TPICE, 2e ch., 1 avril 1993, n° T-65/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BPB Industries plc, British Gypsum Ltd
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Royaume d'Espagne, Iberian Trading Ltd
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Saggio, Briët
Avocats :
Mes Waelbroeck, Jeffrey, Pheasant, Polito.
Le Tribunal de première instance des Communautés européennes,
LES FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS
1 La présente affaire concerne la décision 89-22-CEE de la Commission, du 5 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV-31.900 - BPB Industries Plc, JO 1989, L 10, p. 50, rectificatif au JO L 52, p. 42), infligeant aux requérantes des amendes pour violation de l'article 86 du traité CEE.
2 BPB Industries Plc (ci-après " BPB ") est la société holding britannique d'un groupe qui contrôle environ la moitié de la capacité de production de plaques de plâtre dans la Communauté, et dont le chiffre d'affaires net consolidé s'est élevé à 1,116 milliard d'écus pour l'exercice expirant fin mars 1987. En Grande-Bretagne, BPB opère, dans les secteurs du plâtre de construction et des plaques de plâtre, essentiellement à travers une filiale qu'elle contrôle à 100 %, British Gypsum Ltd (ci-après " BG "). En Irlande, les produits à base de gypse, en particulier les plâtres de construction et les plaques de plâtre, sont fabriqués par la filiale irlandaise de BPB, Gypsum Industries Plc (ci-après " GIL "), qui approvisionne le marché d'Irlande ainsi que, par l'intermédiaire de BG, celui d'Irlande du Nord.
3 En Grande-Bretagne, BG produit des plaques de plâtre dans huit usines situées dans les Midlands, le sud-est et le nord de l'Angleterre. BPB approvisionne normalement le marché britannique des plaques de plâtre à partir d'usines implantées en Grande-Bretagne, alors que ses unités d'Irlande desservent l'Irlande et l'Irlande du Nord.
4 Les plaques de plâtre consistent en une âme de plâtre entourée de deux feuilles de papier fort. Ce produit existe en diverses dimensions et il est livré essentiellement en deux épaisseurs. Il est principalement utilisé dans la construction de plafonds et le revêtement des murs des maisons d'habitation, ainsi que dans la construction ou le revêtement de cloisons.
5 Les plaques de plâtre utilisées au Royaume-Uni et en Irlande sont, dans leur quasi-totalité, distribuées par des négociants-grossistes (ci-après " les marchands "). Le système des marchands permet d'assurer une chaîne de distribution efficace pour les entreprises de construction. Les marchands supportent, en outre, les risques du crédit consenti aux entreprises. Au cours de la période considérée, l'on a enregistré une tendance à la concentration chez les marchands.
6 Avant 1982, il n'y avait pas d'importations régulières de plaques de plâtre en Grande-Bretagne. Cette année-là, Lafarge UK Ltd (ci-après " Lafarge "), une société du groupe français Lafarge Coppée, a commencé à importer des plaques de plâtre produites en France. Lafarge a graduellement développé ses importations. Toutefois, en raison de difficultés d'approvisionnement liées à sa dépendance à l'égard de son unité de fabrication située en France, Lafarge n'était pas en mesure d'assurer des livraisons normales à un grand nombre de clients.
7 En mai 1984, Iberian Trading UK Ltd (ci-après " Iberian ") a commencé à importer des plaques de plâtre fabriquées en Espagne par Espanola de Placas de Yeso (ci-après " EPYSA "). Ses prix étaient inférieurs à ceux de BG, l'écart variant généralement de 5 à 7 %, bien que l'on ait noté certaines divergences de prix plus importantes. La gamme des produits fournis par Iberian était limitée à des plaques de plâtre d'un nombre restreint de dimensions, parmi les modèles les plus demandés. Par ailleurs, Iberian a, en diverses occasions, rencontré également des difficultés d'approvisionnement.
8 En 1985 et 1986, BG a fourni environ 96 % des plaques de plâtre vendues au Royaume-Uni, Lafarge et Iberian se partageant le reste du marché.
9 Le 17 juin 1986, Iberian a adressé à la Commission une demande visant à faire constater, conformément à l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204, ci-après " règlement n° 17 "), des infractions à l'article 86 du traité CEE commises par BPB. Le 3 décembre 1987, la Commission a décidé d'engager la procédure, dans les conditions prévues par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.
10 Après avoir donné aux entreprises l'occasion de répondre aux griefs retenus par elle, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 en 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127 p. 2268) et après avoir consulté le Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a pris, le 5 décembre 1988, la décision litigieuse (ci-après " la décision "), qui comporte le dispositif suivant :
" Article premier
Entre juillet 1985 et août 1986, British Gypsum Ltd a enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de sa position dominante pour la fourniture des plaques de plâtre en Grande-Bretagne par un système de versements aux marchands de matériaux de construction qui acceptaient de s'approvisionner exclusivement en plaques de plâtre chez British Gypsum Ltd.
Article 2
En juillet et août 1985, British Gypsum Ltd a enfreint l'article 86 du traité CEE en mettant en œuvre une politique visant à favoriser les clients qui ne faisaient pas le commerce des plaques de plâtre importées et consistant à honorer en priorité les commandes de plâtre de construction en période d'allongement des délais de livraison pour ce produit, ce qui a constitué un abus de sa position dominante pour la fourniture des plaques de plâtre en Grande-Bretagne.
Article 3
BPB Industries PLC, par l'intermédiaire de sa filiale British Gypsum Ltd, a enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de sa position dominante détenue pour la fourniture des plaques de plâtre en Irlande et en Irlande du Nord :
- en juin et juillet 1985, en exerçant avec succès des pressions sur un groupe d'importateurs et en obtenant de la sorte leur accord de renoncer à importer des plaques de plâtre en Irlande du Nord,
- en accordant une série de rabais pour les produits BG fournis aux marchands de matériaux de construction d'Irlande du Nord entre juin et décembre 1985, à condition que ceux-ci ne vendent pas des plaques de plâtre importées.
Article 4
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises ci-après :
- à British Gypsum Ltd, une amende de 3 millions d'écus pour les infractions à l'article 86 du traité CEE visées à l'article 1er,
- à BPB Industries PLC, une amende de 150 000 écus pour les infractions à l'article 86 du traité CEE visées à l'article 3.
Articles 5 et 6
[omissis] ".
LA PROCEDURE
11 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 23 février 1989, BPB et BG ont introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision.
12 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour. Par ordonnance du 4 octobre 1989, la Cour a admis le royaume d'Espagne à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes. Par ordonnance du 18 janvier 1990, le Tribunal a admis Iberian à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.
13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, à titre de mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a, par lettre du greffier du 8 novembre 1991, posé plusieurs questions à la partie défenderesse, auxquelles il a été répondu par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 1991.
14 Les parties principales et les parties intervenantes ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 23 janvier 1992.
LES CONCLUSIONS DES PARTIES
15 Dans leur requête, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
" - déclarer nulle la décision de la Commission du 5 décembre 1988, ordonnant à la première requérante de payer une amende de 150 000 écus et à la seconde requérante de payer une amende de 3 000 000 écus pour une prétendue infraction à l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne ;
- condamner la défenderesse aux dépens de l'instance ".
16 Dans leur mémoire en réplique, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
" - annuler la décision de la Commission ;
- subsidiairement, réduire les amendes infligées à BPB et/ou à BG ;
- condamner la Commission aux dépens ".
17 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
" - rejeter le recours ;
- condamner les parties requérantes à la totalité des dépens de l'instance ".
18 Le royaume d'Espagne, partie intervenante, demande à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours introduit par BG et par BPB contre la décision,
- déclarer la validité de cette décision
- condamner les parties requérantes aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.
19 La partie intervenante, Iberian, demande à ce qu'il plaise au Tribunal :
" - rejeter le recours formé par les parties requérantes contre la décision 89-22-CEE ;
- déclarer ladite décision valide en tous points ;
- condamner les parties requérantes aux dépens, en ce compris ceux des parties intervenantes ".
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision
20 Au soutien de leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision, les requérantes invoquent deux séries de griefs tirés, d'une part, de la violation des droits de la défense et, d'autre part, de l'absence d'établissement de l'infraction.
En ce qui concerne la non-communication de documents et le respect des droits de la défense
Arguments des parties
21 Les requérantes soutiennent que la décision doit être annulée, dès lors que la Commission ne leur a pas communiqué tous les documents pertinents qui étaient en sa possession et que cette omission leur a gravement porté préjudice. Elles remarquent, en particulier, que BG n'a pas eu accès à certains documents qui semblent avoir un rapport direct avec sa situation et certains des griefs soulevés à son encontre. Elles soutiennent qu'elles sont en droit de douter du fait que certains des documents non communiqués puissent être non pertinents.
22 Les requérantes visent, en particulier, des documents remis à la Commission lors de vérifications dans les locaux de tiers. Selon elles, le fait de refuser tout accès aux informations contenues dans un document remis à la Commission par un tiers constitue une atteinte excessive aux droits de la défense. Les requérantes soutiennent également que les documents non divulgués auraient pu être utiles à l'argumentation de BG et que, dans ces conditions, il n'y avait pas de raison de ne pas les lui communiquer. Le critère retenu pour la non-divulgation d'un document devrait être celui de son caractère confidentiel, et non celui de son éventuelle utilisation par la Commission. Le fait que la Commission ne se fonde pas sur un document ne signifierait pas qu'il n'est pas pertinent ou que la Commission n'ait pas été influencée par son contenu, et ne constituerait donc pas une raison suffisante pour refuser de le communiquer.
23 Les requérantes exposent qu'il est manifestement impossible à BG de désigner les documents dont la communication a été refusée par la Commission et qu'elle n'a pas été en mesure de consulter. Selon les requérantes, la Commission prétend à tort que son argumentation se fonde exclusivement sur des documents que BG a pu consulter. BG renvoie à une lettre d'un marchand du 23 décembre 1985, que la Commission invoque au paragraphe 63 de la décision, pour l'incriminer, bien qu'elle n'ait pas été autorisée à en prendre connaissance. Elle souligne qu'il résulte de l'arrêt de la Cour du 24 juin 1986 (AKZO Chemie/Commission, 53-85, p. 1965) que la Commission a le devoir de communiquer des pièces confidentielles à une entreprise, chaque fois que celles-ci sont de nature à porter atteinte à ses intérêts et que, par suite, la Commission aurait dû lui communiquer au moins un recensement des pièces en sa possession.
24 Les requérantes soutiennent que leurs réserves au sujet de l'allégation de la Commission, selon laquelle elle n'a pas été influencée par des documents non communiqués, sont justifiées, puisque c'est seulement à la suite de l'insistance de BG que la Commission a communiqué le témoignage de M. May, consultant en construction, que la Commission a ultérieurement utilisé dans la décision. BG devrait être en droit de se former elle-même une opinion sur la question de savoir quels documents présentent de l'importance pour ses intérêts.
25 En ce qui concerne les documents décrits dans la lettre du 19 février 1988 que lui a adressée la Commission, BG attire l'attention sur le fait que la Commission a omis de distinguer entre les documents communiqués par des tiers à titre confidentiel et ceux qui contenaient des secrets d'affaires. En ce qui concerne les documents mentionnés dans le mémoire en défense, BG estime que cette information aurait dû lui être communiquée au cours de la procédure administrative (conclusions de M. l'avocat général Warner sous l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30-78, Rec. p. 2229, 2297).
26 La Commission affirme que la décision se fonde exclusivement sur des documents auxquels BG a eu accès. Elle fait valoir que BG n'a désigné aucun document sur lequel elle se serait fondée pour former son opinion et auquel BG n'aurait pas eu accès. Selon la Commission, le droit d'accès à ses dossiers ne couvre pas tous les documents qui ne contiennent pas de secrets d'affaires. Elle invoque à cet égard l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1984 (VBVB et VBBB/Commission, 43 et 63-82, Rec. p. 19, point 25) et estime que l'arrêt de la Cour du 24 juin 1986 (AKZO Chemie/Commission, précité), invoqué par BG, porte sur une question différente, à savoir la possibilité pour la Commission de fournir certaines informations à un plaignant.
27 Dans le cas d'espèce, la Commission estime avoir donné aux requérantes accès à certains documents sur lesquels elle ne s'est pas fondée, allant ainsi au-delà de ce qui lui incombait. En ouvrant son dossier à BG, la Commission n'en aurait exclu que les documents qui lui avaient été communiqués par des tiers sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel, ainsi que les comptes annuels d'une entreprise, les feuillets de publicité de deux entreprises, l'organigramme d'une autre entreprise et des documents jugés intéressants en tant que révélateurs d'éventuelles infractions à l'article 85 commises par des entreprises autres que BPB. Ces documents auraient, par ailleurs, fait l'objet d'une description non confidentielle dans sa lettre du 19 février 1988. La Commission considère que cette description a permis à BG de vérifier qu'ils étaient sans rapport avec les constatations auxquelles elle a procédé.
28 S'agissant de la lettre d'un marchand, du 23 décembre 1985, mentionnée par BG, la Commission souligne que cette lettre était annexée à une lettre que BG a adressée à la Commission, le 30 septembre 1986, et que, par conséquent, BG a eu accès à chacune de ces deux lettres. S'agissant du rapport de M. May, la Commission fait valoir que celui-ci a toujours été considéré comme étant accessible à BG ; elle renvoie, à cet égard, au sommaire de l'annexe de la communication des griefs et aux documents joints à la requête. La Commission relève, enfin, que la distinction entre les secrets d'affaires et les autres renseignements, proposée par les requérantes, n'est nullement déterminante pour apprécier si une entreprise a le droit d'accéder au dossier qu'elle a constitué.
Appréciation du Tribunal
29 Ainsi que le Tribunal l'a relevé dans son arrêt du 17 décembre 1991 (Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711), la Commission s'est imposée, dans son douzième rapport sur la politique de concurrence (p. 40 et 41), un certain nombre de règles en matière d'accès au dossier dans les affaires de concurrence. Selon ces règles : " la Commission accorde aux entreprises impliquées dans une procédure la faculté de prendre connaissance du dossier les concernant. Les entreprises sont informées du contenu du dossier de la Commission par l'adjonction à la communication des griefs ou à la lettre de rejet de la plainte d'une liste de tous les documents composant le dossier, avec l'indication des documents ou parties de ceux-ci qui leur sont accessibles. Les entreprises sont invitées à examiner sur place les documents accessibles. Si une entreprise souhaite n'en examiner que quelques uns, la Commission peut lui en faire parvenir des copies. La Commission considère comme confidentiels, et, par conséquent, inaccessibles pour une entreprise déterminée, les documents suivants : les documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ; les documents internes de la Commission, tels que les notes, projets ou autres documents de travail ; toutes autres informations confidentielles, telles que celles permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révélée leur identité, ainsi que les renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel ". Le Tribunal en a déduit que la Commission a " l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles " (points 53 et 54).
30 En outre, dans son arrêt du 18 décembre 1992 (Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, non encore publié au Recueil), le Tribunal a jugé que " la procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication de griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 et à l'article 2 du règlement n° 99-63. Il en résulte que le droit d'accès au dossier constitué par la Commission se justifie par la nécessité d'assurer aux entreprises en cause la possibilité de se défendre utilement contre les griefs formulés à leur encontre dans la communication des griefs " (point 38).
31 En l'espèce, il ressort de l'instruction que la Commission n'a pas refusé aux entreprises requérantes l'accès au dossier qu'elle a constitué. Il ressort, en particulier, des pièces versées au dossier par les requérantes elles-mêmes que, conformément aux engagements sus-rappelés, pris par la Commission dans son douzième rapport sur la politique de concurrence, publié en 1982, la communication des griefs comportait, en annexe, une liste récapitulative de l'ensemble des 2095 pièces dont se composait le dossier de la Commission. Il ressort de l'examen de ce document, produit en annexe 6 à la requête déposée devant le Tribunal, qu'il contenait, outre la date d'établissement de chacune des pièces, deux séries d'informations. D'une part, ce document ventilait les pièces dont il s'agit selon leur nature. A cette fin, une classification en quinze rubriques a été notifiée aux requérantes. Le document sous examen comportait, pour chaque pièce ou groupe de pièces, l'indication du ou, le cas échéant, des chiffres-clés qui correspondaient à la rubrique à laquelle elle ou il appartenait. D'autre part, le document examiné précisait, pour chaque pièce ou groupe de pièces, si celle-ci ou celui-ci était accessible aux requérantes (A), partiellement accessible aux requérantes (B) ou non accessible aux requérantes (N).
32 De l'examen du document ainsi analysé, il apparaît que six catégories de documents n'ont pas été rendues accessibles aux requérantes. Il s'agit, en premier lieu, de documents à caractère purement interne à la Commission (pièces 234, 235, 290 à 318, 321, 324 à 335, 337 à 347, 367 à 382, 1329 et 1330, 1535 à 1539, 1543, 1580 à 1589, 1594, 1880 à 1882, 1907 à 1971, 1985 à 2049, 2054 à 2095) ; en deuxième lieu, de certaines correspondances avec des entreprises tierces (pièces 240, 252, 253 à 281, 322 et 323, 336, 348 à 361, 363 à 366, 385, 386 à 395, 1323 à 1328, 1529 et 1530, 1544 à 1546, 1559, 1596 à 1599, 1602 à 1607, 1613 à 1683, 1891 à 1903, 1972 à 1984) ; en troisième lieu, de certaines correspondances avec les Etats membres (pièces 282 à 289, 1690, 1691) ; en quatrième lieu, de certaines études et informations publiées (pièces 1904, 2051 et 2052) ; en cinquième lieu, de certains rapports de vérifications (pièces 399 à 506) ; en sixième lieu, enfin, d'une réponse à une demande de renseignements, effectuée au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (pièce 1699).
33 Il ressort de cet examen que les requérantes ne peuvent utilement se plaindre de ce que la Commission n'a pas rendu accessibles certains documents à caractère purement interne dont le Tribunal a déjà jugé qu'ils n'avaient pas à être communiqués. Une solution identique doit être retenue pour les correspondances avec les Etats membres. Il en est de même pour les études et documents publiés. La même solution doit être retenue en ce qui concerne les rapports de vérifications, la réponse à une demande de renseignements adressée par la Commission, ou certaines correspondances avec les entreprises tierces, dont la Commission a pu légitimement refuser l'accès en se fondant sur leur caractère confidentiel. En effet, une entreprise destinataire d'une communication de griefs, qui se trouve en position dominante sur le marché est, de ce fait, susceptible d'adopter des mesures de rétorsion à l'encontre d'une entreprise concurrente, d'un fournisseur ou d'un client, qui a collaboré à l'instruction menée par la Commission. Enfin, pour la même raison, les requérantes ne peuvent soutenir que c'est à tort que la plainte dont avait été saisie la Commission, sur le fondement de l'article 3 du règlement n° 17, n'a été mise que partiellement à leur disposition (pièces 1 à 233). Par suite, le refus de communication de ces documents, opposé aux requérantes par la Commission, n'est, en l'espèce, pas de nature à affecter la légalité de la décision.
34 En outre, il convient de relever que la Commission, sans être contredite sur ce point au cours de la procédure orale, a établi, dans sa duplique, que la correspondance d'un marchand, à laquelle se réfère le paragraphe 63 de la décision, était annexée à une autre lettre que lui avait adressée BG elle-même. Ainsi, d'une part, BG avait-elle connaissance de la correspondance en cause et, d'autre part, et, en tout état de cause, ce document, coté 1312, était, comme le soutient la Commission, parfaitement accessible aux requérantes, ainsi qu'il ressort de l'annexe 6 à la requête, précédemment décrite. Il convient de relever, par ailleurs, qu'en tout état de cause le rapport de M. May a été mis à la disposition des requérantes, qui ne peuvent tirer aucune conclusion utile, quant à la régularité de la procédure administrative, de ce que l'accès à ce document leur avait été initialement refusé.
35 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la procédure administrative devant la Commission s'est déroulée dans le respect des droits de la défense et qu'en particulier les requérantes, qui ne prétendent d'ailleurs le contraire qu'à titre dubitatif et hypothétique, ont été à même de faire valoir utilement l'ensemble de leurs arguments et moyens de défense lors de l'audition devant la Commission. Il en résulte que le grief des requérantes, tiré d'une violation du respect des droits de la défense, manque donc en fait et doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne l'établissement de l'infraction
36 Les requérantes ont articulé deux moyens relatifs à l'absence d'établissement de l'infraction à l'article 86 du traité. Ces moyens portent, d'une part, sur l'abus de position dominante, l'existence de cette dernière n'étant pas contestée, et, d'autre part, sur l'affectation des échanges entre Etats membres.
I - QUANT A L'ABUS DE POSITION DOMINANTE
37 Le premier moyen, relatif à l'absence d'établissement de l'abus de position dominante, s'articule en trois branches. Il concerne, en premier lieu, les accords de fourniture exclusive et les versements promotionnels ; en deuxième lieu, les fournitures prioritaires de plâtre ; en troisième lieu, les pratiques spécifiques mises en œuvre en Irlande et en Irlande du Nord.
A - Les accords de fourniture exclusive et les versements promotionnels
Acte attaqué
38 Selon l'article 1er de la décision, BG a, entre juillet 1985 et août 1986, enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de sa position dominante pour la fourniture de plaques de plâtre en Grande-Bretagne, par un système de versements promotionnels aux marchands de matériaux de construction qui acceptaient de s'approvisionner exclusivement auprès d'elle.
39 La décision (points 58, 60-64, 68 et 69) relève que BG a, de janvier à juin 1985, conçu un système prévoyant des versements réguliers aux marchands disposés à s'approvisionner exclusivement auprès d'elle. Ces versements devaient se faire sous forme de contributions régulières de BG aux dépenses de publicité et de promotion de ces commerçants. Les conditions de cette formule devaient être négociées au niveau le plus élevé et ne seraient pas divulguées. En contrepartie de ces versements promotionnels, les marchands devaient s'engager à s'approvisionner exclusivement auprès de BG. Le 2 juillet 1985, ou même avant, BG a décidé de proposer le système à un client très important, qui se voyait contraint de reconsidérer sa politique d'achat, eu égard à la concurrence qu'il subissait de la part d'autres commerçants qui vendaient des plaques de plâtre de Lafarge et d'Iberian. Des versements mensuels en livres sterling ont été effectués, à compter d'août 1985. Par la suite, des arrangements analogues ont été proposés à d'autres négociants qui tous, à une seule exception, faisaient ou avaient fait le commerce de plaques de plâtre de Lafarge ou d'Iberian. Des versements mensuels ont été effectués en faveur de ces négociants. Ces versements, basés sur des conventions verbales ou des échanges de lettres, ont été assortis de conditions, notamment l'obligation imposée aux bénéficiaires de n'acheter que les seules plaques de plâtre de BG. A compter de septembre 1986, BG a progressivement cessé les versements aux commerçants, lorsqu'elle a mis en place un système d'incitation au stockage (Super Stockist Scheme).
40 La décision (points 123, 124 et 127) conclut qu'en réponse à la concurrence, BG a adopté une politique consistant à rétribuer la " fidélité " de ses clients qui s'approvisionnaient exclusivement chez elle. L'offre de versements promotionnels à certains marchands sélectionnés, plutôt que dans le cadre d'un système général, fondé sur des critères objectifs, a servi à resserrer encore les relations commerciales étroites entre BG et les bénéficiaires des versements, en renforçant, par le caractère exclusif du système, les liens entre BG et ces clients. L'exclusivité ou la " fidélité " ont constitué un objectif en elles-mêmes, leur but étant d'empêcher les marchands en question d'acheter et de vendre des plaques de plâtre importées.
41 Selon la décision (points 128 et 129), les versements effectués par BG ont été la cause immédiate de la décision des négociants de cesser de faire le commerce des plaques de plâtre importées. Les accords d'exclusivité signifiaient que les marchands se liaient à BG pour l'avenir, ce qui constituait de sa part un abus de position dominante.
Arguments des parties
42 Les requérantes soutiennent que la Commission a conclu à tort que BG a mis en place un système de versements aux marchands, dont l'un des objets était de s'assurer l'exclusivité d'achat de leur part. Elles contestent que les accords de fourniture qui ont été appliqués entre juillet 1985 et août 1986 aient pu équivaloir à un abus de position dominante. A cet égard, elles font valoir plusieurs arguments.
43 Elles estiment tout d'abord qu'il s'agissait d'accords de vente normaux, négociés ad hoc avec des clients individuels, sur des bases qui sont de pratique courante chez les fournisseurs de matériaux de construction au Royaume-Uni, et ce en réponse à la puissance d'achat croissante des marchands. Le système, s'insérant dans un contexte où la fidélité à la marque serait faible, comportait une offre d'effectuer des versements réguliers aux marchands, sous la forme de contributions à leurs dépenses de publicité et de promotion, sous réserve du respect d'un certain nombre de conditions, parmi lesquelles celles de stocker une large gamme de plaques de plâtre et d'entreprendre des activités promotionnelles.
44 Selon les requérantes, la Commission a conclu à tort, des documents auxquels le point 58 de la décision fait référence, que l'objet principal de ces versements aurait été d'assurer l'exclusivité d'achat de la part des marchands et, par conséquent, de fermer ce marché à la concurrence étrangère. En fait, ces documents ne concerneraient qu'une simple discussion de plans et stratégies possibles et ne pourraient, en eux-mêmes, révéler une infraction aux règles de concurrence. La référence à l'exclusivité ne serait que la réponse à des marchands qui proposaient des formules d'approvisionnement exclusif. Le système aurait été ainsi une réponse à des clients de BG, visant à récompenser leur fidélité et ayant pour objectif premier d'établir des liens étroits avec des clients appréciés de longue date, dans un environnement concurrentiel mouvant en raison de la puissance d'achat croissante de ces clients. Les requérantes contestent que l'exclusivité ait été une condition sine qua non pour qu'un marchand puisse bénéficier d'un soutien promotionnel. A cet égard, elles font référence à une société qui aurait bénéficié d'un tel soutien, tout en continuant d'importer des plaques de plâtre d'origine espagnole. Ainsi, il ressortirait clairement du dossier que toutes les conditions prévues par la version initiale du projet n'ont pas été mises en vigueur.
45 Les requérantes soulignent ensuite que BG n'a pas pratiqué de discrimination entre les marchands qui ont conclu un accord de versements promotionnels et ceux qui ne l'ont pas fait. Elles relèvent, à cet égard, que les marchands qui ont traité avec Iberian n'ont jamais cessé de traiter avec BG et que les versements promotionnels n'ont pas entraîné la rupture des relations avec les marchands qui ne les ont pas acceptés. L'attitude des marchands consistant à ne pas commander de plaques de plâtre importées après l'acceptation des versements promotionnels pourrait avoir été inspirée par d'autres facteurs, tels que des difficultés d'approvisionnement en plaques de plâtre importées, ainsi que la qualité et le nombre limité des dimensions et des types des plaques de plâtre importées.
46 Contrairement à la conclusion à laquelle la Commission parvient au point 129 de la décision, les requérantes nient que les marchands se liaient à BG pour l'avenir. Selon elles, ils étaient libres de résilier, à tout moment, leurs arrangements contractuels avec BG ou de refuser les versements promotionnels et de continuer à vendre des plaques de plâtre importées.
47 Les requérantes soulignent, en outre, qu'en tant que principal fournisseur de plaques de plâtre sur le marché du Royaume-Uni, BG a la responsabilité de faire en sorte que la distribution des plaques de plâtre soit maintenue sur une base régulière et fiable. La fidélité des marchands, recherchée par BG, aurait été nécessaire pour permettre à celle-ci d'assurer avec continuité et régularité les approvisionnements sur l'ensemble du marché, aux conditions les plus avantageuses. Or, cela aurait été impossible si les produits les plus demandés avaient pu être proposés avec une légère remise aux plus gros clients de BG par Iberian, ne laissant à BG que les produits et les points de vente les moins rentables. Les requérantes estiment que ce comportement de BG a contribué à améliorer la distribution des plaques de plâtre au Royaume-Uni. Elles considèrent, en outre, que des livraisons de plaques de plâtre d'origine espagnole, caractérisées comme elles l'étaient par des prix peu élevés, par le fait qu'elles étaient limitées à quelques dimensions fortement demandées et par le manque de régularité des livraisons, représentaient une menace pour l'approvisionnement adéquat du marché du Royaume-Uni, dans son ensemble.
48 Par ailleurs, se référant à l'arrêt de la Cour du 13 février 1979 (Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461), les requérantes estiment que les accords promotionnels conclus avec les marchands remplissent les conditions d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. L'absence de notification ne constituerait pas un obstacle à l'exemption, dès lors que, selon l'arrêt de la Cour du 18 mars 1970 (Bilger, 43-69, Rec. p. 127), un contrat conclu entre un producteur et un détaillant établis dans un même Etat membre, par lequel le dernier s'engage à se fournir exclusivement auprès du premier, est dispensé de notification. Selon les requérantes, la Commission a préjugé la question en déclarant qu'aucune dérogation n'était permise.
49 A l'encontre des arguments de la Commission, selon lesquels les marchands ont été empêchés de constituer des stocks suffisants de produits concurrents, les requérantes soulignent que cet argument ne serait fondé que si BG exigeait des marchands une gamme de plaques de plâtre anormalement étendue, ce qui réduirait l'espace réservé au stockage des dimensions les plus demandées, seules à être importées. Or, cela n'aurait pas été le cas.
50 Les requérantes font valoir que la thèse de la Commission, selon laquelle une relation d'exclusivité serait établie dès lors qu'une entreprise renonce à commercer avec des tiers, même si cette renonciation porte sur une quantité limitée de ses besoins, vise à modifier le fondement de la décision. Elles estiment qu'une interprétation aussi large de la notion d'exclusivité n'a de fondement ni en droit ni en pratique. Selon les requérantes, le fait d'établir des relations commerciales à long terme avec certains fournisseurs constitue une pratique admise et il est inhérent à la concurrence que la conclusion d'un contrat avec un fournisseur rende impossible sa conclusion par un autre fournisseur. L'exclusivité, ou la quasi-exclusivité, signifie, selon elles, qu'un marchand a l'obligation d'acheter la totalité ou la plus grande partie des articles dont il a besoin à un fournisseur donné. Dès lors, il serait erroné d'affirmer, comme le fait la Commission, que le souci d'encourager la fidélité ou le resserrement des liens avec les marchands aurait débouché, en pratique, sur un accord entre BG et cette clientèle, en vertu duquel celle-ci se serait engagée à se procurer auprès de BG une certaine proportion des articles dont elle avait besoin.
51 Les requérantes soulignent encore que le fait que BG n'a pas exercé de discrimination au détriment des clients qui achetaient des plaques de plâtre importées montre que le système ne visait pas à lier les marchands. Les versements promotionnels auraient été sans rapport avec des arrangements concernant des remises. Dans la mesure où ils visaient à récompenser les marchands des efforts de promotion qu'ils avaient déployés, ces versements ne seraient pas assimilables à l'octroi de conditions plus avantageuses à ces marchands.
52 Les requérantes soutiennent, enfin, qu'il est inexact d'affirmer que le système de versements promotionnels constituait une réaction à la menace d'importations ou qu'il avait pour but de dissuader Iberian d'importer ou de l'affaiblir. Le système aurait visé à consolider la place des produits à base de gypse, au détriment des produits autres que le gypse et non au détriment des plaques de plâtre importées en tant que telles, alors que la fidélité à la marque était faible. En outre, dès lors que les versements promotionnels effectués étaient subordonnés à la condition que les marchands achètent des plaques de plâtre exclusivement auprès de BG, il importerait peu qu'après l'exécution des versements promotionnels il ait été donné des instructions de ne pas passer d'autres commandes de plaques de plâtre importées.
53 La Commission, pour sa part, souligne liminairement que c'est la tentative de BG, entreprise en position dominante, de fidéliser les marchands, afin d'empêcher la livraison de certains produits concurrents qu'elle a qualifiée, dans la décision, d'abus de position dominante. Selon la Commission, il importe peu que les versements promotionnels effectués correspondent à une pratique courante. Même une pratique courante pourrait être abusive, lorsqu'elle est mise en œuvre par une entreprise en position dominante.
54 En ce qui concerne la finalité du système, la Commission estime qu'un accord visant à réserver une proportion déterminée de l'offre ou de la demande à une ou plusieurs parties est restrictif de la concurrence, indépendamment du pourcentage des besoins totaux de l'acheteur ou du vendeur couvert par l'accord. Le caractère restrictif de l'exclusivité résiderait non pas dans l'exclusion éventuellement totale de la demande de l'entreprise mais dans l'abandon par l'entreprise de son libre choix de partenaires contractuels pour les quantités réservées au titre de l'accord de loyauté ou de fidélité, indépendamment de la question de savoir si ces quantités portent sur 80, 60 ou même 30 % des marchandises dont a besoin l'acheteur. La Commission rappelle, à cet égard, que BG cherchait à établir un lien avec ses clients impliquant l'exclusion des plaques de plâtre importées et que la fidélité - même relative -, condition d'obtention des primes, équivalait à une exclusivité. Selon la Commission, il serait sans importance que les accords promotionnels puissent avoir eu d'autres objectifs que la seule exclusivité ou fidélité ; il serait même inutile de se demander si cet objectif revêtait un caractère principal ou accessoire, dès lors qu'il suffirait, pour constater l'existence d'un abus, que l'exclusivité constitue un des buts des accords. Au cours de la procédure orale, la Commission a souligné que l'idée de ces primes de fidélité a été avancée pour la première fois dans une note interne du 16 janvier 1985. Il ressortirait de cette note - ainsi que de celle du 1er mai 1985 - que la première condition exigée pour en bénéficier serait de s'approvisionner exclusivement auprès de BG. Enfin, dans le compte rendu de la réunion où la question des importations aurait été discutée, la seule réponse, donnée par le président, lorsque l'idée a été présentée, aurait été : " Look into ways of getting exclusivity " (" Oui, examinons des moyens d'obtenir l'exclusivité ").
55 En ce qui concerne la question de savoir si BG a pratiqué une discrimination entre les marchands qui avaient souscrit un accord en vue d'obtenir des versements promotionnels et ceux qui ne l'avaient pas fait, la Commission rappelle que cet argument est dépourvu de pertinence, dès lors que la décision n'affirme nullement que BG aurait commis un abus en pratiquant une discrimination entre ses clients.
56 Quant aux effets pour l'avenir des versements promotionnels, la Commission fait valoir que les accords récompensaient la fidélité passée et que les marchands devaient mériter les primes offertes. La possibilité de mettre fin à tout moment à ces accords ne supprimerait pas leur caractère abusif. La Commission estime, en outre, que l'affirmation des requérantes, selon laquelle ce sont les marchands qui auraient demandé des primes de promotion, est contredite par l'instruction menée, de laquelle il ressort que BG a discuté et prévu un système de versements dont l'une des conditions était l'exclusivité. En tout état de cause, la Commission souligne qu'une entreprise en position dominante se rend coupable d'une tentative d'exclusion d'un concurrent, non seulement lorsqu'elle impose des accords exclusifs, mais également lorsqu'elle accepte de participer à de tels accords après avoir été sollicitée par ses clients.
57 En ce qui concerne l'invocation du bénéfice de l'exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, la Commission rappelle que la décision n'est pas fondée sur l'article 85, mais sur l'article 86 du traité. En tout état de cause, les conditions pour bénéficier d'une exemption - que les requérantes n'auraient d'ailleurs jamais sollicitée - n'étaient, de l'avis de la Commission, manifestement pas remplies.
58 Quant au comportement d'Iberian, la Commission rappelle que, quelles que soient les conditions dans lesquelles Iberian a introduit les plaques de plâtre sur le marché, son comportement ne pouvait autoriser BG à s'ériger, par le biais de formules d'exclusivité, en gardienne de la régularité et de la fiabilité des livraisons des plaques de plâtre, prétendument menacées par cette stratégie d'Iberian.
59 L'argument des requérantes, selon lequel le système de versements promotionnels mettrait en valeur les produits à base de gypse et non pas les produits de BG, est rejeté par la Commission. D'une part, elle doute, sur la base de la déposition de M. Clark, jointe à la requête, que la fidélité à la marque des produits de plâtre soit aussi limitée que le prétendent les requérantes. D'autre part, la Commission souligne que l'on ne peut dissocier les deux objectifs recherchés par le système tendant à assurer la fidélité des clients, à savoir le souci de s'assurer une exclusivité d'achat de leur part et la volonté d'empêcher des importations de plaques de plâtre. La fidélité tendrait à l'exclusion, quelle que soit l'intention ou le mobile sous-jacent.
60 Le gouvernement espagnol estime, en se référant, entre autres, au paragraphe 59 de la décision, que les documents internes de BG, auxquels la Commission a eu accès, démontrent que l'intention de BG était de lier ses clients en leur versant des primes en échange d'une exclusivité d'achat, afin de récupérer ainsi la part du marché perdu au bénéfice des importateurs. Même sans ces preuves, ce but ressortirait du contexte dans lequel les pratiques de BG se sont développées. Le gouvernement espagnol rappelle, à cet égard, que ces primes de fidélité constituent une pratique expressément interdite par l'article 86, sous c), du traité CEE, ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt du 13 février 1979 (Hoffmann-La Roche, 85-76, précité).
61 La partie intervenante Iberian, pour sa part, fait valoir que des primes de fidélité versées par un fournisseur dominant à ses clients ont un effet d'exclusion et qu'elle en a fait l'expérience, en découvrant que l'accès à de nouveaux clients lui était fermé. Lors de la procédure orale, elle a ajouté que les pratiques de BG l'ont conduite à cesser toute activité relative au commerce des plaques de plâtre au Royaume-Uni et en Irlande.
Appréciation du Tribunal
Quant à la matérialité des faits
62 Il ressort de l'instruction, et notamment de la note susvisée du 16 janvier 1985, produite par les requérantes elles-mêmes, en annexe 13 à la requête, et du procès-verbal du Senior Management Comittee (" comité directeur ") de BG, produit par les requérantes, en annexe 14 à la requête, et à laquelle la décision se réfère au point 58, qu'au début de l'année 1985, une discussion a eu lieu au sein de BG concernant la stratégie à adopter face à la concurrence des plaques de plâtre importées de France et d'Espagne. Le directeur général a, lors de la réunion du Senior Management Comittee, donné pour instruction au directeur commercial " to give adequate consideration in formulating the marketing strategy of how to reward loyalty to those merchants who remained exclusively with " BG (" prendre les mesures adéquates, lors de l'adoption de la stratégie commerciale, permettant de récompenser la fidélité des marchands qui s'approvisionneraient exclusivement chez " BG). Au même moment, le directeur commercial a eu le sentiment qu'il était opportun d'appuyer les marchands qui étaient prêts à coopérer avec BG, ainsi qu'il ressort de la note susvisée, selon laquelle " The merchant should buy his plasterboard, and accessories if appropriate, from us exclusively " (" les marchands devraient acheter leurs plaques de plâtre, et, si nécessaire, les produits accessoires, exclusivement chez nous "). Dans une note du 1er mai 1985, produite par les requérantes en annexe 15 à la requête, et à laquelle la décision se réfère au poi t 59, le directeur commercial de BG, en se référant à des discussions au sein de l'Executive Meeting (" comité exécutif "), a esquissé les conditions que celle-ci voudrait voir négocier. La première de ces conditions était l'exclusivité, en ce sens que le marchand devait s'engager à acheter toutes ses plaques de plâtre, ainsi que les produits liés, uniquement auprès de BG. Selon cette note, cette action préviendrait la perte d'autres clients et permettrait, en même temps, de récupérer la part de marché cédée par BG à ses concurrents.
63 Même si BG souligne que les documents auxquels fait référence le point 58 de la décision ne constituaient que des éléments d'une discussion sur les plans et stratégies possibles, il ressort des pièces du dossier, et BG ne le conteste pas sérieusement, qu'à partir de juillet 1985, elle a mis en œuvre la stratégie commerciale arrêtée au cours des mois précédents et conclu des contrats individuels, verbaux ou écrits, avec, en particulier, des négociants qui faisaient ou avaient fait le commerce de plaques de plâtre de Lafarge ou d'Iberian. Ainsi qu'il ressort notamment, d'une part, du point 68 de la décision, dont l'exactitude n'a pas été contestée, et selon lequel BG a, au cours de la procédure devant la Commission, remis des copies de lettres offrant et acceptant des versements mensuels et, d'autre part, de la correspondance d'un marchand du 23 décembre 1985, précédemment visée, produite en annexe A à la duplique, et par laquelle ce commerçant faisait connaître à BG son accord pour des versements promotionnels de 500 livres sterling par mois en contrepartie d'un engagement d'approvisionnement exclusif auprès de BG, ces négociants s'engageaient, entre autres, à acheter des plaques de plâtre exclusivement auprès de BG, tandis que BG s'engageait à effectuer périodiquement à leur profit des versements promotionnels. A compter de septembre 1986, BG a progressivement cessé les versements promotionnels, lorsqu'elle a mis en place un système d'incitation au stockage (Super stockist scheme).
64 C'est à la lumière de ces données de fait qu'il y a lieu d'examiner si les contrats litigieux étaient constitutifs d'une exploitation abusive de la position dominante détenue par BG.
Quant au caractère abusif des engagements d'achat exclusif
65 Le Tribunal estime, liminairement, que c'est à juste titre que les requérantes soutiennent que les pratiques de versements promotionnels aux acheteurs constituent des pratiques courantes de coopération commerciale entre un fournisseur et ses distributeurs. En situation normale de marché concurrentiel, ces contrats sont conclus dans l'intérêt des deux parties. En effet, par de telles pratiques, le fournisseur tente de s'assurer la sécurité de ses ventes en fidélisant la demande, tandis que le distributeur bénéficie, pour sa part, d'une sécurité d'approvisionnement et de prestations commerciales annexes.
66 Il n'est pas rare que de telles actions de coopération commerciale aient pour contrepartie un engagement d'achat exclusif conclu par le bénéficiaire de ces versements ou de ces prestations à l'égard de son fournisseur. De tels engagements d'achats exclusifs ne sauraient être, par principe, prohibés. En effet, comme le Tribunal l'a rappelé dans son arrêt du 2 juillet 1992 (arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931), l'appréciation des effets de tels engagements sur le fonctionnement du marché concerné dépend des caractéristiques de ce marché. Comme la Cour l'a jugé (arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis/Henninger Brau, C-234-89, Rec. p. I-935), il y a lieu, en principe, d'apprécier les effets sur le marché de tels engagements dans leur contexte spécifique.
67 Mais ces considérations, applicables en situation normale de marché concurrentiel, ne sauraient être admises sans réserve dans le cas d'un marché où, du fait précisément de la position dominante détenue par l'un des opérateurs, la concurrence est déjà restreinte. En effet, il incombe à l'entreprise en position dominante une responsabilité particulière, celle de ne pas porter atteinte à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/ Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 57).
68 Or, s'agissant de la nature de l'obligation litigieuse, le Tribunal rappelle que, comme la Cour a eu l'occasion de le juger, le fait, pour une entreprise se trouvant en position dominante, de lier - fût-ce à leur demande - des acheteurs par une obligation ou une promesse de se fournir, pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins, exclusivement auprès de ladite entreprise, constitue une exploitation abusive de cette position, au sens de l'article 86 du traité CEE, soit que l'obligation en question soit stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi de rabais(arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche, 85-76, précité, point 89 ; arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62-86, Rec. p. I-3359, point 149). Cette solution est justifiée par le fait que lorsque, comme en l'espèce, un opérateur dispose d'une forte position sur le marché, la conclusion de contrats de fourniture exclusive concernant une proportion importante des achats constitue une entrave inacceptable à l'entrée sur ce marché. La circonstance, à la supposer établie, que les versements promotionnels constituaient une réponse aux demandes et à la puissance d'achat croissante des marchands ne justifie, en aucun cas, l'inclusion, dans les contrats de fourniture en cause, d'une clause d'exclusivité. Par suite, les requérantes ne peuvent soutenir que la Commission n'a pas établi le caractère abusif de la pratique en cause, sans qu'il soit besoin de trancher le débat entre les parties sur la notion d'exclusivité d'achat, dès lors qu'en tout état de cause il ressort effectivement de l'instruction que la stipulation litigieuse portait sur la totalité ou la quasi-totalité des achats des clients.
69 Si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, l'on ne peut cependant admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser(voir l'arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207). Il s'ensuit que ni l'argument selon lequel BG avait le devoir d'assurer la continuité et la régularité des approvisionnements, ni l'argument tiré des pratiques commerciales d'Iberian ne peuvent être accueillis (voir l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 118 et l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission, 226-84, Rec. p. 3263).
70 Le Tribunal rappelle, en outre, que la notion d'exploitation abusive est une notion objective (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche, 85/76, précité, point 91) et que, dès lors, le comportement d'une entreprise en position dominante peut être considéré comme abusif, au sens de l'article 86 du traité CEE, en dehors de toute faute. Par suite, l'argument des requérantes, selon lequel BG n'aurait jamais eu l'intention de décourager ou d'affaiblir Iberian, est sans incidence sur la qualification juridique des faits.
71 En admettant même que l'un des objectifs de ce système aurait pu être, comme le soutiennent les requérantes, de stimuler la promotion de produits à base de gypse en général, force est de constater qu'il aboutit à l'octroi de versements qui dépendent strictement de la fidélité exclusive à BG et présentent, dès lors, un caractère abusif, quelle que soit l'appréciation à porter sur le bien-fondé de l'argument tiré d'une absence de fidélité à la marque.
72 De même, les requérantes ne sauraient-elles justifier par les difficultés d'approvisionnement de leurs concurrents les engagements de fourniture exclusive qu'elles ont fait souscrire, dès lors qu'elles ne peuvent raisonnablement soutenir que leurs clients n'auraient pas été à même de tirer les conséquences, quant à leur politique commerciale, de ces difficultés.
73 Quant à l'argument tiré de ce que les marchands disposaient de la faculté de rompre, à tout moment, leurs relations contractuelles avec BG, il est inopérant, dès lors que le droit de résiliation d'un contrat ne fait nullement obstacle à son application effective, aussi longtemps qu'il n'a pas été fait usage de la faculté de résiliation. A cet égard, il convient de relever qu'une entreprise en position dominante dispose d'un pouvoir susceptible de lui permettre d'imposer à ses clients non seulement la conclusion de tels contrats, mais aussi leur maintien, rendant ainsi, en fait, illusoire la possibilité juridique de résiliation.
74 Quant à l'argument selon lequel BG n'a pas pratiqué de discrimination entre les marchands, il suffit de constater que la décision ne contient nullement un tel reproche et que, dès lors, cet argument est inopérant.
75 S'agissant, enfin, de l'argument relatif à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, le Tribunal rappelle, d'une part, que la décision concerne non pas l'application de l'article 85 du traité CEE, mais l'application de son article 86 et, d'autre part, et en tout état de cause, qu'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne préjuge en rien l'application de l'article 86 (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission, T-51-89, Rec. p. II-309).
76 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission a conclu à tort que le système de versements aux marchands, dont l'un des objets était de s'assurer l'exclusivité des achats effectués par eux, constitue un abus de position dominante, au sens de l'article 86 du traité CEE.
77 La première branche du moyen relatif à la contestation de l'abus de position dominante doit, par suite, être écartée.
B - Les fournitures prioritaires de plâtre
Acte attaqué
78 Selon l'article 2 de la décision, BG a enfreint, en juillet et août 1985, " l'article 86 du traité CEE en mettant en œuvre une politique visant à favoriser les clients qui ne faisaient pas le commerce des plaques de plâtre importées et consistant à honorer en priorité les commandes de plâtre de construction en période d'allongement des délais de livraison pour ce produit, ce qui a constitué un abus de sa position dominante pour la fourniture de plaques de plâtre en Grande-Bretagne ".
79 Il ressort des points 81 à 85 et 141 à 147 de la décision qu'au mois de juillet 1985, BG a conçu et appliqué un système de livraisons prioritaires de plâtre à ses clients dits " fidèles ", c'est-à-dire à ceux qui ne faisaient pas le commerce de plaques de plâtre importées. Selon une note de BG du 29 juillet 1985, produite en annexe 20 à la requête et citée partiellement au point 81 de la décision :
" In an effort to try to control the situation and also to create a position whereby we can help those loyal merchants who have not regularly bought and stocked imported plasterboard, arrangements have been made for us to accomodate a small number of priority requests. Any priority deliveries will be arranged largely at the expense of stockists of imported material and the Sales Offices have been provided with a list of customers who we know carry stocks and deal in either French or Spanish plasterboard " (" Dans le souci de tenter de contrôler la situation et également de mettre en place des conditions dans lesquelles nous pouvons aider les négociants fidèles qui n'ont pas régulièrement acheté et stocké de plaques de plâtre importées, des dispositions ont été prises pour que nous honorions un petit nombre de demandes prioritaires. Toute priorité de livraison sera accordée essentiellement aux dépens des marchands qui stockent des matériaux importés et nos bureaux de vente se sont vus adresser une liste des acheteurs dont nous savons qu'ils stockent ou vendent des plaques de plâtres importées de France ou d'Espagne ")
80 Selon la décision, une telle pratique avait pour objet et pour effet d'évincer du marché les concurrents de BG qui mettaient sur le marché des plaques de plâtre importées.
81 Dans la décision, la Commission estime que cette pratique, dont certains clients " non fidèles " ont été informés à titre individuel par BG et qui a été exposée dans une déclaration d'un représentant de BG à la presse, constituait un abus de position dominante, dès lors que le critère de sélection des négociants qui pouvaient bénéficier des livraisons prioritaires n'était pas objectif mais conçu pour récompenser les commerçants qui vendaient exclusivement des plaques de plâtre de BG.
Arguments des parties
82 Les requérantes estiment erronée l'allégation de la Commission, selon laquelle l'adoption et la mise en œuvre d'une politique consistant à honorer en priorité les commandes de plâtre des clients qui ne stockaient pas de plaques de plâtre importées constitueraient une exploitation abusive de la position dominante de BG. En effet, la Commission n'aurait pas établi que BG détenait une position dominante sur le marché du plâtre. Elle ne pourrait donc prétendre que BG utilisait le marché du plâtre pour abuser de sa position dominante sur le marché des plaques de plâtre.
83 Selon les requérantes, la Commission n'aurait établi ni que BG a mis en place un système de fournitures prioritaires, ni que les marchands qui faisaient le commerce des plaques de plâtre importées ont eu à subir des retards dans les livraisons de BG, à raison de leurs importations. En outre, les requérantes n'admettent pas que leur ligne de conduite, consistant à conférer temporairement une préférence à leurs clients fidèles aurait été en quoi que ce soit abusive. Elles exposent d'ailleurs que la conclusion énoncée au point 81 de la décision, selon laquelle " pour honorer le cas échéant une commande prioritaire, il y aurait lieu de retarder une livraison destinée à un marchand figurant sur la liste ", est inexacte.
84 Les requérantes expliquent qu'en juillet 1985 l'objectif de livraison dans les trois jours ne pouvait pas être réalisé et que, par conséquent, un délai de livraison de quatre jours a été fixé pour tous les clients, même pour les clients qui avaient éventuellement acheté des plaques de plâtre d'origine espagnole. Selon les requérantes, la directive donnée aux agents était que, s'il se présentait une situation dans laquelle deux marchands demandaient à être fournis prioritairement, l'un achetant des plaques de plâtre d'origine espagnole et l'autre achetant des plaques de plâtre à BG et que la production ne suffisait que pour un seul chargement, le client choisi serait celui qui entretenait des relations commerciales complètes avec BG.
85 Selon BG, il n'y avait en cela aucune intention particulière d'accélérer la fourniture de plâtre aux clients fidèles. En pratique, les besoins normaux des clients auraient été satisfaits pendant la période en cause. Aucun client, qu'il ait été ou non un acheteur exclusif de plaques de plâtre de BG, n'aurait subi un retard inutile ou injustifié. Les requérantes contestent que la livraison prioritaire de plâtre dans le délai d'un jour soit un atout important, même en période de pénurie. L'égalité de traitement des clients, invoquée par la Commission, serait illusoire en période de pénurie et des priorités devraient nécessairement être définies.
86 Lors de l'audience, les requérantes ont expliqué les conditions dans lesquelles la livraison d'une commande prioritaire de plâtre d'un client qui, dans le passé, n'avait pas été " loyal " vis-à-vis de BG, avait été retardée. Elles ont souligné que cette commande avait été livrée avec seulement un jour de retard. Selon les requérantes, il y avait donc un avantage hypothétique et de portée très limitée pour les clients " loyaux ".
87 La Commission soutient que, contrairement à l'affirmation des requérantes, l'abus constaté est sans rapport avec la position des requérantes sur le marché du plâtre. La Commission n'aurait d'ailleurs jamais affirmé que BG était dominante sur ce marché. L'octroi de priorités dans la livraison de plâtre ne serait que l'un des avantages procurés par BG à ses clients, dans le but de s'assurer l'exclusivité des livraisons de plaques de plâtre.
88 La Commission admet que les délais supplémentaires imposés aux marchands qui ne faisaient pas preuve de loyauté ne dépassaient pas un jour. Ce serait, d'ailleurs, la raison pour laquelle aucune amende n'a été infligée pour cet abus. La Commission estime cependant qu'en tant qu'entreprise en position dominante, BG a eu un comportement abusif en tentant de s'assurer la fidélité des marchands. Selon elle, la garantie de cette fidélité était la priorité de la livraison, précieuse en période de pénurie. Or, une entreprise dominante devrait faire de l'égalité du traitement des clients une règle essentielle de son comportement et la fidélité ne saurait justifier l'inobservation de cette règle. Cela reviendrait manifestement à appliquer des conditions inégales à des prestations équivalentes.
89 La Commission considère que BG a fait usage de sa puissance financière pour offrir des conditions plus favorables à ses clients fidèles et pour exclure ainsi un concurrent. Selon la défenderesse, les conditions plus favorables peuvent consister en un rabais, mais elles peuvent également consister en l'octroi direct ou indirect d'autres avantages, afin de s'assurer l'exclusivité des livraisons de plaques de plâtre. L'octroi de priorités pour la livraison de plâtre ferait partie de ces avantages.
90 Selon le gouvernement espagnol, l'allégation des requérantes, selon laquelle la Commission n'aurait pas établi l'existence d'une position dominante de BG sur le marché du plâtre, est difficile à comprendre. Il ressortirait, en effet, de la décision que tant la position dominante de BG que l'abus de cette position se rapportent au marché des plaques de plâtre. En outre, la circonstance que la préférence donnée aux clients habituels en période de pénurie serait un usage courant n'exclurait pas que cette pratique puisse être abusive lorsque, comme en l'espèce, elle viserait à renforcer l'effet produit par d'autres mesures ayant un objectif précis, en l'occurrence celui de faire obstacle aux importations.
91 Iberian fait valoir qu'un système de fourniture prioritaire est exclusif par nature. Elle souligne que l'influence tant économique que psychologique exercée par une société dominante est de nature à rendre tout manquement aux règles de concurrence extrêmement préjudiciable aux entreprises qui entrent en concurrence avec une telle société. Même si les retards de livraison ne dépassaient jamais un jour ou si la pénurie ne durait pas, ces circonstances n'auraient pas diminué l'effet d'éviction résultant du comportement des requérantes.
Appréciation du Tribunal
92 Le Tribunal relève, en premier lieu, que l'analyse du marché de référence figure, du point de vue de sa définition par produit, aux points 13 à 20 et 106 à 109 de la décision. Selon le point 106, " la présente affaire concerne le comportement commercial de BPB, en tant que fournisseur de plaques de plâtre, et ses effets sur la concurrence et le commerce sur le marché des plaques de plâtre, en particulier à l'égard des fournisseurs concurrents de ce produit. A priori, c'est donc la plaque de plâtre qui est à considérer comme le produit en cause ". C'est donc à juste titre que la Commission soutient que la question de savoir si BG est en position dominante sur le marché du plâtre est sans pertinence pour la solution du litige.
93 Le Tribunal estime que, pour que les pratiques mises en œuvre sur le marché du plâtre soient susceptibles d'avoir pour objet ou pour effet d'altérer la concurrence sur le marché de la fourniture de plaques de plâtre, il est nécessaire, d'une part, que des opérateurs économiques autres que BG, et spécialement les distributeurs victimes des pratiques alléguées, soient présents sur l'un et l'autre des deux marchés - ce qui n'est pas contesté - et, d'autre part, que le fonctionnement du marché du plâtre présente certaines caractéristiques particulières. A cet égard, la décision relève, aux points 143 et 146, que l'effet de la pratique incriminée est d'autant plus efficace que les possibilités de substitution dont disposent les acheteurs dans leurs approvisionnements sur le marché du plâtre sont faibles, en raison des caractéristiques techniques du produit qui limitent notoirement les possibilités de substitution et de changement de fournisseur, et placent les clients, sur le marché du plâtre, en situation de dépendance à l'égard de leur fournisseur. Par ailleurs, l'erreur alléguée figurant au point 81 de la décision, à la supposer établie, n'a pu avoir aucune incidence sur le raisonnement tenu par la Commission. Dès lors, les marchands ne pouvaient se soustraire, à des conditions équivalentes pour eux, aux délais de livraison du plâtre qui leur étaient imposés par leur fournisseur BG. Par suite, la pratique mise en œuvre, en ce qu'elle pénalisait ceux de ses acheteurs de plâtre qui ne lui étaient pas " fidèles " sur le marché des plaques de plâtre, avait bien pour objet d'affecter le fonctionnement de ce marché.
94 Quant au caractère abusif de la pratique incriminée, le Tribunal relève que si, comme le soutiennent les requérantes, il est loisible à une entreprise en position dominante et il est d'ailleurs de politique commerciale normale, en période de pénurie, de définir des critères de priorité de satisfaction des commandes, ces critères doivent être objectifs et ne présenter aucun caractère discriminatoire. Ils doivent être objectivement justifiés, dans le cadre du respect des règles qui gouvernent une concurrence loyale entre opérateurs économiques. En effet, l'article 86 du traité interdit à une entreprise dominante de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO, C-62-86, précité, points 69 et 70). Tel n'est pas le cas du critère retenu en l'espèce par BG, lequel reposait sur la distinction entre, d'une part, les clients qui commercialisaient des plaques de plâtre importées et produites par certains de ses concurrents et, d'autre part, les clients " fidèles " qui s'approvisionnaient auprès de BG. Un tel critère, qui consiste à assurer des prestations équivalentes à des conditions inégales, présente, en lui-même, un caractère anticoncurrentiel à raison de l'objet discriminatoire qu'il poursuit et de l'effet d'éviction susceptible d'en résulter. Cette conclusion n'est pas susceptible d'être remise en cause en raison du caractère limité de la période de l'été 1985, au cours de laquelle a été commis l'abus, non plus que par la circonstance alléguée que les retards de livraison imposés à certains clients par rapport aux clients dits " fidèles " ne pouvaient excéder un jour. Ces éléments ont d'ailleurs été pris en considération par la Commission qui n'a pas infligé d'amende, de ce chef, à BG.
95 Au surplus, le Tribunal rappelle que, s'agissant de comportements d'une entreprise en position dominante sur un marché où, de ce seul fait, la structure concurrentielle est déjà affaiblie, toute restriction supplémentaire de cette structure concurrentielle est susceptible de constituer une exploitation abusive de la position dominante ainsi acquise (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann - La Roche, 85-76, précité).
96 Il s'ensuit que l'exclusion des concurrents recherchée par BG, grâce à la priorité accordée aux commandes de plâtre présentées par des clients qui ne faisaient pas le commerce de plaques de plâtre importées, pratique dont la mise en œuvre ne peut sérieusement être niée, ainsi qu'il ressort notamment des points 84 et 145 de la décision dont l'exactitude n'a pas été contestée, constitue une exploitation abusive, au sens de l'article 86 du traité, de sa position dominante sur le marché de la fourniture de plaques de plâtre.
97 Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du moyen, par lequel les requérantes contestent avoir abusé de leur position dominante doit, telle que soulevée par elles, être rejetée.
98 Toutefois, le Tribunal, à qui il appartient, le cas échéant, de soulever d'office une méconnaissance suffisamment manifeste des obligations imposées à la Commission par l'article 190 du traité (arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening, T-61-89, précité) constate que, si l'article 2 du dispositif de la décision fait référence à des pratiques mises en œuvre au cours des mois de juillet et août 1985, il est constant que, dans ses motifs, la décision, notamment au point 141 et plus spécialement encore au point 169, dans lequel la Commission expose la raison pour laquelle elle n'a pas infligé d'amende pour ce chef d'infraction, ne se réfère qu'à des pratiques mises en œuvre au mois d'août 1985. Or, s'agissant de pratiques dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont été mises en œuvre que pendant un bref délai, il y avait lieu pour la Commission de définir avec d'autant plus de précision la période au cours de laquelle elles ont été susceptibles de fausser la concurrence sur le marché de référence. En outre, en réponse aux questions qui lui ont été posées par le Tribunal, la Commission, pour justifier l'absence de contradiction entre l'article 2 du dispositif et le point 169 des motifs de la décision, a expressément reconnu que la décision s'appliquait à des pratiques qui avaient été " conçues " au mois de juillet 1985. Or, une violation de l'article 86 ne peut être sanctionnée que pour autant qu'elle a été dûment constatée. La décision est donc, sur ce point, entachée d'une insuffisance de motivation et, au surplus, d'une erreur de droit et il y a lieu, pour le Tribunal, d'annuler l'article 2 de la décision, dans la seule mesure où celui-ci se réfère à une pratique mise en œuvre au cours du mois de juillet 1985.
C - Les pratiques mises en œuvre en Irlande et en Irlande du Nord
Acte attaqué
99 Dans l'article 3 de la décision, la Commission déclare que BPB, par l'intermédiaire de sa filiale BG, a abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture de plaques de plâtre en Irlande et en Irlande du Nord, en ce qu'elle a, d'une part, exercé, en juin et juillet 1985, des pressions sur un groupe d'importateurs et en obtenant qu'ils renoncent à importer des plaques de plâtre en Irlande du Nord et, d'autre part, accordé, entre juin et décembre 1985, des rabais aux marchands établis en Irlande du Nord, à la condition que ceux-ci ne vendent pas de plaques de plâtre importées.
100 Selon la décision (points 4 et 86), BPB est, par l'intermédiaire de sa filiale GIL, le seul producteur de plaques de plâtre dans l'île d'Irlande. D'après ses propres estimations, sa part du marché est de 93 % en Irlande et de 90 % en Irlande du Nord. En Irlande du Nord, BG commercialise des plaques de plâtre importées d'Irlande, où elles sont produites par GIL.
101 Les pratiques mises en œuvre en Irlande et en Irlande du Nord sont décrites aux points 86 à 103 de la décision et qualifiées au regard de l'article 86 du traité aux points 148 à 152.
102 La décision (point 88) fait mention d'une note interne de BG sur les importations en Irlande du Nord, selon laquelle des marchands avaient demandé son aide pour se protéger des importations. D'après la note, l'initiative adoptée par BG en réponse à cette demande a été couronnée de succès et a conduit à ce que l'importateur en cause se voit barrer l'accès aux commerçants.
103 Aux points 91 et 92, la décision fait également état d'un aide-mémoire de BG, du 14 juin 1985, selon lequel un consortium des marchands les plus importants d'Irlande du Nord avait constitué une agence en vue de l'importation de plaques de plâtre d'origine espagnole. BG a signifié à ces marchands qu'elle considérait le marché d'Irlande du Nord comme le sien et qu'elle avait l'intention d'en garder une part maximale. Cet aide-mémoire précisait que tout rabais serait refusé aux marchands qui importaient des plaques de plâtre, alors que BG proposait d'offrir aux autres marchands d'Irlande du Nord un rabais sur le plâtre et un rabais supplémentaire sur ses plaques de plâtre de mêmes dimensions que les plaques importées. L'octroi de ces rabais était notamment subordonné à la condition que BG soit désignée comme fournisseur exclusif. En outre, les commerçants fidèles bénéficieraient d'une livraison prioritaire en période de pointe. Le 17 juin 1985, BG a signifié, par écrit, ces mesures aux marchands d'Irlande du Nord.
104 D'après la décision (point 94), une note interne de BG, préparatoire à une réunion tenue, le 2 juillet 1985, au siège de BG, avec les importateurs, fait mention d'une proposition de mesures, dans le cas où ceux-ci seraient disposés à convenir de ne plus procéder à des importations. Au cours de cette réunion - laquelle a été suivie d'une autre, le 15 juillet 1985, à Belfast (point 95) -, BG a exercé des pressions sur les importateurs, dans le but d'obtenir qu'ils renoncent à importer des plaques de plâtre.
105 La décision précise (point 97) qu'une note préparatoire à la réunion de juillet 1985 du comité exécutif de BPB signale qu'un groupe de négociants avait importé des plaques de plâtre par Belfast et que BG a réagi en accordant une remise aux clients fidèles. Selon ladite note, cette réaction " a eu pour effet d'amener le groupe de marchands à la table de négociations et il semble qu'ils soient à présent disposés à abandonner les importations à la suite de nos discussions ".
106 Au point 98, la décision relève que, le 7 août 1985, BG a confirmé l'application de rabais de quantité aux commerçants d'Irlande du Nord qui avaient réalisé un certain chiffre d'affaires annuel avec BG, à condition qu'ils contribuent à promouvoir les produits BG et que BG obtienne l'exclusivité de fourniture. BG a supprimé ce rabais à la fin de l'année 1985, estimant qu'il était utilisé par ses bénéficiaires dans le but de faire de la concurrence par les prix à d'autres commerçants.
107 La décision ajoute (point 100) que, lors d'une réunion tenue le 12 septembre 1985 avec les marchands qui avaient effectué des importations, BG a accepté de leur verser rétroactivement les trois-quarts des rabais qui avaient été réservés aux commerçants fidèles, jusqu'à la date où les bénéficiaires avaient décidé de cesser les importations. Ceci devait " récompenser " l'annulation des importations.
108 Toujours selon la décision (point 148), la suppression du rabais que BG accordait aux marchands d'Irlande du Nord, dont elle savait qu'ils avaient l'intention d'importer des plaques de plâtre d'origine espagnole, était destinée à pénaliser ces marchands. Les rabais supplémentaires qui ont été offerts à tous les négociants, à condition qu'ils s'approvisionnent exclusivement chez BG et qu'ils ne fassent pas commerce de produits importés, étaient également destinés à pénaliser les importateurs. Ces pressions ont été renforcées par d'autres incitations à cesser les importations, comme l'application d'un rabais de quantité confidentiel ou la promesse d'un versement s'il était mis fin aux importations.
109 La décision (points 149 à 151) qualifie l'ensemble des mesures décrites ci-dessus d'abus de position dominante en ce que, d'une part, elles étaient destinées à faire cesser des importations et ont eu l'effet escompté et, d'autre part, elles ont renforcé les liens d'exclusivité entre BG et les marchands.
Arguments des parties
110 Les requérantes font valoir que le comportement de BG en Irlande du Nord ne peut avoir constitué l'exploitation abusive d'une position dominante. Elles soutiennent que la décision a mal interprété la situation sur le marché d'Irlande du Nord. L'institution des rabais ne constituait pas une initiative destinée à parer à la concurrence des plaques de plâtre importées, mais une réponse à la menace d'un groupe de quatre marchands d'Irlande du Nord de vendre des plaques de plâtre importées d'Espagne à des prix d' " appel ". BG aurait tenté de défendre ses intérêts légitimes et ceux de ses clients, et son comportement aurait contribué à maintenir et à renforcer la concurrence.
111 A cet égard, BG estime que même une entreprise dominante a un droit de légitime défense contre des activités gravement déstabilisatrices du marché. Selon elle, il est impossible de lutter, en faisant valoir les qualités intrinsèques du produit, contre les prix attrayants proposés par des marchands peu scrupuleux, s'étant ménagé, au détriment de leurs concurrents, une source d'approvisionnement.
112 En réponse aux observations du gouvernement espagnol, les requérantes ont fait valoir que c'est à la suite d'une plainte pour pratiques de dumping introduite par GIL qu'EPYSA a souscrit, vis-à-vis de la Commission, des engagements de prix qui ont été acceptés par celle-ci dans sa décision 85-209-CEE du 26 mars 1985 (JO L 89, p. 65). Ce serait donc à tort que le gouvernement espagnol a affirmé que cette plainte avait été classée. BG aurait répondu à cette nouvelle situation du marché en proposant de réduire les rabais accordés aux quatre marchands et de consentir des rabais plus importants aux autres marchands. Cette réponse ne saurait être considérée comme abusive.
113 La Commission souligne, en ce qui concerne les conditions attachées au système des rabais, dont le bénéfice était subordonné à une obligation de fourniture exclusive en produits de BG, que le seul comportement admissible pour une entreprise dominante est la concurrence fondée sur l'efficacité. Elle rappelle que les requérantes ont admis qu'en raison des mesures prises, il était difficile aux importateurs de plaques de plâtre de pénétrer sur le marché.
114 Au cours de la procédure orale, la Commission a souligné, d'une part, que les mesures prises par BG étaient destinées à empêcher les quatre marchands en cause d'utiliser leurs importations pour s'attaquer à la position de BG, et, d'autre part, que la procédure de dumping à laquelle se réfèrent les requérantes s'est déroulée au début de l'année 1985, soit antérieurement à la période au cours de laquelle l'abus a été constaté.
115 Selon le gouvernement espagnol, il n'est nullement établi, contrairement à l'argumentation des requérantes, que les prix d'importation aient constitué une concurrence déloyale. De toute manière, l'on ne saurait enfreindre la loi sous prétexte d'éviter une situation prétendument injuste. Selon le gouvernement espagnol, la plainte pour dumping déposée par GIL a été classée par la Commission. Les mesures prises par les marchands irlandais, en s'unissant pour gérer collectivement les importations en provenance d'Espagne, auraient constitué le seul moyen d'échapper aux pressions exercées par BPB.
116 Iberian, pour sa part, soutient que l'effet d'éviction résultant du comportement des requérantes sur le marché d'Irlande du Nord est manifeste. Selon elle, les rabais consentis aux marchands d'Irlande du Nord ont eu pour conséquence inévitable la suppression des débouchés et donc l'exclusion effective de nouveaux concurrents.
Appréciation du Tribunal
117 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, si une position dominante ne saurait priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et s'il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger lesdits intérêts, l'on ne peut admettre de tels comportements lorsqu'ils ont précisément pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands, 27-76, précité).
118 Le Tribunal considère qu'il n'appartient pas à une entreprise en position dominante de prendre, de sa propre initiative, des mesures destinées à constituer des représailles contre des pratiques commerciales qu'elle estime illicites ou déloyales. Par suite, il est indifférent de savoir si les mesures visées par la décision ont été adoptées en réponse aux prix d'appel pratiqués par certains concurrents ou, comme le soutiennent les requérantes, qui se prévalent notamment, à cet égard, des pièces produites en annexes 22 et 23 à la requête, pour prévenir des " prix d'appel " qu'entendaient pratiquer certains marchands à l'égard de produits importés. La seule question qui importe est celle de savoir si, en recourant à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits sur la base des prestations des opérateurs économiques, le comportement litigieux avait pour objet ou était susceptible d'avoir pour effet d'influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence était déjà affaibli (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin, 322-81, précité).
119 A cet égard, le Tribunal estime, en premier lieu, qu'il ressort suffisamment des preuves documentaires, non contestées sur ce point, soumises à son appréciation, telles que précédemment analysées dans la présentation de la décision, que BG a décidé de supprimer le rabais de 4 % qu'elle accordait aux marchands d'Irlande du Nord, dont elle avait appris qu'ils avaient l'intention d'importer des plaques de plâtre d'origine espagnole. Dans le même temps, elle a décidé de consentir un rabais de 5 % aux commerçants qui accepteraient de s'approvisionner exclusivement en produits de sa fabrication. Une telle pratique, par son caractère discriminatoire, avait clairement pour objet de pénaliser les marchands qui avaient l'intention d'importer des plaques de plâtre et de les dissuader de le faire, en confortant ainsi encore la position de BG sur le marché des plaques de plâtre.
120 Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que, comme la Cour l'a déjà jugé (arrêt Michelin, précité),constitue une pratique abusive, au sens de l'article 86 du traité, la mise en œuvre, par un fournisseur se trouvant en position dominante et à l'égard duquel, de ce fait, le client se trouve en position de dépendance plus ou moins marquée, de toute forme de rabais de fidélité par lequel ce fournisseur s'efforce, par la voie d'avantages financiers, de faire obstacle à ce que ses clients s'approvisionnent auprès de ses concurrents.En l'espèce, les rabais consentis, entre juin et décembre 1985, aux marchands de matériaux de construction d'Irlande du Nord avaient bien pour objet de faire obstacle à ce qu'ils s'approvisionnent auprès des fournisseurs concurrents, dès lors qu'il est suffisamment établi que ces rabais, subordonnés à une condition d'exclusivité, impliquaient nécessairement que leurs bénéficiaires ne fassent pas le commerce de plaques de plâtre importées. Il importe peu, à cet égard, que, comme le soutiennent les requérantes, la clause d'exclusivité de fourniture à laquelle était subordonné le bénéfice des rabais litigieux n'ait été qu'une condition parmi d'autres imposées aux marchands.
121 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la troisième branche du moyen articulé à l'encontre de l'absence d'établissement de l'abus de position dominante, tel que constaté dans la décision, doit être écartée.
122 Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que, d'une part, le moyen tiré de l'absence d'établissement du caractère abusif des pratiques litigieuses doit être rejeté et que, d'autre part, l'article 2 de la décision doit être annulé en tant qu'il vise des pratiques mises en œuvre en juillet 1985.
II - QUANT A L'AFFECTATION DES ECHANGES ENTRE LES ETATS MEMBRES
123 Le deuxième moyen, relatif à l'absence d'établissement de l'infraction à l'article 86 du traité, concerne les effets des pratiques de BG sur les échanges entre les Etats membres.
Acte attaqué
124 L'analyse de l'incidence des pratiques ci-dessus décrites sur les échanges entre les Etats membres fait l'objet des points 153 à 159 de la décision. En ce qui concerne l'abus par BG de sa position dominante sur le marché de Grande-Bretagne, la décision indique, au point 153, que BG était le seul producteur du pays et que ses seuls concurrents étaient des importateurs. Par conséquent, les mesures prises par BG étaient de nature à affecter de manière substantielle les importations en provenance d'autres Etats membres, spécialement de France et, à compter du 1er janvier 1986, date de son adhésion à la Communauté, d'Espagne.
125 Selon la décision (points 154 à 157), les mesures adoptées par BG visant à lier ses clients pour la fourniture de plaques de plâtre et à les dissuader de faire le commerce de plaques de plâtre importées ont eu pour effet d'exclure à la fois Lafarge et Iberian du commerce avec les marchands. Or, lorsque le commerce entre les Etats est déjà limité par d'autres facteurs, tout acte de nature à le restreindre plus encore tombe sous le coup des règles du traité en matière de concurrence. Tel est particulièrement le cas lorsque l'élimination de ces échanges a pour effet de renforcer un quasi-monopole dans un Etat membre. En l'espèce, il était important de sauvegarder le commerce entre les Etats membres, non seulement comme source de concurrence effective, mais également comme préalable éventuel à l'établissement de nouvelles installations de production en Grande-Bretagne. Les mesures adoptées par BG pouvaient également éliminer éliminer ou affaiblir Iberian et renforcer la position dominante de BG sur le marché britannique, en particulier sa position de force vis-à-vis de Lafarge et d'autres importateurs potentiels.
126 En ce qui concerne les mesures prises par BG en Irlande du Nord, la décision expose, aux points 158 et 159, que l'élimination de la concurrence du groupe de marchands qui importaient des plaques de plâtre d'origine espagnole pouvait aboutir à rétablir le monopole de BG et son pouvoir de marché, et ce d'autant que ces pratiques concernaient également les plaques fabriquées par EPYSA et admises en libre pratique en Irlande, ainsi que toutes les plaques de plâtre importées, quel que soit l'Etat membre d'origine. Etant donné que BG était le seul fournisseur de plaques de plâtre en Irlande du Nord et que la quasi-totalité des plaques de plâtre qu'elle fournissait en Irlande du Nord étaient produites en Irlande et importées de cet Etat membre, les mesures prises pour empêcher les importations de plaques de plâtre en provenance d'Espagne ont créé un courant d'échanges qui n'aurait pas existé en leur absence. Elles ont ainsi affecté directement les échanges entre Etats membres.
Arguments des parties
127 Les requérantes soutiennent que les pratiques qui, selon la Commission, liaient les clients pour la fourniture de plaques de plâtre, à les supposer établies, n'étaient pas susceptibles d'affecter les échanges. Les seuls échanges qui auraient pu être affectés sont les échanges entre le Royaume-Uni, l'Espagne et la France. Or, une proportion importante des pratiques commerciales que la décision considère comme des infractions à l'article 86 du traité a eu lieu avant que l'Espagne n'adhère à la Communauté. En ce qui concerne les échanges avec la France, Lafarge avait, selon les requérantes, atteint, au Royaume-Uni, le niveau de ventes qu'elle s'était fixé et ne cherchait pas une nouvelle clientèle. Selon les requérantes, la structure et la nature du marché des plaques de plâtre au Royaume-Uni et en Irlande étaient telles que le comportement de BG ne pouvait pas et n'a effectivement pas affecté le commerce international. En raison du coût d'expédition des plaques de plâtre par la voie maritime et des avantages que comporte le fait d'implanter les installations de production près du lieu d'utilisation, il ne serait pas économiquement réalisable d'approvisionner sur une vaste échelle et pendant des périodes prolongées les marchés de Grande-Bretagne et d'Irlande à partir de l'étranger, ce que la Commission aurait d'ailleurs admis au cours de l'audition. Il existerait, en outre, sur le marché des plaques de plâtre, un besoin particulier de régularité des livraisons et d'une offre d'une large gamme de produits qui ne pourrait être satisfait par des fournisseurs ne disposant pas d'unités de fabrication sur le territoire du Royaume-Uni ou d'Irlande. En ce qui concerne plus particulièrement l'Irlande du Nord, les requérantes contestent que les courants normaux des échanges entre l'Irlande et l'Irlande du Nord aient été modifiées par les pratiques alléguées de BG et invoquent, à cet égard, l'arrêt de la Cour dans l'affaire Hugin (arrêt du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22-78, Rec. p. 1869).
128 Les requérantes soutiennent enfin que les plaques de plâtre importées en Irlande du Nord étaient vendues à des prix prédateurs, ce qu'ont confirmé les mesures antidumping arrêtées par la Communauté. En ce qui concerne la mise en œuvre de la politique de BG de livraison prioritaire de plâtre, BG allègue que la Commission a méconnu le témoignage présenté par son directeur commercial, M. J.H. Garner, au cours de l'audition. Elle soutient que l'argument théorique de la Commission est sans valeur eu égard aux faits de l'espèce. Il n'y aurait eu aucun autre concurrent, exception faite d'Iberian et Lafarge, et ce n'étaient là des concurrents que dans un sens très limité. Redland et Knauf, véritables concurrents pour leur part, n'auraient pas été empêchés d'entrer dans le marché du Royaume-Uni. Les requérantes rappellent, par ailleurs, que les importations à partir de l'Espagne se sont poursuivies par l'intermédiaire de Ulster Partitions Ltd.
129 La Commission conteste les affirmations des requérantes, selon lesquelles le comportement de BG ne pouvait affecter les échanges entre Etats membres. Elle souligne que Iberian et Lafarge importaient effectivement des plaques de plâtre et que ces importations n'étaient pas négligeables. En outre, une entreprise tierce aurait commencé à importer des plaques de plâtre en Irlande du Nord après l'action entreprise par BG, ce qui prouverait que cette activité était économiquement viable. L'élimination du commerce intracommunautaire existant aurait conduit au renforcement d'un quasi-monopole dans un Etat membre et aurait donc eu une incidence sur la structure de la concurrence dans la Communauté. Il aurait été important de sauvegarder le commerce entre les Etats membres, comme source de concurrence réelle à BG et comme préalable éventuel à l'établissement de nouvelles installations de production en Grande-Bretagne. Selon la Commission, le comportement abusif de BG, consistant à s'attacher les clients pour la livraison de plaques de plâtre, qui a pris naissance à l'occasion d'importations originaires de France et d'Espagne, signifiait que les clients de BG ne pouvaient acheter aucune plaque de plâtre originaire d'autres Etats membres.
130 S'agissant de l'argument de BG concernant les importations originaires d'Espagne à une époque où celle-ci n'était pas membre de la Communauté, la Commission souligne qu'elle a tenu compte de ce fait au moment où elle a fixé l'amende.
131 En ce qui concerne la situation en Irlande du Nord, la Commission est d'avis que la présente situation de l'espèce est différente de celle rencontrée dans l'affaire Hugin, 22-78 (arrêt de la Cour du 31 mai 1979, précité) parce qu'il existait, en l'espèce, des échanges effectifs de plaques de plâtre entre le Royaume-Uni et l'Irlande, d'une part, et d'autres Etats membres, d'autre part. La Commission souligne que les courants d'échanges dont BG fait état sont ceux qui auraient existé en l'absence de comportement abusif. Ces courants comportaient des importations en provenance d'Espagne et d'Irlande. Le comportement abusif était donc de nature à affecter directement le commerce entre Etats membres.
132 La Commission renvoie à la décision en ce qui concerne la question de savoir si les plaques de plâtre d'origine espagnole étaient importées en Irlande et en Irlande du Nord au prix du marché. Les activités de Redland et de Knauf confirmeraient l'appréciation de la Commission, qui souligne que Redland avait conquis 5 % du marché au moyen de ses seules importations, avant même de mettre en place une unité de production en Grande-Bretagne.
133 Le gouvernement espagnol estime que les affirmations des requérantes, selon lesquelles, d'une part, les pratiques commerciales que la Commission considère comme contraires à l'article 86 du traité seraient antérieures à la date d'adhésion de l'Espagne à la Communauté et, d'autre part, les activités de BG ne pourraient avoir produit d'effets nocifs perceptibles dans les échanges internationaux, sont inexactes puisque, d'après l'article 1er de la décision, les pratiques en question se sont poursuivies jusqu'au mois d'août 1986, soit à une date à laquelle l'Espagne était déjà membre de la Communauté. En outre, EPYSA ne serait pas la seule entreprise lésée : Lafarge, entreprise française, et Iberian, entreprise britannique, le seraient également. L'existence de tentatives de pénétration du marché de Grande-Bretagne et du marché irlandais démontrerait, par ailleurs, que le commerce interétatique était viable. En conséquence, le gouvernement espagnol estime que le comportement des requérantes est de nature à avoir eu une incidence, directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'importations entre les Etats membres et qu'il a été susceptible d'entraver, de cette façon, l'interpénétration économique voulue par le traité.
Appréciation du Tribunal
134 En ce qui concerne la condition d'affectation du commerce entre les Etats membres, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, pour que l'article 86 soit applicable, il faut et il suffit que le comportement abusif soit de nature à affecter les échanges entre les Etats membres. A cet égard, il n'est pas nécessaire de constater l'existence d'un effet actuel et réel sur le commerce interétatique. En effet, la condition d'affectation des échanges doit être réputée remplie, dès lors qu'il est établi que les échanges intracommunautaires ont été effectivement affectés ou qu'ils l'ont été, au moins potentiellement, de façon significative(voir notamment les arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin, 322-81, précité, point 104 et du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 32).
135 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que les mesures incriminées ont cloisonné le marché du Royaume-Uni en affectant directement les flux d'échanges actuels ou potentiels entre la France et l'Espagne, d'une part, et le Royaume-Uni, d'autre part. Les flux d'échanges entre l'Irlande et l'Irlande du Nord ont également été affectés. En effet, le fait de favoriser les clients qui ne faisaient pas le commerce de plaques de plâtre importées faisait obstacle à la commercialisation, sur le territoire du Royaume-Uni, de plaques de plâtre importées. Enfin, comme le soutient la Commission, les pratiques mises en œuvre dans l'île d'Irlande tendaient, en faisant obstacle aux importations, au maintien des courants d'échanges existants, les produits commercialisés en Irlande du Nord provenant exclusivement des importations de produits fabriqués en Irlande par GIL. Ces pratiques ont donc entraîné des courants d'échanges différents de ceux qui auraient résulté d'un marché ouvert à la concurrence.
136 En ce qui concerne l'argument des requérantes, selon lequel il ne serait pas économiquement possible d'approvisionner, sur une vaste échelle et pendant des périodes prolongées, le territoire du Royaume-Uni, et selon lequel les conditions d'échanges, actuels ou potentiels, entre les Etats membres n'existent pas, le Tribunal constate qu'à la date des pratiques incriminées, il existait, de fait, sur le territoire du Royaume-Uni, des importations, en provenance d'Espagne et de France. Selon les informations, non contestées, rappelées aux points 32 et 36 de la décision, ces importations ont, en 1985, atteint 3,3 millions de m2 pour Lafarge et 1,8 million de m2 pour Iberian. Ces importations ont été directement affectées par les mesures incriminées. A cet égard, il est donc indifférent de répondre à la question de savoir si, comme le soutiennent les requérantes, Lafarge estimait avoir atteint les objectifs de commercialisation qu'elle s'était fixés en Grande-Bretagne et n'entendait pas procéder à un développement de ses ventes sur ce territoire.
137 S'agissant de l'argument tiré de ce que les pratiques visées aux articles 2 - dans la mesure où elles ont été mises en œuvre en août 1985 - et 3 de la décision sont antérieures à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, le Tribunal rappelle, tout d'abord, que, comme la Cour l'a jugé (arrêt du 6 mars 1974, Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223), la circonstance que les pratiques incriminées mettent en cause les échanges avec un ou plusieurs pays tiers ne suffit pas, par elle-même, à écarter la possibilité que la condition d'affectation des échanges, requise pour une application des articles 85 ou 86, puisse être regardée comme non remplie. Le Tribunal rappelle, ensuite, que les mesures prises par BG en Grande-Bretagne n'ont, en l'espèce, pas seulement affecté des importations en provenance d'Espagne, mais qu'elles ont également rendu plus difficile la commercialisation, sur le territoire du Royaume-Uni, de plaques de plâtre produites dans des pays tiers admises en libre pratique sur le territoire d'autres Etats membres.
138 S'agissant, enfin, des pratiques visées à l'article 1er de la décision, le Tribunal constate, d'une part, qu'elles sont, pour partie, postérieures à la date du 1er janvier 1986 à laquelle l'Espagne a adhéré aux Communautés et, d'autre part, que l'obligation de fourniture exclusive ainsi stipulée était également de nature à rendre plus difficile l'accès au marché de Grande-Bretagne pour un importateur et donc à affecter, au moins potentiellement, les courants d'échanges intracommunautaires. Compte tenu de la forte position des requérantes sur le marché de Grande-Bretagne et sur le marché mondial, cette affectation doit être considérée comme suffisamment significative.
139 Il résulte de ce qui précède que les mesures et pratiques arrêtées par BG ont été de nature à exercer une influence réelle ou potentielle suffisamment significative sur les échanges intracommunautaires. Dès lors, le moyen tiré de ce que les pratiques incriminées n'ont pu exercer d'influence sur ces échanges doit être rejeté.
Sur les conclusions relatives à l'imputabilité de l'infraction et au montant des amendes
140 Ainsi qu'il a déjà été indiqué (voir ci-dessus point 10), l'article 4 de la décision inflige à BG une amende de 3 millions d'écus à raison des pratiques de fourniture exclusive visées à l'article 1er de la décision et une amende de 150 000 écus à BPB à raison des pratiques mises en œuvre en Irlande et en Irlande du Nord, visées à l'article 3 de la décision. Aucune amende n'a été infligée à raison des pratiques de livraison prioritaires de plâtre qui font l'objet de l'article 2 du dispositif de la décision. Les requérantes contestent tout à la fois l'imposition d'une amende à BPB à raison des pratiques mises en œuvre en Irlande et le montant des amendes infligées.
En ce qui concerne l'imposition d'une amende à BPB
Acte attaqué
141 Dans sa décision (point 165), " la Commission considère que les abus, commis en Irlande du Nord, de la position dominante détenue par BPB dans l'île d'Irlande doivent également faire l'objet d'une amende ".
Arguments des parties
142 Selon les requérantes, la décision doit être annulée, en tant qu'elle concerne l'amende infligée à BPB, pour insuffisance de motivation. Elles estiment qu'il n'y a aucune raison d'attribuer à BPB la responsabilité des actions de BG en Irlande du Nord. La décision ne contiendrait aucune motivation en ce sens. Au contraire, les paragraphes 87 à 103, dans lesquels sont décrits les faits qui se sont produits en Irlande du Nord, et les paragraphes 141 à 152, dans lesquels sont analysées les conséquences juridiques que la Commission en tire, se référeraient exclusivement aux mesures prises par BG. Les seules références à BPB contenues dans la décision - d'ailleurs inexactes - seraient celles visant les rapports de routine du comité exécutif de BPB. Or, il ressortirait de ces rapports que BPB n'a été informée qu'après coup et de façon générale et qu'elle n'a pris aucune part dans l'exécution des pratiques visées dans ces rapports. Les requérantes ne voient donc aucune raison justifiant qu'une amende soit infligée à BPB.
143 Les requérantes font valoir que la décision concerne des faits qui se sont produits en Irlande du Nord seulement et non pas dans l'ensemble de l'île d'Irlande et estiment que le fait que les plaques de plâtre ont été produites en Irlande par GIL, autre société appartenant à leur groupe, est un élément dénué de pertinence. L'élément pertinent serait la vente de plaques de plâtre par BG. Elles soulignent que le système de rabais mis en œuvre en Irlande du Nord était géré par BG et non par BPB. Or, BG exercerait ses activités en toute indépendance.
144 A l'audience, les requérantes ont soutenu que la décision doit être annulée au motif que l'imputation de la responsabilité de l'abus de position dominante en Irlande du Nord à BPB plutôt qu'à BG n'est pas du tout motivée. Selon elles, ce n'est que dans ses mémoires devant le Tribunal que la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle a procédé ainsi. Les requérantes contestent qu'il y ait une base quelconque pour admettre qu'une société mère soit responsable des activités de sa filiale, du seul fait qu'elle a été informée de ses activités. Elles soulignent que, contrairement à la situation visée dans l'arrêt de la Cour du 25 octobre 1983 (AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151), la politique commerciale suivie, en l'espèce, par les filiales de BPB n'avait pas été définie par la société mère. Les requérantes estiment enfin que, si le raisonnement de la Commission est exact, l'on ne comprend pas pourquoi les amendes concernant les actions de BG en Grande-Bretagne n'ont pas été infligées à BPB.
145 Selon la Commission, l'allégation de BPB, selon laquelle il n'y aurait pas de raison valable de lui imputer les actions de sa filiale BG en ce qui concerne le marché d'Irlande du Nord, doit être rejetée. Elle fait valoir, à cet égard, que BPB détient une position dominante, en Irlande, sur le marché de la fourniture de plaques de plâtre, dont elle a abusé à travers les agissements de sa filiale à 100 %, BG. Par conséquent, BPB et BG devraient être considérées comme constituant une seule et même entreprise pour ce qui concerne les agissements en Irlande du Nord. Le comité exécutif de BPB aurait été constamment tenu informé des mesures prises par BG en Irlande du Nord pour lutter contre les importations.
146 En réponse aux questions posées par le Tribunal, la Commission a précisé que si BG était le destinataire approprié de la décision en ce qui concerne les agissements constatés sur le marché de la Grande-Bretagne, tel n'était pas le cas pour ceux qui avaient été mis en œuvre sur le marché irlandais, où il convenait de tenir compte de la présence de deux filiales de BPB, cette société holding s'intéressant directement au marché irlandais, ainsi qu'il ressortirait des points 90, 97 et 102 de la décision. C'est pourquoi la Commission a estimé que, pour ce marché, la société mère devait être le destinataire de la décision.
147 Le gouvernement espagnol relève que BG est une filiale à 100 % de BPB et estime que celle-ci est responsable des activités de BG en Irlande du Nord. La circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffirait pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619). Le gouvernement espagnol rappelle que le comportement de BG et de BPB s'est caractérisé par une unité d'action, les deux sociétés devant donc être considérées comme formant une seule unité économique. Par suite, le comportement sanctionné devrait leur être imputé solidairement.
Appréciation du Tribunal
148 Pour exercer son contrôle sur la légalité de la décision, en tant qu'elle concerne l'attribution à BPB de la responsabilité des pratiques de BG sur le marché irlandais, il appartient au Tribunal de rechercher si, comme elle le soutient, la Commission, dans la décision, a suffisamment motivé l'imputation à BPB du comportement de BG sur ce marché.
149 En ce qui concerne l'imputabilité à une société mère du comportement d'une filiale, le Tribunal rappelle qu'un tel comportement peut être imputé à la société mère lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome sa ligne d'action sur le marché, mais applique, pour l'essentiel, les instructions qui lui sont imparties par la société mère (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, précité, point 133). Dans le cas d'une filiale à 100 %, il convient de relever que celle-ci suit, en principe, nécessairement la politique tracée par la société mère (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG, 107-82, précité, point 50).
150 En l'espèce, le Tribunal constate que BPB est une société holding, qui opère en Grande-Bretagne par l'intermédiaire de BG, qu'elle contrôle à 100 %. En Grande-Bretagne, BG assure elle-même la commercialisation de sa propre production. En ce qui concerne l'Irlande, les produits à base de plâtre sont fabriqués par GIL, également filiale à 100 % de BPB. En Irlande du Nord, les produits du groupe sont vendus par BG. Bien qu'une faible part de ces produits fût, à la date des faits, constituée par la production de BG elle-même, l'essentiel des ventes provenaient d'importations d'Irlande effectuées par BG qui, à cette fin, achetait les produits en cause à GIL.
151 A cet égard, il y lieu de relever qu'à la différence du marché de Grande-Bretagne, la position dominante de BPB sur le marché de l'île d'Irlande pris dans son ensemble - laquelle n'a d'ailleurs pas été contestée - repose sur l'existence de deux filiales, dont l'une assure, sur le territoire d'Irlande du Nord, la commercialisation des produits fabriqués par l'autre, alors que cette dernière assure elle-même tant la production que la commercialisation de ses propres produits en Irlande. Il en résulte que, contrairement au marché de Grande-Bretagne, ni la position dominante, ni son abus sur le marché de l'ensemble de l'île d'Irlande ne sauraient être attribués spécifiquement à l'une ou à l'autre des filiales de BPB, alors surtout que l'ensemble du groupe BPB tirait profit des pratiques de BG en Irlande du Nord, dès lors que la filiale GIL accroissait les livraisons de plaques de plâtre à l'autre filiale, BG, dans une mesure qui dépendait directement de l'efficacité des abus commis par cette dernière en Irlande du Nord.
152 Dans ce contexte, et ainsi d'ailleurs que le confirment les précisions apportées au cours de la procédure orale, il convient également de souligner, d'une part, que BPB et BG constituent une seule entité économique et, d'autre part, qu'il ressort des points 90,97 et 102 de la décision que le Comité exécutif de BPB se tenait régulièrement informé des pratiques de ses filiales sur le marché irlandais, alors qu'un tel intérêt ne ressort pas de la décision en ce qui concerne le marché de Grande-Bretagne.
153 Compte tenu des caractéristiques ainsi mises en évidence, et au maintien desquelles tendaient d'ailleurs les pratiques commerciales incriminées, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que la Commission a, dans les circonstances de l'espèce, imputé à BPB les pratiques de BG en Irlande du Nord et lui a infligé, de ce chef, l'amende litigieuse. Cette conclusion n'est remise en cause ni par l'autonomie commerciale de BG, ni, pour les raisons exposées ci-dessus (voir points 151 et 152), par la solution différente retenue dans le cas du marché de Grande-Bretagne, pour lequel les pratiques abusives ont été déclarées constitutives d'une infraction dans le chef de BG.
154 Quant à l'argument selon lequel la Commission n'aurait pas exposé, dans les motifs de la décision, la raison pour laquelle les amendes concernant les actions de BG sur le marché de Grande-Bretagne n'ont pas été infligées à BPB, le Tribunal considère que, s'il est certes vrai que la Commission aurait pu infliger ces amendes à la société mère, dès lors que BPB et BG constituent une seule entité économique, la décision expose, toutefois, à suffisance de droit, les caractéristiques propres à chacun des deux marchés, justifiant ainsi la solution retenue dans l'un et l'autre cas. A cet égard, la Commission a pu légalement, et sans méconnaître les prescriptions de l'article 190 du traité, préciser, dans le cadre de l'instruction de l'affaire, et en réponse notamment aux questions écrites et orales du Tribunal, les données sur lesquelles s'appuie le raisonnement retenu dans la décision. En tout état de cause, cette prétendue insuffisance de motivation n'a, en l'espèce, ni empêché les requérantes d'exposer leur argumentation ni gêné le Tribunal dans l'exercice de son contrôle de légalité.
155 Dès lors, le grief tiré de ce que c'est à tort que la Commission a infligé une amende à BPB à raison des pratiques mises en œuvre par BG en Irlande du Nord doit être écarté.
En ce qui concerne le montant des amendes infligées
Acte attaqué
156 Les éléments d'appréciation pris en considération par la Commission pour fixer le montant des amendes infligées respectivement à BG et à BPB font l'objet des points 162 à 174 de la décision. Celle-ci considère que le système liant certains marchands de Grande-Bretagne à BG constitue un abus grave de sa position dominante, en particulier parce que, d'une part, la plupart des versements s'intègrent dans un système que BG a proposé aux gros clients d'Iberian et, d'autre part, les versements étaient effectués en contrepartie d'un engagement d'achat exclusif.
157 Selon la décision, les abus concernés ont été commis de propos délibéré. En Grande-Bretagne, BG a agi de propos délibéré en s'attachant les clients par les mesures qu'elle a prises. En Irlande du Nord, l'action de BG a visé spécifiquement à faire cesser les importations pratiquées par un groupe de marchands et à se lier les marchands, malgré la concurrence des importations (point 170). En fixant l'amende, la Commission a tenu compte du fait que les engagements d'achat exclusif ont été mis en œuvre antérieurement à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté et n'ont été maintenus en vigueur que durant sept mois postérieurement à l'adhésion de cet Etat membre (point 173).
158 Selon la décision, doivent également faire l'objet d'une amende les abus, commis en Irlande du Nord, de la position dominante détenue par BPB dans l'île d'Irlande (point 165).
Arguments des parties
159 S'agissant du caractère délibéré des pratiques mises en œuvre, les requérantes sont d'avis que les abus allégués n'avaient pour but spécifique ni de lier des clients à BG ni de parvenir à la cessation des importations en Irlande du Nord. En outre, BPB n'aurait, en aucune manière, été impliquée dans la fourniture de plaques de plâtre en Irlande et en Irlande du Nord. La connaissance, par BPB, des opérations de BG en Irlande du Nord se limiterait à des allusions dans des rapports de routine, adressés par BG au comité exécutif du groupe BPB. Dans leur réplique, les requérantes ont confirmé, pour des raisons de clarté, qu'elles demandent, à titre subsidiaire, une réduction du montant des amendes.
160 La Commission, à titre liminaire, observe que les requérantes n'ont pas, dans leur requête, demandé expressément la réduction du montant des amendes. S'agissant du point de savoir si les pratiques incriminées ont été commises de propos délibéré, la Commission estime qu'il ne fait pas de doute que les accords de fourniture exclusive en Grande-Bretagne et les mesures adoptées pour mettre fin aux importations étaient délibérés. Elle rappelle également qu'aucune amende n'a été infligée en ce qui concerne la fourniture prioritaire de plâtre.
161 En réponse aux questions qui lui ont été posées par le Tribunal, la Commission a expliqué que le dispositif de la décision tient compte du fait que l'infraction commise par BG a duré beaucoup plus longtemps que celle dont BPB s'est rendue coupable. En outre, les pratiques mises en œuvre sur le marché d'Irlande du Nord n'auraient eu que des effets limités sur le commerce intracommunautaire. L'infraction commise par BG aurait, par ailleurs, concerné un marché autrement plus vaste que le marché irlandais, à savoir celui de la Grande-Bretagne.
Appréciation du Tribunal
162 Il convient de constater liminairement que, si les requérantes n'ont pas, dans leur requête, expressément précisé que leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision devaient s'entendre comme comportant également, à titre subsidiaire, des conclusions aux fins de la réduction du montant des amendes infligées, elles ont soutenu, dans leur mémoire introductif d'instance, que " le montant des amendes infligées est trop élevé ". Dès lors, les conclusions tendant à ce que le Tribunal annule la décision doivent, dans les circonstances de l'espèce, s'entendre comme comprenant des conclusions aux fins de la réduction du montant des amendes infligées. Par suite, l'argument de la Commission, tiré de ce que les requérantes n'ont pas demandé expressément la réduction du montant des amendes, doit être écarté.
163 En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission ne peut infliger une amende qu'à raison d'infractions aux dispositions de l'article 86 du traité commises de propos délibéré ou par négligence.
164 Il ressort de l'ensemble des appréciations précédemment formulées par le Tribunal que la décision a établi à suffisance de droit qu'entre juillet 1985 et août 1986, BG a enfreint l'article 86 du traité en abusant de sa position dominante pour la fourniture des plaques de plâtre en Grande-Bretagne et que BPB, par l'intermédiaire de sa filiale BG, a enfreint l'article 86 du traité en abusant de sa position dominante détenue sur le marché irlandais de la fourniture de plaques de plâtre.
165 S'agissant de la question de savoir si lesdites infractions ont été commises de propos délibéré ou par négligence, le Tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante (voir notamment l'arrêt de la Cour du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261), pour qu'une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction édictée par les règles de concurrence du traité applicables aux entreprises ; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet ou pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence dans le marché commun.
166 Le Tribunal estime qu'il résulte de la nature même des comportements visés par la décision, caractérisés, de fait, par la condition de ne pas faire de commerce de plaques de plâtre autres que celles fabriquées par les requérantes, que celles-ci ne pouvaient ignorer que de tels comportements étaient constitutifs d'une violation de l'article 86 du traité. Dès lors, pour l'application du règlement n° 17, de tels comportements doivent être regardés comme ayant été adoptés de propos délibéré.
167 En outre, il résulte de ce qui précède (voir points 151 à 156) que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, BPB était bien impliquée dans les pratiques incriminées concernant l'Irlande du Nord, dont elle était régulièrement informée et qui faisaient l'objet de réunions de son propre comité exécutif.
168 Les requérantes demandent que, faute d'être annulées, les amendes infligées soient réduites. A cet égard, il ressort des motifs de la décision, comme des précisions apportées lors de la procédure orale, que la Commission a tenu compte de la gravité et de la durée des abus, du chiffre d'affaires global des entreprises, de la taille respective des marchés concernés, de ce que l'Espagne n'était pas encore membre de la Communauté à la date à laquelle le système de versements promotionnels, comme le système des rabais pratiqués en Irlande du Nord, ont été mis en œuvre et, enfin, de ce que le système des versements promotionnels n'a été maintenu que durant sept mois postérieurement à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Dès lors, la Commission a suffisamment justifié la relation de proportionnalité entre les infractions commises et les sanctions infligées et les conclusions tendant à la réduction du montant des amendes doivent également être rejetées. Enfin, l'annulation partielle de l'article 2 de la décision concerne un grief pour lequel aucune amende n'a été infligée.
169 Il résulte de ce qui précède que les amendes infligées sont justifiées dans leur principe et leur montant et que leurs destinataires ont été exactement désignés ; par suite, les conclusions des requérantes tendant à l'annulation ou à la réformation de l'article 4 de la décision doivent être rejetées.
170 Il résulte de tout ce qui précède que l'article 2 du dispositif de la décision doit être annulé dans la mesure où il se rapporte au mois de juillet 1985 et que le recours doit être rejeté pour le surplus.
Sur les dépens
171 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner ces dernières aux dépens, y compris à ceux exposés par la partie intervenante Iberian.
172 Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, dudit règlement, les Etats membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dans ces conditions, le royaume d'Espagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1. L'article 2 de la décision 89-22-CEE de la Commission, du 5 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV-31.900, BPB Industries Plc, JO 1989, L 10, p. 50, rectificatif JO 1989 L 52, p. 42) est annulé, dans la mesure où il se rapporte au mois de juillet 1985.
2. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
3. Les parties requérantes supporteront l'ensemble des dépens, y compris ceux de la partie intervenante Iberian.
4. Le royaume d'Espagne supportera ses propres dépens.