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Décisions

CCE, 20 décembre 1989, n° 90-16

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Prestation aux Pays-Bas du service de courrier rapide

CCE n° 90-16

20 décembre 1989

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 90 paragraphes 1 et 3, après avoir donné aux autorités néerlandaises l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs soulevés par la Commission et relatifs aux articles 2 et 12 du projet de nouvelle loi postale, considérant ce qui suit :

I - LES FAITS

La mesure étatique en cause

(1) Les Pays-Bas ont, par l'article 2 et l'article 12 paragraphe 2 de la loi du 26 octobre 1988 relative à l'exécution du service postal (code postal), interdit à toute entreprise autre que le concessionnaire du service postal, c'est-à-dire l'entreprise PTT-Post BV, de collecter, de transporter ou de distribuer des lettres jusqu'à 500 grammes, à moins que ces entreprises répondent aux trois conditions cumulatives suivantes :

- être préalablement enregistrées,

- fournir un service d'une qualité sensiblement supérieure à celui fourni par la poste en matière de délais de livraison et de suivi pendant le transport,

- fournir ce service à un prix non inférieur à un minimum fixé par arrêté d'application (algemene maatregel van bestuur).

Le gouvernement des Pays-Bas a fixé par arrêté du 19 décembre 1988 (besluit minimumtarieven koeriersdiensten) (1) ce minimum à 11,90 florins néerlandais pour le service intérieur ou à destination des autres États membres et à 17,5 florins néerlandais pour le service international hors Communauté.

Ce minimum n'est pas applicable à PTT-Post BV dans le cadre de son service EMS (Express Mail Service). Les montants fixés par l'arrêté sont supérieurs à certains tarifs pratiqués jusqu'alors par des coursiers internationaux opérant aux Pays-Bas aussi bien pour des envois destinés au territoire néerlandais que destinés aux autres États membres.

En outre, l'arrêté du 12 mai 1989 (2), qui précise les conditions d'enregistrement, impose aux seules entreprises privées de courrier rapide de faire enregistrer annuellement leurs tarifs avant le 1er mars. Cette seconde mesure vise à empêcher toute flexibilité dans la négociation de tarifs avec des clients importants et touche surtout les entreprises établies hors des Pays-Bas qui devront, annuellement, faire enregistrer à La Haye tous leurs tarifs, indépendamment du nombre d'envois collectés aux Pays-Bas.

La situation antérieure

(2) Avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 1988, le service postal était régi par la loi postale de 1954. Cette loi réservait également l'exclusivité de la collection et de la distribution de lettres à la poste néerlandaise. Toutefois, dans la pratique, les autorités néerlandaises ne s'opposaient pas au service de courrier rapide presté par les coursiers internationaux aux Pays-Bas pour un tarif inférieur à la limite fixée par la nouvelle loi. Le service répondait à des besoins que la poste ne pouvait pas satisfaire. Le monopole était en fait limité au service de base en matière de transport de lettres. Le service de courrier rapide était presté dans un régime de concurrence entre la poste dans le cadre de leur service EMS et les coursiers internationaux.

Les entreprises de courrier rapide employaient au 1er janvier 1989 environ 4 000 personnes pour ce service. La grande majorité des emplois des entreprises privées de courrier rapide ont trait au transport de courrier rapide à l'intérieur des Pays-Bas, assuré par des petites et moyennes entreprises - dont une partie est destinée au service de coursier international vers les autres États membres - que la nouvelle législation néerlandaise a pour effet d'éliminer au profit de PTT-Post BV.

Le service en cause

(3) Le service postal recouvre deux marchés : à savoir le service postal de base et le service de courrier rapide. S'agissant de marchés de services et non de marchés de produits, la distinction entre ces marchés ne peut se fonder uniquement sur les caractéristiques des objets transportés. La différence essentielle réside dans la valeur ajoutée par les prestataires des services concernés au simple transport de biens concernés.

Le service postal de base consiste dans le transport d'envois, depuis des boîtes aux lettres et des bureaux de poste disséminés sur l'ensemble du territoire, triés centralement et ensuite déposés dans le cadre des rondes régulières dans la boîte aux lettres des destinataires. Le service de courrier express peut être considéré comme une partie de ce service postal de base. Le service de courrier express est un service standardisé, intégré dans le service de base, avec comme seule différence un transport plus rapide à l'intérieur des frontières néerlandaises en contrepartie d'une taxe forfaitaire.

Le service de courrier rapide se caractérise, en plus de sa rapidité accrue et d'une sécurité accrue dans le transport par rapport au service de base, par les prestations additionnelles suivantes selon la politique commerciale des entreprises concernées ou certaines d'entre elles :

- ramassage à domicile des envois,

- livraison en main propre du destinataire,

- possibilité de changement de destination ou de destinataire en cours d'acheminement,

- confirmation à l'expéditeur de la réception de son envoi,

- suivi des envois,

- traitement personnalisé des clients et offre d'un service à la carte selon les besoins.

L'argument des autorités néerlandaises, à savoir que le service de courrier rapide est intégré dans les services de base de la poste, n'est pas pertinent à cet égard. La poste néerlandaise a la possibilité de prester les deux services. Ceci ne change toutefois pas le fait que le service rapide requiert des activités supplémentaires à celles prestées dans le cadre du service de base. Le fait qu'une seule entreprise fournisse plusieurs services ne démontre pas qu'il s'agit d'un seul marché.

(4) Le marché du service postal de base et celui du courrier rapide se distinguent également par les besoins auxquels ils répondent. Ces services ne sont pas interchangeables. Le service du courrier rapide répond aux besoins d'une clientèle d'affaires pour qui la remise au destinataire dans un délai garanti est essentielle. Le service de base, par contre, vise les besoins du grand public pour qui le prix de la prestation est au moins aussi déterminant que sa rapidité. Les prestations additionnelles offertes dans le cadre du service de courrier rapide se reflètent en effet dans son prix. Le tarif le plus élevé pour le service de base - à savoir celui pour une lettre de 500 grammes - est de 4,5 florins néerlandais. Par contre, et même en tenant compte des rabais consentis jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 19 décembre 1988 aux gros clients, les tarifs pour les envois des courriers rapides sont presque toujours supérieurs à 4,5 florins néerlandais. Il est à noter qu'à l'échelle de la Communauté 95 % des envois sont traités dans le service de base contre 5 % dans le service rapide. Cependant, le chiffre d'affaires réalisé dans le service de base est seulement deux fois supérieur à celui réalisé pour le service rapide. En effet, le service de base est un service de masse à faible valeur ajoutée, tandis que celui du courrier rapide est un service à forte valeur ajoutée. Ces deux services ne se concurrencent pas dans la pratique.

Antécédents

(5) Par lettre du 7 novembre 1988, la Commission a émis des réserves quant aux dispositions de l'article 12 paragraphes 1 et 2 du projet de nouvelle loi postale, parce qu'elles risquaient de porter atteinte à l'activité des entreprises de courrier rapide. Ayant appris l'adoption de la loi, la Commission a, par télex du 29 novembre 1988, demandé des renseignements complémentaires et invité les autorités néerlandaises à faire parvenir leurs commentaires sur l'éventuelle incompatibilité des dispositions de loi avec le droit communautaire. Ce télex annonçait d'autre part que si l'interprétation de la Commission s'avérait exacte, à savoir que les nouvelles dispositions excluaient les concurrents de la poste d'une partie du marché de courrier rapide, la Commission pourrait adopter une décision sur la base de l'article 90 paragraphe 3. Par courrier du 13 décembre 1988, les autorités néerlandaises ont fait parvenir le texte définitif de la loi, de même que les comptes rendus des débats parlementaires concernant la nouvelle loi.

Par lettre du 16 janvier 1989, les autorités néerlandaises ont par ailleurs répondu quant au fond aux questions de la Commission. Leurs arguments sont les suivants : le monopole légal est restreint à ce qui est nécessaire pour l'exécution du service postal universel, le courrier express mérite également une protection et le monopole existe depuis 1807. Le premier argument est traité en détail aux considérants (16) et (17). Le second argument n'est pas pertinent car la poste elle-même offre dans le cadre de son service EMS des conditions plus avantageuses que le tarif du courrier express. Elle concurrence donc elle-même ce service. Le troisième argument ne peut non plus être retenu, car l'ancienne législation date d'avant l'apparition des entreprises privées de courrier rapide et elle n'avait jamais été appliquée contre ces dernières.

II - APPRÉCIATION JURIDIQUE

L'entreprise concernée

(6) La poste néerlandaise - PTT-Post BV - est une entreprise de droit privé dont l'entièreté du capital est détenu par le PTT Nederland NV, également de droit privé mais dont le capital appartient à 100 % à l'État néerlandais. Elle a conclu un accord avec la poste d'autres États membres en vue de l'acheminement du courrier rapide vers et au départ de ces pays, sous la dénomination commerciale " EMS ".

Le service EMS s'adresse clairement à la même clientèle que le service de courrier rapide des entreprises privées. Par ailleurs, la PTT-Post BV continue de fournir le service de courrier express traditionnel.

(7) L'entreprise PTT-Post BV est une entreprise publique au sens de l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE, et les articles 2 et 12 de la loi postale ainsi que l'arrêté du 19 décembre 1988, qui réservent à cette dernière le droit exclusif sur la collection, le transport et la distribution de lettres jusqu'à 500 grammes, constituent des mesures au sens dudit article.

Article 86 du traité CEE

(8) Il ressort de l'article 90 du traité que les entreprises auxquelles un État membre a accordé des droits exclusifs au sens de cet article restent soumises aux règles de concurrence contenues dans l'article 86. Elles sont soumises aux dispositions de l'article 86 tant qu'il n'est pas démontré, en vertu de l'article 90 paragraphe 2, que l'application de celles-ci ferait échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.

Le marché géographique et le service en cause

(9) Les marchés concernés par la mesure étatique en cause sont celui des envois de lettres jusqu'à 500 grammes au départ du territoire néerlandais et celui, voisin mais distinct, des envois rapides de lettres au départ de ce territoire.

Le territoire concerné répond au critère de substantialité de l'article 86, étant donné l'importance économique relative du marché néerlandais par rapport à la Communauté.

Dans ce marché, et tel qu'il résulte des considérants (3) et (4), le service de courrier rapide est fourni dans des conditions de concurrence suffisamment homogènes en matière de prix, de caractéristiques et de besoins qu'il tend à satisfaire sur ce marché pour le distinguer des autres services.

Existence d'une position dominante

(10) Du fait de l'octroi du droit exclusif de collecter, transporter et distribuer toutes les lettres jusqu'à 500 grammes au départ des Pays-Bas, de placer des boîtes aux lettres et d'émettre des timbres-poste, l'entreprise PTT-Post BV dispose, tout comme la poste depuis 1954, d'une position dominante en ce qui concerne le service postal de base.

Ces droits exclusifs, qui ont pour effet qu'il ne peut y avoir de concurrence sur ce marché, fournissent à l'entreprise PTT-Post BV la possibilité de comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents, exclus du marché, et des consommateurs, qui ne peuvent s'adresser ailleurs pour le service de base.

Abus de position dominante

a) Extension d'une position dominante

(11) Constitue un abus de position dominante, au sens de l'article 86, le fait pour une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné de se réserver ou de réserver à une entreprise appartenant au même groupe une activité auxiliaire qui pourrait être exercée par une tierce entreprise dans le cadre des activités de celle-ci sur un marché voisin, mais distinct, au risque d'éliminer toute concurrence de la part de cette entreprise (3). Or, la nouvelle loi a pour effet de réserver à PTT- Post BV la partie du marché du courrier rapide relative aux envois traités pour une rémunération inférieure à 11,9 florins néerlandais où elle était, jusqu'à l'entrée en vigueur de cette loi, en concurrence avec les entreprises privées de courrier rapide.

La loi du 26 octobre 1988 et l'arrêté du 19 décembre 1988 étendent ainsi cette position dominante de PTT-Post BV au marché du courrier rapide qui est distinct de celui du service de base. Sur ce marché, PTT-Post BV dispose dorénavant non seulement d'une position dominante du fait de son infrastructure couvrant l'ensemble des Pays-Bas, mais également parce que la loi interdit à ses concurrents sur ce marché de fournir le service de courrier rapide pour moins de 11,9 florins néerlandais, lui réservant ainsi toute une partie de ce marché.La concurrence sur la partie résiduelle de ce marché n'exclut pas cette position dominante. L'entreprise PTT-Post BV peut en effet ne pas tenir compte dans sa stratégie de marché de cette concurrence sans pour autant subir des effets préjudiciables de cette attitude. En l'occurrence, l'entreprise PTT-Post BV pourra déterminer sans contraintes sa stratégie vis-à-vis des gros clients en matière de courrier rapide, car ses concurrents ne pourront offrir de ristournes au-dessous du minimum légal.

b) Imposition de prix et de conditions non équitables

(12) Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, de nombreuses entreprises faisaient appel aux services des entreprises privées de distribution du courrier rapide. Elles estimaient que les services de la poste correspondaient moins, du fait de leur prix ou de leur qualité, à leurs besoins en la matière. Ces entreprises n'ont actuellement plus le choix entre les services de la poste et les services des entreprises privées pour leur courrier rapide jusqu'à 500 grammes de la catégorie de prix jusqu'à 11,9 florins néerlandais. La loi leur impose d'avoir recours aux services de courrier rapide de PTT-Post BV aux conditions fixées par celle-ci, qu'elles correspondent ou non à leurs besoins.

c) Limitations de l'offre

(13) La nouvelle mesure affectera négativement le nombre de prestataires et la qualité du service. En effet, depuis que les entreprises privées de courrier rapide ne peuvent plus fournir ces services à un tarif inférieur à 11,9 florins néerlandais, leurs clients ne disposent plus de services d'une même qualité, vu que la poste néerlandaise et son service EMS n'offrent pas encore un service de courrier rapide d'une rapidité et d'une fiabilité comparables. Ils subissent, dès lors, un préjudice certain, car s'ils veulent continuer à bénéficier de ce service, il leur en coûtera au moins 11,9 florins néerlandais par envoi, au lieu du tarif inférieur appliqué jusqu'alors.

(14) En outre, cette mesure empêche les concurrents de la poste en matière de service de courrier rapide de plus de 500 grammes d'offrir une gamme complète de services de courrier rapide et, dès lors, les désavantage par rapport à la poste. En effet, la poste néerlandaise peut tirer profit du fait qu'elle est la seule à pouvoir fournir les services à un prix inférieur au minimum pour offrir à ses clients les autres services à un prix proche de leur coût marginal, tandis que ses concurrents devront imputer intégralement tous les frais de collection et de transport aux seuls services hors monopole. En réservant le marché du courrier rapide d'un prix inférieur au minimum réglementaire à la poste, les Pays-Bas instaurent une discrimination même dans les services qui ne sont pas réservés.

D'autre part, la seconde condition imposée aux concurrents de la poste dans le marché du courrier rapide pour pouvoir continuer de fournir leur service, à savoir de fournir un service supérieur à celui de PTT-Post BV, ne discrimine pas seulement ces concurrents mais les place également dans une situation d'insécurité juridique. En effet, bien qu'actuellement le service des entreprises privées de distribution de courrier rapide diffère dans la plupart des cas qualitativement de celui de la poste, il est possible que dans l'avenir le service de la poste chargé du courrier rapide EMS atteigne un niveau de qualité comparable. En vertu de la nouvelle loi, les services des entreprises privées de courrier rapide seraient à ce moment interdits au départ des Pays-Bas, sauf pour les envois de plus de 500 grammes.

Effet sur les échanges entre États membres

(15) Pour qu'une mesure soit considérée comme portant atteinte aux échanges entre les États membres, il n'est pas nécessaire d'établir concrètement ses effets actuels sur le volume de ces échanges il suffit, selon les termes mêmes des articles 85 et 86 du traité, qu'elle soit susceptible d'affecter le commerce entre les États membres. Or, il est indéniable que, en réservant à une seule entreprise le courrier rapide jusqu'à 500 grammes à un prix inférieur à 11,9 florins néerlandais vers d'autres États membres, le gouvernement néerlandais a pris des mesures susceptibles d'affecter le service de courrier rapide entre États membres. D'ailleurs, même si la restriction ne visait que le courrier rapide vers des destinations à l'intérieur des Pays-Bas, cette mesure aurait des effets pour les entreprises concurrentes établies dans d'autres États membres en ce qui concerne la prestation de services aux Pays-Bas. En effet, l'interdiction faite aux entreprises d'autres États membres, qui délivrent des envois aux Pays-Bas, de transporter entre leurs clients néerlandais tout envoi dorénavant réservé à PTT-Post BV limite leurs possibilités d'amortir les coûts de collecte et de distribution aux Pays-Bas au moyen des recettes du transport de courrier entre leurs clients aux Pays-Bas. Elle les empêche d'autre part de continuer d'avoir recours à des sous-traitants néerlandais pour la collecte et la distribution de lettres aux Pays-Bas ou, du moins, rend le service de ces sous-traitants plus coûteux. Cette interdiction est de nature à faire obstacle à l'offre de courrier rapide en provenance des pays limitrophes ou de rendre ce service plus onéreux.

Article 90 paragraphe 2 du traité CEE

(16) La distinction opérée dans la législation néerlandaise entre, d'une part, le service réservé et, d'autre part, les autres services postaux viserait à garantir la qualité du service général. En opérant cette distinction le gouvernement néerlandais a voulu préciser ce qu'il considère comme service d'intérêt économique général et ce qui ne l'est pas. D'après le traité CEE, la Commission se doit d'apprécier une telle délimitation au regard de l'article 90 paragraphe 2. En vertu de cet article, les règles du traité et, en particulier, celles de la concurrence s'appliquent aux services postaux sauf si ces règles font échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. La charge de la preuve de cet effet d'une application des règles du traité incombe à l'État membre.

(17) En l'occurrence, les Pays-Bas justifient l'extension de la position dominante des postes par la nécessité de garantir des recettes suffisantes à la poste afin de lui permettre de s'acquitter de la mission qui lui a été impartie. La concurrence des entreprises privées de courrier rapide vis-à-vis du service de courrier rapide des postes risquerait de ne laisser à la poste que les destinations financièrement moins intéressantes. La poste néerlandaise a augmenté ses bénéfices de 9 à 130 millions de florins néerlandais de 1986 à 1987, toujours malgré cette concurrence. Dans le passé, la poste a réalisé un chiffre d'affaires annuel en matière de courrier rapide d'environ 40 millions de florins néerlandais malgré la concurrence des entreprises privées de courrier rapide. En ce qui concerne le courrier express traditionnel, cette concurrence n'a pas empêché un accroissement des envois de 3,5 millions en 1983 à 4,7 millions en 1987.

Il n'est donc pas démontré que le maintien de la situation concurrentielle existant jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi portait atteinte au service postal de base et que la mesure en question soit décisive pour l'équilibre financier de la poste. La nécessité d'étendre la position dominante de la poste au marché du courrier rapide, pour elle d'importance secondaire ne constitue pas une nécessité objective justifiant l'élimination de la concurrence sur ce marché.

En réalité, la poste dispose déjà d'avantages non négligeables pour l'exercice de cette mission.Elle dispose du droit exclusif de placer des boîtes aux lettres et d'émettre des timbres-poste. Elle est affranchie des obligations découlant de la loi sur le transport par route (wer autovervoer goederen) et de l'arrêté sur la durée des trajets (rijtijden besluit). Elle réalise des économies d'échelle par l'utilisation de son personnel et de son infrastructure pour les différents services et répercute celles-ci dans ses tarifs notamment par l'octroi de ristournes sur les tarifs du service EMS.

Par ailleurs, PTT-Post BV résiste actuellement très bien à la concurrence des entreprises privées. Elle n'est en effet pas obligée d'offrir ses services sur l'ensemble des Pays-Bas à un tarif identique. Elle pratique des ristournes importantes dont la compatibilité avec l'article 86 du traité CEE semble dans certains cas douteuse (4). L'entreprise PTT-Post BV peut ainsi, tout comme ses concurrents privés, tenir compte des différences de coûts pour fixer ses tarifs. Il n'est donc pas établi que la mission d'intérêt général se répercute de telle manière sur la structure tarifaire (5) de l'entreprise PTT-Post BV qu'elle puisse échapper en matière de courrier rapide aux contraintes des règles de concurrence.

(18) Compte tenu de ce qui précède, le maintien du régime concurrentiel existant jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi n'est pas de nature à faire échec aux obligations de service public que le gouvernement néerlandais a imposées à la poste. Le monopole de PTT-Post BV sur le service postal de base, qui n'est pas remis en cause par la présente décision est, à l'heure actuelle, amplement suffisant pour garantir le maintien des obligations de service public sans affecter les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Les dispositions des articles 2 et 12 de la loi néerlandaise du 26 octobre 1988 relative à l'exécution du service postal conjointement avec celles de l'arrêté d'application du 19 décembre 1988, qui réservent le service rapide de collection, transport et distribution de lettres jusqu'à 500 grammes à un prix inférieur à 11,9 florins néerlandais pour le service vers des destinations au sein de la Communauté et à 17,5 florins néerlandais pour les destinations hors Communauté, ainsi que l'obligation de faire enregistrer préalablement les tarifs, imposée par l'arrêté du 12 mai 1989, sont incompatibles avec l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE en liaison avec l'article 86 dudit traité.

Article 2

Les Pays-Bas informent la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'ils ont prises pour se conformer à la présente décision.

Article 3

Le royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision.

(1) Staatsblad 1988, 605.

(2) Staatacourant, du 8 juin 1989, n° 109.

(3) Arrêt du 3 octobre 1985, affaire 311-84, CBEM/CLT et IPB, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1985, page 3 278, point 27 des motifs.

(4) Voir arrêt du 13 février 1979, affaire 85-76, Hoffmann-La Roche contre Commission, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1979, page 461 (points 49, 102 et suivants des motifs).

(5) Voir arrêt du 11 avril 1989, affaire 66-86, Ahmed Saeed Flugreisen contre Commission, non encore publié.