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Décisions

CJCE, 31 mars 1993, n° C-89/85

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ahlström Osakeyhtiö United Paper Mills (Ltd), Metsae-Botnia (AB), Veitsiluoto (oy), Wisaforest(AB), Sunilà Osakeyhtioe, Helsinki Enso-cutzeit (oy), Bowater (Inc), The Pulp, Paper and Paperboard Export Association, The Chesapeake Corporation, West Point, Virginia, Crown Zellerbach Corporation, Federal Paper Board Company (Inc), Montvale, Georgia-Pacific Corporation, Scott Paper Company, Weyerhaeuser Company, St Anne-Nackawic Pulp and Paper Company (Ltd), International Pulp Sales Company, Westar Timber (Ltd), Weldwood of Canada (Ltd), MacMillan Bloedel (Ltd), Canadian Forest Products (Ltd), Fletcher Challenge Canada (Ltd)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rodriguez Iglesias

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Zuleeg, Joliet, Moitinho de Almeida, Grévisse

Avocats :

Mes von Winterfeld, Vaughan, Hall, Waelbroeck, Vandencasteele, Voillemot, Van Bael, Bellis, Stanbrook, Siragusa, Prout, Robinson, Stanbrook, Sambuc, Shroeder.

CJCE n° C-89/85

31 mars 1993

LA COUR,

I - INTRODUCTION

1 Par différentes requêtes déposées au greffe de la Cour entre le 4 et le 30 avril 1985, les entreprises finlandaises A Ahlstroem Osakeyhtioe, United Paper Mills Ltd en qualité d'ayant cause de Joutseno-Pulp Osakeyhtioe, Kaukas Oy en qualité d'ayant cause de Oy Kaukas AB, Oy Metsae-Botnia AB en qualité d'ayant cause de Kemi Oy, Oy Metsae-Botnia AB, Metsae-Serla Oy en qualité d'ayant cause de Metsaeliiton Teollisuus Oy, Veitsiluoto Oy en qualité d'ayant cause d'Oulu Oy, Wisaforest Oy AB en qualité d'ayant cause de Oy Wilh Schauman AB, Sunilà Osakeyhtioe, Veitsiluoto Oy, Finncell et Enso-Gutzeit Oy (ci-après "requérantes finlandaises"), le producteur américain Bowater Incorporated (ci-après "Bowater"), les entreprises américaines The Chesapeake Corporation, Crown Zellerbach Corporation, Federal Paperboard Company Inc, Georgia-Pacific Corporation, Scott Paper Company et Weyerhaeuser Company (ci-après "membres de la KEA"), l'entreprise canadienne St Anne-Nackawic Pulp and Paper Company Ltd (ci-après "St Anne"), l'entreprise américaine International Pulp Sales Company (ci-après "IPS"), l'entreprise canadienne Westar Timber Ltd (ci-après "Westar"), l'entreprise canadienne Welwood of Canada Ltd (ci-après "Welwood"), l'entreprise canadienne MacMillan Bloedel Ltd (ci-après "MacMillan"), l'entreprise canadienne Canadian Forest Products Ltd (ci-après "Canfor") et l'entreprise British Columbia Forest Product Ltd devenue Fletcher Challenge Canada Limited (ci-après "British Columbia") ont demandé, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, l'annulation de la décision 85-202 de la Commission, du 19 décembre 1984, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO 1985, L 85, p 1).

2 Par ordonnance du 16 décembre 1987, la Cour a décidé de joindre ces dix affaires aux fins de la procédure et de l'arrêt.

3 Dans la décision attaquée (ci-après "décision"), la Commission a constaté que quarante producteurs de pâte de bois ainsi que trois de leurs associations professionnelles avaient enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, en se concertant sur les prix. Parmi ces quarante-trois destinataires de la décision, trente-six se sont vu infliger une amende dont le montant varie entre 50 000 et 500 000 écus.

A - Le produit

4 Le produit qui serait à l'origine de la concertation est la pâte de bois au sulfate blanchie, obtenue par un traitement chimique de la cellulose et utilisée pour la fabrication de produits de papier de haute qualité.

5 Les pâtes de bois au sulfate blanchie sont fabriquées à partir de deux types d'arbres: les résineux et les feuillus. Les fibres des résineux étant plus longues et plus solides, la pâte qui en résulte est de meilleure qualité. A l'intérieur de ces deux catégories, les pâtes se répartissent encore en deux sous-groupes: les pâtes produites à partir de bois originaire des pays du Nord, à croissance relativement lente, et les pâtes produites à partir de bois originaire des pays du Sud. Cette classification a déterminé quatre niveaux de prix correspondant, dans l'ordre décroissant, aux résineux du Nord, aux résineux du Sud, aux feuillus du Nord et aux feuillus du Sud.

6 Le papier est fabriqué à partir d'un mélange de pâtes dont la composition est déterminée en fonction des qualités et des caractéristiques que le fabricant veut conférer au papier ainsi que des potentialités de son équipement. A l'intérieur d'une catégorie de produits, les pâtes sont le plus souvent interchangeables mais, une fois le mélange déterminé, le fabricant répugne à le modifier de crainte de devoir procéder à des adaptations de son outillage et à des essais longs et coûteux.

7 Pour le fabricant, le prix de la pâte représente 50 à 75 % du coût du papier.

B - Les producteurs

8 A l'époque des faits, plus de cinquante entreprises vendaient de la pâte dans la Communauté. La plupart d'entre elles étaient établies au Canada, aux États-Unis, en Suède et en Finlande. Leurs ventes étaient réalisées par l'intermédiaire de filiales, d'agents et de succursales établis dans la Communauté. Il arrivait fréquemment qu'un même agent travaille pour plusieurs producteurs.

9 Toutes les requérantes finlandaises étaient membres de la Finncell, sauf Enso-Gutzeit, qui l'a quittée le 31 décembre 1979. Fondée en 1918, cette association a pour objet de vendre en son nom propre et pour son propre compte les pâtes fabriquées par ses membres, et ce tant sur le marché intérieur que sur les marchés étrangers. Dans ce but, elle fixe les prix et répartit entre ses membres les commandes qu'elle reçoit.

10 Les requérantes américaines, à l'exception de Bowater, étaient regroupées au sein de la Pulp, Paper and Paperboard Export Association of the United States, association anciennement dénommée Kraft Export Association (ci-après "KEA"). Cette association a été constituée dans le cadre du Webb Pomerene Act, du 10 avril 1918, en vertu duquel les entreprises américaines peuvent, sans enfreindre le droit antitrust des États-Unis, constituer des associations en vue de promouvoir en commun leurs exportations. Cette loi permet notamment aux producteurs d'échanger des informations sur la commercialisation de leurs produits à l'étranger et de se concerter sur les prix qu'ils pratiqueront sur les marchés d'exportation. Le producteur IPS s'est retiré de la KEA le 13 mars 1979.

11 La plupart des producteurs de pâtes de bois fabriquent ou font partie de groupes qui fabriquent du papier et, dès lors, transforment directement une partie importante de la pâte qu'ils produisent. La décision litigieuse ne concerne toutefois que la pâte marchande, c'est-à-dire la pâte mise en vente sur le marché européen par les producteurs précités.

C - Les clients et les pratiques commerciales

12 Pendant la période litigieuse, un même producteur comptait généralement une cinquantaine de clients dans la Communauté, à l'exception de la Finncell qui en avait 290.

13 Avec leurs clients, les producteurs de pâte avaient l'habitude de conclure des contrats d'approvisionnement à long terme dont la durée pouvait atteindre cinq ans. En vertu de ces contrats, le producteur garantissait à ses clients la possibilité d'acheter chaque trimestre une quantité minimale de pâte à un prix qui ne dépasserait pas celui qu'il avait annoncé au début du trimestre. Le client, de son côté, était libre d'acheter plus ou moins que le lot qui lui avait été réservé et il pouvait négocier des réductions de prix par rapport au prix annoncé.

14 Les "annonces trimestrielles" constituaient une pratique commerciale bien établie sur le marché européen de la pâte. En vertu de ce système, les producteurs, quelques semaines ou parfois quelques jours avant le début de chaque trimestre, communiquaient à leurs clients et à leurs agents les prix, généralement établis en dollars, qu'ils désiraient obtenir au cours du trimestre pour chaque type de pâte. Ces prix variaient selon que la pâte était destinée aux ports européens du Nord-Ouest (zone 1) ou aux ports méditerranéens (zone 2). Les prix étaient généralement publiés dans la presse spécialisée.

15 Les prix définitifs facturés aux clients (ci-après "prix de transaction") pouvaient être soit identiques aux prix annoncés, soit inférieurs lorsque des rabais ou des facilités de paiement sous différentes formes étaient octroyés aux acheteurs.

D - La procédure administrative

16 En 1977, à la suite de vérifications effectuées au titre de l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), la Commission indique avoir découvert dans l'industrie de la pâte un certain nombre de pratiques restrictives et d'accords qui n'ont pas été notifiés conformément aux articles 4 et 5 de ce même règlement.

17 Au terme de ces investigations, elle a décidé d'engager d'office la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 à l'encontre de cinquante-sept producteurs de pâte ou associations établis aux États-Unis, au Canada, en Finlande, en Norvège, en Suède, au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal. En conséquence, elle a, le 4 septembre 1981, fait parvenir à ces producteurs une communication des griefs. Aux termes de la lettre qui accompagnait ce document, il leur était reproché d'avoir participé à des fixations de prix au moyen de pratiques concertées, à des décisions d'associations, à des organisations communes, à des accords sur les conditions de vente et à des échanges d'informations.

18 Aux mois de mars et d'avril 1982, la Commission a procédé à l'audition des parties.

19 Les réponses à la communication des griefs laissant entendre que les prix de transaction étaient différents des prix annoncés, la Commission a, en septembre 1982, demandé aux intéressées de lui en fournir la preuve, comme le lui permet l'article 11 du règlement n° 17. Plus de cent mille factures et notes de crédit lui ont alors été communiquées.

E - La décision

20 Le 19 décembre 1984, la Commission a adopté la décision litigieuse. Ainsi qu'il a déjà été exposé, cette décision s'adresse à quarante-trois des destinataires de la communication des griefs. Six sont établis au Canada, onze aux États-Unis, douze en Finlande, onze en Suède, un en Norvège, un au Portugal et un en Espagne. Seuls trente-six d'entre eux se sont vu infliger des amendes allant de 50 000 à 500 000 écus. Les destinataires norvégien, portugais, espagnol ainsi qu'un des producteurs suédois, deux finlandais et un américain n'ont pas, en effet, été sanctionnés.

21 L'article 1er de la décision qui énonce les différentes infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, comporte cinq paragraphes.

22 Aux termes du paragraphe 1 de cette disposition, toutes les requérantes finlandaises à l'exception de la Finncell, les requérantes américaines, sauf Chesapeake et Scott Paper, et les requérantes canadiennes se sont concertées, ainsi que l'un de leurs concurrents américains et certains de leurs concurrents suédois et norvégiens, "sur les prix de la pâte de bois au sulfate blanchie à destination de la Communauté" pendant tout ou partie de la période 1975-1981.

23 Aux termes du paragraphe 2, toutes les requérantes finlandaises, excepté la Finncell, américaines et canadiennes, hormis St Anne, ont, avec certains de leurs concurrents américains et suédois, participé à une concertation sur les prix de transaction effectifs demandés dans la Communauté, tout au moins aux clients établis en Belgique, en France, en République fédérale d'Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni pendant tout ou partie des années 1975, 1976 et 1979 à 1981.

24 Aux termes du paragraphe 3, toutes les requérantes américaines membres de la KEA se sont concertées sur les prix annoncés et sur les prix de transaction effectifs applicables aux ventes de pâte de bois et ont échangé des données individualisées sur les prix de vente ainsi pratiqués. A la KEA elle-même, il est en particulier reproché d'avoir recommandé les prix applicables à ces ventes. Aucune amende n'a toutefois été infligée pour ces infractions.

25 Aux termes du paragraphe 4, la Finncell et le producteur canadien St Anne ont échangé dans le cadre de la Fides, avec un certain nombre d'autres producteurs suédois, norvégien, espagnol et portugais, des données individualisées concernant les prix applicables aux ventes de pâte de feuillus dans la Communauté économique européenne au cours des années 1973 à 1977. De la motivation de la décision, il résulte que la Fides est une société fiduciaire suisse qui assure la gestion du Centre de recherche et d'information de l'industrie européenne de la pâte et du papier. Elle comporte en son sein un groupe plus restreint dénommé le "Club Mini-Fides", puis le "Bristol Club". C'est soit dans le cadre de la Fides elle-même, soit dans celui de ce "Bristol Club" que se seraient déroulés les échanges litigieux.

26 Quant au paragraphe 5, il fait grief aux requérantes canadiennes Canfor, MacMillan, St Anne et Westar, ainsi qu'à un producteur américain, un producteur norvégien et plusieurs producteurs suédois, d'avoir appliqué, dans les contrats relatifs à la vente de pâte de bois, aux clients établis dans la Communauté économique européenne, des clauses interdisant les exportations ou la revente de la pâte de bois acquise par ces derniers.

27 En annexe à cette décision figure un engagement que toutes les requérantes - à l'exception de St Anne, de Bowater et d'IPS - ont souscrit envers la Commission. Aux termes de cet engagement, les intéressés s'obligent à annoncer et à facturer au moins 50 % de leurs ventes à destination de la Communauté dans la monnaie de l'acheteur, à ne plus annoncer leurs prix sur une base trimestrielle, mais à les maintenir en vigueur "jusqu'à nouvel ordre", à ne communiquer leurs prix qu'aux destinataires précisés dans l'engagement, à mettre fin aux concertations qui avaient lieu au sein de la KEA et de la Fides et à ne plus imposer d'interdiction d'exporter et de revendre à leurs acheteurs.

28 Dans leur requête, les intéressées ont demandé à la Cour d'annuler tout ou partie de la décision de la Commission ou, à défaut, de réduire le montant de l'amende qui leur a été infligée. Complémentairement, certaines requérantes ont demandé l'annulation totale ou partielle de l'engagement qui vient d'être décrit ou de les en délier.

29 Enfin, simultanément à l'introduction du recours, les requérantes canadiennes British Columbia, Canfor, MacMillan, Weldwood et Westar ainsi que les requérantes américaines, membres de la KEA, ont présenté, en application de l'article 91 du règlement de procédure, une demande incidente tendant à ce que la Cour ordonne à la Commission de n'utiliser dans le cadre de la présente procédure ni les documents qui lui ont été adressés par les entreprises postérieurement à leur audition ni l'analyse qu'elle a pu en tirer relativement aux prix de transaction. Par ordonnance du 10 juillet 1985, la Cour a décidé de joindre la demande incidente au fond et de réserver les dépens.

F - La procédure devant la Cour

30 Dans un premier arrêt du 27 septembre 1988 (89-85, 104-85, 114-85, 116-85, 117-85 et 125-85 à 129-85, Rec. p. 5193), la Cour a d'abord rejeté le moyen tiré de l'application erronée du domaine d'application territorial de l'article 85 du traité et de l'incompatibilité de la décision de la Commission avec le droit international public, ainsi que celui fondé sur l'application exclusive des règles de concurrence contenues dans l'accord de libre-échange entre la Communauté et la Finlande. Elle a ensuite annulé la décision de la Commission pour autant qu'elle concerne la Pulp Paper and Paperboard Export Association of the United States.

31 Par ordonnance du 25 novembre 1988, la Cour a décidé de procéder à une expertise sur le parallélisme des prix. Les experts qui en ont été chargés ont été désignés par ordonnance du 16 mars 1989. Il leur a été demandé si les documents utilisés par la Commission pour établir les tableaux 6 et 7 annexés à la décision permettaient de conclure au parallélisme des prix respectivement annoncés et de transaction. En ce qui concerne les prix de transaction, la Cour a demandé aux experts d'établir une distinction entre les documents recueillis lors des vérifications et ceux qui l'avaient été après la communication des griefs. Le rapport d'expertise contenant la réponse à ces questions est parvenu à la Cour le 10 avril 1990.

32 Par ordonnance du 25 octobre 1990, la Cour a décidé de procéder à une seconde expertise. Les experts, désignés dans la même ordonnance, laquelle a été confirmée sur ce point par l'ordonnance du 14 mars 1991, ont été chargés de décrire et d'analyser les caractéristiques du marché pendant la période couverte par la décision et de dire, si au vu de ces caractéristiques, le fonctionnement naturel du marché devait conduire à une structure de prix différenciés ou à une structure de prix uniformes. Enfin, il leur a été demandé si les caractéristiques du marché et le fonctionnement du marché pendant la période couverte par la décision avaient été différents de ceux constatés pendant la période antérieure et pendant la période postérieure à la décision et si les années 1977 et 1978 se distinguaient du reste de la période 1975-1981. Les experts ont déposé leur rapport le 11 avril 1991.

33 Pour un plus ample exposé des antécédents du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

34 Étant donné que la partie de la décision relative à la concertation générale sur les prix de transaction dont il est question à l'article 1er, paragraphe 2, du dispositif, est contestée pour des raisons de procédure, il y a lieu de commencer par examiner cette infraction. Seront ensuite tour à tour envisagées l'infraction relative à la concertation sur les prix annoncés, l'infraction relative à la concertation au sein de la KEA, l'infraction relative aux échanges d'informations au sein de la Fides et, enfin, l'infraction consistant à avoir inséré dans les contrats ou les conditions générales de vente des clauses d'interdiction d'exporter ou de revendre.

II - L'INFRACTION RELATIVE À LA CONCERTATION GÉNÉRALE SUR LES PRIX DE TRANSACTION

A - La disposition attaquée

35 Pour rappel, l'article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée fait grief à des producteurs canadiens, américains, finlandais et suédois de s'être concertés sur les prix de transaction de la pâte de bois au sulfate blanchie.

36 Cette disposition n'indique pas entre qui et qui cette concertation aurait eu lieu, ni pour quels trimestres. A la Cour qui lui demandait d'apporter des précisions sur ce point, la Commission a répondu que toutes ces informations se trouvaient contenues dans le tableau 7 annexé à la décision qui mentionne, pour chaque type de pâte et pour chaque trimestre, les prix pratiqués par chacun des producteurs.

37 Selon les explications de la Commission, chaque fois qu'un producteur a, pour un produit donné, dans une région donnée et pendant un trimestre donné, facturé un prix identique à un autre producteur, il doit en principe être considéré comme s'étant concerté avec ce dernier. Le tableau 7 permettrait ainsi de déceler diverses concertations qui auraient eu lieu soit entre tous les destinataires de la décision, soit entre des destinataires situés dans un même pays ou continent, soit entre d'autres destinataires (voir point 81 de la décision). Ce tableau a été communiqué aux intéressés avec la seule mention de leur propre nom.

B - Les moyens présentés par les requérantes

38 Les requérantes canadiennes, à l'exception du producteur St Anne, américaines et finlandaises ont demandé l'annulation de l'article 1er, paragraphe 2. Les différents moyens qu'elles invoquent s'ordonnent autour de trois axes principaux. Tout d'abord, les droits de la défense auraient été violés. Ensuite, le parallélisme des prix de transaction, sur lequel se fonde la Commission pour établir la concertation, n'existerait pas. Enfin, à supposer qu'il existe, ce parallélisme s'expliquerait non pas par la concertation, mais par le fonctionnement normal du marché.

39 Selon les requérantes, les droits de la défense ont été violés essentiellement de trois façons Primo, le grief relatif à la concertation sur les prix de transaction n'apparaîtrait pas dans la communication des griefs qui a été transmise aux requérantes. Secundo, cette partie de la décision serait fondée sur des documents recueillis par la Commission postérieurement à la communication des griefs et sur lesquels les requérantes n'auraient pas eu, par conséquent, l'occasion de faire connaître leur point de vue. Tertio, la Commission aurait dû procéder à une audition commune des producteurs concernés, comme le permet l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 99-63 de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99").

C - L'infraction relative à la concertation sur les prix de transaction n'apparaissait pas dans la communication des griefs

40 S'agissant du premier argument, les requérantes soutiennent que la communication des griefs faisait seulement état de la concertation sur les prix annoncés. En retenant dans sa décision un second chef d'infraction relatif à une concertation sur les prix de transaction, la Commission aurait méconnu les dispositions de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l'article 4 du règlement n° 99, qui lui prescrivent de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquelles les entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

41 La Commission considère, au contraire, que la communication des griefs visait tant la concertation sur les prix de transaction que celle sur les prix annoncés. Elle invoque, à cet égard, divers passages de ce document ainsi que les réponses qui y ont été apportées par les producteurs par écrit ou lors des auditions. Ces réponses attesteraient clairement que les intéressés avaient compris la communication des griefs comme ayant pour objet les deux concertations.

42 Au vu de cette argumentation, il convient de vérifier qu'en l'occurrence l'exposé des griefs a été libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la communication des griefs a pu remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive (voir sur ce point arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, 45-69, Rec. p. 769 du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52-69, Rec. p. 787 du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663 du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207 du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461).

43 En l'espèce, il y a lieu, tout d'abord, de relever que l'exposé des griefs est scindé en deux parties principales, l'une intitulée les "faits", l'autre "applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE", et qu'il ne comporte pas de dispositif. Vu cette absence de dispositif, c'est à la deuxième partie de la communication qu'il convient de se reporter pour connaître les comportements qui sont reprochés aux producteurs.

44 De la lecture de la partie "applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE", il ressort que, seul, un passage pourrait être interprété comme faisant allusion spécifiquement aux prix de transaction. Il s'agit du point 66 qui indique que "les producteurs nord-américains, jusqu'en 1978, donc pendant trois ans et demi, ont pratiqué le même prix que les producteurs scandinaves, sauf pendant la première moitié de 1977 où ils ont consenti des rabais et augmenté leur part de marché". Les autres extraits pointés par la Commission évoquent, pour l'un, la "fixation des prix réalisée entre autres par le système des annonces", pour les autres, les "prix" de manière générale et sans plus préciser.

45 Ainsi rédigée, la communication des griefs ne peut être considérée comme satisfaisant à l'obligation de clarté rappelée plus haut.

46 A ce constat, la Commission ne saurait opposer que l'infraction relative aux prix de transaction n'a pas été présentée de manière distincte dans la communication des griefs, parce que, lors des vérifications qui l'ont précédée, elle avait demandé aux entreprises de lui fournir des factures représentatives et que ces factures ont révélé une coïncidence entre les prix annoncés et les prix de transaction.

47 Il y a lieu de constater à cet égard que, dans la décision, la coïncidence entre les deux infractions n'existe pas.

48 Tout d'abord, certains producteurs - tel Chesapeake Corporation - sont sanctionnés pour avoir participé à la concertation sur les prix de transaction et non sur les prix annoncés, tandis que d'autres producteurs - tel St Anne - se trouvent dans la situation inverse.

49 Ensuite, les périodes d'infraction sont différentes: l'infraction relative à la concertation sur les prix de transaction ne concerne pas la période 1977-1978 qui, en revanche, est couverte par le grief sur les prix annoncés. A cet égard, il est tout à fait révélateur de constater que, alors que la communication des griefs est accompagnée d'un seul tableau intitulé "Price trends based on prices announced and confirmed by producers" et couvrant l'ensemble de la période 1974-1980, la décision est assortie de trois tableaux distincts, l'un sur les prix annoncés (tableau 6) et reprenant le contenu du tableau précédent, les deux autres sur les prix de transaction et intitulés respectivement "Prix normaux de transaction" (tableau 7) et "Écarts par rapport aux prix de transaction normaux relevés au tableau 7" (tableau 8). Le tableau 7 ne concerne pas les années 1977 et 1978.

50 Dès lors que, dans la décision, les deux infractions présentent des caractéristiques propres et que ces caractéristiques portent sur des éléments aussi essentiels que les participants à la concertation ou la période d'infraction, il y avait lieu de les faire apparaître distinctement dès la communication des griefs. Il en va d'autant plus ainsi en l'espèce que les deux chefs d'infraction ont donné lieu à l'application d'amendes différentes.

51 Contrairement à ce que prétend la Commission, les réponses qui ont été apportées à la communication des griefs ne sont pas de nature à montrer que les requérantes avaient compris la communication des griefs comme couvrant l'infraction sur les prix de transaction. Les divers extraits cités dans la duplique à l'appui de cette affirmation sont, en effet, susceptibles de faire l'objet d'une double interprétation. Si, lors de l'audition ou dans leurs observations écrites, les producteurs ont fait diverses allusions aux prix de transaction, ce peut être pour établir, non pas qu'ils ne s'étaient pas concertés sur ces prix contrairement à ce qui serait ressorti de la communication des griefs, mais que, les prix de transaction étant différents, la concertation sur les prix annoncés n'avait pas produit d'effet sur le marché et que, en conséquence, les conditions exigées par l'article 85, paragraphe 1, n'étaient pas remplies.

52 De ce qui précède, il résulte que la communication des griefs n'a pas mis clairement en lumière le grief relatif à la concertation sur les prix de transaction et que, partant, les requérantes n'ont pas eu la possibilité de faire valoir efficacement leur défense au stade de la procédure administrative.

53 Par conséquent, et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens, il y a lieu d'annuler l'article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, qui concerne la concertation sur les prix de transaction.

54 Complémentairement, il convient de déclarer sans objet l'exception tendant à obtenir de la Cour qu'elle écarte des débats des documents relatifs à cette infraction.

III - L'INFRACTION RELATIVE À LA CONCERTATION GÉNÉRALE SUR LES PRIX ANNONCÉS

55 Les requérantes finlandaises, américaines et canadiennes ont demandé l'annulation de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision, selon lequel elles se seraient, ainsi que d'autres producteurs suédois, américains et norvégiens, concertées sur les prix de la pâte de bois au sulfate blanchie à destination de la Communauté économique européenne pendant tout ou partie de la période 1975-1981.

56 Par lettres du 6 mars et du 2 mai 1990, la Cour a invité la Commission à élucider ce dispositif.

57 Dans une première question, la Cour a demandé si le système des annonces trimestrielles de prix mis en cause par la Commission devait être considéré comme constituant l'infraction au traité en tant que tel ou si ce système n'était que l'indice d'une concertation sur les prix annoncés qui aurait eu lieu en amont. Les réponses fournies par la Commission n'ont pas permis de choisir entre ces deux interprétations. Il y a lieu, dès lors, de les envisager toutes les deux.

58 La disposition précitée n'indiquant pas entre qui et qui l'infraction a eu lieu, ni pour quels trimestres, la Cour a, dans une seconde question, demandé à la Commission de lui apporter ces précisions. Dans sa réponse, la Commission a exposé que toutes les données dont elle disposait se trouvaient contenues dans le tableau 6 annexé à la décision. Ce tableau, intitulé "Prix annoncés", indique, pour chaque trimestre de la période litigieuse, les prix annoncés par divers producteurs ainsi que la date de ces annonces. Ainsi que la Commission s'en est expliquée, tous les producteurs qui, selon les indications de ce tableau, ont annoncé un prix identique pour un trimestre donné doivent être considérés comme s'étant concertés pendant cette période.

A - Le système d'annonces trimestrielles de prix constitue en lui-même l'infraction à l'article 85 du traité

59 Dans la première perspective indiquée par la Commission, c'est le système d'annonces trimestrielles de prix, considéré en tant que tel, qui constitue l'infraction à l'article 85 du traité.

60 Premièrement, la Commission estime que ce système a été délibérément instauré par les producteurs de pâte pour se mettre en mesure de connaître les prix qui seraient pratiqués par leurs concurrents au cours des trimestres suivants. La divulgation des prix à des tiers, spécialement à la presse et à des agents travaillant pour plusieurs producteurs bien avant leur mise en application au début d'un nouveau trimestre aurait assuré aux autres producteurs un délai suffisamment long pour annoncer eux-mêmes des prix nouveaux et analogues dès avant ledit trimestre et pour les appliquer dès le début de celui-ci.

61 Deuxièmement, la Commission estime que la mise en place de ce dispositif a eu pour effet de rendre le marché artificiellement transparent en permettant aux producteurs de se faire une idée correcte et rapide des prix cotés par leurs concurrents.

62 Pour statuer sur ce point, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

63 Selon l'arrêt Suiker Unie/Commission, précité (points 26 et 173), la pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence Dans le même arrêt, la Cour a ajouté que les critères de coordination et de coopération devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun.

64 En l'espèce, les communications résultent des annonces de prix qui ont été faites aux utilisateurs. Elles constituent par elles-mêmes une action sur le marché qui n'est pas de nature à réduire les incertitudes de chaque entreprise sur les attitudes qu'adopteront ses concurrents. Au moment où chaque entreprise y procède, elle n'a, en effet, aucune assurance quant au comportement qui sera suivi par les autres.

65 En conséquence, il y a lieu de considérer que le système d'annonces trimestrielles de prix en vigueur sur le marché de la pâte ne constitue pas en tant que tel une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

B - L'infraction résulte d'une concertation sur les prix annoncés

66 Dans une seconde perspective, la Commission estime que le système d'annonces de prix constitue l'indice d'une concertation qui a eu lieu en amont. Au point 82 de sa décision, la Commission affirme s'être fondée, pour établir cette concertation, sur le parallélisme de comportement constaté chez les producteurs de pâtes pendant la période 1975-1981 ainsi que sur divers types d'échanges directs ou indirects d'informations.

67 Il résulte des points 82 et 107 à 110 de la décision que le parallélisme de comportement consiste essentiellement dans le système d'annonces trimestrielles de prix, dans la simultanéité ou la quasi-simultanéité des annonces ainsi que dans l'identité des prix annoncés. Il ressortirait, en outre, des divers télex et documents mentionnés aux points 61 et suivants de la décision que des réunions et contacts ont eu lieu entre certains producteurs en vue d'échanger des informations sur leurs prix respectifs.

1 Sur les télex mentionnés au point 61 et suivants de la décision

68 Dans ses demandes des 6 mars et 2 mai 1990, la Cour a invité la Commission à préciser les conclusions exactes qu'elle tirait des télex et documents mentionnés aux points 61 et suivants de sa décision, c'est-à-dire d'indiquer entre qui et qui la concertation établie par chacun d'eux avait eu lieu et pour quelle période. A cette question, la Commission a répondu que ces documents ne faisaient qu'étayer la preuve fondée sur le parallélisme de comportement et que, dès lors, ils présentaient un intérêt non seulement pour les entreprises et pour la période spécifiques qui y étaient mentionnées, mais aussi pour toutes les entreprises et pour l'ensemble de la période concernée par le parallélisme de comportement.

69 Vu cette réponse, il y a lieu d'écarter lesdits documents. L'identité des participants à une concertation étant un élément constitutif de l'infraction, on ne saurait retenir à l'appui de celle-ci des documents dont la valeur probatoire à cet égard n'a pas pu être précisée par la Commission.

2 Sur les autres éléments de preuve proposés par la Commission

70 Dès lors que la Commission ne dispose pas de documents établissant directement la concertation entre les producteurs concernés, il importe de vérifier si le système d'annonces trimestrielles de prix, la simultanéité ou la quasi-simultanéité des annonces de prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés constaté pendant la période 1975-1981 constituent un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants d'une concertation préalable.

71 En vue de statuer sur la valeur probatoire de ces divers éléments, il y a lieu de rappeler qu'un parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d'une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. Il importe, en effet, de tenir compte du fait que, si l'article 85 du traité interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir arrêt Suiker Unie/Commission, précité, point 174).

72 En conséquence, il convient dans la présente affaire de vérifier si le parallélisme de comportement allégué par la Commission ne peut pas, compte tenu de la nature des produits, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché, s'expliquer autrement que par la concertation.

a) Sur le système d'annonces de prix

73 Ainsi qu'il a déjà été exposé, la Commission voit dans le système d'annonces trimestrielles de prix l'indice d'une concertation qui aurait eu lieu en amont.

74 Dans leurs mémoires, les requérantes soutiennent au contraire que ce système s'explique par les nécessités commerciales qui sont particulières au marché de la pâte.

75 Par ordonnances du 25 octobre 1990 et du 14 mars 1991, la Cour a chargé deux experts d'examiner les caractéristiques du marché de la pâte de bois au sulfate blanchie pendant la période couverte par la décision contestée. De leur rapport résultent les considérations suivantes.

76 Tout d'abord, les experts ont noté que le système d'annonces incriminé s'inscrit dans le cadre des relations à long terme qui existaient entre les producteurs et leurs clients et qui étaient la conséquence à la fois du mode de fabrication de la pâte et du caractère cyclique du marché. Vu que chaque type de papier résultait d'un mélange précis de pâtes possédant ses caractéristiques propres et que ce mélange pouvait difficilement être modifié, des relations étroites de coopération se seraient, en effet, établies entre les producteurs de pâte et les fabricants de papier. Ces relations auraient été d'autant plus intenses qu'elles présentaient, en outre, l'avantage de protéger les uns et les autres contre les aléas dus au caractère cyclique du marché: aux acheteurs, elles assuraient la sécurité de l'offre tandis qu'aux producteurs elles garantissaient celle de la demande.

77 Les experts soulignent que c'est dans le cadre de ces relations à long terme que, après la seconde guerre mondiale, les acheteurs ont réclamé la mise en place de ce système d'annonces. La pâte à papier représentant 50 à 75 % du coût du papier, ces acheteurs auraient, en effet, été désireux de connaître au plus tôt les prix qui pourraient leur être réclamés afin d'effectuer leurs prévisions de coûts et de fixer les prix de leurs propres produits. Ces mêmes acheteurs ne souhaitant toutefois pas être tenus par un prix fixe élevé pour le cas où le marché faiblirait, le prix annoncé aurait été conçu comme un prix plafond au-dessous duquel le prix de transaction pouvait toujours être renégocié.

78 L'utilisation du rythme trimestriel est expliquée comme le résultat d'un compromis entre le désir du fabricant de papier de disposer d'un élément de prévisibilité en ce qui concerne le prix de la pâte et celui du producteur d'éviter de perdre des occasions de réaliser des profits dans l'hypothèse où le marché se raffermirait.

79 Quant au recours au dollar des États-Unis, il aurait, selon les experts, été introduit sur le marché par les producteurs nord-américains vers les années 60. Cette évolution aurait reçu l'approbation générale des acheteurs qui y auraient vu le moyen de s'assurer qu'ils ne payaient pas un prix supérieur à leurs concurrents.

b) Sur la simultanéité ou la quasi-simultanéité des annonces

80 Au point 107 de sa décision, la Commission fait valoir que les annonces de prix en succession rapide ou même simultanément auraient été impossibles sans un flux constant d'informations entre les entreprises visées.

81 Selon les requérantes, la simultanéité ou la quasi-simultanéité des annonces - à supposer qu'elles soient établies - doivent, au contraire, être regardées comme la conséquence directe de la très grande transparence qui caractérisait le marché. Cette transparence, loin de présenter un caractère artificiel, s'expliquerait par le tissu de relations extrêmement dense et perfectionné qui, vu la nature et la structure du marché, s'étaient établies entre les différents opérateurs.

82 Les experts ont confirmé cette analyse dans leur rapport et lors des débats oraux qui ont suivi.

83 En premier lieu, les acheteurs seraient toujours en relation avec plusieurs producteurs de pâte. Cela tiendrait non seulement à la technique de fabrication du papier, mais aussi à la circonstance que les acheteurs de pâte, pour éviter d'être trop dépendants d'un producteur, prenaient la précaution de diversifier leurs sources d'approvisionnement. Soucieux d'obtenir les prix les plus bas possibles, ils auraient l'habitude, spécialement en période de baisse des prix, de faire connaître à leurs fournisseurs les prix annoncés par leurs concurrents.

84 En second lieu, il conviendrait de relever que la plus grande partie de la pâte était vendue à un nombre relativement restreint de grandes entreprises de fabrication de papier. Ces acheteurs, peu nombreux et entretenant entre eux des liens très étroits, s'informaient mutuellement des mouvements de prix dont ils avaient connaissance.

85 En troisième lieu, de nombreux producteurs, fabriquant eux-mêmes du papier, auraient acheté de la pâte à d'autres producteurs et auraient ainsi été amenés, tant en période de hausse des prix qu'en période de baisse, à prendre connaissance des prix pratiqués par leurs concurrents. Cette information aurait été également accessible aux producteurs qui, sans fabriquer du papier, étaient liés à des groupes exerçant cette activité.

86 En quatrième lieu, cette très grande transparence du marché de la pâte, conséquence des liens qui se sont noués entre opérateurs ou groupes d'opérateurs, aurait, en outre, été renforcée par la présence d'agents implantés dans la Communauté et qui travaillaient pour plusieurs producteurs ainsi que par l'existence d'une presse spécialisée très dynamique.

87 Sur ce dernier point, il importe de noter que la plupart des requérantes nient avoir transmis à la presse spécialisée des informations sur leurs prix et que les quelques producteurs qui reconnaissent ce fait précisent que ces communications étaient occasionnelles et qu'elles avaient lieu à la demande de la presse elle-même.

88 Enfin, il y aurait lieu d'ajouter que l'utilisation de moyens de communication très rapides, tels que le téléphone et le télex, ainsi que le recours très fréquent par les fabricants de papier à des acheteurs professionnels très avisés auraient permis que, malgré le nombre d'étapes qu'elles avaient à franchir - producteur, agent, acheteur, agent, producteur -, les informations relatives au niveau des prix annoncés se répandent en quelques jours, sinon en quelques heures sur le marché de la pâte.

c) Sur le parallélisme des prix annoncés

89 Le parallélisme des prix annoncés sur lequel se fonde la Commission pour établir la concertation est décrit au point 22 de la décision. Dans ce paragraphe, la Commission, s'appuyant sur le tableau 6 annexé à la décision, constate que les prix annoncés par les firmes canadiennes et américaines ont été identiques du premier trimestre de 1975 au troisième trimestre de 1977 et du premier trimestre de 1978 au troisième trimestre de 1981, que les prix annoncés par les firmes suédoises et finlandaises ont été identiques du premier trimestre de 1975 au deuxième trimestre de 1977 et du troisième trimestre 1978 au troisième trimestre de 1981 et, enfin, que les prix de toutes les firmes réunies ont été identiques du premier trimestre de 1976 au deuxième trimestre de 1977 et du troisième trimestre de 1979 au troisième trimestre de 1981.

90 Selon la Commission, ce parallélisme de prix ne peut s'expliquer que par une concertation entre les producteurs. Cette affirmation est fondée en substance sur les considérations qui suivent.

91 En premier lieu, le prix unique pratiqué par les producteurs pendant la période litigieuse ne pourrait être analysé comme un prix d'équilibre, c'est-à-dire un prix résultant du jeu spontané de la loi de l'offre et de la demande. La Commission souligne à cet égard l'absence de sondage du marché par "tâtonnements" dont témoigne la stabilité des prix constatée entre le premier trimestre de 1975 et le quatrième trimestre de 1976 ainsi que le fait que, de manière générale pour les résineux du troisième trimestre de 1979 au deuxième trimestre de 1980, le premier prix majoré a toujours été suivi par les autres producteurs.

92 De façon similaire, la thèse du "price leadership" devrait être écartée: l'identité des prix annoncés, de même d'ailleurs que celle des prix de transaction, ne pourrait s'expliquer par l'existence d'un chef de file dont les concurrents adopteraient les prix sur le marché. L'ordre des annonces n'aurait, en effet, cessé de se modifier au cours des trimestres considérés et aucun producteur ne se serait trouvé dans une situation suffisamment forte pour exercer le rôle de leader.

93 En second lieu, la Commission estime que, vu que les conditions économiques variaient d'un producteur à l'autre ou d'un groupe de producteurs à l'autre, les prix appliqués par ceux-ci auraient dû être différents. Les fabricants de pâte qui avaient des coûts peu élevés auraient dû, en effet, baisser leurs prix afin d'augmenter leurs parts de marché au détriment de leurs concurrents les moins efficaces. Selon la Commission, ces divergences portaient sur les coûts de production et de transport, sur les rapports entre ces coûts (évalués dans la monnaie nationale: dollar canadien, couronne suédoise ou mark finlandais) et les prix de vente (fixés en dollars des États-Unis), l'importance des commandes, l'évolution de la demande de pâte dans les divers pays importateurs, l'importance relative du marché européen qui était plus grande pour les producteurs scandinaves que pour les producteurs américains et canadiens ainsi que le taux d'utilisation des capacités de production qui, de manière générale, était plus élevé aux États-Unis et au Canada qu'en Suède et en Finlande.

94 A propos de l'importance des commandes, la Commission est d'avis que, étant donné que la vente de quantités importantes permettait aux producteurs de réduire substantiellement leurs coûts, les relevés de prix auraient dû faire apparaître des différences de prix significatives entre les achats de quantités importantes et ceux d'une quantité minime. Or, dans les faits, ces différences auraient rarement dépassé 3 %.

95 En troisième lieu, la Commission fait valoir que, en tout cas pendant une partie des années 1976, 1977 et 1981, les prix annoncés de la pâte ont été maintenus à un niveau artificiellement élevé, fort différent de celui auquel on aurait pu s'attendre dans des conditions normales de concurrence. Ainsi serait-il inconcevable, en l'absence d'une concertation, que le prix unique de 415 dollars annoncé pour les résineux du Nord soit resté immuable entre le premier trimestre de 1975 et le troisième trimestre de 1977 et que, spécialement pendant les deuxième et troisième trimestres de 1977, le prix annoncé ait dépassé de 100 dollars le prix de vente réalisable sur le marché. La preuve que les prix ont été maintenus à un niveau anormalement élevé serait rapportée par le fait qu'en 1977 et en 1982 la chute des prix a été anormalement brutale.

96 Enfin, la Commission tire argument du caractère secret des rabais ainsi que de l'évolution des parts de marché.

97 En ce qui concerne le caractère secret des rabais, il convient de relever une contradiction entre la décision et les débats qui se sont déroulés par la suite. Après avoir, au point 112 de sa décision, constaté la disparition de la concurrence secrète, la Commission expose dans ses mémoires que, si les rabais étaient secrets, c'était parce qu'ils constituaient une infraction à la concertation et qu'ils devaient, par conséquent, demeurer ignorés des autres producteurs.

98 Quant à l'évolution des parts de marché constatée entre 1975 et 1981, la Commission estime qu'elle ne permet pas de conclure à l'absence de concertation. Cette évolution aurait, en effet, été beaucoup moins marquée entre 1975 et 1976 et entre 1980 et 1981 qu'entre 1978 et 1979 et entre 1979 et 1980.

99 Les requérantes ont contesté la thèse selon laquelle le parallélisme des prix s'expliquait par la concertation.

100 Dans le cadre de la seconde expertise, la Cour a demandé aux experts d'indiquer si, selon eux, le fonctionnement naturel du marché de la pâte de bois devait conduire à une structure de prix différenciés ou à une structure de prix uniformes.

101 Du rapport d'expertise complété par les débats oraux qui y ont fait suite, il ressort que, pour les experts, l'explication de l'uniformité des prix par le fonctionnement normal du marché est plus plausible que celle de la concertation. Les lignes de force de leur analyse peuvent être résumées dans les termes suivants.

i) La description du marché

102 Tout d'abord, les experts dépeignent le marché comme un ensemble d'oligopoles-oligopsones constitués de quelques producteurs et de quelques acheteurs et correspondant chacun à un type de pâte déterminé. Cette configuration du marché tiendrait essentiellement au mode de fabrication de la pâte à papier: vu que le papier résultait d'un mélange caractéristique de pâtes, chaque fabricant de papier ne pouvait s'adresser qu'à un nombre limité de producteurs de pâte et, inversement, chaque producteur de pâte ne pouvait fournir qu'un nombre limité de clients. A l'intérieur des ensembles ainsi constitués, les liens de coopération auraient encore été consolidés par la constatation qu'ils apportaient, aux acheteurs comme aux vendeurs de pâte, une sécurité contre les aléas du marché.

103 Cette organisation du marché, combinée avec sa très grande transparence, se traduirait, dans le court terme, par un phénomène d'inertie des prix. Les producteurs sauraient que, s'ils augmentaient leurs prix, ils ne seraient sans doute pas suivis par leurs concurrents qui leur raviraient alors leur clientèle. Pareillement, ils répugneraient à baisser leurs prix, car ils seraient conscients que, s'ils prenaient une telle initiative, ils seraient au contraire imités par les autres producteurs, à supposer toutefois que ceux-ci disposent de capacités de production inutilisées. Une telle baisse des prix serait d'autant moins souhaitée qu'elle causerait un préjudice à l'ensemble de la branche: la demande globale de pâte étant inélastique, la perte de revenus provoquée par la réduction des prix ne pourrait être compensée par les bénéfices réalisés grâce à l'accroissement des ventes et les profits globaux des producteurs diminueraient.

104 Dans le long terme, la possibilité pour les acheteurs de se tourner, moyennant quelques investissements, vers d'autres types de pâtes, ainsi que l'existence de produits de substitution tels que les pâtes en provenance du Brésil ou les pâtes fabriquées à partir de papier recyclé, auraient pour effet d'atténuer les tendances oligopolistiques du marché. Cela expliquerait que, considérée sur plusieurs années, l'évolution des prix soit relativement faible.

105 Enfin, la transparence du marché pourrait être responsable de certaines augmentations généralisées de prix constatées dans le court terme: quand la demande est plus importante que l'offre, des producteurs qui savent - ce qui était le cas sur le marché de la pâte - que le niveau des stocks de leurs concurrents est bas et que le taux d'utilisation de leurs capacités de production est élevé, ne craindraient pas d'augmenter leurs prix. Ils auraient alors des chances sérieuses d'être suivis par leurs concurrents.

ii) L'évolution du marché de 1975 à 1981

106 Les différents mécanismes qui viennent dêtre décrits permettraient de comprendre diverses séquences de l'évolution des prix considérées par la Commission comme anormales. Il en va spécialement ainsi que la stabilité des prix qui a été observée pendant la période 1975-1976, de l'effondrement du marché survenu en 1977, ainsi que la nouvelle chute des prix constatée à la fin de 1981.

- la période 1975-1976

107 En 1974, la demande de pâte avait été très forte. Vu que le taux d'utilisation des capacités de production était très élevé et que le niveau des stocks était extrêmement bas, l'excès de demande avait provoqué l'augmentation des prix.

108 En 1975 et en 1976, les circonstances se sont modifiées : les stocks ont augmenté et le taux d'utilisation des capacités de production a généralement diminué. Malgré ces changements, aucun producteur n'aurait pris linitiative de diminuer ses prix, parce qu'il savait que, s'il y avait procédé, il aurait été imité par ses concurrents. inversement, s'il avait décidé d'augmenter ses prix, il serait demeuré isolé sur le marché et aurait perdu tout ou partie de sa clientèle.

109 Selon les experts, les caractéristiques oligopolistiques du marché et sa très grande transparence ne seraient pas les seules responsables de la stabilité des prix qui a été constatée pendant la période 1975-1977. Celle-ci trouverait une explication supplémentaire dans des circonstances particulières à cette époque.

110 Tout dabord, sur un plan général, il y aurait lieu de relever qu'en 1976 la demande mondiale de papier s'était redressée, donnant cours à des prévisions optimistes. Par ailleurs, le taux d'inflation étant important, les prix auraient diminué en termes réels et les taux d'intérêt d'inflation important, les prix auraient diminué en termes réels et les taux dintérêt auraient été bas. Ensuite, les producteurs suédois auraient bénéficié d'un abattement fiscal sur la constitution des stocks qui était fonction de la valeur de ceux-ci. Enfin, les producteurs nord-américains auraient disposé du débouché des Etats-Unis, alors très actif, et auraient exploité, pour ce qui les concerne, la quasi-totalité de leurs capacités de production.

- L'année 1977

111 L'effondrement des prix survenu en 1977 serait dû à laugmentation massive de l'offre et à la stagnation de la demande qui ont marqué cette période. D'une part, le gouvernement suédois aurait mis fin au régime d'aides au stockage, provoquant ainsi une augmentation massive de l'offre à une époque où le niveau des stocks dans les autres pays producteurs était relativement élevé. D'autre part, les producteurs auraient alors dû constater que l'augmentation de la demande ne s'était pas produite dans la mesure escomptée et que, partant, l'augmentation des prix devenait moins probable. Dans un contexte, l'entreprise qui décidait de baisser ses prix pouvait être certaine d'être imitée par ses concurrents, si, toutefois, ceux-ci disposaient de capacités de production inutilisées.

- La période 1978-1981

112 A partir du quatrième trimestre de 1978, la demande se serait redressée et serait devenue plus importante que l'offre. La transparence du marché aurait alors conduit à un ajustement rapide des prix. Les entreprises qui savaient que leurs concurrents ne disposaient pas de capacités de production inutilisées auraient pu alors augmenter leurs prix, sans craindre de demeurer isolées et de perdre ainsi leur part de marché.

113 A cette période de hausse de prix aurait succédé une période de stabilité qui s'étend de la mi-1980 à la fin de 1981. Celle-ci pourrait être attribuée au fait que les stocks étaient peu importants, que le taux d'utilisation des capacités de production était élevé et que la demande, influencée par l'entrée sur le marché de nouveaux types de pâtes, était stationnaire.

114 Au quatrième trimestre de 1981, le marché aurait connu une nouvelle récession provoquée par le gonflement des stocks, la diminution des taux dutilisation des capacités de production ainsi que la chute de la demande mondiale de papier. La disparition des circonstances particulières à la période 1975-1977, à savoir le taux d'inflation élevé et l'existence, en Suède, d'un régime d'aides à la constitution des stocks, expliquerait que la diminution des prix se soit alors opérée plus rapidement.

iii) Plusieurs éléments constatés sur le marché sont incompatibles avec l'explication de la concertation.

115 Après s'être expliqué sur les structures du marché et l'évolution des prix intervenue pendant la période litigieuse, les experts soutiennent que plusieurs éléments ou mécanismes particuliers à ce marché sont incompatibles avec l'explication par la concertation. Il en va ainsi de l'existence d'outsiders effectifs et potentiels n'appartenant pas au groupe des firmes ayant prétendument participé à la collusion, de l'évolution des parts de marché et de l'absence de quotas de production ainsi que de la constatation que les producteurs n'ont pas tiré parti des différences que présentaient les différents importateurs quant à l'élasticité de la demande.

116 A propos du premier point, il y a lieu de relever qu'au point 137 de la décision la Commission évalue la production des outsiders à 40 % de la consommation totale de pâte dans la Communauté. Vu l'importance de cette portion du marché, un cartel aurait pu difficilement fonctionner entre les seules entreprises à charge desquelles une infraction de concertation a été retenue.

117 La Commission se défend sur ce point en affirmant que, si elle n'a pas poursuivi ces autres producteurs, c'est parce qu'elle a estimé qu'ils avaient adopté une attitude de suiveurs pendant la période litigieuse.

118 Une telle argumentation ne saurait être admise. Elle apparaît, en effet, comme étant en contradiction flagrante avec le raisonnement tenu par la Commission à propos du tableau 6 pour identifier les participants à la concertation. Si, pour celle-ci, ainsi qu'il a déjà été relevé au point 58 ci-dessus, le simple fait d'avoir annoncé un prix identique à un autre producteur pour la même période suffit effectivement à prouver la concertation, il est évident que la procédure d'infraction au titre de l'article 85 aurait dû être étendue à ces outsiders dont la Commission, en utilisant le terme de suiveur, reconnaît qu'ils ont annoncé le même prix que les producteurs sanctionnés dans le cadre de l'article 1er, paragraphe 1, du dispositif.

119 S'agissant du second élément, les experts constatent ensuite que, au vu du tableau 2 annexé à la décision, les parts de marché ont évolué entre 1975 et 1981. Cette évolution serait révélatrice de l'existence d'une concurrence entre les producteurs et de l'absence de quotas.

120 Enfin, sur l'absence de différence de prix entre les différents Etats membres, les experts estiment que l'on ne saurait soutenir, comme le fait la Commission aux points 136 à 140 de la décision, que les producteurs de pâte auraient du exploiter les différences que présentait l'élasticité-prix dans les différents Etats membres. Selon les experts, les entreprises auraient dû pour cela être en mesure de segmenter le marché, ce qu'elles n'auraient pu faire que s'il avait existé une entente effective englobant tous les fournisseurs existants et potentiels et capable de faire respecter des obstacles à la revente et au transfert entre Etats membres. Dans ces conditions, l'uniformité des prix fournirait au contraire un argument en faveur de l'explication par le fonctionnement normal du marché.

iv) Critiques ponctuelles des experts contre l'explication de la Commission

121 Les experts émettent diverses critiques ponctuelles contre l'explication de la Commission. Ces critiques ont trait à l'incidence sur les prix des frais de transport, de l'importance des commandes et, de manière générale, des différences de coûts, ainsi qu'au caractère secret des rabais.

122 En premier lieu, à la Commission qui soutient que les prix auraient dû varier selon le lieu de destination, les experts répondent que la destination de la pâte ports de l'Atlantique ou de la Baltique n'aurait eu qu'une influence réduite sur les frais de transport. Tout au plus aurait-elle été susceptible d'engendrer une différence de coût équivalente à 10 dollars par tonne. Contrairement à ce qu'affirme la Commission, cet écart serait trop faible pour se répercuter sur les prix pratiqués dans chacune des deux zones.

123 En second lieu, les experts expliquent pourquoi, selon eux, les commandes massives de pâtes n'ont pas engendré de fortes réductions de prix. Pour diverses raisons, de telles commandes ne permettraient pas de réaliser d'importantes économies de coûts. Tout d'abord, les pâtes constitueraient généralement des produits standards prélevés sur des stocks anonymes ; ensuite, les producteurs auraient l'habitude d'établir des installations de stockage dans les grands ports de destination ; enfin, vu qu'ils utilisent plusieurs variétés de pâte, les fabricants de papier préféreraient, quand ils effectuent des commandes importantes, que la pâte leur soit livrée en plusieurs fois. En définitive, les seules économies que permettraient de réaliser les commandes massives de pâtes seraient des économies de frais généraux et de frais administratifs.

124 En troisième lieu, les experts estiment que, quant bien même ces économies auraient été réelles, les différences de coût qu'elles auraient engendré entre les producteurs, n'auraient pas eu d'effet sur les prix, mais bien plutôt sur les profits réalisés par l'entreprise.

125 Enfin, si les rabais étaient secrets, ce serait pour diverses raisons indépendantes des producteurs de pâtes : tout d'abord, dans divers pays tels que la France, les rabais non justifiés par des économies de coûts seraient illégaux ; ensuite, portant le plus souvent sur un tonnage annuel, ils ne pourraient être calculés qu'en fin d'exercice.

Enfin, ce seraient les acheteurs qui demanderaient à ce que les rabais conservent leur caractère confidentiel, tout d'abord, pour obtenir un avantage sur leurs concurrents en se faisant appliquer de meilleurs prix, ensuite, pour éviter que les acheteurs de papier ne réclament à leur tour une réduction de prix.

3. Conclusions

126 Au terme de cet exposé, il y a lieu de constater qu'en l'espèce l'explication du parallélisme de comportement par la concertation n'est pas la seule plausible. Tout dabord, le système des annonces de prix peut être considéré comme apportant une réponse rationnelle au fait que le marché de la pâte constituait un marché à long terme et au besoin qu'éprouvaient à la fois les acheteurs et les vendeurs de réduire les risques commerciaux. Ensuite, l'analogie des dates d'annonces de prix peut être regardée comme une conséquence directe de la forte transparence du marché, laquelle ne doit pas être qualifiée d'artificielle. Enfin, le parallélisme des prix et leur évolution trouvent une explication satisfaisante dans les tendances oligopolistiques du marché ainsi que les circonstances particulières à certaines périodes. Dans ces conditions, le parallélisme de comportements constaté par la Commission ne saurait apporter la preuve de la concertation.

127 En l'absence d'un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants, il y a lieu de conclure que la concertation relative aux prix annoncés n'a pas été établie par la Commission. Partant, l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé.

IV- La concertation au sein de la KEA

128 Les requérantes américaines, à l'exception de Bowater, ont demandé l'annulation de l'article 1er, paragraphe 3, du dispositif dans lequel il est fait grief aux membres de la KEA de s'être concertés sur les prix annoncés et sur les prix de transaction applicables aux ventes dans la Communauté ainsi que d'avoir échangé des données individualisées sur ces derniers prix et à la KEA d'avoir recommandé les prix applicables à ces ventes.

129 Dans l'arrêt du 27 septembre 1988, précité, cette disposition a été annulée dans la mesure où elle concernait la KEA.

A A propos de la concertation sur les prix annoncés et de l'échange d'informations sur les prix de transaction.

130 En ce qui concerne la concertation sur les prix annoncés et l'échange d'informations sur les prix de transaction, il y a lieu, tout d'abord, de se reporter à l'article II A du Policy Statement of Pulp Group (déclaration de principe du groupe des pâtes). En application de ces dispositions, les membres du groupe se réunissent périodiquement pour fixer à l'unanimité les prix applicables aux ventes de pâtes, dits prix recommandés KEA, et s'engageant à annoncer ces prix à leurs clients. Si, par la suite, les membres de l'association s'écartent de ces prix ce qu'ils demeurent libres de faire -, ils sont tenus de le signaler préalablement au directeur du groupe ; lequel décide, le cas échéant, de fixer une nouvelle réunion de groupe en vue d'étudier les mesures à prendre.

131 Dès lors que les producteurs se réunissaient périodiquement pour fixer ensemble le prix recommandé KEA, il apparaît clairement que les producteurs membres de cette association se sont concertés au sein de cette association sur les prix annoncés de la pâte de bois. De la même manière, il convient de constater que, en s'engageant à notifier d'avance tout prix s'écartant de celui qui avaient fixé d'un commun accord, ils ont mis en place un système d'informations sur leur comportement futur de nature à restreindre la concurrence.

132 A ces évidences, les requérantes objectent en vain que, dans la réalité, le prix recommandé KEA fixé par le groupe n'a pas toujours été respecté par les membres du groupe. Une telle argumentation renferme, en effet, l'aveu que, au moins pour certaines périodes, les requérantes ont annoncé les prix recommandés KEA et se sont donc concertées sur ces prix.

B A propos de la concertation sur les prix de transaction

133 Dans l'article 1er, paragraphe 3, la Commission reproche, en outre, aux requérantes membres, de la KEA de s'être concertées sur les prix de transaction au sein de cette association.

134 Quoique cette disposition ne livre aucune indication sur ce point, il y a lieu de considérer que cette infraction a été commise au cours des années 1975 et 1976. Aux points 120 et 121 de la décision, il est, indiqué que les prix recommandés KEA ont été observés tout au moins en 1975 et en 1976 alors qu'en 1977 et en 1978, une différence a pu se manifester entre le prix recommandé et le prix facturé. Aux requérantes qui déduisaient de ces allégations que, selon la Commission, les prix recommandés par la KEA n'avaient pas été observés au cours des années 1979, 1980 et 1981, la Commission a répondu que, si elle avait dû limiter cette constatation aux années 1975 et 1976, c'est parce qu'elle ne disposait des renseignements nécessaires sur les prix recommandés KEA pour les années 1979, 1980 et 1981. De ces allégations, il ressort clairement que la période d'infraction doit être limitée aux années 1975 et 1976.

135 Pour statuer sur cette infraction, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt Hoffmann-LaRoche, précité), les droits de la défense exigent que les entreprises aient pu, avant que la Commission n'arrête sa décision, faire connaître leur point de vue sur les griefs retenus à leur encontre, ainsi que sur les documents qui fondent ces griefs.

136 Par ordonnances du 25 novembre 1988 et du 16 mars 1989, la Cour a désigné deux experts afin de vérifier, notamment, que les documents recueillis par la Commission lors de vérifications et donc antérieurement à la communication des griefs permettaient de conclure, comme l'a fait la Commission, que les producteurs avaient pratiqué des prix identiques à ceux qu'ils avaient annoncés.

137 Du rapport d'expertise qui a été remis à la Cour le 10 avril 1990, il ressort que, au moment de la communication des griefs, la Commission ne détenait pas suffisamment de factures pour étayer l'infraction consistant, pour les membres de la KEA, à s'être concertés sur les prix de transaction. L'annexe 15-1 dudit rapport a, en effet, mis en exergue le fait que, pour trois membres de l'association Chesapeake Corporation, Mead Corporation et Scott Paper la Commission ne détenait aucune facture, tandis que, pour Crown Zellerbach et pour IPS, elle ne disposait respectivement que de trois et de quatre factures. Il y a lieu d'ajouter que, dans ce dernier cas, ces documents se rapportaient aux années 1977-1978, période qui n'est pas couverte par l'infraction.

138 Il en résulte que, pour établir l'infraction relative aux prix de transaction, la Commission a dû se baser, pour l'essentiel, sur des documents recueillis postérieurement à la communication des griefs. Les membres de la KEA n'ayant pas eu l'occasion de faire valoir leur point de vue sur ces documents, il y a lieu d'annuler, pour violation des droits de la défense, l'article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, en tant qu'il concerne cette infraction.

C Sur l'affectation du commerce entre Etats membres

139 En application de l'article 85 du Traité, des comportements qui constituent une atteinte à la concurrence ne pourront être sanctionnés par la Commission que s'ils sont susceptibles, par ailleurs, d'affecter le commerce entre Etats membres.

140 Aux points 136 et suivants de sa décision, la Commission estime que tel est bien le cas dans la présente affaire. Le niveau de prix uniforme qui aurait été engendré par les pratiques litigieuses aurait empêché les échanges qui se seraient sinon produits entre les Etats membres en raison des différences de la demande, du taux de change et des frais de transport. De tels échanges se seraient réalisés par l'intervention d'intermédiaires indépendants et de producteurs de papier qui auraient revendu leurs excédents de pâte sur le marché, plus actif d'un autre Etat membre.

141 Les requérantes, membres de la KEA, contestent cette affirmation pour trois motifs essentiels. Tout d'abord, leurs activités se limiteraient aux exportations vers la Communauté et ne concerneraient pas le commerce entre Etats membres. Ensuite, le commerce entre Etats membres serait insignifiant ; les quelques usines de production de pâte implantées dans la Communauté utiliseraient la presque totalité de leur production pour leur propre fabrication de papier. De plus, vu le coût du stockage, les fabricants de papier n'achèteraient généralement de la pâte que pour leur propre consommation. Enfin, les requérantes estiment que leur part de marché était trop réduite pour avoir un impact sensible sur le commerce entre Etats membres.

142 Aux deux premiers arguments, il y a lieu d'objecter tout d'abord que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391), tout accord qui a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence par la fixation des prix d'un produit semi-fini est susceptible d'affecter le commerce intra-communautaire, même si le produit semi-fini ne fait pas lui-même l'objet d'un commerce entre Etats membres, lorsqu'un tel produit constitue la matière première d'un autre produit commercialisé ailleurs dans la Communauté. En l'occurrence, il y a lieu de relever que la pâte de bois représente 50 à 75 % du coût du papier et que, dans ces conditions, il ne fait aucun doute que la concertation qui est intervenue en matière de prix de la pâte a eu des répercussions sur les échanges de papier entre les Etats membres.

143 De la même façon, le troisième argument tiré, par les membres de la KEA, de l'étroitesse de leur part de marché, doit être écarté. A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a jugé à diverses reprises (voir, par exemple, arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), un accord pour être susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échanges entre Etats membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre Etats.

144 En l'occurrence, il résulte du tableau 2 annexé à la décision que les exportations des producteurs américains ont varié entre 14,10 et 17,67 % de la consommation totale de la pâte dans la Communauté au cours de la période litigieuse. De telles parts de marché n'étant pas négligeables, il doit être admis que la concertation sur les prix annoncés et les échanges d'informations qui ont eu lieu dans le cadre de la KEA étaient de nature à influencer le commerce entre Etats membres.

D Sur l'application du principe de non-discrimination

145 A l'encontre de l'article 1er, paragraphe 3, de la décision, les requérantes, membres de la KEA, font enfin valoir qu'elles sont victimes d'une discrimination par rapport à la Finncell. Au point 135 de la décision, la Commission déclare qu'elle se prononcera dans une décision distincte sur la compatibilité de cette organisation avec l'article 85 du traité. Or, la Finncell compterait un plus grand nombre de clients dans la Communauté que la KEA et ses règles, comportant une obligation de commercialiser la pâte par son intermédiaire, seraient plus contraignantes.

146 Un tel argument est sans valeur pour l'appréciation de la présente infraction. La circonstance qu'un opérateur qui se trouvait dans une situation similaire à celle du requérant n'a fait l'objet d'aucune constatation d'infraction de la part de la Commission ne saurait en toute hypothèse permettre décarter l'infraction retenue à l'encontre de ce requérant, dès lors que celle-ci a été correctement établie.

147 En considération de l'ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu d'annuler, pour violation des droits de la défense, l'article 1er, paragraphe 3, de la décision en tant qu'il établir une concertation entre les membres de la KEA sur les prix de transaction.

V- La concertation au sein de la Fides

148 L'article 1er, paragraphe 4, fait grief à St Anne et à la Finncell ainsi qu'à divers producteurs suédois, norvégien, espagnol et portugais, d'avoir échangé, dans le cadre de la Fides, des données individualisées sur les prix applicables aux ventes de pâtes de feuillus pendant la période 1973-1977.

149 Selon la décision, ce sont les producteurs finlandais, de même d'ailleurs que les producteurs suédois, qui ont prix l'initiative de convoquer ces réunions et qui ont demandé qui soit instaurée une certaine discipline en vertu de laquelle les producteurs conviendraient d'un prix de vente et s'obligeraient mutuellement à justifier les écarts entre leurs prix et les prix fixés d'un commun accord. Le producteur d'informations sur les prix de vente sans se soumettre à une discipline quelconque.

150 Pour établir cette infraction, la Commission s'est basée sur différents documents et télex mentionnés aux points 44 à 60 de la décision. Il s'agit de comptes rendus de certaines réunions et de lettres par lesquelles les producteurs ont informé leurs filiales ou leurs agents de vente des résultats des réunions en cause ou encore de notes internes de certains producteurs relatives à ces mêmes réunions.

151 Le producteur canadien St Anne et l'association finlandaise la Finncell ont demandé l'annulation de cette partie de la décision.

A Sur la participation de St Anne aux réunions de la Fides

152 Pour ce qui concerne, St Anne soutient que l'infraction consistant à avoir participé aux réunions de la Fides ne figurerait pas dans la communication des griefs.

153 A cet égard, il y a lieu de relever tout d'abord que, chaque fois que la communication des griefs évoque les réunions de la Fides, elle fait uniquement allusion aux producteurs scandinaves et européens. Ainsi en va-t-il notamment des points 61 et 80 qui figurent dans la partie intitulée "Applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE". Seul fait exception à ce constat le point 32 de l'exposé qui fait état d'un télex du 28 mars 1977 par lequel le producteur espagnol ENCE informait son agent Becelco des prix qu'entendaient pratiquer les scandinaves, d'une part, et les producteurs St Anne, Portucel et Celbi, d'autre part. Ce document ne peut toutefois être pris en considération. Etant donné qu'il figure dans la partie en fait de la communication des griefs et qu'aucune conclusion n'en a été tirée dans la partie en droit, il ne saurait servir à déterminer les comportements reprochés aux requérantes. Ensuite, il convient de relever que l'annexe VII de cette communication, qui, selon son intitulé, recense les principaux membres de la section pâtes de feuillus de la Fides, ne fait aucune mention du producteur St Anne.

154 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, au stade de la communication des griefs, la requérante St Anne était dans l'impossibilité de connaître le grief relatif à sa participation aux réunions de la Fides et, partant de faire valoir sa défense sur ce point. Les règles énoncées à l'article 2, paragraphe 1, et à l'article 4 du règlement n° 99 ayant ainsi été méconnues, il y a lieu dannuler l'article 1er, paragraphe 4, de la décision en ce qu'il concerne le producteur St Anne.

B Sur la participation de la Finncell au réunions de la Fides

155 Relativement à sa participation aux réunions de la Fides, la Finncell fait tout d'abord valoir que les indications et les documents mentionnés aux points 57 à 60 de la décision ont été recueillis postérieurement à la communication des griefs et que l'occasion ne lui a pas été donnée de réagir sur ces documents antérieurement à la décision.

156 Ainsi qu'il ressort du texte même de la décision, les informations litigieuses proviennent des réponses qui ont été apportées par d'autres entreprises à la communication des griefs. Dès lors que la requérante n'a pas pu présenter ses observations sur ces documents préalablement à la décision, ils doivent, sous peine de violer les droits de la défense, être écartés des débats.

157 Sur les autres énonciations mentionnées aux points 44 à 56 de la décision, la Finncell émet ensuite diverses critiques. Primo, elles serviraient à fonder une concertation de la Finncell avec les producteurs canadien, suédois, norvégien, espagnol et portugais, alors que, dans le cadre de la communication des griefs, il lui était seulement reproché d'avoir échangé des informations avec le GEC, groupement d'intérêt économique français. Secundo, certains de ces documents ne feraient référence qu'aux producteurs scandinaves, lesquels n'engloberaient pas les Finlandais. Tertio, les discussions dont il est question dans certains de ces documents n'auraient pas porté sur le prix de la pâte, mais se seraient rapportées à d'autres questions telles que la situation du marché ou l'utilisation des capacités de production. Quarto, la Finncell souligne qu'elle avait fixé ses prix préalablement à ces réunions de telle sorte quelles n'ont eu aucun effet sur ses prix.

158 Cette argumentation ne saurait être accueillie.

159 Tout d'abord, la concertation qu'ils établissent n'est pas différente quant à ses participants de celle qui résulte de la communication des griefs. A cet égard, il y a lieu de relever qu'il est vrai qu'au point 80, situé dans la partie en droit de la communication des griefs et intitulé Echanges d'informations dans le cadre de la Fides , il est uniquement question d'une concertation entre le GEC et la Finncell. Toutefois, le point 61 du même document, situé dans la même partie de la communication des griefs, évoque également une coopération en matière de prix dans le cadre de la Fides sous le titre Coopération entre les producteurs scandinaves et les autres producteurs européens et renvoie au point 30 du même document. Sous ce point, il est indiqué que la Fides comprenait une section pâtes de feuillus dans laquelle les principaux producteurs scandinaves et d'autres entreprises européennes échangent des informations sur le marché et renvoyé à la liste des participants figurant à lannexe 7.

160 Ensuite, il est constant que le termes scandinave apparaissant dans les documents mentionnés aux points 48, 49, 51, 52 et 53 de la décision désigne tant les producteurs finlandais que les producteurs suédois. Quand bien même ce ne serait pas le cas, il y aurait lieu de relever, par ailleurs, que les documents mentionnés aux points 45 et 54 visent nommément les producteurs finlandais, tandis que le point 53 fait état d'un voyage du directeur du GEC à Helsinki pour étudier la possibilité de pratiquer une hausse des prix à partir du deuxième semestre de 1977. Contrairement à ce que prétend Finncell, cette démarche ne peut être qualifiée d'unilatérale. Les documents figurant aux points 51, 53 et 54 montrent, en effet, qu'elle était destinée à justifier le comportement du GEC en matière de prix face aux critiques qui lui étaient adressées notamment par les scandinaves.

161 En réponse au troisième argument, il convient d'observer que la plupart des documents discutés font clairement référence à des discussions sur les prix. Il en va notamment ainsi pour les documents mentionnés aux points 48, 49, 42 et 53.

162 Enfin, largument selon lequel les prix de la Finncell ont été fixés préalablement aux réunions de la Fides est sans pertinence puisque les comportements que la Commission dénonce à travers l'article 1er, paragraphe 4, du dispositif, c'est non seulement le fait, pour les producteurs, d'avoir participé à des réunions au cours desquelles était fixés ces prix, mais aussi le fait, pour un producteur, d'avoir imposé à ses concurrents les prix qu'il s'était préalablement fixés.

163 De ce qui précède, il résulte que, considérés globalement, les documents mentionnés aux points 44 à 56 de la décision permettent d'établir la participation de la Finncell aux réunions de la Fides.

C Sur l'affectation du commerce interétatique

164 Les requérantes finlandaises estiment que de manière générale les prétendues infractions relevées par la Commission n'ont pas pu affecter le commerce de la pâte entre les Etats membres.

165 A cet égard, elles font valoir que la décision porte exclusivement sur les courants d'échanges entre les Etats tiers et les Etats membres et qu'ils ne permettent pas de tirer des conclusions quant aux échanges intra-communautaires. Ensuite, le commerce de pâte entre Etats membres serait pratiquement inexistant. Enfin, vu le mode de fabrication de la pâte et les liens de coopération qui les unissaient à leurs fournisseurs, les fabricants de papier n'auraient eu aucun intérêt au développement des importations parallèles.

166 A ces arguments qui sont similaires à ceux qui ont été avancés par les requérantes, membres de la KEA, il s'impose de faire la même réponse que celle qui a été faite au point 143. En conséquence, il y a lieu de les écarter.

167 Au vu de ce qui précède, l'article 1er, paragraphe 4, est, pour violation des droits de la défense, annulé en tant qu'il concerne le producteur St Anne.

VI Les clauses d'interdiction d'exporter et de revendre

168 Les requérantes canadiennes St Anne, Westar, macMillan et Canfor demandent l'annulation de l'article 1er, paragraphe 5, de la décision, par lequel la Commission leur reproche, ainsi d'ailleurs qu'à dautres producteurs américain, suédois et norvégien, d'avoir appliqué, dans les contrats relatifs à la vente de pâte de bois, des clauses interdisant aux acheteurs d'exporter et de revendre la pâte.

169 Sans contester l'existence de ces clauses, les requérantes avancent trois types d'arguments.

170 Tout dabord, ces clauses auraient été recopiées par inadvertance sur des contrats plus anciens et c'est par négligence qu'elles seraient demeurées dans les contrats.

171 Ensuite, elle n'auraient produit aucun effet sur les cocontractants : les acheteurs ne se seraient jamais considérés comme liés par les obligations qu'elles établissaient ; quant aux vendeurs, ils n'en auraient jamais réclamé l'application. Ces clauses auraient d'ailleurs généralement été supprimées des contrats dès la réception de la communication des griefs.

172 Enfin, les clauses litigieuses n'auraient pas eu pour effet d'affecter le commerce entre les Etats membres. Vu les liens de coopération qui les unissaient aux producteurs de pâte, les fabricants de papier auraient été peu enclins à s'adresser à des concurrents établis dans d'autres Etats membres. Il en allait d'autant plus ainsi que les prix étaient uniformes partout dans la Communauté et que de telles transactions, si elles avaient eu lieu, auraient impliqué des frais de transport, de chargement et de déchargement supplémentaires. Sur le même point, certains producteurs soulignent encore le fait que peu de contrats étaient assortis d'une telle clause ; quant au producteur St Anne, il fait en particulier observer, que le volume annuel de ses ventes de pâte dans la Communauté pendant la période litigieuse ne représentait que 3 % de la quantité totale consommée dans la Communauté.

173 Une telle argumentation n'est pas de nature à effacer l'infraction établie par la Commission.

174 En premier lieu, il convient de relever que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, autorise la Commission à infliger aux entreprises des amendes lorsque de propos délibéré ou par négligence, elles ont commis des infractions aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le fait que les clauses ont été insérées par négligence dans les contrats ne saurait par conséquent être retenu.

175 En second lieu, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir, par exemple, arrêts du 21 février 1984, Hasselblad, 86-82, Rec. p. 883 ; du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti Farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45), le fait qu'une clause, qui a pour objet de restreindre la concurrence, n'a pas été mise en œuvre par les cocontractants, ne suffit pas à la soustraire à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

176 Enfin, en réponse au troisième argument avancé par les requérantes, il y a lieu de constater que, par nature, une clause qui a pour objet d'interdire à un acheteur de revendre ou d'exporter la marchandise acquise est susceptible de cloisonner les marchés et donc d'affecter le commerce entre Etats membres, exigence qui il faut le rappeler (voir arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429) est seulement destinées à déterminer les accords qui relèvent du droit communautaire.

177 En conséquence, il y a lieu de considérer que les requérantes St Anne, Westar, MacMillan et Canfor, en insérant des clauses d'interdiction dexporter et de revendre dans leurs contrats ou leurs conditions générales de vente, ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité.

VII L'engagement

178 Les requérantes américaines y compris Bowater, mais excepté IPS et les requérantes canadiennes Westar, Welwood, MacMillan, Canfor et British Columbia ont demandé l'annulation de tout ou partie de l'engagement annexé à la décision.

179 En souscrivant cet engagement, ces requérantes à l'exception de Bowater - , se sont obligées à annoncer et à facturer au moins 50 % de leurs ventes à destination de la Communauté dans la monnaie de l'acheteur, à annoncer leurs prix jusqu'à nouvel ordre, à se borner à les communiquer aux opérateurs précisés dans ce document, à mettre fin aux concertations et aux échanges d'informations qui avaient lieu au sein de la KEA et de la Fides ainsi quà ne plus imposer d'interdiction d'exporter et de revendre à leurs acheteurs. La signature de cet engagement a justifié une réduction substantielle de l'amende.

180 La Commission demande à la Cour de déclarer ce recours irrecevable. Cet engagement constituerait, en effet, un acte unilatéral dont les requérantes précitées sauf Bowater qui ne l'a pas signé sont les auteurs et il ne pourrait, dès lors, faire l'objet d'un recours en annulation au titre de l'article 173 du traité.

181 Ce point de vue ne saurait être retenu. Les obligations que crée l'engagement à charge des requérantes doivent être assimilées à des injonctions de cessation d'infractions prévues par l'article 3 du règlement n° 17. De l'arrêt du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission (6-73 et 7-73, Rec. p. 223), il résulte, en effet, que cette disposition habilite la Commission à prendre toutes les mesures qui se révèlent nécessaires pour mettre fin à l'infraction constatée et que celles-ci peuvent consister tant en des mesures positives qu'en des mesures négatives. En prenant cet engagement, les requérantes se sont donc bornées, pour des raisons qui leur sont personnelles, à acquiescer à une décision que la Commission aurait eu compétence pour prendre unilatéralement.

182 Il y a lieu de ranger les dispositions de l'engagement en deux catégories distinctes : d'une part, les règles qui, tels les engagements de mettre fin aux concertations et aux échanges d'informations qui ont eu lieu au sein de la KEA et de la Fides ou l'engagement de supprimer les clauses d'interdiction d'exporter ou revendre, obligent les requérantes à mettre fin aux comportements illicites dénoncés à l'article 1er, paragraphe 3, 4 et 5, de la décision et, d'autre part, les règles qui visent à démanteler le système d'annonces de prix et à rendre le marché moins transparent. Sont à classer dans ce second groupe l'obligation d'annoncer les prix de la pâte jusqu'à nouvel ordre, l'obligation d'annoncer et de facturer les prix, pour 50 % des ventes, dans la monnaie de l'acheteur, ainsi que la délimitation du cercle des opérateurs auxquels les prix pourront dorénavant être communiqués.

183 Les raisons d'annuler les règles faisant partie de ce second groupe découlent logiquement de ce qui a été jugé précédemment. Dès lors qu'il n'a été établi ni que le système d'annonces de prix ne répondait pas aux nécessités du marché ni que la transparence qu'il engendrait devait être qualifiée d'artificielle, les dispositions qui visent à modifier ce système apparaissent comme dépourvues d'objet.

184 Quant aux règles qui consistent à obliger les requérantes à mettre fin à certains comportements constatés au sein de la KEA, à s'abstenir d'échanger des informations au sein de la Fides ou d'insérer des clauses d'interdiction d'exporter et de revendre dans les contrats ou les conditions générales de vente, il convient de constater qu'elles se limitent à énoncer pour l'avenir les conséquences qui doivent être déduites par les destinataires des paragraphes 3, 4 et 5, de l'article 1er de la décision. Dans la mesure où elles se rapportent à des constatations d'infractions qui nont pas été invalidées par la Cour, ces injonctions subsistent.

185 En conséquence, il y a lieu d'annuler les dispositions de l'engagement dans la mesure où elles imposent d'autres obligations que celles qui résultent des constatations d'infractions établies par la Commission qui n'ont pas été invalidées par la Cour.

VIII Les amendes

186 De ce qui précède, il résulte que seules les infractions ou une partie des infractions énoncées à l'article 1er, paragraphes 3, 4 et 5, du dispositif doivent être retenues.

Pour rappel, ces infractions consistent, en premier lieu, pour les membres de la KEA, à s'être concertés sur les prix annoncés et à avoir échangé des données individualisées sur les prix au sein de cette association, en second lieu, pour la Finncell, à avoir échangé des données individualisées sur les prix avec d'autres producteurs au sein de la Fides et, en troisième lieu, pour les requérantes canadiennes St Anne, Westar, MacMillan et Canfor, à avoir inséré des clauses d'interdiction de revendre ou d'exporter dans les contrats ou les conditions générales de vente.

A Les infractions relatives à la KEA.

187 Du point 146 de la décision, il ressort qu'aucune amende n'a été infligée aux producteurs américains pour leur participation aux activités de la KEA. Etant donné que cette action était la première à mettre en cause la Weeb Pomerene Act, la défenderesse a, en effet, admis que les producteurs concernés ignoraient que leur comportement était contraire au traité CEE.

B L'infraction relative à la Fides

188 En application de l'article 3 de la décision, la requérante la Finncell a été condamnée à une amende de 100 000 écus pour avoir échangé avec d'autres producteurs des informations sur les prix au sein de la Fides.

189 A cet égard, il convient de rappeler que la Finncell a joué un rôle prédominant au sein de l'association et que l'infraction a duré de 1973 à 1977. Vu la gravité et la durée de l'infraction, il y a lieu de maintenir l'amende infligée par la Commission.

C L'infraction relative aux clauses d'interdiction de revendre et d'exporter

190 En application de l'article 3 de la décision, les requérantes Canfor, MacMillan, St Anne et Westar ont été sanctionnées respectivement par des amendes de 125 000, 150 000, 200 000 et 150 000 écus.

191 Outre le fait d'avoir reconnu à des interdictions d'exporter et de revendre, ces amendes sanctionnaient, dans le cas de Canfor, MacMillan et Westar, les infractions consistant à avoir participé aux concertations générales sur les prix annoncés et sur les prix de transaction, et, dans le cas de St Anne, les infractions consistant à avoir participé à la concertation générale sur les prix annoncés et aux réunions de la Fides.

192 Vu que, contre ces requérantes, seule a été retenue l'infraction relative aux clauses d'interdiction d'exporter et de revendre, il y a lieu de revoir le montant de ces amendes.

193 Certes les clauses d'interdiction de revendre et d'exporter mettent directement en danger la liberté des échanges communautaires et, partant, constituent des infractions graves aux traité.

194 Toutefois, il convient d'observer que les intéressées ont rapidement mis fin à cette infraction. Ainsi le seul contrat conclu par Westar qui était assorti de la clause litigieuse a-t-il cessé de sortir ses effets dès le 31 décembre 1978, soit bien avant la communication des griefs, laquelle est datée du 4 septembre 1981. De la même manière, les requérantes Canfor et St Anne ont supprimé les clauses litigieuses des contrats ou des conditions générales de vente dès la réception de la communication des griefs. Quant à la requérante MacMillan, elle affirme, sans être contredite par la Commission, avoir éliminé la clause de tous ses contrats à la fin de l'année 1981.

195 Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans leur défense, toutes les requérantes déclarent, sans être contredites par la Commission, que l'insertion de la clause litigieuse dans les contrats ou les conditions générales de vente était le résultat de leur seule négligence.

196 Enfin, il y a lieu de constater que, relativement à cette condamnation, les requérantes Canfor et Westar se prétendent victimes d'une discrimination par rapport au producteur ITT Rayonier. Ce producteur, quoique ayant également inséré dans ses conditions générales de vente des clauses d'interdiction d'exporter et de revendre, ne s'est vu infliger aucune sanction par la Commission. La discrimination serait particulièrement flagrante vis-à-vis du producteur Westar pour lequel la Commission n'a relevé qu'un seul contrat contenant la clause litigieuse.

197 Cet argument ne saurait être retenu. Dès lors qu'une entreprise a, par son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d'amende, alors même que la Cour n'est pas saisie de la situation de ce dernier.

198 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de fixer l'amende des intéressées à 20 000 écus pour chacune d'elles.

Sur les dépens

199 Par ordonnance du 20 mars 1990, le recours introduit par Mead Corporation, membre de la KEA, a été radiée, les dépens étant réservés.

200 Aux termes de l'article 69, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de procédure, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens par l'autre partie. La Commission ayant demandé que Mead Corporation supporte ses propres dépens, il y a lieu de statuer en ce sens.

201 Pour le reste, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens et que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

202 En l'occurrence, il y a lieu, aux fins de cette répartition, d'opérer une distinction entre les frais occasionnés par les deux expertises et les autres dépens.

203 Les frais occasionnés par les expertises doivent être mis à la charge de la Commission. En effet, ces expertises se rapportent aux infractions constatées par la Commission aux paragraphes 1 et 2 de l'article 1er de la décision, lesquels ont été déclarés nuls par la Cour.

204 Quant aux autres dépens, il y a lieu de les faire supporter pour deux tiers par la Commission, pour un neuvième par les requérantes, membres de la KEA, pour un neuvième par la Finncell et pour un autre neuvième par les requérantes canadiennes St Anne, Westar, MacMillan et Canfor.

205 Cette répartition tient compte du fait que la Commission a succombé en ses moyens portant sur l'infraction relative à la concertation générale sur les prix annoncés, l'infraction relative à la concertation générale sur les prix de transaction, l'infraction relative à la concertation sur les prix de transaction au sein de la KEA et sur l'infraction relative aux échanges d'informations au sein de la Fides en tant qu'elle concerne St Anne tandis que les requérantes, membres de la KEA, ont succombé sur les infractions consistant à s'être concertés sur les prix annoncés et à avoir échangé des informations au sein de cette association, la Finncell sur l'infraction consistant à avoir échangé des données individualisées sur les prix au sein de la Fides et les requérantes canadiennes susmentionnées sur l'infraction relative aux clauses d'interdiction d'exporter et de revendre.

206 Enfin, en application de l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le gouvernement du Royaume-Uni qui est intervenu au soutient de la Commission dans plusieurs affaires, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

Déclare et arrête :

L'article 1 er, paragraphe 1, de la décision 85-202-CEE de la Commission du 19 décembre 1984, relative à une procédure d'infraction à l'article 85 du Traité, est annulé.

L'article 1 er, paragraphe 2, de la décision précitée, est annulé.

L'article 1 er, paragraphe 3, de la décision précitée, est annulé dans la mesure où il établit une concertation sur les prix de transaction.

L'article 1 er, paragraphe 4, de la décision précitée, est annulé en ce qu'il concerne la requérante St Anne.

Les recours introduits contre l'article 1er, paragraphe 5, de la décision précitée, sont rejetés comme étant non fondés.

Les dispositions de l'engagement annexé à la décision sont annulées dans la mesure où elles imposent d'autres obligations que celles qui résultent des constatations d'infractions établies par la Commission qui n'ont pas été invalidées par la Cour.

Les amendes infligées aux requérantes sont supprimées, à l'exception de celle qui concerne la Finncell et à l'exception de celles infligées à Canfor, à MacMillan, à St Anne et à Westar qui sont réduites à 20 000 écus.

Mead Corporation supportera ses propres dépens.

Les frais engendrés par les deux expertises demandées par la Cour sont supportés par la Commission.

Les autres dépens seront supportés pour deux tiers par la Commission, pour un neuvième par les requérantes, membres de la KEA, pour un neuvième par la Finncell et pour un neuvième par les requérantes canadiennes St Anne, Westar, MacMillan et Canfor.

Le Gouvernement du Royaume-Uni, partie intervenante, supportera ses propres dépens.