéristique de l'activité d'achat et de revente, c'est-à-dire impliquant un double transfert de propriété et les risques afférents à la propriété. A cet égard, la Commission souligne que l'intervention de Eco System, en tant que mandataire, se limite à l'établissement d'un lien juridique direct entre le mandant et le concessionnaire, comprenant notamment la facturation directe par ce dernier au premier, l'immatriculation et l'assurance du véhicule au nom du mandant, le transfert de la propriété et des risques dès le paiement effectué au vendeur et, enfin, la rémunération du mandataire par une commission. De l'avis de la Commission, le crédit accordé, pendant une certaine période, par Eco System à son mandant n'a pas pour effet de faire assumer à celle-ci, outre le risque de crédit propre à toute activité de prestation de service, le risque d'invendu, caractéristique de l'activité de revendeur. La Commission conteste, par ailleurs, l'existence, dans le chef de Eco System, d'un quelconque risque économique qui serait le fait d'éventuelles variations de change ou de prix.
31 La défenderesse conteste, enfin, la pertinence, en l'espèce, de la référence faite par les requérantes à l'arrêt Binon, précité. A son avis, il n'y a aucune comparaison possible entre, d'une part, l'appréciation au regard de l'article 85, paragraphe 1, de l'activité d'intermédiaire pour le compte de fournisseurs de produits ou de services - comme c'était le cas dans l'affaire Binon - et, d'autre part, l'appréciation, au regard de l'article 85, paragraphe 3, et du règlement n° 123-85, de l'activité d'intermédiaire de Eco System, dans le cadre de transactions chaque fois uniques, pour le compte d'acheteurs individuels.
32 La partie intervenante Eco System relève que l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 a été conçu par la Commission en vue de faciliter l'acquisition de véhicules par les particuliers, au prix le plus bas dans toute la Communauté. Compte tenu, d'une part, du temps et des moyens nécessaires pour rechercher, dans les douze Etats membres, le concessionnaire Peugeot pratiquant le meilleur prix pour un véhicule donné et, d'autre part, des multiples démarches afférentes à une importation parallèle, seule l'intervention d'un mandataire professionnel, tel que Eco System, serait à même de remplir la fonction régulatrice du marché visée par l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 et d'empêcher que cette disposition ne devienne lettre morte. Elle invoque, dans ce contexte, les arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Grundig et Consten/Commission (56-64 et 58-64, Rec. p. 429), et du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), qui condamneraient les contrats de distribution exclusive faisant obstacle aux importations parallèles, et rappelle, à cet égard, que les concessionnaires agréés de Peugeot n'ont jamais cherché à tirer profit des écarts de prix des véhicules entre les Etats membres en s'approvisionnant entre eux. Dans ces conditions, Eco System considère que la notion d'activité équivalente à la revente ne saurait être interprétée d'une manière qui viderait de son contenu le point 11 de l'article 3 du règlement n° 123-85. Cette notion ne viserait, en tout cas, que les comportements frauduleux, dissimulant la véritable qualité de revendeur d'un opérateur qui se présente comme un mandataire et ne comprendrait nullement une activité comme la sienne régie, en substance, par les articles 1984 et suivants du Code civil français, relatifs au contrat de mandat.
33 La partie intervenante BEUC souligne, pour sa part, que le profit résultant pour le consommateur des réseaux de distribution exemptés en vertu de l'article 85, paragraphe 3, serait illusoire si, comme le soutiennent les requérantes, le champ d'application de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 dépendait d'une appréciation économique et commerciale de l'activité de l'intermédiaire. L'objectif de cette disposition serait de permettre au fournisseur de s'assurer que le consommateur final, lorsqu'il achète un véhicule, établit un lien contractuel direct avec un distributeur membre du réseau de distribution exclusive ou sélective. Cela viserait notamment à réserver au consommateur un droit contractuel contre un membre du réseau en cas de défaillance du véhicule.
Appréciation du Tribunal
34 En l'espèce, le Tribunal estime que, pour pouvoir exercer son contrôle sur la légalité de la décision litigieuse, dans la limite du moyen ainsi soulevé par les requérantes, il lui appartient de vérifier si la Commission était en droit de considérer que la circulaire du 9 mai 1989 adressée par Peugeot à ses concessionnaires en France, en Belgique et au Luxembourg, et sa mise en application par ces derniers, excèdent le cadre de l'exemption prévue par le règlement n° 123-85 et constituent un accord ou, à tout le moins, une pratique concertée interdits par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
35 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt VAG France précité, point 12, " le règlement n° 123-85, en tant que règlement d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, se limite à donner aux opérateurs économiques du secteur des véhicules automobiles certaines possibilités leur permettant, malgré la présence de certains types de clauses d'exclusivité et de non-concurrence dans leurs accords de distribution et de services de vente et d'après-vente, de faire échapper ceux-ci à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 ". En effet, ainsi que le rappelle l'attendu 2 du préambule du règlement n° 123-85, " si les engagements énoncés aux articles 1, 2 et 3 du présent règlement ont généralement pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et sont généralement susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, l'interdiction édictée à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE peut, néanmoins, en vertu de l'article 85, paragraphe 3, être déclarée inapplicable à ces engagements, bien qu'à des conditions limitatives uniquement ".
36 Il convient de rappeler, dans ce contexte, que, en vertu de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, l'exemption accordée au titre de l'article 85, paragraphe 3, s'applique également lorsque le distributeur s'engage à " ne vendre les véhicules automobiles de la gamme visée par l'accord ou des produits correspondants à des utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire que si ces utilisateurs ont auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter et, en cas d'enlèvement par celui-ci, pour prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé ".
37 A cet égard, le Tribunal souligne que, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie ne sauraient faire l'objet d'une interprétation extensive et ne peuvent pas être interprétées de façon à étendre les effets du règlement au-delà de ce qui est nécessaire à la protection des intérêts qu'elles visent à garantir (voir l'arrêt de la Cour du 22 mars 1984, Paterson, 90-83, Rec. p. 1567, point 16).
38 Au vu de ces principes, il convient de préciser, pour la solution du présent litige, l'interprétation de la notion d'intermédiaire mandaté par écrit, au sens de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85.
39 A cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment l'arrêt du 18 janvier 1984, Ekro, 327-82, Rec. p. 107, point 11), les termes d'une disposition du droit communautaire qui ne comporte, aux fins de son interprétation, aucun renvoi exprès au droit des Etats membres doivent normalement trouver une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause. Toutefois, il n'est pas exclu, pour autant, que le juge se réfère au droit des Etats membres, afin d'interpréter le contenu et la portée d'une telle disposition de droit communautaire (voir l'arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Khouri/Commission, T-85-91, non encore publié au Recueil, point 32).
40 En l'espèce, et ainsi d'ailleurs que le Tribunal l'a jugé dans son arrêt Peugeot I, précité, point 33, il résulte de l'économie de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 que l'objectif de cette disposition est de préserver la possibilité d'intervention d'un intermédiaire, à condition qu'il existe un lien contractuel direct entre le distributeur et l'utilisateur final. Il convient d'ajouter que, afin de protéger le réseau de distribution de la concurrence illicite qui pourrait émaner d'un quelconque revendeur non agréé, l'existence d'un tel lien doit être établie au moyen d'un mandat écrit préalable, délivré par l'utilisateur final du véhicule à l'intermédiaire agissant en son nom et pour son compte, pour acheter un véhicule déterminé.
41 Il convient de souligner, à ce propos, que la présentation d'un tel mandat écrit préalable pour acheter le véhicule et, le cas échéant, en prendre livraison constitue la seule condition imposée à l'intermédiaire, en vertu de la disposition précitée. Il s'ensuit que la lettre même de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 ne saurait permettre l'exclusion d'un intermédiaire dûment mandaté, au seul motif que celui-ci exerce son activité à titre professionnel.
42 Le Tribunal relève, en deuxième lieu, que, compte tenu des difficultés d'ordre pratique que, tant la recherche, sur l'ensemble du territoire communautaire, d'un véhicule donné, au meilleur prix, que sa livraison, peuvent représenter pour l'utilisateur final, l'exclusion des intermédiaires agissant à titre professionnel priverait, en fait, l'article 3, point 11, de son effet utile et aurait pour résultat d'entraver les importations parallèles et, par conséquent, de cloisonner les marchés nationaux. Dans ces conditions, une telle exclusion, ainsi que la Cour l'a jugé dans ses arrêts Consten et Grundig/Commission et Musique diffusion française e.a./Commission (point 86), précités, serait de nature à contrarier les objectifs les plus fondamentaux de la Communauté et, en particulier, la réalisation d'un marché unique.
43 Or, force est de reconnaître que l'exercice, à titre professionnel, de l'activité d'intermédiaire peut impliquer, d'une part, la réalisation d'opérations promotionnelles auprès du public et la possibilité de concentrer ses efforts sur certaines marques de véhicules et, d'autre part, l'acceptation des risques inhérents à toute entreprise de prestation de services.
44 Par ailleurs, s'agissant de l'argument des requérantes, selon lequel le point I, paragraphe 3. de la communication du 12 décembre viserait à interpréter restrictivement la notion d'intermédiaire mandaté figurant à l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 28 janvier 1992, Soba (C-266-90, Rec. p. I-303, point 19), un acte interprétatif ne saurait avoir pour effet de modifier les règles impératives contenues dans un règlement.
45 Le Tribunal rappelle que, selon le texte de la communication du 12 décembre, " les entreprises du réseau de distribution peuvent être tenues de ne vendre aucun véhicule neuf de la gamme visée par l'accord, ou véhicule correspondant, à un tiers ou par l'entremise d'un tiers, dès lors que celui-ci se présente comme un revendeur autorisé de véhicules neufs de la gamme visée par l'accord ou exerce une activité équivalente à la revente. Il incombe à l'intermédiaire ou à l'utilisateur final d'exposer préalablement, par écrit, au distributeur du réseau, que l'intermédiaire, lors de l'achat de la réception d'un véhicule déterminé, agit au nom et pour le compte de l'utilisateur final ".
46 Pour répondre à l'argument des requérantes tiré de cet extrait de la communication du 12 décembre, le Tribunal constate, d'une part, que le passage en question vise à interpréter non seulement l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, mais également le point 10 du même article, et en particulier sa lettre a), en vertu de laquelle sont exemptées de l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE les clauses du contrat de distribution par lesquelles le distributeur s'engage à réserver aux membres du réseau les produits contractuels ou des produits correspondants. Le Tribunal estime, d'autre part, que, dans son interprétation de l'article 3, points 10 et 11, du règlement n° 123-85, la Commission a pu légitimement tenir compte du besoin d'assurer l'effet utile de l'article 3, point 10, dudit règlement, à savoir de garantir une protection effective du réseau de distribution contre les agissements de tiers non agréés. La Commission a pu ainsi, légalement, par la communication sous examen, préciser les conditions auxquelles l'intermédiaire mandaté doit satisfaire pour se conformer aux prescriptions de l'article 3, point 11, du même règlement. Ces dernières doivent, en effet, être appliquées de façon à garantir que la livraison, par un revendeur agréé, des produits contractuels à un intermédiaire dûment et préalablement mandaté par écrit ne puisse s'analyser comme un manquement du revendeur à l'obligation de revente exclusive à l'intérieur du réseau de distribution qui, le cas échéant, peut lui être imposée, sur le fondement de l'article 3, point 10, du même règlement. A cette fin, la communication du 12 décembre a pu, sans méconnaître les dispositions réglementaires en cause, et sans restreindre leur champ d'application, préciser que les entreprises du réseau de distribution peuvent être tenues de refuser de satisfaire les commandes d'un intermédiaire exerçant, de fait, une activité équivalente à la revente et rappeler les conditions, énoncées à l' article 3, point 11, du règlement, auxquelles doit satisfaire tout intermédiaire qui entend se prévaloir desdites dispositions.
47 Il appartient, à présent, au Tribunal d'examiner si, comme le soutiennent les requérantes, Eco System a excédé le cadre de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, en assumant des risques caractéristiques de l'activité de revendeur, plutôt que de celle d'intermédiaire, d'une façon telle que son activité professionnelle pourrait être considérée comme équivalente à la revente et non pas comme une activité de prestation de services.
48 A cet égard, et en premier lieu, le Tribunal estime utile de rappeler que l'intervention de l'intermédiaire mandaté, prévue par la disposition sous examen, suppose l'établissement d'un lien contractuel direct d'achat et de vente entre l'acquéreur du véhicule (l'utilisateur final) et le réseau de distribution. Pour être admis à agir en cette qualité sans que le revendeur puisse lui opposer un refus de contracter, l'intermédiaire doit se limiter à assurer la prestation d'un service consistant dans la mise en contact d'un client désireux d'acheter un véhicule automobile déterminé au meilleur prix et d'un revendeur, membre du réseau, prêt à le fournir, ainsi que dans l'établissement du nécessaire lien contractuel direct entre les deux parties et dans la réalisation des opérations connexes. Dans ces conditions, l'intermédiaire agit exclusivement en qualité de représentant de l'utilisateur final ; il en résulte que les rapports juridiques qui naissent de l'acte ou des actes accomplis par le mandataire s'établissent directement entre le mandant et le tiers concerné, en l'occurrence le revendeur, le mandataire y restant étranger. En l'espèce, il est constant que le véhicule qui fait l'objet du mandat est, dès le départ, immatriculé directement, quoique provisoirement, au nom du client de Eco System, au nom duquel la facture est établie. Eco System, en tant que mandataire, n'est donc pas partie au contrat d'achat et de vente qu'elle conclut avec un revendeur du réseau automobile au nom et pour le compte de l'utilisateur final et, par conséquent, n'acquiert jamais la propriété du véhicule qui fait l'objet de la transaction. Par contre, et ainsi qu'il est prévu à l'article II, paragraphe 3, du " contrat de concession " de Peugeot pour la Belgique, lequel a été versé au dossier dans l'affaire Peugeot I, le revendeur membre du réseau " traite en son nom personnel et pour son propre compte, et ne saurait en aucune façon être considéré comme le mandataire de l'importateur ou du constructeur ".
49 L'existence, dans le cas de l'intervention d'un mandataire, d'un lien direct entre l'utilisateur final et le réseau de distribution est confirmée par l'obligation imposée, comme condition d'exemption, aux entreprises du réseau de distribution par l'article 5, paragraphe 1, point 1, sous a) et b), du règlement n° 123-85, d'assurer la garantie, ainsi que le service gratuit et celui consécutif à des actions de rappel, et ce quel qu'ait été le lieu d'achat du véhicule dans le Marché commun. Ainsi que le relève le douzième considérant du préambule du règlement n° 123-85, ces dispositions - tout comme celles de l'article 3, point 11, du même règlement - " visent à empêcher que soit affectée la liberté pour les utilisateurs d'acheter partout dans le Marché commun ". A cet égard, le Tribunal relève que l'article 7 des conditions générales annexées au contrat-type de mandat de Eco System stipule que " la garantie est le fait du constructeur, elle constitue une obligation, tout à la fois légale et conventionnelle, elle est due et peut être exigée du réseau du constructeur, conformément au carnet de garantie annexé au véhicule. Eco System ayant un mandat limité à l'importation, toute garantie technique en est exclue et incombe au seul constructeur et à son réseau ". Cette stipulation ne fait que traduire l'existence d'une telle obligation de garantie à la charge des entreprises membres du réseau de distribution, à l'exclusion de toute obligation de même nature de la part de l'intermédiaire.
50 Dans les conditions qui viennent d'être décrites dans les deux points précédents, il y a lieu de constater que Eco System, en tant qu'intermédiaire mandaté, ne saurait supporter aucun risque découlant du double transfert de propriété, caractéristique de l'activité d'achat et de revente d'un produit, ou afférent à la propriété, en particulier le risque de disposition ou d'invendu, c'est-à-dire le risque de devoir écouler le véhicule en cas de désistement de l'utilisateur final, supportant, le cas échéant, le préjudice financier correspondant à la non-vente.
51 Il convient cependant de constater, en second lieu, qu'ainsi qu'il ressort du dossier et des explications orales des parties, dans la mesure où Eco System acquitte, dans un premier temps, auprès du revendeur agréé, qui fournit le véhicule, le prix principal, la taxe sur la valeur ajoutée et les frais d'importation du véhicule désigné au contrat dont elle poursuit, dans un second temps, le remboursement auprès de l'acheteur, elle accorde normalement, dans chaque opération, à ses clients un crédit correspondant à l'avance qu'elle fait au-delà du montant de la provision reçue au moment de la conclusion du mandat. Le Tribunal considère que l'octroi de ce crédit, limité au délai de quelques jours qui s'écoule entre le moment de l'achat avec paiement au revendeur membre du réseau et le moment de la livraison à l'acheteur qui rembourse Eco System de son avance, même s'il n'est pas inhérent à l'activité du mandataire, n'altère pas la qualification juridique d'un mandat de cette nature. De ce point de vue, la situation de Eco System ne se distingue pas de celle de tout mandataire qui est tenu, par contrat, d'effectuer des dépenses et d'engager des frais que le mandant doit rembourser, ainsi d'ailleurs que le prévoient la plupart des législations des Etats membres.
52 Le Tribunal constate, par ailleurs, que les moyens dont dispose le mandataire pour faire face au risque d'insolvabilité de l'utilisateur final, ou de refus d'exécution du mandat par celui-ci, qu'il assume dans les circonstances qui viennent d'être décrites, se distinguent, en tout état de cause, de ceux qui sont à la disposition du revendeur membre du réseau. En effet, outre l'exercice de son droit de rétention, le mandataire peut avoir recours aux voies de droit classiques, à savoir les procédures judiciaires de saisie et de vente d'un bien appartenant à un tiers. Dans le cas de Eco System, ce régime trouve son expression dans la clause " pénale " prévue à l'article 5 des conditions générales, figurant au verso du contrat-type de mandat utilisé par Eco System, selon laquelle " dans le cas où, après signature, et avant expiration du mandat, le mandant en refuserait l'exécution, il se verrait appliquer une pénalité égale au double du montant de la provision, outre la poursuite judiciaire de l'exécution de ses obligations, étant rappelé que la commande passée pour son compte est insusceptible d'annulation ou de résiliation ". En revanche, ainsi qu'il est normalement prévu dans les conditions générales de vente des véhicules automobiles appliquées par les concessionnaires des réseaux des différentes marques, le revendeur agréé a encore la possibilité, interdite au mandataire, en cas de désistement d'un client ou de défaut de paiement, de considérer la vente comme nulle et non avenue et de disposer du véhicule ou de se remettre en sa possession et le faire vendre à son profit, sans avoir recours aux procédures judiciaires susvisées.
53 En troisième lieu, et s'agissant du risque de change allégué par Peugeot, le Tribunal constate, liminairement, que les variations des cours de change sont un facteur inhérent à toute transaction intracommunautaire du type de celles de l'espèce et que les requérantes n'ont nullement démontré que c'est Eco System, dans le cadre de son activité d'intermédiaire dûment mandaté, qui en supporte le risque correspondant. Bien au contraire, il ressort du dossier que c'est le mandant et non pas Eco System, en sa qualité de mandataire, qui supporte le risque de change. A cet égard, le Tribunal relève, tout d'abord, qu'il résulte de l'examen du contrat-type de mandat de Eco System que celle-ci, contrairement à un revendeur agréé, ne s'engage pas sur un prix ferme mais ne s'oblige que dans la limite d'un prix prévisionnel, lequel ne sera définitivement fixé qu'après prise en compte éventuelle des variations favorables ou défavorables des cours de change. A ce propos, le Tribunal relève encore que l'article 2, troisième tiret, des conditions générales de Eco System, stipule que " des fluctuations monétaires ou de prix sont susceptibles d'intervenir, celles-ci étant sans effet sur la validité du mandat ". Le Tribunal constate, par ailleurs, que le contrat-type de mandat de Eco System prévoit expressément que " dans le cas où la société Eco System ne pourrait pas importer le véhicule dans les délais indiqués, la provision sera restituée au mandant, à l'exclusion de tous dommages et intérêts ". Ainsi, il n'est pas exclu que Eco System fasse usage d'une telle stipulation en cas de variations par trop défavorables des cours de change qui affecteraient, de façon excessive, avant l'achat du véhicule auprès du revendeur, le prix prévisionnel convenu avec le mandant. Au surplus, le Tribunal relève qu'il ressort de la décision litigieuse, sans que cette dernière ait été contestée sur ce point par les requérantes, que Eco System s'est limitée à instituer, en faveur de ses clients, aux fins de couvrir les risques de changement de parités encourus par ceux-ci pendant la durée d'exécution du contrat du mandat, un système de primes de variation de change qui fonctionne comme un fonds de compensation entre lesdits mandants. Il résulte de ce qui précède que les requérantes n'ont avancé aucun élément de nature à remettre en cause la conclusion de la décision litigieuse, selon laquelle " les risques économiques... de variations de change ou de prix... sont devenus inexistants dans l'organisation actuelle de Eco System ".
54 En quatrième lieu, et en ce qui concerne le risque d'entrepôt qui, selon les requérantes, amènerait Eco System à indemniser le mandant, en cas de perte ou de dégradation du véhicule, pendant la période comprise entre la réception, par Eco System, du véhicule auprès du revendeur et sa livraison à l'acheteur, le Tribunal relève qu'un tel risque, à le supposer établi, doit être considéré comme normal, ainsi que le confirme d'ailleurs l'examen des législations des Etats membres, dans le cadre d'un contrat de mandat qui, comme celui en cause, implique l'achat au nom du mandant, l'importation, l'acheminement, la garde pendant une période limitée et la livraison d'un véhicule. En tout état de cause, le risque qui s'attache à l'entrepôt du véhicule dans les conditions qui viennent d'être décrites se distingue des risques attachés à la propriété, laquelle, dans le cas d'espèce et ainsi qu'il a déjà été établi, appartient à l'utilisateur final, dès la conclusion du contrat de vente du véhicule.
55 Le Tribunal constate, enfin, dans ce contexte que la commission perçue par Eco System en contrepartie de ses services consistant, selon le contrat-type, dans un pourcentage donné du prix facturé par le fournisseur du véhicule, constitue une forme de rémunération normale dans un contrat de mandat comme celui de l'espèce.
56 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Eco System, dans la mesure où elle agit en qualité d'intermédiaire dûment mandaté, ne saurait être considérée comme assumant un quelconque risque juridique ou économique caractéristique de l'activité d'achat et de revente.
57 Il convient, ensuite, d'examiner, dans le cadre du présent moyen, si, en pratique, Eco System a dépassé les limites des mandats écrits qui lui ont été confiés, en conformité avec l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, par les utilisateurs finals.
58 Le Tribunal rappelle que la seule circonstance invoquée à cet égard par les requérantes réside dans l'équivoque qu'aurait provoquée, dans l'esprit du public, une brochure publicitaire, éditée sous son propre nom par la société Carrefour, reprenant le contenu de la brochure publicitaire publiée par Eco System, pendant la collaboration temporaire entre ces deux sociétés.
59 A cet égard, le Tribunal considère que, en admettant même qu'une telle pratique puisse s'apparenter à une activité de démarchage commercial ne relevant pas de la sphère de compétence du mandataire, c'est à juste titre qu'en l'espèce la Commission a estimé qu'une telle équivoque ne pouvait naître que de la couverture de ladite brochure et qu'en tout état de cause la nature exacte de l'activité de Eco System y était clairement indiquée. C'est donc à bon droit que la réaction de Peugeot a été jugée manifestement disproportionnée, dès lors que des mesures ponctuelles visant à faire cesser la distribution de cette brochure auraient été suffisantes, sans qu'il soit besoin de recourir à l'envoi de la circulaire litigieuse.
60 Il convient donc de déduire de ce qui précède que Eco System n'a pas dépassé le cadre des mandats écrits qui lui ont été conférés par les utilisateurs finals et, de ce fait, n'a pas violé l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, en ce qu'il définit les conditions de l'intervention du mandataire.
61 S'agissant, enfin, de l'argument des requérantes, tiré de l'arrêt de la Cour, Binon, précité, et des conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn, selon lequel un intermédiaire mandaté par un grand nombre de mandants devient un opérateur indépendant, le Tribunal relève, d'une part, que cette jurisprudence ne contient aucun élément susceptible d'être transposé au cas d'espèce, dans lequel un mandataire intervient au nom et pour le compte d'utilisateurs finals et non pas comme agent de distribution chargé d'organiser la vente au détail dans l'intérêt des producteurs (éditeurs), et, d'autre part, qu'un critère purement quantitatif basé sur le nombre de mandats reçus par un intermédiaire professionnel ne saurait modifier à lui seul la nature de son intervention au regard de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85. Cette constatation est, d'ailleurs, compatible avec l'objectif économique que poursuit l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, à savoir celui d'empêcher le cloisonnement des marchés nationaux, grâce au maintien des importations parallèles, dans le cadre d'un système d'accords de distribution de véhicules automobiles, et de contribuer par là à la réalisation d'un marché unique, tel que relevé déjà ci-dessus, au point 42 du présent arrêt.
62 Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 ne saurait permettre aux membres d'un réseau de distribution automobile de refuser, au motif que l'intermédiaire exerce son activité à titre professionnel, de vendre les véhicules automobiles de la gamme visée par l'accord ou des produits correspondants à des utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire qui justifie, au moyen d'un mandat écrit préalable, qu'il agit au nom et pour le compte de ces utilisateurs. Il s'ensuit que, dès lors que l'intermédiaire ne dépasse pas le cadre du mandat qui lui a été délivré par l'utilisateur final pour acheter et, le cas échéant, pour prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé, un refus de vente opposé par le distributeur au mandataire est contraire aux dispositions du règlement n° 123-85.
63 C'est donc à juste titre que la Commission a considéré que la circulaire litigieuse ne pouvait, en tout état de cause, être justifiée par un prétendu manquement de Eco System aux prescriptions de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85. Dès lors, le refus de vente, objet de ladite circulaire, excède le cadre de l'exemption dont bénéficie le réseau de distribution de Peugeot, en application de ce règlement.
64 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen, tiré de la violation de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85, combiné avec la communication du 12 décembre, doit être rejeté.
Sur le moyen relatif à la violation du principe de la sécurité juridique
Argumentation des parties
65 Les requérantes font valoir que la Commission, pour justifier la divergence entre la décision attaquée et l'interprétation qu'elle-même avait donnée de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 dans sa communication du 12 décembre, a entendu adopter le 4 décembre 1991, c'est-à-dire à la même date que la décision attaquée, une nouvelle communication interprétative du règlement n° 123-85. Cette communication, en fixant de nouveaux critères pour la définition de la notion d'intermédiaire, aurait vidé de tout sens la notion d'activité équivalente à la revente. De ce fait, la Commission aurait violé la confiance légitime de Peugeot à l'égard du maintien de sa situation réglementaire.
66 De l'avis des requérantes, la Commission a également violé le principe de non-rétroactivité des actes communautaires, en ce que cette nouvelle interprétation du règlement n° 123-85 aurait été appliquée rétroactivement par la Commission à un comportement de Peugeot (la circulaire du 9 mai 1989) qui devrait relever de l'interprétation précédente du même règlement. L'insécurité juridique découlerait, en tout cas, selon les requérantes, du fait que la Commission n'aurait jamais donné une définition claire et précise de la notion d'activité équivalente à la revente.
67 La Commission rétorque que les requérantes avaient reçu une lettre du 15 juillet 1987, signée par un chef de service à la DG IV, exposant clairement la position de la Commission tant au regard de la question générale de l'activité des intermédiaires professionnels, qu'en ce qui concerne le cas particulier de Eco System.
68 Quant à sa nouvelle communication, la défenderesse estime qu'elle ne comporte aucune application rétroactive, puisqu'elle ne fait que rappeler le principe selon lequel l'intermédiaire visé par le règlement n° 123-85 est celui qui agit au nom et pour le compte de l'utilisateur final et qui, dès lors, ne peut pas assumer de risques afférents à la propriété.
69 La partie intervenante Eco System se limite à rappeler que l'arrêt du Tribunal, Peugeot I, précité, a déjà rejeté les arguments relatifs à la violation du principe de la sécurité juridique invoqués à nouveau par les requérantes.
70 La partie intervenante BEUC fait valoir, à cet égard, que, pas plus que la communication du 12 décembre, la deuxième communication de la Commission relative au règlement n° 123-85 n'est un acte normatif ni n'en constitue une interprétation authentique et ne saurait, de ce fait, modifier ledit règlement. Le BEUC considère, par ailleurs, qu'il n'y a pas eu d'application rétroactive de la deuxième communication, puisque celle-ci n'a pas modifié le principe selon lequel un intermédiaire qui justifie d'un mandat écrit préalable entre dans le champ d'application de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85.
Appréciation du Tribunal
71 Il convient de relever, à titre liminaire, que la décision litigieuse ne se fonde nullement et ne pouvait d'ailleurs légalement se fonder sur la nouvelle communication de la Commission relative au règlement n° 123-85, du 4 décembre 1991, laquelle, par ailleurs, n'y est jamais mentionnée. Il en résulte que cette nouvelle communication ne saurait être invoquée par les requérantes pour contester la légalité de la décision litigieuse.
72 S'agissant de l'argument tiré de ce que la Commission se serait écartée, dans la décision litigieuse, de l'interprétation qu'elle même avait donnée de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85 dans sa communication du 12 décembre, violant par là même le principe de la sécurité juridique, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l'a déjà constaté ci-dessus (voir points 44 et 46), la notion d'activité équivalente à la revente figurant dans ladite communication ne saurait, en tout état de cause, être interprétée de façon à restreindre la portée de la notion d'intermédiaire mandaté par écrit, figurant à l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85.
73 Le Tribunal rappelle, en outre, que, ainsi qu'il l'a constaté dans son arrêt Peugeot I, précité, point 48, les services de la Commission avaient déjà transmis aux requérantes, dans leur lettre du 15 juillet 1987, précitée, leur avis sur la notion d'activité équivalente à la revente au sens de la communication du 12 décembre. Au point 3, deuxième paragraphe, de cette lettre il était, en effet, clairement mentionné que " dans la mesure où un intermédiaire assume la forme de risque qui est propre à une entreprise de service, et non un risque d'entreprise de même nature... que celui qui est propre à l'activité d'achat et de revente, l'activité de cet intermédiaire ne peut pas être qualifiée d'activité équivalente à la revente au sens de la communication... ".
74 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les requérantes n'ont apporté aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation effectuée par le Tribunal dans son arrêt du 12 juillet 1991, précité, sur l'absence de violation par la Commission du principe de la sécurité juridique. Par suite, le deuxième moyen doit être considéré également comme non fondé.
75 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les deux moyens invoqués par les requérantes à l'appui de leurs conclusions étant déclarés non fondés, le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
76 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ainsi que les parties intervenantes ayant conclu à leur condamnation, il y a lieu de les condamner solidairement aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Les requérantes sont condamnées solidairement aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.